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ENCYCLOPÉDIE.
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DICTIONNAIRE RAISONNÉ
BJË.S SCIJËWCMS,
DES ARTS ET DES METIERS-
NOUVELLE ÉDITION.
TOME TREIZIEME.
£ye <ii^*J@tWrTTTr-r-.Tm-T-r I iiiri ilgâ
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ENCYCLOPEDIE,
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DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES METIERS,
PAJi UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES.
Mis en ordre & publié par M. DIDEROT; Se quant à la Partie
Mathématique, par M. D'ALEMBERT.
Tantum feries junâuraque pollet ,
Tantum de medio fumptis accedit honoris ! HoRAT.
TROISIEME ÉDITION.
g:ift 1 1 III "'j^^h^ , !■■ ,i„ ■• W9.
TOME TREIZIEME.
AGE NE V E,
Chez Jean-Léon ARD Pellet, Imprimeur de la République.
A NEUFC HATE L,
Chez la Société Typographique.
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DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DE S S CIEN CES,
DES ARTS ET DES METIERS.
ESP
ESP
SPECE, f. f. {Mh.) notion
univerfelle qui fc forme par
l'abftradion des qualités qui
font les mêmes dans les indivi-
dus. En examinant les individus,
& les comparant entr'eux , je vois certains
endroits par où ils fc refl'emblent ; je les
fépare de ceux en quoi ils différent ; & ces
qualités communes, ainfi féparées, forment
la notion d'une efpcce , qui comprend le
nombre d'inciividus dans lefquels ces qua-
lités fe trouvent. La divifion des êtres en
genre & en efpece , n'eft pas l'ouvrage de la
philofophie ; c'ert celui de la néceffué. Les
hommes (entant qu'il leur feroit impoffible
de tout reconnoître vc diftinguer, s'il falloit
que chaque individu eijt la dénomination
particulière & indépendante , fe hâtèrent de
former ces clalTes indifpenfables pour l'ufa-
ge , & edentielles au raifonnement ; mais
h la pliilofophie n'a pas inventé ces notions,
c'efi: elle qui les épure , & qui , de vagues
qu'elles font fréquemment dans la bouche
du vulgaire , les rend fixes & déterminées ,
en fuivant la mérhode des géomètres, autant
qu'elle eft applicable à des êtres réels &
phyfiques, dont l'elTènce n'eft pas accelTible
comme celle des abftradions & des notions
univerfciles.
La définition de l'efpece exprime ordinai-
rement celle du genre qui lui eft fupérieur ,
& les nouvelles déterminations qui par cette
6 ESP
raifo!! font appeUées fpédfi.yues. En fairant \
attention à la produârion , ou génération
des figures , les géomètres découvrent &
démontrent la poirib'lité de nouvelles
efpeces. Ce font les qualités ellentielles & les
attributs qui fervent à diterminer les tfpeces;
niais à leur défaut, les poiïibihtés des modes
entrent auffi dans ces déterminations. Eu-
clide définit d'abord la figure comme le
fenre fuprême , enfuite , après avoir donné
idée du cercle , il pa!le aux figures reéli-
lignes, qu'il confidére comme un genre infé-
rieur. De-là , continaant à defcendre , il
divife les figures reftilignes en trilateres ,
quadrilatères , Sc multilarcrcs. Les figures
trilateres fe divifent de nouveau en cquila-
térales , ifofceles , fcalcnes , 6c. les quadri-
latères en quarré, rhombe , trapèze , &c. Il
s'en faut bien que cette précifion puifle
régner dans le développement des fujets
réels & phyhques. On n'en connoîtque l'c-
corce, & il faut en détacher, le mieux qu'il
eft poiîîble , ce qui paroît le plus propre à
les caraftcrifer. Or , faute de connoître l'ef-
fence de ces (^.ijets , on ne fuit pas la même
route dans leurs définitions , & de-là dans
toutes les fciences , ces difputcs &: ces em-
barras inconnus aux géoniittrcs , entre Ici-
quels les coruroverfes ne fiuroient cxifter ,
ou du me i'is ne fauroient durer. Jettez au
contraire les yeux fur toute autre fcience ;
par exemple , fur la botanique , les défini-
tions y font des dcfcriptions d'êtres compo-
fés, dont on dénombre les parties, & dont on
indique Parrangem.ent Sc la figure. Chaque I
botanille choifilfant ce qui le frappe le plus,
vous ne recor.noîtrez pas la même plante
décrite par deux d'entr'eux , au lieu que la
notion du triangle ou du quarré eft invaria-
ble entre les mains de quelqi'.e géomètre
que ce foit. Néanmoins , comme nous n'a-
vons, ni ne pouvons rien efpérer de meilleur
que ces dcfcriptions des fujets phyiiques ,
on doit travailler à les rendre de plus en plus
complètes & diftinftcs, pirlesobfcrvations
& par les expériences ; fur quoi vojej
BOïAN!CiT/H , MÉTHODE , ^-V.
Les fujets qui ont les mêm.es attributs
propres , & les mêmes pofilbilités de mode,
le rapportent à la morne eCpecs. Dans les
êtres compoC'S , les qualités des parties ,
& la manière dont ces parties font liées ,
ESP
fervent à déterminer les efpeces. f^oyei plus
bas Espèce , ( Hiji. nat. ) Article de M.
FORMBY.
Espèce , en Arithmétique; il y a dans cette
fcience des grandeurs de même efpece , &C
des grandeurs de différente efpece.
Les grandeurs de même ejpece font dé-
finies par quelques - uns , celles qui ont
une même dénomination : ainfi i piés & 8
pies font des grandeurs de même efpece.
Les grandeurs de différente efpece , félon
les mêmes auteurs , ont des dénominations
différentes ; par exemple , 5 piés &: 5 pouces
font des grandeurs de différente efpece. (E)
On définira plus exactement les grandeurs
de différente ejpece , en difant que ce font
celles qui font de nature différente ; par
exemple , l'étendue 5c le temps , i z heures
&c II toiles font des grandeurs de différen-
te efpece ; au contraire , i i heures & 1 1 mi-
nutes d'heure (ont de la même efpece.
On ne fauroit multiplier l'une par l'autre
des quantités de même efpece , dans quel-
que fens qu'on prenne cette expreflion ;
on ne peut multiplier des piés par des piés ,
ni des toifes par des heures. Voyc[-en la
raifon ûu mot Multiplication. On peut
divilèr l'une par l'autre des quantités de
différente efpece , prifes dans le premier fens :
par exemple , 1 1 heures par 3 minutes
{voyc:^ Division) ; mais on ne peut divifer
l'une par l'autre des quantités de différente
f/aeire, prifes dans le fécond fens ; par exemple,
des toifes par des heures. Voye^ Abstrait,
Concret , &-c.
On dit qu'un triangle eft donné à'efpece ,
quand chacun de fes angles eft donné : dans
ce cas , le rapport des côtés eft donné aulïî }
car tous les triangles équiaiigles (ont lem-
blables ( voye^ Triangle & Semblable ).
Pour qu'une autre figure reddignc quel-
conque foit donnée à'efpece , ij f;^ut non-
feulement que chaque angle foit donné ,
mais aulTi le rapport des côtés.
On dit qu'une courbe eft donnée à'efpece,
i". dnis un fens plus étendu , lorfque la na-
ture de la courbe eft connue , lorlqu'on
fait , par exemple , fi c'eft un cercle , une
parabole , &c. i°. dans un fens plus déter-
miné , lorfque la nature de la couibe ell
connue , & que cette courbe ayant plu-
ficurs paramètres , on connou le rapport
ESP
de ces paramètres. Ainfi une ellipfe efl:
donnée d'cfpece , lorfqu'on connoîc le rap-
port de fcs axes ; U en efl: de même d'une
hyperbole. Pour bien entendre ceci , il faut
fe rappeller que la conftruârion d'une courbe
fuppofe toujours la connoillknce de quel-
ques lignes droites confiantes qui entrent
<ians l'équation de cette courbe , ik qu'on
nomme paramètres de la courbe ( voyez Pa-
RAMETRF. ) Les coui bes qui n'ont qu'un
paramètre, comme les cercles , les parabo-
les j font toutes ièmblablcs i & fi le para-
mètre eft: donné, la courbe tfi; donnée d'e/^
pece& de giandeur: les courbes qui ont plu-
sieurs paramètres , font femblables quand
leurs paramètres ont entr'cux r.n même
rapport. Ainlî deux elliples , dont les axes
font entt'eux comme m tit à n , font fem-
blables , &c l'ellipfe fft donnée à'efpece quand
on connoît le rapport de fes axes. Voye^
Semblable & Paramètre. (O )
ESPECE ( changement d' ) -Agric. c'eft; la
culture alternative de différentes efpeces de
plantes qu'on confie au même terram.
Il y a des plantes dcftinées par l'auteur
de la nature à reffcrrer & à raffermir la
terre , & d'autres à l'ouvrir & à la diviler.
Les plantes à racines fibreufes fe partagent
en petits filets ou radicules , qui s'étendent
dans toutes lesdireélions, mais fur-tout ho-
rizontalement. Les plantes à pivot pouflènt
perpendiculairement une grande tige , ac-
compagnée de radicules latérales. Les pre-
mières , dans laquelle claffe on met tous
les grains , tels que le fcigle , confolident
la terre : au lieu que les autres , parmi Icf-
quelles on range les plantes légumineufes ,
les carottes , navets , ôc. divifent &c atté-
nuent extrêmement la terre. Souvent même
les trèfles font jettes tout-à-fait hors de terre
après la gelée.
Cet effet provient de la nature des ra-
cines. Les racines fibreufes doivent lier &
refferrer la terre comme autant de petites
cordes ; au lieu que les plantes pivotantes
s'enfoncent dans la terre comme des coins ,
& par cette force mécanique l'ouvrent &
la divifent. Peut-être ces dernières plantes
opérent-elles encore , en donnant par leurs
racines plus d'humidité à la terre , qu'elles
tiennent par-là beaucoup plus meuble. Il
paroîtque quçique$-viiiïs eut cetK propriété,
ESP 7
, Un p;é de mente qui a une partie de fes
i racines dans l'eau 6c les autres en terre ,
j humefVe la terre par ces racines fclon l'ex-
j périer.ce de Tull. Les plantes légumincu-
, fcs , en couvrant la terre de leurs feuilles ,
la tiennent humide , empêchent le foïcil
de la confolider , & dctruifent les mauvai-
fes herbes qui la rcffcrrent : c'eft par cette
raifon que le changement d'efpece amélio-
re les terres. Quand une terre eft fouvent
enfcmencée de blés & autres grains , elle
ic condenfe trop. Une récolte de pois ,
de fèves , de navets , l'atténue & la pul-
vérife.
Les fermiers ont appris par expérience
que routes les plantes à racines fibreufes
appauvriffent la terre , & qu'elles réuff fient
mal quand elles le fuccédent immédiate-
ment les unes aux antres. Au contraire les
plantes à pivot fertilifent la terre , & elles
peuvent être femées avec fuccès les unes
après les autres. C'efl que ces dernières ,
en ouvrant la terre , donnent un libre
pafîage à l'air pour y pénétrer plus avant ,
& par conféquent favorifent la produ6tioii
de la nourriture végétale : au lieu que les
premières , en confolidant la terre , empê-
chent en partie l'influence de l'air, & ren-
dent le fol moins fertile.
U a été obfervé que non-feulemcnt le
changement d'efpece efl; nécellaire , mais mê-
me celui du grain : le même grain femé
dans la même terre y dégénère. Ceci vient
d'une autre caufe. Il arrive fans doute ra-
rernent que la nourriture végétale fe trouve
mélangée dans toutes les proportions qu'il
faudroit , & qu'elle ait précifément la con-
fîftance qui convicndroit le mieux. Les ter-
res étant ordinairement trop feches ou trop
humides , trop légères ou trop compaélcs,
la nourriture végétale doit être auiîl trop
légère & trop humide , ou trop épaiffe &
trop gluante. Les végétaux doivent donc
fouffrir de recevoir toujours la même for-
te de nourriture , & ne peuvent fe refnre
que dans une terre qui ait des qualités op-
poses. (-)-)
Espèces IMPRESSES,, 02/ Espèces visibles,
font , datu l'ancienne Plulcfuphie, les imaaes
des corps que la lumière pro:!uit , & peint
lians leur vrsie prcpordon t< couleur au
fond de l'ceiL
8
ESP
Les anciens ilonnoienc ce nom à certai-
nes images qu'ils lupporoient s'élancer des
corps , ik venir frapper nos yeux. Ils n'a-
voient aucune idée de la façon dont les
rayons de lumière viennent fe réunir dans
le fond de l'œil , & y prendre l'image des
objets, yoyc^ Vision.
Les fedateurs d'Ariftote s'imaginoient
que ces images croient immatérielles , 5c
que cependant elles agilloient fur nos or-
ganes. Selon le fyl^ême des philofophes mo-
dernes , ce n'cil point l'image qui agit lur
nos yeux ; car elle n'eft qu'une peinture ou
une efpece d'ombre ; mais ce (ont les rayons
qui la forment par leur réunion , qui ébran-
lent les fibres de la nature , & cet ébranle-
ment , communiqué au cerveau , eft iuivi de
la leniation de la vue.
Commue l'Encyclopédie eft en partie l'hif-
toire des opinions des hommes , voici une
expofition& une réfutation abrégée dufyftê-
me des anciens lur les efpeces. Celles qne
les objets impriment dans les iens extérieurs,
font par-là même appellées efpeces imprej-
fes ; el!cs font alors matérielles &c fenl;bles ,
mais l'intellcd agent les rend intelligibles
&: propres à être reçues par l'intclleâ: pa-
tient : ces efpeces ainlî Ipiritualiféts font ap-
pelk'es efpeces exprejfes , parce qu'elles font
exprimées des impreiTes ; & c'eft par elles
que l'inf.'llecft patient connoît toutes les
chofes matérielles. Lucrèce emploie tout le
IV livre de fon poëme à développer cette
hypothefe des fimulacres ou images , qui
comme autmt d'écorces & de membranes
découlent pL-rpétuellement de la furface des
corps , & nous portent leurs efpeces & leurs
figures.
l^uiic ûgcre incipiam tibi , quod vehementer
al has res
Atiinct , ejfc ea , quœ rerumfimulacra vo-
caniits j
Qux quaji rnembranx fummo de corpore re-
rurn
Dcrepcce volitant ultra chroque per auras.
V. :? 9 . 57. & plus bas , V. 46 . 50 .
D'co igicur rerum ejfigies , tcauijque fi-
Çurns.
Mittier ab relus fummo de corpore earum ,
Qucv quaji membrana vel cortex nominitan-
dacjî,
ESP
Quod fpeciem , eut formam fimilem gerh
ejus imago, &c.
Divcrfes raifons détruifent entièrement
cette hypothefe.
1". L'iinpétnérabilité des corps. Tous les
objets, comme le foleil , les étoiles, & tous
ceux qui font proches de nos yeux , ne peu-
vent pas envoyer des efpeces qui foient d'au-
tre nature qu'eux : c'eft pourquoi les phi-
lofophes diient ordinairement que ces ef-
peces font grolTieres & matérielles , pour
les diftinguer des efpeces exprelles qui font
fpiritualilées: ces efpeces imprelVes des objets
font donc de petits corps ; elles ne peuvent
donc pas fe pénétrer , ni tous les efpaces
qui iont depuis la terre julqu'au ciel , lef-
quels en doivent être tous remplis : d'où
il eft facile de conclure qu'elles devroienc.
fe froilfer &c fe brifer les unes allant d'un
coré , & les autres de l'autre , &; qu'ainfi
elles ne peuvent rendre les objets vilibles.
De plus , on peut voir d'un même endroit
& d'un même point un très-grand nom-
bre d'objets qui font dans le ciel & i'ur la
terre : donc il faudroit que les efpeces de
tous ces corps pulTent le réduire en un
point. Or elles font impénétrables , puif^
qu'elles font matérielles : donc , £"c. Mais
non-feulement on peut voir d'un même
point un nombre immenfe de très-grands
& de très-vaftes objets ; il n'y a même au-
cun point dans tous ces grands efpaces du
monde d'où l'on ne puilTe découvrit un
nombre prefque infini d'objets & même
d'objets aufïi grands que le foleil , la lune &
les cieux : il n'y a donc aucun point dans
l'univers où les efpeces de toutes ces chofes
ne duflent fe rencontrer ; ce qui eft contre
toute apparence de vérité.
i°. Le changement qui arrive dans les
efpeces. Il eft confiant que plus un objet eft
proche , plus V efpece en doit être grande ,
puifque (ouvent nous voyons l'objet plus
grand. On ne voit pas ce qui peut faire que
cette efpece diminue , & ce que peuvent
devenir les parties qui la compofo;tnt lorf-
qu'elle étoit plus grande. Mais ce qui eft
encore plus difficile à concevoir félon ce
fentiment , c'eft que fi on regarde un objet
avec des lunettes d'approche ou un miciof-
cope , \'ejpcce devient tout d'un coup cinq
OÙ
ESP
eu fix cents fois plus grande qu'elle nVtoic
auparavanc ; car on voit encore moins de
quelles putics elle peut s'accroître fi fort
en un inllant.
î°. La différence qu'il y a entre cer-
taines images & Us objets qui les renvoycnt.
Quand on regarde un cube parfait , toutes
les efpeces de Tes côtés font inégales , &
néanmoins on ne. laiife pas de voir tous
fcs côtés également quarrcs. Et de même ,
lorfque l'on confidere dans un tableau ,
fous un cerc lin point de vue , des ovales
& des parallélogrammes qui ne peuvent
envoyer que des efpsces de femblable figure ,
on n'y voit cependant que des cercles &
des quarrés : dc-là il s'enfuir évidemment
qu'il n'eft pas néceffiire que l'objet qu'on
regarde produife , afin qu'on le voie , des
efpeces qui lui fuient femblables.
4°. La diminution que les corps en de-
vraient foufirir. On ne peut pas concevoir
comment il fe peut faire qu'un corps qui
ne diminue pas fenhblement , envoie tou-
jours hors de foi des efpces de tous côtés ,
qu'il en remplifle continuellement de fort
grands efpaces tout à l'entour , & cela
avec une vîtelTe inconcevable : car un ob-
jet étant caché, dans l'inftant même qu'il
fe découvre on le voit de pluheurs lieues
& de tous les côtés î On répondra peut-
être que les odeurs font des émanations
qui n'aftoiblilTent point fenfiblcment le
corps odoriférant ; mais quelle différence
de ces émanations à celle de la lumière ,
pour l'étendue qu'elles occupent 5 Voye:^
Odeur. Et ce qui paroit encore fort
étrange , c'efl; que les corps qui ont beau-
coup d'a<flioii , comme l'air & quelques
autres , n'ont point la force de pouflcr
au dehors de ces images qui leur reflem-
blent 5 ce que font les corps les plus grof-
Tiers 5 & qui ont le moins d'aft'.on , com-
me la terre , les pierres , & preique tous
les coprs durs.
A ces difficultés prifes de ce qui fe paf-
fè au dehors , on en pourroit joindre d'au-
tres fur ce qui arrive intérieurement dans
la tranfmutation des efpeces imprcffes &
matérielles , en efpeces expreffes & fpiri-
tualifées. Ces diftinftions d'intelled agent
& d'intelled patient , &: cette multiplica-
tion des facultés attribuées au fens intérieur
Tome XIII,
ESP ^
&i à t'eiucndement , font autant de fup-
pofîtions gratuites fur lefquelles on ne peut
bâtir que des fyftêmes en l'air. Mais il
fefte fi peu de partifans de ces anciennes
chimères , qu'il feioit fuperfîu de s'y éten-
dre davantage. Fbje^ Malcbranche, rech.
de la vérité , liv. lll. pan. IL chap. ij. Cet
article eji tiré des papiers de M. FoRMET,
EspECF. , ( Hiji. nat. ) >. Tous les in-
M dividus femblables qui exiftent fur la fur-
" face de la terre , font regardés comme
" compofant Vefpece de ces individus ; ce-
» pendant ce n'cù. ni le nombre ni la col-
» lecftion des individus femblables qui
•> fait Vefpece , c'efl la fuccefïion conf-
» tante & le renouvellement non-inter-
» rompu de ces individus qui la confti-
" tuent : car un être qui dùreroit toujours
" ne feroit pas une efpece , non plus qu'un
•' million d'êtres femblables qui dureroicnt
" aulTi toujours, h'efpece eft donc un mot
" abflrait & général , dont la chofè n'exif-
" te qu'en conlidérant la nature dans la
" fuccefïion des teT.ps , & dans la deftruc-
" tion confiante & le renouvellement tout
>' aufli confiant des êtres : c'efl en com-
>» parant la nature d'aujourd'hui à celle des
" autres temps , & les individus actuels
>' aux individus pafles , que nous avons
>» pris une idée nette de ce que l'on ap-
» pelle efpece , & la comparai fon du nom-
" bre ou de la refTemblance des individus
>' n'efl qu'une idée accefToire , & fouvent
» indépendante de la première ; car l'âne
» reffemble au cheval plus que le barbet
» au lévrier , & cependant le barbet & le
" lévrier ne font qu'une même efpece, puif-
» qu'ils produifent enfemble des individus
» qui peuvent eux-mêmes en produire d'au-
» très ; au lieu que le cheval & l'âne font
» certainement de différentes e/^ecej, puif-
•> qu'ils ne produifent enfemble que des in-
" dividus viciés , & inféconds.
» C'efl donc dans la diverfitc cara6lé-
» riflique des efpeces, que les intervalles
» des nuances de la nature font les plus
" fenfibles & les mieux marqués ; on pour-
» roit même dire que ces intervalles en-
." tre les efpeces font les plus égaux &C les
>» moins variables de tous , puifqu'on peut
»> toujours tirer une ligne de feparation
' » entre deux efpeces, ç'eft-à-dire , cmrc
B
10 ESP
» deux fuccelïîoBS d'individus qui fe re-
« produifen: &c ne peuvent fe mêler ,
« comme l'on peut auiïl rcunir en une
w feule efptce deux fucceffions d'individus
» qui fe reproduifent en fe mêlanc. Ce
.; point eft le plus fixe que nous ayons
« en Hiftoire naturelle ; toutes les autres
». relTemblances & toutes les autres diffé-
M rences que l'on pourroit faifir dans la
» compiiraifon des êtres , ne feroient ni
» fi conftantes , ni il réelles , ni Ci cer-
>» taines
» L'cfpece n'étant donc autre chofe
»> qu'une fucceffion confiante d'individus
» iémblables & qui fe reproduilent , il
»> efl clair que cette dénomination ne doit
5> s'étendre qu'aux animaux & aux végé-
w taux , & que c'eft par un abus des ter-
» mes ou des îdées que les nomcnclateurs
» l'ont employée pour déiîgner les ditfe-
" rentes fortes de minéraux : on ne doit
« donc pas regarder le fer comme imeefpece,
» & le plomb comme une autre cfpece, mais
»> feulement comme deux métaux diffé-
w rens » M. de Buffbn , hijî. nat.
gen. & part. &c. tom. i// , pag. j8^ &
Espèces, ( Pharm. ) en latin fpecies. On
entend , en pharmacie , par cfpeces , diffé-
rentes drogues fimples mêlées enfemble,
&i dcftinées à entrer dans les d.coftions ,
dans les infuflons , & même dans les élec-
tuaires. C'eft ainfi qu'on dit cfpece de de-
coclum fudonftium , c/ptccsàe la confection
hyacinthe , cfpeces des tablettes diacanha-
mi , &c.
On donne auffi ce nom à plufieurs pou-
dres compofées , officinales ; ainli au lieu
(de dire la poudre de diarrhodon , on dit les
efpcces diarrhcdon , &c.
Les vulnéraires fuiflcs s'appellent encore
efpeces vulnéraires , &CC.
On donne auffi le nom de thé aux efpeces
qui font deftinées à être infulées ; ainfi on
dit thé vulnéraire, thécéphaliquc , thé pecloral ,
aufTi bien (\\x' ifpeces vulnéraires , efpeces cépha-
liques, efpeces peâor aies. (/»)
Espèces , ( Chymie. ) Quelques auteurs de
chyniic ont défigné par ce nom les produit
généraux de l'ancienne analyie , ou les fa-
mcuxprincipcsdeschymilteSj l'huile, le fcl,
fe"c. / oy. Principe, {il
ESP
Espèce , ( Jurifpr. ) lignifie quelquefois
le fait & les circonRances qui ont précédé
ou accompagné quelque choie : ainfi on
dit Vcfpcce d'une qucilion , ou d'un juge-
ment.
Efpece fignifie auilî quelquefois la chofe
même qui doit être rendue, & non pas une
autre Icmblable. Il y a des chofes fungibles
qui peuvent être remplacées par d'autres,
comme de l'argent , du grin , du vin , 6"c.
mais les choies qui ne font pas fungibles,
comme un cheval , un bœuf, doivent être
rendues en efpece; c'eft-à-dire , que l'on doit
rendre préciiément le même cheval ou bœuf
qui a été prêté.
Efpece, en flyle de palais , lîgnifîe aiiiTî
quelquefois de l'argent comptant : on dit paya-
ble en efpeces; on ajoute quelquefois jonnan-
tes , pour dire que le paiement ne le fera
point en billets. {A)
Espèces , ( Comm. ) ce font les ditTérentes
pièces de monnoie qui fervent dans le com-
merce , ou dans différentes aétions de la vie
civile , à payer le prix de la valeur des
chofes.
Il n'y a dans un état à'efpeces courantes ,
que celles autorifées par le prince ; Se le
droit d'en faire fabriquer n'appai tient qu'au
fouvcrain , & cft un droit domanial de la
couronne. Si anciennement divers fei-
gneurs , barons , & évêques , avoient droit
de faire battre monnoie , c'clt que lans
doute ce droit leur avoir été cédé avec la
jouiilance du fîef, ou qu'ils le polTédoientà
titre de fouveraineté ; ce qui lous les deux
premières races fut ioutrert dans le temps
foible de l'autorité royale , temps où s'é-
tablit le genre d'autorité nommé fufrai-
neié , efpece de feigneurie que le bon
droit eut tant de peine à dcttuire ,_ après
que le mauvais droit l'eut uilireé iî faci-
lement.
En 1161 , l'ordonnance iur le fait des
monnoies , dit que dans les terres où les
barons n'avoient point de monnoie , il
n'y aura que celle du roi qui y aura cours i
& que dans les terres où les barons au-
roient une monnoie , celle du roi aura cours
pour le même prix qu'elle auroit dans fes.
domaines.
Philippe-le-Bel commença à réduire les
hauts fcigneurs à vendre leur droit de batue
ESP
monnoîc , Se 1 cdit de i j 1 5 gêne fi fort la
fabrication , qu'ils y renoncèrent.
Philippe-le-Longfongeoit quand il .mou-
rut ( dit le préfide.it Hcnault ) à faire en-
fbrte qu; dins la France on fe fervît de
la même monnoie , & h. rendre les poids
te les mcfures unifornies. Louis XI eut
depuis la même penfce. yoyei^ Poids t"
MnstJREs.
Il n'appartient qu'à l'hiiloire de fixer le
temps où l'on a commencé à fabriquer les
différentes efpeces , de parler des matiè-
res & des marques en ufage dans les temps
reculés.
Le but de l'Encyclopédie n'eft que de
faire remarquer aux hommes les chofcs qui
fe partent fous leurs yeux ; fi l'on rappelle
celles qi-.i fe font paffées , ce n'eft que par
le rapport qu'elles oiit aux préfentes , ou
afin d'en faire une comparaifon qui opère
un avantage pour la réforme de ce qui fe
pratique. Il elt bon de fatisfaire la curiofité
des ledeurs , il eft mieux de les inftruire
utilement. Nous renvoyons donc à l'hiftoire
pour tout ce qui n'eft pas maintenant en
ufage. Il eft à propos cependant de parler
du florin, du parifis , & du tournois. La
première de ces efpeces étoit une monnoie
réelle quijétoit fort fuiet:e à varier d'autant
plus fbuvent , que les rois de France regar-
doient les droits qu'ils retiroient de ces mu-
tations comme une des principales bran-
ches de leurs revenus. En 1561 , le bon
florin , ou le florin de poids , valoir douze
tournois d'argent , le tournois quinze de-
niers tournois : donc le fîorin valoir cent
quatre-vingt deniers tournois , ou quinze
(bus tournois.
Le parilis n'eft plus qu'un terme qui f^g-
nifie le quart en fus. Ce nom vient de ce que
la monnoie réelle frappéeà Paris , valoir un
quart en fus plus que celle frappée à Tours.
Elle n'eft plus d'ufage ■■, nous n'en parlons
que pour faire entendre que lorfqu'on trou-
vera dans quelque ordonnance ce terme
employé , il flgnifie le quart en fus.
Le tournois étoit une monnoie frappée
à Tours ; elle n'eft plus monnoie réelle ,
elle eft maintenant de compte : on dit une
Uvre tournois, un fou tournois ; elle eft
moindre que le parifis d'un cinquième , c'eft
ESP n
celle qui eft en ufage aujourd'hui quant au
terme feulement.
Les efpeces qui ont cours en France fint
les pièces d'or, nomm'es ancienntmenc
écus. La fabrication des écus d'argent ne
fut ordonnée qu'en fepttmbre 164! ; &
lorfqu'avant ce temps on parle d'ccus , cela
veut dire des écus d'vr. C.e n'eft pas qu'avant
ce temps il n'y eîii des efpeces d'argent ; k
fabrication <les greffes ejpcccs d'argent avoit
commencé fous Louis XII , qui fit ouvrer
les gros teftons ; ils ont continué jiifqu'à
Henri III , lequel en interdifant leur fibri-
cation , ordonna en 1575 celle des pièces
de vingt fous, & en 1577 celle des pièces
de moindre valeur ; mais aucune n'étoic
nommée écu. Maintenant les pièces d'or
s'appellent /oM.'i , foit quadruples, doubles,
fimples , & demi- louis.
Les pièces d'argent nommées écus Jow^
b!es , que l'on appelle vulgairement gros
écus , font à fîx livres ; les écus fimples ou
petits écus , à trois livres ; les pièces de
vingt-quatre fous , celles de douze fous , &
de fix fous.
Les pièces de bas billon & de cuivre font
les fous & les liards.
Quant aux efpeces des villes commerçan-
tes de l'Europe , même des autres parties
du monde , voye^ le diclionnaire du commerce
au mot monnoie.
L'or , l'argent , & le cuivre , ont été pré-
férés pour la fabrication des efpeces. Ces mé-
taux s'allient enfèmble , il n'y a que le cuivre
qui s'emploiefeul; l'or s'allie avec l'argent &
le cuivre , l'argent avec le cuivre feulement;
& lorfque la partie de cuivre eft plus forte
que celle d'argent , c'eft ce qu'on appelle
bUlon. yoye^ Billon & Alliage.
En Angleterre on ne prend rien pour le
droit du roi , ni pour les frais de la fabrica-
tion , enforte que l'on rend poids pour
poids aux particuliers qui vont porter des
matières à la monnoie : cela a été pratiqué
plufieurs fois en France ; mais maintenant
on prend le droit de feigneuriage, on ajoute
le giain de remède. Fb^e^MoNNOvACH au
mot Monnoie.
Les efpeces ont différens noms , fùivant
leur empreinte , comme les moutons , les
angelots , les couronnes ; fuivant le nom
du prince , comme les louis , les henrij
B i
12 ESP
( fur quoi il faut remarquer ce qu'on lie dans |
lepr. Hénault,quela première tnonnoie qui
ait eu un bufte en France eft celle que la
ville de Lyon hc frapper pour Charles VIII,
& pour Anne de Bretagne j la ville d'Aquila
battit une monnoie en l'honneur de ce prin-
ce, dont la légende étoit françoife; ) fuivant
leur valeur , comme un écu de trois livres ,
une pièce de ving- quatre fous ; fuivant le
lieu où elles ont été faappées , comme un
parifis, un tournois.
Les efpeces ont deux valeurs, une réelle &
întrinfeque , qui dépend de la taille qui eft
fixée maintenant en France à trente louis au
marc, lequel marc monnoyc vaut , en met-
tant le louis vingt-quatre livres prix aétuel,
fept cents vingt livres , & pour les efpeces
d'argent à huit -jV écus au marc , qui vaut
monnayé , en mettant l'écu à lîx liv. prix
actuel , quarante-neuf livres fcize fous.
L'autre valeur eft imaginaire ; elle fe nom-
me valeur de compte , parce qu'il eft ordonné
par l'ordonnance de 1 667 de ne pas fe fer-
virdans les comptes d'autres dénominations
que de celles de livres , fous , & deniers :
cette valeur a eu beaucoup de variations ;
elle étoit d'abord relative à la valeur intrin-
feque : une livre lignifioit une livre pefint
de la matière dont il étoit queftion : un fou
étoit la vingtième partie du poids d'une
livre ; & le denier la douzième partie du
Ibu ; mais il y eut tant d'altération dans les
efpeces , que l'on s'eft écarté au point où l'on
eft à préfent. On lit dans le préildcnt Hé-
nault que le fou & le denier n'avoient plus
de valeur intrinlequc que les deux tiers de
ce qu'ils avoicnt valu fous iaint Louis ; il en
attribue la caulè à la rareté de Vefpece dans
le royaume appauvri par les croifades ; ce
qui ne contribuoit pas feul à augmenter la
valeur numéraire , attendu que précédem-
ment cette rareté étoit plus conlulérable, &
la valeur beaucoup moindre. On en trouve
.la preuve dans deux faits rapportés par le
même auteur fous le règne de Char!es-le-
Chauve. Vers l'an 857 , il y eut un édit qui
ordonna qu'il feroit tiré des coffres du roi
cinquante livres d'argent pour être répan-
dues dans le commerce , afin de réparer le
tort que les efpeces décriées par une nou-
velle fabrication avoient caufé. Le fécond
exemple eft que le concile de Touloufe,
ESP
ténu e» 84(3 , fixa à deux fous la contribu-
tion que chaque curé étoit tenu de fournir
à fon évêque , qui conhfloit en un minot
de froment , un minot de feigle , une
mefure de via , & un agneau ; &C l'évêque
pouvoir prendre à fon choix ou ces quatre
chofes , ou les deux fous. Suivant le pre-
mier exemple , lescinquante livres d'argent,
tirées des coffres du roi , doivent revenir à
4980 livres , ( en fuppofant la livre de feize
onces , il y a lieu de croire que fcmbiable à
la livre romaine , elle ne valoit que douze
onces , qui n'en Valoienr pas même douze
de notre poids de marc i ) iî cette fomme
étoit capable de rétablir le ciédit , il falloit
eftéétivement que l'argent fut bien rare :
au refte , fuivant le fécond exemple , deux
fous qui valoient tout au plus cinq livres
d'à préfent , payant un-minot de froment ,
un minot de feigle , une meiure de vin , &C
un agneau , montrent que peu d'argent pro-
curoit beaucoup de denrées ■■, d'où il faut
conclure que l'augmentation numéraire de
la valeur de compte , n'augmente pas les
richefTes ; on n'elt pas plus riche pour iivoir
plus à nombrer.
Nous ne nous étendrons point a détail-
ler les augmentations périodiques de la va-
leur des ejpeces ; nous renvoyons à la carte
des parités réciproques de la livre numé-
raire ou de compte , proportionnément à
l'augmentation arrivée fur le marc d'ar-
gent , drelFée par M. Derius , chef du bu-
reau de la compagnie des Indes", où l'on
peut voir d'un coup-d'œil la valeur refpec-
tive de la livre numéraire , fous les difté-
rens règnes depuis Chaïlemagne jufqu'à pré-
fent. /-^. au furplus , le diclion. de Commerce
au mot monnoie , où l'on a rapporté en dé-
tail les variations arrivées en France fur le
fait des monnoics tant d'or que d'argent ,
depuis le mois de Mai 1718, jufqu'au der-
nier Mars 1716.
En tout pays Vefpece d'or acheté & paie
Celle d'argent , & plulicurs efpeces d'argent
payent & achètent celle d'or , fuivant ôc
ainii que la proportion de l'or à l'argent y
eft gardée , étant loifible à chacun de payer
ce qu'il acheté en efpeces d'or ou d'argent,
au prix &à la proportion reçue dans le pays.
En France , cette proportion efl réduite Sc
fixée par édit du mois de Septembre 1714,
ESP
de 14 fous 7 environ , car il y .1 quelques
différences; 14 marcs t d'argenc valent
yzi livres z fous, & le marc d'or ne valut
que yzo livres comme nous l'avons dit ci-
delUis , ce qui fait une diftérence de deux
livres deux fous. Dans les autres pays
cette proportion n'ell: pas uniforme; triais
•en général la différence n'eft pas confidc-
rable.
Cette proportion diverfement obfervéc ,
fuivant les différentes ordonnances des prin-
ces, entre les villes qui commercent enlem-
ble, fait la bafe du pair dans l'échange des
monnoies. En effet, lî toutes les efpeces Se
monnoies écoient dans tous les états au
même titre & à la même loi qu'elles font
en France , Us changes feroient au pair ,
c'eft-à-dire , que l'on recevroit un écu de
5 liv. dans une ville ccrangcre , pour un écu
que l'on aurait donné à Paris ; li le change
produifoit plus ou moins , ce Itroit un effet
<le l'agiot &: une fuite nécellaire de la rareté
ou de l'abondance des lettres ou de l'argent,
ce qui n'eft d'aucune conddération , atten-
du que II aujourd'hui les lettres fur Paris
font rares , elles le feront un autre jour lur
Amilerdam , ainlî des autre villes : au lieu
que l'on perd lur les remiles qui fe font dans
les pays étrangers où l'argent ell: plus bas
qu'en France. On veut remettre, par exem-
ple , cent écus , monnoie de France , à
trois liv. à Amilierdam , en luppofant le
changea 51 deniers de gros, on ne rece-
vra que 150 livres; parce que 51 deniers
de gros ne font que vmgt-fix fous , & qu'd
y a trente- quatre fous de diftérence par
écu : il au contraire on veut faire payer à
Paris 100 ccus de trois livres, & qu'on en
remetre à AmiterJam la valeur en efpeces
courantes audit lieu , en (uppolantle change
au même prix , il n'en coûte que jioo den.
de gros, qui divifcs par cinquante - deux ,
donneront à recevoir à Paris 1 00 écus valant
5C0 livres.
La réduction en monnoie de France de
diftérentes efpeces qui ont cours dans toutes
les villes de commerce el^ faite en tant d'en-
droits , qu'il ell: inutile de repéter ce que
l'on trouve dans le dicl::onnaire de commer-
ce , le parfait négociant de Savary , la
bibliothèque des jeunes ncgocians par M.
Delarue, le traité des changes étrangers
ESP ij
par M. Dcriiis , & bcauco p tl'auircs livr.-s
qui font entre les miins de tout lî monde.
Cet article eji dz M, DIT F OU n..
De !a circulation , du firhaiijfemcnt , & di
l'abaijf.ment dis efpeces. Tout ce qui fuit efl:
tire (.lu traité des élémens du commerce ie M,
de Forboney ; ouvrage dont il avoit deftin;
les matériaux à l'Encyclopédie , & qu'il a
publié féparément, afin d'en étendre encore
davantage l'utilité.
La multiplication des befoins des hom-
mes par celle des denrées, introduilit dans
le commerce un changement qui en fait la
féconde époque. V. l'article CojrMF.RCH.
Les échanges des denrées cnti 'elles étant de-
venus impolfibles , on chercha par une con-
vention unanime quelques iîgnes des den-
rées , dont l'échange avec elle fi\t plus com-
mode , & qui puffent les reprélenter dans
leur abfence. Afin que ces lignes fulTenc
durables 3c fufceptibles de beaucoup de di vi-
fions fans fe détruire , on choilît les mé-
taux , & parmi eux les plus rares pour en
faciliter le tranfport. L'or , l'argent & le
cuivre , devinrent la repréfentation de tou-
tes les chofes qui pouvyicnt être vendues Sc
achetées. FI les art. Or, Argent, Cui-
vre 6' Monnoie.
Alors il (e trouva trois fortes de richeffes.
Les richeilès naturelles , c'elt-à-dire , les
produdions de la nature; les richeffes arti-
ficielles ou les produélions des l'indulbie des
hommes ; & ces deux genres font compris
fous le nom des richeffes réelles ; enfin , les
nchcffes de convention, c'eft-.i-dire , les
métaux établis pour repréfen.tcr les richeffes
réelles. Toutes les denrées n'étant pas d'une
égale abondance , il eft clair qu'on dévoie
exiger en échange des plus rares , une plus
grande quantité des denrées abondantes.
Amli les métaux ne pouvoient remplir leur
office de figne , qu'en le fubdivifant dans
une infinité de parties.
Les trois métaux reconr.us pour figncs des
denrées ne le trouvent pas non plus dans la
même abondance. De toute comparailbn
rélu'te un rapport; ainfi un poids ^égal de
chacun des métaux devoit encore néceffai-
remenc être le figne d'une quantité inégale
des mêmes denrées.
D'un autre côté , chacun de ces métaux
tel que la nature le produit , n'cfl pas to«-
14 E S P ^
jours cgalementparfaic;c'efl:-à-dîre, qu'il
enrre dans fa compofition plus ou moins de
parties hétérogL'nes. Audi les hommes en
rcconnoiirant ces divers degrés de finelTe ,
convinrent-ils d'une expreffion qui les indi-
quât.
Pour la commodité du commerce, il con-
venoit que chaque portion des difFérens
métaux fût accompagnée d'un certificat de
fa fineife & de fon poids. Mais la bonne
foi diminuant parmi les hommes à mefure
que leurs defirs augmentoient , il étoit né-
ceflaire que ce certificat portât un caraftere
d'authenticité.
C'eft ce que lui donna chaque légiflateur
dans fa fociéié , en mettant fon empreinte
fur toutes les portions des divers métaux:
& ces portions s'appellerent mennoie en gé-
néral.
La dénomination particulière de chaque
pièce de monnoie fut d'abord prile de fon
poids. Depuis, la mauvaile foi des hommes
le diminua ; & même les princes en retran-
cherePit dans des temps peu éclaires où l'on
féparoit lei.ir intérêt de celui du peuple &
de la confiance publique. La dénomination
relia, mais ne fut qu'i'léale; d'où vint une
diftinélion entre la valeur numéraire ou la
manière de compter , Se la valeur intrinfe-
que ou réelle.
De l'authenticité requifè pour la fureté
du commerce, dans les divifions de métaux
appellées monnoies , il s'enfuit que le chef
de chaque fociété a feul droit de les faire
fabriquer , & de leur donner (o\\ em-
preinte.
Des divers degris de finefTe & de pefan-
teur dont ces divifions de métaux font (uf-
ceptibles , on doit conclure que les mon-
noies n'ont d'autre valeur intrinfeque que
leur poids & leur titre; auffi eft-ce d'après
cela feul que les diverles locictés règlent
leurs paiement entr'elles.
C'efl-à-dire , que fe trouvant une iné-
galité dans l'abondance des trois métaux ,
& dans les divers dcnrés de finelfe dont
chacun d'eux eft fufceptible , les hom-
mes font convenus en général de deux
chofes.
i'\ De termes pour exprimer les parties
(le la plus grande firelfe dont chacun de ces
mécau» foit fufceptiblc,
ESP
i". A fineflfj égale de donner un .plus
grand volume les moins rares en échange
des plus rares.
De ces deux proportions , la première efl;
déterrninée entre trus les hommes.
La féconde ne l'eft pas avec la même pré-
cifion , parce qu'outre l'inégalité générale
dans l'abondance rcfpedtive des trois mé-
taux, ily en a une particulière à chaque pays.
D'où il réfulte que les métaux étant (uppofés
de la plus grande finefle refpeélive chez un
peuple , s'il échange le métal le plus rare
avec un plus grand volume des autres mé-
taux , que ne le font les peuples voifins,
on lui portera ce métal rare en aiïez grande
abondance, pour qu'il foit bientôt dépouil-
lé des métaux dont il ne fait pas une elHme
proportionnée à celle que les autres peuples
lui accordent.
Comme toute {ociété a des besoins exté-
rieurs dont les métaux font les fignes ou les
équivalens ; il efl: cl ur que celle dont nous
parlons , paiera fes befoins extérieurs relati-
vement plus cher que les autres fociécés ; en-
fin qu'elle ne pourra acheter autant de cho-
fes au dehors.
Si elle vend , il efl: également évident
qu'elle recevra de la chofe vendue une va-
leur moindre qu'elle n'en avoir dans l'opi-
nion des autres hommes.
Tout ce qui n'elt que de convention a
nécelTairement l'opinion la plus générale
pour mefure , ainfi les richelfes en métaux
n'ont de réalité pour leurs poffelleurs , que
pir l'uf\re que les autres hommes permet-
tent d'en faire avec eux ; d'où nous devons
conclure que le peuple qui donne à l'mi des
métaux une valeur plus grande que fes voi-
fins , eft réellement & relativement appau-
vri par rechange qui s'en fait avec les métaux
qu'il lie prife pas allez.
Soie en Europe , la proportion com-
mune d'un poids d'or équivalent à un
poids d'argent comme un à quinze. Soit
a une livre d'or , & b une livre d'argent , a
— iSà.
Si un peuple haufle cette proportion en
faveur de l'or , Se que a = 16 />.
Les nations voifines lui apporteront a
pour recevoir 1 6 b. Leur profit b lera la perte
de ce peuple par chaque livre d'or qu'il échan-
gera contre l'argent.
ESP
Il ne fufHt pas encore qne le légillateur
obferve la proportion du poids que fuiv^nc
les érats voilîns. Comme le degré d'i finefle
ou le titre de les moniîoits dépeiul de Cx vo-
lonté , il faut qu'il fc conforme à la propor-
tion unanimement établie entre les parties
de la plus (grande rinefle , dont chaque métal
cil: rufceptible.
S'il ne donne pas à fcs monnoies le plus
grand degré de finellc, il faut que les termes
ûiminués foient continuellement propor-
tionnels aux plus grands ternies.
Soient les parties de la plus grande finelTè
de l'or reprcfentéespar i6 c ; les parties de
la plus grande finelfè de l'argent par 6 d.
Si l'on veut monnoyer de l'or qui ne con-
tienne que h moitié des parties de la plus
grande hnelle dont ce métal eft furcepîlblc ,
elles feront rcpréfentées par 8 c.
Confervant la proportion du poids entre
l'or & l'argent > il faut que le titre de ce
dernier foir équivalent à 5 J. parce que 8 c.
^ d: : 16 c. 6 d.
Si la proportion du titre eft liaufTée en
faveur de l'or, & que 8 =C4(/, les étran-
gers apporteront de l'or de pareil titre pour
l'échanger contre l'argent. La différence d,
ou la quatrième partie de fin de chaque pièce
de monnoie d'argent enlevée fera leur
profit. Dès- lors l'état fur qui il eft fait en eft
appauvri réellement & relativement. La
même chofe s'opérera fur l'or , ii la pro-
portion du titre eft haulTée en faveur de
l'argent.
Ainli l'intérêt de chaque fociété exige
que la monnoie fabriquée avec ch ique mé-
tal, fe trouve en ra'fon exadke & compofée
de la proportion unanime des titres , & de
la proportion du poids obfervée par les états
voifins.
Dans les fuppofitions que nous avons
établies ,
a -\- 16 c= i^ !?-h 6 d
Et ainfi du refte. Ou bien fi l'une de ces
proportions eft rompue , il faut la rétablir
par l'autre :
*+ i6c = ;o5 -f W::û-f i6c=i5
i>+6d.
ESP 15
D'où il s'enfuit que l'alliage ou les parties
hétérogènes qui compofent avec les parties
de fin le poids d'une pièce de monnoie , ne
font point évaluées dans l'échange qui s'en
fait avec les étrangers . foit pour d'autres
monnoies , foit pour des denrées.
Ces parties d'alliage ont cependant une
valeur intrinfeque ; dès lors on peut dire
que je peuple qui donne le moins de degrés
de hnelle à fes monnoies , peid le plus dans
l'échange qu'il fait avec les étrangers , qu'à
volume égal de la malfc des fignes ; il eft
moins riche qu'un autre.
De ce que nous venons de dire , on doit
encore conclure que les titres étant égaux ,
c'eft la quantité qu'il fliut donner du\nétal
le moins rare pour équivalent du métal le
plus rare , qui forme le rapport ou la pro-
portion cntr'eux.
Lorfqu'un état a coutume de recevoir
annuellement une quantité de métaux pour
compenfer l'excédent des denrées qu'il vend
fur celles qu'il acheté ; & que fans s'écarter
des proportions dont nous venons de parler
au point de laider une différence capable
d'encourager l'extraclion d'un de fes mé-
taux monnoyés , il préfente un petit avan-
tage à l'un des métaux hors d'oeuvre fur l'au-
tre : il eft clair que 1 ■ balance lui fera payée
avec le métal préfcré ; confequemmenc
après un certain nombre d'années , ce mé-
tal fera relativement plus abondant dans le
commerce que les autres. Si cette préfé-
rence étoit réduite , ce feroit augmenter la
perte du peuple , qui paie la majeure partie
de cette balance.
Si ce métal préféré eft le plus précieux de
rous , étant par cela même moins fulcepti-
ble de petites divifions & plus portatif, il eft
probable que beaucoup de denrées , mais
principalement les chofcs que le riche paie
lui-même , haufferont plus de prix que ii
la préft-rence eût été donnée à un métal
moins rare.
On conçoit que plus il y a dans un pays de
fubdivifions de valeurs dans chaque efpece
de métaux monnoyés , plus il eft aifé aux
acheteurs de difpurer fiir le prix avec les
vendeurs , & de partager le différend.
Conféquemment fi les fubdivifions de
l'or , de l'argent &c du cuivre ., ne font pas
daus mie certaixie proportion encr'elles;,
ESP ESP
s payées par le liche en perfoniie , | fubftkue cl^ns la portion d'argent m, à I;
aucnicnter de prix dans une pro- place d'une quantité quelconque a: de cet ar
1 1 1 _ _-i- rT- _ ' ' ..... _.' :>' J>_ii: . ii i
i6
les cîToies
doivent ^, . . ^
portion plus grande que les richelTes géné-
rales , i>arcc que fouvent le riche ne fe
donne ni le temps , ni la peine de difpu-
ter fur le prix de ce qu'd de/îre , quelque-
fois même il en a iionte. Cette obferva-
tion n'eft pas auffi frivole qu'elle pourra
le paroître au premier afpeâ: ; car dans un
état où les fortunes feront très-inégales
hors du commerce , l'augmentation des fa-
kires commencera par un mauvais princi-
pe , & prefque toujours par les profcirions
moins utiles ; d'où elle pade enfuitc aux
pi ofeffions plus néceflaircs. Alors le com-
raerce étranger pourra en être affoibli ,
avant d'avoir attiré la quantité convenable
d'argent étranger. Si l'augmentation du ia-
iaire des ouvriers néceflàires trouve des
cbftacles dans la pauvreté d'une partie du
peuple , l'abus eft bien plus confidérable ,
car l'équilibre eft anéanti entre les pro-
fellîons ; les plus nécelTaires font aban-
données pour embraffer celles qui font fu-
perPiucs , mais plus lucratives. A Dieu ne
plaife que je délire que le peuple ne fe ref-
f-nte pas d'une alfancc dont l état n'eft re-
devable qu'à lui : au contraire je penfe que
le dépôt des richelTcs n'eft utile qu'entre fes
mains, & le commerce feul peut le lui don-
3K'r , le lui conferver. Mais il me femble que
cts richelfes doivent être partagées le plus
également qu'il eftpoiïîble, & qu'aucun des
petits moyens généraux qui peuvent y con-
duire n'eft à négliger.
Par une conféquence naturelle de ce que
j:ous venons de dire , il eft évident qu'à
mefure que les monnoies de cuivre di(pa-
roilfent du commerce , les denrées haufiènt
de prix.
Cette double proportion entre les poids &
les titres de divers métaux monnoyés n'eft
pas la feule que le légiflateur doive obfcr-
ver. Puifquc le poids & le titre font la feule
valeur intrinfeque des monnoies il eft clair
qu'd eft une autre proportion également
clfentielle entre les divifions & les fubdivi-
fions de chaque tfpcce de métal.
Soit , par exemple , une portion d'argent
rn, d'un poids (7, d'un titre queiconqucluus
une dénomination c. On aura rt=r.
Si on altère le titre , c'cft-à-dirc , fi l'on
gent , luic quantité y d'aUiage , telle que la
portion d'argent m refte toujours du même
poids a.
Soit 7 la dilfércnce en valeur réelle & gé-
nérale de la quantira x & de la quancitéy.
Il eft clair qu'on aura un poids a=c & un
poids a == c — [.
Si le légiflateur veut qu'un poids a quel
qu'il foit indiftinétemcut , paye c ; c'eft
précifcment comme s'd ordonnoit que c foit
égal à c — i. Qu'arrivera- 1- il de- là .'' que
chacun s'eflorcera de faire le paiement c
avec le poids a=c — ;[ , plutôt qu'avec le
poids a=c\ parce qu'il gagnera la quantité ^.
Par la même railon perlonne ne voudra re-
cevoir le poids (3 =c — ^ j d'où naîtra une
interruption de commerce , un refferre-
ment de toutes les qualités a=^-c , & un
défordre général.
Ce n'eft pas cependant encore tout le mal.
Ceux qui fe feront les premiers apperçus
des deux valeurs d'un même poids «, auront
acheté des poids a = c , avec des poids
a=-c — i^, ils auront fait palfer les poids
(7= c. dans les états vo'fins : pour les re-
fondre & rapporter des poids /? = c — :[ ,
, avec lefqucls i's feront le paiement c tant
'que le défordre durera.
Si le bénéfice fe partage avec l'crrar.ger
moitié par moitié , il eft inconteftable que
fur chaque a=- c réformée par l'étranger
en rî = r — [, l'état aura été appauvri
réellement & relativement de la moitié de
la quantité :[.
Le cas feroit abfolument le même fî le
légiflateur ordonnoit que de deux quantités
a ■\- b égales pour le titre & le poids , l'une
pallat fous la dénomination c en vertu de fa
forme nouvelle, & l'autre Ibus la dénomi-
nation c~ ■{. Car pour gagner la quantité
:j, le même tranfport fe fera à l'étranger
qui donnera la forme nouvelle à l'ancienne
quantité ; même bovileverfcment dans le
commerce ; mêmes raifons de rtflerrer l'ar-
gent , mêmes profits pour les étrangers, mê-
mes pertes pour l'état.
D'où réfulte ce principe , qu'un état fuf-
pend pour.long-temps la circulation & dimi-
nue la malTede les métaux , lorlqu'il donne
à la fois deux valeurs intriiifequcs à une
même
ESP
même valeur numéraire , ou deux valeurs
numéraires différentes à une mûne valeur
intrinleque.
Tous les états qui font des refontes
ou des réformes de monnoics pour y ga-
gner , s'écartent nécelfairement de ce
principe , & payent d'un fecours léger la
f)lus énorme des ufures aux dépens des
lujets.
Dans les pays où la fabrication des mon-
noies le fiit aux dépens du public , jamais
un lemblable délordre n'arrive. Indépen-
damment de l'aâriviré qu'une conduite fi
fage donne à la circulation intérieure &
extérieure des denrées , & au crédit public
par la confiance qu'elle infpire , elle met
encore les fujets dans le cas de profiter plus
aifément d^s fautes des états voillns fur
les monnoies : on fait que dans certaines
circonftances ces profits peuvent être im-
nienfes.
N'ayant effleuré la matière des monnoies
qu'autant que ce préambule paroi iroit nécef-
Taire à mon objet principal ,quieft la circu-
lation de l'argent , je ne parlerai du furhauf-
iement & de la diminution des monnoics
qu'à l'endroit où les principes de la circula-
tion l'exigeront.
L'argent ell un nom colleAifjfous lequel
l'ufage comprend toutes les richelTes de con-
vention, La railon de cet utkge eft proba-
bîemeiU , que l'argent tenant une efpcce de
milieu entre l'or & le cuivre pour l'abon-
dance & pour la corn modité du tranfport ,
il fe trouve plus communément dans le com-
merce.
Il eft eflenriel de dilHngucr d'une ma-
nière trcs-neite les principes que nous
allons pofer , parce que leur (implicite
pourra produire des conféqucnces plus
compliquées , & fur - tout de relFerrer
les idées dans chacun des cercles qu'on
fe propole de parcourir les uns après les
autres.
Nous l'avons déjà remarqué , l'intro-
duClion de l'argent dans le commerce n'a
ëvidemmenc rien changé dans la nature
de ce conimerce. Elle coniifte toujours
<ians un échange des denrées contre les
denrées , ou dans l'abfcnce de celles que
l'on defire contre l'argent qui en eft le
figne.
Tome XIII.
ESP 17
La répétition de cet échange eft appelléc
circulation.
L'argent n'étant que figne des denrées , le
mot de circulation qui indique leur échange
dcvroit donc être applique aux denrées ^&
non à l'argent ; car la fonction du hgne dé-
pend abfolument de l'epftence de la chofc
qu'on veut rcpréientcr.
AufTi l'argent efc-d attire par les denrées ,
& n'a de valeur rcpréftntative qu'autant
que fapofreiïion n'cft jamais féparéede l'al^
furance de l'échanger contre les denrées.
Les habitans du Potozi feroient réduits à
déplorer leur fort auprès îles vaftirsmoiKeaux
d'argent , & à périr par la famine , s'ils reC-
toient hx à fept jours fans pouvoir échanger
leurs tréfors contre les vivres.
C'eft donc abufivemcnt que l'argent eft
regardé en foi comme le principe de la cir-
c uiation ; c'eft ce que nous tâcherons de dé-
velopper.
Diftinguons d'abord deux fortes de circu-
lations de l'argent ; l'une naturelle , l'autre
compoféc.
Pour le faire une idéejuftedccett^ circu-
lation naturelle, il fautconfidérerles-fociétés
dans une polîtion ifolée ; examiner quelle
fon6tion y peut faire l'argent en raifoa delà
malle.
Suppofons deux pays qui fe fufHfent à
eux-mêmes , fans relations extérieures , éga-
lement peuplés , poflTedant un nombre égrfl
des mêmes denrées ; que dans l'un la malle
des denrées foie reprélcntcc par 1 00 livref
d'un métal quelconque , & dans l'autre par
zoo livres du même métal. Ce qui vaudra
une once dans l'un coûtera deux onces dans
l'autre.
Les habitans de l'un & de l'autre payî
feront également heureux , quant à l'ufage
qu'ils peuvent faire de leurs dcnréeâ en-
tr'eux ; la feule différence coniillcra dans
le volume du figne , dans la facilité de lôn
tranfport , mais fa fondion lêra également
remplie.
On concevra facilement d'après cette hy-
pothefe deux vérités très-importantes.
1°. Par-tout où une convention unatsimf
a établi une quantité pour (îgne d'une autre
quantité , fi la quantité repréfentante C;
trouve accrue , tandis que la quantité repré-
fentéercfte la mêmc^ le volume du'fignc
C
i8 ESP
augmentera ; mais la fondion ne fera pas
multipliée.
z°. Le point important pour la facilité des
échanges, ne conliftc pas en ce que le volu-
me des lignes fpit plus ou moins grand j
mais dans l'alTiiranceGii font les propriétai-
res de l'argent & des denrées, de les échan-
ger quand ils le voudront dans leurs divi-
sons, fur le pié établi par l'ufage en railon
des malles réciproques.
Ainfi l'opération de la circulation n'eft
autre choie que l'échange réitéré des den-
rées contre l'argent , & de l'argent contre
les denrées. Son origine cft la commodité
du commerce ; fon motiftft le beloin con-
tinuel & réciproque où les hommes lont les
uns des autres.
Sa durée dépend d'une confiance entière
dans la facilité de continuer fes échanges
fur le pié établi par l'ufage , en raifon des
madts réciproques.
Dé fin liions donc la circulation naturelle
de l'argent de la manière fuivante:
C'eft la préfencc continuelle dans le
commerce de la portion d'argent qui a
coutume de revenir à chaque portion des
denrées , en raifon des mafles récipro-
ques.
L'effet de cette circulation naturelle, eft
d'établir entre l'argent de les denrées une
concurrence parfaite qui les partage fans
celfe entre tous les habitaus d'un pays : de
ce partage continuel , il réfulte qu'd n'y a
point d'emprunteurs ; que tous les hommes
font occupés par un travail quelconque, ou
propriétaires des terres.
Tant que rien n'interrompra cet équilibre
fxadb , les hommes leront heureux , la
fociété très-fiorillante, ioit que le volume
des figues foit confidcrable ou qu'il ne le
foit pas.
Une s'agit point ici de faivre la condition
de cette focicté ; mon but a été de déteimi-
jieren quoi conf Ae la fonétion naturelle de
l'argent comme ligne ; & de prouver qu«
par tout où cet ordre naturel cxilte aiTcuLl-
îement , l'argent n'eic point la mefure des
denrées , qu'au contrMire la quantité des
denrées mefure le volume du figne.
Comme les denrées font fujettes à une
grande inégalité dans leur qualité, qu'elles
{>cuveuc fc détruire plus aUémcnt que les
ESP
me'taux , que ceux-ci peuvent fe cacher en
cas d'invalion de l'ennemi ou de troubles
domefiiques , qu'ils font plus commodes à
tranfporter dans un autre pays 11 celui
qu'on habite celfe de plaire ; enfin que
tous les horrm.es ne font pas également
portés à faire des confommations , il pourra
arriver que quelques propriétaires de l'ar-
gent falfent des amas de la quantité fupèr-
fiue à leurs be foins.
A mefure que ces amas accroîtront , il
fe trouvera plus de vuide dans la m; lie de
l'argent qui compenfoit la malfe des den-
rées : une portion des denrées m.anquanc
de Ion échange ordinaire, la balance pen-
chera en faveur de l'argeiit.
Alois les propriétaires de l'argent vou-
dront mefuier avec lui les denrées qui fe-
ront plus communes , dont la garde eft
moins fûre & l'échange moins commode :
l'argent ne fera plus Ion oHîce ; la perce que
feront les denrées mefurées par l'argent ,
précipitera en fa faveur la chiite de l'équi-
libre ; le défordre fera grand en raiiun de la
fomme rellerrée.
L'argent forti du commerce ne paffint
plus dans les mains où il avoit coutume de
fe rendre , beaucoup d'hommes leronc for-
cés de fufpendre ou de diminuer leurs achats
ordinaires.
Pour rappeller cet argent dans le com-
merce, ceux qui en auront un befbinpref-
fant , oirrironr un profit à fes propriétaires ,
pour s'en deiTaifir pendant quelque temps.
Ce profit fera, en raiicn du beloin de l'em-
prunteur, du bénéfice que peut lui procurer
cet argent , du riique couru par le prêteur.
Cet excinple engagera beaucoup d'autres
hommes à fe procurer par leurs réfcrves un
pareil bénéfice, d'autant plus doux qu'il fa-
vorife la parcflc. Si le travail ell honteux
dans une nation , cet ufagc y trouvera pies
de protefteurs j & l'argent qui circuloit, y
fera plus fouvent rcflerré que parmi les
peuples qui honorent les travailleurs. L'abus
de Cet iilage étant très-facile, le même
efpnt qui aura accrédité l'ufage, en portera
l'abus à un tel excès , que le Icg'ilateur
fera obligé d'y mettre un frein. Enfin lorl-
qu'il fera facile de retirer un profit ou un
intérêt du pi et de fon argent , il eft évident
que tout homme qui voudra employer le
ESP
fienàune entreprife quelconque, commen-
cera par compter parmi les frais de l'entre-
prifc , ce que Ion argent lui eût produit en
le prêtant.
Telle a été , ce me femble , l'origine de
l'ufure ou de l'intérêt de l'argent. Plufieurs
conféquences dérivent de ce que nous ve-
nons de dire.
1°. La circulation naturelle eft interrom-
pue , à mefure que l'argent qui circuloit
dans le commerce en eft retiré.
1°. Plus il y a de motifs dedéfiance dans
un état , plus l'argent fe relîerre.
5°. Si les hommes trouvent du profit à
faire fortir l'argent du commerce , il en lor-
tira en raifon de l'étendue de ce profit.
4°. Moins la circulation eft naturelle,
moins le peuple indai^neux eft en état de
confom.mer , moins la faculté de confommer
eft également repartie.
j". Moins le peuple induftrieux eft en état
de confommer, moins la faculté de confom-
mer eft également répartie ; & plus les amas
d'argent feront faciles , plus l'argent lera
rare dans le commerce.
6°. Plus l'argent fort du commerce, plus
la défiance s'établit.
7°. Plus l'argent eft rare dans le commer-
ce , plus il s'éloigne de la fop.ftion de ligne
pour devenir mefure des denrées.
8°. La iéule manière de rendre l'argent
au commerce , eft de lui adjuger un inrércr
relatif à fa fondion naturelle de figne, & à
fa qualité ufurpée de mefure.
9°. Tout intérêt a iligné à l'argent eft une
diminution de valeur far les denrées.
io°. Toutes les fois qu'un particulier
aura amallé une (bmme d'argent dans le
dellein de la placer à l'intérêt , la circulation
annuelle aura diminué fuccelTivement , ju(-
qu'à ce que cette lomme reparoilTe dans le
commerce. Il eft donc évident que le com-
merce eft la feule manière de s'enrichir ,
utile à l'état. Or le commerce comprend la
culture des terres, le travail induftrieux , &
la navigation.
1 1°. Plus l'argent fera éloigné de fa fonc-
tion naturelle de fîgne , plus l'intérêt fera
haut.
1 1". De ce que l'intérêt de l'argent eft
plus haut dans un pays que dans un autre ,
on en peut conclure que la circulation s'y
ESP 19
eft plus écartée de l'ordre naturel ; que la
clafle des ouvriers y jouit d'une moindre ai-
fancc , qu'il y a plus de pauvres; mais on
n'en pourra pas conclure que la mafte des
fignes y foit intrinféquemcnt moins confi-
dérablc, comme nous l'avons démontré par
notre première hypothèfe.
1 5°. Il eft évident que la diminution des
intérêts de l'argent dans un état ne peut
s'opérer utilement , que par le rapproche-
ment de la circulation vers l'ordre ua-
turcl.
14°. Enfin par-tout où l'argent reçoit un
intérêt , il doit être confidéré fous dsux faces
à la fois : comme figne, il fera attiré par les
denrées : comme mefure , il leor donnera
une valeur différente , faivant qu'il paroîtra
ou qu'il difparoîtra dans le commerce; dès-
lors l'argent & les denrées s'attireront réci-
proquement.
Ainfi nous définirons la circulation com-
poféc , une concurrence inégale des denrées &
de leurs fignes , en faveur des fignes.
Rapprochons à préfent les fociétés les
unes des autres , &c fuivons les effets de la
diminutionou de l'augmentation delamaflè
des fignes par la balance des échanges que
CCS K)ciérés font entr'elles.
Si cet argent que nous fuppofons s'être
abfcnté du commerce , pour y rentrer à la
faveur de l'ufure , eft paffi pour toujours
dans un pays étranger , il eft clair que la
partie des denrées qui manquoit de (on
équivalent ordinaire , s'abfentera auflî du
commerce pour toujours ; car le nombre des
acheteurs fera diminué -fins retour.
Les hommes que 'jourrllfoit le travail àz
ces denrées, fcroient forcés de niendier, oa
d'aller chercher de l'occupation dans d'au-
tres pays. L'abfence de ces hommes ainfî
expatriés formeroit un vuide nouveau dans
la confommation des denrées; la population
diminueroit facceffivenicnt, iuiqu'a ce que
la rareté des denrées les remît en équilibre
avec la quantité des figues circulans dans le
commerce.
Confequemment fi le volume des fignes
ou le prix des denrées eft ind-ft'érent en f^i
pour rétablir l'alliir.ince mutuelle de l'é-
change entre les propr:étaires de l'argenc
& des denrées , en railo.i des malTes réci-
I proques , il eft au conrraire très-eflentiel
C 2
îo ESP
que !a malTe des fîgnes , fur laquelle cette
proportion & l'aflurance de l'échange ont
été établies , ne diminue jamais.
On peut donc avancer comme un prin-
cipe j que la fituation d'un peuple eft beau-
coup plus fâcheufe , lorfque l'argent qui
circuloit dans fon commerce en tll forti ,
que fi cet argenc n'y nvoit jamais circulé.
Après avoir développé les effets de la di-
minution de la maCe de l'argent dans la
circulation d'un état , cherchons à con-
noîtieles effets de ion augmentation.
Nous n'entendons point par augmenta-
tion de la mûjfe de l'argent , la rentrée dans
le commerce de celui que la défiance ou la
cupidité lui avoient enlevés : il n'y rcparoit
que d'une manière précaire , & à des con-
ditions qui en avcrtifl'ent durement ceux
qui en font ufage ; enfin avec une diminu-
tion fur la valeur des denrées , fuivant la
neuvième confequence. Auparavant , cet
argent étoit dû au commerce , qui le doit
aujourd'hui : il rend au peuple les moyens
de s'occuper ; mais c'efî en partageant le
fruic de (on travail , en bornant Lx fubfif-
tance.
Nous parlons donc ici d'une nouvelle
jnafTe d'argent qui n'entre point précaire-
ment dans la circulation d'un état : il n'eft
que deux manières de fe la procurer , par
le travail des mines, ou par le commerce
étranger.
L'argent qui vient de la pofTefïîon des
mines , peut n'être pas mis dans le com-
merce de l'état , par diverfes caufes. Il eft
«ntre les mains d'un petit nombre d'hom-
mes ; ainfl , quand même ils ufcroient de
l'a-ugmentation de leur faculté de dépenfer ,
la concurrence de l'argent ne fera accrue
qu'en faveur d'un petit nombre de denrées.
La confommation des cliofes les plus né-
ceflaires à la vie , n'augmente pas avec la
licheffe d'un homme ; ainfi la circulation
de ce nouvel argent com.mencera par les
denrées les moins utiles , & paflera lente-
ment aux autres qui le font davantage.
La claffe des hommes occupés par le tra-
vail des denrées utiles & nécclTaires , eft
cependant celle qu'il convient de fortifier
davantage , parce qu'elle foutient toutes les
autres.
L'aigent qui cirtre en échange des deu-
ESP
rées fuperfiues , eft nécefTaircmciit reparti
entre les propriétaires de ces denrées par
les négocians , qui font les économes de la
nation. Ces propriétaires font ou des riches
qui , travaillant avec le fecours d'autrui ,
(ont forcés d'employer une partie de la va-
leur reçue à payer des falaires ; ou des pau-
vres , qui iont forcés de dépenfer prefqu'en
entier leur rétribution pour fubfîfler com-
modément. Le commerce étranger em«
bralfe toutes les efpeces de denrées, tou-
tes les clafles du peuple.
Nous établirons donc pour maxime que
la circulation s'accroîtra plus furement &c
plus promptement dans un état , par la
balance avantageufe de fon commerce
avec les étrangers , que par la pofreffion des
mines.
C'cft aufTi uniquement de l'augmenta-
tion de la mafle d'argent par le commerce
étranger , que nous parlerons.
Par - tout où l'argent n'eft plus fimple
figne attiré par les denrées , il en eft
devenu en partie la mtfure , & en cette
qualité , il les attire réciproquement :
ainfi toute augmentation de la mafle d'ar-
gent , fenfible dans la circulation , com-
mence par multiplier là fonélion de figne ,
avant d'augmenter fon volume de figne ;
c'eft-à-dire, que le nouvel argent, avant
de haufler le prix des denrées, en attirera
dans le commerce un plus grand nombre
qu'il n'y en avoir. Mais enfin , ce volume
du figne fera augmenté en raiton compo-
fee des malTès anciennes & nouvelles , ioit
des denrées , foit de leurs fignes.
En attendant , il eft clair que cette nou-
velle malTe d'argent aura nécefTairemenc
réveillé l'induftrie à fon premier paflage.
Tâchons d'en découvrir la marche en gé-
néral.
Toute concurrence d'argent furvenue
dans le commerce en faveur d'une denrée ,.
encourage ceux qui peuvent fournir la
même denrée , à l'apporter dans le com-
merce , afin de profiter de la faveur qu'elle
a acquife. Cela arrive furement , fi quel-
que vice intérieur dans l'état ne s'y oppo-
fe point : car fi le pays n'avoit point alfes::.
d'hommes pour accroître la concurrence
de h. dciiiée , il en arrivera d'étrangers, â
ESP
l'on fait les accueillir èc rendre leur fort
heureux.
Cette nouvelle concurrence de la denrée
favoriiéc , rétablit une cipcce dVquilibie
enti'elle & l'argent ; c'eft-à-dire , que l'aug-
mentation des (igncs , deftmes à échanger
cette denrée , fe répartit entre un plus grand
nombre d'hommes ou de denrées: la fonc-
tion du ligne eft mulciphée.
Cependant le volume du figne augmen-
te communément de la portion nccetîaire
pour entrctcn-r l'ardeur des ouvriers: car
leur ambition le rcgle d'elle-même, & borne
tôt ou tard la concurrence de la <icnréc en
proportion du proBc qu'elle donne.
Les ouvriers, occupés par le travail de
cette denrée , fe trouvant une augmenta-
tion de figne , établiront avec eux une nou-
velle concurrence en faveur des denrées
qu'ils voudront confommcr. Par un enchaî-
nement heureux , les fignes employés aux
nouvelles confommations , auront à leur
tour la même influence chez d'autres ci-
toyens : le bénéfice fe répétera juiqu'à ce
qu'il ait parcouru toutes les chilfes d'hom-
mes utiles à l'état, c*eft-à-dite , occupés.
Si nous fuppofons que la malle d'argent
introduite en faveur de cette denrée à une
ou pludeurs reptiles , ait été partagée fen-
fiblement entre toutes les autres denrées,
par la circulation , il en réiultera deux
effets.
1°. Chaque efpece de denrée s'étant
approprié une portion de la nouvelle maffe
des fignes , la dépenfe des ouvriers au tra-
vail delquels fera dû ce bénéfice , fe trou-
vera augmentée , & leur profit diminué.
Cette diminution des profits eft bien dif-
férente de celle qui vient de la diminution
de la maffe des fignes. Dans la première ,
l'artifle eft foutcnu par la vue d'un grand
nombre d'acheteurs ; dans la fcconde , il
eft défcfpéré par leur abfencc : la première
exerce fon génie : la féconde le dégoûte
du travail.
z°. Par la répartition exadte de la nou-
velle mafle de l'argent , fa préfence eft plus
affurée dans le commerce ; les motifs de
défiance qui pouvoient fe rencontrer dans
l'état ,• s'évanouiffent ; les propriétaires de
l'ancienne maffe la répandent plus libre-
ment i la circulation eft rapprochée d« fbn ,
ESP 21
ordre naturel; il y a moins d'emprunteurs,
l'argent perd de fon prix.
L'intérêt payé à l'argent étant une dimi-
nution de la valeur des denrées, fuivantno-
tre neuvième confcquencc , la diminution
de cet intérêt augmente leur valeur ; il y a
dès -lors plus de profit à les apporter dans le
commerce : en effet , il n'eft aucune de fcs
branches à laquelle la réduétiondes intérêts
ne donne du mouvement.
Toute terre eft propre à quclqu'cfpece
de production : mais iî la vente de ces pro-
duttions ne rapporte pas autant que l'in-
térêt de l'argent employé à la culture , cette
culture eil négligée ou abandonnée ; d'oij il
réfulte que plus l'intérêt de l'argent eft bas
dans un pays, plus les terres y font réputées
fertiles.
Le même raifonnement doit être em».
ployé pour l'établifiemenc des manufactures,
pour la navigation , la pêche , le défriche-
ment des colonies. Moins l'intércc des avan-
ces qu'exigent ces entreprifes eft haut , plus
elles font réputées lucratives.
De ce qu'il y a moins d'emprunteurs dans
l'état , & plus de profit proportionnel dans
le commerce , le nombre des ncgocians
s'accroît. La malfe d'argent grofîit , les
confommations fe multiplient , le volume
des fignes s'accroît : les profits diminuent
alors ; & par une gradation continuelle
l'induftrie devient plus a6tive , l'intérêt de
l'argent bailfe toujours , ce qui rétablit la
proportion des bénéfices ; la circulation de-
vient plus naturelle.
Permettons à nos regards de s'étendre
& de parcourir le fptctacle immenfê d'une
infinité de moyens réunis (.l'attirer l'argenc
étranger par le commerce. Mais fuppofons-
en d'abord un feulement dans chaque pro-^
vince d'un état : quelle rapidité dans la
circulation ? quel elfor la cupidité ne don-
nera-t-elle point aux artiites î leur émula-"
tion ne fe borne plus à chaque claffe parti-
culière ; lorfque l'appas du gain s'efl mon-
tre à plufieurs , la chaleur & la confiance
qu'il porte dans les cfprirs , deviennent "é-
nérales. L'aifance réciproque des hommes
les aiguillonne à la vue les uns des autres,
& leurs prétentions communes font le fceau
de la profpérité publique.
Ce que nous venons de dire de Taugmei^-
22 ESP
tation Je la mûlle «le l'argent par le com-
merce étranger , cft la iburce de plufieurs
conféquences.
1°, L'augmentation de la mafle d'argent
dans la ciiculation ne peut être appellée
fenfible , qu'autant qu'elle augmente la con-
fommation des denrées nêccflaires , ou
d'une commodité utile à la confervation
des hommes , c'eft-à-dire , à l'aifance du
peuple.
7.°. Ce ii'eft pas tant une grande lomme
d'argent introduite à la fois i^ans l'état , qui
donnedumouvementàlacirculation,qu'une
introdu6tion continuelle d'argent pour être
reparti parmi le peuple.
1°. A mePure que la répartition de l'ar-
gent étranger fe fait plus également parmi y
les peuples, la circulation fe rapproche de
l'ordre naturel.
4°. La diminution du nombre des em-
prunteurs, ou de l'intérêt de l'argent, étant
une Hiite de l'adivité de la circulation de-
venue plus naturelle ; & l'aftivitédc la cir-
culation , ou de l'aifance publique , n'étant
pas elle-même une fuite ncceilaire d'une
grande fomme d'argent introduite à la fois
dans l'état , autant que de fon accroillc-
ment continuel pour être réparti parmi le
peuple , on en doit conclure que l'intérêt
de l'argent ne diminuera point par-tout où
les confommations du peuple n'augmente-
ront pas : que fi les confomm.ations aug-
mentoient , l'intérêt de l'argent dirr.inue-
roit naturellement , fa:;s égard à l'étendue
de fa maffe , mais en raifon compofée du
nombre des prêteurs & des emprunteurs ;
que la multiplication fubire des richelfes
artificielles , ou des papiers circulans com-
me monnoie , eft un remède violent &
inutile , lorfqu'cn peut employer le plus
naturel.
5°. Tant que l'intérêt de l'argent fe
fbutient haut dans un pays qui commerce
avantageufement avec les étrangers , on
peut décider que la circulation n'y eft pas
libre. J'entends en général dans un état ;
car quelques circonftances pourroient ral-
fembler une telle quantité d'argent ilans un
feul endroit , que la furabondancc force-
roit les intérêts de diminuer ; mais fouvcnt
cette diminution même indiqueroic une in-
ESP
terccption de circulation dans les autres
parties du corps politique.
6°. Tant que la circulation eft inter-
rompue da;is un état , on peur afTurer qu'il
ne fait pas tout le commerce qu'il pourroit
entreprendre.
7°. Toute circulation qui ne réfulte pas
du commerce extérieur , eft lente & inéga-^
le , à moins qu'elle ne foit devenue ab fol li-
ment naturelle.
8°. Le volume des iîgnes étant augmenté
à raifon de leur malTe dans le comm-erce ;
fi cet argent en fortoit quelque temps après,
les denrées feroient forcées de diminuer
de prix ou de malle en même temps que
l'intérêt de l'argent haulferoit , parce que
fa rareté accroîtroit les motifs de défiance
dans l'état.
9°. Comme toutes chofeS auroient aug-
menté dans une certaine proportion par
l'influence de la circulation, & que perfonne
ne veut commencer par diminuer fon pro-
fit , les denrées les plus nécelTaires à la vie
fe fouiiendroient. Les falaires du peuple
étant prefque bornés à ce nécelfaire , \\ fau-
droit abfolument que les ouvrages te tînf-
fent chers pour continuer de nourrir les ar-
tiftes ; ainfi ce feroit la mafie du travail qui
ccmmenceroit par diminuer , iniques à ce
que la diminution de la population & des
confommations fit rétrograder la crcula-
tion & diminuât les prix. Pendant cet in-
tervalle les denrées étant chères , & l'inté-
rêt de l'argent haut , le comm.erce étran-
ger déclineroit ; le corps pohtique feroit
dans une crife violente.
lo". Si une nouvelle malTe d'argent intro-
duite dans l'état , n'entroit point dans le
commerce , il eft évident que l'état en fe-
roit plus riche , relativement aux autres
états , mais que la circulation n'en accroî-
troit ni n'en diminueroit.
1 1°. Les fortunes faites parle commerce
en général ayant niceftairemcnt accru ou
confcrvé la circulation , leur incgah.té n'a pu
porter aucun dérangement dans l'équilibre
entre les diveifes claft'es du peuple.
1 1". Si les fortunes faites par le commer-
, ce étranger en fortent , il y aura un vuitie
dans la circulatioji des endroits où elles ré-
pandoient l'argent. Elles y refteront, fi l'oc-
cupation eft protégée i>>: honorée.
ESP
■ 1 5°. Si ces fortunes fonent non-feulement
du commerce étranger , mais encore de la
circulation intérieure , la perce en fera
reirentic par toutes les clafles du peuple en
général comme une diminution de mafle
d'argent. Cela ne peut arriver lorliju'il n'y
a point de moyens de gagner plus prompts ,
plus commodes , ou plus fûrs que le com-
merce.
14". Plus le commerce étranger embraf-
fera d'objets diftcrens , plus ion influence
dans la caculaiion lera j>rompte.
15". Plus les objets embrallcs par le com-
merce étranger approcheront des premières
nécerticés communes à tous les hommes,
mieux l'équilibre fera établi par la circula-
tion encre toutes les claflès du ptuple , &
dès- lors plucoc l'aiiance publique fera bailfer
l'intérêt de l'argent.
16°. Si l'incroduftion ordinaire d'une
nouvelle mafle d'argent dans l'état par la
vente des denrées fuperflucs , venoic à s'ar-
rêter fubitement , fon effet feroit le même
abfolument que celui d'une diminution de
la malîe : c'ell ce qui rend les guerres fi
funeiles au commerce ; d'où il s'enlliit que
le peuple qui continue le mieux Ion com-
merce à l'abri de fes forces maritimes , eft
moins incommodé par la guerre. Il faut
remarquer cependant que les arciltes ne dé-
fercent pas un pays à raifon de la guère auiTi
facilement , que h l'interruption fubite du
commerce provenoit d'une autre caufe ; car
l'efpérance les foutient , & les autres parties
belligérances ne laillent pas d'éprouver auffi
un vuide dans la circulation.
17°. Puifque le commerce étranger vivi-
fie tous les membres du corps politique par
le choc qu'il donne à la circulation , il doit
être l'niccrêt le plus ienlible de la fociété en
général , & de chaque individu qui s'en dit
membre utile.
Ce commerce étranger , dont l'écablifTe-
mtm coûte tant de foins , ne fe fouciendra
pas , fi les autres peuples n'ont un intérêt
réel à l'entretenir. Cet 1 ntcrêr n'tft autre que
le meilleur marché des denrées.
Nous avons vu qu'une partie de chaque
nouvelle malfc daigent , introduite dans le
commerce , augmente communém.ent le
volume des figues.
Ce volume indifférent en foi à celui qui
ESP 25
le reçoit , dès qu'il ne lui procure pas une
plus grande abond:'.ncede commodité, n'eft
pas indiffèrent à l'étranger qui achète les
denrées ; car fi elles lui font données dans
un autre pays en échange des figues d'un
moindre volume , c'eft-li qu'il fera fes em-
plettes : également les peuples acheteurs
chercheront à fe paficr d'une denrée, même
unique , dès quelle n'eft pas nécelTaire , fi
le volume de ion figne devient trop confidé-
rable relativement à la mafie de fignes qu'ils
poifédent.
Il paroîtroit donc que le commerce étran-
ger , dont l'objet eft d'attirer continuelle-
ment de nouvel argent , travailleroit à fa
propre dertrudion , en raifon des progrès
qu'il fait dans ce genre , & dès-lors que l'é-
tat fe priveroit du bénccce qui en revient à
la circulation.
Si réellement la mafle des fignes étoit
augmentée dans un état à un point allez
cûiilidérable , pour que toutes les denrées
fufient trop chères pour les étrangers , le
commerce avec eux fe réduiroic à des
échanges ; ou fi ce pays fe fuffifoit à lui-
même , le commerce étranger leroit nul :
la circulation n'augmenteroit plus ; mais
elle n'en feroit pas moins affaiblie , parce
que l'introdudion de l'argent celleroit par
une fuite de gradations inienfiblcs. Ce
pays contlendroit autant d'hommes qu'il
en pourroit nourr'r & occuper par lui-
même ; les richellcs en métaux ouvragés ,
en diamans , en effets rares & précieux ,
furpalferoient infiniment fes richeifes nu-
méraires , fans compter la valeur des autres
meubles plus communs. Ces hommes ,
quoique fans commerce extérieur , fêroienc
très- heureux tant que leur nombre n'cx-
céderoit pas la proportion des terres. En-
fin l'objet du légillateur feroit rempli ,
puifque la lociété qu'il gouverne feroic
revêtue de toutes les forces dont elle eft
fuiceptible.
Les hommes n'ont point encore été affez
innocens pour mériter du ciel une paix aulïî
profonde &i un enchaînement de profpéri-
césaniTi confiant. Des fléaux terribles, con-
tinuellement fufpendus fur leurs têtes, les
avertiffent de temps en temps par leur
chûce y que les biens périflables àom ils
34 ESP
font idolâtres , ctoienc indignes de leur '
confiance.
Cequi purge les vices des hommes, déli-
vre le commerce de la furabondance des
lichefles numéraires.
Quoique le terme où nous avons con-
duit un corps politique , ne puille mora-
lement être atteint , nous ne laillèrons pas
de fuivre encore un moment cette hypo-
thèfe , non p:is dans le deflein chimérique
de pénétrer dans un lieu inaccellible, mais
pour recueiUir des vérités utiles fur notre
Le pays dont nous parlons , avant a en
venir à l'interruption totale de Ton commer-
ce avec les étrangers, auroit difputé pen-
dant une longu: iuite de ficelés le droit
d'attirer leur argent.
Cette méthode eft toujours avantageufe
à une fociété qui a des intérêts extérieurs
avec d'autres fociétés , quand même elle ne
lui feroit d'aucune utilité intérieure. L'ar-
gent eft un fignc général reçu par une con-
vention unanime de tous les peuples poli-
cés. Peu content de fa fondbion de ligne ,
il eft devenu mefure des denrées ; Ik enfin
même les hommes en ont fait celle de leurs
aftions. Ainfi le peuple qui en pofTedc le
plus , eft le maître de ceux qui ne favent pas
le réduire à leur iufts valeur. Cette fcience
paroît aujourd'hui abandonnée en Europe
à un petit nombre d'hommes, que les autres
trouvent ridicules , s'ils n'ont pas foin de fe
cacher. Nous avons vu d'ailleurs que l'aug-
mentation de lamaiTedes lignes anime l'in-
duftrie, accroît la population ; il eft intérêt-
faut de priver fcs rivaux des m.oyens de de-
venir puiftans , puifquec'cft gagner des for-
ces relatives.
Il feroit impoffible de déterminer dans
combien de temps le volume des fignes pour-
roit s'accroître dans un état au point d'in-
terrompre le commerce étranger. Mais on
connoit un moyen général &c naturel qui
prolonge dans une nation l'introdutftiondes
métaux étrangers.
Nous avons vu naître de l'augmentation
des lignes bien répartis dans un état , 1 1
diminution du nombre des emprunteurs, &
la bnlfe des intérêts de l'argent. Cette
réduction eft la fourced'un profit plus facile
^jf les dcrîiçées , d'un moyen nlTuré d'obtc-
E S P
nir la préférence des ventes , enfin d'une
plus grande concurrence des denrées des
artiftes Se des négocians. Calculer les effets
de la concurrence , ce feroit vouloir calcu-
ler les etforts du génie ou mefurer l'efprit
humain. Du moindre nombre des emprun-
teurs & du bas intérêt de l'argent , réfultent
encore deux grands avantages.
Nous avons vu que les propriétaires des
denrées luperflues vendues à l'étranger ,
commencent par payer fur les métaux qu'ils
ont reçus en échange, ce qui appaitienc
aux falaires des ouvriers occupés du travail
de ces denrées. Il leur en refte encore une
portion conildérable; &s'ils n'ont pas beloin
pour le moment d'un aftcz grand nombre de
denrées pour employer leurs métaux en
entier , ils en font ouvrager une partie , ou
bien ils la convertiflcnt en pierres précieu-
fes, en denrées d'une rareté aftez reconnue
pour devenir dans tout le monde l'équiva-
lent d'un grand volume de métaux.
La circulation ne diminue pas pour cela
fuivani" notre dixième conléquence fur l'aug-
mentation de la malle de l'argent. Lonque
cetufagc eft le fruit de fa furabondance dans
la circulation générale, c'eft une très-grande
preuve de la profpéiité publique. Il fulpend
évidemment l'augmentation du volume des
fignes , fans que la force du corps politique
celfe d'être accrue. Nous parlons d'un pays
où l'augm^entation des fortunes particulières
eft produite par le commerce & l'abon-
dance de la circulation générale ; car s'il
s'y trouve d'autres moyens de faire de
grands amas de métaux , & qu'une partie
foit convertie à cet ulage , il eft clair que
la circulation diminuera delà fomme de ces
amas ; que toutes les conféquences qui
réfultent de nos principes lur la diminution
de la maiVe d'argent , feront relîenties ,
comme fi cet arecnt eût palfé chez l'étran-
ger, à moins qu'il ne foitaulîi-tôt remplace
par une nouvelle introducbion équivalente;
mais dans ce cas le peuple n'auroit point été
enrichi.
Le troifieme avantage qui rcfulte du bas
intérêt de l'argent , donne une grande fupé-
riorité à un peuple fur un auire.
A mefure que l'argent furabonde entre
les mains des propriétaires des denrées , ne
trouvant point d'emprunteurs , ils font
palla"
ESP
pafTer la portion qu'ils ne veulent point
faire entrer dans le commerce chez les
nations où l'argent mcfure les denrées. Ils
le prêtent à l'état , aux négocians , à un
gros intérêt qui rentre annuellement dans
la circulation de la nation créancière , &
prive l'autre du bénéfice de la circulation.
Les ouvriers du peuple emprunteur ne font
plus que des efclaves auxquels on permet
de travailler pendant quelques jours de
l'année pnur fe procurer une fubfiftance
médiocre : out le refte appartient au maî-
tre , & le tr'but eft exigé rigoureufcment ,
foit que cette fubiiftance ait été commode
ou miferable. Le peuple emprunteur fe
trouve dans cet état de crife , dont nos hui-
tième & neuvième confcquences fur l'aug-
mentation de la malTe de l'argent donnent
la raifôn.
Après quelques années révolues , le capi-
tal emprunté e'd forti réellement par le paie-
ment des arrérages , quoiqu'il foit encore
dû en entier , & qu'd refle au créancier un
moyen infaillible de porter un nouveau
défordre dans la circulation de l'état débi-
teur , en retirant fubitement fes capitaux.
Enfin , pour peu qu'on le rappelle le gain que
fait fur les changes une nation créancière des
axitres , on fera intimement convaincu de
l'avantage qu'il y a de prêter fon argent aux
étrangers.
Diveries caufes naturelles peuvent retar-
der la préférence de l'argent dans le com-
merce , lors même que la circulation eft
libre ; fon tranfport d'ailleurs eft long &
coûteux. Les hommes ont imaginé de le
repréfenter par deux fortes de figues.
Les uns font momentanés , ik ds fimples
promcflcs par écrit de fournir de l'argent
dans un lieu & à un terme convenu.
Ces promefTes pailent de main en
main en paiement , (oit des denrées , foit
de l'argent même , julqu'à l'expiration du
ttrme.
Par la féconde forte de fignes de l'argent
on entend des obligations permanentes com-
me la monnoic même dans le public , & qui
circulent également.
Ces promeîîes momentanées & ces obli-
gations permanentes n'ont de commun
que la qualité de figues i & comme tels ,
les uns m les autres n'ont de valeur qu'au-
Torne XIIL
ESP 25
tant que l'argent exifte ou eft fuppoii
exifter.
Mais ils font ditférens dans leur nature Sc
dans leur effet.
Ceux de la première forte font forcés de
fe balancer au temps prefcrit avec l' irgenc
qu'ils rcpréfentcnt ; ainfi leur quantité dans
l'état eft toujours en raifoii de la réparation
proportionnelle de la mafte de l'argent.
Leur effet eft d'entretenir ou de répeter
la concurrence de l'argent avec les denréeis ,
en raifon de la répartition proportionnelle
de la made de l'argent. Cette proportion eft
évidente par elle-même , dès qu'on fait ré-
flexion que les billets & les lettres de chan-
ge paroiffènt dans une plus grande abondan-
ce , fi l'argent eft commun ; iSc font plus ra-
res , fi l'argent l'eft aulTi.
Les fignes permanens font partagés en
deux clalfes : les uns peuvent s'anéantir à
la volonté du propriétaire ; les autres ne
peuvent céder d'exifter, qu'autant que celui
qui a propofé aux autres hommes de les rc-
connoître pour fignes , confent à leur
fupprelTîon.
L'effet de ces fignes permanens eft d'en-
tretenir la concurrence de l'argent avec les
denrées, non pas en raifon de (a malle réelle,
mais en raifon de la quantité de fignes
ajoutée à la malfe réelle de l'argent. Le
monde les a vus deux fois ulurper la qualité
de mefure de l'argent , fans doute a fin qu'au-
cune efpece d'excès ne manquât dans les faf-
tes de l'humanité.
Tant que ces fignes quelconques fe con-
tentent de leur fonébion naturelle & la rem-
plifTent librement , l'état eft dans une pofitioii
intérieure très-heureufe : parce que les den-
rées s'échangent auffi librement contre les
fignes de l'argent , que coiitre l'argent mê-
me; mais avec les deux différences que nous
avons remarquées.
Les fignes momentanés répètent fim-
plement la concurrence de la mafïe réelle de
l'argent avec les denrées.
Les fignes permanens mult'plient dans
l'opinion des hommes la maffe de l'argent ,
d'où il réfulte que cette milTc maltiplée a
dans l'inftant de fa multiplication l'etFet de
toute nouvelle introduction d'argent dans
le commerce ; dès lors que la circulation
répartie entre les mains du peuple une plus
D
a6 ESP
grande quantité des lignes des denrées
qu'auparavant ; que le volume des figncs
augmente ; que le nombre des emprunteurs
diminue.
Si cette multiplicarion cft iiKmcnfê &
fubite , il eft évident que les denrées ne
peuvent le multiplier dans la même pro-
portion.
Si elle n'étoit pas fuivie d'une introduc-
tion annuelle de nouveaux lignes quelcon-
ques , l'efFet de cette fufpenlion ne feroit
pas auffi leniiblc que dans le cas où Ion
ii'auroit fim-plcment que l'argent pour
moniîoie ; il pourroit rr;cm,e arriver que la
rnalie réelle de l'argent diminuât {ans qu'on
s'en apperçùt , à caufe de la furabondance
des (ignés. Mais l'intérêt de l'argent rtfte-
roit au même point à moins de réduélions
forcées , & le comm^erce ni l'agricultuic ne
gagneroient rien dans ces cas.
EnHn il eft important de remarquer que
cette multiplication n'enrichit un état
que dans l'opinion des fujets qui ont con-
fiance dans les fignes multipliés ; mais que
ces fignes ne font d'aucun ufage dans les
relations extérieures de la fociétc qui les
pofiede.
Il eft clair que tous ces fignes , de quel-
que nature qu'ils foient, font un ufage de
la puiilnnce d'autrui:ainh ils appartiennent
au crédit. Il a diverfes branches , & la ma-
tière eft fi importante que nous la traite-
rons fcparémenr. Voyei Crédit. Mais il
faudra toujours fc rappeller que les princi-
pes de la circulation de l'argent (ont néctf-
îairement ceux du crédit qui n'en eft que
l'image.
Des principes dont la nature même des
chofes nv.us a fourni la dcmonftrafon; nous
en pouvons détruire trois qu'on doit regar-
der comme l'analy'.c de tous les autres , ôc
qui ne foufïrent aucune exception.
1°. Tout ce qui nuit au commerce , fbit
întérieur, foit extérieur, épuife les fources
<ie la circulation
z°. Toute fureté diminuée dans l'état,
fufpend les effets du commerce , c'eft-à-
dire , de la circulation , 6c détruit le com-
merce mêmié.
3°. Moins la concurrence des fignes exif-
i.ms fera proportionnée dans chaque partie
d'un état à celle des denrées, c'cft-à-Jire,
ESP
moins la circulation fera adive, plus il y
aura de pauvres dans i'ctat , & conléquem-
ment plus il lera éloigné du degré de puil^
fance dont il eft fufcepnble.
Nous avons tâché jufqu'à préfent d'indi-
quer la fource des propriétés de chaque
branche du com.merce , <Sc de développer
les avantages particuliers qu'elles procurent
au corps politique.
Les fùretés qui forment le lien d'une
fociété, (ont l'cifet de l'opinion des hom-
mes , elles ne regardent que les légifiateurs
chargés par la providence du foin de les
conduire pour les rendre heureux. Ainfi
cette matière eft ablolumcnt étrangère ,
quant à (es principes , à celle que nous
traitons.
Il cft cependant une efpece de fureté ,
qu'il cft impofnhle de fépatcr des confidé-
rations fur le commerce, puilqu'elle en eft
l'am.e.
L'argent tft le figne 8c la mefure de tout
ce que les hommes fe communiquent. La
foi publique & la commodité ont exigé,
comar.e nous l'avons dit au comimencement,
que le poids & le titre de cet équivalent
fulfent authentiques.
Les légifiateurs étoient feuls en droit de
lui donner ce caraftere : eux feuls peuvent
faire fabriquer la monnoie , lui donner une
em.preinte, en régler le poids, le titre, la
dénomination.
Toujours dans un état forcé , relative-
ment aux aiures légifiateurs , ils font
aflraints à obferver certaines proportions
dans leur monnoie pour la conferver. Mais
lorfque ces proportions réciproques (ont
établies, il eft indifférent à la confervation
des monnoies que leur valeur numéraire
foit haure ou bsfic : c'eft-à-ilire , que h les
valeurs numéraires font furhaullées ou
diminuées tout d'un coup dans la rr;ême
proportion où elles étoient avant ce chan-
gement , les étrangers n'ont aucun intérêt
d'enlever une portion par préférence à
l'autre.
Dans quelques états on a penfé que ce
changement pouvoit être utile dans cer-
taines circonftar.ces. M. Melon & M.Dutot
ont approfondi cette queftion dans leurs
cxcellens ouvrages , lur tout le dernier. On
n'cntrcprendroit pas d'en parler , il l'état
ESP
même de la difpute ne paroifToic ignoré par
un grand nombre de perfonnes. Cela ne
doic point fiuprenJre , puifque hors du
commerce on trouve plus de gens en état
de faire le livre de M. Melon , que d'en-
tendre celui de fon adverfaire ; c; n'eft
pas tout , la querelle s'embrouilla dans le
temps au point que les parcifans de M.
Melon publièrent que les deux parties
ctoient d'accord ; beaucoup de perfonnes
le crurent , & le répètent encore. Il en
réfulte que fans s'engager dans la ledure
pénible des calculs de M. Dutot , chacun
reftera perfuadé que les iurhauiremens des
monnoies font utiles dans certaines cir-
conflrances.
Voici ce qu'en mon particulier , j'ai pu
recueillir de plufieurs leélures des deux ou-
vrages.
Tous les deux conviennent unanimement
qu'on ne peut faire ancun changement dans
les monnoies d'un état , fans altérer la con-
fiance publique.
Que les augmentations des monnoies par
les réformes au profit du prince , font per-
nicieufes : pirce qu'elles lailfent nécetlaire-
ment une difproportion entre les nouvel-
les elffces Se les anciennes qui les font (ùr-
tir de l'état , & qui jettent une confulîon
déplorable dans la circulation intérieure,
M. Dutot en expliquant dan'î un détail ad-
mirable par le cours des changes , les effets
d'un pareil défordre , prouve la néceflâté de
rapprocher les deux efpcccs , fbit en dimi-
nuant les nouvelles , foit en iiaulTî'.nt les
anciennes : que l'un ou l'autre opéroit éga-
lement la celfation du défordre dans la cir-
culation , & la fortie de l'argent ; mais il
n'eft point convenu quc: la diminution ou
l'augmentation du numéraire fiffent dans
leur principe & dans leurs fuites aucun bien
à l'état. Il a même avancé en plus d'un en-
droit, qu'il valait mieux rapprocher les deux
efpeces en diminuant les nouvt;lles , & il l'a
démontré.
M. Melon a avancé que l'augmentation
fimple des valeurs num^'-raircs dans une
exacle proportion enrr'ciirs , étoit nécef-
faire pour foulager le labov^rjur accablé
par l'impohtion i qu'elle étoit favorable au
toi & au peuple comme dcbiicuis ; qu'à
ESP
27
chofes égales , c'eft le débiteur qu'il con-
vient de favorifer.
M. Dutot a prouvé par des faits & par des
raifonnemcns , qu'une pareille opération
étoit ruineufe à l'état , 1^: direélemcnt op-
pofée aux intérêts du peuple & du roi. La
conviétion eft entière aux yeux de ceux qui
lifent cet ouvrage avec plus de méthode que
l'auteur n'y en a employée; car il faut avouer
que l'abondance des chofes& la crainte d'en
répéter , lui ont fait quelquefois négligerl'or-
dre & la progreiïion des idées.
Examinons l'opinion de M. Melon de k
manière la plus fimple, la plus courte, & la
plus équitable qu'il nous fera polTib'e : cher-
chons même les raifons qui ont pu feduire
cet écrivain , dont la leélure d'aiileurs cft fi
utile à tous ceux qui veulent s'inftruire fur
le commerce.
Si le numéraire augmente , le prix des
denrées doit haulfer ■■, ce fera dans une des
trois proportions fuivantes : 1°. dans la
même proportion que Vefpece ; 1°. dans une
proportion plus grande; 5°. dans une moin-
dre proportion.
Première fuppofîtion. Le prix des denréeS
haulTè dans la même ptoportion que le nu-
méraire.
Il ert conftant qu'aucune denrée n'eft
produite fans travail , Se que tout hommô
qui travaille dépenfe. La dépenfe augmen-
tant dans la proportion de la recette , il
n'y a aucun profit dans ce changement
pour le peuple induftrieux , pour les pro-
priétaires des fruits de la terre. Car les
propriétaires des rentes féodales auxquels
il eft dû des cens & rentes en argent , re-
çoivent évidemment moins ; les frais d;s
réparations ont augmenté cependant , dès-
lors ils font moins en état de payer les
impôts.
Ceux qui ont emprunté ou qui doivent
de l'argent , acquitteront leur dette avec
une valeur moindre en poids & en titre.
Ce que p'ndia le créancier lera gagné par
le débiteur : le premier fera forcé de dé-
pcnfer moins , & le fécond aura la faculté
de dépenfer davantage. La circulation n'y
gagne rien , le changement efl: dans la main
qui dépenfe. Difons plus , l'argent étant le
gage de nos échanges , ou pour parler plus
cxaclement , le moyen terme qui fert à les
D i
28 ESP
évaluer , tout ce qui afFcde l'argent ou fes |
propriétaires porte fur toutes les denrées
ou leurs propriétaires. C'eft ce qu'il faut
expliquer.
S'il y avoit plus de débiteurs que de
créanciers , la laifon d'état ( quoique mal
entendue en ce cas ) pourroit engager le
légiflateur à favorifer le plus grand nom-
bre. C herchons donc qui font les débiteurs ,
& Peftet de la valeur qu'on veut le^r pro-
curer.
Les créanciers dans un état font les pro-
priétaires de l'argent ou des denrées.
Il eft iùr que l'argent eft inégalement par-
tagé dans tous les p.nys, principalement dans
ceux cù le commerce étranger n'cft pas le
principe de la circulation.
Si les propriéta'res de l'argent ont eu la
confiance de le faire rentrer dans le com-
merce , luihauller i'efpe.e, c'eft les punir de
leur confiance ; c'eft les avertir de mettre
leur argcift à p'us haut prix à l'avenir; effet
certani & dirtdement contraire au principe
de la circulation; enfin c'eft non-leulement
introMurc dans l'état une diminution de
fûrecé , mais encore autorifer une mauvaife
foi évidente entre les fujets. Je n'en de-
mande pas d'autre preuve que le fyftcme
où font quantité de familles dans le royau-
me de devoir toujouis quelque chofe.
Qu'attendent- elles , que l'occafion de pou-
voir manquer à leurs engagemens en vertu
de la loi ? Quel en eft l'effet , linon d'en-
tretenir la dîhance entre les fujets, de main-
tenir l'argent à un haut prix , !k de groflîr
la dépenfc du prince ? Quoiqu'une longue
& htureuie expérience nous ait convaincus
des lumières du gouvernement a£luel , le
préjugé (ubfifte, & fubiîftera encore jufqu'à
ce que la génération des hommes qui ont été
témoins du défordre des (urhaiinemens ,
Ibit entièrement éteinte. Effet terrible des
mauvaifes opérations !
C'eft donc le principe de la répartition
inégale de l'argent qu'il faut atuiquer ou
reformer , au lieu dt: dépouiller les polTef-
feurs par une violence dangeieufe d.ins ies
effets pendant des liecles. Mais ce n'eft pas
tout : ob'ervons que li les propriétaires de
l'argent l'ont rendu à la circulation , elle
n'eft donc pas interrc;mpue. C'eft le cas
Cependant où M. Melon confeiUe l'augmen-
ESP
ration des monnoies. Si l'argent eft reflêrré
ou caché , il y a un grand nombre de de-
mandeurs Se point de prêteurs ; dès- lors le
nom.bre des débiteurs fera très-médiocre »
& ce feroit uu mauvais moyen de faire for-
tir l'argent , que de rendre les propriétés
plus incertaines.
Ce ne peut donc être des prêteurs ni des
emprunteurs de l'argent , que M. Melon a
voulu parler.
D'un autre côté le nombre des emprun-
teurs &: des prêteurs des denrées eft égal
dans la circulation intérieure. Les denrées
appartiennent aux propriétaires des terres ,
ou aux ouvriers qui lont occupés par le
travail de ces denrées. Par l'enchainemenc
des conlommations , tout ce que reçoit Je
propiiétaire d'une denrée pafle iiécellaire-
ment à un autre ; chacun eft tout à la fois
créancier & débiteur ; le fiiperflu de la na-
tion palfe aux étrangers. Il n'y a donc pas
plus de débiteurs à favorifer que de créan-
ciers. Il n'y a que les débiteurs étrangers de
favorifes ; car dans le moment du fuihauf-
fement , payant moins en poids & en titre ,
ils acquitteront cependant le numéraire de
leur ancienne dette. Préfent ruineux pour
l'état qui le fait ! Examinons l'intérêt du
prince , & celui du peuple relativement
aux impôts.
Il eft clair que le prince reçoit le même
numéraire qu'auparavant, mais qu'il reçoit
moins en poids & en titre. Ses dépenfcs
extérieures reftent abfolument les mêmes
intrinféquement , & augmentent numérai-
rement ; le prix des denrées ayant augmen-
té avec l'argent , la dépenfe lera doublée i
il faudra donc recourir à des aliénations
plus funeftes que les impôts paffagers , ou
doubler le numéraire des impôts pour ba-
lancer la dépenie. Où eft le profit du prince
& celui du peuple ?
Le voici fans doute. Si le prince a un
preffaiu befoin d'argent , &C qu'd lui loit dû
beaucoup d'arrérages , la facilité de payer
ces arrérages avec moins de poids & de
titre , en accélérera la rentrée : cela ne
fouffre aucun doute ; mais il fuffifoit ai
diminuer tant pour livre à ceux qui auroient
payé leurs arrérages dans un certain terme ,
& dans la proportion qu'on fe rrloudroïc
2 perdre , en cas d'augmentation de \'efpcc(u
ESP
Ceux qui n'anroienc pas d'argent en troiiye-
roient facilement, en partageant lebénctîce
de la remife -, avx lieu qu'en augmentant Its
ejpeces , il n'en vient pas à ceux qui en man-
quent. Tout fcroit rtfté dans Ton ordre natu-
rel ; le peuple eût été foulage , & le prince
Tecouru d'argent.
Si le prince a des fonds dans Ton trcfor ,
&: qu'il veuille rembourfer des founiifleurs
avec une moindre valeur , il fe trompe lui-
rr.cme par deux raifcns.
1°. Le crédit accordé parles fournifl'eurs
efl ufuraire , en raifon des rifques qu'ils
courent : c'eft une vérité d'expérience de
tous les temps , de tous les pays.
z". Ces fournillèurs doivent eux-mêmes ;
recevant moins , ils rembourferont moins :
& à qui î à des ouvriers , à des artiftes , aux
propriétaires des fruits de la terre.
La dépenfe étant augm.entée , combien
de fam.illes privées de leur aifance ! quel
vaide dans la circulation , dans le paiement
des impôts, qui n'en (ont que le fruit !
Si c'cft pour diminuer les rentes iur l'é-
tat , c'ell: encore perdre , puifque les nou-
veaux emprunts le feront à des conditions
plus dures ; l'intérêt de l'argent hauifant
pour le prince , il devient plus rare dans le
commerce : la circulation s'aftoiblit, & fans \
circulation , point d'aifance chez le peuple.
Si cependant l'on fe refont à perdre la con-
fiance & à faire une grande injuftice , il eft
encore moin: dangereux de diminuer l'in-
térêt des rentes dues par l'état , que de
hauffer Vefpcce : la confuiion (eroit moins
générale i la défiance n'agiroit qu'entre l'état
& fes créanciers , fans s'étendre aux engage-
mens particuliers : mais ni l'un ni l'autre
n'eft utile.
Concluiîon : en fuppofant le prix des
denrées haufle en proportion de l'argent ,
il en naît beaucoup de déiordres ; pas un
feul avantage réel pour le roi , ni pour le
peuple.
Seconde fuppofition. Le prix des denrées
hauSTe dans une plus grande proportion que
le numéraire.
Le mal fera évidemment le même que
dans la première hypothèle , excepté que
les rentiers feront plus malheureux, & con-
fommeront encore mor.s. Mais celle ci a
de plus un incouvéïûenc extérieur ; car le
ESP 29
fuperP.u rendisfrifTant , il n'efl pas sûr que
les étrangers continuent de l'acheter : du
moins eft-il confiant qu'il arrivera quelque
révolution dans le commerce. Or ces révo-
lutions font , dans un état commerçant , le
même effet que chez les ncgocians ; elles
l'enrichiflent ou l'appauvri lient. Il s'en pré-
fente allez de naturelles , fans les provo-
quer & multiplier fes rifques. il efl même
un piéjugé bien fondé , pour croire que le
commerce étranger diminuera: car l'argent
fe foutiendra cher , en rai Ion des motifs
de défiiMicn qui font dans l'état ; &: les den-
rées augmentant encore par elles-mêmes ,
il ell évident que l'état aura un défavantage
confidérable dans la concurrence des autres
peuples.
Avant de paffer à la troilleme fuppofi-
tion , il faut remarquer que l'expérience a
prouvé que celle-ci efl l'efiet véritable des
augmentations des monnoies , non pas
tout d'un coup , m.ais lucceffiyement. Les
denrées hauffant continuellement , les dé-
penfjs de l'état augmentent , & par la
m.cmc raifon le numéraire des impôts. Ls
peuple , dont la recette efl ordinairement
bornée au fim.ple néccfHiire , quel que foit
le numéraire , n'eft pas plus riche dans un
cas que dans l'autre , il n'a jamais de rem-
bouriemens à faire ; & s'il vient à payer
plus de numéraire à l'état en proportion de
celui qu'il reçoit , il eft réellement plus
pauvre.
Les obfervations de M. l'abbé de Saint-
Pierre , & les comparailons que fait M. Du-
tot , des reverius de plufieurs de nos rois, ne
laiflcnt aucun doute fur cette vérité, que
les denrées hauflent fuccelTivement dans
une plus haute portion que la monnoie :
cependant examinons la troiiieme fuppofi-
tion , & voyons les effets qui rélultent de fon
paffige.
Troijieme fuppofiiion. Le prix des denrées
n'augmente pas proportionnellement avec
l'argent.
C'cft la plus favorable au fyfïcme de M.
Melon. Conlidérons quelle aiiance le peuple
& l'état en retirent ; & , ce qui eft plus im-
poîtant , combien en durent les ctTtrts. Sup-
pofons la journée des ouvriers , 10 fols ; la
dépenfe n;ce(laire à la luhlilb.mce , rj fols.;
ce feront 5 fols pour le fuperfliu
jo ESP
Suppofons i'augmcntacion numéraire ^n
moitié , Se l'ausnienracion du prix des den-
rées d'un quart Ua journée monterai zj
fols , qui ne vaudront intrinféquement que
lé'fols 8 lien, fur l'ancien pié. La dtpenfe
néceilaire fera de iS fols 9 dcn. il reftera
pour le fuptrflu 6 (bis 3 d. Mais comme les
denrées on: augmenté d'un quarts l'ouvrier
n'achètera paj plus de chofes qu'avec les
5 f. qu'il avoit coutume de recevoir.
Ainfi de ce côté l'ouvrier ou le peuple
ne gagne point d'aifance : la circulation ne
gagne rien.
Examinons la pofition du commerce
étranger.
Suppofons fon ancienne valeur de 48 ;
les denrées ayant augmenté d'un quart, la
nouvelle valeur fera 60.
Il n'efl; point de nation qui ne reçoive
des denrées des peuples auxquels elle vend :
c'efl: l'excédent des exportations fur les im-
portations , qui lui procure de nouvel ar-
gent. Evaluons les échanges en nature aux
rrois quarts de l'ancienne valeur , c'eft-à
dire, à 56, le proiît de la balance eût été
II. Il eft évident que l'étranger paye fes
achats fur le pié établi dans le pays du ven-
deur ; mais qu'il fe fait payer (es ventes fur
le pié établi chez lui , c'eft-à-dire , en
poids &: en titre.
Cela pofc, on achètera de l'étranger 54
ce qu'on payoit 56. Les ventes feront 60 ;
la balance reliera 6.
Elle étoit de iz auoaravant ; par confé-
quent la circulation perd 6 , & ces 6 n'équi-
vaudront intrinféquement qu'à 4 fur l'an-
cien pié.
Par la même raifon , tout ce que l'é-
tranger devra au moment du furhauffe-
ment , fera payé la moitié moins ; & ce
qui leur fera dû , coûtera la moitié de nu-
méraire en fus. Cette double perte pour les
négocians en ruinera un grand nombre au
profit des étrangers ; les faillites rendront
l'argent rare & cher : enfin l'état aura per-
du tout ce que l'étranger aura payé de
moins. Ces objets feuls font de la plus gran-
de importance; car (1 l'état ajoute l'incer-
titude des propriétaires aux rifques natu-
rels du commerce , perfonne ne f-'ra ten-
té d'y faire circuler fes capitaux , le crédit
des négocians fera foible, l'ufure s'en pré-
ESP
vaudra : jamais lesintérêrs ne ballferont, 5C
jamais l'état ne jouira de tous les avantages
qu'il a pour commercer.
On objedera fans doute que les prix étant
diminués d'un quart , les étrangers achète-
ront un quart de plus de denrées.
Si cela arrive , il eft évident que l'in-
duftrie fera animée par cette nouvelle de-
mande ; que la circulation recevra une très-
grande aétivité : que la balan.ce numéraire
fera 18, puifque la vente fera 71 : enfin
que l'état recevra autant de valeur intrin-
féque qu'auparavant. Mais il y a plu-
fieurs obfervations à faire fur cette objec-
tion.
1°. S'd eft vrai de dire en général,
comme on doit en convenir , que le bon
marché de la denrée en procure un plus
grand débit , il n'arrive pas toujours pour
cela que le débit s'accroifTe dans une pro-
portion cxafte de la baiflc des prix. Outre
qu'd eft des denrées dont la confomrnation
eft bcrncepar elle-même , le marchand qui
les revend fait tout fon polTible pour retenir
une partie du bon marché à fon profit par-
ticulier.
1°. L'argent fefouticndra cher par la dimi-
nution de la confiance , & le grand nombre
de faillites qu'aura occafionnées le pr-tlage
du furhauflcment : ainfi , quoique la main-
d'œuvre & les denrées n'aient haudé que
d'un quart en numicraire , il eft certain que
l'inté/èt des avances taites par les négocians,
fera de moitié plus fort en numéraire i &
que cette moitié en fus du numéraire de
l'intérêt, doit être ajoutée au furhaulfement
des denrées , que nous avons fuppofé être
d'un qu.irt.
Si cet intérêt éroit de 6 pour ic<^. ce feroit
un douzième & demi en fus. Celui qui
polTédoit dans fon commerce 1 co liv. avant
le furhiuirement , fe trouvera pofTéder nu-
méraircment i jo livres. L'augmentation des
denrées étant du quart , il femblcroit qu^a-
vec ces ico liv. on pourroit commercer lur
lî liv. de plus en dentées. ^^
' Mais il faut obferver que l'intérêt de
I jo livres eft 9 livres à 6 pour too ; amfi il
f^ut retrancher fur 150 liv. à railon de cet
imcrêi, 9hv.
Reftent 141
ESP
L'augmentation du prix des
denrées a été du quart. . . ty
ii6
Refte donc pour 16 livres de plus en
denrées , qu'on n'en avoir avant l'augnicn-
tation (les tfpcces. Cependant comn-.c l'in-
térêt de ces 100 liv. étoif de 6 pour | égale-
ment , il convient d'ajouter 6 livres aux
16 liv. ce qui en fera li liv.
Mais le plus fort numéraire des intérêts
a évidemment diminué 5 livres lur les
zy livres que l'on elpéroic trouver de plus
en denrées , à raifon de l'inégalité du îur-
haufîement des denrées en proportion de
celui des ejpcces.
Ce calcul pourroit encore être poulTé
plus loin , fi l'on évalue le bénéfice du
commerçant, qui eft toujours au moins du
double de 1 intérêt.
3°. Toutes les manufactures où il entre
des matières étrangères , haulleront non-
leulement d'un quart , comme toutes les
autres denrées , mais encore de l'excédent
du numéraire qu'on donnera déplus qu'au-
paravant pour payer ces matières.
4°. Si le pays qui a haullé la monnoie,
tire de Téiranger une partie des matières
nécelTIiires à la navigation , Ton fret ren-
chérira d'autant en numéraire; il faudra
encore y ajouter le plus grand numéraire ,
Se à raifon de l'intérêt de l'argent , & à
raifon des prix des alTurances. Toutes ces
augmentât! j.:s formeront une valeur intrin-
féque qui donnera la fup^rioriié dans cette
partie eflentielle , aux étrangers qui payent
l'argent moins cher.
5^. Tout ce qui manquera à l'achat des
étrangers pour répondre à ce quart de di-
minution lur le prix , diminuera la balance
incrinléque de l'état. Si dans l'exemple pro-
pofé , au lieu d'exporter 7 2. , on n'exporte
que 66 , ia balance numéraire fera de 1 1 ,
comme auparavant 5 mais la balance intrin-
féque ne fera que 8.
6°. En fiippofant même le quart en-
tier d'accroifltment fur les ventes , ce ont
n'eft pas viaifemblable cependajit , il tll
clair, fuivant la remarque de M. Diitot,
que l'étranger n'aura donné aucun, équiva-
lent en- échange.
7°. Je conviens que l'état aura occupé
ESP 5,
plus d'hommes : c'eft un avantage très-
reel ; ma;s il faut rcconnoître aulli que les
denrées haiillant fucceflivemcnt , comme
l'expérience l'a toujours vérifié, les ventes
diminueront fiicceilivement dans la même
proportion. Labalanccdiminuera avec elles
numérairement &c intrinléquement ; & fui-
var.t les principes établis fur la circulation,
le peuple fera en peu de temps plus mal-
heureux qu'il n'étoit : car fon occupation
diminuera ; le nombre des fignes qui avoit
coutume d'entrer en concurrence avec les
denrées , n'entrant plus dans le commerce,
la circulation s'aftoiblira , l'intérêt de l'ar-
gent fe foutiendra toujours. Telle eft la
vraie pierre de touche de la profpérité inté-
rieure d'un état. Je veux bien compter
pour rien le dérangement des fortunes par-
ticulières & des familles , puifque la malle
de ces fortunes reliera la même dans l'état j
mais je demanderai toujours s'il y a ir.oins
de pauvres , s'il y en aura moins par la
fuite, parce que la reflbuice de l'état peut
être miclurée fur leur' nombre.
Je ne crois point qu'on rn'accr.fe d'avoir
dilîim.ulé les laifons favorables à l'opinion
de M. Melon : je les ai cherchées avec foin,
parce qu'il ne me paroifloit pas naturel
qu'un habile hommiC avançât un fentiment
lans l'avoir médité. J'avoue même que d'a-
bord j'ai héfité : mais les faites peinicieu-
fcs & prochaines de cet embonpoint pafla-
ger du corps politique, m'ont intimement
convaincu qu'il n'étoit pas naturel ; enfin
que l'opération n'eft utile en aucun fens.
C'eft ainfi qu'en ont penfé Mun , Locke ,
& le célèbre Law , qu'on peut prendre
pour juges en ces matières, lorfque leur
avis fe réunit. Il ne faut pas s'imiaginer que
l'utilité des augmentations numéraires n'ait
pu fe développer que paimi nous , à moins
que l'influence du climat ne change aufli
quelque choie dans la combinaifon des
nombres.
Enfin je ne me ferai point trompé , fl
malgré une augmentation de denrées à rai-
fon de l'agrandilTèment du royaume ,
malgré une augmentation de valeur de 1 jo
millions dans nos colonies, la balance du
commerce étranger n'eft pas plus confidé-
rable depuis vingt- trois ans , que de iê 60
à i68j.
3* ESP
Nous avons évificmment g?!gîié, puil-
que depuis la dernière réforme il a été mon-
uoyé près de treize cents millions ; naais il
s'agit de fiivoir fi nous n'aurions pas gagné
davantage , en ce cas qu'on n'eût point
haulfé les monnoies ; fi l'on vcrroit en Ita-
lie , en Allemagne, en Hollande fur-tout
& en Angleterre , pour des centaines de
millions de vieilles monnoies de France.
Jean de Wit évaluoit la balance que la
Hollande payoit de Ton temps à la France ,
à }om;llions,qui en feroient aujourd'hui plus
de fj. Je fais que nous avons étendu notre
commerce : mais fans compter l'augmen-
tation de nos terres Ôc l'amilioration de
nos colonies , fuppofons ( ce qui n'eft pas)
que nous avons fait par nous-mêmes ou par
d'autres peuples , les trois quarts du com-
merce que la Hollande faifoit pour nous
en 165J , la balance avec elle devroit ref-
ter de plus de treize millions; en 17 ji elle
n'a été que de huit.
Règle générale à laquelle j'en revien-
drai touiours , parce qu elle eft d'une ap-
plication très-étendue : par-touc où l'inté-
rêt de l'argent fe foucient haut , la circula-
tion n'eft Vas libre. C'cft donc avec peu de
fondement que M. Melon a comparé^ les
furhauffemens des monnoies , même
fans réforme ni refonte , aux multiplica-
tions des papiers circulans. Je regarde ces
papiers comme un remède dangereux par
les faites qu'ils entraînent ; mais ils le cor-
rigent en partie parla diminution des inté-
rêts , & donnent au moins les lignes &c les
effets , d'une circulation intérieure , libre
&c durable. Ils peuvent nuire un jour à la
richclfe de l'état , mais conftamment le peu-
ple vit plus commodément. S'il étoit polfi-
ble même de borner le nombre des papiers
circulans , &c lî la facilité de dcpenlçr n'é-
toit pas un préfage prefque certain d'une
grande dépcnfe , je les croirois fort utiles
dans les circonftances d'un épuifement gé-
néral dans tous les membres du corps poli-
tique : difons plus , il n'en eft pas d'autre ,
fous quelque nom ou quelque forme qu'on
lei préfeiite. Il ne s'agit que de favoir ufer
de la fortune , & fe ménager des ref-
fources.
Cette difcuflîon prouve invinciblement
que le commerce étranger eft le feul nuéiêt
ESP
r^el d'un état au-dedans. Cet intérêt eft ce-
lui du peuple &: celui du prince : ces trois
parties forment un feul tout. Nulle diftinc-
tion fubtile , nulle maxime d'une politique
faulfe & capticufe, ne prouvera jamaisà un-
homme qui jouit de fa raifon , qu'un tout
n'eft point affecté par l'affoibliffement d'une
de fes parties. S'il eft fige de favoir perdre
quelquefois , c'eft dans le cas où l'on fe ré-
ferve l'efpérance de fe dédommager de fes
pertes.
M. Melon propofe pour dernier appui de
fon fcntiment , le problême fuivant :
L'tmpofition néceffhire au paiement des char-
ges de l'état étant telle , que les contribuables ,
malgré les exécutions militaires , n'ont pas de
quoi les payer par la vente de leurs denrées ,
que doit faire le légijlateur ?
J'aimerois autant que l'on demandât ce
que doit faire un général dont l'armée eft
alTîégée tout à la fois par la famine & pat
les ennemis , dans un pofte très-dcfavan-
tageux.
Dire qu'il ne falkvt pas s'y engager , fe-
roif une r 'ponle alfez naturelle , puifque
l'on ne déiigneroit aucune des circonf^
tances de cette pofition ; mais certaine-
ment perfonne ne donneroit pour expédient
de livrer la moitié des armes aux ennemis ,
afin d'avoir du pain pendant quatre jours.
C'étoit fans doute par modeftie que M.
Defmarefts difoit qu'on avoit fait lublifter
les armées & l'état en 1709 , par une efpe-
ce de miracle. Quelque cruelle que fût alors
notre iituation , il me femble que les mots
de miracle & A'impolfibilitcne Lom point faits
pour les iiommes d'état.
Toute position a fes reffcurces quelcon-
ques , pour qui fait l'envifagerde fang froid
& d'après de bons principes. Il eft vrai que
dans ces occafîons critiques, comme dans
toutes les autres, il faut fe rappeller la priè-
re de David: Infatua , Domine, conjilium
Achitopcl.
Ce que nous avons dit fur la balance de
notre commerce en 1 655 , prouve combien
peu eft fondé ce préjugé commun , que
notre argent doit être plus bas que celui de
nos voilîns , fi nous voulons commercer
avantageuft-ment avec eux. M. Dutot l'a
également démontré par les changes.
La vraie caufe de cette opinion parmi
quelques
ESP
S[uelques ncgocians , plus praticiens qu'ob-
ervateurs des caufcs & des principes, cft
que nos furliaulîemens ont prcfque tou-
jours été fuivîs de diminutions.
On a toutes les peines du monde alors à
fane confèntir les ouvriers à baiflcr leurs
falaires , & les denrées fe foutiennent juf-
qu'.: ce que la furpenlion du commerce les
ait réduites à leur proportion. C'cft ce qui
arrive même après les chertés confidéra-
bles ; l'abondance ne ramené que très-len-
tement les anciens prix.
Ce pa(T:;ge eft donc réellement très-défa-
vantageux au commerce , mais il n'a point
de fui&îs ultérieures. Obfervons encore que
l'étranger qui doit , ne tient point compte
des diminutions, & que cependant le né-
gociant e(t obligé de payer Tes dettes fur
Je p:é établi par la loi. Il en réfulte des fail-
lites. Se un grand difcrédit général.
C'eft donc la crainte feule des diminu-
tions qui a enfanté cette efpcce de maxime
fauffe en elle-même , que notre argent doit
être bas.
La vérité eft qu'il eft important de lelaif-
fer tel qu'il fe trouve ; que parmi les profpé-
rités de la France , elle doit compter prin-
cipalement la fiabilité ailuelle des mon-
noies. f^oye^ les articles Monnoie , Or ,
Argent , Cuivre , &c.
ESPÉRANCE , f. f. ( -Sfor^j/.-. ) conten-
tement de l'ame que chacun éprouve ,
lorfqu'il penle à la iouiirince qu'il doit pro-
bablement avoir d'une chofe qui eft propre
à lui donner de la f itisfaétion.
Le créateur , dit l'auteur de la Henriade,
pour adoucir les maux de cette vie,
A placé parmi nous deux ésres bisnfaifans ,
De la terre a jamais aimables hahitans ,
Soutiens dans les travaux , trlfors dans
l'indigence :
L'un efl te doux fommeil y & Pautre /'clpé-
rance.
Auflfi Pindare appelle Vcfpérance , la
bonne nourrice de la vieillelTe. Elle nous
confole dans nos peines , augmente nos
plaifirs, &nous fait jouir du bonheur avant
qu'il exifte ; elle rend le travail agréable ,
anime toutes nos adions, 6: récrée l'amc
lans qu'elle y penfe. Q_uc de philofophie
dans la fable de Pandore ! l
Tome XIII.
ES? 35
Les plai/îrs que nous goiitons dans ce
monde font en fi petit nombre & fi palfa-
gers, que l'homme feroit le plus m fér.îble
de toutes les créatures , s'il n'étoit doue de
cette pafTionqui lui procure quelque avant-
goût , d'un bonheur qui peut lui arriver un
jour. Il y a tant de vicifTîtudes ici bas , quM
eft quelquefois difficile de juger j quel point
nous fommes à bout de notre efpérance ;
cependant notre vie eft encore plus heu-
reufe, lorfque cette efpérance regarde un
objet d'une nature fublime: c'eft pourquoi
Vcfpérance religieufe foutient l'ame entre
les bras de la mort , & même au milieu des
fouffrances. l'^oyei ^'article fuivant Espé-
rance , ( Théologie. )
Mais ['efpérance immodérée des hommes
à l'égard des biens temporels , eft une fource
de chagrins & de calamités; elle coijte fou-
vent autant de peines , que les craintes
caufent de fouci. Les efpérances trop vaftes
& formées par une trop longue durée, font
déraifonnables , parce quelle tombeau eft
caché entre nous & l'objet après lequel
nous foupirons. D'ailleurs dans cette immo-
dération de defirs, nous trouvons toujours
de nouvelles perfpeérives au-delà de celles
qui terminoient d'abord nos premières
vues. L'cfpéranceett: alors un miroir magique
qui nous fédait par de faulFes image's des
objets : c'eft alors qu'elle nous aveugle par
des illuiîons > & qu'elle nous trompe ,
comme ce verrier perfan des contes arabes ,
qui dans un fo.nge flatteur renverfa par un
coup de pié toute fa petite fortune. Enfin
{'efpérance de cette nature , en nous éga-
rant par des phantômeséblouilTans, nous
empêche de goûter le repos , & de travailler
à notre bien-être par le fccours de la pré-
voyance & de la figefte. Ce que Pyrrhus
avoir gagné par fes exploits , il le perdit par
fes vaines efpérances; car le defir de courir
après ce qu'il n'avoit pas , & l'efpoir de
l'obtenir , l'empêcha de conferver ce qu'il
avoit acquis ; ftmblable à celui qui jouant
aux dés, amené des coups favorables, mais
qui n'en fait pas profiter, due ne vous repo-
fe^-vous dcs-à'préfcnt t lui dit Cinéas î
Les confequeiices qui nailTènt de ce petit
nombre de réflexions , font toutes fimplcs.
L'efpérance eft un préfent de la nature que
nous ne faurions trop prifer ; elle nous mcnc
E
34 ESP
à la fin de notre carrière par un chemin |
agréable , qui eft iemé de fleurs pendant
le cours du voyage. Nous devons ejpérer tout
ce qui eft bon , dit le poëte Linus , parce
qu il n'y a rien en ce genre , que d'honnêtes
gens ne puillent fe promettre , ôc que les
dieux ne (oient en état de leur accorder ;
mais les hommes flottent fans celfe entre
descraintes ridicules &; de faulles efprrances.
Loin de fe lailler guider par la raifon , Us
fe forgent des monftres qui les intimident ,
ou des chimères qui les feduifent.
Evitons ces excès , dit M. AdilTon , ré-
glons nos effiérances , pefons les objets ou
elles fe portent , pour favoii s'ils font d'une
nature qui puifle raifonnablemeni nous
procurer le fruit que nous attendons de
leur jouiffance , & s'ils font tels que nous
ayons lieu de nous flatter de les obtenir
dans le cours de notre vie. Voilà , ce
me femble , le difcours d'un philofophe
auquel nous pouvons donner quelque
créance :
C'eft un fage qui nous conduit ,
Ceft un ami qui nous confi Me.
^Article de M. le Chevalier DE J AU COURT.
Espérance , {Théol.) venu théologale
& infufe , par laquelle on attend de Dieu
avec confiance le don de fa grâce en cette
vie & la béatitude en l'autre.
On peut avoir la foi (ans \'efpérance,ma\s
on ne peut point avoir Vefpérance fans la
foi i car comment efpérer ce qu'on ne
croiroit pas ? d'ailleurs l'apôtre nous ap-
prend que la foi eft la bafc & le fondement
de Vefpérance : eft auiem fiées fpcrandarum
fubftantiarerum;'HehT.cap. ay, mais on peut
avoir Vefpérance , fans avoir la charité. De-
là vient que les théologiens diftir.guent
deux fortes d'ejpérance , Vune informe qui
fc rencontre dans les pécheurs , & l'autre
fermée ou perjeâionnée par la charité dans
les juftes.
L'effet de Vefpérance n'eft pas de produire
en nous une certitude abfolue de notre
fandtification , de notre perfevérance dans
le bien , &: de notre glorification dans le
ciel , comme le foutiennent les calviniftcs
rigides après la décif on du fynode de Dor-
drecht , mais d'établir dans les caurs une
fimple confiance fondée (:\t la bùiuc de
ESP
Dieu & les mérites de Jefus-Chrift, que Dieu
nous accordera la grâce pour triompher des
tentations & pratiquer le bien , afin de
mériter la gloire, parce que l'homme doit
toujours travailler avec crainte &c tremble-
ment à l'ouviage de fon falut , & qu'il ne
peut fil voir en cette vie s'il eit digne d'a-
mour ou de haine. Koye^ Prédestina-
tion.
Les vices oppofés à Vefpérance chrétienne
font le défefpoir & la préfomption. Le
défefpoir eft une difpofuion de l'efpiit qui
porte à croire que les péchés qu on a com-
mis font trop grands , pour pouvoir en
obtenir le pardon , & que Dieu eft un juge
inflexible qui ne peut les remettre. La pré-
fomption conlifte à êire tellement pciluadé
de la juftice & de fon bonheur éternel,
qu'on ne craigne plus de les perdre , ou à
compter tellement fur les forces de l.i na-
ture , qu'on s'imagine qu'elles fufïîfent
pour opérer le bien dans l'ordre du falut.
Telle étoic l'erreur des pélagiens. l^oye[
PtLAGIENS,
Les philolbphes oppofcnt la crainte à
Vefpérance, & difcnt qu'elles s'excluent mu-
tuellement d'un même iujet; n.ais les théo-
logiens pcnfent que toute efpece de crainte
ne bannit pas du cœur ['(Jpérance chrétici.ne.
La crainte filiale qui porte à s'abfttnir du
péché , non-feulement dans la vue d éviter
la damnation , mais encore p. r l'amour de
la juftice qui le défend , non-feulement n'eft
point incom.patible avec Vtfpérance, mais
même elle la iuppi-fe. La crainte l^mple-
menc fervile ne l'exclut pas non plus ; mais
la crainte fervilement fcrvde ne laiflt qu'une
clpérance bien fo.ble dans le cœur de celui
qu'elle anime, f^'vy. Crainte. ("G)
* Espérance, {M\tkol.) c'étoit une
des divinités du p-ganifme; elle avoir deux
temples à Pvom.e , l'un dans la fcptitme
région , l'autre dans le marché aux herbes.
On la voit dans les antiques couronnée de
fleurs , tenant en main des épis & des pa-
vots , appuyée fur une colonne , & placée
devant une ruche. Les poètes en^ ont fait
une des fœurs du fommeil qui fufpendnos
peines , & de la mon qui les finit.
Espérance , ( Cnp-de-bonne- ) Géos;. ^.
Cap , fc-c. & ejuut^i-y que , fel<Mi N!,
CalTuii , la longitude Au. Cap elleft ^7'' 56'o",
ESP
17'' 44 50" }i l'orient de Paris , fa îatitude 1
54 I 5' o" wérid. Selon M. de la Caille , la
latitude ell 5 4** 14 , & la longitude , à l'oiient ,
de Paris , lé** 10. |
ESPERNAY , Spernacum , (Géo[^.) ville ;
de Champagne , fur la Marne , à fept lieues
de Châlons. Ce n'ctoit , fous Clovis , qu'un
château habité par Enlage ou Eulage , à qui
le prince pardonna (a révolte à la prière de
faint Rémi. Ce noble François , en rccon-
noilTance , donna fon château à leglife
de Rheims. Le corps de faint Rémi y fut
dépofépar Hiucmar durant les ravages des
Normands.
Cette terre fut réunie à la couronne par
François I, en 1551. Enfin elle fut cédée
au duc de Bouillon avec d'autres terres , en
échange de la principauté de Sedan en 1 641 .
Efpernny durant la ligue fut affiégé & pris
par Henri IV, en IJ91. Le maréchal de
Biron y fut tué d'un coup de canon le 17 de
juillet I f 91 , à l'âge de 68 ans ; fa devifc
étoit une mèche allumée avec ces mots :
Moriar ,fed in armis ; fon fécond fils , Jean
de Gontaut , avoit été tué à la malheureufe
journée d'Anvers, en 1585 ; & Pjn père
étoit mort des blellures reçues à la bataille
de Saint-Quentin en 1^57.
C'efi la patrie de Flodonn , hiflorien du
x= iiecle , dont la chronique cit ellimcc des
favans.
Le commerce confifte en vins , qui font
les plus eftimés de la Champagne. Not. Gai.
p. :??o, Diclionn. de la Aiartiniere, (C)
ÏSPERNON, {Géoor. mod.) ville de
Beauce en France ; elle eft fituée fur la
Guefle. Long. i8 , z'o ; lat, 48 , q^.
ESPIER , voyei Epier.
ESPINAL , (G/orr. mod.) ville de Lor-
raine ; elle eft htuée proche les montagnes
de Vofge , fur la Mofelle. Long, z^ , 1.^ ;
lat. 48 , ZZ.
ESPINGARD , C. m. (Art milit.) petite
pièce d'artillerie qui , comme rémerilion ,
ne pafTe pas une livre de balle. Voyc% EAfE-
RILLON. ( Q)
ESPINOSA , ( Géorr. mod. ) Il y a en
Efpagne deux villes de ce nom , 1 une dans
la Bifcaye , l'autre dans la vieille Caftdle :
celle-ci a de long, z:^ , ^6 ; 8c de l/it. ^-^ , z.
ESPION , f.m. '{Art milit. ) eft une per-
fonne que l'on paie pour examiner les ac-
ESP 55
tions , les mouvemcns, C-c. d'une autre , Se
fur- tout pour découvrir ce qui fc palTe d.ms
les armées.
Quand on trouve un e/pion dans un
camp on le pend auffi - tôt. VVicqueforc
dit qu'un ambadadcur eft: quelquefois un
efpion didlngué qui eft fous la piotedioii
du droit des gens. Voye^ Amba&sadevr.
C/iamlicrs.
Une chofe eftèntielle à un général , &:
même à tous ceux qui font chargés de
quelque expédition que ce loit , c'eft d'avoir
un nombre de bons efpions &i de bons gui-
des ; car fans cela il tombera tous les jours
dans de grands inconvéniens. Il ne doit
jamais regretter la dépenfe qu'il fait pour
l'entretien des efpions ; & quand il n'a pas
de quoi y fatisf:iire , il faut ficrifier celle de
fa cuifine 3i de fa maifon plutôt que de
manquer à cet article. C'eft-là qu'il faut
répandre l'argent à pleines mains. Il eft rare,
en fuivant cette maxime , qu'on foit furpris,
au contraire on trouve fouvent l'occafion de
furprendre l'enDcmi. (Q)
ESPLANADE ( ee Parapet ) , f. f.
en fortification , s'appelle s.\x{^\ glacis ; partie
qui fert à la contrcic;irpe ou chemin cou-
vert ; c'cft un talud , ou pente de terrain
qui commence au haut de la contref-
carpe , & qui en baillant inienliblement,
devient au niveau de la campagne. Voye^
Glacis.
Esplanade fign'fic auflî le terrain plat
& de niveau qui êft entre le glacis de la
contrefcr'.rpe 1^: les premières mailbns , ou
bien l'efpace q\ii eft entre les ouvrages &
les maifons de la place. C'eft encore le
terrain ou l'efpace renfermé dans la ville
entre les maifuns & la citadelle. Fbvf^ Ci-
tadelle. VoyeT^cujfi PI. IX, de Fortifie.
On applique aulTî ce terme généralement
à tout terrain applani Se de niveau , qui au-
paravant avoit quelqu'éminence qui incom-
modoit la place. (Q )
Espi ANADE , ( Jardinage. ) eft un lieu
élevé &z découvert pour jouir de la belle vue.
Ces cfpliin.ides le trouvent ordinairement
dans la rencontre de deux tcrrafles formant:
un carrefour , dans le plain-pié d'un belvé-
dère & dans de grands parterres élevés fur
des terrafles, {K)
E i
36 ESP
Esplanade , ( Fauconnerie- ) c'cft la route
que tient l'oifeau lorfqu'il plane en l'air.
* ESPOLIN ou ESPOULIN , f. m. ter-
me d'ourdijfage, C'eft une petite navette qui
contient la dorure & la foie propre à brocher.
Il y a des ejpoiins à deux tuyaux : ces deux
tuyaux portent la dorure.
ESPONCE , f. f. ( Jurlfprud. ) fîgnifie le
déguerpiflement que le détenteur fait d'un
héritage chargé de cens , rente , ou autre
devoir , pour en être déchiugé à l'avenir.
Ce terme eft ufité dans les coutumes d'An-
jou & Maine , Tours , Lodunois & Poitou.
Le terme de quittance eft quelquefois joint
à celui à'efponce comme lynonyme , non
pas qu'efponce fignifie une quittance propre-
ment dite , mais pour dire que par Vefponce
le détenteur quitte & abandonne l'héri-
tage. (A)
ESPONCION , ( Jurifprud. ) eft la même
chofe quefponce. Voye^^ Esponce. {A)
ESPONDEILLAN, ( Géog. mo^f.) petite
ville du Languedoc , en France , au diocefe
de Beziers.
ESPONTlLLES , voye^^ Epontilles.
ESPONTON , voyei Sponton.
ESPORTE , f. f . ( Junjprud. ) dans la
coutume de Bordeaux , art. 8z , S? , 8^ ,
88 , ^09 , £■■ g^ , eft ce que le vaflal donne
ou offre à fon feigneur pour obtenir de lui
rinveftiture de quelque fief , ou pour le
relief dii à quelque mutation ; ce mot vient
du latin fportuia, qui (ignifie don ou préfent,
d'où on a fait par contraélion ou corrup-
tion /porta , ou fportuia , & en françois ef-
porte. Voye^ le Glaujfaire de Ducange , au
moi fporta. (A)
ESPRIT , f. m. terme de Grammaire gre-
(jue. Le mot efprit ,fpiritus , fignifie dans le
iens propre un wnt j'uhdl , le vent de la rcf-
piration, unfoufe. En termes de grammaire
grtque , on appelle efprit , un ligne parti-
culier dcftinc à marquer l'afpirfltiun comme
dans l'article o , le ,' , la. On prononce ho,
lie, comme dans hotte, héros; ce petit' qu'on
(écrit fur la lettre, eft appelle tfprit rude.
Vifprit des Grecs répond parfaitement à
notre H ; car comme nous avons une h
afpirée que l'on fait feinir dans la pronon-
ciation , comme dans haine , h-'ros , & que
d'c plus nous avons une h qu'on écrit ,
mais qu'on appelle mueti:, parce q^u'on ne la
ESP
prononce point , comme dans Vkomme ,
l'heure ; de même en grec il y a efprit rude
qu'on prononce toujours , & il y a efprit
doux qu'on ne prononce jamais. Nous avons
dit que l'efprit rude eft marqué comme un
petit ' qu'on écrit (ur la lettre ; ajoutons que
['efprit doux eft marqué par une petite vir-
gule' ; ainii l'efprit rude eft tourné de gauche
à droite' , & le doux de droite à gauche'.
Qiie nos h foient afpirées ou qu'elles ne
le foient pas , il n'y a aucun ligne qui les
diftingue ; on écrit également par h le héros
&c l'héroïne , mais les Grecs diftinguoient
l'efprit rude de l'efprit doux : je trouve que
les Italiens font encore plus exads, car ils,
ne prennent pas la peine d'écrire l'k qui ne
marque aucune afpiration ; homme , uomo ;
les hommes , uomini ; philolophe , Jiiofufo ;
rhétorique , rettorica s on prononce les
deux t.
Yj' efprit rude étoit marqué autrefois par h,
eta , qui eft le fignc de la plus forte alpira-
tion des Hébreux , comme l'A en latin & en
françois eft la marque de l'afpiration. Ainfi
ils écrivirent d'abord heicaton , dit la mé-
thode de Port-royal , & dans la fuite ils ont
écrit Îkcitov , en marquant l'efprit fur l'e.
La même méthode obfervc , page a-j ,
que les deux efprits font des reftes de h qui a
été fendue en deux horifontalcment , en
forte qu'une partie c a fervi pour marquer
l'efprit rude , & l'autre ? pour être le fignc
de l'efprit doux.
Le mécanifme des organes de la parole a
fouvent changé l'efprit rude , & même quel-
quefois le doux en s ou en v. Ainfi de v-uîf ,
dejfus , on a tait Juper ; de ût^e , dejfous , on
a ia.\i fub ; de o tvo? , vinum; de Jf , vis; de
rt\f, fal ; de Îtt , fipiem ; de eç , fex ;
de lîVî-ff , femis ; de s'psra , jcrpo. (F)
Esprit , mens , f. f . ( Méiaphyf) un être
penfant &c intelligent. Voye[ Pensiîe , 6'c.
Les phiiofophes chrétiens reconnoilTenf
généralement trois fortes à'cfprits , Dieu ,
les anges , &c l'efprit humain.^
Car l'être penfant eft ou fini ou infini ;
s'il eft infini , c'eft Dieu ; & s'il eft fini , ou
bien il rr'ett joint à aucun corps , ou bien il
eft joint à un corps : dans le premier cas
c'eft un arge, dans le fécond c'eft une ame..
Foyei(^ Ditu , Ange, f.- Ame.
Oa définit avec raifon l'ej^ril humain ,
ESP
Hnerubfl:ancepenlance&: raifonnablc. Com-
me penfante , elle eft diftinguée du corps ,
& comme rsifoiinable , ou plutôt railon-
nance , elle eft diftinguée de Dieu&: des an-
ges , qu'on fuppofe voir les chofes intuiti-
vemcnt, c'tft-À-dire, fans avoir befoin d'au-
cune dédu£lion ou railonnemcnc. ^oyi^i
Raisonnement &■ Jugement.
Esprit lignihe aulTi un erre incorpore!.
Dans ce fens on dit Dieu eft un efprù , le
démon eft un c/prit de ténèbres. Le père
Malcbranche remarque qu'il eft excrcme-
tnent difficile de concevoir ce qui pourroit
faire la communication entre un corps &
un ffprit ; car , dic-il , fi Vefprit n'a point de
parties matérielles , il ne peut pas mouvoir
le corps ; mais cet argument eft faux par les i
conféquenccs qui en réfultent ; car nous
croyons que Dieu peut mouvoir les corps ,
&c cependant nous n'admettons en lui au-
cunes parties matérielles, Chambcrs. Voye:^
Evidence.
Esprit, en Théologie. C'eft le nom qu'on
donne par diftindlion à la troidcme per-
fonne de la fainte Trinité qu'on appelle
l'Efpric, le Saiat-Efprit. ?^ojq Trinité,
Personne.
Les Macédoniens ont nié la divinité du
Saint- Efprit , les Ariens ont foutenu qu'il
n'étoit pas égal au père , £c les Sociniens
nient fon exiftence. Mais l'écriture , la
tradition & les décidons de l'cglife établif-
fent uniformément les trois dogmes con-
traires à ces erreurs.
Le Saint- Efprit procède du père & du
fils comme d'un feul & même principe ,
ainfî que l'ont enfeigné les percs , & qu'il
a éié défini au concde général de Lyon (bus
Grégoire X , contre les Grecs qui nioient
que le Saint - Efprit procédât du fils \ &
c'étoit un des prétextes de leur fchifme fous
Michel Cérularius ; cependant ils reconnu-
rent ce dogme dans la réunion qui fe fit
au concile de Florence.
Les théologiens expliquent la manière
avec laquelle le Saint - Efprit eft produit de
toute éternité par la fpiration attive du père j
Se du fils, C'eft de-là que lui vient le nom
^'efprit , fpiritus , quaji fpiratus. / 'oye[
Spiration.
Ils fe fervent auilî du mot efprit pour fig-
■eifier k vertu S>c la puilTance divine ^ &: la
ESP 37
manière dont elles le communiquent aux
hommes, C'eft en ce fens qu'il eft dit,
Genefe , chap.j,x, que Wfprit ctoit répandu
lur la furfacede l'abîme, que les prophè-
tes ont été infpircs par Vefprit de Dieu.
C'eft auflî dans ce fens qu'on dit que la pro-
vidence divine eft cet ifpnt univcriel par
lequel Dieu fait agir toute la nature , &: que
le corps de Jefus-Chnft a été formé dans
le fein d'une vierge par l'opération du Sainc-
Ejpiit.
On donne encore le nom d'efprit aux fubf-
tances créées & immatérielles connues fous
celui d'nnges & de démons. Les premiers
font appelles efpnts célefcs , efprits bienheu-
reux ; on appelle les autres les efprits de
témbres. ( G )
Esprit Particulier ,y/>/r/Vuj privûius ,
terme célebi-.- d.ins_ les difputes de religion
des deux derniers ilecles. Il fignifie !e ihi-
rimenc particulier &: la notion que chacun a
fur les dogmes de la foi iSc far le fens des
écritures , Tuivant ce qui lui eft fuggéré par
fes propres penfccs Se par la periuaiiou
dans laquelle il eft par rapport à ces ma-
tières.
^ Les premiers réformateurs niant qu'il y
eût aucun interprète infaillible des éciitures
ni aucun juge des controverfes , foutinrent
que chacun pouvoir interprétera porter fon
jugement des vérités révélées , en fiaiv.;nt
fes propres lumières alîîftées de la grâce de
Dieu ; 6c c'eft ce qu'ils appellent efprit ou
jugement particulier. C'étoit lâcher la bride
au fanatifme : aullî fans parler des varia-
tions innombrables que cette opinion a in-
troduites parmi les prétendus réformes ,
elle a donné naiftance au focinianifme & à
pluileurs fedes également dangercufes aux-
quelles les réformés ont fourni des armes
dont ils ne peuvent eux-mêmes parer les
coups. En effet de quelle autorité Calvin
faifoit-il brûler Servet à Genève , fi Vefprit
particulier étoit le leul interprète des écritu-
res? quelle certitude avoit-il de les entendre
mieux que cet auti - trinitaire ? Foye^
Tolérance,
Les Catholiques au contraire prétendent
que les vérités révélées étant unes & Ici
mêmes pour tous les fidèles, la règle que
Dieu nous a donnée pour en juger doit nous
les leprcicncer d'une maiaicre uniforme..
38 ESP
ce qui ne fe peut faire que par la voie d'au- |
toiité quii réfide dans TEglife ; au lieu que
Wfprit particulier fur le même point de doc-
trine iiifpire Luther d'une façon , & Cal-
vin d'une autre. Il divife (Ecolampade , Bu-
cer , Ofiandre , &'c. & la doftrne qu'il dé-
couvreauxpareifansdela confelTion d'Augf-
bourg , eft diamétralement oppoG^e à celle
qu'il enfeigne aux Anabatiftes , aux Men-
noiiites , 6v. fur le môme partage de l'écri-
ture. C'cft un argument ad homintm auquel
les proteftans n'ont jamais repondu rien de
folidc. ( G )
Esprit, ( Saint-) Ordre du Saint-
Esprit , ( Hift. mod. ) eft un ordre militaire
établi en France fous le nom à'ordre & mili-
ce du Saint- F. [prit , le ^i décembre 1579»
par Henri III , en mémoire de trois grands
évcnemens arrivés le jour de la Pentecôte
& qui le touchoient perfonn^^Uemcnt ; fa-
voir fa na'Hancc , fj>n éleétion à la couron-
ne de Pologne , & fon avènement à celle
de France, h'ordre du Saint- F.fprit doit n'ê-
tre compofé que de cent chevaliers , qui
font obliges pour y être admis de faire preu-
ve de trois races.
Le roi eft grand- maître de cet ordre, &
prête en cette qualité ferment le jour de
Ion facre de maintenir toujours l'ordre du
Saint-Efprit ; de ne point foufFrir , autant
qu'il fera en fon pourvoir , qu'il tombe , ou
qu'il diminue , ou qu'il reçoive la moindre
altération dans aucun de fes principaux
ftatuts.
Tous les chevaliers portoient autrefois
une croix d'or au cou , pendante à un ruban
de couleur bleue célefte : maintenant elle
efl: attachée fur la hanche au bas d'un large
cordon bleu enbaudrier. Tous lesofiiciers&
commandeurs portenttoujours la croix cou-
fue fur le côté gauche de leurs manteaux ,
robes , Se autres habillemens de delfus.
Avant que de recevoir l'ordre du S. Efprit,
ils reçoivent celui de S. Michel ; ce qui fait
que leurs armes font entourées de deux
collieis ; l'un de S. Michel , compofé à'SS
& de coquilles entrelacées ; l'autre du S.
Efprit , qui eft: formé de fleurs-de-lis d'or,
d'où naiffent des flam.mes & des bouillons
de feu , & à'HH couronnées avec des fcC-
tons& des trophées d'armes.
Parmi les chevaliers font compris neuf
ESP
prc!a»s , qui font cardinaux , archevêques J
évcquts , ou abbés , du nom.bie delqutls eft
toujours le grand aumunicr , &c ils font nom-
més commandeurs de l'ordre du Saint-Efprit.
Henri III avoir aulTî projette d'attribuer à
chacun des chevaliers des commantleries;
mais fon dedein n'ayant pas eu d'exécution,
il afiîgna à chacun unepcnlion de mille écus
d'or , réduite depuis à 5000 livres qui font
pavées fur le proJu't du droit du marc d'or
afFeûé à l'ordre. (G)
Esprit , {Saint-) Ordre du Saint-
Esprit DU DROIT Désir , ( Hifi. mod. )
ordre de chevalerie inllitué à Naples dans
le château de l'Œuf en i^yi , par Louis
d'Anjou dit de Tarente , prince du fang de
France , roi de Jérufïlem <?<: de Sicile , &
époux de Jeanne 1*"^^ , reine de Naples. Les
conftitutions de cet ordre étoient en vingt-
cinq chapitres , dont voici le préambule
dans le ftyle de ce temps-là : " Nous Loys ,
■> par la grâce de Dieu , roi de Jérufalem
" & de Sicile , allonneur du Saint-Efprit ;
» lequel jour par la grâce nous fumes cou-
" ronnés de nos royaumes , en elTaucement
" de chevalerie «Se accroillemcnt d'honneur,
" avons ordonné de faire une compagnie
•' de chevaliers qui feront appelés lescAeva-
" hers du S:iint- Efprit du droit dejir , & les
•• dits chcvaiiers feront au nombre de trois
" cents 3 defquels nous , comme trouveur
» & fondeur de cette compagnie , {èrons
■' princeps , & auflî doivent être tous nos
" fuccelTeurs , rois de Jérufalem &c de
■' Sicile , t'c. "
Mais la mort de ce prince fans laifferd'en-
fans , ôc les révolutions qui la fuivirent ,
firent périr cet ordre prelque des ù nailTan-
ce. On ne fait comment les conftitutions
en tombèrent entre les mains de la répubU-
que de Venife , qui en lit préfent à Henri
III loifqn'il s'en retournoit de Pologne en
France. On dit que ce prince en tira l'idée
& les ftatuts del'ortlre , qu'il inftitua cnfuite
fous le nom du Saint- Efprit ; & que pour
ne pas perdre le mérite de l'invention , il
remit ces conftitutions du roi Louis d'Anjou
au (leur de Chivcrni , avec ordve de les
brûler; ce que celui-ci ayant cru pouvoir
négliger fins préjudice de l'obéillance due à
fon fouverain , elles fe font confervées dans
fa flrmiUe , d'où elles avoient palFé dans le
ESP
cabinet du préfulcnc de Maifons , & M. le ^
Laboureur les a données au public dans fcs
additions aux mémoires de Caftelnau. Mais
en comparant ces ftatuts avec ceux qu'Hen-
ri III ne die (Ter pour fon nouvel ordre du
Saint'Efprit , on n'y trouve aucune confor-
mité qui prouve que ceux-ci fuient une copie
des premiers. (G)
Esprit , ( Sûi/it-) terme de S'.afon : croix
du Saint- EJprit , eft une croix d'or à huit
raies émailli^es , chaque rayon pommeté
d'or , une fleur- de-lis dans chacun des an-
gles de la croix j & dans le milieu un Snint-
Efprit ou colombe d'argent d'un côté , &
de l'autre un Saint-Michel. La croix des
prélats-commandeurs porte la colombe des
deux côtés , parce qu'ils n'ont que l'ordre
du Saint- Efprit , & non celui de Saint-Mi-
Michel. (G)
Esprit , ( Philof. i- Bdks-Lettr. ) ce mot ,
en tant qu'il figmfie une qualité de l'ame, eft
un de ces termes vagues , auxquels tous ceux
qui les prononcent attachent prefque tou-
jtjurs des fcns diffcrens. Il exprime autre
chofe que jugement j génie, goût , talent ,
pénétration , étendue , grâce, finclFe ; & il
doit tenir de tous ces mérites : on pourroit le
définir , raijon ingénieufe.
C'eft un mot générique qui a toujours be-
foin d'un autre mot qui le détermine ; &
quand on dit , voilà un ouvrage plein d' efprit.,
un homme qui a de iejprit , on a grande rai-
fon de demander duquel. L'efprit lublime de
Corneille n'efl; ni Vejprit exad de Boileau ,
ni Vefprit naïf de Lafontaine ; & Vejprit de j
la Bruyère , qui eft l'art de pein(ire fingu-
liérement , n'eft point celui de Malebran-
che , qui eft de l'imagination avec de la
profondeur.
Quand on dit qu'un homme a un e/prit
judicieux , on entend moins qu'il a ce qu'on
appelle de l'efprit , qu'une raifon épurée.
Un efprit ferme, mâle , courageux, grand ,
petit, foible , léger , doux , emporté , &c.
fignifie le caracicre & la trempe de l'ame , &
n'a point de rapport à ce qu'on entend
dans la fociété par cette cxprcfllon , avoir de
Vefprit.
L'ejprit , dans l'acception ordinaire de ce
mot , tient beaucoup du bel- efprit , & cepen-
dant ne fignifie pas précifément la mêm.e
chofc : car jamais ce terme homme d' efprit
ne peut être pris en mauvaife part , & bel-
efprit eft quelquefois prononcé ironique-
ment. D'où vient cette difFérence ? c'eft
qn'homme d'efprit ne fignifie pas efprit fupé-
vieur , talent marqué , & que bJl- efprit le
fignifie. Ce mot homme d'efprit n'annonce
point de prétention , & le bel-efprit eft une
affiche ; c'eft un art qui demande de la cul-
turc ,^ c'eft une efpecc de profeirion , & qui
par- là expofe à l'envie <5v.- su ridicule,
C'eft en ce fens que le P. Bouhours au-
roit eu raifon de faire entendre , d'après
le cardinal du Perron , que les Allemands
ne prétendoient pas à Vefprit ; parce qu'a-
lors leurs favans ne s'occupoient guère que
d'ouvrages laborieux & de pénibles recher-
ches , qui ne permettoient pas qu'on y
répandît des fleurs , qu'on s'etforçât de
briller , & que le bel-efprit fe mêlât au
favant.
Ceux qui mépiifent le génie d'Ariftote,
au lieu de s'en tenir à condamner fa phylî-
que qui ne pouvoir être bonne , étant privée
d'expériences , feroient bien étonnés dé
vOit qu'Ariftote a enfcigné parfaitement
dans fa rhétorique la manière de dire les
chofes avec efpnt. Il dit que cet art confiftc
à ne pas fe fervir fimplement du mot pro-
pre , qui ne dit rien de nouveau ; mais qu'il
faut employer une métaphore , une figure
dont le fens fbit clair & l'expreffion énergi-
que. Il en apports plufieurs exemples, &
entr'autres ce que dit l\'riclès d'une bataille
où laplusflorillànte jeuneflé d'Athènes avoir
péri , Vannée a été dépouillée de fon printemps.
Ariftote a bien raifon de dire , qu'// faut
du nouveau ; le premier qui pour exprimer
que les plaifirs font mêlés d'amertumes ,
les regarda comme dej, rofes accompagnées
d'épines, eut de Vefprit. Ceux qui le répétè-
rent n'en eurent point.
Ce n'eft pas toujours par une métaphore
qu'on s'exprime fpirituellement ; c'eft par
un tour nouveau ; c'eft en laiiîant deviner
fans peine une partie de fa penfée, c'eft ce
qu'on appelle finejfe , dilicatejfe ; Se cette
manière eft d'autant plus agréable, qu'elle
exerce &c qu'elle fait valoir Vefprit des autres.
Les allufions , les allégories , les comparai-
fons , font un champ vafte de penfées ingé-
nieufes ; les effets tic la nature , la fable,
riiifloire préfcnces à la mémoire , fournit
40 ESP
fein à une imagination heureufe des traits J
qu'elle emploie à propos. I
Il ne fera pas inutile de donner des exem-
ples de ces differens genres. Voici un ma-
drigal de M. de h Sablière , qui a toujours
été eftimé des gens de goût.
Églé tremble que dans ce. jour
L'hymen , plus puijfant que l'amour ,
U'enkvefestréfors fans qu'elle ofe s'en plaindre.
Elle a négligé mes avis.
Si la belle les eût fuivis ,
Elle n' aurait plus rien à craindre.
L'auteur ne pouvoir , ce femble , ni mieux
cacher ni mieux faire entendre ce qu il pen-
foit , & ce qu'il craignoit d^exprimer.
Le madrigal fuivant paroît plusbrdlant&
plus agréable : c'tft une ailufion à la fable.
Vous êtes belle & votre faur eft belle ,
Enire vous deux tout choix ferait bien doux;
L'amour était blond comme vous ,
Mais il aimait une brune comme elle.
En voici encore un autre fort ancien ; il
cfi: de Bernard évéque de Sées , & paroit au-
delTus des deux au.rcs, parce qu'il réunit
ï'cfprit & le fentim^nt.
Quand je revis ce que j'ai tant aime ,
Peu s'-^n fallu' que man feu rallumé
W en fit le charme en mon ame renaître.
Et que mon cœur autrefois fan captif.
Ne rejfemblat l'ejc'ave fugitif
A qui le fort fit rencontrer fan maître.
De pareils traits pkifent à tout le monde ,
& caradcriicnt \efprit délicat d'une nation
ingcnieufe. Le grand point cft de favoir juf-
qu'où cet efprit doit être admis. Il eft clair
que dans les grands ouvrages on doit l'em-
ployer avec fobriété, par cela même qu'd eft
un ornement. Le grand art eft dans l'a-pro-
pos Une pcnfée fine , ingénieufe , une com-
paràifon jufte & fleurie, eft un défaut quand
hrr.ifon feule oulapaiLion doivent parler ,
ou bien quand on doit traiter de grands in-
térêts : ce n'eft pis alors du faux bel-efprit ,
mais c'eft de i'efprit déplacé; & toute beauté
hors de fa place cefte d'être beauté. C'eft un
défaur dans lequel Virgile n'eft jamais tom-
ké & qu'on peut quelquefois reprocher au
Taire tout admirable qu'il eft d'ailleurs : ce
ESP
défiut vient de ce que l'auteur trop plein de
fes idées veut fe montrer lui-même , lorfqu'il
ne doit montrer que fes perfonnages. La meil-
leure manière de connoitre l'ufage qu'on
doit faire de Vefprit, eft de lire le petit nom-
bre de bons ouvrages de génie qu'on a dans
les langues fuivantes & dans la notre,
Lefûux-efprittU autrechofe quede Vefprit
déplacé : ce n'eft pas feulement une penfée
faufle , car elle pourroit être fauflè fans être
ingénieufe; c'eft une penfée faulfe & recher-
chée. Il a été remarqué ailleurs qu'un homme
de beaucoup A'efprit qui traduifit , ou plutôt
qui abrégea Homère en vers françois , crut
exTibellir ce poëte dont la iîmpUcité fait le
caraftere, en lui prêtant des ornemens. Ildic
au fujet de la réconciliation d'Achille :
Tout le camp s'écria dans une joie extrême ,'
Que ne vaincra t il point ? Il s'eji vaincu
lui-même.
Premièrement , de ce qu'on a dompté fa co-
lère , il ne s'enfuit point du tout qu'on ne lera
point battu : lecondement, toute une armée
peut elle s'accorder par une infpiration fou-
daine à dire une pointe î
Si ce défaut choque les juges d'un goût
févere , combien doivent révolter tous ces
traits forcés , toutes ces penfces alambiquées
quel'on trouve en fouledans desécrits, d'ail-
leurs eftimables î comment fupporter que
dans un livre de mathématiques on dife ,
que " Il Saturne venoit à manquer , ce feroit
.' le dernier fitellitequi prendroit fa place,
•> parce que les grands feigneurs éloignent
•' toujours d'eux leurs fuccclfeurs " ? com-
ment fouffrir qu'on dife qu'Hercule favoic
la phylîque , & qu'o/z ne pouvait rijijler à un.
philofophe de cette force ? L'envie de briller 5c
de furprendre par des chofes nt uves , conduit
à ces excès.
Cette petite vanité a produit les jeux de
mots dans toutes les langues ; ce qui eft la
pire elpcce du faux bel-efprit.
Le faux goût eft djfterent du faux bel-
efprit ; parce que celui-ci eft toujours une
affedation , un effort de faire mal : au lieu
que l'autre eft fouvent une habitude de
fiire mal fins effort , &c de fuivre par inf-
tin£b un mauvais exemple ccabli. L'intem-
pérance & l'incohérence des imaginations
orientais »
ESP
orientales , eft un faux goût ; mais c'eft
plutôt un manque d'efprii , qu'un abus d'ef-
prit. Des étoiles qui tombent , des monta-
gnes qui fe fendent , des fleuves qui recu-
lent , le Soleil Se la Lune qui fc difFolvent ,
des comparaifons faulles & gigantelques ,
la nature toujours outrée , font le caradere
de ces écrivains , parce que dans ces pays
où l'on n'a j amais parlé en public,la vraie élo-
quence n'a pu être cultivée, & qu'deft bien
plus aifé d'être empoulé , que d'être julle ,
nn Si délicat.
Le faux efprit eft précifément le contraire
de ces idées triviales & empoulées ; c'eft
une recherche fatigante des traits trop dé-
liés , une affedlation de dire en énigme ce
que d'autres ont déjà dit naturellement , de
rapprocher des idées qui parrollfent incom-
patibles, de divifer ce qui doit être réuni ,
de failir de faux rapports , de mêler contre
les bienféanceslebadinagc avecle férieux.
Si. le petit avec le grand.
Ce feroit ici une peine fuperflue d'entafîer
des citations , dans lefquelles le mot à'efprit
le trouve. On fe contentera d'en examiner
une de Boilcau , qui eft rapportée dans le
grand diélionnaire de Trévoux : C'eji le pro-
pre des grands elprits , quand ils commencent
à vieillir & à déclintr , de fe plaire aux contes
& aux fables. Cette réflexion n'eft pas vraie.
Un grand efprit peut tomber dans cette foi-
bleiie , mais ce n'eft pas le propre des grands
efprits. Rien n'eft plus capable d'égarer la
jeunelTe , que de citer les fautes des bons
écrivains comme des exemples.
Il ne fliut pas oublier de dire ici en com-
bien de Icns diftérens le mot d'ejprit s'em-
ploie; ce n'eft point un défaut de la langue,
c'eft au contraire un avantage d'avoir aind
des racines qui le raraitîent en plulîeurs
branches.
Efprit d'un corps , d'une fociété , pour ex-
primer les ufages , la manière de penfer ,
de fe conduire , les préjugés d'un corps.
Efprit de parti , qui eil à Vcfprtt d'un
corps ce que font les pallions aux fentimens
ordinaires.
Efprit d'une loi, pour en diftinguer l'in-
tention ; c'eft en ce Icns qu'on a dit , la lettre
tue Se Vefprit vivifie.
Efprit d'un ouvrage , pour en faire con-
cevoir le cnraftcre & Is but.
Tome XIII.
ESP 41
Efprit de vengeance , pour fignifier defir &C
intention de fe venger.
Efprit de difcorde , efprit de révolte , &c.
On a cité dans un didionnairc, efpritde
politejfe ; mais c'eft d'après un auteur nom-
mé Ik'llegarde , qui n'a nulle autorité. On
doit choillr avec un foin fcrupuleux fes au-
teurs & fes exemples. On ne dit point efprit
de politejfe , comme on dit ejpritde vengean-
ce , de dijjention , de faêivn ; parce que U
politefte n'eft point une palfion animée par
un motif puilfant qui la conduife , lequel
on appelle efprit métaphoriquement.
Efprit familier fe dit dans un autre fens ,
& fignifie ces êtres mitoyens, ces génies,
ces démons admis dans l'antiquité , comme
Vefprit de Socrate , &C.
Efprit hgnifie quelquefois la plus fubtile
partie de la matière : on dit efprits animaux,
efprits vitaux , pour iîgnifler ce qu'on n'a ja-
mais vu , & ce qui donne le mouvement &
la vie. Ces efprits qu'on croit couler rapi-
denient dans les nerfs , font probablement
un feu fubtil. Le doéleur Méad eft le pre-
mier qui femble en avoir donné des preu-
ves dans la préface du traité fur les poifons.
Efprit , en Chimie , eft encore un terme
qui reçoit plulîeurs acceptions difïcrentes,
mais qui fignifie toujours la partie fubtile
de la matière. Voye-^ plus bas Espf.it , en.
Chimie.
Il y a loin de Vefprit , en ce fens , au bon
efprit , au belejprit. Le même mot dans tou-
tes les langues peut donner toujours des
idées diftercntes , parce que tout eft méta-
phore fans que le vulgaire s'en apperçoive.
f'^oyei Eloquence , Elégance , ùc. Cet
article eji de M. DE Voltaire.
Esprit , {Chimie.) ce nom a été em-
ployé dans la lignification propre , par les
chimiftes comme par les philofophes & par
les médecins , pour exprimer un corps fub-
til, délié, invilible, impalpable, une va-
peur , un foufle , un être prcfque imma-
tériel.
Tous les chimiftes antérieurs à Stahl &
àla naiflance de la chimie piiilofophique,
ont été grands KiuteuK des agens de cette
cla(Te, qu' ont été mis en jeu dans plufieurs
lyftêmes de phyhque. \Jn efprit du monde,
un e//;/-/V umverfel, aérien, cthérien , ont
été pour eux des principes dont ils fe font
F
42 ESP
fort bien accommodés , & ils ont enrichi
eux-mêmes la Pii-ylique de pluficurs fubf-
taiiccs de cette nature : l'archée , le blas ,
la magnale de Vanhelmont , les cns de Pa-
racelfe, te. font des phantomes phi'.ofo-
phiqucs de cette clalTe , fi ce ne font point
cependant des cxprefïions énigmaciqucs ,
ou limplemcnt figurées.
Des êtres tiès-e>:iftans qui mériteroient
éminemment la qualité à'ejprit , ce font les
exhalaifons qui s'elevent des corps fermen-
tans ëc pourridàns de certaines cavités fou-
terraines , du charbon ernbralé , Se de plu-
lieurs autres matières. Ces corps font véri-
tablement incoercibles , invifibles , & im-
palpables ; mais on n'a pas coutume dans le
langage chimique , de les déiigner par ce
nom. Nous les connoiflbns fous celui de
gas. l^oye:^G AS.
Depuis que notre manière plus fage de
philofopher nous a fait rejetter tous ces
efprits imaginaires dont nous avons parlé au
commencement de cet article , nous ne
donnons plus ce titre qu'à différentes fubf-
tances beaucoup plus matérielles même que
les gas ; favoir à certains corps cxpandbles
ou volatils , dont l'état ordinaire fous la
température de nos climats eft celui de li-
quidité , & dont les diiférentes efpeces qui
font clalfées par ce petit nombre de qualités
communes, font d'ailleurs eflentiellement
différentes , enforte que c'cft ici une quali-
fication très - générique , exprimant une
qualité très - extérieure très - vaguement
déterminée.
Les diverfes fubftances qu'on trouve dé-
fignées dans les ouvrages des chimiftes, par
le nom d'efprU , font :
Premièrement , un être fort indéter-
miné , connu plus généralement lous le nom
de mercure , qui clt compté dans l'ancienne
chimie parmi les principes ou produits gé-
néraux de l'analyfc des corps, l^oyc^ Mer-
cure &- Principe.
Secon iement , la plupart des liqueurs
acides retirées des minéraux , des végétaux ,
des animaux , par la diftillation. ^oye^
Vitriol , Niîri, Sel Marin , Ana-
lYSE VEGETALE , ÛU mut VtfiÉfAL , Vl-
NA1GRE , Substances animales , &
Fourmi.
Troifiémem'.;U't , les fcls alkalis volatils
ESP
fous forme liquide. Voye^ Sel alkali
VOLATIL.
Quatrièmement , les liqueurs inflamma-
bles retirées des vins, l^oye^ Esprit de
Vin à i' article Vin.
Cinquièmement , les eaux effentielles ou
efyrits redtcurs. Fo;ye^EAUx distillées.
Sixièmement , les huiles ellenciclles très-
fubtiles , retirées des baumes par la diftil-
lation à feu doux. Voyi-i Huile ù Téré-
benthine.
Septièmement , enfin les efprits ardens
chargés par la diftillation de la partie aro-
matique, ou alkali volatil de certains végé-
taux. l^oye[ Eaux distillées , Esprit
ardent , Citron , CochlÉaria , &
Esprit volatil aromatiq.ue hui-
leux.
Nota. Que dans le langage ordinaire , on
ne dèfigne le plus fouvent les efpnts parti-
culiers que par le nom de la fubftance qui
les a fournis, fans déterminer par une qua-
lification fpécitique la natuie de chaque
cfprit, Ainti on dit efprit de vitriol. Se non
pas efprit acide de vitriol ; efprit de foie , &Z
non pas efprit alkali de foie ; efprit-de-vin ,
( c'eft-à-dire , de fuc de raifin fermenté ,
félon la fignifîcation vulgaire du mot vin , )
& non pas efprit ardent de vin de raifin \ efprit
de térébenthine , & non pas efprit huileux de
térébenthine ; efprit de citron , &C non pas
efprit-de-vin chargé de l'aromate du citron.
Ain fi toute cette nomenclature eft prelquc
abfolument arbitraire; & d'autant plus que
diverfes fubftances , comme le fel ammo-
niac , la térébenthine , le citron , tù'c. peu-
vent fournir plufieurs produits qui mérite-
roient également le nom d'efprit , quoiqu'il
ne foit donné qu'à un feul dans le langage
reçu : on le familiarife cependant bientôt
avec ces dénominations vagues jon les ap-
prend comme des mots d'une langue in-
connue, {b )
EjPRIT ardent , ( Chimie. ) Voye^
Esprit- de- Vin , fous le mot Vin.
Esprit recteur , ( Chimie. ) l'^oye^
Eaux distillées.
Esprit-de-Vin , ( Chimie ) Voye^^ au
mot Vin.
Esprit volatil , ( Chimie. ) Toutes
les fubftances auxquelles les chimiftes onc
donne le nom d'efpni, font volatiles ( yoyei^
ES P
Esprit ; ) il a plu cepenJanc à quelques-
uns de prendre la dcnominacion qui fait le
luiet de cet article, dans un (cns particulier;
de l'attribuer aux alkalis volatils lous forme
riuide; & de les diltinguer par ce t;trc, des
alkalis volatils , concerts , qu'ds ont appelles
tout auiri arbitrairement, fels vo'.auls.i^'oye^
Sel alkali volatil, {h)
Esprit - DE -Vinaigre ; ffiritus aceti.
Voye^ Vinaigre distillé , au mot
Vinaigre.
Esprits sauvages , ( Chimie. ) fpiritus
fylvejires de Vanhelmont. Voye^^ Gas ,
Fermentation , £• Vin.
Esprit volatil aromatique »hui-
lEUX, ( Pharmac. 6' Mat. mcJ.) On a
donnéccnom à une préparation officinale,
qui n'ell proprement qu'un mélange à'efpnt
volatil de fel ammoniac, & d'un efprit aro-
matique compofé. Voici cette préparation ,
telle qu'elle eft décrite dans la nouvelle
pharmacopée de Paris.
Prenez lix dragmcs de zcftes récens d'o-
ranges , autant de ceux de citron ; deux
dragmesde vanille, deux dragmes de macis,
une demi-dragme de gérofle , une dragme
de canelle , quatre onces de fel ammoniac :
coupez en petits morceaux les z.ftcs & la
vanille , conçaflez le macis , le g-rofle &; la
canelle : pulvérifez le fel ammoniac , &
mettez le tout dans une cornue de verre,
verfant par-de(Tus quatre onces d'eau Iimple
de canelle , & quatre onces d't/p/-/r-de-vin
redihé : fermez le vaiiiéau, Ik la-llez digé-
rer pendant quelques jours , ayant foin de
remuer de temps en temps.
Ajoutez, pprès deux ou trois jours de
digeftion , quatre onces de Tel de tartre ; &
fur le champ ajoutez au bec de la cornue un
récipient convenable, que vous lutercz félon
les règles de l'ut: faites la diftilation au
bain de fable. Vous garderez la liqueur qui
palfera , dans une bouteille bien bouchée.
L'efprit volatil aromatique huileux , e!i un
coniial très-vif, un fudor.fique très- efficace,
un bon emménagogue , un hylténque allez
utile. On le fait entrer ordinairement à la
dofe de trente ou de quarante gouttes, dans
(les potions de quatre à cinq onces , defti-
nées à être prifes par cuillerées, (à)
Esprits animaux. Voye:^_ NrRf s ,
Fluide nerveux , &c.
E S a 43
ESQUAIN , QU EIN , QLIN , {Marine.)
Ce font les planches qui bordent les deux
côtés de l'acaftillage de l'arriére , au-deHus
de la lille de vibord ; elles font beaucoup
moins cpaillès que les autres bordages , &c
vont en diminuant vers le haut.
L'tfjuain , ou le bordage de l'acaflillage ,
eft tout ce qui fe pofe du coté de l'arriére y
au-de(Tus de la liffe de vibord. La première
planche qu'on met au-deffus de cette lilfe ,
doit être de chêne , & épailîe , à caufe du
calfatage : il faut qu'elle ait au moins la
moitié de l'épaifleur des planches du franc
bordage. On. y fait une rablure fur le côté
qui eft par le haut , pour y faire entrer la
première planche du véritable efquain. Dans
les grands vaifleaux , les planches de Vefquaia
ont d'ordinaire un pouce ou un pouce &: un
quart d'épaiffeur , & vont un peu en dimi-
nuant de largeur de l'arriére à l'avant ;
mais c'eft peu de chofe i car fi la première
planche de Yefquain a dix pouces de large
v ers l'arriére , elle n'aura que neuf pouces
& demi en avant. Fbye;^^ Acastillagh.
ESQUIF , ( Marine. ) C'eft un petit
bateau deftiné pour le fervice d'un vaiflcau ,
&c que l'on embarque dans tous les voyages.
On le place ordinairement fur le tillac, & on
le met lorfqu'on en a befoin pour aller à
terre , foit y chercher des provihons , foit y
débarquer quelqu'un. Voye^^ Chaloupe tf
Canot.
ESQUILLE , f f. {Chirurgie) petit mor-
ceau d-taché d'un os dans une fraclure.
Loifque les ifquillts picotent & irritent le
pcriofte ou les chairs qui entourent l'os , &c
qu'on ne peut pas les réduire &les appliquer
à l'os dont elles font une cominuité , on eft
obligé d'en faire l'extraélion ; & pour zzt
effet , s'il n'y a point de plaie , on fait une
incifion.
On appelle auffi du mot à'efquilles , des
petites portions d'os qui s'exfolient les unes
après les autres. Foyt^ExFOLiATioN. ( Y)
ESQUILIES , f m. pi. ( Hijl. anc. ) Voy.
EsQtJILIN.
ESQUILIN , adj. ( J///?. anc.) Le mont
Efquitin eft une des fept collines del'ancien-
neRume; c'eft aujourd'hui le quartier de la
montagne de fainte Marie majeure. Ce fut
Seivius Tullius qui l'enferma dans Rome.
Il y avoit la porte efquiline , la tribu ejquiline,
F 2.
44 E S Q.
C'cft fluxEfquiUes que ie faifb".ent les exé-
cutions des criminels; & que leurs cadavres
reftoient expofés.
ESQUIMAN, iMnrine.) Les Hollan-
dois donnent ce nom à lofticier marinier
que nous ixppcWons çuiirtier- maître. C'eft lui
qui eft chargé pairiculiérement du lervîcc
des pompes, &: qui eft l'aide du maître ôc du
contre- maître. V. Quartier-maître.
ESQUIMAUX, t^'oyei Eskimaux.
ESQUINANCIE , f. f . ( Médec. ) eft le
nom d'une maladie delà gorge , que les La-
tins appellent angina , angie , à'ango , je fer-
re , parce qu'il fc fait un refl'errement dans
le golier , par les caufes de Vcfquinancie ;
ainli la figniiïcation générale du mot angina
convient à toute forte d'affection des par-
ties du gofier , qui tend à former des obf-
tacles dans les voies qui fervent à la refpi-
lation & à la déglutition , fans que le thorax ,
les vifceres qui y font renfermés , & l'efto-
mac , y foient intérelfés eifentiellement.
Les anciens médecins , & particulière-
ment les Grecs , qui vivoientpeu de temps
avant Galien , ont diftingué l'angine de
quatre différentes manières, dont ils ont
tiré autant d'efpeces de cette maladie , aux-
quelles ils ont donné des noms propres. Ils
ont appelle cynanche , "Xyyciyy-iiv , \ angine ,
dans laquelle le vice réfide dans les mufdes
&c les parties inférieures du larynx. Ils ont
tait allulion par ce mot , à l'état de ceux
qui font attaqués de cette cfpect à' angine y
dans lequel ils tirent la langue , comme les
chiens que l'on étrangle. Ils ont donné le
nom paracynanche, Tra.fcLy.vva.yKtiv , zX'angine
dans laquelle le vice réficc dans les parties
extérieures du larynx. La prépofition para
cft employée dans ce cas, comme dans bien
d'autres , par les auteurs grecs , devant le
nom d'une maladie , pour en diftinguer l'ef
pece la moins violente. Ilsontnommé^^/2fl«-
che,ervpx.yKHv,\'angine qui attaque l'intérieur
du phaïyn\;S<paracynancke,'7n:ipctKiiyci.yKiiv,
celle qui a fon fiege à l'extérieur.Cesdifférens
mots grecs font compofés de £ y itnv, ferrer,
étrangler ; & de crvv, avec ; ou de kvov, chien :
ainfi de a-i/i>a,yx.iiv ou de KWAymnav on a for-
mé le mot françois efquinancie.
Mais comme il arrive trèsfouvent qu'à
caule de la proximité le pharynx n'cft pas
alFcûé fans qU'J le iaryiix le foit , &C réci-
E S a
proqiiement , ces diftinftions font plutôt
des fubtilités que des conléquences tirées
de l'obfervation : ainfi on ne doit pas y
avoir égard pour prendre une jufte idée de
cette maladie \ il vaux mieux la divifcr',
avec les modernes , i". en légitime ou vraie,
qui eft celle dans laquelle le goiier eft rétréci
par une inflammation ; & cn~faujje , dans
laquelle la gorge eft affedée dans quelques-
unes de fes parties , par une œdème ou par
un skirrhe qui gêne le paflage de l'air ou des
alimens : x°.en fuftocatoire& non fuffoca-
toire : }°. en idiopathique & en fympathi-
que : 4°. en épidémitique & fporadique.
Qiielques auteurs diftinguent encore Vangirie
en fuppuratoire , en gangréneufe, en coiivul-
five ; celle qui eft accompagnée de tumeurs,
& en celle qui eft fans tumeurs apparentes.
Le fiege de cette maladie eft principale-
ment dans les différentes parties qui coiT.po-
fent le larynx &c le pharynx ; & toutes celles
qui les avoifinent , telle que la langue ,
les amygdales , le voile du palais , la lutte,
la trompe d'Euftachi , & toutes les mem-
branes mufculeufes qui tapiffent le fond de
la gorge ; la concavité de la voûte offeufc
formée au-deffus du larynx & du pharynx,
où il fe forme quelquefois des concrétions
polypeufes , des farcomes , qui en grollil-
fant peuvent fouvent boucher l'ouverture
des arrière -narines , tenir baiffé le voile du
palais , defcendre jufque fur le larynx , cou-
vrir la glotte , la boucher , la preffcr. Le
vice qui conftitue Vangine s'étend auffi
très-fouvent à la membrane pituitaire , à
celle qui rcvêi l'intérieur de la trachée artère
& de l'œfuphagc , & aux glandes difperfés
dans toutes ces parties.
Les caufes de {'efquinancie font auffi diffé-
rentes que les efpeces. Dans celle qui pro-
vient d'inflammation , il fe forme fubite-
mcnt un obftacle à la circulation du fang
dans les extrémités des vaiffeaux (anguins ,
qui s'engorgent , fe dilatent , fe diftendent.
Les orifices des vaiffeaux lymphatiques qui
en naiffint , font ouverts à mefure , font
forcés à tranfmettre les globules rouges : la
tumeur & tous les fymptomes de l'inflam-
mation s'enfuivent. l^oy. Inflammation.
Dans Vangine adémateufe ce n'cft que l'hu-
meur lymphatique qui s'arrête dans les con-
duits , enfuite de la comprcfTioii des veines
E s a
dans lefquelles ils s'évacuent ; de l'obflruc-
lion tlans le follicule des glandes muqueii-
fes , ou dans leurs excrétoues ; du fioidqui
refl'erre l'extrémitc de ces mêmes vailleaux ;
de la lenteur du mouvement des fluides :
cette humeur s'y accumule , d'où naît le
plus grand \'olume des parties aftcdVées , qui
caufe rcmpcchemcnt de l'exercice des orga-
nes deilinés à la refpiration ou à la dégluti-
tion. Si le dépôt de cette humeur dure pen-
dant quelque temps , il fc fait une répara-
tion des parties les plus fluides , les grorfie-
res qui refient fe durcidént , & forment la
matière d'un skirrhe; d'où Vangine skirrheu-
/é, qui peut enfuite devenir chancreule par
des caufcs particulières. Foye^ Skirrhe ,
Chancre.
La caufe de Vangine fuffocatoire eft celle
de l'inflammation même , qui a fon fiege
dans l'intérieur du larynx : enforce qu'il en
réfulte un fi grand rellérrcment de la glot-
te , qu-'elle ne permet pas l'entrée de l'air dans
les poumons. Dodonée fait mention dans
fes obfervations , de plufieurs ef.juinancies de
cette efpece , entr'autres à l'égard d'un
boucher , qui s'étant plaint fur 1j midi d'une
douleur à la gorge , d'une difficulté de ref-
pirer & d'avaler , mourut comme étranglé
la nuir luivante.
La caufe de Vangine non fuffocatoire , eft
celle de l'inflammation de l'œdème ou du
skirrhe, ou toute autre qui a fon fiege dans
des parties qui n'intérefl'ent pas notable-
ment la refpiration.
h'angine idiopathique provient de l'une de
ces caufes mentionnées ci-devant , qui a
fon fiege dans quelques-unes des parties
même de la gorge , fans qu'elle provienne
d'aucune autre maladie qui ait précédé , ni
d'aucun vice des parties voifines.
\ La fympathique eft caufée par le vice de
quelque autre partie qui influe fur celle de
la gorge par communication , comme la lu-
xation d'une vertèbre du cou , occallonnée
par une tumeur ou par quelque accident;
les vents arrêtés dans l'œfophage , qui com-
priment les différentes parties de la gorge ;
le reflerrement convulflf, ou le trop grand
relâchement de ces mêmes parties , qui em-
pêche l'exercice de leurs fonétions.
Les caufes de V efquinancie épidémique ào\-
vent être déduites de celles de l'épidémie en
E S Q. 45
général ( >'oyf ^ Epidémie): elles ne font
pas encore allez coiinucs, pour qu'on puillè
déterminer pourquoi, elles atreéiicnt plutôt
une partie du corps qu'une autre ; tout ce
que l'on peut dire , c'ell que fi le vice eft-
dans l'air que l'on rcfpire , il doit affeéler
plutôt les parties auxquelles il s'applique
immédiatement &c fans interruption , que
toute autre ; par conléquent toutes celles
de la gorge , vu fur-tout la grande déli-
cateffe de leur tilfu. L'cf.juinancie fporadique
lie peut être attribuée qu'au mauvais ufage
que l'on fait des chofcs appellées non nU'
turclles.
Pour ce qui t^ àc Vangine fuppuratoire,
elle doit fa caufe à l'inflammation quia pré-
cédé ; elle en eft une fuite , une terminai-
fon , de même que la gangréneufe. Foye:^
Suppuration, Gangrené.
Le différent fiege de l'engorgement des
vailleaux qui conlHtue le plus fbuvent l'e/^
quinancis , étant intérieur ou extérieur ,
établit en dehors ou en dedans la tumeur
dont elle cil accompagnée dans ce cas; ce
qui la rend apparente ou non apparente. Il
arrive auffi quelquefois qu'il n'y en a pas du
tout ni en dehors ni en dedans , dans des cas
où Vefquinancie provient, par exemple, du
relâchement ou de la paralyfie de la partie
affedée.
Tout ce qui vient d'être dit des caufes
prochaines de Vefquinancie confidérée dans
les différentes efpeces , réduit toutes les dif-
tinélons qu'on en fait, à deux principales ;
favoir à Vefquinancie vraieôc à l^faujfc, puil-
que toutes ces différences doivent être rap-
portées à l'une & à l'autre. La vraie , qui
eft toujours caufée par l'inflammation , eft
accompagnée fouvent de fympromes (\ fu-
neftes, que la cauie qui les produit ne laifTe
pas le temps d'y apporter aucun remède ,
ou rend inutiles ceux qu'on peut employer ;
Vangine vraie eft par confcquent celle qai
exige le plus d'attention : l'ordre mené à en
rechercher les caufes éloignées.
Toutes celles qui peuvent contribuer à
établir l'inflammation en général , peuvent
produire Vangine inj/cmmaivire ; m.iis'û y vt
aulTi bien d'autres caufes particulière^ qui
peuvent déterminer 1 inflammation fur les
parties qui font le fiege de Vangine ::c\\es
font la difpofition particulière du fujet-qui
46 E S Q.
en eft afFedé. Les jeunes gens y font plus |
fujets que les vieillards, comme auffi ceux qui
font d'un cempéramcn: fanguin. Sydenham
a lemarqué que les perfoiuics qui onc le
poil roux , font plus fouvenc atceimes de
cette maladie que d'autres. Qiatlquesauteuis
prétendent aulïi qu'elle attaque moinS les
femmes que les hommes ; ils appuient leur
opinion (ur unpalfjge d'Hippociace, /. VI,
des Epidémies , fia. vij , dans lequel , en dé-
crivant une confticution épidcmique , il
allure que parmi un grand nombre de per-
fennes qui avoient été malades par des pé-
ripneumonies , des rhumes , des nrigines , il
s ctoit trouvé très-peu de femmes ; ce que
l'on pourroit attribuer à ce qu'elles s'cxpo-
fcnt moins aux ditiérentes cauics occafion-
nelles qui peuvent produire ces lortcs de
maladies épidémiques, & qu'elles ont en
général le fang moms chaud,
Auffi voit - on que tout ce qui peut en
augmenter l'aébiviré , contribue à procurer
l'angine , comme la lin du printemps , l'en-
trée de l'été, les exercices violens, &c lur-
tout ceux de la gorge, tels que les déclama-
tions foutenues , le chant , les cris ; la féche-
reflè de cette partie , caufie par l'air chaud
que l'on refpire au fcAeil ou dans un lieu
chau.i quelconque , comme un poile , et.
la courft à cheval contre le vent froid , les
grandes agitations du corps dans un air
froid , une grande chaleur qui luccede à un
grand froid dans le printemps ; comme auiTi
les fraîcheurs de la nuit , qui fe font ientir
ordinairement d^ns cette (ailon, après des
jours adez chauds. C'eft même de cette
dernière caufe dont Sydenham ne craint pas
d'afTurer qu'elle fait périr plus de monde
que la pefte, la guerre, &c la famine.
Uanginc inflammatoire qui ell occasion-
née par quelques-unes de ces différentes cau-
fcs , produit difFcrens fymptoiiies , parmi
lefquels il en eft de très-violens & de terri-
bles , félon la diverfité des parties qui en
font le fiege.
Les fymptomes communs à toute forte
à'angine , qui la caradérifent , font la dif-
ficulté de refpiier ou d'avaler , avec un
fentimcnt de douleur dans le fond de la
gorge , fans que le thorax &; les poumons
ni l'cftomac (i)ient eirentiellemenr afftélés.
'L'angine yraïc cft diftinguée en général de la
E S Q
fauj]f , parce que celle-là eft accompagne'c
de rougeur , de chaleur dans le fiege de la
maladie, & la fièvre s'y joint ordinaiie-
ment : celle-ci n'eft elfentiellement accom-
pagnée d'aucun de ces fymptomes.jpn peut
aulïi diftinguerpardcs fignes propres les dif-
férentes parties aficétées dans l'angine vraie;
fi elle alon iiege dans la membrane mufcu-
leule de la trachée artère , on y relient tous
les fymptomes de l'inflammation avec une
fièvre ardente très- violente , fans qu'il
paroilfe rien de changé à l'extérieur & dans
le fond de la gorge : dans ce cas le malade
a les yeux enflammés , faillans , hors de la
tête comme ceux d'un animal qu'on étran-
gle , & quelquefois même tournés : il parle
avec beaucoup de peine ; il ne peut fouveni
pas articuler les paroles de manière à fe
faire entendre ; la voix efc aiguë & fem-
blable aux cris des petits chats. Il eft obligé
de tenir toujours la bouche ouverte ,
& il en coule une falive écumeufe ; il tire
la' langue , qui paroit enflammée & fort
enflée: les lèvres deviennent livides; il a
le cou roide ; on y voit fouvent de l'enfiure
avec rougeur , douleur & pulfation ; les
veines jugulaires, frontales , canines , pa-
roiflent variqueufes &C fort gonflées ; la
rcipiration eft petite, fréquente. Le malade
ne peut exercer cette fonction qu'étant fur
fbn féant & avec de grands efforts , ce qui
indique combien la circulation du fang eft
gênée dans les poumons ; il paroit avide de
refpirev un air fiais , parce qu'il le lent une
chaleur brillante dans la poitrine : le pouls
change à tout inftant ; le malade eft dans
une agitation continuelle, d'une inquiétude
extrême i il le jette fouvent hors du lit ; il
ne peut pas refter couché fur le dos ; il ne
voit , il n'entend que confufément ; il ne
fliit ni ce qu'il dit ni ce qu'il fait , tant il eft
occupé de la crainte de la fuflocation , donc
il eft fortement menacé ; quelquefois même
il tombe daf.^ un vrai délire.
Plus le mal eft voilîn de la glotte , plus
les fymptomes mentionnés font violens ; &
fi l'inflammation gagne les mufcles qui fer-
vent à la fermer, la luHocation fuit de près:
c'eft le cas le plus terrible ; c'eft ['angine h
plus funefte ; c'eft celle de cette efpece qui
quelques auteurs diftinguent par le nom d
Jujfocatoire : flippocrate ca donne une dçf
E s Q.
criptîon bien exacte , lih. IJI , de worhis. Il
convient ici d'obfcrvcr que dans ccue forte
à'efjuinancie, il arrive fouvent que non-feu-
lement les parties intérieures du larynx &
delà tracliée-artere (ont afteclces , mais en-
core les poumons ; ce qui contribue beau-
coup à rendre la refpiration dilticile : c'cll
ce qui a été prouvé par l'ouverture des cada-
vres de plulleurs pcrionnes qui étoient mor-
tes fuftoquces par l'effet de la maladie dont
il s'agit. Dcdonée allure àwisfesvbfcrvations
avoir trouvé d.ms ce cas les poumons puru-
lens ou ablccbés.
Si l'inflammation n'affecte que les muf-
clesdeilinés à élever l'os hyoïde & le larynx,
la refpiration ell: prcique aulîi libre que dans
l'état naturel i le commencement de la dé-
glutition eftaccompagnéd'une douleur très-
vive , & on peut appcrcevoir dans la goige
quelque rougeur avec tumeur.
Lor.'que c'ell le pharynx qui eft enflam-
mé , on peut en apperccvoir les lignes en
examinant le fond de la bouche , après
avoir abaiflîe la langue , en la comprimant
vers ia baie. La relpiration eft allez libre
dans ce cas ; mais la déglutition ell très-
douloureufe , fe fait très-diflicilement , &
ne peut quelquefois pas fe faire du tout. Ce
que le malade veut avaler revient par les
narines , ou il entre quelque partie dans le
larynx & la trachée artère , qui excite une
toux violente : par conféquent il ne peut
prendre ni aliment ni boiflbn ; la malfe des
humeurs s'échauffe , devient acre taute d c-
tre renouvellée par le chyle ; la fièvre qui
accompagne prelque toujours cette cipece
à'angine , devient plus ardente , fans être
aulTI violente que dans la première elpece ,
& celle-là ne tend pas aulfi piomptement
à la mort.
Si l'inflammation a fon flege dans les
amygdales , la luete , les membranes mufc
culeutcs du voile du palais, ce dont on peut
auffi s'afTarer par l'mlpetbion des parties , la
refpiration ell ;v-'iée , pénible ; il ne pafle
que peu ou point d'air par les narines : par
conlequent le malade tient toujours ia bou-
che ouverte : il ne peut avaler qu'avec de
grandes douleurs , à caufe que les organes
alFeiStées concourent beaucoup à la dégluti-
tion ; les alimens font même fouvent rejet-
tes dans la bouche , parce qu'ils ne peuvent
E S Q, 47
pas p.iffer fous les arcades ilu voile du pilais
trop rendu iSc trop douloureux ; il fe iikre
une plus grande quantité d'humeurs dans les
amygdales , & dans toutes les glandes mu-
queulés qui font difperlées dans le tillu des
parties enflammées : le malade ne celle de
cracher des matières vifqueuics , giaireules
en abondance ; il (ènt une douleur vive
dans l'intérieur de l'oreille & dans la partie
qui communique avec la gorge ; il fciit
auffi un craquement lorfqu'il avale , &:
quelquefois même il en refulte une furdiré
completce. Ces derniers accidens ne peuvent
être attribués qu'à l'iiiflammîtion , qui af-
fecte auffi la trompe d'Euftachi , en partie
ou dans toute Ion étendue , enforte même
qu'elle s'étende jufqu'à la membrane qui
tapifle la cavité du tambour de l'oreille.
Lorfque l'inflammation attaque l'ocrô-
phage proprement dit au-dclfous du pha-
rynx , les fymptomes font les mêmes que
dans le cas où le pharynx eft enflammé : on
ne peut pas en découvrir les figues par
l'nilpeCtion , mais le malade peut aifé-
ment indiquer le fiege du mal par la dou-
leur qu'il relient dans la partie affedée ,
lorfque ce qu'il avale y eft parvenu. La ma-
tière delà déglutition eft fouvent repouiTéeSc
remonte dans la bouche , ce qu'on peut ap-
peller regorgement, pour diltmguer ce fymp-
tome du vomiflemcnt.
Si plulieurs de ces différentes efpeces
d'inflammation attaquent en même temps
un malade , il eft facile d'en tirer la confé-
quence que la maladie fera d'autant plus
violente & plus dangereufe , & les fymp-
tomes d'autant plus funeftes , qu'il y aura
un plus grand nom-bre de parties affedées :
il eft rare qu'aucune de ces efpeces d'inflam-
mation (e trouve folitaire ; le mal gagne de
proche en proche, & s'étend plus ou.moins
îur les parues voifines.
Uar.gin^ aqUeufe , iidémateiifi. cata, rheujè,
a ordinairement fon liege daiîs les glandes ,
dans les vaifleaux fecrétoircs .1^ excrétoires
de ia mucoiîcé qui eft deftinie à lubrifier
toutes les parties de la gorge; fcs effets font
l'enflure blanche & froide de ces mêmes
parties, fans aucun Acs figncs de l'inflam-
mation , la douleur , s'il y en a , n'ayant lieu
que par le mouvement & la diftcnhon des
organes de ia lelpixation ou de la dégluti-
4^ • E S Q
tion: fi la tumeur lymphatique devient
skii-reufe , on le connoît par les lignes du
skirrhe. Foyf^ Skirre. De même que h ce-
lui-ci devient chancreux , on en jugera par
les fignes du chancre. Fbye^ Chancre.
Les fympcomcs ci-de(Tiis énoncés carac-
térifent Yanginefujfàcatoirc , ëc la diftnigucnt
de la non fujfdcatoire ; l'idiopathique &: la
fympathique , l'épidémique & la fporadi-
que ont aufli leur caraftere propre , que leur
qualité fpécifique annonce fuftilamment: la
fuppuratoire & la gangreneufe fe font con-
noître par les fignes de la fuppuration & de
la gangrené. , r c
Toutes les angines humorales lont tor-
mées par des tumeurs ; mais il n'y en a
point dans la paralytique & la convullive
qui dépendent des mufcles de la partie
affcdéc'', trop conftamment contradlés ou
relâches par !e dé fa u"! des nerfs moteurs,
qui pèchent par trop ou trop peu de jeu.
Vefyuinancie paralytique elt (ouveiit une
fuite de l'apoplexie , de l'émiplégie , des
grandes évacuations , des longues conva-
lefcences , pendant It (quelles les forces
diminuent de plus en plus bien loin de
fe rétablir , de la compreiTion des nerfs ,
par la luxation de quelque vertèbre du
cou , fur-tout de la féconde , f-'c. L'angi-
ne convulfive eft un fymptome de maladie
fpnfmodiquc, comme l'épilepfie, la palTîon
hyftérique, hypocondriaque: on (hltingue
ces deux efpcces d'angine par le défaut de
tumeur, tant au dedans qu'au dehors, &
par les fignes des maladies dont elles font
les acceiïbires.
Après avoir expofé les principaux fymp-
tomes de Vefi/uinancie , confidéréc dans fes
différentes efpeces , Se après en avoir déduit
les fignes diagnoftics pour chacune en par-
ticulier , l'ordre exige de pafTer aux prog-
noftics , que l'on peut aulli tirer de ces
mêmes fymptomes : l'obfervation enfeignc
en général que les angines dans leiquelles la
refp'ration cit gênée, font les plus dange-
reufes , &c que les autres qui ne font que ren-
dre la déglutition difficile , font le moins à
craindre pour les fuites , pourvu que la rel-
pirstion ne foit point léfée. Pour ce qui eft
de ['angine vraie , inflammatoire , qui rend
la refpfration difiicile , celle qui a fon fiege
d<ins la cavité du larynx , auprès de la glotte
E S a
& dans fes bords fur- tout , eft la plus mau-
vaife de toutes , & U y a plus à craindre de
celle qui empêche la déglutition ,• lorfque
l'on ne peut découvrir aucune tumeur ni
rougeur dans la gorge , & que cependant le
commencement de l'exercice de la dégluti-
tion ell fort douloureux. On peut aulfi dire
de toutes angines inflammatoires , qu'elles
doivent être regardées comme très-perni-
cieuies , & le plus louvent mortelles lorf-
qu'elles font fituées dans l'intérieur de la
gorge, de manière que l'onnepuilîe apper-
cevoir ni tumeur ni rougeur : les autres de
la même efpece , quoique très-fâcheufes ,
font cependant fouvent moins dangereufes ,
fur- tout s'il paroit des tumeurs & des rou-
geurs dans la gorge , au cou & fur la poi-
trine ; mais fi elles rentrent 8c difparoilTent,
& que la refpiration devienne plus gênée ,
c'eft un très-mauvais figne , de même que
h la douleur cefte tout-à-coup d'être mani-
fefte , parce qu'il y a tout lieu de craindre ,
dans ce cas , que l'inflammation ne fe ter-
mine biei-itôt par une gangrené mortelle.
La fuppuration , qui peut quelquefois ter-
miner moins malheureufement l'angine ,
peut avoir auiïï des fuites très-dangereules ;
fi l'abcès venant à fe rompre tombe dans la
trachée - artère , ce qui peut caufer une
prompte fuffocacion ; fi la formation eft
luivie d'une fièvre heélique , d'une toux
fechc & fréquente , d'une douleur de côté
& d'une cxpeél:oration répétée fouvent de
crachats blancs & vilqueux : dans l'angine
fujfucatoire la mort prévient ordinairement
la fuppuration.
Qiioiqu'il arrive quelquefois que certaine
angine inflammatoire n'afleéle qu'une des
parties de la gorge , & relte (olitaire , néan-
moins le plus louvent l'inflammation gagne
les parties voifines & s'étend beaucoup ;
enforte qu'il en rélultc un concours de plu-
fieurs diflércns fymptomes qui produilent
un défordre proportionné dans les fonâions
des parties affetîées : d'où U eft aifé de con-
clure que la maladie fera d^autant plus dif-
iicile à guérir , que les diveifes efpeces à'an-
gine feront plus multipliées en même temps;
il y aura plus à craindre de funeftes événe-
mens de la complication de tant de maux ,
qui finilfent fouvent par V more , après
avoir fait elfuycr des tourniens & des an-
goiflcs
E s a
jçoifTes fiipérieure^ à tout ce que la patien-
ce humaine p^ ut furmontcr.
DnusVar.oiiw fulfoCiJtoire le malade périt
p'ir la fyncopc comme (étranglé , au bout
de dix-huit heures, depuis le commence-
ment Je la maladie ; .S: dp.ns les autres cfpe-
C€S à'aiigirus ir.ji.inmatoires , qui ne lont
guère moins violtntes , la mort arrive vers
letro'heme ouïe quatrième jour au plus
nrd. Toute .ingim formée par un dépôt cri-
tique à la fuite d'une autre maladie , eil
ir.ort.dle : c'cit un bon ligne dans \'ai!s:i.i:
ir.jlammatore, de quelque clpece qu'eilefoir,
que la refpiration ne fo't pas fort gcnée ,
5i que la drg'utition de la falive ic de la
boillon le faile fans beaucoup de peine , que
la ficvie ne foit pas bien forte i que le nir.-
lade dorme , foit tranquille ; en ua mot
qu'il n'y ait aucun des m.auvais fymptomes
mfntionncs.
h'ang:rte adématevfe , catarrkcufe , skir-
rkeufe , Se toute autre de cette nature , ne
doit pas être regardée comme une maladie
aiguë : ainfi comme elle cil de plus long
cours que i'infiammato!re la plu3 bénigne ,
elle eft moins dan^creufe ordinairement ,
tout étant égal. Li cure efc plus ou moins
difficile, félon quel'huinenr qui forme l'obf^
tîuéiion eil plus ou moins fuiceptib'ic de fe
réfoudre aifement: Il elle etl devenue skir-
rlieufe , le mal peut être de long cours,
mais incurable; à plus forte raifon fi le
skirrhe dégénère en chancre , qui fe trouve
inévitablement toujours expofé à l'air, &
dont la matière acre , rongeante détruit
promprement toutes les parties auxquelles
elle eft appliquée , à caufe de la délicarelle
de leur tillu. De-là combien de maux qui ,
eu égard aux fouffrances extrêmes qu'ils
produifent, ne hâtent jamais afiez la mort
lure qui les fait , & qui en peut être le feul
remède.
Uangimpcralityque eft très-difficile à gué-
rir ; fi elle dépend d'une caufe générale ,
elle dure quelquefois trcs-long-temps : lorf-
qu'elle eft caulée paruneréfolution particu-
lière des mulclesdu larynx ou du pharynx,
alors elle eft luivie de marafme & de to;:s
les mauvais eflcts du défaut de nouiri-
ture ; fi la réloiution tftcomplette , h mort
la lu!t de près. Ucfjuinaricieparûlityijus cau-
fce par la luxation entière d'une vertèbre
Tome XII L
E S a 49
du cou.eft auffi morcelle : h la luxation n'eft
pas entière , on peut tenter la rédudicn ,
&c la guénlon peut fuivre.
Uonginc caufcc par une contraction fpaf-
modiquc fubite des mulcles du larynx , peirt
cauler la futtocition^ une mort prompte :
(\ laconvuliion n'eil pas violente, elle efFrail
plus qu'elle n'eft dangereufe ; elle celTe Hc
revient fouvenrdans les maladies où le g<;n-
rc nerveux eft fiijet à des mouvemens (paf-
modiques irréguliers. Le globe hyftériqu:
qp. 'éprouvent il fouvent bien des femmes,
eft une angine convu'five avec flatulence :
l'air arrêté dars l'œfophage , par un relTer-
rement convuliif , le rar- fie, comprime la
tracliée- artère & d'tpofe à la fuffocation ;
effet qui n'eft pas ordmairem.ent de longue
durée.
Il fuit de tout ce qui a été dit jufqu'ici
fur l'affeiflion qu'on appelle a/?g/ie ou e/ljui'
nanc!e,quc ce n'eft pas une maladie fimple,
mais un allemblage de diftérentes maladies
iî)us le même nom : elles ont toutes cel:»
de commun , qu'elles confiftent dans la lé-
fion de la relpiration , ou de la déglutition,
caulée par un vice des organes , qui {èrvenc
à ces fondlions, fitués au-ielfus des pou-
mons «S: de l'eftomac ; mais elles différent
en ce qu'elles lont aT>'c rumsur apparente
ou non apparente , ou f'.ns tumeur , par
la nature & le fiege de la tumeur , quand
il y en a , Si par le nombre des p^ircies af«
fettées qui intérellent la refpiration ou Li
déglutition , ou les deux fonôtions enfem-
ble , d'où reluirent des effets fi variés ; par
conféquent on ne peut indiquer une mé-
thode lie traitement qui convienne à toutes
les différentes elpsces d'angine : comme
les caufes font li diftérentes , les remèdes
doivent être variés à proponion , en (orte
qu'ils foient même quelquefois oppcles par
leur nature dans le^ cas qui le lent aufïî ,
(ans avoir cependant beaucoup d'égard à la
différence des partie; aftedlées.
Car , foit que le larynx (oit enflammé ,
ou le pharynx , c'eft le traitement de l'm-
flammaiion qui eft indiqué pour l'une
comme pour l'autre partie : le d inger plus
ou moins grand, exige feulement des re-
m.edes plus ou moins prompts.
L'nr'gjrie infuimmatoire peut le terminer
de la même manière que i'inflim.matiou en
G
50 E S Q
général : ainfî la même cure de celle-ci
convient à celle-là, dans fesdifiérens états
( \oye[ Inflammation ) , comme dans
celle-ci ; c'eft à procurer la réiolution de
rhumeur morbifique qu'il faut diriger tous
les fecours employés à corr.batrre \' angine :
cette terminalfon ell même plus à défirer
dans cette maladie que dans tout autre cas
en général , parce que celles de la fuppu-
ration , skirrhe , ou de la gangrené , ont
des fuites plus funeftes dans les parties
afieétécs , dont il i'agit , que dans toute
autre : la gangrené , fur-tout, eft toujours
fuivie d'une mort prompte , lorfqu'elle
eft étendue & profande ; car il conlle ,
par plulieurs obfervations , que celle
qui eft fupcrficielle peut être guérie ,
quoiqu'elle détruife & détache par mor-
ceaux , en forme de croiites ou pellicules
blanchâtres , toutes les membranes qui
tapillcnt ia bouche , la gorge , l'œfophage ,
les arritre-narii-ies, & autres parties voi-
fmes.
Lors donc que l'on s'eft afitiré par les
ïîeges propres que Yefquinancie a fon fîege
dans l'intérieur du larynx & aux environs
de la glotte , & qu'elle eft inflammatoire ,
on ex imine fi l'inflammation eft encore en
nature ; i\ on la trouve telle , on doit em-
ployer , avec le plus de diligence qu'il eft
polfible , les moyens les plus propres à la
réloudte : pour cet effet, on a recours fans
délai à la faignée; on la fait abondante ,
& on la répète aux bras , aux pies , &
enfuite aux jugulaires & aux ranules , juf-
qu'à ce que la pâleur du malade , le rcfroi-
dilfement des mtmbies, la foiblefl'e , l'a-
battemcr.t des forces annonce qu: le vo-
lume des humeurs t ft (uftîfamment diminué,
que les vaifleaux iont aftaiflés , tk que
l'effort du fang vers la tumeur n'cft plus
afTez conlidcrable pour l'augmenter & ren-
dre les vaifttaux plus diftcr.diis dans les
parties enfl.immées : on doit faire ufagc
dans la même vue des purgatifs, tant émé-
tiques que caihartiques , & des lavemens
de ces derniers fur-tout , rendus aftèz adifs
dans les cas où le malade ne peut pas
avaler, & où ils doivent par conféquent
{uppléer à tous évacuans de l'eftomac &
des inteftins , fur- tour loifque les remèdes
iiintparticuliértmcnt indiqués par les lignes
jE S CL
des mauvais levains dans les premières
voies , lefqucls venant a pafler dans le fang,
peuvent contribuer à augmenter la caufe
du mal : c'eft ainfi , par le moyen des la-
vemens j que l'on doit fournir , dans ce
cas, au malade la nourriture qui lui eft
néceflaire , vu qu'il eft démiontré par l'ex-
périence & l'anatomie , que les gros
boyaux ont des veines laârées , propres à
tranfmettre à la malfe des humeurs, tant
les remèdes que les alimens , &c ceux-ci fur-
tout , de manière qu'ils peuvent fi'flirc
pendant plulieurs jours pour lourenir les
forces du malade , pourvu qu'ils foient de
nature à n'avoir pas beioin d'être préparés
dans les vifceres qui fervent à la confec-
tion du chyle , & qu'ils contiennent un lue
nourricier tout prêt , tels que les bouillons
de viande , les œufs dilayés , le lait coupé
avec de l'eau , le petit lait , les décoélions
de pain : ces trois dernières el'peces d'ali-
mcns liquides (ontpréférablesdans Vangine,
félon Sydenham , qui défend l'ufage de
ceux qui font préparés avec la viande , à
caufe de la difpohtion qu'ils ont à fe
pourrir : voye^ les obfirvations des auteurs
fur les lavemens nourrijfans , recueillies par
Stalpert Wanderwiel.
Il fiiut en miêmc temps employer des
médicamens nitreux & tirans fur l'acide ,
que l'en fait entrer dans la ccmpofition des
gargarifmts avec le miel , donron humecte
fouvcnt la gorge pour ramollir le tilfu de
fes parties & le relâcher : c'eft pour rem-
plir la même indication que l'on fait aulÏÏ
recevoir au malade la vapeur humide &
tiède de quelque préparation à- peu- près de
même nature que les g;.rgarilmcs mention-
nés i on doit répéter , prelque (ansdilcon-
tinuer , l'ufage de ces iecours , qui peu-
vent être d'autant pluscfHcaces , qu'ils lonc
appliqués aux parties même enflammées : ou
doit encore faire des applications exté-
rieures lous forme de fomentation , de
cataplafmes ; les épifpaftiques propres à
faire dérivation vers quelqu'autre partie
moins importante que celles qui font en-
flammées , les vcnroufcs , les linapifmes
appliqués au cou & à la poitrine , peuvent
aum produire de bons etiets.
Si c'eft le voiiinage de l'os hyoïde &:
l'extérieur du larynx qui font enflammés ,
E s Q,
«n doit employer les mêmes remèdes , ffiai'?
plus légers i5c d'une manière moins prcf-
iàiice : les cucaplafmcs adoucid.iiis & rclà-
chans , & toute application extéricuic qui
peut ramollir , fout plus particulièrement
recommandés dans les angines de cette
cfpece.
L'inflammation du pharynx ne demande
que les mêmes remèdes indiques dans les
cas préccdens , mais fur-tout les garga-
rirmes& les fulîiimigations , dont on doit
faire un ufage encore plus fréquent , avec
attention de ne mettre en mouvement les
organes afteclés , que le moins qu'ils eft
polTlble : aind la matière des gargarifmes
doit être retenue dans la bouche (ans l'a-
giter , & les vapeurs doivent être reçues
làns faire autre chofc que tenir la bouche
ouverte & immobile.
Si V angine eft fr, Pfbcatoire , & que les
remèdes mdiqués aient été employés trop
tard , ou qu'on ne les ait pas mis en ufage ,
ou qu'on l'ait fait inutilement; fi la mala-
die ne fait que commencer, & qu'elle me-
nace cependant d'étrangler le malade ; (î
les fymptomes , quoique très- mauvais ,
n'annoncent pas que l'inflammation loit
devenue gangreneuie , dans ce cas il faut
avoir recours à l'opération qu'on appelle
bronchotnmie , pourvu que l'inflammation &
l'obftaclc à la refpiration ne foient pas
fitués au deflôus de Pendroit où l'on peut
faire l'ouverture de la trachée-artere , pour
(uppléer par cerce ilfue au défaut de la
glotte qui eft fermée dans ces cas. Fbje:^
Bronchotomlé.
Si l'inflammation angineufe a fait des
progrès , & qu'il fe foit formé un abcès ,
on tâchera de le faire ouvrir par des ap-
plications émollientes , relâchantes , qui
puiifent afïoiblir le titfu du fac qui contient
la matière de la fuppuration \ les garga-
rifmes, les cataplafmes appropriés , doivent
être employés à cette fin ; on pourra
aufti dans ce cas ranimer les forces du
malade , pour que le mouvement des tu-
meurs augmenté falfe effort dans l'inté-
rieur de l'abcès , & en déchire les parois ,
pourvu qu'on n'ait rien à craindre par cette
augmentation de volume de la conipreiTion
des parties voifines de l'abcès ; s'il fe
icoiive à portée d'être obfervé , & qu'il ne
E S a ^ 51
paroiffc pas aflez tôt difpo^é à s'ouvrir ,
après qu'on s'eft alfuré que la tumeur eft
molle , que la matière coiumue eft au p >inc
d; maturation convenable pour être éva-
cuée avec facilité, on doit en faire l'ouver-
ture de la manière que l'art le prelcrit {voyti^
Abcés ) : s'il arrive que la maàere de
l'bcès fe répande , par quelle caufe q ic
ce (oit , dans l'intérieur deli trachée-artere,
il faut fe hâter de l'évacuer en lui donnant
iflue par le moyen de la bronchotomic
qui dégorge les poumons plus prompte-
ment que par la voie de la feule glortc :
après l'oaverturc d'ui> abcès, dans quelle
partie de la gorge que ce puiffe être , on doic
faire uier au malade de gargarifmes & de
tifanes propres à déterger les ulcères.
Lorfque l'ûngim devint gangreneufc , 5C
que les parties ne font pas aflez profondé-
ment afïeélées pour que la mort fuivrc de
près , il convient d'empêcher les progrès de
l'inflammation , pour arrêter ceux de la
gangrené ; ce que l'on fait par les faignces
ultérieures , fi les forces le permettent , par
les laxatifs propres à procurer une douce
évacuation par la voie drs felles , par les
lavemens , par les autres remèdes appro-
priés, {y. Gangrené.) L'oximel delà;. é
avec la décoétion de fleur de lureau, peut
être employé très- utilement en gargarif-
mes , & fous forme de vapeurs reçues dans
la bouche pour faciliter la féparation de
l'efcare.
La curation des a«^//2« humorales froides,
telle que l'aqueufe , l'œdémateufe, la ca-
tarrheufe, la skirrheufc , s'exécute, 1°. par
le moyen des remèdes qui relâchent les
orifices des vaifleaux excrétoires de la lym-
phe ou mucofi:é, s'ils ont été refferrés par
le froid, par des aftringens employés mal-
à-propos ; tels font les ein'-l!iens appliqués
fous forme de catapLfine extérieu remet*,
& fous forme de gargarifine , de vapeur
dans la bouche : 1°. par le moyen des réfo-
lutifs , ou des corrofifs , ou des incidons ,
fi l'engorgement des vaiffeaux lymphati-
ques eft occafionné par des obftrudtioiis ,
des concrétions qui gênent le cours des hu-
meurs , fi l'angine eft caulée par un skirre;
i°. par le moyen des purgatifs hydrago-
gues, des fudorifiques , des diurétiques , des
apoplegmatifans , des véficatoires , des (ca-
G i
52 E s Q,
ritîcations , & de la fedion des parties qui en
font fiifcepcibles , & par l'abdinence des
liquides & un régime échauffant , dcfié-
chant , fi Vangi/iesû. caufce par une infiltra-
tion du tiflu cellulaire qui fe remplit de
férolués.
L'angine chancreule eft incurable , & ne
tarde pas à faire périr ceux qui ont le
malheur d'en être affectés. L'aniline qui eft
caufée par un relâchement paralytique, fe
guérit par les remèdes contre la paralylie.
y. Paralysie.
Celle qui dépend du relâchement des
organes de la gorge par épuifemtnt , à la
fuite de quelque grande évacuation , de lon-
gues maladies, eft ordmairement mortelle;
la diète cardiaque analeptique (croit le
feul moyen que l'on pourroit employer
pour en tenter la guérifon , en faifant cef-
fer la caufe occafionnelle , Ci on en a voit le
temps.
Vefquinancie qui eft l'effet d'un refferre-
ment convuUif, fymptome de la paificn hy-
pocondriaque ou hyftérique , doit être trai-
tée par les remèdes anti-lpafmoGiques &
anci-hyftériques.
"L'angine qui eft occafionnce par la com-
prelTion des vents arrêtes & raréfiés dans
î'œfopliage , qui preffent la trachée-artere
ou rtftèrrent le larynx , doit être traitée
par les remèdes contre le Tparmed: la fla-
tulence. V. Flatulence. La plus grandi
fartie de cet article ejl extraite des apkorifmes
<ie Boerhaave , &: du commentcirc de cet oU'
vrage , par VVanfwieten. {d)
ESQUINE , f. f. {Manège.) terme qui a
été employé par tous les auteurs anciens,
& qui néanmoins n'eft pas tombé dans
l'oubli , ainll que quelques pcrfonncs fe le
perfuadent. Nous en faifons un uGige fré-
quent en parlant du doS &c des reins , non
d'un cheval qui eft dans le repos, mais d'un
cheval qui manie Si qui eft en mouvement.
Lorfque , par exemple , un cheval voûte en
quelque manière ion dos en fautant , nous
è.\hns qu'il faute de fej qui ne , nous vantons
la force ou la foiblefle de Ion efquine , pour
vanter la force ou la foiblefte de fcs reins ,
Ùc.{e)
ESQUISSE , f. f. ( reinture) Ce term.e,
que nous avons formé du mot italien/c/'//;[:ra,
ajarcoi nous une fit^uitication plus déter-
E S Q.
minée que dans fon pays natal : voici celle
que donne, au mot italien /cy^/^r^o, le dic-
tionnaire de la Cruf:a : fperje di dijlgno fem^^
ombra , e non terminato ; elpece de delîin
fans ombre & non terminé. 11 paroît par-
là que le mot efqu:Jfe , en irahen , fe rap-
proche de la lignification du met hançois
ébauche ; & il eft vrai que chez nous ef^uiffer
veut àïxe. former des traits qui ne font ni om-
brés ni terminés ; mais pai une lingularité
dont l'ufage peut feul rendre raifon , jvz/re
une efquijjè ou efquijjer , ne veut pp.s dire
précifcment la même chofe. Cette première
façon de s'exprimer , faire une efquijfe , li-
gnifie tracer rapidement la pcnfée d'un fujet
de peinture , pour juger enfuite fi elle vau-
dra la peine d'être mile en ufage ; c'eft fur
cette lignification du mot efquijfe que je
vais m'arrêter , comme celle qui mérite une
attention particulière de I^ part des Ar-
tiftes.
La difficulté de rendre plus précifément
le fens de ce mot , vient de ce qu'au lieu
d'avoir été pris dans les termes généraux de
la langue , pour être adopté particulière-
ment à la peinture , il a été au contraire
emprunté de la peinture pour devenir un
terme plus général : on dit faire l'efquijfe
d'un poème , d'un ouvrage , d'un pro-
jet, f-c.
En l'einture , Vefqaljfe ne dépend en au-
cune façon des moyens qu'on peut eiTiployer
pour la produire.
L'artifte fe fcrt , pour rendre une idée
qui s'offre à fon imaginaàcn , de tous les
moyens qui (e préfentent lous fa main ;
le charbon , la pierre de couleur , la plu-
me , le pinceau , tout concourt ^ fon but
à peu près également. Si quelque rai'oir
peut déterminer fur le choix , la préféren-
ce eft due à celui des moyens dont l'emploi
eft plus facile & plus prompt , parce que
l'efprit perd toujours de fon feu par la
lenteur des moyens dont il eft obligé de fe
fervir pour exprimer & fixer les concep-
tions.
Vefquijfe eft donc ici la première idée
rendue d'un fujet de peinture. L'artifte qui
veut la créer , & dans l'imagination duquel
ce fujet fe montre fous diiïérens afpeéls ,
I rifque de voir s'évanouir des formes qui le
! préfentent en trop grand nombre, s'il ne les
E s Q.
fix: par ilcs traits qui puitlent lui en rap-
pellcr le fouvenir.
Pour parvenir à fuivre le rapide cfTor de
fon génie , il ne s'occupe point à kumonter
les liirticultcs que la prac-que de fon arc
lui oppofe fans celle ; la mani agit , pour
ainlî dire , théoriquement , elle trace des
lignes auxquelles l'habitude de delTincr
donne ^peu-près ks formes nccellaires
pour y reconnoi'cre les objets ; l'imagina-
tion , maurellè ablolue de cet ouvrage ,
ne foiiffie qu'impatiemment le 'plus petit
rallentifiLment dans fa produclion. C'ell
■ cette rapidité d'exécution q-ii efl: le prin-
cip-r du feu qu'on voit briller dans les cf-
quijfes des peintres de génie ; on y recon-
noit l'enîpreinte du mouvement de leur
ame ; on en calcule la force & la fécondité.
S'il eft aifé de fentir , par ce que je viens de
dire , qu'il n'elt pas plus poflible de donner
des principes pour faire de belles ejquijfcs
que pour en avoir un beau génie , on doit
en inférer auffi que rien ne peut être plus
avantageux pour échauffer les artilfts , &
pour les former , que d'étudier ces fortes de
deflîns de grands maîtres , & fur-tout de
ceux qui ont réufTi lians la partie de la com-
pofition.
Mais pour tirer de cette étude un avan-
tage folide, d faut, lorfqu'on efl à portée
de le faire , comparer enfemble les diffé-
rentes efquijfes que les célèbres artiftes ont
fait fervir de piéparation à leurs ouvrages :
il eft rare qu'un peintre de génie fe foit
borné à une feule idée pour une compofi-
tion. Si quelquefois la première a l'avan-
tage d'être plus chaude & plus brillante ,
elle eft l'ujetie auffi à des défauts intépara-
bles de la rapidité avec laquelle elle a
été conçue ; Vefquijfi qui fuivra ce premier
deflîn offrira les effets d'une imagination
déjà modérée ; les autres marqueront enfin
la route que le jugement de l'artifte a fui-
vie , & que le jeune élevé a intérêt de dé-
couvrir. Si après ce développement d'idées
que fournifient différentes efqu'-Jfcs d'un
grand maître , on examine les études parti-
culières qu'il r. faites fur la natuie pour cha-
que figure , pour chaque membre , pour
le nud de ces figures , & enfin pour leurs
draperies , on découvrira la marche entière
du génie , & ce qu'on peut appelki l'efpric
E S Q, 55
de l'art. C'eft ainli que les hrouiUons d'un
auteur célèbre pourroient louvent , mieux
que des traités , montrer dans l'éloquence &c
dans la poél'e les routes naturelles qui con-
duilent à la perfedlion.
Peur terminer la fuite d'études & de
réflexions que je viens d'indiquer , il eft
enlin néceiïairc de co.mparer , avec le
tableau fini , tout ce que le peintre a pro-
duit pour parvenir à le rendre parhiit.
Voilà les fruits qu'on peut retirer , comme
artifte , de l'examen raiibnné des efquijfes
des grands maîtres ; on peut aufTi , comme
amateur , trouver dans cet examen une
fource intariflable de réflexions différentes
fur le caraftcre des artiftes , fur leur ma-
nière , & fur une infinité de faits particu-
liers qui les regardent : on y voit quelque-
fois , par exemple , des preuves de la gêne
que leur ont impolee les perfonnes qui les
ont employés , 6c qui les ont forcés à aban-
donner des idées raiionnables pour y fabf-
ticuer des idées abfurdes. La fupcrftition ou
l'orgueil des princes & des particuliers ont
iouvent produit , par la main des arts , dc:
ces fruits extra vagans dont il feroit injuke
d'accufer les artiftes qui les ont fait paroî-
tre. Dans plufieurs compolitions , l'artifte ,
pour fa juftificatioa , auroit dû écrire au
bas : J ai exécuté ; tel prince a ordonné. Les
connoilleurs &. la pcftérité feroicnt alors en
état de rendre à chacun ce qui lui eft dû , &:
de pardonner au génie luttant contre la
tottife. Les efquijfes produifent , jufqu'à uii
certain point , l'effet de l'infcription que
nous en demandons.
L'on y retrouve quelquefois la compo-
fition fimple & convenable d'un tableau ,
dans l'exécution duquel on a été fâché de
trouver des figures allégoriques , dilpara-
tes , ou des afferriblages d'objets qui n'é-
tolent pas faits pour ic trouver enfemble.
Le tableau de P>.aphaël qui repréfentc Atti-
la , dont les projets font fufpendus par l'ap-
parition des apôtres S. Pierre & S. Paul ,
en eft un exemple. Il eft peu de perfonnes
qui ne fâchent que dans l'exécution de
ce tableau , qui eft à Rome , au lieu de S,
Léon , Léon X , en habits pontificaux ,
accompagné d'un cortège nombreux , fait
la principale p rtie de la compolition. Un
dilEn du cabinet du loi difculpe Raphaë!
54 E S Ci
de cctre fcrvJle &: balfe flatterie , pour la- '
quelle & la grandeur du miracle, & la
convenance du fujet , & le cojfume , 5c les
beautés de l'art même ont été Ç?cr\hcs.
Le dciïin repréfente une première idée de
Raphacl fur ce fujet , qui eft digne de lui ;
il n'y eft point queftion de Léon X , de fa
reflemblancc , ni de fon correge ; S, Léon
même n'y paroic que dans l'éloignement ;
l'adion d'Attila , l'effet que produit fur lui
&c fur les fcldats qui l'accompagnent , l'ap-
parition des apôtres , eft l'objet principal
4,e foH ordonnance , & la pafîlon intéref-
fante qu'il fc propofoit d'exprimer. Mais
<j'en eft alTez , ce me femblc , pour indiquer
les avantages qu'on peut tirer de l'étude &
de l'examen des ef.juijfes ; il me reftc à faire
quelques réflexions fur les dangers que pré-
pEient aux jeunes artiftes les attraits de ce
genre de compolltion.
La marche ordinaire de l'art de la pein-
ture eft rcile , que le temps de la jeunclle ,
qui doit être dcftiné à l'exercice fréquent
des parties de la pratique de l'art , eft celui
dans lequel il fcmble qu'on foit plus porté
aux charmes qui nailfent de la partie de l'ef-
prit ; c'eft en effet pendant le cours de cet
âge que l'imagimtion s'échr.uffe aifcment,
c'eft la faifon de l'enthouilafme , c'eft le
moment où l'on tft impatient de produire ,
enfin c'eft l'âge des ffquijfcs ; auiïî rien de
f)lus ordinaire dans les jeunes élevés , que
e defir & la facilité de produire des efquijjh
de compofition , & rien de li dangereux
pour eux que de fe livrer avec trop d'ardeur
à ce penchant. L'indccifion dans l'ordon-
nance , l'incorreârion dans le dclTîn , l'aver-
fion de terminer , en font ordinairement
la fuite ; & le danger eft d'autant plus
grand, qu'ils font prefquc certains de féduire
par ce genre de compofition libre , dans
lequel le fpedateur exige peu , & le charge
d'ajouter à l'aide de fon imagination tout
ce qui y manque. Il arrive de-là que les dé-
fauts prennent le nom de beautés ; en effet ,
que le trait par lequel on indique les figures
d'une eftjuijfe foit outré , on y croit démêler
une intention hardie & une exprelTion mâle;
que l'ordonnance foit confife &: chargée ,
on s'imagine y voir briller le feu d'une ima-
gination féconde & int^inllable : qu'arrive-
\-\\ après ces préfages trompeurs ou mal
E S a
expliqués ? l'un dans l'exécution finie offre
des figures cftropiées , des cxprelTIons exa-
gérées ; l'autre ne peut fortir du labyrinthe
dans lequel il s'eft embarrallc ; le tableau ne
peut plus conteur dans fon vafte champ le
nombre d'objets que l'efjuijfe promettoit ,
& les artiftes réduits à fc borner au talent de
faire des tfquijfts , n'ont pas tous les talens
qui ont acqjis à la Page & au Parméfan une
réputation dans ce genre.
L'arcifte ne doit donc faire qu'un ufage
jufte Se modéré dcstf^urjfes; elles ne doivent
être pour lui qu'un fccours pour fixer les
idées qu'il conçoit , quand ces idées le mé-
ritent. Il doit fe précautionner contre la
féduélion des idées nombreufes , vagues 8c
peu raifonnées que préfentent ordinairement
les efjuijjes ; & plus il s'eft permis d'indé-
pendance en ne fe refufant rien de ce qui
s'eft préfeiué à fon efprit , plus il doit faire
un examen rigoureux de ces produ<ftions
libertines lorfqu'il veut arrêter fa compofi-
tion ; c'eft par les règles de cette partie de
la peinture , c'eft-à-dire , par les préceptes
de la compolltion , & au tribunal de la rai-
fon & du jugement , qu'il verra terminer les
indécifions de l'amour-propre, & décider du
jufte mérite de fes efquijfes. Cet article eji d<
M. J-Vatelet.
ESQUISSE,/, f {Belles-lettres. Poéfie.)
On appelle ainfi en peinture un tableau qui
n'eft pas fini , mais où les figures, les traits,
les effets de lumière & d'ombre font indi-
qués par des touches légères. La même ex-
preffion s'applique à la {Kjéfie ; mais à l'égard
de celle-ci, elle exprime réellement la gran-
de manière de peindre ; car la defcriptjon
poétique n'eft prefque jamais un tableau fini,
ôc rarement elle doit l'être.
Sur la toile du peintre on ne voit guère
que ce que l'a.tiftey a mis, au lieu que
dans une peinture poétique chacun voit ce
qu'il imagine: c'eft le fpedateur qui, d'après
quelques touches du poët* , fc peint lui-
même l'objet indiqué. Réuniffez tous les
peintres célèbres , &: demandez - leur de
copier Hélène d'après Homère , Armide
d'après le Taffe , Eve d'après Milton ,
Corine & Délie d'après Ovide & Tibule»
l'efclave d'Anacréon d'après le portrait
de'taiUé qu'en a fait ce poëte voluptueux ;
toutes ces copies auront quelque chofc d'à-
E s Q.
ttalogue entr'elles ; mais de mille il n'y en |
aura pas deux qui fe refTemblent au point
de faire deviner que l'original ell le même.
Chacun fe fait une Eve , une Armide , une
Hélène , & c'eft: un dès charmes de la poé-
fîe de nous laiflcr le plaifir de créer. Incejfu
patuit dca , me dit Virgile, C'eft à moi à me
peindre Vénus.
Stat fonipes , ac frena ferox fpumantia
tnandit,
C'eft à moi à tirer delà l'image d'un courfier
fuperbe.
Mille trahens varias adverfofole colores.
Ne croit-on pas voir l'arc-en-cicl ?
Hic gL'lidi fo/ites , hic molli a prata , Lycori,
Hic iiemus ; hic ipfo tecum corifisnierer œvo.
Il n'en faut pas davantage pour fe reptéfcn-
terunpayfage délicieux. Nunc fcgesubi Troja
fuit. In clajfem cadtt omne nemus. Vo:là des
tableaux eiqullFés d'un feul trait.
Le TalTc parle en maître fur l'art de
pfindre en poclie avec plus ou moins de
détail , fclon le plus ou le moins de gravité
du ftyle , en quoi il compare Virgile èc
Pétrarque.
Dzderatque comas diffundere vernis ,
dit Virgile en parlant de Vénus déguifée en
chaflerelle. Pétrarque dit la même chofe ,
mais d'un ftyle plus fleuri.
Erano i capei d'oro â l' aura fparfi y
Cil in mille dolci modi gli avolgta.
^mbroficeque comae divinum venice odorem ,
Spiravere ,
Virgile.
JE tutto il ciel , cantando ilfuo bel nome ,
Sparfir di rofs i pargoleiti amori.
Pétrarque.
E l'uno , e /' al:ro conohbs il convenewle ne'la
fua poefia. Perche Virgilio fiiperb tutti poète
heroici di gravita , il Fetraca tutti gli antichi
lirici di vaghc^^^a. Le Tafte.
Le poëce ne peut ni ne doit finir la
peinture de la beauté phyfique ; il ne le
peut , m^n^ue de moyens pour en expri-
mer toas les traits avec la correiftion , la
d'IicatefTe que la nature y a mile , 5i pour
les accorder avec cette harmonie , cette
iiaii'jn , ccuc ujùté , d'où dépend l'effet de
E S Q. 55
Tenfemble 5 il ne le doit pas , en etjt-il les
moyens , par la raifon que plus il détaille
Ion objet , plus il aflujettit notre imagina-
tion à la fienne. Or , quelle eft l'uitention
du poëte ? Qiie chacun de nous fe peigna
vivement ce qu'il lui prclente. Le foin qui
iloit l'occuper cft donc de nous mettre fur
la voie , & il n'a befoin pour cela que de
quelques traits vivement touchés.
Belle fans oriiemtnt , dans le fimple appareil
D'une beauté qu'on vient d' arracher aufom-
m^il.
Qui de nous, à ces mots , ne voit pas Junie
comme Néion vient de la voir î K4ais il
faut que ces traits qui nous indiquent le
tableau que nous avons à peindre , foienc
tels que nous n'ayons aucune peine à rem-
plir les milieux. L'art du poëce confîfte
alors à m^arquer ce qui ne tombe pas fous
les fcns du commun des hommes , ou ce
qu'ils ne faifillent pas d'eux-mêmes avec
aflez de délicatelle ou de force ; Se à palier
fous lilence ce qu'il eft facile d'imaginer.
( M. Marmontel. )
ESQUIVE , en terme de raffineur enfucre,
c'eft proprement la terre dont on a couvert
les pains , qui a perdu fon eau, s'eft raffermie,
& forme une efpece de fromage. Tourner
Yefquive , c'eft la mettre fans-dclTus-defTous
quand elle n'a pas la première fois produit
l'effet qu'on en attendoit. Voye'^ Terre.
E S S
ESSAI , f. m. ( Gram. ) épreuve que l'on
fait pour juger fi une chofe eft de la qualité
dont elle doit être.
Ce terme eft fort ufité dans le commerce^
& particulièrement dans celui des denrées
qui fe confomment pour la nourriture. On
dit en ce fcns : donnez - moi un ejfai de
cette huile ; il je fuis content de cet eJfai de
fromage , j'en enverrai prendre telle quan-
tité , Ht'c. {G)
Essai , ( Littérat. ) ce mot employé dans
le titre de pluheurs ouvrages , a différen-
tes acceptions ; il fe dit ou des ouvrages
dans lefquels l'auteur traite ou effleure dif-
férens tujets, tels que les e[fais de Montaigne,
ou des ouvrages dans lefquels l'auteur trai-
te un fujet particulier , mais fans prétendre
l'approfyndir > ioi l'épuifcrj ni enf»ii le tmi-
56 E S S ^
ter en forme & avec tout le ùécail !c toutfi
ladifcuiïionque U matière peut exiger. Un
grand nombre d'ouvrages modernes portent
le titre d'ej/i/; tll-ce modellie de la part des
auteurs? cft-cc une iultice qu'ils fe rendent?
Ceft aux lecteurs à en juger. (O)
Essai , ( Chime misallurgiqnc. ) examen
d'un minéral , dans Isquel on a pour but
de connoître les différentes fublb.nccs qui
entrent dans fa compofition , & la quan-
tité en laquelle elles y font contenues.
Telle eft l'acception particulière de ce nom
«1 chimie , ou on l'emploie encore dans
un fens pins général , pour défigner une
expérience faite fur un objet de l'un des
trois règnes , foit pour connoître ta qualité
des matières dont il eft compofé , ce qui
coijftitue la chimie analytique -, foit pour
favoir la quantité de chacune d'elles , con-
dition qui caraftérife proprement Vejfai des
minéraux , & le diftmgue de toute autre
opération chimique , à l'exception pour-
tant de celles de la métallurgie , avec
laquelle il fe trcuvercit confondu , fi l'on
n'ajoutoit à fa définition qu'il fe fait fur
de très-petites quantités de matières , &
^vec un appareil , qui , en même temps
qu'il efc le plus en petit qu'il fc puillé ,
réfond au deiFein qu'on a de connoicrc
avec la plus grande exaélitude les propor-
tions des fubltanccs du corps examiné ; au
lieu que dans la métallurgie les travaux le
font fi en grand qu'il peut en réfulter de
très- gros bénéfices. Il fuit de ce que nous
Tenons d'txpofer , que les opérations des
efius ne font autre chofe que l'analife chi-
mique de certains corps , à laquelle on
applique le calcul. Leur point de réunion ,
ou plutôt ces mêmes opérations ra'Tem-
blées en un corps de doélrine prennent^ le
nom de docimnftique ou Jocêmûf.e , qui lig-
nifie art des e_lfj:s , art purement chim.que ,
quoiqu'il puilTe être ifolé par l'exercice ,
de fa fourcc comme les autres branches qui
partent du m.ême tronc , tclels que la tein-
ture , la peinture en émail , la métallur-
gie , 6"c. il eft vrai que la plupart des au-
teurs ne l'ont pas toujours regardé fous ce
point de vue ; c'eft un reproche que l'on
peut faite en particulier à \i. Cramer. Cet
jUuftre artifte , tout éclairé qu'il eft , tombe
Ih - dcflùs dans des contradiftions perpé-
E S S
tuelles. S'il eût été bien convaincu que I»
docimaftique n'eft qu'une branche de la
chimie , comme il l'avance au commence-
ment de la préface , il n'eût pas intitulé
fon livre Etémens de l'art des ejfais , félon
la judicicuie remarque de M. Rouelle ;
parce que les élémens de cet art doivent
être puifés dans la chimie , & ne iont en
eOet que cette fcicnce elle-même , dont les
ejf'ais ne ditTerent qu'en ce qu'on y emploie
le calcul, & quelques inftrumens puticu-
liers nécelîaircs à fon exactitude, il ne fc
fût pas cru obligé de mettre à la tête de
fon livre une théorie , qui n'en eft pomc
une , puifqu'clle ne conûfte prefque qu'en
une defcription des minéraux , qui appar-
tient à l'Hiftoire naturelle , dont l'étude
doit précéder celle de la chimie ; d'inftru-
mens , dont
pirtient
e plus 5
qu'à la chimie
rand
nombre n'ap-
d'opérations ,
dont deux ou trois feidement Iont ftriâre-
m.ent des effiis , &c. Il eût fuppofé , com-
me il le devoir , que ceux qui vouloienc
exercer l'art des effais , dévoient apporter à
cette étude la connoilîance préliminaire de
l'hiftoire naturelle de la chymie , fans en-
trer dans un détail de ces Iciences , qui ne
peut être d'aucune utihtc aux coramençans ,
parce qu'il y eft trop abftrait , & dont peu-
vent très- bien fe paffer ceux qui favent la
chimie , parce qu'ils n'y trouvent prefque
rien de neuf; avec ces difpofuions il eue
abrégé une bonne partie de ce qu'il ap-
pelle fa théorie , & eût pu s'étendre da-
vasjfage du cô:é de la pratique , quoiqu'il
foit alfez complet de ce côcé-là , & qu'on
n'y voie autre chofe qu'une efpcce d'affec-
tation à ne lui vouloir donner pas plus d'é-
tendue que fa théorie. Cependant ces légers
défauts font effacés par mille bonnes chofes
qui feront toujours tftim.er fon ouvrage ,
comme le premier que nous ayons en ce
geinc.
Avant Agricola , la docimaftique dont
Kiefting attribue l'invention au travail des
mines , n'avoir exifté que dans les labora-
toires. Perfonne n'en avoir rien écrit ; les
auteurs ne faifoient que la nommer : ainfi
clL- ne fe communiquolt pour lors que par
l'expérience , ^ elle palHiit du maître à
l'élcve fans que pcrfonne fongtât \ la tranC-
mettre autreinent ; fans doiue faute de
modèle
E s s
modèle à fuivre dans ce genre. C'eft lui
qui le premier en a faifi refprir, & à qui
l'on a l'obligation d'avoir , comme tiré du
chaos , ce qu'on peut appellcr la bajc de la
Métallurgie. Auparavant , ceux qui culti-
voient les ejfais ctôient les mêmes qui exer-
çoient la métallurgie , comme cela fc pra-
tique encore prefque par-tout : car une
fonderie ne va jamais ians un laboratoire
d'ejfais ; & l'on connoifloit feulement li
une roche contenoit une matière métalli-
que ou non , il elle receloit plulleurs mé-
taux , ou s'il n'y en avoit que pour un
feui , &: quelle en étoit à-peu- près la quan-
tité ; on (avoit féparer les parties qui con-
tenoient le métal , d'avec celles qui n'en
donnoient point ; & parmi celles-là , on
diftinguoit les plus riches : (ans quoi l'on
auroit rifqué de dépenfer inutilement des
fommes immenles pour mettre fur pié les
travaux de métallurgie. Les artiftes occupés
de cette fcience aujourd'hui , ne différent
nullement de ceux qui exiftoient du temps
d'Agricola ; M. Cramer leur fait le même
reproche que cet auteur , & attribue à
cette négligence l'ignorance où l'on eft fur
la nature de la plupart des minéraux. Mais
comment donner le goût des belles con-
noi (Tances à des gens dont l'nuérét eft
l'unique mobile , 6c qui n'en ont d'ailleurs
nulle idée , ou à qui le défaut d'éducation
interdit cette acquifition ?
Les auteurs qui font venus après Agri-
cola , ont perfectionné ce qu'il n'avoir , pour
ainli dire , qu'ébauché. On eft principale-
ment redevable du degré de perfe6tion où
cet art a été porté de nos jours par
M.M. Cramer & Gelleft fon tradudeur alle-
m-and, à Lazare Erker, Modtftm Fachs ,
àShindler que l'illuftre Stahl appelle ingé-
nieux à juftetitre,à Stahl lui-même, à
Juncker , à Kiefling , & à Schlutter. On
ne fait aucune mention des autres qui ont
ccrit lur cette matière, quoiqu'enaiTez grand
nombre; parce qu'ils n'ont rien ajouté à
ceux qui les avoient précédés , ainfî que le
Tem;rqje M. Cramer, ^^ojej Docimasie.
Ercker étoit premier effayeur de l'empire
d'Allemagne; Modeftin Fachs étoit ellayeur
des minéraux du prince d'Anhalt en Saxe :
fon ouvrage a été imprimé à Leiplkk en
1567 , & a eu plu/leurs édition^. >L'pu-
Tome XIIJ.
ESS 57
vragc de Shindler porte pour titre : Traité
des ej[ais : celui de Kiefling eft intitulé :
lielatio pradica de arte probatoriâ minerr.-
lium &' metallorum , Leiplick 1741 ; il n'a
fait que mettre en ordre & augmenter les
leçons de Jean Schmieder , profelfeur dans
le laboratoire de fa majefté Polonoife ,
après les avoir confirmées de fes propres
expériences. L'ouvrage de Gellert a pour
titre : Chimie métallurgique , Leipfick 17J0;
il eft fcrupuleufement divifé, comme celui
de M. Cramer, en deux parties, la première
théorique, & la féconde pratique. Quant au
livre de Schlutter , dont la traduction fran-
çoife vient d'être publiée par M. Hellot , il
eft entre les mains de tout le monde , ainfi
que celui de NL Cramer dont j'ai donné la
traduction depuis quelque temps. Le traité
de Stahl fe trouve dans fes opufcules :
celui de Juncker, dans fès tables de chimie.
Malgré la loi que je me fuis impofee de
réduire le catalogue des auteurs de doci-
maftique au petit nombre dont je viens de
parler , je donnerai encore une notice des
fuivans. Dans le deuxième volume de l'ou-
vrage , qui a pour titre: Otia metallica ,
imprimé à Schneeberg en Saxe en 1748,
on trouve une docimaftique fans feu ; elle
confifte à fe fervir d'une balance hydrofta-
tique , pour connoitre le poids fpécifique
des minerais, au moyen de l'eau do<.ice ,
de l'eau falée , de la balance de Swedem-
horg , & de fon pefe liqueur. L'inftruétioa
lur les mines de Lohneyfs contient aufïî
un petit traité à'ejfais ; l'auteur anonyme
qui a donné un volume in-iz , intitulé:
Procédés métallurgiques , imprimé à Helïè-
Calfel en 1737 , a écrit aufl^ deux traités,
dont l'un a pour titre : Ars docirnajlica
fuiidamentalis , & l'autre Ars docimajîica
curiofa. Jean Matthelîus , auteur du traité
intitulé , Sarepta , a écrit fur les ejfais ; ainfi
que Libavius, & Glauber dans fon traité
des fourneaux.
Il faudroit être téméraire pour faire les
frais des travaux qui concernent la métal-
lurgie , fans favoir s'ils doivent être com-
penlés , non-feulement par le produit qu'on
retirera de k mine , mais encore s'il y
aura du bénéfice L'art des ejfais feul peut
décider la queftion. Les dépenfes qu'il en-
traine jie méritent pas d'entrer en compa-
H
58
E S S
raifon avec celles de la métallurgie , qui |
font fouvcnt ruintufcs. Ceft par (on moyen ]
quon pciu dét^-rmincr fi la mine elkyce '
pa era les frais des érais & élançons, qu'on
cft fouvent obligé li'employer dans les
étoiles & les puits : des machines hydrau-
liques ou des digues employées à pomper
ou a détourner les eaux , au cas que la
mine Ce trouve dans un vallon ou une plainej
du tranfport de toutes les matières nécel-
faires à Ton exploitation : du bocard &c de
fa fuite : du bois de du charbon nécedaires
à la fonderie : de la fonderie elle-même ,
ik des angais & magafins : fi elle fournira
de quoi payer les différens ouvriers em-
ployés à ces fortes de travaux. Ceft aux
conceflîonnaires d'examiner mûrement tous
ces points. Ils font obligés d'ailleurs de
fatisfaire à certaines queftions qui leur font
faites de la part du miniftre , auxquelles
la docimaftique feule les met en état de
fournir des réponfes ; elles font en partie
les mêmes que les motifs qui doivent les
déterminer ; car quoiqu'il fouhaite que les
rnines du royaume foient mifes en valeur ,
il veut néanmoins s'oppofer à toute entre-
prife mal concertée.
La difficulté & même l'impoffibilité de
connoître certaines mines à l'infpedion ,
font de nouveaux motifs qui prouvent la
lîéceffué &c les avantages de la docimafti-
que ; fans elle il arriveroit fouvent qu'on
icroit induit en erreur , par l'apparence
trompeufe d'une mine qui a l'éclat de l'or
& de l'argent , & qui fe ternit au moindre
degré de feu. On n'eût peut-être jamais
trouvé les moyens de perfcaionner les
travaux en grand , de diminuer la dépenfe ,
& de retirer tout l'aloi d'une mine ; je
n'entends pas ici parler des ces améliora-
tions Se maturations qu'adoptent la crédu-
lité & la cupidité , filles de l'ignorance &
de l'avarice ; mais de ces économies qui ont
quelquefois doublé & au-delà le produit
d'une mine. l'oy. Docimasie.
La docimaftique eft exercée par des
artiftes , qui ne s'occupent que de ce (bin.
En Allemagne où il y a une jurifdiftion
particulière pour les mines qui font une
grande partie du fonds de l'état , il y a
des ejfayeurs en titre qui font des officiers
publics , & qvu f«ut chargés de faire km
E S S
rapporta la compagnie dont ils font partie.
Il y a outre cela des profclfeurs à'ijfais.
Il y a des eflayeurs dans les monnoies &
chez les orfèvres. Ceft peut-être l'exer-
cice ifolé de cette profcllion , qui a porté
M. Cramer & d'autres auteurs à croire
qu'un elfayeur & un chimifte faifoientdeux
êtres fort diftertns l'u.n de l'autre : peut-
être bien encore la routine de la plupart
de ces fortes d'artiftes leur aura-t-e!le fait
croire que l'on pouvoir pofleder les ejfp.is
fans être chimifte ; ce qui feroit encore
plus déraifonnable. En France on ne con-
noit d'elfayeurs en titre que dans les mon-
noies & au bureau des orfèvres.
Avant que d'en venir aux procédés , je
donnerai le catalogue des uftenfiles , que
je regarde comme étant ftriébement de la
docimaftique, c'eft- à-dire , de ceux donc
il faudroit qu'un chimifte fe pourvût , s'il
vouloit faire des effais. Quant à celui des
uftenfiles d'un laboratoire qu'on ne vou-
droit monter qu'à ce delfein , voje:^ Doci-
masie. Un chimifte muni de tout ce qui
lui eft néceftairc à faire la chimie philoio-
phique , doit ajouter ce qui fuit pour faire
les ejfais en petit. Ceux qui fe font en
grand demandent encore d'autres appareils,
qu'on trouvera encore à ['article Doci-
masie.
Trois balances à'e^ai montées dans leurs
lanternes.
Un poids de proportion.
Un poids de quintal en petit.
Un poids de marc en petit.
Un poids de karat.
Un poids de deniers.
Des brufelles.
Une cuillier à'ejfai.
Des moules pour les coupelles , {corifi-
catoircSj & creufets.
Des pinces pour les coupelles & fcorifi-
caioires.
Une plaque de fer fondu bien unie , fer-
vant de porphyre , avec fon marteau.
Des cucurbites de départ avec leur trcpié.
Des poefles à teft.
Des graiiulatoires à l'eau , & par la voie
fcche.
Des çiewfcts, tmes, coupelles, fcorifî-
E s s
catoireS , 8c moufles de difTcrciUeS gritl-
tleurs.
Des fourneaux à'ejfai.
Des aiguilles d'f^/ de difFcrens alliages ,
& une pierre de touche.
Je n'entrerai ici dans le détail que des
balances & des fourneaux à'ejfai. J'^oyc^^ les
autres articles à leur rang. On parlera des
aiguilles à'ejjai au mot ToucHAU & Pierre
DE Touche.
La balance à'effai dont nous allons par-
ler , n'a été décrite nulle part ; elle ne fe
trouve qu'entre les mains de quelques par-
ticuliers. C'eft au fieur Galonde qu'on eft
redevable de la perfeâiion où elle eft. Cet
ingénieux artifte , connu dans Paris par
l'habileté avec laquelle il fait les pendules
& autres machines qui font du reflort de
l'horlogerie , a retranché pluiïeurs incon-
vénicns qui fe rencontroient dans les au-
tres balances à'ejfai , Se a rendu par-là la
fîenne en état de trébucher pour des frac-
tions moindres qu'un millième de grain :
aullî doute-t-on avec raifon que celle dont
parle Boifârd , fiit affez fenfible pour aller
jufques-là. Cette balance étoit fans doute
comme toutes les autres balances des Hol-
lande j qu'on ne voit point avoir changé de-
puis Agricola jufqu'à M. Cramer qui en a
donné la defcription ; excepté pourtant que
cet auteur en propofe wne de fa façon , dont
la languette eft renvcrfée , & qu'il dit être
plus jurte que l'autre.
La balance en queftion fe trouve dans
nos Planches de Chimie. On y voit repré-
fentéc la chape foutenanc le fléau , au bout
duquel on voit les deux porte-baiîîns. Cette
chape n'a prefque rien de fcmblable aux
autres que fbn ufage ; elle eft faite d'une
lame de cuivre écrouc , qui dans l'endroit
qu'elle doit embraller l'axe du fléau , fe
recourbe horilontalemcnt en arrière , puis
verticalement par en bas , enfuite horilbn-
talement en devant , & enfin verticalement
en haut , & toujours à angles droits. La
partie fupérieure de la chape eft foudée
aux deux extrémités d'une portion de cer-
cle , marquée de quelques divilions arbi-
traires , qui mefurent l'inclinaifon de la
languette \ & par confêquent celle du fléau
auquel elle eft foudée. La chape eft réunie
à Ion (upporc par le moyen de la couliile ,
E S S 59
formée de deux plaques rondes hSci , autre
Jig. mais elle n'y eft pas tellement fixée ,
qu'elle ne puifle ofcilïer de devant en ar-
rière , jufqu'à ce qu'elle foit dans (on cen-
tre de gravité ; au cas que l'on n'ait pas eu
foin de mettre fa lanterne de niveau avec
l'horifon , on lui a laiflé la liberté d'aller
d'avant en arrière , au moyen de man-
tonnets/, dans lefquels paflent les vis /t,
même fig. qui entrent dans un petit trou de
la plaque h. Dans les grandes balances ,
celles qui fervent pour pefer le plomb ou
la mine , & dont on peut charger chaque
balTin de trois ou quatre onces , on fait
cmbrafter la portion de cercle par la bifur-
cation de la chape , qui cefl'e pour lors d'ê-
tre une affaire d'ornement ou de délicatefïè j
& l'on fixe chaque branche à l'extrémité
de l'arc de cercle , au moyen d'une vis qui
a fon écrou dans l'extrémité de la branche,
& entre par la pointe dans un trou coni-
que pratiqué dans l'extrémité de l'arc de
cercle. Le fupport eft , comme on le peut
voir, même fig. enparalléhpipede de cuivre,
arrondi par le bas & percé dans fa hauteur
d'une fente qui laifte le paffage à la petite
lame de cuivre , qui fixe mutuellement les
plaques rondes h Ik i ; la partie fupérieure
de ce rapport fe termine par une platine
ronde , pofée horifontalement , au milieu
de laquelle s'élève une vis qui doit pafl'er à
travers la glace fupérieure de la lanterne ,
pour recevoir l'écrou n qui doit l'y fixer. Au
deflous de la platine horifontale b , eft une
poulie dont le boulon eft engagé dans deux
mantonnets en confole , fervant en même
temps à donner plus d'alTîette à la platine :
cette poulie fert à faire rouler le cordon
de loie , au moyen duqutl on levé la balan-
ce. Dans les balances pour les mines &:
pour le plomb dont j'ai fait mention , le
fupport qui eft le même , eft embrafle en
queue d'aronde par une plaque de cuivre
quarrée , qui fait les fondions des plaques
rondes h S<: i , auxquelles on la fubftitue ,
parce qu'elle eft plus folide & moins fujette
à vaciller. S'il arrive que la chape , étant
abandonnée à elle-même , penche en avant
ou en arrière, enforte que le fléau n'ait pas
fou axe parfaitement horifontal , alors on
met un contre- poids du coté qui s'écarte
de la ligne verticale ; on en voit un , m/uie
H z
€o
E S S
fig. Les deux trous c Se d deftinés à rece-
voir l'axe du fléau, font garnis iiiférieurc-
ment d'un couilînet d'acier en queue d'a-
ronde , Se mobUe en cas qu'on veuille le
changer : ce couffinet e(l fait de façon ,
qu'il ne peut entrer plus avant qu'il ne
convient, & il ell retenu en- dehors par la
goutte d'acier dont on a la liberté de pla-
cer les diff.-rens points de la furface vis-à-
vis de l'extrémité du fléau , au cas que
cette extrémité s'y pratique en trou. Le
fléau & Ion axe font faits d'une feule pièce
d'acier , trempé après qu'il eft poli ; on ne
lui donne de groiTeur que celle qui lui eft
nécefl'aire , pour l'empêcher de fe recour-
ber par le poids qu'il doit (upporter ; cha-
cune de fea extrémités eft terminée par un
quarré , dont le côté devant foutenir le
porte- baffin eft taillé en couteau : ce quarré
n'eft cependant pas d'une nécellité indif-
penfable j on peut lui fubftituer une autre
figure. L'extrémité du fléau , par exemple ,
recourbée en avant en crochet horifontal ,
peut en tenir lieu , pourvu toutefois que
ce crochet foit en droite ligne dans la par-
tie taillée en couteau foutenant le porte-
balTin. Si une ligne droite , tirée par le mi-
lieu des couteaux , ne palloit pas par le
centre du fléau , alors il faudroit le recour-
ber en arrière ou en avant , jufqu'à ce qu'on
fût parvenu à lui donner la difpofition con-
venable ; car fi la ligne palloit le fléau en
devant , la partie antérieure de l'axe por-
teroit & frotteroit plus que la poftérieure j
6c réciproquement , fi la ligne droite fail-
loit en arrière. L'axe du fléau eft triangu-
laire , & tranchant du côté qui porte , afin
qu'il y ait le moins de frottement qu'il eft
polTible ; mais comme il n'auroit pas man-
qué de frotter par une large furface , (i fon
extrémité eût été taillée perpendiculaire-
ment à fon axe , on l'a coupée en talud ;
en lortc que la feule partie qui peut toucher
la goutte d'acier , eft celle du centre du
mouvement. La languette 6 eft très- fine &
affez haute pour marquer le moindre mou-
vement , & on lui a donné un contre-
poids c. Il eft inutile d'avertir qu'elle doit
être aflez longue pour fe trouver vis-à-vis
des divifions de la chape, ou que celle-ci
doit être allez courte pour que les divifions
de fon arc de cercle ne foitnt pas plus haut
E S S
que l'extiémité de l,a languette. Les porte-
balTîns lont faits d'un hl d'acier poli Se
trempé ; leur extrémité fupérieure fe ter-
mine en un crochet applati de deffus en
dellous , & alTez large pour que le porte-
balTîn ne fe tourne fur le couteau , ni d'un
côté ni d'un autre •■, l'mfcrieure eft contour-
née , de façon que le centre de gravité fe
trouve à-peu- près le même que celui du
balTin , Se dans la même dircftion que la
verge du porte baffin ; je dis à- peu-près ,
parce que comme ce baffin eft foutenu fur
un cercle fondé horifontalcment à l'extré-
mité du porte-baffin, auquel il manque un
arc d'environ 45 degrés , pour empêcher
que la brufelle ne touche au cercle , on
veut que le porte-baffin ne touche que par
un petit talon qu'il porte à fa partie pof-
térieure , de crainte qu'il ne vînt à adhérer
au fol de la lanterne , comme cela ne
manqueroit pas d'arriver , s'il y étoit appli-
qué par une large furface. Les baffins (ont
d'environ trois quarts de pouce de diamè-
tre , & (ont faits d'une lame d'argent très-
mince: on pourroit les faire de toute au-
tre matière ; cependant l'argent mérite la
préférence , par la facilité qu'on a d'apper-
cevoir les plus petits corps qui font delfus,
quand il eft poli & bruni comme il doit
l'être pour ces baffins. Cette balance, quoi-
que lu(ceptible de diiferentes grandeurs ,
doit toutefois ne pécher par aucun excès.
Les dimenlions de celle de nos Planches ,
(ont les mêmes que de la balance copiée
d'après nature. Cette balance &C fon lupport
doivent être placés dans une lanterne gar-
nie de glaces de tous côtés ; la partie
antérieure feule doit s'ouvrir & en coulilfe :
pour cet effet , la glace qui y répond eft
garnie d'un petit bouton par le bas , au
moyen duquel on la levé. Cette lanterne
eft affife fur un petit cotfret, dont les pies
font en vis pour lui donner le niveau de
l'horifon , & qui contient une layette où
l'on met les poids, pinces ou brufelles,
& les autres uftenfiles qui font de la fuite
de la balanci; ; comme , par exemple , le
baffin de verre & fa tare , frc. lervant
pour les eaux filées. On voit un poids
coulant fur la tablette pour tenir la balance
dans le degré d'élévation qu'on veut. Dans
la balance qui s'appelle ftridement brJizrxt
E s s
^cp.i , & qui n'eft ileftince qu'à pefer des
fractions de grains , l'on fe contente de
coller délions ce poids un moixcati de
peau ou de drap , pour rempccher de glifler
fî aifément fur la petite lame de cuivrée;
au lieu que dans celles qui doivent pefer de
plus forts poids, on façonne la partie fupc-
rieure de cette lame de cuivre e en cré-
maillère , afin de retenir le poids en fitiia-
tion , au moyen d'un petit crochet qui s'a-
baille par un reirorc. Ce crochet ell fui-
pendu horifontaîement en balcule , &C fe
levé en comprimant un petit bouton/ Il
faut obferver que le cordon de ioie ne doit
pas être beaucoup au-dellus du niveau du
petit crochet , fans quoi le poids de la
balance feroit foulever le côté du contre-
poids roulant. On voit dans la même Planche
une fuite de fradions de la dragme. Qiiant
à ces poids & les autres qui Icrvent aux
ejfais , dont il y a plufieurs efpeces , voyei_
Poids fictifs ; & quant à la manière de
donnera la balance d'ejjai la jullellè re-
quife , vojex^ Pesée.
L'ufage qu'on fait encore aujourd'hui
des balances de Hollande que Juncker dit
fe trouver peut-être les mieilkiues de tou-
tes , &dont la defcription le trouve dans
M. Cramer, m'engagea la tranlcrire ici,
avec d'autant plus de fondement , que je
mettrai le ledeur à portée de juger par
lui - même de l'avantage de la balance
corrigée.
Son fléau doit être le plus long qui fe
puille, afin d'être plus fenfible au moindre
défaut de jurtetle. Une longueur de dix ou
douze pouces lui eft poutant fuffilante ; &
comme le plus fort poids qu'on met dans
chacun de fes plateaux ( j'appelle ainli le
baffin propre de la balance , & fuis obligé
de réferver le mot de balTin pour déligner
ces petits fegmens mobiles qu'on charge
des pefées ) excède rarement celui d'une
drachme , la grolTeur de Ion fléau doit être
telle que pareil poids fufpendu à chacune
de fes extrémités a è , le falTe prefque
fléchir. Il ne doit être chargé d'aucun orne-
ment , parce qu'il n'en feroit que plus
pefant & plus fujet à amalTer des faletés.
On renferme ce fléau dans une châlfe ( V.
les fig. ) d'acier trempé , d'une feule &
même pièce, à chaque branche de laquelle
E S S
6i
il y a inférieiu-emcnt deux trouran, pour
recevoir l'axe du fléau. Un braier ou bride
( K les fig. ) flexible de laiton que l'on in-
troduit dans deux autres trous inférieurs
aux précédens , le maintient en fa place ,
en rendant parallèles & approchant à deux
lignes & demie l'une de l'autre les deux
branches qui tendent à s'écarter par leur
rellort. L'arc de la chape fera garni inté-
rieurement d'iHie aiguille c très-fine &C très-
aiguë , dont la pointe fera tournée vers le
bas , la châlle étant lulpendue , & dont la
longueur fera telle qu'elle atteindra prelque
le lommet de la languette ( 1^. Us fig. ) le
fléau étant en équilibre : comme cetta
aiguille doit fervir à l'annoncer , la partie
de la chape où elle eft placée, fera écartée
de deux ou trois lignes b , de plus que le
relie , afin que l'artille , étant vis-à-vis ,
puifle obferver fa dilpolîtion. On peut don-
ner à cette chape tel ornement qu'on vou-
dra , pourvu qu'on ne gêne point le mou-
vement du fléau. A chaque extrémité de
celui-ci fera attaché un crochet figmoïde ,
qui tiendra fufpendu , au moyen de trois
petits cordons de foie prelque aulTi longs
que le fléau , u"n plateau d'argent fort mince,
très-peu concave , & d'un pouce & demi de
diamètre. Chaque plateau doit être garni
d'un petit balTm d'argent d'un pouce de
diamètre. C'eft dans ces baflnis qui doivent
être de même poids , que l'on met , avant
"que de les placer eux-mêmes dans les pla-
teaux de la balance , les corps qu'on veut
pefer. On les prend avec une brulelle ou
une petite cuillier ou couloire ,^ s'ils font
en poudre. L'ufage de ces bailins eft de
donner la facilité d'oter&de mettre dans
les plateaux ce qu'on doit y pefer , fans être
obligé de les toucher, parce que comme ils
font' fort minces , il pourroit arriver qu'on
les bolTueroit , ou qu'on les faliroit , 5c
qu'on leur feroit perdre leur juftelle en les
elTlivant.
Un porte-balance mobile de laiton ou de
cuivre , foutient la balance en queftion. Il
eft compofé d'un piéd'eftal ( voyer^ It^sfig. ),
qui foutient une colonne a d'cuviron vingt
pouces de hauteur, à la partie iupérieure
de laquelle eft attaché à angles droits un
bras c d'un pouce & demi de long. A l'extré-
mité de ce bras eft embrallée une poulie/
62 E s s
de trois lignes de diamètre ; une autre t
eft pareillement logée dans le fommet de
la colonne , & une troifieme dans la bafei:
ces trois poulies doivent tourner avec faci-
lité autour de leur axe ou boulon. Un pouce
& demi au-deiTous du bras fupérieur eft
attaché un fécond bras g long de deux
pouces, dont l'extrémité eft percée perpen-
diculairement fous la poulie /du bras fupé-
d'une mortaife h longue de deux
rieur
lignes , & large d'un quart , pour recevoir
Ime lame / d'un pouce & demi de long, de
telle largeur & de telle épaifteur , qu'elle
puifte fe mouvoir dans la mortaife (ans
vaciller. Cette lance fera munie d'un crochet
à fes extrémités.
La balance d'ejjfai étant fi délicate que le
moindre mouvement de l'air eft capable de
l'agiter , & d'y porter des faletés qui la ren-
droient faufte , on la renferme avec fon fup-
port dans une lanterne garnie de verre de tous
côtés , & par le haut , afin d'en voir l'inté-
rieur. Elle doit être aflez grande pour que
la balance & fon fupport puiflent y être à
l'aife , & fans que fes plateaux en touchent
les côtés , lorfqu'on l'elcvera ou qu'on l'a-
baillera. Il ne faut cependant rien de trop ,
parce qu'on auroit moins de commodités
pour pefer , pour mettre & retirer les poids
des plateaux. Ces fenêtres, droite, gau-
che , & antérieure , doivent s'emboiter dans
leurs feuillures , de façon qu'on puifle les
ouvrir & fermer fans ébranler fenliblement
la lanterne. Deux godets tournés de laiton,
hauts d'un pouce, de même concavité que
les plateaux , mais plus larges , feront atta-
chés au moyen d'une vis qu'ils auront à leur
fiartie inférieure , à droite &C à gauche de la
antcrne, précifément fous les plateaux de
la balance , qu'ils doivent recevoir ijls font
deftinés à les retenir, pendant que l'on y
met ou qu'on en retire quelques corps :
cette lanterne fera afTife fur une efpecc de
coffret , &c.
Mais un artifte verfé dans la mécanique
pratique , qui voudre fondra lui-même fa
balance d'effai , la rendra beaucoup plus du-
rable , & remplira plus aifément fes vues ,
en s'y prenant de la manière fuivante. Il
fera un fléau femblable au précèdent , avec
cette diflérence, que fa languette fera tour-
née par en bas. La pauic des anneaux dtfti-
E S S
née à recevoir fes puifTances , fera dans la
même ligne droite que l'axe , qui aura une
longueur double de l'ordinaire, (voy.lesjig.)
Il fera la chape de deux lames d'acier lar-
ges d'un pouce , & longues de lix , adem-
blées par leur extrémité de façon à lailTer
entr'elles un intervalle parallèle de deux
lignes a aa a;ï\a. partie fupérieure de cette
châfte , il y aura une entaille 6 pour rece-
voir l'axe du fléau , Se elle fera percée dans
toute fa longueur , enforte qu'on puilfe voir
le mouvement de fa languette. Pour avoir
une marque qui lui annonce l'équilibre du
fléau , il attachera à l'une des lames de la
chàlfe un menu brin de foie chargé d'un
poids d'une drachme c ; il alfujettira la
chàfle en fcellant dans chacune de fes extré-
mités un parallélipipede de laiton large de
deux lignes J, épais d'une demie, & long
d'un pouce. Ces deux parallélipipedes defti-
nés à tenir la chape lufpendue , doivenc
être introduits dans deux mortaifes en ligne
perpendiculaire , l'une pratiquée à l'extré-
mité/du bras inférieur de la colonne, &C
l'autre dans le fécond bras , en defcendant e
du fommet de la même colonne : enforte
qu'avec ce mécanifme , elle peut être éle-
vée ou abaiflée librement fans être fufcep-
tible d'aucun autre mouvement. Il fixera
l'axe dans fa place en entouranr la châfte
d'une bride ^, pourvue de deux échancru-
res vis-à-vis l'une de l'autre A , fervant à le
remettre en place quand on le baillera , au
cas qu'il fe fut tant foit peu dérangé quand
on l'a eu élevé. Cette bride doit être aftu-
jettie au fupport à telle haureur que l'axe
foit un peu foutenu par les coches qui le
recevront , quand on baiflera la balance.
Cette dernière balance eft prefque fu-
jette aux mcrvies inconvéniens que la pre-
mière ; d'où il eft évident que les cordons
de foie foutenant les plateaux font fujets à
prendre une humidité qui doit rendre la ba-
lance fauflé. Dans la balance du ficurCalon-
de, on ne voit ni ces cordons, nideuxbaiïins
mobiles, ni im fupport inutile, ni deux
godets nuifibles , comme fai remarqué dans
'ma tradudion. En effet il eft étonnant que
M. Cramer n'ait pas fiit attention à ce
défaut. Dans la balance nouvelle le loi lue
lequel portent les balTins eft garni d'une
glace , ^ encore ce corps- là n'cit-il pas trop
E s s
propre à remplir les vues qu'on fe propofe,
c;ir il Ce charge d'une humidité que j'ai vu
caufer une erreur d'un quarantième de grain.
Mais on a renK'dié à ce dctauc en contour-
nant le porte-bilhn de t çon qu'il ne peut
porter que fur le petit talon qui eft infé-
lieiir au cercle. Sans cette corredion , on
fût été fort embarralfé à trouver un corps ,
qui en même temps qu'il auroit éré aulTî
poli que le verre , n'auroit point , ainh que
lui , réfléchi l'humidité, & ne fe feroit point
déjetté.
Pallons maintenant ama fourneaux d'ejfai,
nous en donnerons de quatre elpeccs : le
premier lera celui de M. Cramer; le lecond
lera celui des fourn xlilles de Paris ; le troi-
ficme celui de Schlutter , qui eft lans grille;
& le quatrième le fourneau d'ejjjî à t'nngluife,
qui n'a encore été décrit nulle parc , pas
même par les Anglois que je fâche. Ces
fourneaux ont des différences réelles; chaque
efpece a fcs peifeftions &c fes inconveniens,
qui peuvent la faire rechercher (Se aban-
donner.
Le principal fourneau d'un laboratoire
docimaftique , celui auquel on donne par-
ticulièrement le nom de fourneau d'ejfai ou
de coupelle , fe conftruit de la manière fui-
vante. J^oye:^ nos planches de Chimie. Faites
a\ec de la tôle un prifine creux , qaadran-
gulaire , large d'onze pouces , & haut de
dix , aab b : ajoutez à la partie fupéricure
une pyramide tronquée de même matière ,
également creufe 5^ quadrangulaire b b c c,
haute de fept pouces , & terminée par une
ouverture de même diamètre. Vous ferez
ce fol, ou bas du fourneau , aulTî d'un mor-
ceau de tôle quarré , & de grandeur capa-
ble d'en former la partie inférieure a a.
Tout près de ce fol , pratiquez une ouver-
ture e , haute de trois pouces , & large de
cinq , pour le foupirail ou porte du cen-
dii.r. Au-defllis de cette porte, à iix
pouces du bas du fourneau , fiites-en un
autre / arquée par fa partie fupérieure ,
lefïemblant à un demi-cercle , large de
quatre pouces à fa bafe , & haute de trois
dans fa partie la plus élevée. Préparez trois
bandes de tôle dont chacune fera longue
d'onze pouces. La première fera de la lar-
geur d'un demi-pouce ^^; vous l'attache-
rez par fon bord inférieur au moyen de
E S S 65
y quelques clous à la l)afe du fourneau , ayant
eu foin auparavant de la plier de façon
qu'elle forme entre elle & le fourneau une
rainure capable de lailTer un libre exercice
aux portes en couliffes k k qu'elle doit
recevoir , lefquelles font deftinécs à fermer
le foupirail , & doivent être fûtes d'une
tôle épailfe. Vous placerez la féconde h h
dont la largeur doit être de trois pouces ,
parallellement à la première , dans l'efpace
qui eft entre la porte du cendrier & la
bouche du foyer. Ses bords inférieurs &c
fupérieurs doivent laifTcr également une
rainure cntr'eux & le fourneau. La pre-
mière , c'efl - à - dire l'inférieure , devant
recevoir la partie fupérieure des portes ou
coulilfes du foupirail , & la féconde ou
fupérieure , la partie inférieure des portes
& coulilfes ferm-mt la bouche du feu.
Appliquez la troifîcme bande , de même
largeur que la première , immédiatement
au-delfus de la porte de la moufîe, de façon
que fa rainure foit tournée vers la partie
inférieure du fourneau. Vous ferez enlliice
les fermetures en couliffes dont nous venons
de parler. Il y en aura deux pour fermer
chaque porte. Elles feront de tôle ainfi
que le rcfle , de telle épaiflèur , & conl-
truites de façon k k l l qu'elles puiffenc
gliffer librement dans les rainures. Vous
pratiquerez une ouverture à la partie fu-
périeure de chacune des fermetures //de
la porte de la moufle. L'une fera longue
d'un pouce & demi , & large d'un cin-
quième m , & l'autre fémi-circulaire , lon-
gue de 2 pouces n fur i de hauteur. Chaque
couliffe fera munie d'une poignée , atîn
qu'on puifle la mouvoir avec facilité. Vers
la panie inférieure de la porte de la mou-
fle /', vous attacherez fur la bande A A un
crampon x propre à recevoir un canal de
tôle forte h , 5c à. l'appliquer vis-à-vis la
même porte. Ce canal fera long de (\x
pouces , large de quatre , & aura les cotés
hauts de trois. Il fera garni d'une dent y
que l'on engrènera dans ce crampon a ,
quand il fera nécelTàire de le placer devant
la porte de la moufle. Vous ferez au four-
neau cinq autres trous ronds d'un pouce
de diamètre , deux à la partie antérieure
du fourneau o o , deux autres à la pofté-
rieurc , à la diftunce de 5 pouces de ià
E S S
baie, fc de 5 pouces & demi de chacun
de fes cocés , & le dernier p , un pouce
au-delllis du bord fupérieur de la porte du
foyer f. Le fourneau devain être garni de
lut en dedans , pour l'y faire tenir , vous
placerez à trois pouces les uns des autres de
petits crochets de fer d'un demi-pouce de
long. Vous adapterez à l'ouverture lupé-
rieure du fourneau , un dôme creux , qua-
drangulaire q , de la hauteur de 3 pouces ,
large de 7 par fa bafe , ainfi que la partie
fuperieure de la pyramide d qui doit le |
recevoir , & fe terminant en un tuyau ou
cheminée r de 5 pouces de diamètre , far
2 de haut , un tant foit peu plus gros à
fon origine qu'à fon extrémité. Ce com-
mencement de tuyau eft fait pour être reçu
dans un autre .également de tôle , puis
petit à fa partie fuperieure qu'à fa bafe ,
de 1 pies de haut t , &c deftiné à rendre le
feu de la dernière violence , étant^ adapté
au précédent , qu'il doit embrafler trcs-
exadement de la longueur d'un pouce &
demi ou deux, ou à le diminuer par ùm
abfence. Ce dôme q doit être garni de deux
anfes s s , afin de pouvoir l'oter ou le re-
mettre à volonté avec les tenailles. "Vous
aurez la précaution auffi , pour rendre ce
dôme ftable (ur l'ouverture du fourneau ,
d'attacher à fes bords droits & gauches ,
une bande de tôle que vous réfléchirez vers
le fourneau , de façon qu'elle forme une
rainure ouverte par le devant & par le der-
rière , capable de recevoir les bords laté-
raux du dôme , de l'affujettir , & de per-
mettre qu'on lui fafTc foire un petit mou-
vement , en l'inclinant tantôt en arrière ,
ôc tantôt en avant ; quand il fera queftion
de le mettre ou de l'oter , vous attacherez
aux parois intérieurs du fourneau , à la hau-
teur du bord fupérieur du foupirail e , une
bande de tôle forte qui régnant tout autour,
formera un quarré dont chaque côté fera
large d'un pouce & demi. Ses fondions
feront de foutenir la grille du cendrier în:
le garni du ft>urneau. Vous la ferez de deux
pièces , af n d'avoir la commodité de l'in-
troduire dans le fourneau , où elle fera fou-
tenue par des clous qui le perceront de
toutes parts , à la hauteur dont nous avons
pailé, 6c fiilliront d'un pouce en dedans.
].<crte maintenant à lui donner le garni que
. E S S
nous avons indiqué ci-deflus. J^oyei Garni.'
Le fourneau d'ejfai des fournalifies de Paris
eft auffi reprélenté dans nos PL 11 eft tout en
terre & a trois portes à fon cendrier. Sa py-
ramide n'eft pas aufli haute que celle du
fourneau de Cramer; Scil n'a point de dôme,
à moins qu'on ne donne ce nom à fa pyra-
mide. Il eft fufceptible de recevoir un tuyau
pour augmenter le jeu de l'air & la vivacité
du feu. Il eft un peu plus long d'arrière en
avant , que large. Du refte, les proportions
font à-peu-près les mêmes dans l'un &c dans
l'autre , où nous remarquons ce même dé-
faut. Il confiil:e en ce qu'il ne peut tenir fous
la moufle qu'une couche de charbon de z
pouces tout au plus, en forte qu'il en faut 4
ou 5 pour le moins; lans quoi on aura de la
peine à y fondre du cuivre, il ieroit nécel^
faire auflî de pratiquer une petite fenêtre
en côté vis-à-vis de cette couche , afin de
voir il le charbon s'affaiilé. Faute de ce
foin, on fe donnera des peines inutiles pour
faire la plupart des opérations. Dans le
fourneau en queftion , peu importe que le
feu puifle devenir de la dernière vivacité ,
puifqu'on eft le maître de le diminuer &
même de le fuftbqucr tout-à-fait. Les barres
de fer qui font la grille du !burneau de
Cramer , font aflùjetties en lofange par le
garni; au Heu que dans le fourneau en terre
il y a à chaque côté deux rebords fiiUans ,
d'un pouce immédiatement au-deflus des
foupiraux , dans lefquels on a fait des en-
tailles propres à tenir les barres dans la même
lituation.
Voyci^ dans nos Flanches le fourneau de
Schlutter. On n'en voit que la coupe tranf-
verfale ou d'un côté à l'autre , parce qu'on
croit qu'elle fuffira pour donner l'idée des
différences qu'il a avec les autres. Cet auteur
veut que le fol ou bas du fourneau loic
quarré , c'eft-à-dire , qu'il doit avoir ii
pouces de profondeur & autant de largeur.
Mais comme il n'eft pas toujours nécellaire
qu'il foit fi grand, au lieu d'en régler les
proportions félon un certain nombre de
pouces , on pourra fe fervir de parties plus
petites, & et s parties indiqueront de même
les hauteurs & longueurs ; mais de dehors
en dehors. Ainlî h le fourneau a douze de
ces parties en bas , il faut qu'il en ait dix de
hauteur jufqu à l'endroit où il commence à
fe
E s s
(c rétrécir en forme de ralus ; Se ce talus
entier aura lix parties de luutei'.r perpendi-
culaire; eiilorte que la iiauteur totale du
fourneau ùnw de (éize parties : l'ouverture
d'en haut Icra de huit parties en quatre. Du
pic du fourneau en montant vers le haut ,
on compte une partie pour l'épailleur du
fond ou iol qui reçoit la braife i?c les cen-
dres; & de-l.'i trois parties pour L hauteur
du (bupirail ou porte d'en bas , laquelle en
aura quatre de large. Au-de(Tus de cette
porte , on laille un eCpace de deux parties,
& l'on y fait deux trous pour les barres de
fer qui Ibutiennent la moufle. C>hacun de
ces trous aura une partie de diamètre. On
donnera à l'embouchure de la moufle qui
ell aii-dediis de ces deux trous quatre parties
de largeur fur trois de hauteur. Plus Inut !k
à la diflance de deux parties au-de(Ius de
l'arc ou voûte de la mouHe , doit être le
trou de la flamme qu'on nomme auld l'œil
du fourneau , & on lui donne une partie &
demie de diamètre. On met des couhiî j- de
tôle forte prifes dans des rainures , pour
fermer en les coulant la porte du cendrier,
l'em.bouchure de la moufle , ic le trou de la
flamme on l'ceil. C'ell félon que le foun-.eau
à'ejfiii doit être j-;rand ou petit , que la lon-
gueur de ces parties fervant à ces propor-
tions doit être déterminée ; on les fviit de
lo lignes , d'un pouce , d'un pouce & demi
ou de deux pouces : cependant , fi ces par-
ties excédoient le pouce , la porte du cen-
drier , l'ouverture de la moufle , & l'œil du
fourneau deviendroient rrop grands & mê-
me di tîormes , en leur donnant le nombre de
parties indiqué ci-Jeflus pour leur hateur
& leur largeur: ainfi il faut diminuer ces
ouvertures & les faire félon une autre pro-
portion. Dans les hôtels des monnoies d'Al- j
lemagne , la fourneaux d'-:Jfiiis fe font félon 1
les m.efares d'un pouce , mais dans les fon- I
derirs pour les mines , on les fait plus j
grands , ôc ordinairement de 18 pouces en I
quarré ; enforte qu'on y puilfe palier jufqu'à |
quinze effhis de mine à la fois. Qiiand le !
fourneau eft en tôle , il hiat le garnir de
terre en dedans, &c.
Il faut bien que le fourneau d'ejfai (ans
grille ne (oit pas tout à fiit dépourvu de
rout avantage , pui(i]u'on n'en emploie
prefque point d'autre en Allemagne , &
• Tome XI II.
E S S 65
m"me dans les monnoies de France ; cac
celui deBoizard reflembleà celui de Schlut-
ter ; mais pourquoi ne pas profiter dans le
fourneau en quellion comme dans les autres ,
de l'utilitéqu'on peut retirerd'unegrille :■■ On
fiiit qu'elle eft nécelfaire pour donner du jeu
à l'air, &c augmenter la vivacité du feu ,
qui doit êïre quelquefois confidérable dans
les ejfiis , mais qui ne peut m.anquer d'être
ralenti par la préîcncc des cendres qu'il n'eft
pas poltîble de tirer. Ainfi quand on a tra-
vaillé un certain temps dans le fourneau de
Schlutter , le feu ne doit plus être fi vif ,
fins compter qu'il n'a qu'un foupirail pen-
dant qu'on en fait trois .1 ces fortes de four-
neaux. D'ailleurs l'eflayeur eft bien afTez:
i)icommodé par la chaleur qui lui eft dardée
de la moufle comme d'un canon de fufil ,
(ans avoir encore à eiTùyer celle du (oupi-
rail , dont il doit tomber de temps en temps
quelques charbons qui peuvent troubler (on
attention. V. Ecran. On conçoit que le
fo:irncau de Schlutter eft , à la grille près , le
même que celui de M. Cramer, Les dehors
de l'un & de l'autre font les mêmes , excepté
que dans celui de Schlutter , l'intervalle
compris entre la partie inférieure de la bou-
che du (eu & la fupérieure du foupirail eft
un peu moindre que dans l'autre. On peut
obferver ici que le (-ourneau des émailleurs
eft aulîi fans grille , quoiqu'il leur faille un
feu allez vif. Nous ne parlerons point des
autres défiiuts; c'eft à l'article qui concerne
leur art , qu'on pourra trouver ce qu'il y
a à dire là-defTus. VoyeT_ ci-devant l'artick
Email.
Le fourneau d'effai à l'angloif ( V. nos pf.
de chinie ) n'a aucun rapport avec les pré-
cédens , quant à (a conftruclion. C'eft touc
à la fois un fourneau de fufion , tel que
celui de Glauber , &' de réverbère , dans le
goût du grand fourneau anglois , fur les
principes duquel il eft conftruit, quant au
réverbère. On ne fait quel a été le premiei:
inventé ; mais il y a toute apparence que
l'un a dû mènera l'autre. On le conftiuic
de différentes grandeurs. Ceux qui fervenc
dans les fonderies font de brique , & onc
ordinairement y pies de long à peu pi es,
fur 2 pies 8 pouces de large , & 1 pies 8 ou
9 pouces de hauteur. Oii ne donne qu'en\i-
ron moitié de ces dimenfions à ceux qu'on
€6 E S S
veut placer dans les laboratoires philofo-
phiques , & on les fait pour lors en terre.
Nous décrirons celui des fonderies. D'abord
on élevé une maçonnerie en brique ( vo^\ les
fig. ) à la partie b , de laquelle on lailVe un
clpace vuide long de zi pouces, t»- large
de 1 G. A 1 8 pouces de haut , on place qua-
tre barres de fer plates , pour terminer
l'ouverture Ju cendrier , &c louttnir les bn- j
ques qui doivent en former la partie lupé-
rieure. On donne à ces barres z pouces
de large , &C on leur lailTe à chaque extré-
nsitc un excédent de 6 pouces qu'on réflé-
chit en haut & en bas , pour fervjr d'ar-
mure au fourneau. La calle ou foyer eft
large de dix pouces en quarré , & profonde
d'un pie. Elle communique avec le réver-
bère par refpacc e ( voye^^ ^^^fig- ) j <3"i ^^
entre le carreau /' &: le pont , & qui a la
même largeur que la cafle , ou un peu
moins , fur z pouces & demi de haut. Le
réverbère eft un elpace long de i pies j
pouces , fur lo de large dans le milieu.
Il eft , ainf. qu'on peut le voir dans la fig.
en ovale , & le termine par une iflue de j
ou 6 pouces de large lur 4 de haut , au
bout de laquelle il y a auffi un petit pont
de z pouces de hauteur , qui le (épare de
la partie inférieure de fon tuyau , auquel
on donne la même largeur. On hiit enforte
de bâtir ce fourneau près d'une cheminée ,
pour y conduire fon tuyau ; auquel cas on
bouche le refte , ou bien on lui adapte un
tuyau de tôle de 18 ou zo pies, pour
augmiCnter l'ardeur du feu. Le réverbère a
de hauteur , depuis les carreaux qui le re-
couvrent jufqu à fon fol , 10 pouces. On a
accès à la faveur d'une porte g ( voye^ les
Jig. ) , de même hanteur que le réverbère ,
&<. de 7 pouces d'embrafure , qui fe termi-
nent à 5 en dedans. Dans la circonflance
où le tuyau en maçonnerie du fourneau fe
trouve fous une cheminée qu'il ferme , ou
reçoit un tuyau de tôle ajudc à demeure ,
on pratique tout vis-à-vis la partie inférieu-
re du tuyau , une porte h ( vnyc:^ les fig. )
de même largeur que ce fond , & même
un peu plus bas , pour avoir la commodité
de le ^u-ttoyc^r de toutes les faletés qui s'y
àmaflcnt.
Ce fourneau fcrt aux m^êmes ufigcs que
les founn-uis de fulîon ordinaires, fi les
E S S
fourneaux à calciner & à coupeller, Qiiaird
on ne veut que fondre , on place les creu-
fets comme à l'ordinaire , mais fur une
tourte bien élevée , s'ils font fans pies ,
parce qu'ils font fort fujets à s'y fêler. S'il
ne faut qu'un feu doux , on ferme une par-
tic du loupirail avec des carreaux deltinés
à cet ufage , &c l'on ne met point fur le
fourneau le couvercle c ( voyc-^ les fig. ) à
moins qu'on ne le veuille rendre bien foible
.^ bien lent; auquel cas on pafle une brique
iiir le pont e ( voje^ les fig. ) , & l'on met le
couvercle. On lui donne plus de force en
lailfant le foupirail ouvert , ainli que le haut
de la cafle ; mais quand on veut un feu
bien vif, on fe contente d'y ajouter le cou-
vercle , & pour lors la calle , le réverbère
& la cheminée ne font plus qu'un canal
continu , qui augm.ente la rapidité & la vi-
vacité du teu en raifon de fa longueur. Il
n'eft pas befoin d'avertir que la porte g du
réverbère Qvvyei^lesfig.)x\càoïi s'ouvrir que
quand on veut mettre ou retirer quelque
vaifleau; & la décharge /z ( mémtfip. ) ne
s'ouvre que quand on loupçonne le bas de
la cheminée plein de Glttts. Dans les fon-
deries où l'on fait ufage d'un pareil fourneau,
c'eft pour avoir la ficiHté de faire un effui
fur huit ou dix livres de matière à la fois,
qu'on torréfie à nud fur le fol , ou que l'on
affine fur une cendiée qu'on y accommode
à ce deflein ; & l'on peut, malgré celsj lotir
(Se coupeller un quintal fiél^f t'ie matière feu-
lement. Mais il faut employer à cefujet le
charbon de terre ou le bois; car il ir/eft arri-
vé de ne pouvoir affiner dans un pareil four-
neau avec le charbon de bois, quoique la
calle en fut remplit ; & la mine de plomb à
facettes fpccula^res , pure, ne pouvo;t même
y devenir pîreufe , tant la chaleur que donne
la flamme eft peu de chofe. Ce n'til pas que
cette fl.-Lmme ne montât bien haut dans ce
tuyau de tôle ; mais il eft à préfumer qu'elle
n'avoir pas allez de couliltancc pour faire
beaucoup d'effet. Il eft vrai que le charbon
de terie non calciné donne un foufrc qui
n'cft pas bien favorable à un cjj^2i en petit ;
mais ce fourneau n'eft pas deflitié à cela : &
en effet , on Iciu bien qu'il ne peut manquer
de devenir faux par cette raifon , & par la
chute des cendres, qui d«):veiii fe vanficr
conjointement avec lu matière qu'on veut
E s s
i^ffayer, eu dont l'alkali peut former un foie |
avec le Ibufre de la mine que l'on tr-aite ;
ainfi le bois coupé menu comme du charboUj
cil: à préférer pour cette efpcce de fourneau ,
que l'on convient être inluffïlant dans plu-
lieurs circonftances. Il ne faut toutefois pas
s'imaginer qu'ovi puifTe faire ufage de lacalTe
& du réverbère en même temps , fondre S>c
coupeller tout à la fois , parce qu'il arrive
que ces deux opérations demandent des de-
grés de feu qui ne font pas les mêmes , dans
le même temps prccifément , en fuppolant
qu'on les commence toutes les deux à la fois.
Si , par exemple , l'on a à réduire une mine
de plomb , &: du plomb à afiiner en mèm.e
temps , il peut arriver qu'd faille donner
chaud à l'afiînage, pendant que le feu devra
êire rallenci , pour attendre que l'eftervef-
cence de la réduttion foit paflée. 0\\ ne nie
pas pour cela qu'un artifte exercé ne puilfe
combiner aifcz jui^e pour réunir deux genres
d'opérations , dont l'une ne foulTre point du
régime du feu nécellaire à l'autre , & réci-
proquement.
Voici maintenant les proportions qu'on
donne communément au fourneau d'ejfai à
l'angloife qu'on veut pincer dans le labora-
toire philofophiquc. Elles ont été commu-
niquées par M. Baden , lameux elfayeur An-
glois , dont l'occupation confiiloit unique-
ment à fe tranfporter dans les fon.deries
mêmes où il écoit appelle pour les ejfa!.<: , ou
à faire des cours de docimaftique ; & j'ai vu
moi-même un fourneau conltruit en terre
lur fes proportions , qui faifoit beaucoup
plus d'effet qu'on n'auroit eu lieu de l'atten-
dre , eu égard à fa grandeur. 11 le failoit
conrtruire quelquefois en bnques de Wind-
for , dont les dimenlions font à peu près
les mêmes que celles de nos briques de Bour-
gogne; c'ell-à-dire , qu'elles ont 8 pouces
de longueur environ , fur 4 ou 4 & demi
de large , & fur z environ d'ép liiFeur , en
comptant le trait de luftique. Il lui mettoit
fept rangs de ces briques jufqu' i la grille du
foyer, à laquelle il donnoit , ainli qu'à la
caffe , 8 pouces de long fur 6 de large. Le
loupirail doit avoir aulVi 6 pouces de large ,
& être élevé julqu'à la grille. La caffe a 9
pouces de profondeur , & communique à un
réverbère de même largeur , c'ell-à-dire ,
de 6 pouces , iur 4 de long , par un pont
E S S 67
élevé d'un pouce 5c' demi au-delTus du fol
du réverbère , qui cft éloigné de fa couver-
ture de 5 pouces. Peu importe que ce pont
foit épais ou mince : on le fait de briques ,
faute d'autre chofe ; & pour lors il a , mal-
gré qu'on en ait , 1 pouces d'épais. Le paf-
fage de la flamme , jkw en anglois , eft élevé
d'un pouce au-dell"us du fol du réverbère ,
& ell furbailTé d'environ autant par le haut ,
afin de déprimer la flamme qui va gagner la
cheminée, dont la liigeur eft de ppouces;
ainfi l'on doit concevoir que le fourneau
commence à s'élargir immédiatement après
qu'il s'ell élevé par le bas , de qu'd s'eft dé-
primé par le haut pour le paflage de la flam-
me , qui eft d'un pouce & un quart de haut-
La cheminée a 4 pouces de large dans le
bas , & fe termine en un tuyau de 4 pouces
de diamètre, qu'on augmente avec un tuyau
de tôle. On couvre la calVe d'un carreau de
terre cuite , dont les bords excédent un peu
les Tiens. Ce carreau eft furmonté d'un bou-
ton ou poignée pour le manier , comme
celui de la figure. Pour rendre ce fourneau
durable , on met à chaque côté , ainfi qu'en
devant , deux rangs de briques qu'on arme
de cercles &: barres de fer. Ceux qui fe font
en terre , durent & tiennent leur chaleur eri
raifon de l'épaifleur qu'on leur donne, qui
eft arbitraire.
Nous allons pifTer aux opérations de do-
cimaftique: notre bue n'elt point d'en donner
un traité complet ; ceux qui voudront voir
cette matière cxpofée au long , doivent con-
lulter les ouvrages mentionnés au commen-
cement de cet article. Les opérations qui fe
font pour les efjais , n'ont point d'autre défi-
nition générale que celle de la chimie analy-
tique; elles ne font , ainii que cel!es_de cette
fcience, que les changcmrns qu'on fait fubir
à un corps , au moyen des inftrumens de
l'art , & félon les règles qu'il prefcrit , à def-
fein de connoicre la nature des fubftanccs
qui entrent dans ia compofition , & la quan-
tité en laquelle elles s'y trouvent : dernière
condition qui dillingue Vcjfai de l'analyfe
pure & /impie. V. Chimie. Je réduirai les
opérations propres de docimaftique à la
toiréfadion , à la fcorification , au déparc
concentré , à l'aflinage & au raffinage , au
l'inquarc & au départ par la voie humide , à
la liquationj & à quelques efpeces de cémeii-
T 2.
é8 E s s
tations ; & les préparatoires au lavage feu-
lement. Toutes les autres, que M. Cramer
met dans Ton catalogue , appartiennent à la
chimie philofophique. Mais il ne faut pas
être étonné de cette erreur , _elle eft confé-
quente au principe qu'il a poié j & , en effet,
qui pourroit s'miagincr qu'un homme qui
mérite avec raifon le titre A'tnp,énicux que
lui a donne fon traduftcur angloisdans ion
épirre dédicacoire , & qui en donne des
preuves continuelles dans fon livre , eut
rangé dans ce nombre révaporation , la
fublimation, la ditliilation, t-c. voycip:^Xi ,
première partie de l'édition latine ; & p. 'xG^ ,
tom. Jlde la ircduclion (rançoif; ; à moinsque
de le fuppofcr accoutumé à regaider la do-
cimaftique comme une (cience ifolée , &
qui n'efl: pas plus la chimie , quoiqu'elle en
emprunte prefque tout , que la botanique
n'eft l'anatomie , & réciproquement. Cette
contradiétion évidente eft expolée bien clai-
rement dans fon § 499 : l^ix autein ulla hr.he-
tur operatio chimica , quam non aliquando m
arte docimajiica vpus fit perficere : è contrario
plùres funt quos jibi docimaf.a folos vindicat,
Efirum ideo quœ hue tantumpropnè pertinent,
vel , licet e?: ckimia feneraliori peiitœ fint,cre-
terrimè tamen à docimûfiis in uj'um vocanrur ,
generalem licet confpecluin, &:c. Ceft-a-dire:
" A peine y a-t il une opéjation de chnnie
3> dont on puifie fe pafler en docimsRique :
»> cette fcience aa contraire en polfeae un
s» grand nombre qui n'appartiennent qu'à
»• elle feule. Nous allons donner un tableau
») général de celles qui font proprement de
j» fon reffcrt , ou dont les cjj'aytws font un
S' fréquent ufage, quoiqu'cmpruntécsde la
3> chimie gém raie. » Amli la dociinaftique
pourra prendre ce que bon lui fcmbleva
dans la chimie , fins que celle-ci puilfe s'en
plaindre, ni même doraier fes tints à l'autre,
iauf à lui faire honneur de ce qui lui appar-
ticndroit. L'ait des Y/<;;i fera , comme on
le peut voir , ce qu'il eft , fans rien devoir
à la chimie , quoiqu'il tienne prefque tout
d'elle ; Ik. il aura des opérations de Ion rcf-
fbrt , ou qui appartiei^dront à la chimie
générale. Un mot mis dans la place d'un
autre , donnoit un fens à tout ceci , li M.
Cramer eût dit , tum , licet ex chimiâ , &c. au
lieudei'f/, licet ex chimiâ , S<.c. il railornoit
ijufte , Se ne fe coutrcdifoit pas dans 'le même
E S S
inftaiît , mais feulement à l'égard de quel-
ques .•:;utifcs endroits Ce (on ouvrage ; com-
me par exemple , avec celui du S 457 , isns
aller plus loin : Frin-.aria qutvris vpaatioc'O'
cimajuca , cb ngenài rriodo omnibus corr.muni,
vocnri potejl foiiuio , &c. ce qui lignifie que
la difiolution, comme étnr.fune aétion com-
mune à toutes les opérations de docimafti-
que, peut être mife à leur tête. Nous krons
grâce à Schiutter , quand il dit {p^g- 7J ,
ligne z par en bas ) " que quiconque n'tft pas
» dans l'habitude de connoître lesmincraMX
» métalliques à la lîmple in(peéi~tion , do[i
» acquérir cette connoillance par l'analyle
" chimique , à laquelle on a donné le nom
>• de docin.afie " , parce que nous ne confon-
dons point l'artifte avec le dialcdicien. Oi^
concevra aifément que , quoique tout efai
foit une analyfe chimique , il ne s'enfuit
pas pour cela que l'analyle chimique feule
conibitue ['ejjai : il faut de plus quelques
opérations particulières à la docimaftique ,
&c un appareil tourné du coté de l'exacti-
tude que demande le calcul. Nous lui pal'è-
rons encore la luppolition qu'il fait , qu'on
peut avoir l'habuude de connoitre les miné-
raux métalliques à la feule infpeélion , parce
qu'il cft convenu (p.yz,) que cela n'tfi: pas
toujours polTlble.
En décrivant ces opérations , nous ferons
enforte que la première lerve de clé à la
fuivante ; & c cil fur ces principes que nous
commencerons par le plomb. Mais avnnt
que à'cjjayer une mine de ce métal , il faut
l'avoir lotie . au cas qu'on veuille favoir
comibien un tas de cette mine non triée ,
ou avec toute fa roche , peut fournir par
quintal ( lojc^ LoTissAcr. ) ; C;.r il aiuve
qu'on fait auffi un cjpii pour favoir ce que
contient un quintal de mine lavée ou /.A//;:/:;
ou bien encore ce que contient un quintal
de mine pure. Soir donné pour exemple la
mine de plomb à facettes fpéculaires , ou
de telle autre efpecc que ce bit , pourvu
qu'elle foii fufible : m.ctrez-la en petits mor-
ceaux gros comme des grains de chénevi ;
pefcz-en trois quintaux hélif;. ( voye^ Poids
iicTiFs); étendez- les avec les doij^ts fur
un teft que vous placerez fous la moufle du
fourneau d'efr.i , couvert d'un autre ted qui
ne laitTe aucun intervalle entre lui & \'m-
féricur ; vous aurez eu la précaution d'al-
E s s
lumer le feu p?.r le haut , & vous faifirez
j'iiiftanc pouv placer votre tel): lous la
moufle , où elle n'aura ptis qu'un rouge un
peu obfcur : vous augmenterez le feu jul-
qu'au point où le tell lera au même ton de
chaleur , & vous ne le découvrirez que
quand la décrépitation de la mine aura
celTc. La mine alors pr.roytra terne &
livide , & p.irlemcc de petites molécules
blanches, qui ne font autre chofe que fa
roche qui a pris cette couleur. Continuez
le même drj',rcde feu pendant deux heures,
& la mine fera pour lors d'un iaune\p,ri-
fâtreà la iurface. Jvetirez la du leu ; quand
elle lera refroidie , mettez-la en poudre
Jinc j & lui ajoutez une partie de flux noir,
5c une demi partie de limaille de 1er non
rcuiUce , avec autant de hel de verre :
mêlez bien le tout dans le mortier ; char-
gez-en une tute ou crcufet à'ejjai , dont
la moitié relie vuide quand vous l'aurez
couvert d'un doigt de (el marin décrépite ,
que vous tallerez bien : adap.ez à ce creulet
im couvercle , dont vous lutterez bien les
jointures avec de la terre à four : placez
ce creufet ainli chargé , dans la callè d'un
fourneau à vent ; couvrez-le de charbons
jufqu'à fon couvercle; allumez le feu par
le haut avec quelques petits charbons
ardens , que vous éloignerez du creufet le
jilus que vous pourrez : donnez quelques
coups de (ouftlet , afin de rougir médiocre-
ment votre vaifleau : continuez jufqu'à ce
que vous entendiez un petit fiftlement; htôt
que ce bruit fera celTé , louftîcz de nou-
veau , après avoir remis allez de charbon
pour excéder le couvercle du creufet de 2.
ou 3 doigts. Si le bouillonnement recom-
mençoit , il faudroit couvrir la cafl'e , Se
celTer de fouiller jufqu'à ce qu'il lut palTc ;
après quoi vous donneriez un bon feu de
fonte pendant un quart d'heure ou une
petite demi - heure : au bout de ce temps
retirez votre creufet du feu , & le frappez
de quelques petits coups par le coté , en
appuyant vos tenailles de la main gauche
fur le couvercle , p.iur l'empêcher de tom-
ber. Quand il fera refroidi, caliez -le;
fon poids vous indiquera la quantité qu^on
jieut retirer de la mine , Il Vejfai eft bien
fait.
Si au lieu d'une mine fufibic vous avez
E S S 69
à en (Jfûyer une réfraélaiie par les pyrites
qu'elle contient , \'ous pourrez la torrcfitr
à un feu un peu plus fort , à deux ou trois
reprifes: vous lui ajouterez égale quantité
de fiel de verre & le double de llux noir;
& procéderez , quant au relie , com.me pour
la mine fulîble.
Si c'eft une mine réfradaire , en confé-
quence de rerre & de pierre inféparables
par le lavage , ajoutez-lui parties égales
de fiel de verre , & trois ou quatre fois
(on poids de flux noir, que vous mêlerez
bien intimement par la rrituration , uC
procéderez ainii que nous l'avons dir.
On divile la mine de plomb , afin qu'elle
prrde plus ailément le loufre qui la miné-
raliie : il eft pourtant de certaines bornes
qu'il ne faut pas palier ; li elle étoit en
poudre trop lubtile , elle feroit plus iujettc
à pâter , & le loufre ne le diflîperoit pas
li bien. C'efl: pour éviter cet inconvénienc
qu'on recommande encore de bien étendre
la mine dans le teft , afin qu'elle commu-
nique par une plus large (urface avec l'air ,
qui eft le véhicule des vapeurs. On a la
précaution de couvrir ce icfl d'un autre
renverfé , ou d'un couvercle , pour empê-
cher que la mine en décrépitant ne lautille
&c ne rende Pellai faux ; autrement il s'en
perdroir une bonne partie , fur-tout li la
roche étoit abondante. J'ai rôti quelque-
foi'; des mines de plomb fi abondantes ea
foufre , que je voyois fa flamme fécher la
furf^icc de la mine dans le premier inllanc
que je lavoisle teft.
Avant que d'allumer \e fourneau d'ejfai ,
on aiïùjetfit bien la moufle fur les deux
barres , & on en lutte l'embouchure avec
la porte du foyer , de la grandeur de la-
quelle elle doit être : on a foin de cafler
le charbon de la grolleur d'un œuf de pi-
geon , fans quoi il ne s'aftailléroit pas éga-
iemenr. On allume le feu par le haut pour
échauffer lentement : il eft bon de pafler
de temps en temps par l'œil du fourneau
une verge de fer pour remuer le charbon
& lui faire remplir les vuides qui peuvent
fe faire ; on en remet fouvent , de crainte
qu'une trop grande quantité fournie tout
à coup ne refroidifle le fourneau & ne
dérange l'opération. Si le feu étoit trop
vif quaiul on place le teft for k moufle.
70 E S S
on dounei-oit froid en fcimant les rmipî-
raux , julqu'à ce qu'il fût du degic requis.
Il faur tenir ce tell d'un rouge obfcur ,
fur-touc au commencement de l'opération ,
pour empêcher que la mine ne pare &: ne
I s'y attache ; car (î cela airivoit , il faudroic
recommencer l'opération. Quand le fou--
fie s'eft àiilipé en partie, alors on peut
l'augmenter , mais toujours avec dilcré-
tion. M. Cramer confeille de frotter le
fcorificatoire de fanguine ou de colchotar ;
niîis cette précaution eil; inutile quand on
eil exercé : il ne faut pas s'inquiéter de la
préfence des grains de (Mf. , peu adhé-
ransà la furface interne du teit , que les
fournaliftes de Paris faupoudrent pour leur
commodité ; ils ne peuvent que fe vitriher
avec le plomb ; mais la réduftion s'en
fait pendant la fouie, en mfme temps que
celle des particules nitreufes du fiel de
verre. Il eft bon d'obferver que la mine
ne doit être pefée que quand elle a été
broyée , parce qu'il s'attache fouiours quel-
ques molécules de la mine au mortier ou
au porphyre des epyeurs , quelque polis
qu'ils foient l'un & l'autre , ou qu'il s'en
détache toujours quelques petites molécu-
les qui lautent de côté &: d'autre ; ce qui
rend Vefûi faux. Il faut encore avoir un
ibin tout particulier à n'employer aucun
vaifieau qui puillè porter dans l'ejfai une
matière étrangère , à moins qu'on ne fe
foucie peu de l'exactitude en pareille cir-
conftance , ou qu'on Ibit fur du réfukat du
corps »iu'on effiiyc ; car les phénomènes
peuvent être tous ditierens , en conféquence
du nouveau corps introduit. Si l'on pefe
la mine de plomb rôtie , on trouve que le
poids eft le même qu'avant de la griller,
ciuelquefois plus foible , quelquefois plus
fort , quoiqu'elle ait cependant perdu une
bonne quantité de foufre. Le même phé-
nomène arrive encore au plomb calciné :
quelques perfonnes atribuent l'augmenta-
tion de cette gr;ivité fpécifique au rappro-
chement des parties ; mais il me paroïc
qu'il eft plus raifunnable de croire qu'elle
tft due à la furabondance de phlogiltique
qu'il prend dans cet état , quoiqu'il lehi-
ble qu'il l'idt perdu. Mais la différence de
combinaifon produit celle de l'état: on voit
une augmentation de poids dans le 1er
E S S
qu'on a réduit en acier , en le mettant dans
un creufct tout feul, & fermant bien ce
creufet ; &c l'on voit en même temps qu'une
furabondance de phlogiftique n'eft pas tou-
jours la caufe d'une plus grande fulîbilité ,
quoique combinée de la façon requife ,
comme il y a toute apparence.
Il n'y a nul inconvénient à faire plufieurs
torréfaélions à la fois , pourvu que ce foie
des mines qui ne demandent pas des de-
grés de feu fort différens : on peut pla-
cer fous la moufle autant de fcorificatoi-
res qu elle en peut contenir , obfervanc
de mettre vers le fond ceux qui demandent
un plus grand feu , ou bien employant les
inftrumens ( voyei Moufle ) , s'ils exi-
gent tous un feu doux , ou en mettant des
charbons allumés dans le canal de tôle da
fourneau , ou à l'embouchure même de la
moufle du fourneau ( voye[ la figure ) , au-
quel cas il n'eft pas néceflaire de l'allumer,
la chaleur de la moufle fuffifant pour cela.
La matière de chaque teft veut être re-
muée avec un crochet particulier , qu'il
faut placer dans le même ordre que les fco-
rihcatoiies , afin que celle de l'un ne palle
point dans l'autre, & réciproquement : la
couleur terne de la mine annonce la dilTi-
pation d'une partie de foufre , quand il l'a
perdue prefque toute , alors il eft d'un gris
tirant furie jaune.
On réduit en poudre fine la mine torré»
fiée , afin que chaque petite molécule de
plomp foit , pour ainfi dire , environnée
de pluheurs molécules de flux ; ce qui elt
nccefllùre à la réduction. Voyei Flux. On
y ajoute le flux noir pour lui donner un
rédudif avec un fondant , parce que le
plomb qui a perdu fon phlogiftique avec
fon foufre fe vitrifieroit , au lieu de paroi-
tre fous la forme métallique. Le fiel de
verre fert à donner de la fufibilité au flux
noir , beaucoup plus réfradaire que lui :
la limaille de fer fert à abforber le foufre
qui peut refter , & l'on ne doit pas crain-
dre qu'elle préjudicie à VeJJji ; le fer pur
ou fulphuré ne peut contrader d'union
avec le plomb. Peu importe que le fer entre
en fonte , il n'en abforbe yxas moins le
foufre ; & d'ailleurs ce minéral le rend
fuiible , outre que le flux noir produit le
même clTet. Sans l'addicion ilc la limaille.
E s s
la mine ne fe convertiroit point en plomb ;
elle fe précipiccroic à peu près dans le
même état qu'on l'a mis calciner , ou bxn
k bouton ll'ioir caverneux &: blanc comme
de l'argent , parce qu'il naitroit de l'union
du ioulVe de la mine & de l'alkali du flux, j
un foie de foufre , qui eil le dillolvant des j
métaux , qui corroderoit l'extérieur du
culot. ^I. Cramer met deux parties de flux
noir contre une de mine ; ce qui t(l inutile ,
quoiqu'il n'y ait aucun inconvénient d'en
mettre plus que mAiin:,. Une tute ( voje^ ce
mot ) ell prélérable au creufet à pie ordi-
naire J ou au creufet triangulaire lans pié ,
parce que (on couvercle y entre comme
un bouchon , &: n'cfl; pas ii aife à déranger
que celui des creulets à pies, que le m-oin-
dre charbon dclute quelquefois. Sans comp-
ter que le feu dilatant plus le creufet que
le couvercle , & f.ufant lécher le lut , il
arrive que celui-ci eft forcé d'abandonner
le couvercle , qui ne ferme plus exaftement
pour lors , & laifle confumtr une partie
de la matière charbonneufe du flux : il faut
fccher les creufets avant que d'y mettre la
matière à réduire. Les fels qu'on emploie
dans les ejfiiis iloivent être bien fecs aulli ;
c'eft fouvent faute d'avoir piis cette pré-
caution que le creufet le délute : le rr.tme
inconvcnient doit arriver à ces artiftes qui
emploient le flux crud au lieu du flux noir ,
pendiiit la détonnation duquel il s'élève
des vapeurs épaiiles capables de faire fauter
le couvercle. C'cfi: par ia même raifon qu'il
faut faire décrépiter le f-l marin , avant
que d'en couvrir la matière de Vcjfiii ; & il
e(t étonnant que M. Cramer , qui eft con-
vaincu de la nécclîîté de faire bien fécher
tous ces fondans , laifle à ce lel toute Ion
humidit:^. Il eil inutile d'y en mettre une
coudre de quai rc doigts , félon que le pres-
crit cet auteur ; un ieul luffit pour garantir
la mitiere fub';acente du contadt de l'air :
il n'efl: pas non plus néceflaire que le creu-
fet refte les deux tiers vuides •■, quand on
fait gouverner le feu , deux doigis de bords
font tout ce qu'il faut : ainfi l'on ne doit
pas cefler de faire une opération de cette
efpece , parce qu'on n'aura que des creu-
fets , dont le vuide ne pourra être plus con-
fid érable.
On peut faire plufieurs rédudions d'une
E S S . 71
mt:-ne fournée, comme plufieurs fcorifica-
tions , pouivu que les det^iés de fcu foienc
Itsm.êmes J on doit même faire plus d'un
cjfai à la fois de la même mine , afin de choi-
lir celui qui auia le mieux rculTi : pour cet
effet on retire les creulets du feu, à quelque
temps les uns des autres , & l'on fe déter-
mine pour les deux qui approchent le plus
l'un de l'autre, en même ttm.ps qu'ils s'é-
loignent d'avantage des cxtiêmes.
Il tfl: évident que c'eft pour échauffer peu
à peu les creufets , qu'on allume le feu par
le h uit : en éloignant les charbons ardcns
des creufets , on fait , en une feule fois, ce,
que M. Cramer fait en deux, en prenant la
peine d'en fécher le lut avant que de les
mettre dans le fourneau. Quand !a rédu£bion
fe flxir, elleefl: accompagnée d'une eftervef-
cence qui pro.lint le lillkment qu'on entend»
pendant lequel il faut ralentir l'aétion du
feu , il l'on ne veut que la m.atiere louleve
le couvercle &: pafle par-deflus les bords du
creufet.
Cet inconvénient peut arriver même
quelques minutes après que le bouillonne-
ment eil: ceflé , fi l'on redonne tout d'uix
coup un feu trop fort. On a des indices
que la matière s'eft répandue , par une
flamme bleue & violette , & qui a odeur
de foie de foufre : il faut bien fe garder
de la confondre avec la flamme jaunâtre »
m-êlce d'une fumée un peu épalfle es: fen-
tant légèrement l'hépar , qu'on voit tou-
jours quand on fait une léduction, ou qu'en
général l'on allume un fourneau. Ce phéno-
mène vient des vapeurs fortani du creufet à
travers fon lut , & ia cellation annonce la
précipitation du régule : il ne faut cepen-
dant pas croire que l'opération doive être
recommencée toutes les fois que la matière
furmontc les bords du creufet ; iî cet acci-
dent nair^ve que lur la
fu
fin de
réd
uc-
tion , et que la matière peulue ne foit pas
en grande quantité , \\'J[ai peut très-bien fe
trouver de même poids que ceux qui ont bien
réufTi , parce que ce n'eft fouvent que le
fel marin , mêlé d'un peu de flux , qui s'eft
répandu.
En frappant le creufet de quelques petits
coups , après qu'il a été retiré du feu , on a
pour but d'achever de précipiter les petits
giauis métalliques qui peuvent être niellés
72 • E s s
dans les fcories , pour les faire revenir au
culot principal.
11 faut lailler refroidir le creufet de lui-
même , car ii on le plongeoif dans l'eau , on
trouveroir des grains de régule épnrsdans les
fcories ; & fi on le calîbit encore chaud ,
on rifqueroit de mettre en même temps le
régule en morceaux.
L opéraiicn tft bien faite quand les fco-
ries n'ont point touché au couvercle ni
palfé à travers fon lut , quand on n'y trouve
point de molécules régulières ; que le cu-
lot eft liiTe , livide & malléable ; que les
fcories font com-pades , excepté dans leur
milieu. Une fcorie fpong-eufe & parfemée
de grains métalliques , & un culot caver-
neux , ou même leflemblant encore à la
mine , indiquent que le feu n'a été ni allez
long ni allez foit : au contraire on eft
certain qu'il a été trop violent , quand le
régule eft d'un blanc brillant , quoique ce
phénomène arrive encore en coiiféquence
de ce que le flux n'étoit pas alfez rcduétif ,
& étoit trop cauftique , & quand il eit re-
couvert d'une croûte fcorifiée. Il m'eft arri-
vé quelquefois de trouver toute blanche la
malfe du ftl marin fondue qui furnage les
fcories falinesi mais ce phénomène n'a rien
de mauvais en foi ; VtJJhi eft tout aufti exadi
de cette fliçon que d'une autre , pourvu que
cet inconvénient foie arrivé feul. On peut
l'attribuer à ce que le fcl marin , qui n'eft
noirci que par le Hux noir , a perdu cette
couleur par l'r.ccès de l'air qui a donné lieu
à la matière charbonlieufe de fe confumer
& de fe dilfipcr.
Cette opération peut égaleinent fe faire
dans l'aire d'une forge fur laquelle on im.ite
avec des pierres ou dei briques la cafle d'un
fourneau à vent.
M. Cramer préfère en cette circonftance
le fourneau de fulîon , animé par le jeu de
l'air , à celui qui l'eft par le vent du foulllet;
paice que , dit- il , on eft plus le maure du
feu dans celui là que dans celui-ci; m^ais je
crois que c'cft tout le contraire. Qiiand on
a un bon foufilct double , on peut donner
un feu très-vif dans un fourneau à vent , &
le ralentira volonté: au lieu qu'un fourneau
de fuiîon eft fouvent conftruit de façon qu'on
lie peut le fermer exademcnt, ni par le haut
jii par It bas.
E S S
On peut réduire la mine de plomb gril-
lée , en la ftratifiant avec des charbons.
Ce travail eft un modèle de ce qui fe pallè
en grand dans le fourneau à manche. On
prend pour cet effet un quintal fittif de
mine rôtie , dont chaque livre foit d'une
demi-once , un quart d'once ou un gros.
On le met lit fur ht avec du charbon dans
le fourneau de fufion ( voye^lssjig. ) garni
de fon bafïîn de réception , accommodé
avec de la brafque pefante , & accompagné
d'un fécond catin ; la dernière couche doit
toujours être de charbon. On a la précau-
tion de mettre la mine du coté oppolî; à U
tuycte , afin qu'elle ne puiffc être refroidie
par le vent du foufilet. Il eft bon d'avertir
que les deux catins de réception doivent
être léchés avant , au moins pendant une
heure.
H n'eft point de plomb dans la nature
qui ne contienne de l'argent. Souvent
la quantité en eft allez conlidérable , pour
qu'on puilTe l'affiner avec bénéfice dans les
travaux en grand. On ne fj donne pas cette
peine quand le produit n'eft pas capable de
défrayer de !a dépenfe. Soit donné le régule
précédent, dont on veut connoure la quan-
tité de hn. Prenez une coupelle capable de
palTtr le culot en queftion ; vous le connoî-
trez à ce qu'elle pèlera la moitié de fon
poids : placez-la îbus la moufle du four-
neau d'ejfai , où vous aurez allumé le feu
comme nous l'avons dit : faites-la évapo-
rer pendant le temps requis. Il faut la tenir
renverlée , de crainte qu'il ne tombe de-
dans quelques corps étrangers , qu'on n'en
retireioit peut-être qu'en détru:fant fon
poli. Mettez délias le régule de plomb fé-
paré de fes fcories , & après avoir abattu
les angles à coups de marteau , de peur
qu'il n'endommage la cavité de la coupelle.
Le plomb ne tarde pas à encrer fn fonte ;
il b.jut & il fume ; il lance des étincelles
lumineufes ; 6c l'on voit fa f.uface conti-
nuellement recouverte d'u le petite pelli-
cule qui tombe vers les bords , où elle
forme un petit cercle dont le plomb eft en-
vironné à peu près comme une rôle l'eft
de fon chaton. Cette pellicule , qui n'eft
autre'chofe que de la lithargc , s'imbibe
dans la coupelle à mefure qu'elle s'y forme.
Tant que le plomb n'eft pas trop agiié ,
uoi>
E s s
trop tombé , & que Tes vapeurs qui IccheiU
fa. lurfiïce s'élèvent aiïcz haut , il faut fou-
tenir le feu dans le même état ; mais s'il
eft trop convexe, & que la fumée du plomb
s'élève jufqu'à la voûte de la moufle , c'cft
une preuve qu'il eft trop fort , & qu'il faut
donner froid. Si le bouillonnement au con-
traire étoit trop peu conlidérable , & qu'il
parut peu de vapeurs , ou point du tout ,
il faudroit donner chaud , pour empêcher
que l'effai ne fût étouffé ou noyé. J^oye^
ces mots.
A mefurc que le régule diminue , il faut
haudèr le feu , parce que le même degré
ii'eft plus en état de tenir l'argent en fonte ,
qui eft moins fufible que le plomb. S'il
contient de l'argent , fon éclat fe con-
vertit en des iris qui croiient continuel-
lement Se rapidement fa furface en tous
fèns , ce qu'on appelle circuler. La litharge
pénétre la coupelle , ôc le bouton de fin
paroit & fait fon éclair ( voyei Eclair. )
Si-tot que le feu n'cfl pas afi'ez fort pour
le tenir fondu , on le laifTe un peu refroi-
dir fous la moufle , & cnfuitc à fon em-
bouchure , parce que fi on le retire fi-tôt
qu'il eft palle , il fc raréfie en vefïîe, ( yoyei
ÉcARTEMENT. ) Quand on s'apperçoit qu'il
doit être figé , on le fouleve de deflus la
coupelle , parce que fi on attendoit qu'il
fût froid , on emporteroit un morceau
avec lui.
Cette opération prend le nom à'afflnage ,
foit qu'elle fe falle pour connoîtrcfi la quan-
tité d^argent que le plomb contient , peut
être affinée avec bénéfice , ou à dcflein de
connoitre quelle eft la quantité d'argent que
contient le plomb grenaille qu'on emploie
aux ejfais , à laquelle on donne le nom de
grain de plomb , àt grain de fin, ou de témoin
( voye[ ces mois. ) Si on fait l'affinage dans
un cendré , ou grande coupelle , on (e krt
des fourneaux qu'on trouvera dans nos PI.
Voyez leur exp'ication.
Il eft elfentiel de donner chaud fur la fin,
pour occafionner la dellruélion totale du
plomb , dont il ne manquera pas de refter
une petite quantité dans l'argent , qui in-
duiroit eii erreur. Il eft vrai que quand le
bouton elt tant foit peu conlidérable , il
eft allez fujct à en retenir qu-rlque portion
dont on le dépouille par le laffinage , lequel }
Tome XIII.
E S S 7î
etruira en même temps le cuivre qui peut
s'y trouver.
Le raffinage de l'argent n'cft que la ré-
pétition de l'opération que nous venons
de détailler , excepté qu'on y ajoute du
plomb granulé à diveric* reprifes. Voye'^
Rahfinage.
L'affinage & le raffinage en grand , font
précilément les mêmes qu'enpetit. On peut
retirer par la coupelle l'argent de quelques-
unes de fes mines , en les torréfiant avec
parties égales de litharge , fi elles font de
hificn difficile , les pulvérifant , leur ajou-
tant huit fois autant de plomb granulé , fî
elles font douces, ou le double , (\ elles font
rebelles. On met d'abord la moitié de la gre-
naille, à laquelle on ajoute la mine rôtie pat
fractions. Le coupelage fe fait comme nous
l'avons mentionné.
Si l'argent contient de l'or , on le préci-
pite & on le coupelle en même temps. On
les fépare au moyen du départ. Voye'^ce mot
& Inq^uart.
La mine de cuivre pyriteufe , fulfureufc ,'
& arfénicale , fe traite par la torréfadion Sc
la précipitation , comme celle de" plomb ;
avec cette différence , qu'il faut la rôtir juf-
qu'à trois fois en la triturant à chaque fois
pour faire paro'ure de nouvelles fjrfaces , SC
achever de la dépouiller de fon foufre & de
fon arfenic : comme ces matières facihtcnc
la fonte de la mine, il faut donncrpeudefeu
au commencement du grillage , de crainte
qu'elle ne fe grumelle , fur-tout quand la -
mine eft douce ; auquel cas l'opération dure
le double de temps. On ajoute un peu de
graiffe fur la fin pour achever de diffiper le
refte du foufre , & empêcher que le cuivre
ne devienne irrédudible par la perte totale
de fon phlogiftique.
Si la mine contient beaucoup de cuivre ,
la poudre en fera noirâtre; elle Icra d'autant
plus rouge , qu'elle fera mêlée d'une plus
grande quantité de fer. Mêlez cette poudre
avec égal poids d'écume de verre, & quatre
lois autant de flux noir: mettez le tout dans
un crcufet , & avec les précautions que nous
avons dit , vous aurez un culot demi- malléa-
ble, ordinairement noirâtre, & quelquefois
blanchâtre , qu'on appelle communément
cuivre noir.
On purifie ce cuivre noir en le mcttan;
74 E S S
fur un teft avec un quart de plomb granulé,
s'il n'en contient point. On lui donne un
feu capable de le faire bouillir légcremenc.
Le cuivre eft raffiné quand on apperçoit
fa furfacc pure & brillante ; mais con^me
on ne peut favoir au jufte quelle cft la
quantité de cuivre fin qu'on devoir reti-
rer , parce que le plomb en a détruit une
partie , il faut compter une partie de cuivre
détruite par douze de plomb. Tels font à
peu près les rapports qu'on a découverts là-
(iclluÂ.
On raffine encore le cuivre noir en le
mettant au creufet avec égale quantité de
flux noir : on le pile avant , &c on le tor-
réfie plufîeurs fois , s'il eft extrêmement
impur.
On vient à bout de délivrer ainfi le cui-
vre de toute matière étrangère , excepté de
l'or & de l'argent , qui demandent une opé-
ration particulière qu'on appelle liquation.
Voytx. '^^' article.
Nous tranfcrirons ici la méthode de M.
Cramer , pour tirer l'étain de f.i mine.
Après l'avoir féparé de fes pierres & terres
pour le lavage , mettez-en fix quintaux
dans un teft ; couvrez- le , & le placez fous
une moufle embrafée ; découvrez-le quel-
ques minutes après. Il n'en eft pas de cette
mine , comme de celle de cuivre &: de
plomb dont on a parlé ; elle ne pâte point
à la violence du feu : fi-tôt que les fumées
blanches difparoîiront , & que l'odeur d'ail ,
qui cft celle de l'arfenic, ne fe feia plus fen-
tir , ôtez le fcorificatoirc : la mine étant
refroidie, grillez-la une Icconde fois, juf-
«ju'à ce que vcus.ne Tentiez plus d'odeur ar-
fénicale , après l'avoir retirée. L'odorat eft
beaucoup meilleur juge que la vue tn ces
fortes d'occafions. Si vous craignez d'être
incommodé en refpirant fur le teft , cou-
vrcz-lc d'une l'amc de fer épaille & froide ,
hç la retirez avant qu'elle ait eu le temps de
s'y ccliauffer; elle icra couverte d'une va-
peur blanchâtre , fi la mine contient encore
quelque peu d'ailenic.
On réduit cette mine rôtie comme celle
de plomb , excepté qu'on lui ajoute un peu
de poix.
On ne trouve prcfque jamais de mine
d'ctain fulfureufe : c'cft au moyen de
l'arfenic que ce métal cft mincralifc , &
E S S
pour lors la mine en eft blanche principa-
lement , demi-diaphane , & reflemblc en
quelque façon , quant à l'extérieur , à un
fpath ou à une ftaladlile blanche ; elle cft
obicure quand il s'y trouve du loufre ; mais
la quantité de ce minéral ne mérite pas
d'entrer en confidération auprès de celle de
l'arienic. Comme l'arfenic entraîne avec
lui beaucoup d'étain , à l'aide du feu , qu'il
le calcine rapidement, détériore le refte, &;
le réduit en un corps aigre & demi-métalli-
que ; il eft eflentiel d'en dépouiller la mine
par la torréfaûion , le plus qu'il eft pC'lTible.
Il eft à obferver que ce métal fe détruit en
d'autant plus grande quantité & d'autant
plus aifément, que fa mine fupporte mieux
la violence du feu , fans fe réunir en mafle.
Alors il eft irréduÂible , &: fe convertit en
une fcorie alfez rétra£taire , au lieu de fe
réduire. Il faut ajouter à cela que l'étain
provenant d'une mine à laquelle on. adon-
né la torture par le feu , n'eft jamais fi bon
que quand il n*a éprouvé du feu que le de-
gré convenable de durée & d'intenfité. On
peut vérifier cette do£trine avec le bon
étain réduit : alors on reconnoîtra qu'il
devient d'autant plus chétif qu'il eft cal-
ciné & réduit plus de fois , & qu'on le traite
à un feu plus fort , plus long , & plus pur.
Voye\^ Etain.
On ne peut donc guère compter fur
l'exadlitude d'un effai fliit par la réduétion
& précipitation , dans les vailfeaux fermés ,
de tout métal deftrudbible au feu , & de
l'étain fur- tout. Il eft bien rare qu'un artif-
te , quelque exercé qu'il foit , qui répétera
plufîeurs fois ce procédé , retire des culots
d'égal poids de la même mine , quoique
réduite tn poudre , & exaélement mêlée.
La mine ou la chaux d'étain font allez
rcfradaires , quand U s'agit de les réduire,
& ont conféquemment beloin d'un grand
feu. L'étain au contraire fe détruit au même
feu qui l'a réduit. 0\\ peut juger en quel-
que façon fi une mine d'étain cft riche
ou pauvre , ou fi elle tient un milieu entre
CCS deux états ; mais cela n'eft prefque pas
poftlble à une livre près ; car on n'a aucun
ligne , pendant l'opération , qui indique h
la précipitation eft faite ; enforte que l'on
n'a de relïburce que dans les conjeârures.
Il faut fe rapptUcr à ce fujct les indices
E s s
qnî ont c'ré donnés de rifTue de l'opéra-
tion du plon-.b , qui eft la même que celle-
ci. D'ailleurs le flux lalin , dont l'cfFec efl
de faciliter la fcorification , n'a de matière
fur laquelle il pullfc agir, que l'étain lui-
même , vu qu'on fépare de la mine les
matières tcrrcftres qui y adhérent , avec
beaucoup plus de foin & d'cxaditude que
de toute autre mine. Il n'eit donc pas éton-
nant que le flux attaque promptement
l'étain , Se le vitrifie en conléquence de
la dillîpation du phlogiflique occalîonné
par un feu continué beaucoup plus long-
temps qu'il ne convient , fans compter que
l'étain devient d'autant plus mauvais , qu'il
eft expofé plus long- temps à l'ardeur du
feu. Néanmoins on peut juger de l'exac-
titude ou de l'inexactitude de l'opération
par la perfedion des fcories (alines , la
didémination des grains métalliques dans
ces fcories ou par les fcories , "provenant
du métal détruit & réduélible qui fe trouve
principalement dans le voifmage du culot.
On peut inférer de tout ce qui vient d'être
dit , qu'il faut avoir recours à une autre
méthode par laquelle oii puille voir ce qui
fe palfe dans les vailleaux pendant l'opé-
ration. Elle confifte à placer un creulct
dans un fourneau de fuilon , à y jeter en
deux ou trois fois rapprochées , quand il
fera d'un rouge de cerife , le mélange de
mine & de flux , & de le recouvrir ; quelques
minutes après , on en éloigne les charbons
avant que de le découvrir. Alors l\ l'on
voit le flux en fonte bien liquide iSc bouil-
lant pailîblement fins écume , il faut l'oter
8c le lailîer refroidir. On le calVe pour en
avoir le culot.
La mine de fer fe grille comme celle du
plomb , mais plus fortement , & on la
torréfie une féconde fois. On la mêle
exaétement avec trois parties de flux ,
compofé d'une partie de verre pilé , d'une
demi-partie de fiel de verre & de poulîlere
de charbon : on couvre le tout de fel com-
mun. On place le creufct dans le four-
neau à vent: on le cafle quand il eft refroidi
pour en avoir le culot.
Quoique la torréfaéirion enlevé la plus
grande partie du foufre & de l'arfenic à
la mine de fer , néanmoins il en pafle
encore dans le bouton une quantité qui
t r^ S 75
l'aigrit. C'eft peur lui enlever ces dernières
portions qu'on mêle aux mines de fer des
abforbans terreux dans les travaux eu
grand , &.' qu'on forge cnfuite la fonte ,
comme aulTi pour lui enlever la terre non
métallique qu'elle contient. Cet article eft
de M. DE FlLLIERS.
ESSAIM , C m. ( Hift. nat. Infeclolcr. )
volée d'abeilles qui fortent d'une ruche
ou d'un tronc d'arbre pour aller fe loger
ailleurs ; c'eft ce qu'on appelle un ejfhim
ou un jeton. Les ejfaims quittent la ruche
en différens temps , relativement à la
température du climat oa de la faifon.
Dans ce pays-ci c'eft au plutôt à la mi-
mai , Se au plus tard apiès la mi-juin. On
fait qu'une ruche eft en état à'effhimer ,
c'eft-à-dirc , de donner un ejfaim , lorf-
qu'on y voit des abeilles , mâles que l'on
nommée faux- bourdons. S'il y a une très-
grande quantité d'abeilles dans une ruche,
îk fi on en voit une partie qui fe tienne
au dehors contre la ruche ou fur le fupport,
il eft à croire qu'il en fortira un e^aim ;
mais ce figne eft équivoque: la plus grande
cercitude eft lorfque les abeilles ne fortent
pas de la ruche pour aller dans la cam-
pagne en aulïî grand nom.bre qu'à l'ordi-
naire , alors on peut compter fur un effaim
pour le jour même.
Dans les ruches qui doivent bientôt
ejfairner , il fe fait pour l'ordinaire un bour-
donnement le .foir & pendant la nuit ;
quelquefois dans la même circonftancc où
n'entend , même en écoutant de près ,
que des fons clairs & aigus qui (emblent
n'être produits que par l'agitation des aileS
d'une feule mouche. Ordinairement les
ejfaims ne paroill'ent pas avant les dix ou
onze heures du matin , ni après les trois
heures du foir , félon l'cxpoiition de la
ruche. La chaleur que les mouches y pro-
duifcnt par leur grand nombre étant aug-
mentée par l'ardeur du foleil , obHge Vef.
faim à fortir ; quelques heures d'un temps
chaude couvert ne font pas moins cflScaces
pour cet etfec, qu'un coup de foleil très-
chaud : au contraire des jours trop froids
pour la faiibn enpcchent la fortie des
ejfaims. Lorfque Vejfaim eft prêt à prendre
l'eflbr, il fe fait un grand bourdonnemtnc
dans la ruc-lte , & plufieurs mouches eu
K i
j(i E s s
fortcnt : mais Vejfaim ne fubrifteroit pas
s'il ne s'y tiouvoit une reine , c'efl-à-dire
une abeille femelle. Dès qu'elle quircc la
ruche , elle eft fuivie d'un grand nombre
d'abeilles ouvrières, & en moins d'une
minute toutes celles qui doivent compofer
Yejfdiin s'clcvent en l'air avec la reine ,
elles voltigent, & quelques-unes fc pofent
fur une branche d'arbre pour l'ordinaire ,
d'autres s'y ralfemblcnt ; la reine fe tient à
quelque diftance de ce grouppc , & s'y
joint lorfqu'il a grortî à un certain point.
Alors toutes les abeilles s'y réunilknt
bientôt ; & quoiqu'elles foient à décou-
vert , elles y relient en fe tenant cram-
ponnées les unes aux autres par les jambes :
on ne voit voltiger autour du grouppe ,
qu'autant de mouches qu'il s'en trouve
autour d'une ruche dans un temps chaud :
mais lorfqu'il n'y a point d'abeille femelle
dans un ejfaim , il revient bientôt à l'an-
cienne ruche.
S'il ne fe trouve pas auprès des ruches
quelques arbres nains auxquels les ejjatms
puiflent s'attacher , s'il n'y a que des arbres
élevés , Vejfairn prend fon vol fi haut & va
fi loin ^u'il ell fouvent difficile de le fuivre.
Le meilleur moyen pour l'arrêter , eft de
jeter en l'air du fable ou de la terre en pou-
dre qui retombe fur les mouches , & les
oblige à defcendre plus bas &: à le fixer.
On eft auffi dans l'ufage de frapper fur des
chauderonsou des poêles , fans doute p»ur
effrayer les abeilles par ce bruit comme elles
le font par celui du tonnerre qui les fait re-
tourner à leur ruche lorfqu'cUes fe trouvent
dans la campagne ; mais il ne paroû pasque
le bruit des chauderonsfalfe beaucoup d'im-
prelTion fur les abeilles , car celles qui
font fur des fleurs ne les quittent pas à ce
bruit.
Lorfquc le foleil n'eft pas trop ardent , on
peut mettre l'effiim dans une ruche une
demi heure après qu'il eft raftemblé , & que
fes plus grands mouvemens ont été calmés ;
on peut aulTi attendre jufqu'à une heure ou
deux avant le coucher du foleil. Mais fi
Vejfaim étoit expofé à fes rayons , il pourroit
changer de place, & fe mettre dans un lieu
où il feroit plus difficile à prendre ; dans ce
cas il n'y a pas de temps à perdre. Lofqu'd
fc trouve fixé fur une branche d'arbre peu
E S S
élevée , il eft aifé de le faire paiTcr dan5 une
ruche. On la renvcrfe , &c on la tient de
façon que l'ouverture l&ic fous \'e[;aim , on
fecoue la branche qui le foutient , & il tom-
be dans la ruche ; il luffit même que la plus
grande partie de VeJ'atm y entre dès qu'on
a retourne la ruche & qu'on i'a polée à terre
près de l'arbre, le refte y vient bientôt.
Mais 11 plufieurs mouches retournoient fur
la branche où étoit Vejjaim , il faudroit la
frotter avec des feuilles de lureau & de rue
dont elles craignent l'odeur , y accacher des
paquets de ces herbes , oli enfm y fnre une
fumigation avec du linge brûlé, pour faire
fuir les mouches & les obliger à aller dans la
ruche.
Lorfque Vejfaim eft fur un arbre fi élevé
ou dans des branches li touffues qu'on ne
puifle pas en approcher la ruche, on le fait
tomber fur une nappe , & on l'enveloppe
pour le defcendre ; en développant la nappe,
on pofe la ruche fur l'endroit où il le trouve
le plus de mouches , & par des fumigations
on oblige les autres , s'il eft nécellaire , à
entrer dans la ruche. On peut aulli em-
porter Vejfaim en coupant la branche à
laquelle il tient ; les mouches ne fe dif-
perléront pas fi on attend pour cette opéra-
tion que le foleil foit couché. Lorique
Veffaim eft entré dans le trou d'un atbre
ou d'un mur , on peut en retirer les mou-
ches avec une cuiller, & les jeter dans la
ruche ; elles y reftent , fur-tout fi c'eft le
foir dans un temps frais.
Pour engager les abeilles à demeurer
dans la ruche où on veut loger un ejfaim ,
on la frotte avec des feuilles de mélille ou
des fleurs de fèves , 6'c. ou on enduit fes
parois avec du miel ou de la crème , mais
toutes ces précautions ne fon.t pas ablolu-
ment ncceftaires ; il eft plus important d'em-
pêcher que la ruche ne (oit trop expofëc
au foleil après que Vejfaim y eft entré , une
trop grande chaleur l'en feroit fortir ; c'eft
pourquoi fi elle ne fe trouve pas à l'ombre ,
il faut la couvrir avec une n.nppe ou des
feuillages jufqu'à ce qu'on la tranlportc
dans l'endroit où elle doit refttr fur un fup-
port, ce qui fe fait dans le temps du cou-
cher du foleil , ou quelque temps aupara-
vant.
Une raere abeille eft en état de conduire
E s s
un ejfaim quatre ou cinq jouis après qu'elle
eft métamorphofcc en mouche , lorfqu'elie
fort de la ruche elle eft prête à pondre , &
on croit que Tes œufs font déjà fécondes.
Comme il naît chaque année pluheurs
abeilles femelles dans une ruche , il s'en
rencontre toujours pour conduire les cjfaims,
&c quelquefois il y en a plulieurs dans un
feul tijfiiim. S'il s'en trouve deux , il arrive
{ouvent que Vejfaim fe partage en deux
pelotons , dont l'un eft beaucoup plus petit
que l'autre ; chacun a fa reine , mais les
mouches du petit peloton fe réunillent peu-
à peu à l'autre , éc la reine elle-même les
fuit & s'y mêle ; mais il ne doit en rcfter
qu'une dans Vcjfaim , l'autre eft bientôt
tuée ; s'il y en a plulieurs de furnuméraires
elles ont le même fort , & les abeilles ne
s'arrangent èc ne travaillent dans la ruche
qu'après cette exécution. Il s'en fait une
fembiable dans l'ancienne ruche après que
Vejairn eft forti ; s'il s'y trouve plus d'une
abeille femelle , il n'en refte qu'une ; on
trouve les autres mortes hors de la ruche.
Il iort quelquefois trois ou quatre ejfaiins
d'une même ruche , mais le premier elt le
meilleur ; les autres (ont peu nombreux ,
& la ruche fe trouve dépeuplée ; dans ce
cas il convient d'en réunir deux dans une
feule ruche. Pour empêcher qu'une ruche
trop foible ne donne un ejfaim , ou que
plulieurs cffaims ne fbrtent d'une même
ruche , on retourne le panier de façon que
les parois qui étoient en arrière fe trouvent
en devant : on tâche par ce moyen de les
engager à remplir de gâteaux le vuide qui
ctoit avant ce déplacement contre les p.uois
poftérieures de la ruche ; car les mouches
commencent toujours par garnir celles de
devant : on exhaulle auflî la ruche en l'al-
longeant par le bas , afin de donner un
nouvel efpace pour l'emplacement des gâ-
teaux : mais ces expédiens tont fort incer-
tains.
Quelquefois deux ruches donnent en
même temps chacune uii ejfaim, & ces deux
ejfairns fe réunilTent enfemble : on peut les
mettre dans une même ruche s'ils ne (ont
pas trop gros ; on peut aulTl les feparer en
faifànt tomber partie du grouppe qu'ils for-
ment dans une ruche , & partie dans une
■ -autre. S'il y a une laere dans chaque luche ,
E S S 77
les ejfaims réu diront; mais s'il n'y en a point
dans l'une des ruches, il faut nécellairemenc
réunir le tout , & le partager de nouveau
julqu'à ce qu'il fe trouve une mère dans cha-
que ejfaim ; pour cela on fait entrer toutes
les mouches dans une feule ruche, & enfuite
on en fait tomber une partie dans une autre :
on eft sur qu'il y a une mère dans chacune ,
lorlque les mouches s'y arrangent & y tra-
vaillent.
Il y a des ejfaims qui ne pefent qu'une
livre , ils lont très-foibles ; car le poids des
médiocres eft de quatre livres , les bons doi-
vent pefer cinq livres , & les excellens lix
livres : on en a vu un qui peloit jufqu'à huit
livres & demie. On (ait par expérience que
cinq mille mouches pèlent environ une
livre.
Dès qu'un ejfaim eft dans une rîiche où il
fe trouve bien , les mouches y font des gâ-
teaux quoiqu'elles y paroilfcnt en repos; (Sc
dès le lendemain , (i le temps eft favorable ,
on en voit lortir pour aller dans la campa-
gne ; quelquefois en moins de vingt-quatre
heures elles ont formé des gâteaux de plus
de vingt pouces de longueur fur fept à huit
pouces de largeur. Elles nettoient aufli la
ruche , & en otent tout ce qui leur dèplait ;
elles bouchent les ouvertures qui ne leur
font pas nécelîaires , avec une clpece de ré-
1 line rougeâtre que l'on appelle propolis. Un
effa.m peut donner un autre ejjaim dans la
même année ; mais cela n'arrive pour l'or-
dinaire , dans les environs de Paris , que
l'année fuivante. Mém.pourjc-vir à l'hifl. d()s
infeclis. tom. V. Voye:^ Abeille , Ruche ,
Propolis. (/)
* ESSALLR , V. a. ( Font.falante.) c'eft
une opvation -qui fs fait fur la poîle , peu
avant que de la mettre entièrement au feu.
On prend de la maire qui piuvient des
égouttures du (el forme : cette mu're eft forte
& gluante ; on en arrole la poile , tanais
que le feu s'allume deilous; elle forme avec
la chaux dont la poîle eft enduite , une
efpece de maftic qui empêche les coulis.
Cette précaution s'appelle ejfakr. Voyc'^^
i'anicle Saline.
F.SSARTS, f LES ) Gêog, moi. petite ville
de Poitou en France.
ESSARTER , ( Jard. ) Voy. Défricher,
ESSAYERIE , f. m. ( Art mécan. ) c'çft
78 E S S
dans les fouis des monnoies l'attelier où Ce
fonc les eilais
ESSAYEUR , fub. m. ( ^ /a Monnaie. )
cffic'ei de monnoie qui fait reliai & recon-
roi: le titre des mcLaux que l'on veut em-
plcyer , ou qui ont été fabriqués. C'eft fur
le rapport de Vtjpiyeur général des monnoies
de Fr;'rre . & lijr celui de Yejfayeur particu-
lier de Pnris , que la cour juge li les pièces
fabriquées lont au titre prefcrit ; & fui leur
rapport , en cas d'écharfeté , on procède à
condamnation.
ESSE 5 f f. {Carrier.) c'eft un marteau
courbé iS^ formant le croilTànt; il (ert à fous-
élever les pierres. Le picot à deux pointes
des mêmes ouvriers, ne diffère de l'e^ qu'en
ce qu'il eft double.
ESSE AU , f. m. {Ouvriers en bois.) c'efl
une petite hache recourbée , à l'ufage des
îabletiers , des charpentiers , des menui-
iîers , &c.
EssEAu , ( Couv, ) petit ais qu'on em-
ploie dons la couverture des toits. Voye^
Bardeau.
* ESSEDUM , f m. {Hijf. anc. ) efpece
de chariot en ufage chez les belges &c d'au-
tres peuples des Gaules; il étoit à deux roues^
& tiré par deux chevaux ou deux mulets ,
marchant à la queue l'un de l'autre. On s'en
fervoit à la guerre. Les combattans appelles
ejjtdains. , écoient debout dans leur ejjedum.
\.ts gens du peuple , les perfonnes diftin-
guées voyageoient dans cette voiture ; on y
ip.ettoit indiftinûément & des hommes &
des bagages ; on en condui'oit dans les
triomphes ; on en fit courir dans les cirques;
on en ht même monter par des gladiateurs ,
d'où ils combattoient,
ESSEIN , f m. ( Comm. ) mefure de
continence pour les grains , dont on fe fert
à SoilTons.
Lemuiddeblé, mefure de SoilTons , eft
compofé de douze fetiers , & le fetier de
deux cjfiins. Il faut trente-huit ejjeins pour
faire le mmd mefure de Paris , mais feule-
ment pour le blé. (G)
ESSEK , {Géog. rr.od. ) ville du comté de
Walpon dans l'Efclavenie , en Hongrie ;
elle eft (ituée fur la Druve. Long. ^6 , jo ;
ESSELIER , f m. chciks Br^Jfl'^irs , c'eft
une des pièces du faux-foad d'une de leurs |
E S S
cuves : cette pièce eft à côté de la maîttreîTe
pièce , dans laquelle il y a un trou quatre ,
pour palier une pom.pc qui va jufqu'au fond
de la cuve. ^oje^/V/. Brasseur.
EssELiER , chéries Charpentiers , c'eft un
lien qui lie l'arbalétrier avec l'entrait. Voye^
Entrait.
ESSEN , ( Géog. mod.) ville de la Weft-
phalie , en Allemagne. Long.i^, ^z; lai.
51 , Z5.
^ ESSENCE , f f ( Mrtaph. ) c'eft ce que
l'on conçoit comme le premier & le plus
général dans l'être , & ce fans quoi l'être
ne feroit point ce qu'il eft. Pour trouver
Vejfence d'une chofe , il ne faut faire atten-
tion qu'aux qualités qui ne font point déter-
minées par d'autres , & qui ne fe détermi-
nent pas réciproquement , mais en même
temps qui ne s'excluent pas l'une l'autre.
Le nombre des trois côtés & l'égalité de ces
côtés , font Vejfence du triangle équilatéral :
1°. parce que ces deux qualités peuvent co-
exifter : i". elles ne fe déterminent point
non plus l'une l'autre ; du nombre de trois
ne réluke point l'égalité des lignes , ni vice
versa: 5°. elles ne (ont point déterminées
par d'autres qualités antérieures; car on ne
fàuroit rien concevoir dans la formation du
triangle équilatéral , qui foit antérieur au
nombre & à la proportion des lignes :
4°. enfin fins elles on ne fauroit fe repré-
fenter l'être. S'il y a plus ou moins de trois
côtés , ce n'eft plus un triangle ; fi les côtés
font inégaux , ce n'eft plus un triangle équi-
latéral.
L'ejfence de l'être une fois connue, fuffit
pour démontrer la pojfibilité intrinfeque ;
car Vejfence comprend la raifon de tout ce
qui eft actuellement dans l'être , ou de tout
ce qui peut s'y trouver. Les qualités elfcntiel-
les étant luppolées , elles entraînewt à leur
fuite les attributs , & ceux-ci donnent lieu
aux poflîbiUtés des modes. Foy. Attribut,
Mode.
Cette notion de Vfjfence eft adoptée paf
tous les philofophcs ; la diverlité de leurs
définirions n'eft qu'apparente. François
Suarcz , l'un des plus protonds & des plus
fubtils fcholaftiques , définit l'ellence , pri-
muni radicale 6' intiinum principium omnium
aclionum ac proprietatum qux rei conveniunt
E s s
( tom. I. difp. ij. fia, 4. ) Ht expliquant en-
fuite fa dciinition cor.formcment aux prin-
cipes d'Ariftoce & de St. Thomas d'Aquin ,
il dit que WJfcnce eft la première choie que
nous concevons convenir à l'être , & qu'elle
conftitue l'être. Il ajoute que Vejlnce réelle
ell celle qui n'implique aucune répugnance ,
&i qui n'ell pas une pure fuppolition arbi-
traire. On voir bien qu'il eft aile de ramener
ces idées à la siotre. Deicartcs i'tn tint à ce
que fes m.utres lui avoient appris là-dellus :
U/iû ejî , dit-il , cijjufjue fuhjiantix prœcipua
proprietas quœ ipjius naturam. ejjenttamque
conjiituit , 6" ad quam omnes aliae referuntur.
Princip. pkilofoph. part. I. La chofe en quoi
& les fcholaftiques Se Defcartes fe ibnt
trompés , c'ell en affirmant li pofitivement
qu'une (cule propriété étoit la baie de toutes
les autres , ik faifoit Vejjencc de l'être, il
peut y avoir Se il y a pour l'ordinaire plus
d'une qualité eflenticUe. Le nombre n'en
eft pomt fixe , & s'étend , comme nous
l'avons dit , à toutes celles qui ne font fup-
pofées par aucune autre , & qui ne fe fup-
pofent pas réciproquement.
De cette même notion des cjfcnces , il eft
ailé d'en déduire l'éternité &c l'mimutabilité.
L idée des ejfences arbitraires eft une fourcc
de contradidions. Les ejfences des choies
confiftent , comme nous l'avons vu , dans
la non-répugnance de leurs qualités primiti-
ves. Or il eft impoiîible que des qualités une
fois reconnues pour non répugnantes , aient
jamais été ou puiifent fe trouver dans une
oppolifion formelle. La poffibilité de leur
co exiftence eft donc nécelfaire , & cette
polïibilité n'eft autre chofe que l'cjjlncc.
Celle d'un triangle rediligne , par exemple,
conlifte en ce qu'il ne répugne pas que trois
lignes droites , dont deux prifes enfemble
font plus grandes que la troifieme , fc joi-
gnent de manière qu'elles renferment un
cfpacc. Dira-t-onque le contraire eft éga-
lement pofiible , ou même qu'il peut deve-
nir impolfible que les trois lignes fuppofées
foient propres à renfermer un efpace :■ Pour
le foutenir , il faut convenir qu'une chofe
peut être «Se ne pas être à la fois. Il eft donc ,
il a été , &: il fera à jamais nécelfaire que
trois lignes droites foient propres à renfer-
mer un efpace ; & voilà tout ce que nous
prétendons quand nous difons que ['ejfcnce
E S S 79
du triangle ou de toute autre figure eft né-
ccftîiiie. De même quand une créature ,
telle que l'homme , n'auroit jamais cxiitc,
fou ijjence n'en feroit pas moins néceda-ire-
ment pollible , & Dieu n'auroit pu lui don-
ner l'aélualité fans cette poffibilité antérieure
à'ejfence. Ce n'eft point limiter la puilfance
de Dieu , que de la renfermer dans les bor-
nes du pollible. LTn pouvoir qui s'étend à
tout ce qui n'implique point contraJi61:ion,
eft un pouvoir infini ; car tout le refte eft
lin pur néant , & le néant ne fauroit être
l'objet d'une puiflance adive. Voye[ Défi-
nition , ElÉmens. Cet article eji de M.
FoRMP.r.
Essence , ( Pharm. ) on donne ce nom
à différentes préparations qu'on a regardées
comme poflédant éminemment la vertu
médicamcnteufe du fimp'le dont elles étoient
tirées.
Mais ce nom n'a jamais eu, en pharmacie^
une lignification bien déterminée; car on la
donne indift-eremment à des teintures , à
des huiles effentielles , à de limplcs difltilu-
tions , ùc. Voye^^ Huile essentielle ,
Teinture.
Essence d'Orient , ( Joaillerie. ) nom
donné par les ouvriers à la matière prépa-
rée , avec laquelle on colore les faulfcs paf-
les, Voye:^ Perles Fausses.
On retire cette matière des écailles du
petit poillon qu'on appelle able. V. Able.
Vous trouverez fous ce mot tout ce qui
regarde Vejfence d'Orient. Nous ajouterons
uniquement que cette dénomination lui
convient mal, puifqu'elle n'eft pas plus sjfence
ni liqueur, que ne l'eft un fible extrêmement
fin ou du talc pulvérile , délayé avec de
l'eau. Il eft vrai qu'on ne peut bien la retirer
des écailles de l'able qu'en les lavant , Sc
que pour être employée , elle demande né-
celfairemcnt , comme beaucoup de terres à
peindre , à être mêlée avec l'eau ; mais
néanmoins fi on l'obferve avec une bonne
loupe , on la diftinguera facilement du li-
quide dans lequel elle nage , & l'on s'afllirera
que loin d'être liquide , elle n'eft qu'un
amas d'une infinité de petits corps ou de
lames fort minces régulièrement figurées ,
«Se dont la plus grande partie font taillées
quarrément.
Qiioiqu'on emploie à deftcin des broie-
8o E S S
mens aflèz forts pour enlever ces lames des
éc;ntles , on ne les brife , ni on ne les plie ;
du moins n'en découvre- t- on point qui
foitnt briféesoii plices ; & fuivant les obfer-
vations de M. de Réaumar , ces petites
lames paroillent au microfcope à peu près
égales , &: toujours coupées en ligne droite
dans leur grand coté. L'argent le mieux
bruni n'approche pas, dit-il , de l'éclat que
ces petites lames prcfentent aux yeux, aidés
du microfcope.
Il rélulce de-là , qu'étant minces & tail-
lées régulièrement , elles font très-propres
à s'arranger fur le verre , & à y paroitre
avec le poli & le brillant des vraies perles :
enfin elles cèdent aifément au plus léger
mouvement , & iemblent dans une agita-
tion continuelle , jufqu'à ce qu'elles foient
précipitées au fond de l'eau. Article de M.
le chevalier DE Jaucourt.
ESSÉNIENS , f. f. pkir. {Jhéol. ) fede
célèbre parmi les anciens juifs.
L'hiftorien Jofephe parlant des diffé-
rentes feftes de fa religion , en compte
trois principales , les Pharifiens , les Sad-
ducéens , & les Ejféniens ; Se il ajoute que
ces derniers étoient originairement juifs :
ainfi S. Epiphanc s'eft trompé en les met-
tant au nombre des feâres famaritaincs.
On verra par ce que nous en allons dire, que
Teur manière de vivre approchoit fort de celle
des philofophes pythagoriciens.
Serrarius , après Philon , diftingue deux
fortes à'Ejfcniens ; les uns qui vivoient en
commun, & qu'on appelloit Praâici ; les
autres qu'on nommoit T'teorctici , & qui
vivoient dans la iolitude &C en contempla-
tion perpétuelle. On a encore nomnié ces
derniers Thérapeutes , & ils étoienc en grand
nombre en Egypte, On a aiilfi nommé ces
derniers juifs joUtaires &i contemplatifs ; &
quelques-uns pcnfent que c'elT: à limitation
des Efféniens que les cœnobites & les ana-
chorètes dans le chriftianifme, ont embraffé
le genre de vie qui les diftingue des autres
chrétiens. Grotius prétend que les Efféniens
font les mêmes que les Allidéens. Foye'^
AssidÉens.
De tous les juifs , les Ejféniens étoient
ceux qui avoient le plus de réputation pour
la vertu ; les payens mêmes en ont parle
è\çç éloge > & Porphyre dans fon traité 4e
E S S
l'abjlinence , îlv. IV , % ii t- fuiv. ne peut
s'empêcher de leur rendre jufticc : mais com-
me ce qu'il en dit eft trop général , nous rap-
porterons ce qu'en ont écrit Jofcphe &C
Philon lejuif, inlînimcntmieuxinftruitsque
les étrangers de ce qui concernoit leur na-
tion , & d'ailleurs témoins oculaires de ce
qu'ils avancent.
Les Ejféniens fuyoient les grandes villes ,
& habitoient dans les bourgades. Leur occu-
pation étoit le labourage ik les métiers inno-
cens ; mais il ne s'appliquoient ni au trafic ,
ni à la navigation. Us n'avoient point d'ef-
claves , mais fe lervoient les uns les autres.
Ils méprifoient les richelfes , n'amalloient
ni or ni argent , ne poflédoient pas même
de grandes pièces de terre , fe contentant
du néceffaire pour la vie , & s'étudiant à
fe palfer de peu. Ils vivoient en commun ,
mangeant enfemble , & prenant à un même
veftiaire leurs habirs qui étoient blancs.
Plufieurs logeoient fous un même toit : les
autres ne comptoient point que leurs mai-
fons leur fullent propres ; elles étoient ou-
vertes à tous ceux de la même fed:e , car
l'hofpitalité étoit grande entr'eux , & ils
vivoient familièrement enfemble fans s'être
jamais vus. Us mettoient en commun tout
ce que produifoit leur travail , & prcnoiL-nt
grand foin des malades. La plupart d'entr'eux
renonçoient au mariage , craignant l'infidé-
lité des femmes 5c les divifions qu'elles cau-
fent dans les familles. Ils élevoient les enfans
des autres 5 les prenant dès l'âge le plus ten-
dre pour les inftruire & les former à leurs
mœurs. Onéprouvoit les poltulans pendant
trois années , une pour la continence , 8c
les deux autres pour le refle des mœurs. En
entrant dans l'ordre ils lui donnoient tout^
leur bien, & vivoient enfuite comme frères;
enforte qu'il n'y avoit entr'eux ni pauvres ni
riches. On choifilToit des économes pour
chaque communauté.
Ils avoient un grand refpedt pour les
vieillards , & gardoicnt ilans tous leurs dif-
cours& leurs attionsune extrême mode itic.
Ils retenoient leur colère ; ennemis ilu men-
fonge & des fermcns , ils ne juroieni qu'en
entrant dans l'ordre , ôc c'étoit d'obéir aux
fupérieurs ; de ne fe dillinguer en ru n , lî on
le devenoit ; ne rien cnicigner que ce que
l'on aurait appris ; ne rien celer à ceux de
fi
ES s
fa fcfte ; n'en point révéler les myfteres à
ceux de dehors , quand il iroic de la vie.
Ils méprifoient la logique comme inutile
pour acquérir la vertu , & laiiroicnt la pliy-
Iiquc aux fcphiUes & à ceux qui veulent
difputer ; parce qu'ils jugeoient que les
fecrcts de la nature étoient impénétrables
à rcfprir humain. Leur unique étude étoit
la morale, qu'ils apprenoient dans la loi ,
principalement les jours de fabbat , où ils
s'alTcmbloient dans leurs fynagogues avec
un grand ordre. Il y en avoir un qui lifoit ,
nn autre qui cxpliquoit. Tous les jours
ils obfervoienr de ne point parler de
choies profanes avant le lever du loleil ,
& de donner ce temps à la prière : enfuire
leurs fupérieurs les envoyoient au travail;
51s s'y appliquoient jiifqu'à la cinquième
heure , ce qui revient à onze iicures da
matin : alors ils s'allembloicnt & fe bai-
gnoient ceints avec des linges; mais ils
ne s'oignoient pas d'huile, iuivant l'ufage
des Grecs & des Romains. Ils mangeoient
dans une falle commune , aflis en /ilence ;
on ne leur (ervoit que du pain & un feul
mets. Ils faifoient la prière devant & après
le repas ; puis retournoieru au travail jui-
qu'au foir. Ils étoient fobres, & vivoient
pour la plupart jufqu'à cent ans. Leyrs juge-
mens étoient léveres. On chalfoit de l'ordre
celui qui étoit convaincu de quelque grande
faute , & il lui étoit défendu de recevoir
des autres même la nourriture ; enforte
qu'il y en avoir qui mouroienr de mifere :
mais fouvent on les reprenoit par pitié.
Il n'y avoir des Ejfcnkns qu'en Paleftine ,
encore n'y étoient-ils pas en grand nombre ,
feulement quatre mille on environ : au
refte c'étoicnt les plus fuperftitieux de tous
les juifs, & les plus fcrupuleuxà oblcrver
le jour du fabbat & les cérémonies légales ;
jufqucs là qu'ils p.'ailoient point facritîer au
temple , mais y ..uVf.yoienc leurs otfrandes,
parce qu'ils n'été \."n pas contens des purifi-
cations ordinaires. Il y avoit entr'eux des
devins qui précendoient connoître l'ave-
nir par l'étude dt:. livres faints , jointe à
certaine;, préparations : ils vouloient mcme
y trouver la mcdecme &c les propriétés
des racines , des plantes & des métaux.
Ils dcnnoient tout au deftin , & rien au
libre arbitre ; écc.ent fermes dans leurs
Tome XIJl
E S S 8i
rélblutîons , méprifoient les tourmens &c
la mort , & avoient un grand zelc pour
la liberté, ne reconnoilTant pour maître
&C pour chef que Dieu feul , & prêt à
tout fouftrir plutôt que d'obéir à un homme.
Ce mélange d'opinions fcnfées, de fuperf-
tions , & d'erreurs , fait voir que quelque
aullere que fut la morale & la vie des
Ejféniens , ils étoient bien au-deflous des
premiers chrétient. Cependant quelques
auteurs, & entre autres Eufebe de Céfarée,
ont prétendu que les Effénicns appelles
Thérapeutes étoient réellement des chré-
tiens ou des juifs convertis par S. Marc, qui
avoient embralfé ce genre de vie. Scaliger
foutient, au contraire, que ces Thérapeutes
n'étoient pas des chrétiens ; maiî des Ejfé~
/liens qui faifoient profciTion du judaïfme.
Quoi qu'il en foit , il admet les deux fortes
d'Ejfcniens donc nous avons déjà parlé.
Mais M. deValois, dans fes notes fur Eufebe,
rejette abfolument toute difUnétion. Il nie
que les Thérapeutes fud'ent véritablement
Ejféniens ; & cela principalement fur l'au-
torité de Philon , qui ne leur donne jamais
ce nom , & qui place les Efféniens dans la
Judée & la Paieiline : au lieu que les
Thérapeutes étoient répandus dans l'Egypte,
la Grèce , & d'autres contrées. Jofephe ,
de bell. Jud. lib. IL antiijuit. lib. XIII.
cap. jx. ù lib. XVIII. eap. ij. Eufebe,
lib. II. cap. xl'ij. Serrarius, lib. III. Flcury,
hift. eccléf. liv. I.pag.j.à i'mv. Diclionn.
de Moréry ù de In Bible. Voye^ IhÉRA-
PEUTES. ( G)
ESSEQ.UEBE , ( GSog. mod. ) rivière
de la Guiane dans l'Amérique méridio-
nale ; fes bords font habités par des fau-
vages.
ESSEPv , en termes de Cloutier d'épingle,
c'eft choifir la grolTeur du fil qu'on veut
employer par le moyen d'une mefure ,
dans laquelle on le fait entrer. Vove?
EssE. ^ ^
ESSERR , f. f ( Méd. ) C'eft une cfpece
de gale , que Fallope aj.pelle volante : elle
paroît fubitement en différentes parties
du corps , en forme de petites tumeurs
fous la peau , comme celles qui font pro-
duites par la piquûrc des orties, £< cauie
des démangcaifons infupportables. Syden-
ham , qmi en parle auiïî , dit qu'elle furvient
L
S2 TE S S
dans tous les temps [de l'année , &c qu'elle
ert lur-tout occalionnée par l'ufage des
vins atténuans , ou des liqueurs fpincueufes
de fci'iblable qualité. La maladie commence,
feiun cet auteur , par une petite hevre ,
qui eft d'abord fuivie d'éruptions puftu-
leufcs prefque par tout le corps , qui ren-
trent oc fe cachent tous la peau , pour repa-
roitre bientôt après avec une cuillon excef^
five qui le fait lentir après que la déman-
geaifcn a forcé à fe gracer.
Cecte galle paroit être la même que le
fora ou Jtire des Arabes , dont Sennert
traite dans fa pratique , lié. VI. part. I.
cap. xxvj.
Pour ce qui eft de la caufe de cette
iôrte d'éruption , voye[ Exe m thème ,
Gale.
Quant à la cure , elle confifte dans une
diète r ifraîchiflante &c tempérante , après
avoir fait précéder la faiguée & Lr purga-
tion j qui doivent être répétées félon le
befoin j on doit dans cette affeétion cuta-
née j, éviter toute forte d'application fur
la per,u. Turner. ( d)
ESSERRERj c'efl:-à-dire , en terme de
Têche , haler à terre la pinne d'une feinne.
ESSERET LONG 5 outil de Chûrron ; c'cù.
un trorccau de fer long d'environ deux ou
trois pies , rond , de la circonférence d'un
poucj par en haut , &c par en bas for-
liian;: un demi- cercle en dedans , tran-
chai.r des deux cotés , un peu recourbé
par en bas , formant une petite cuiller ,
<\m fert aux charrons à percer des trous
dans des pièces de bois épailles. Cet outil
r\\ emmanché avec un morceau de bois
percé dans fr longueur , ce qui forme une
cfpece de croix.
E.SERET Court , outil de Cliarron ; cet
outil eft fait comme Vejfent long , & ne
lèrt aux charrons que pour faire des trous
da.r.'; des pièces de bois monis épaiiTts.
E S S E T T E , outil de Charron , de Cou-
vreur , de Charpentier , de Tonnelier , &
a.utres ouvriers en bois ; c'eft un morceau
«le fer courbé par un coté , & droit de
l'autre , dont le côté courbé cft applati &
tranchant , large environ de (ix pouces ,
& l'autre côté cft rond fait en tête comme
Tin marteau : au milieu de ce morceau de
Éir tfi une douille ciichâllée & rivée dans-
E S S
l'cri4 qui cft au milieu de l'ejfettc ; l'on fixe
dans cette douille un manche d'environ
un pié & demi , plus gros du côré de la
poigiiée que du coté de la douille. Cet
outil fert aux charrons à dégrolTir & char-
penter le bois qu'ils ont à employer. L'ef-
feite des couvreurs eft comme une petite
herminette à marteau ; elle leur krt à
hacher les bois. Ils en ont une autre avec
laquelle ils arrachent les clous de l'ardoife ,
lorfqu'on veut découvrir ou faire des recher-
ches. Quant à WJjette des tonneliers , c'ciî
un marteau dont la tête eft ronde , & qui
fe termine de l'autre coté en un large
tranchant de fer acéré , qui fe recourbe du
côté du manche qui eft de bois. Cet outil
fert à arrondir l'ouvrage en dedans.
ESSEX , ( Geog. /TîcJ. ) province mp.ri-
time d'Angleterre. Colchefter en tft la
capitale.
E S S ï E U , f m. ( Mkan. ) appelle au (ïl
chez les anciens cathete , eft la même choie
qu'âAre, vpje:[ Axe & Cathete.
On ne fe fert plus de ce terme qu'en
parlant des roues , pour déligner la ligne
autour de laquelle elles tournent ou fônc
cenfées tourner. Fbje;^ Roue.
Efficu dans le tour , eft la même chofe
qn'axe dans le tambour. Voye[ ce mot. Foye^
aufii Tour , Treuil , Cabestan.
Les anciens géomètres François , par
exemple , Defcartes dans fa géométrie ,
donnent le nom à'ejfteu à l'axe des courtes,
Voyei Axe & Courbe. (O)
Essieu ( Charron. ) c'eft en général une
pièce de bois de chanonnage qu'on débite
8z qu'on envoie en grume. Les ejjîeux font
pour l'ordinaire d'orfhe , & quelquefois de
charme. Il y en a de fer.
E.SSIMER , v. a. ( Fauconnerie.) c'eft
ôtcr la graiflé excelFive d'un oiieau par di-
verfes cures , & l'amaigrir ; c'eft comme Ci
on difoit ejfuimcr , ôcer le fuif ; c'eft aulTî le
metere en état de voler, lorfqu'on l'a drellé^
ou qu'il fort de la mue.
ESSOGNE ou ESSONGNE , f. f. Jurff-
prud. ) tft un droit ou devoir feigneurial_dù
par les héritiers ou lucc(*llcurs_ du ilcfunt
aux feigncurs dans la ccnllve dtfquels il pof-
fedoit des héritages au jour de fon décès:.
Ce terme vient defonniaia, qui dans la balTè-
latinité fignifie procuration Ibnuicre , feu bof-
E s s
pitio excipere , precurare. Dans la fui te ce ter-
me fiK pris pour la prtftation qui fe payoic
au lieu du droit de procuration.
Ce droit cft d'un ou deux deniers parifis
en quelques endroits, c'ell de douze en d'au-
tres : c'eft d'autant , ou du double, ou' de la
moitié du cens annuel. {^oye[ le procès-verbal
de la coutume de Reims.
Le droit de meilleur catel ufité dans les
Pays-bas, a quelque rapport à ce droit A'cf-
fogne ; l'un & l'autre font une fuite du droit
de main-morte. Comme les feigneurs pré-
tendoient avoir les biens de leurs fujets
décédés , on les rachetoit d'eux moyen-
nant une certaine fomme. P'oyc:^ le GloJ-
faire ie M. de Lauritre , au mot ejjonr^ne.
{A)
ESSONNIER , f m. ( terme de Bhifon , )
double orle qui couvre l'écu dans le fens de
la bordure. C'étoit aurrefois une enceinte
où l'on plaçoit les chevaux des chevaliers,
en attendant qu'ils en eufient beloin pour
le tournoi. Il y avoir dans cette enceinte
des barres 6: des traverfespour les fepareries
uns des autres. Dicl. de Trévoux.
* ESSOR , f m. ( Gramm. ) Tadion de
l'oifèau partant librement pour s'élever dans
les airs. On l'a tranfporté au figure , & l'on
dit d'un auteur qui a débuté hardiment ,
qu'il a pris fon ejjor ; d'un poëre qui com-
mence avcc liberté , qu'il prend Ion effur :
on dit aulîî \'ejll>r du génie , &c.
_ ESSORANT , part. préf. ( Bf^fin. ) fc
dit des oifeaux qui n'ouvrent les aiics qu'à
demi pour prendre le vent , & qui regardent
le iolell.
Gauthiot au comté deBourgognc, d'azur
au Gautherot oifeau cjforant d'argent , armé
& couronné d'or.
ESSORÉ, part. palTé , ( Blafon. ) fe dit de
la couv.rrure d'une raaifon ou d'une tour ,
quand elle ell d'un autre émail que celui du
corps du bâciment.
Grog ou Lefzoye en Pologne, de gueules
à une couverture de grains de quatre pieux
d'argent , ejforée d'or.
ESSORER , (s') ( Fauconn.) ce';\. pren-
dre i'elfor trop fort , mauvaife qualité dans
un oiieau de proie.
EssoRiR , {Jardinage. ) On fe fert de ce
mot pour exprimer ce qu'il convient défaire
à des oignons de fleur qui fortent de terre.
E S S %%
Cela Veut dire qu'il faut les étendre fur
un plancher , les y Lulll-r s'efTuyer , & fe
fécher avant que de les ferrer dans des boî-
tes. (X)
Essorer kspeaux , ( terme de Ckamoifcur.')
c'eft les faire fccher fur des cordes, dans un
endroit qu'on appelle un. étendoir. V. Eten-
DOiR. VoycTj.'art. Chamoiseur.
ESSOURISSER, V.2.Ù.. {Manège. )o^t~
ration dont très-peu d'auteurs font men-
tion , & qui confille , félon ceux qui en ont
parlé , dans l'extirpation d'un polype dans
le nez du cheval. Voye\ Polyte. La rai-
fon de cette dénomination n'eft autre
chofe que la dénomination même du pdy~
ps qu'ils ont jugé à propos d'appeller la.
fouris. (e )
ESSUI , f m. ( Art mk. ) il fe dit eiï
général d'un lieu deftiné à faire fécher. Les
tanneurs ont leur effiti ; les chamoifeurs , las
papetiers ont le leur.
EST
EST , f m. e/2 Cofmogrnpkie , eft l'un dcj
points cardinaux de l'honlon , celui où le
premier vertical coupe l'horifon, 5c qui eft
éloigné de 90 degrés du point du nord ou
fud de l'horiion. Fbje^ Orient , Points
cardinaux , HORISON , &c.
Pour trouver la ligne & les points d'ejî &
à'oucjl , voye;^^ LiGME méridienne.
Le veut à'ejl eH celui qui fouille du point
à'ejl. yoy. Vent. Il s'appelle en latin Eums,
&c en italien Levante , vent de levant.
Lcfud-eJI fouille entre le fud Se Vcj^ , à
45 degrés de ces points, le nord-e/? à 4; dé-
grés du nord & de Vejî , &c. /'"a>ê^ Vent ,
Rhumb. ( O )
ESTACADE , f f. terme de Rivière; nie
de pieux moifés , a(Temblés & couronnés ,
pour empêcher les glaces d'e.itrer dans un
bras de rivière , où l'on a mis les bateaux à
l'abri. Il y en a une à la tête de l'ile
Louvier.
ESTADOU , f m. en terme de Table:ier
Corntiier , tlt une efpece de fcie à deux la-
mes , entre lefquelles il n'y a de diftance
que celle que l'on veut mettre entre les
dents du peigne. Cet inftrument eft monté
fur un fût de bois dont le manche eft droit,
& la partie qui contient ces lames , un peu
L i
84 EST
courbée. Vefiadou ferc , comme on le peut
voir , à ouvrir les dents d'un peigne.
ESTAIM ou ETAIM , ( Manufacîure , )
nom qu'on donne à une forte de longue
laine , qu'on a fait palier par un peigne ,
ou grande carde , dont les dents font lon-
gues , fortes , droites & pointues par le
bout.
Lorfque cette laine a été filce &c bien
torfe , on lui donne le nom de fil d'ejiaim ,
& c'eft de ce fil dont on forme les chaînes
des tapifleries de haute &: bafle-lilTe , & de
plu fleurs fortes d'étoffes.
On appelle ferges à deux efiaims , les fer-
ges dont la chaîne & la trame lont entière-
ment de ce fil , & ferges à un ejiaim ou
ftrges fur eftaim , celles dont il n'y a que la
chaîne qui foit de fil à'ejiaim. Les ferges à
deux ejiaims font plus rares & plus fines que
les autres. On a nommé étamine , une étoffe
fabriquée de fil à'étairn.
Le fil à'étaim fert encore à faire des bas
& autres ouvrages de bonneterie , foit au
métier , foit au tricot , ou à l'aigaille ; &
c'eft cette efpece de fil que les ouvriers
bonnetiers nomment vulgairement fil d'ej-
tûine , d'où les bas de ce fil ont pris le nom
de bas d'efiam.
On appelle 5flj d'ejlame , gants d'ejlame,
&:c. ceux de ces ouvrages qui ont été fabri-
qués avec cette qualité de fil , po'^r les dii-
tinguer des ouvrages de bonneterie drapée ,
qui font faits de fil de trame , qui elt plus
lâchement filé que celui A'ejiam. Foye^ Fil
fi-EsTAME, &c. ( + )
ESTAlN , {Géog. mod. ) ville du duché de
Bar , en France. Long. z^. î8. lût. 49.1s-
EsTAiNs , f m. pi. ou Cornières,
( Marine. ) font deux pièces de bois qui
par leur courbure , forment une efpece
de doucine ; elle prend fa naillancc fur
l'étam.bo: , à l'él'fvaiion des façons de l'ar-
riére , & va aboutir aux extrémités de la
liffe de hourdi. l^oye^ Marine , Planche
IV.fig.i.n°.tz.
Les ejlains font unis à l'étambot & aux
extrémités de la liffe de hourdi par des
entailles & de grands clous chaiCs par
dehors , & comme ils font par leur réunion
une varanf;ue fort aculée par une portion
des genoux du couple extrême de l'arriére ,
ku{ dimenijou elt parallèle à celle des au-
EST
très varangues. Par exemple , dans un vaif-
feau de 17e pies de lon^ fur 48 pvs Be lar-
ge , X'ejiain a d'epailleur iur le droit un pié
deux pouces iix iij;!. es ; largeur fur le tour
au pie , un pic tro:s pouces : la'gcur (ur le
tcurau b(.'Ut n'en-haut , un p.c un pouce.
Dans des vailleiux de i 5 i pies de long
fur 4c de large , Vtjl^în aura d'cpailleur fur
le dro!t I ) pouces cmq l'j'.nes de largeur ;
furie tour au pié, lopoeces huit lignes
de iaigeur ; fur le tour au bout d'en-haut ,
Ç:\ p es 10 lignes; &c ainl: à proporrion de
la force du vailleau.
ESTAiRE , ( C^éog. mod. ) ville des Pays-
bas ; L lie cft fituée iur la Lis.
ESTALAGES , (. m. pi. ( Forges.) par-
tie du fourneau des grolîes forges. I^oy. l'ar-
ticle Groses Forgis.
ES"iAMBOT , j'oye^ Etambot.
ENTAME , f. f. '', Comm. ) Le fil à'eflame
qui s'apf elle aulil fild'ejfcim , ell un fil àa
laine , plus tors qu'à l'ordinaire, qu'on em-
ploie à fabriquer des bas , des bonnets , des
gants , foit au tricot , foit au métier. Les
gants , les bis , les bonnets, &c. faits de fil,
s'apptWcnz giir.cs iî'cjlame , bas d'eflame.
ESTAMES , f. m. ( Comm. ) petites étof-
fes de laine qui fe fabriquent à Châlons-fur-
Marne. Leur largeur rloit être fur le métier
d'une aune fept huitièmes, & de trois quarts
& demi , au retour du foulon.
ESTAMOY , f m. Les Vitriers appel-
lent ainfi un ais fur lequel cft attachée une
plaque de fer , où l'on fait fondre la loudure
&c la poix-réfine.
ESTAMPE , f f. ( Gravure.^ On appelle
ejlampi , une empreinte de traits qui ont
été creufés dans une matière folide. Pour
parvenir à m'expliqucr plus clairement , je
vais remontera la gravure , comme à la caufè
dont Vejiampe eft l'effet ; &c j'emploierai dans
cette explication les fecours généraux qui
m'ont été fournis par M. Mariette. Cet illuf-
tre amateur travaille à l'hiftoirc de la gravu-
re , & à celle des fameux artiftes qui ont
gravé. Cet ouvrage , dont on peut juger
d'avance par les connoiin-inces de l'auteur ,
nous fournira fans doute des matériaux pour
enrichir un fécond article que nous donne-
rons iiu mot Gravure , comme un lup-
plément néceffaire à celui-ci.
Pour produire luie cfjmpe, on creufe des
EST
traits fur une matière folide ; on remplit ces
traits d'une couleur affez liquide pour fe
tranfmettre à une fubllance (ouple & hu-
mide , telle que le papier , la foie , le
vélin , ft"c. On applique cette fubftance fur
les traits creufés , & remplis d'une couleur
détremp(^e. On prefle , au moyen d'une ma-
chine , la fubftance qui doit recevoir l'em-
preinte , contre le corps folide qui doit la
donn.er ; on les féparc cnfuite , &c le papier,
la foie ou le vélin , dépoiitaires des traits
qui viennent de s'y imprimer , prennent
alors le nom à'efiampe.
Cette manœuvre ( dont j'ai fupprimé les
détails , pour les réferver aux places qui
leur font deftinées , telles que les articles
Impression , Gravure , hc. ) fuffit pour
faire entendte d'une manière générale ce
que fignifie le mot ejinmpe ; mais comme il
y a pluheurs fortes à'ej'ampcs , &c que l'art
de les produire , par une furgidarité très-
remarquable , eft moderne , tandis que la
gravure a une origine li ancieime qu'on ne
peut la fixer , je vais entrer dans quelques
détails.
On ne peut douter de l'ancienneté de la
gravure , puifque , fins parler d'une infinité
de citations & de preuves de toutes efpeces,
les ouvrages des Egyptiens , qui exiitent
encore , fur- tout leurs obélifqucs , ornés de
figures hyéroglifiques gravées , font des
preuves inconteftables que cet art étoit en
ulagc chez un des peuples les plus anciens
qui nous (oient connus. Il eft même vrai-
femblable que pour fixer l'origine de cet
art , il faudroit remonter à l'époque où les
premiers hommes ont cherché les moyens
de fe faire entendre les uns aux autres fans
le fecours des fons de la voix. La première
efpece d'écriture a été fans doute un choix
de figures & de traits marqués & enfoncés
fur une matière dure , qui put , en réliftant
aux nijuresde l'air , tranfmettre leur ligni-
fication , &C fi cette conjecture eil plauil-
ble , de quelle ancienneté ne peut pas fe
glorifier l'art de graver ? Cependant Pun
de les etFcts ( le plus limple , & en mcme
temps le plus précieux ) , l'art de multiplier
à l'infini par des empreintes , les traits
qu'il fait former , ne prend nai fiance que
vers le milieu du quinzième liecle. Les Ita-
liens difenc que ce fut un orfèvre de Flo-
E S T
85
rence , nom.mé Mnfo ou Thomas Finiguerroy
qui fit cette découverte. Les Allemands
prétendent au contraire que la petite ville
de Bockholt dans l'évêché de Munller , a
été le berceau de l'art des cftampes : ils nom-
ment celui à qui l'on doit l'honneur de cette
découverte ; ce fut , à ce qu'ils affurent ,
un limple berger appelé François, i e qui
paroît certain , c'eli. que de quelque coté
qu'elle foit venue , elle fut uniquement
l'effet du hafard. Mais fi l'induftrie des
hommes fe voit ainh humiliée par l'origine
de la plus grande jiartie de fes plus fingu-
licres inventions , elle peut s'enorgueillir
par la perfection rapide à laquelle elle con-
duit en peu de temps les moyens nouveaux
donc le hafard l'enrichit.
Un orfèvre ou un berj^er s'apperçoit que
quelques traits creufés lont reproduits iur
urie furface qui les a touchés , il ne faut
pas trois liecles pour que toutes les con-
noilfances humaines s'enrichift^nt par le
moyen des cjîampes. Ce court efpace de
temps fuffit pour que chacun des hommes
qui s'occupent de fciences & d'arts , puif-
fen: jouir à très- peu de frais de tout ce qui
a exifté de plus précieux avant lui dans le
genre qu'il cultive. Eîifin c'en eft affez pour
que d'avance on prépare à ceux qui nous
fuivront unamas prefqu'intariffible de vé-
rités , d'inventions , de formes , de moyens
qui éternifèront nos iciences , nos arts , SiC
qui nous donneront un avantage réel fur
les anciens.
En effet , comme on ne peut pas douter
que des routes par lefquellcs les idées par-
viennent à notre conception , ccWe. de la
vue ne foit la plus courte , paifqu'il eft
certain que les explications les plus claires
parviennent plus lentement à notre efpric
que la figure des chofes décrites i combien
ferions-nous plus inftruics fur les miracles
de l'antiquité, fi à leurs ouvrage', ilsavoienc
pu joindre des cartes géographiques , les
plans de leurs monumcns , la repréfenta-
tion des pièces détaillées de leurs machines,
enfin des portraits & les images des faits les
plus hn[',uliers ? Cependant il eft néceftaire,
comme on le fent aifément , que les fecours
que l'on tire des ejîampes pour ces diflférens
ob,e:s , foient fonilés fur la peifedliou de
86 E S T _
leur travail ; ce qui les loumet a. l'art de la
peinture donc elles font partie.
Vcfiampe peut donc auflTi Te définir une
efpece de peinture , dans laquelle première-
ment on a fixé par des lignes le contour
des obiers ; & fecondement l'effet que pro-
duifent fur ces objets les jours & les oni-
bres qu'y répand !a lumière. Le noir & le
blanc font les moyens les plus ordinaires
dont on fe fert -, encore le blanc n'eft-d
que négativement employé , puilque c'eft
celui du papier qu'on a foin de réfcrver
pour tenir lieu de l'effet de la lumière fur les
corps.
Cette lumière dans la nature frappe plus
ou moins les furfaces , en raifon de leiir
éioignement du point dont elle part & fe
répand.
Il réfulte de-là que les furfaces les plus
éclairées font indiquées fur Vejinmpe par le
blanc pur : celles qui font moins lumineufcs,
y font repréfentces foiblement obfcurcies
par q lelques traits légers; & ces traits,
qu'on appelle tailks , deviennent plus noirs ,
plus prcliés ou redoublés, à mefure que
l'objet doit pnroître plus enveloppé d'om-
bre , & plus privé de lumière. On fentira
aifcment par cette explication , que cette
Iiarmonie qui réfuke de la lumière & de fa
privation ( effet qu'en terme de peinture on
appelle clair.ohfsur) , & la jufteffe des for-
mes , font les principes de la perfedion des
ejlawpcs , & du plaifir qu'elles caufent. L'on
croira aifément aulTi que les deux couleurs
auxquelles elles font bornées , les privent de
l'avantage précieux & du fecours brillant
que la peinture tire de l'éclat & de la divcr-
fité du coloris ; cependant l'art des e/fampes,
en fe perfeélionnant , a fait des efforts pour
vaincre cet obftacle , qui parcît infurmon-
table. L'adreffe & l'intelligence des habiles
artiltes ont produit des efpeces de miracles ,
qui les ont fait franchir les bornes de leur
art.
En effet , les excellens graveurs qu ont
employés Rubens , Vandeyck & Jordans ,
fe font diftingués par leurs efforts dans cette
partie. Si rimpoiriblllté abfolue les a empê-
chés de préfentcr la couleur locale de cha-
que objet , ils font parvenus du rnoins , par
des travaux variés , &c analogues à ce qu'ds
't'ouloien: repréfentcr , à faire recounoitre
EST
I la nature de la fubflance des différens corps.
Les chairs repréfentées dans leurs ouvrages,
font naître l'idée de la peau , des pores , &
de ce duvet fin dont l'épiderme ell couvert.
La nature des étoffes fe diftingue dans leurs
eflampes ; on y démêle non - feulement la
foie d'avec la laine , mais encore dans les
ouvrages où la foie eft employée , on re-
connoît le velours , le fatin , le tafetas.
IRepréfenrent-ilsuncicl i leurs travaux en
imitent la l'^géreté , les eaux font tranfpa-
rentes. Lnfin il ne faut que s'arrêter fur
les belles ejlampes de ces graveurs , & fur
celles de Corneille Vifcher , d'Antoine
Maffon , des Nanteuils , des Brevets , &:
de tant d'autres , pour avouer que l'arc
des eftampes a été porté à la plus grande
perfeftion.
Pour approfondir davantage cet art , il
faudroit en décompofer les moyens , dé-
crire les outils , divifer les efpeces de pro-
duftions. Cette divifion s'étendroit& dans
l'exécution méchanique dépendante des
matières qu'on emploie , & dans les genres
de gravure , qui font les routes ditîérentes
qu'on peut prendre dans une exécution rai-
fonnée & fentie. Mais il me femble que cjs
choies appartiennent plus dire élément à la
caufe qu'à l'effet ; ainfi nous dirons à \'ar~
ticle Gr A VITRE , ce qui pourra donner une
idée plus exacte de ces détails ; fans ou-
blier dans \\mic\e Impression , ce que
l'opération d'imprimer produit de diffé-
. rence fur les ejlampes , pour leur plus ou
moins grande perfeébion.^
J'ajouterai à cette occalîon que Vefiampe
regardée comme le produit de l'imprelLion,
s'appelle épreuve : ainfi l'on dit d'une ejfampe
mal imprimée , c'ej? une mauvaife épreuve ;
on le dit auffi d'une ejlampe dont la plan-
che eft ufée , ou devenue impartaite. Arti-
cle de M. Watelet.
* Estampe , ( Gramm.^ ) outil quelque-
fois d'acier , dans lequel'il faut diftingucr
trois parties ; la tête , la poignée , & l'ej'
tampe. L'efiampe eft la partie convexe ou
concave qui donne à la pièce que l'on ef-
tampe la forme qu'elle a ; la poignée eft la
partie du milieu que l'ouvrier tient à fi
main çn efiampant , & la tête eft celle lur
laquelle il frappe pour donner à la pièce
la forme de \'ejîampc.
EST
Estampe Quarrhe , outil d'Arquehu-
fier ; c'cft un moiceau de fer exaftcmenr
quarrc , lur leijucl on plie un morceau de
fer plat , auquel on praiiqiie des cotes quar-
rcs. Pour ci*- effet on po!e Vvjlr.mpe fur l'en-
clume ; on met une plaqnc de fer rouge
d-llus , Hc l'on frappe avec un marteau à
main , jufqu'i ce que la plaque de fer fbit
pliée en deux.
Estampe , en terme d' Eperonnier , efl un
poinçon de ter qui a quelque groficur , donc
l'extrémité arrondie fcrc à ambciutir les
fbnceaux ou autres pièces fur l'aboutllfoir.
f^oyei Fonce AUX , Amboutir , Am-
BOUTISSOIR.
Estampe , outil d'Horloger ; c'eiV en gé-
néral un morceau d'acier trempé tk revenu ,
couleur de paille , auquel on donne ditié-
rentcs figures , lelcn les pièces que l'on
veut efampcr. Tantôt on le fair cilyndri-
que , & on lui donne peu d'épaifleur, pour
cpamper des roues de champ ou des roues
de rencontre : tantôt on le fait quarré &
un peu long , pour pouvoir e/lampcr des
trous quarrément : enfin , comme nous
Tr-vons dit, fa figure varie félon les dilVé-
rens ulages auxquels en veut l'employer.
/■ oyeiKouE de champ. Roue de ren-
contre, (r)
Estampe , (Manège, Maréchal/.') inftru-
ment dont les Maréchaux fe fervent pour
percer, c'eft-àdire, pour ejlampir les fers
qu'ils forgent, ik qu'ils fe propoiént d'at-
tacher aux pies des chevaux. Cet inftru-
r.ient n'eft autre chofe qu'un morceau de
fer quarré d'environ un pouce & demi , &
d'un demi-pié de longueur , forcement
acéré par le bout , lequel eft formé en py-
ramide quarrée, tronquée d'un tiers , ayant
pour baie la moitié de la longueur qui lui
reftc. On doit en acérer la tête, non- feu-
lement pouratTurer la dur.-e de cet outil, mais
encore pour mettre à profit toute la percuf-
fion du marteau. Quand la tête n'cft point
acérée , une partie du coup fe perden l'éca-
chant , Se Vejîampure en eft moins franche.
Communément au tiers inférieur de fa lon-
gueur elt un œil dans lequel eil: engagé un
rannche dont s'arme la main gauche du ma-
réchal qui doit eftamper , tandis que de l'au-
tre il eO; occupé à frapper far Vcflampe avec
lefcvretier. Foyei Forcer, (c)
EST 87
Estampe, en terme d'Orfèvre en grojfcrie ^
eft encore une plaque de fer gravée en creux
de quarrés continus , fur laquelle on frappe la
feuille d'argent donc on veut couvrir le bâton
d'une crolîe, ùc. On appelle cet outil ;io/V;-
çou à feuilles , plus ordinairement qu'f/^
lampe.
Estampe , en terme de Raffîncur de
fucre , n'cft autre chofe qu'une poignée de
fucre qu'on maftique dans le fond d'une
forme à vergeoife. -V. Vergeoise & Es-
TAJiPER.
Estampé , Broqueite ejlampée , terme de
Clouiier ; c'eft la plus forte de toutes les bro-
qucttes : il y en a de deux fortes ; la pre-
mière, qui pelé deux livres le millier ; Hc l'au-
tre , qui va de deux livres & demie à trois
livres le iTjillier. / ojc^Broquette.
Ces fortes ne broquettes ont la têcc héniif^
phérique : on fait ces têtes avec une ejlampe:
qui e!t au poinçon , qui , au lieu d'être aigu,
a une cavité de la forme & grandeur que l'on
veut donner aux lêces.
ESTAMPER, verb. aél. VoyerJ article
Estampe.
Estamper , ter. de Chapelier ; c'cft padtr
fur les bords des chapeaux l'outil qu'on ap-
pelle f/'ece, ahn d'en ocer les plis, & en faire
en même temps lortir tout ce qui pourroic
y être rtfté d'eau. Cette opération fe fait
fur la lOuloire , dans le moment que le cha-
peau vient d'être drellé & enformé. yoye^
Pièce £■ Chapeau.
Estamper, en terme d'Eperonnier ; c'eft
donner de la profondeiu- à un morceau de
fer plat dont on veut faire im fonceau. Ou
le met fur un cercle auiïi de fer , dont les
bords de deffus tombent toujours en le retté-
ciffant vers ceux de dellous ; is: par le moyen
d'un fer arrondi par le bout , on l'amboutic
fur cette tftampe.
Estamper , e/z Horlogerie y fipiifie don-
ner la figure requifc à une piice ù à un trou ,
par le moyen d'une ejlampe. On appelle ej}am~
per un trou quarrément , y faire entrera coups
de marteau une eftampe quarrée. On die
cncoxcepamper unerouede champ , pour ligni-
fier l'adion par laquelle on lui-donne la for-
me qu'elle doit avoir avec une eftampe, V.
ESTA.'.ÎPE. (r)
■*" Estamper un fer, ( Manège , Mari-'
ch^ll, ) c'eil y percer & y pratiquer tuiic
88
EST
trous, quatre de ciiaque coté, à l'effet de |
fournir un palTage aux lames qui doivent
ctrc brochées dans les parois du Hibot , &c
qui font deftinées à maintenir & à fixer
d'une manière inébranlable le fer fous le pié
de l'animal. Pour cet effet le maréchal rcpûfe
le fer chaud fur la bigorne ; il place l'el-
rampe , & en préfenre la pointe fur les
endroits de ce fer qu'il doit percer ; il frappe
enfuite de façon que cette pointe b'in(niue ,
& occaiionne une élévation en delà des
trous qu'il a commencés, & qu'il achevé en
retournant le fer qu'il tient avec des tenail-
les , & en frappant de nouveau lur toutes
les bofies auxquelles fes premiers coups ont
donné lieu. Alors l'eftampure eit prête à
recevoir la lame ; ou fi elle n'efl: pas nette ,
51 la pcrftionne par le fecours d'un poinçon.
V. Forger.
Eflamper gras , c'eft percer les trous très-
près du rebord intérieur du fer.
EJtampcr m.iigre, c'eft le pratiquer près du
rebord extérieur.
Quelqu'elTentielles que foicnt ces diffé-
rences dans la pratique , les Maréchaux ne
font pas fort attentifs fur les'cas où il feroit
néceflkire de les obferver. V. Ferrure ,
Ferrer, (e)
Estamper , en terme d'Orfèvre en groffe-
ric ; c'eft faire le cuilleron d'une cuiller,
par le moyen d'une eftampe qu'on frappe à
coups de marteau dans la cuiller , iur un
plomb qui reçoit ainfi qu'elle l'empreintç de
j'eftampe. V. Estampe.
Estamper , en terme d'Orfèvre en ta-
batière , c'eft former les contours d'une
boite en l'amboutiilant fur des mandrins,
dans un creux de plomb fur lequel on a im-
primé la forme du mandrin qui y eft ren-
fermé ; & à grands coups de marteau qu'on
frappe fur l'eftampe , la matière prellée
entre le plomb & le mandrin , prend la
forme de celui-ci. Voy. Estampe & Man-
DRIN.
Estamper , en terme de Potier , c'eft
l'adlion d'imprimer dans un creux telle ou
telle partie d'une pièce. V. Creux.
Estamper , en terme de Rafjineur , eft
l'aélion de maftiquer une poignée de fucre
dans le fond d'une bâtarde , où l'on veut
jfter de la vcrgeoile ( royeij^ Vergeoise ) ;
ce fiiçiey forrne par-là une cfpece de croûte
EST
capable de foutenir l'eft'et de la matière. Si
la matière avoir allez de corps , on n'ejlam-
ferait point la forme,
ESTAMPES, ( Géog. modj \'Ak de la
Pcauce en France ; elle eft lîtuée fur la
Suine. Long. ig. 45. lat. 48. Z4..
ESTAMPEUR , C. m. en terme de Raffï-
neur , eft une forte de pilon de bois, lur-
monté d'un manche d'environ deux pies &C
demi. On s'en fort pour eftamper les for-
mes où l'on veut faire des vergeoifes. V^oye^^
Vergeoise £■ Estamper.
ESTAMPOIR des anches ( Lutherie. )
outil dont les Faéleurs d'orgue fe fervent
pour ployer les lames de cuivre dont les
anches font faites. C'eft un morceau de fer
fondu , dans lequel font pluheurs gravures
de formes hémicylindriqiies de diftérentes
grandeurs , dont on fait prendre la forme
aux Inmes de cuivre recuit, en les frappant
dedans avec une cheville de fer ou un
mandrin , qui n'eft arrondi que d'un coté.
On commence par pofer la plaque de cui-
vre fur Vejfamfoir; dcffus on pofe le man-
drin , fur lequel on happe avec un mar-
teau , pour faire enfoncer le cuivre dans le
moule &c en former une anche ; on revient
enfuire à la pièce , qui n'eft que dégroifie ,
avec le mandrin , enypaflant la cheville,
qui achevé de lui donner la rondeur qu'elle
doit avoir. Les entailles de Vejlampoir doi-
vent fuivre la proportion du diapaion.
ESTAMPURE , f. f. ( Manège, Maré-
chall.) terme par lequel nous défignons en
général tous les trous percés dans un fer de
cheval. Une efampure grade , une cjlampure
maigre. /-'. Estamper, (e)-
ESTANCES , ( Marine. ) ce font des
pièces de bois ou piliers pofés verticale-
ment tout le long dci hiloires . Se qui iou-
tienncnt les barrotins ; ils ont de longueur
toute la hauteur qui fe trouve entre deux
ponts. V. pi. jr.de Marine , fig. l.n°.^g.
t fiances du fond de cale , ri", tio. eflances
d'entre deux ponts , n°. i^S- cjianccs des
gaillards,
EJiance à taquets , c'eft Vejlance du fond
de ca\c , figure ci-deffus n°. 3g. qui eft en-
taillée à crans pour fervir d'échelle , avec
une corde à coté qu'on nomme tirevicille.
ESTANG , ( Gcog. mod.) petite ville du
bas Armagnac , en France.
ESTANGUES ,
EST
E'îTANGUES , terme de Monnoygars ',
efpLce de grandes tenailles , à l'ulage de
ces ouvriers.
FSTANT , participe préfenc, { Junfp.)
du latin ejians , terme d'Eaux &• Forêts , qui
fc dit en parlant des bois qui font debout &z
iur pié ; on les appelle bois en cftant : l'or-
donnance de 1669 , tit. xvij. arc. v. défend
au garde- marteau de marquer, & aux offi-
ciers de ven.lre aucuns arbres , en eftant ,
fous prétexte qu'ils auroicnt été fourches
ou ébranchés p.ir la chute des chablis, mais
veut qu'ils foientconfers'és à peine d'amende
arbitraire. {A)
ESTAPLES , ( Gcog. mod. ) ville du Bou-
lonnois , dans la Picardie, en France : elle
eft ikuée à l'embouchure de la Canches.
Long, ig. i8' . iG'. lat. £0. ^o. 44'.
ESTA PO , ( Géog. mod'.) ville de la nou-
velle Efpagne , dans l'Amérique ; elle tll-
fituée à l'emboucliure du Tialuc, Long. zj^.
40, lat. 17. 50.
ESTARKE , ( Géog. mod. ) ville du Far-
fiftan , en Perie.
* ESTASES , C f. pnrtie du métier d'étojfc
de foie. Les efiafes font deux pièces de bois
de même longueur iS: grolleur •■, elles ont
ordinairement trois aunes \ de long iur 6 à
7 pouces en quarré ; elles icrvent à fixer les
quatre pies du métier.
ESTATEUR , f^ m. ( Commerce. ) on
nomme ainfi un cciïionnaire , c'clt-à-d're ,
un nci;Ocianr qui ayant mal fait fes affaires,
fait cefTlon en juftice de tous fes biens à fes
créanciers.
Quelques-uns croient que ce nom vient
du lacin^jre , (e tenir debout , parce que
le celTionnaire doit préfcnter debout & tête
découverte fes lettres de bénéfice de ceilion.
D'autres penfent qu'd elt dérivé du verbe
ijîer , ancien terme de Jurifprudence , qui
(ignifioit comparoitre perjbnnellement en
jujiice. Diclionn. de Comm. l^oye\_ l'article
Estant.
ESTAVAYER , ( Gc<og. mod. ) ville du
canton de Fribourg , en Suiflè ; elle eft
lituce fur le bord oriental du lac de Neuf-
châtel. Long. Z4. ^0. lut. d&. 46.
ESTA VILLON , terme de Gantier , c'eft
un morceau de cuir taillé & difpo(e pour
ï^ire un gant.
ESTE , ( Géog. mod. ) petiîe ville du
Tome XIII,
EST 89
Padoiian , dans l'état de Venife , en Iralie,
Long. 2.^. i£. lat. 4£. i£.
^ ESTELIN on ESTERLIN , f. m. poids
d'orfèvre qui pefe vingt-huit grains & demi ;
c'eft la vingtième paitic d'une once. L»
marc contient 1 60 ejîelins ou eftcrlins.
On a auiïî nommé eflerlin une efpece de
monnoie ancienne , à caufe de la figure
d'une étoile qui y étoit empreinte.
ESTELLA ou L'ETOILE, {Géog. mod.)
petite ville du royaume de Navarre , en
Efpagne ; elle eft fituéc fur l'Ega, Long, i^
50. lat. 4Z. 55.
ESTE P A ,_( Géog. mod ) ville de l'Anda-
loufie , en Elpagne ; elle eft fituée fur une
montagne. Long. î^.%£, la', ^-j. lo.
ESTER EN JUGEMENT , ( Jurijpr. )
ngnifie être en caufe, in fiance ou proc^.< avec
quelqu'un devant un juge , foit en deman-
dant ou défendant , fîare in judicio,
U y a des perfbnnes qui ne font pas capa-
bles d'e/lcr en jugement , n'ayant point ce
que l'on appelle en droit pcrfonam flandi in
judicio , c'eft-à-dire , la faculté de plaider
en leur nom.
Tels font tous ceux qui ne font pas capa-
bles des effets civils , comme les morts civi-
lement , du nombre delquels font les reli-
gieux qui ont fait profeffion ; néanmoins en
matière criminelle ces derniers font obligés
de répondre lorfqu'ils font affignés pourdé-
pofer dans une information.
Les mineurs, même émancipés, ne peu-
vent ejler en jugement fans être allîftcs de
leur tuteur ou curateur ; il en eft de même
des interdits.
Les fils de famille , même majeurs , ne
peuvent^ pas non plus e/Ier en jugement fans
l'autorilation de leur père ou aïeul en la
puilTancc duquel ils font.
Les femmes en puilfancc de mari ne peu-
vent aulIî ejler en jugement fans l'aflîftance
& l'autorifation de leurs maris , à moins
qu'elles ne foient aucorifées par juftice au
refus de leurs maris.
EsTFR A DROIT , fc dit en matière cri-
minelle , d'un acculé qui eft admis en juf-
tice à l'effet de répondre aux faits qu'on lui
impute , & de recevoir un jugement. Un
accule condamné par contumace , qui a
laillé palfer cinq ans fans fe repréfenter , ne
peutplus ey?er à ^ro?V, c'eft-à-dire, qu'il n'eft
M
^o EST
plus écouté , à moin qu'il n'ait obtenu à cet |
effet des lettres du prince , qu'on appelle
lettres pour ejier à droit. Voyez le turc xvj. de
l'ordonnance de t6jO, {A)
ESTERRE , ( Mcruie. ) on fe fert^ de ce
terme dans plufieurs endroitsde l'Amérique,
pour déllgner un petit port ou un endroit
dans lequel la mer s'enfonçant dans les ter-
res , les petits bâtimens peuvent aborder &
fe mettre à l'abri.
ESTEVAN DE GORMAS ( Sant ) ,
CGécgr. mod. ) ville delà vieille CalliUe, en
Eipagne: elle eft iituée fur une hauteur pro-
che du Duero.
ESTHER , ( Théolog. ) livre de l'ancien
teftament , qui tire fon nom de celui d'une
iîlle juive célèbre , captive en Peife, que
fa beauté éleva jufqu'à la qualité d'époufe
d'Afluerus, Si au trône de Perfe , & qui en
cette qualité délivra les juifs fes compatrio-
tes d'une profcription générale , dans laquel-
le , Aman miniftrc& favori d'Airuerusvou-
loit les envelopper. L'hiftoire de cet événe-
ment fait le fujet du livre à'Efiher.
Les critiques font partages lur l'auteur du
livre à'Ejiher. Saint Auguflm, S. Epiphane,
& faint liîdore l'attribuent à E(dras , mais
Eutebe le croit encore plus récent. Quel-
ques uns le donnent à Joachim grand-
pràre des juifs , & petit-fils de Jofcdech;
d'aiures difeiit que c'eft l'ouvrage de la
fy-iagogue , à laquelle Mordechaï ou Mar-
dochée écrivoit des lettres pour l'mftruire
de tous les événeniens contenus dans ce
livre.
Mais la plupart des interprètes hébreux ,
grecs , latins , (rC. l'attribuent à Mardochée
lui-nK me. Elias lévite, danskn majs-kamum,
prsef. 9 , parle de ce fentiment comme in-
contellable. lleft fondé fur-tout fur le f.zo
du ch.jx. du livre à'Ejiher, où il eft dit que
Mardochée écrit ces chofes , £■ envoie les lettres
il tous les juifs qui font dijperfés dans toutes les
provinces. Sec. On fuppofe auiïi que la reine
Mfiher y eut quelque part , comme il paroit
par le ^I'. 29 du même chapitre, où cette prin-
ccfle & Mardochée écrivent une Icconde
lettre par ordre d'Affuerus , pour ordonner
«ie folemnifer tous les ans la fête appcUée;»i;-
rim , c'eft-à-dire , \i£ jour des forts , en mé-
rioire de ce que les juifs avoient été délivrés
des forts qu'Aman avoit confulccs pour fa-
E S T
voir quel jour devoit être fatal à la nation
juive Se l'exterminer.
On croit que le livre d'E/?^er a d'abord
été compofé en hébreu , puis amplifié pat
quelque juif hellénilte , dont les additions
ont été inférées en leur place dans la vetliou
grecque , & miles par S. Jérôme toutes en-
lemble à la fin du livre depuis le 14 verlet
du chapitre x. Origene a cependant conjec-
turé que toutes ces pièces avoient été autre-
fois dans le texte hébreu ; quoi qu'il en foit,
le livre d'Eflher étoit compris dans le canon
des ancien juifs. Il n'eft cependant point
dans quelques anciens canons des chrétiens,
mais il fe trouve dans le concile de Laodi-
cée & dans pluheuts autres. Saint Jérôme a
rejeté hors du canon des livres facrés les fix
derniers chapitres ; & plulieurs auteuisca-
thohqucs , jufqu'à Sixte de bienne , ont été
de ce fentiment; mais le concile de Trente
a reconnu le livre entier pour canonique.
Les proteftans font de l'opinion contraire ,
& n'admettent ce livre que julqu'au troi-
fieme verfet du chapitre x. Le refte jufqu'à
la fin du chapitre xvj , eft mis chez eux au
nombre des livres apocryphes, l^oyc:^ Apo-
cryphe, (g)
ESTHETIQUE, (Beaux- Arts , ) ter-
me nouveau , inventé pour défigner une
fcience qui n'a été réduite en forme que
depuis peu d'années. C'eft la philofophie
des beaux- arts , ou la fcience de déduire
de la nature du goût la théorie générale ,
& les règles fondamentales des beiux-arts.
Ce mot eft pris du term.e grec aiç6nTii , qui
fignifie le fentiment. Ainfi Vejikétique eft
propiemenr la fcience des fent^mens. Le
grand but des beaux-arts eft d'exciter un
vif fentiment du vrai & du bon ( yoye[
Beaux- Arts. ) Il fiutdonc que leur théo-
rie foit fondée fur celle des iéntimcns , &
des notions confufes que nous acquérons à
l'aide des fcns.
Ariftote s'étoit déjà appcrçu que chaque
art a précédé fa théorie. On peut dire en-
core que les règles particulières font con-
nues avant que l'on ait remonté aux prin-
cipes généraux d'où elles découlent. Divers
ouvrages, produdions de quelques heureux
génies , avoient plu , avant qu'on s'avilat
de rechercher d'où ce plaifir venoit. Arif-
tote fut un des premiers qui ctabUt des.
EST
teg'es fur la com parai fon des exemples par-
ticuliers ; mais ni la poétique, ni fii rhécori-
que, ne peuvent être coniidéices comme
des théories conplectes de ces deux arts.
Ce pliilofophe avoic ob(crvé avec beau-
coup de foin , dans les poètes & dans les
orateurs grecs de fon iîeclc Se des liecles
antérieurs, les traits qui avoient été généra-
lement applaudis , & il en fit des règles.
Il s'arrêta au fentiment apperçu , fins fe don-
aier la peine de remonter à la caufe qui
l'avoit fait naître , & il n'examina point
fî les poètes & les orateurs avoient ac-
tuellement cpuifé toutes les relîôurces de
icurarr.
Les critiques qui fuccéderent à ce pliilo-
fophe grec (uivirent la route qu'il leur avoit
tracée. Ils firent de nouvelles oblervations ,
ils augmentèrent !e nombre des règles ; mais
ils ne découvrirent point de nouveaux prin-
cipes. M. du Bos ett , fi )e ne me trompe, le
premier d'entre les modernes qui ait entre-
pris de déduire d'un principe général la théo-
rie des beaux-arts, & d'en démontrer les rè-
gles. Dans le beau traité qu'il a publié , fous
le titre de Réflexions Jhr lapcéfieùjur la pein-
ture , ce célèbre auteur pofe pour fonde-
ment de fa théorie , le befoin que tout
homme éprouve dans certaines circonitan-
ces d'occuper f jn efprit , & de donner de
Taclivité à fcs fens. Niais il s'eft contenté
d'établir fur ce principe quelques règles
générales , ik il s'elt borné dans tout le relie
à la méthode empirique qu'on avoit (uivie
avant lui. Cela n'empêche pas que Ion ou-
vrage ne foit rempli de très-bonnes règles
& d'excellentes remarques.
Feu M. Oaumgarten , profelleurà Franc-
fort-fur-l'Oder , cft le premier qui ait ha-
lardé de créer fur des principes philolo-
phiques la Icience générale des beaux-arts ,
à laquelle il a donné le nom à'tji'tétique.
Il poie pour bafe la doctrine de M. WolfF
fur l'origine des lèntimens agréables , que
ce philolophe plaçoit dans une perception
confufe de la perfeilion. Dans la partie
théorique, la feule que M. Baumgarten ait
mife au jour , il traite avec beaucoup de la-
gacité toute la théorie du beau ou du par-
fait fer.fible ; il le confiiere dans tous (es
divers genres , & montre en même temps
quels fjnc les genres du laid , qui lui font t
EST
9î
oppofc's. Il eft fâcheux qu'une connoiffince
trop bornée des arts ne lui ait pas peiir.is
d'étendre fa théorie au-delà de la poéfie ôc
de l'éloquence.
Il faut dont ranger Vejlhétique au nombre
des fciences philotophiqucs qui font encore
très-imparfiiites ; il n'en eft que plus im-
portant à développer ici le plan généra! de
cette nouvelle Icience & d'en indiquer les
parties de détail.
*Le premier pas étoit de fixer le but ic
l'elTcnce des beaux-arts ( l''oye[ Beaux-
Arts ) ; enfuite , après s'être convaincu
que ce but principal eft de s'affurcr l'tm-
pire fur les cœurs à l'aide des ienfations
agréables & défagréables , il falloir remon-
ter à l'origine du fentiment , déduire ce
qui en conllitue l'agrément , de la nature
de l'ame ; ou s'en rapporter aux philofophes
qui en ont traité.
Cela fait, il falloir indiquer les diverfes
clalTes d'objets agréables & défagréables,
& déterminer les effets qu'ils produifenc
fur le cœur, c'eft-à-dire, rechercher en quoi
confille le beau fenfible, & l'énergie.
Enfin il falloir traiter fous autant d'ar-
ticles particuliers routes les diverfes efpe-
ces du beau & du laid , en delcendant juf-
qu'aiix plus petites iubdivifions , aulîî loii\
que la théorie combinée avec un examen
attentif des ouvrages de goût , pourroit les
découvrir , ou du moins les prellèntir. Tous
ces objets rallemblés formeroient la partie
théorique de la philofbphie des beaux-arts.
Dans la partie pratique , il refte à in-
diquer les divers genres des beaux-arts , en
fixant l'étendue S: le caraftere particulier de
chaque genre , comme de la poélic , de l'élo-
quence, delamufique, de la peinture, &c. Il
faut en même temps caradlérifcr le tour de
génie , le goût naturel & acquis que chaque
art en particulier exige de la part de l'ar-
tifte , & faire connoître quels font les prin-
cipaux moyens de réuflir dans les arts , le
génie , l'imagination, l'invention , le goût,
l'enthoufiafiie , fi'c.
Chaque clalfe des beaux-arts produit di-
verfes efpeces d'ouvrages qui Çc diftinguent
entr'elles par leur nature propre & par un
but plus précifément déterminé. Il faut
donc encore caraftérifer iépaiément cha-
que efpece particulière. Ainli en poélie.
92 EST
par exemple , on a à traiter du poëme épi-
que , du lyrique, du didadique, du dra-
marique , &c. En peinture on a à diftinguer
les fujets hidoriques , allégoriques , mo-
r?!ix , &c. & l'on doit afligner à chaque
cfpece Ton caraâiere d'après des principes
fûrs & bien établis.
De ces fources découlent enfin les règles
qu'on doit fuivrc dans l'exécution des ou-
vrages de l'art : ce font , ou des règles gé-
•gérales qui concernent l'invention , la dif-
pofition , ou l'ordonnance & la tractation
de l'enfemble , ou des règles particulières
for le choix , la proportion , l'harmonie Se
l'ertet déterminé de chaque partie.
Telle ell: l'étendue du champ que Vejlhcti-
qiie doit embraller : cette fcience dirigera
l'artifte dans l'invention , l'ordonnance &c
l'exécution de fon ouvrage ; elle guidera
l'amateur dans fes jugemens , & le mettra
à portée de tirer de la jouillance des pro-
duftions de l'art , toute l'utihté qui en fait
le vrai but : utilité qui ne tend pas à moins
qu'à remplir les vues de la philofophie & de
la morale.
Les principes de YeJIhérique (ont j comme
en toute autre fcience , (impies Se peu nom-
breux. La pfychologie enfeigns l'origine
des îentimens , & explique ce qui les rend
agréables ou déiagréables. La folucion gé-
nérale de ces problêmes, fournit deux ou
trois théorèmes qui font les principes de
X'efihétique ; à l'aide de ces principes on dé-
termine d'un côté la nature des objets ef-
thétiques , Sc de l'autre la loi félon laquelle
ces objets agillent fur l'ame , comme aufii
la difpofition de l'efprit doit être pour re-
cevoir leur imprellion. Tout cela peut être
léduir à un petit nombre de propohtions
pratiques , qui fuffironrà un bon génie , pour
le diriger dans l'exécution des ouvrages de
fijn art.
Il en eft de cette nouvelle fcience com-
me de la logique. Celle-ci n'a que bien peu
de principes , tous très-fimples. Ariftotc
en appliquant ces principes à tous les cas
poflTibles , Ôc en développant tous les écaits
qu'il y avoità éviter , a enrichi la phiioîo-
phie d'une logique très-complette alluré-
ment , mais furchargée d'une quantité ex-
ceiïive de termes techniques & de règles
jauiculiercs. La foule des ghilofogjiïs da
^E S T
fécond ordre qui ont fuccédé à Ariftote,
n'appercut pas ce qu'il y avoit de fimple
dans fa logique , &c n'en prit que la termi-
nologie qui , dès-lors, a tenu la place de la
fcience même.
Pour que Vejfhétique n'éprouve pas le fort
que la logique & la morale ont eu entre les
mamsdes Icolaftiques, pour qu'elle ne dé-
génère pas en un vain étalage de mots , il fera
néceffaire de ramener en chaque occ^fion
les idées abdraitCi aux cas particuliers qui
les ont fait naître , Se hors defquels ces
notions n'ont aucune réalité. Sans cette
précaution tout fyftême d'idées générales
n'eft qu'un édifice bâti en l'air , auquel des
têtes foibles & légères font à leur gré des
additions , des corrections ou des change-
mens aulfi ridicules que les édits renouvelles
d'un habitant des petites maifonsqui fe croi-
roit Icgillateur ou fouverain. ( Cet article e/I
tiré de la Théorie générale des Beaux- Arts de
M. SULZER. )
* ESTIER , fubf. m. terme de pèche ;
canal , achcnal , boucaut. On appelle ainfi,
en. terme de pèche , les petites folfes des
conduits de communication des lacs & des
eaux des marais dans les grandes rivières ou
à la mer.
ESTILLE , f. f. ( Manuf. en laine. ) c'eft
la même choie que métier. Ce terme ell ufué
dans les fayetteries d'Amiens.
ESTIMATEUR , f. m. ( Gram. ) celui
qui eft choih ou nommé pour faire une elti-
mation. V. Estimation.
Les huilTiers font jurés prifeurs , ven-
deurs & ejhmateurs des biens meubles.
ESTIMATIF , ( Jurifprud. ) (e dit de-
ce qui contient l'eftimation de quelque
chofe , comme un procès- verbal ou rap-
port d'experts , un devis ejltmatif d'ouvra-
ges. ( A )
ESTIMATION, (///r//f.) lignifie quel-
quefois la prifée ou évaluation d'une choie ;
quelquelois en entend par le terme à'ejiima-
iwn , la fomme même qui reprélente la va-
leur de la chofe.
Toute ejlimation doit être faite en conf-
cience&en la manière ulitce. Les ej?ima~
lions frauduleufesiS: à vil prix ne font jamais
autorilcts ; cependant on ne fait pis tou-
jours ['ejlimation à julle valeur ; par exemple^
dans les pays. où la ciuedcs meubles a.licu.uB
EST
es eftime à bas prix , parce que cctrc epmn-
tion ou prifée n'cft que préparatoire, & que
l'on fait que les meubles ki ont portés pius
haut à la chaleur des tnchtrcs , ou que ii ou
les prend fuivant Vcpmation , on y ajoutera
la crue.
Dans les licirationsdes immeubles appar-
tenans à <ies mineurs , Vfjiimation doit en
être préalablement faite pir autorité de
juftice, &: le juge ne peut adjuger les biens
au-dellous de Wjiimanoa qui en a été taitc
par les experts.
Il y a des cas où Yejlimation d'une chofe
équivaut à une vente , c'eft-à-dire , qu'on
en eft quitte en rendant {'ejlimation ; c'ell
ainfi que dans quelques parlemens de droit
écrit l'on tient pour maxime que œjlr.naiw
rei dotalis facit vcnditionan , c'eft-à-dire ,
que quand un bien dotal elT: eftimé , le mari
en peut difpofer pourvu qu'il rende Vijiima-
tion. ( A )
ESTIME , f. f . ( Droit natur. ) degré de
confidération que chacun a dans la vie com
mune , en vertu duquel il peut être comparé,
égalé , préféré , t'cr. à d'autres. On diviie
Yejime en ejiime fimple , & en e/iime de dif
nnétion.
L'ejlime fimple eft ainfi nommée , parce
qu'on eft tenu généralement de regarder
pour d'honnêtes gens tous ceux qui , par
leur conduire, ne fe font point rendus indi-
gnes de cette opinion favorable. Iilobbes
penfe différemment fur cet article ; il pré-
tend qu'il faudroit prélumer la méchanceté
deshommesjufqu'à ce qu'ils eulTent prouvé
le contraire. Il eft vrai , fuivant la remar-
que de la Bruyère , qu'il feroit imprudent
de juger des hommes comme d'un tableau
ou d'une figure , fur une première vue ;
il y a un intérieur en eux qu'il faut appro-
fondir : le voile de la modeftie couvre le
mérite, &le mafque de l'hypocrifie cache
la mahgnité. Il n'y a qu'un très-petit nom-
bre de gens qui difcernent , & qui foient
en droit de prononcer défii-iitivement. Ce
n'tft que peu à peu , & forcés même par le
temps Si. les occaHons , que la vertu par-
faite & le vice confommé , viennent à fe
déclarer. Je conviens encore que les hom-
mes peuvent avoir la volonté de fe faire du
mal les uns aux autres ; mais j'en cor.clurois
feiileaienc , qu'en ejîimant gens de bieu cous.
EST 95
ceux qui n'ont point donné_ atteinte à leur
probité , il eft fage &c fenfé de ne pas fc
confier à eux (ans réferve.
Enfin je crois qu'il fuit diftinguer ici
entre le jugement intérieur & les marques
extérieures de ce jugement. Le premier ,
t.Tiit qu'il ne fe manifcfte point au dehors
par des iignes de mépris , ne nuit à- per-
fonne , foie qu'on fe trompe ou qu'on ne
fe trompe point. Le fécond eft légitime ,
lorfque , par des adlions marquées de mé-
chanceté ou d'infamie, on nous a dilptnfes
des égards & des ménagemens. Ainli natu-
rellement chacun doit être réputé homme
de bien , tant qu'il n'a pas prouvé le con-
traire : fbit qu'on prenne cette propofirioii
dans un fens poficif , foit plutôt qu'on l'en-
tende dans un fens négatif, qui fe réduiE
à celui-ci : un tel n'efl pas méchant homme :
puifqu'il y a des-degrcs de véritable probité ,
il s'en trouve aufli pluiîeurs de cette probité
qu'on peut appellcr imparfaite , & qui eft ii
commune.
Le fondement de l'efJime fimple , parmi
ceux qui vivent dans l'état de nature , con-
fifte principalement en ce qu'une perfonne
fe conduit de telle manière , qu'on a lieu de
la croire difpofée à pratiquer envers autrui ,
autant qu'il lui eft polfible , les devoirs de
la loi naturelle.
L'eJIime fimple peut être confidérée dans
l'état de nature , ou comme intacSte , ou
comme ayant reçu quelque atteinte , ou
comme entiércm.ent perdue.
Elle demeure intacle , tant qu'on n'a
point violé envers les autres , de propos
délibéré , les maximes de la loi naturelle
par quclqu'adtion odieufe ou quelque crime
énorme.
Une ailion odieule , par laquelle on viole
envers autrui le droit naturel , porte un fl
grand coup à Vtjîime , qu'il n'eft plus fur dé-
formais de contra éler avec un tel homme
fans de bonnes cautions : je ne fais cepeii'-
dant s'il eft permis de juger des hommes
par une faute qui feroit unique ; & C\ an
befoin extrême , une violente paiTion , un
premier mouvement, rirent à conféquence„
Quoi qu'il en foie , cette tache doit êtrg:
effacée par la réparation du dommage Sc par
oies marques fii:cercs de repentir.
Mais on perd GJîtiértiaent VeJUme Jifn£l6^
54 EST
par une profeffion ou un genre de vie qui
tend direâremenc à infuker tout le monde Se
à s'enrichir par des injuilices manitefccsTels
font les voleurs , les brigands, les corfaiies,
les aflaffins , &c. Cependant li ces fortes de
gens, &c même des ibciétés entières de pi-
rates , renoncent à leur indigne métier ,
réparent de leur mieux les torts qu ils ont
faits , Se viennent à mener une bonne vie ,
ils doivent alors recouvrer ïejhme qu'ils
avoient perdue.
Dans une fociété civile , Vefiime Jîmple
confifte à être réputé membre fain de l'état,
enibrte que , félon les lois & les coutumes
du pays , on tienne rang de citoyen , & que
l'on n'ait pas été déclaré infâme.
Ueflime Jîmple naturelle a aulTi lieu dans
les fociétés civiles où chaque particulier peut
l'exiger , tant qu'il n'a rien fait qui le rende
indigne de la réputation d'homme de pro-
bité. Mais il faut obferver que comme elle
fe confond avec Vejiiim civile , qui n'eft pas
toujours conforme aux idées de Péquiré na-
turelle , on n'en efi: pas moins r^^puté civile-
ment honnête homme , quoiqu'on ^^^[s. des
chofes qui , dans l'indépendance de l'état
«le nature, diminueroient ou dérruiroient
YeJIime Jirnplc , comm.e étant oppcfés à la
julHce : au contraire on peut perdre Vejlimt
civile pour des choies qui ne font mauvaifes
que parce qu'elles fe trouvent défendues par
les lois.
On eft privé de cette efiime civile , ou
fimplement à caufe d'une certaine profef-
ùon qu'on exerce , ou en confcquence de
quelque crime. Toute profeffion dont le but
èc le cara£bere renferment quelque chofe
de déshonnêtc , ou qui du moins paffe pour
tel dans l'efprit des citoyens , prive de \'ef-
time civile : tel eft le métier d'exécuteur de
la haute- juftice , parce qu'on fuppofe qu'il
ji'y a que des âmes de boue qui puilfent le
prendre , quoique ce métier foit néccllaire
flans la fociété.
L'on eft fur-tout privé de X'cJIime civile
par des crimes qui intcrelTent la fociété :
un feul de ces trimes peut faire perdre en-
tièrement Ve/lime civile ; lors , par exem-
ple , que l'on eft noté d'inf.imie pour quel-
que adtion honteufc contraire ;uix lois, ou
Qu'on eft banni ic l'état d'une façon igno-
E S T
minieufe , ou qu'on eft condamné à la mort
avec ilctrillure de fa mémoire.
Remarquons ici que les lois ne peuvent
pas ipccihct toutes les aétions qui donnent
atteinte civilement à la réputation d'hon-
nête homme ; c'eft pour cela qu'autrefois
chez les Romains il y avoir des cenfeurs ,
donc l'emploi conhftoic à s'informer ces
mœurs de chacun , pour noter d'infamie
ceux qu'ils croyolent le mériter.
Au rcfte, il eft certain que VeJIime fimple,
c'eft- à- dire , la réputation d'honnête hom-
me , ne dépend pas de la volonté des fouve-
rains , enforce qu'ils puident l'oter à qui
bon leur femble, lans qu'on l'ait mérité par
quelque crime qui emporte l'infamie , foit
de fa nature , foit en vertu de la détermi-
nation exprefte des lois. En eftet , comme
le bien &c l'avantage de l'état rejettent tout
pouvoir arbitraire fur l'honneur des cito-
yens , on n'a jamais pu prétendre conférer
un tel pouvoir à perfonne : j'avoue que le
fouverain eft maître , par un abus manifeftc
de fon autorité , de bannir un fujct inno-
cent i il eft maître auftl de le priver Injufte-
ment des avantages attachés à la conferva-
tion de l'honneur civ;l : mais pour ce qui
eft de Vtfiime, naturellement Se inféparable-
ment attachée à la probité, il n'eft pas plus
en fon pouvoir de la ravir à un honnête-
homme , que d'étouffer dans le cœur de ce-
lui-ci les fentimens de vertu. Il impLque
contradiftion d'avancer qu'un homme foit
déclaré infâme par le pur caprice d'un autre,
c'eft-à-dire , qu'il foit convaincu de crimes
qu'il n'a point commis.
J'ajoute qu'un citoyen n'eft jamais tenu
de facrifier fon honneur Se la vertu pour
perfonne au monde. Les actions criminel-
les qui font accompagnées d'une véritable
ignominie , ne peuvent être ni légitime-
ment ordonnées p;-r le louverain , ni inno-
cemment exécutées par les fujets. Tout ci-
toyen qui connoît l'mjuftice , l'horreur des
ordres qu'on lui donne , is: qui ne s'en dif-
penfe pas , fe rend complice de l'injuftice ou
du crime , i^i conféquemmcnt eft coupable
d'infunic. Grillon refula d'allalTiner le duc
de Guiie. Après la laint Barthelemi , Char-
les IX ayant m.aiidé à tous Ls gouverneurs
des provinces de faire maflacrer les hugue-
nots , le vicomte Dorté qui comraandçic
EST
dans Bayonne , écrivit au roi : " Sire , je
»» n'ai trouvé parmi les habitans &: les gens
" de guerre , que de bons citoyens , de
» braves foKiats , & pas un bourrcnu ; ainli
" eux & moi lupplions V. M. d'employer
» nos bras & nos vies à chofes failables. "
Hifl. de d'Auhig'ié.
Il faut donc conferver très-précieufemcnt
Vcjlime Jirnple , c'ett-à-dire , la rcput.uion
d'iionnêtc homme ; il le faut non- feulement
pour Ton propre intérêt , mais encore parce
qu'en négligeant cette réputation on donne
lieu de cro.re qu'on ne fait pas allez de cas
de la probité. Mais le vrai moyen de méri-
ter &C de conferver ['ejlimefimpie des autres,
c'eft d'ctre réellement tlHmable , & non
de fe couvrir du malque de la probité , qui
ne manque guère de tomber tôt ou tard :
alors fi malgré fes foins on ne peut impoier
■ /ilence à la calomnie , on doit fe confoler
par le témoignage irréprochable de fa
confcience.
Voilà pour Yejlimejlmpk, confidéréedans
l'état de nature & dans la fociété civile :
Itf.'^Cnr ce fujet ladillertation deThomafius,
de exijiimatione , famâ & infcmiâ, Pallous à
Vejlimeàc diftinéiion.
L'ejiime de diflinéiion eft celle qui fait
qu'entre plulieurs perlonnes , d'ailleurs éga-
les par rapport à Vejîime fimple , on met
l'une au-deilus de l'autre , à caule qu'elle
eft plus avantageufement pourvue des qua-
lités qui attirent pour l'ordinaire quelque
honneur , ou qui donnent quelque préémi-
nence à ceux en qui ces qualités fe trou-
vent. On entend ici par le mot à' honneur ,
les marques extérieures de l'opinion avan-
tageufe'quc les autres ont de l'excellence de
quelqu'un à certains égards.
L'eflime de dijîinclion , auflî-bien que
\' ejii me fimple , doit être conddérée ou par
rapport à ceux qui vivent enfemble dans
l'indépendance de l'état de nature , ou par
rapport aux membres d'une même fociété
civile.
Pour donner une jufte idée de Vejîime de
diJîinSion , nous en examinerons les fonde-
mens , & cela , ou en tant qu'ils produifent
Amplement un mérite , en vertu duquel on
peut prétendre à l'honneur , ou en tant
q l'ils donnent un droit , proprement ainfi
nommé , d'exiger d'aucrui des témoignages
EST 9.5
d'une efiime de dijlinclion , comme étant dues
à la rigueur.
On tient en général pour des fondemens
de Wjlime de diilinûion , tout ce qui renfer-
me ou ce qui marque quelque perfcdioM ,
ou quelque avaniage confidérable dont l'u-
fage & les effets font conformes au but de
la loi naturelle & à celui des fociérés civiles.
Telles font les vertus éminentes , les talenj
fupérieurs , le génie tourné aux grandes 8c
belles chofes , la droiture ik la lolidité du
jugement propre à manier les affiiires , la
fap;riorité dans les fciences & les arts recom-
mandables& utiles, la production des beaux
ouvrages, les découvertes importantes , la
force , l'adrclîe & la beauté du corps , en
tant que ces xlons de la nature font ac-
compagnés d'une belle ame ; les biens de
la fortune , en tant que leur acquifition
a été i'elîec du travail ou de l'induilrie de
celui qui les polOdc , & qu'ils lui ont
fourni le m.»yen de faire des chofes dignes
de louange.
Mais ce font les bonnes & belles adions
qui produifent par elles-mêmes le plus
avantageutement Vejtime de diJl/n.Tion, parce
qu'elles fuppofent un mérite réel , Se parce
qu'elles prouvent qu'on a rapporté fes talens
à une fin légitime. L'honneur , difoic
Ariftote , eft un témoignage à'ejlime qu'on
rend a ceux qui font bienfaifans ; & quoi-
qu'il fût jufte de ne porter de l'honneur
qu'à ces fortes de gens , on ne lallfe pas d'ho-
norer encore ceux qui font en puiirance de
les imiter.
Du refte il y a des fondemens à'ejlime
de dijîinclion qui font communs aux deux
fexes , d'autres qui (ont particuliers à cha-
cun , d'autres enfin que le beau fcxe
emprunte d'ailleurs.
Toutes les qualités qui font de légitimes
fondemens de Vejîime de dijlincîion , ne pro-
duifent néanmoins par elles-mêmes qu'un
droit imparfait , c'eft-à-dire , une fimple
aptitude à recevoir des marques de refpedt
extérieur ; de forte que fi on les refufe à
ceux qui le méritent le mieux , on ne leur
fait par-là aucun tort proprement dit , c'eft
feulement leur manquer.
Comme les hommes font naturellement
égaux dans l'état de nature , aucun d'eux
n» peut exiger des autres , de plein droit ,
96 EST
de riionncur & du relpecc. ^L'honner.r que
l'on rend à quelqu'un , confifte à lui recon-
noître des qualités qui le mettent au-deflus
de nous , & à s'abailfer volontairement
devant lui par cette raiion : or , il feroit
abfurde d'attribuer à ces qualités le droit
d'impcfer par elles-mêmes une obligation
parfaite , qui autorisât ceux en qui ces
qualités fe trouvent , à fe faire rendre par
force les refpefts qu'ils méritent. C'eft fur
ce fondement de la liberté naturelle à cet
égard , que les Scythes répondirent autre-
fois à Alexandre : " N'eft-il pas permis à
») ceux qui vivent dans les bois , d'ignorer
»> qui tu es , & d'où tu viens ; Nous ne vou-
« Ions ni obéir ni commander à perfonne ".
Q. Curce , liv. VII , c. viij.
Auflî les fages mettent au rang des fottes
opinions du vulgaire , d'eflimer les hommes
par la noblefle , les biens , les dignités , les
honneurs , en un mot toutes les chofes qui
font hors de nous. " C'eft merveille , dit fi
bien Montaigne dans Ton aimable langage ,
que fauf nous , aucune chofe ne s'apprctie
que par fcs propres qualités Pourquoi
eftimcz-vous un homme tout enveloppé
& empaqueté î II ne nous fait montre
que des parties qui ne font aucunement
fiennes , Se nous cache celles par Icf-
quellcs feules on peut réellement juger
de fon ejiimation. C'eft le prix de l'efpée
que vous cherchez , non de la gaine :
vous n'en donneriez h. l'avanture pas un
quatrain , fi vous ne l'aviez dépouillé. Il
le faut juger par lui-même , non par fes
atours ; Se comme le remarque très-
plaifammicnt un ancien , favcz - vous
pourquoi vous l'eftimcz grand î vous y
comptez la hauteur de les patins ; la
bafe n'eu, pas de la ftitue. Mefurez-le
fans fes échaftes : qu'il mette à part fes
richeffes & honneurs , qu'il fe prcfente
en chemife. A-t-il le corps propre à fes
fondlions, fain & alcgre? Quelle ame a-t-
il ? cft - elle belle , capable , & heureu-
fement pourvue de toutes fes pièces ?
eft-t!le riche du fien ou de l'autrui ?
la fortune n'y a t-ellc que voir î (i les
yeux ouvers , elle attend les elpées
traites ; s'il ne lui chaut par où lui forte
la vie , par la bouche ou par le gofier î
f) (i elle cft ralTife , équable , de contente i
EST
» c'eft ce qu'il faut voir ". Zrv. I. ch. xiij.
Les enfans raifonnent plus fenfémenc lur
cette matière ; Faites bien , difent-ils , &c
vous ferez roi.
Reconnoillbns donc que les alentours-
n'ont aucune valeur réelle ; concluons en-
fuite que quoiqu'il foit conforme à la rai-
fon d'honorer ceux qui ont inrrinléquement
une vertu éminente , & qu'on devroit en
faire une maxime de droit naturel ; cepen-
dant ce devoir , confidéré en lui-même ,
doit être mis au rang de ceux dont la pra-
tique eft d'autant plus louable , qu'elle eft
entièrement libre. En un mot , pour avoir
un plein droit d'exiger des autres du ref-
pcâ: , ou des marques à'cjlime de dijUncilon ,
il faut , ou que celui de qui on l'exige foie
fous notre puifl'ance , &: dépende de nous ;
ou qu'on ait acquis ce droit par quelque
convention avec lui ; ou bien en vertu
d'une loi faite ou approuvée par un fouve-
rain commun.
C'eft à lui qu'il appartient de régler entre
les citoyens 'les degrés de diftinclion , Sc
à diftribiicr les honneurs & les dignités ;
en quoi il doit avoir toujours égard au mé-
rite & aux fervices qu'on peut rendre , ou
qu'on a déjà rendus à l'état : chacun après
cela eft en droit de maintenir le rang qui
lui a été aftigné , & les autres citoyens ne
doivent pas le lui contefter, Voye'^ Con-
sidération.
h'eflime de diftnclion ne devroit être
ambitionnée qu'autant qu'elle fuivroit les
belles actions qui tendent à l'avant:igede la
fociété , ûu autant qu'elle nous mettroit
plus en état 4'en faire. Il faut être b^en mal-
heureux pour rechercher les honneurs par
de mauvaifes voies , ou pour y alpirer feu-
lem.ent ahn de fatisfaire plus commodé-
ment fes pallions. La véritable gloire con-
fifte dans Veftime dés pcrfonnes qui font
elles - mêmes dignes i'i/iime , ik cette efime
ne s'accorde qu'au mérite. " Mais ( dit la
•> l'ruyere ) comme apiès le mérite per-
■' fonnel ce font les érainentes dignités &
" les grands titres, dont les hommes ti-
" rent le plus de diftind'ion & le plus d'é-
" clat , qui ne lait être un liraime , peut
» pcîrf^r à être évcque. " Article de M.
DB JaucourT.
* Estime, (^Marine,') c'eft le calcul que
fait
EST
fait le pilote de la route & de la quantité de
chemin du vailîtau. La route d'un vailfcau
étant , comme elle l'tft picfqae toujours ,
oblique au méridien du lieu, il le forme un
triangle redangle dont elle eft l'hypotliénu-
fe i les deux autres côtés font le chemin fait
dans le même temps en longitude &: en la-
titude. La latitude eft connue p;ir l't)blerva-
tion de la hiuitcur de quelque aftre. On a
par la boulloule l'angle de la route , avec un
côté du triangle ; on a la route en ejhmant
la vîteiîè du vaifleau pendant un temps
donné , d'où fe tire très-ailément la quan-
tité de la longitude.
La difficulté confifte dans Vejîime de la
vîtefTe du vailTtau. Pour l'avoir on jette le
loch , pièce de btjis attachée à une ficelle ,
que l'on dévide à mefure que le vailleau s'é-
loigne. ( Fbye^ Loch ) ; car la mer n'ayant
point de mouvement vers aucun endroit ,
le loch y demeure flottant & immobile , &
devient un point fixe par rapport auquel
le vailTeau a plus ou moins de vitelTe. Mais
cette fuppoiition ceffe , fi l'on eft dans un
courant : alors on tft expof; à prendre pour
vîtede abfolue , ce qui n'eft que vîtelTc
relative i favoir la diflérence en vitefie du
loch & du vaifleau. Erreur d^ngereule.
Cependant quand on auroit les longitudes
par robfervation célefte , le ciel fe cou-
vrant quelquefois pour pluficurs jours, il en
faudroit toujours venir à la pratique de \'ef-
time & du loch , qui ne fera jamais qu'un
tâtonnement. Mémoires de l'acaJém. lyoz.
^oye^ Navigation , &c.
ESTIOLER , {JarJ.) On dit d'une plan-
te qu'elle e/îiolc ou s'ejiiole , quand en croif-
laiit elle devient menue & fluette , ce qui
eft un défaut ; cela arrive aux légumes, quand
les graines font femées trop ferrées. {K)
ESTIRE , f. f . ( Corroyeur. ) c'eft un mor-
ceau de fer ou de cuivre , de l'épailléur de
cinq à fix lignes , de la largeur de cinq à fix
pouces , moins large par en haut que par en
bas. La partie la moins large fert de poignée
à l'ouvrier.
Le corroyeur étend , abat le grain de
fleur , ou décralTe fes cuirs à Vejtire,
Uejlire de fer eft pour les cuirs noirs :
celle de cuivre, pour ceux de couleur qu'on
craint de tacher.
* ESTLSSEUSES, f. f. {Manufenfok.)
Tome XIII,
EST
97
petites tringles de fer qui retlenrent Us ro-
quetins &i les canons dms lescantres.
ESTISSU , f. m. ( Ruharicrs. ) c'eft la
même chofe que les eftiftèufes de l'article
précédent.
ESTIVE , ( Mnr. ) c'eft le jufte contre-
poids qu'on donne à chaque coté d'un vaif-
leau , pour balancer fa charge avec tant de
juUelfe , qu'un côté ne pefe pas plus que
l'autre ; ce qui eft nécelTaire pour qu'il file
& marche avec plus de facilité.
ESTOC , f. m. {Jurifprud. ) fignifie tronc
OVL fouche commune , dont plufiturs perfon-
nes font ilTues. Ce mot vient de l'allemand
JJoc , ou de l'anglo-faxon/ûcce , qui veut
pareillexnent dire tronc.
On fe fert de ce terme en matière de
propres , foit réels ou fidifs , pour exprimer
la fouche commune d'où fortoit celui qui a
pollédé le propre.
Dans les coutumes de fimple côté ou de
côté & ligne , on confond fouvent le terme
à'efioc avec celui de côté ; mais dans les
coutumes fouchcres , le terme à'ejîoc s'en-
tend , comme on vient de le dire , pour la
fouche commune.
La coutume de Dourdan , qui eft du
nombre des coutumes fjucheres , explique
bien ( art. i ij.) la dJffirence qu'il y a entre
ejioc & coté & ligne droite ; &C font enten-
dus , dit cet article , les plus prochains de
Vefioc & ligne , ceux qui font defcendus de
celui duquel les héritages lont procédés,
& qui les a m.is dans la ligne ; & où ils n'en
feroicnt defcendus , encore qu'ils Riflent
parens du défunt de ce côté , ils ne peuvent
prétendre les héritages contre les plus pro-
chains lignagers d'icelui d^.funt , pofé qu'ils
ne fulTent hgnagers dudit côté dont les hé-
ritages font procédés, ^^oye^ RenulTon ,
traité des propres , ch. vj. feâ. 5 dc aux mots
CÔTÉ , Coutumes soucheres , Ligne ,
Propres. { A )
Estoc-et-Ligne , C à la Monnaie. ) les
enfans & petits - enfans des monnoyeurs ,
taillcrelTes , ouvriers, enfin de ceux qui orx:
été reçus &c qui ont prêté ferment , font
dits être d'e/Ioc-Ù- ligne de monnayage : les
aînés ont le droit d'être reçus , en cas de
mort ou de réfignaiion , à la place de leurs
pères & mères , félon le fexc & la place.
Les cadets ne peuvent avoir ce droit , mais
N
93 EST
on les reçoit dans les places inférieures , &
ils avancent félon les cvéntmens , les occa-
fions , &c leur habileté.
Estoc , ( j4rt. milit. ) c'eft ainfi qu'on ex^
prime fou-vent la pointe d'un fabre ou d'une
épée. Frapper d'tjioc , c'cft pointer ou pouf-
(er l'épée ou le fabre pour le faite entrer
par la pointe ; & frapper de teille , c'cft fa-
brer ou donner des coups avec le tranchant
du fabre ou de l'épée. Dans les différens
exercices des foliats romains , " on leur
« montroit, dit Vegece, principalement à
V pointer : avec quelque force qu'un coup
ji de tranchant foit appuyé , il tue rare-
jj ment , parce que les armes défenlîves &
»» les os empêchent de pénétrer ; tandis
j> que la pointe , enfoncée feulement de
» deux doigts , fait (ouvent une bleflure
M mortelle. D'ailleurs il n'cft pas poiTible de
w donner un coup de fabre fans découvrir
»> le bras &le cote droit ; au lieu qu'on peut
« pointer , lans donner de jour à fon cnne-
»j mi , &c le percer avant qu'il voie venir
« l'épée. " ^ouv. tradition de Vegece , par
»» M. de Sigrais, ( Q )
Estoc , {Com. de bois.) Ou dit une coupe
à L'iinc ejîoc , quand on abat tous les arbres
d'une forêt , fans en rélerver aucun.
Estocade ou Botte , ( Ejcrime. ) eft
un coup de pointe quelconque qu'on allonge
à rcnnenii.
On peur terminer une ejlocade de cinq
façons , dedans les armes , dehors les armes,
delllis les armes, fous les armes, &en flan-
conade.
* ESTOIPvE ou ASTEROTES, f. f, terme
£e pèche, ufité dans le rellort del'am.irautéde
Bayonne , eft une forte de filet qu'on peut
rapporter à l'efpece des bretellieres.
Le lêc que les pêcheurs Tillotiers ( com-
pagnie de pêcheurs de Bayonne ) nomment
tjlerote ou rét à plier , eft un fîiet travaillé
comme les tramaux de dreige ; il a envi-
ron un-' brafle & demie de chùre , & cin-
quante à foixantc bialVes de long ; il (c tend
par fond comme Its bretellieres , ou fier-
tés tramaillces à la mer des pêcheurs hauts
& bas Normands ; 5i la manœuvre de la
pêche eft la même que celle qui fe fait
avec le rêt de trente mailles ; il fcrt pour
riren.'re le poifTon plat, & les pécheurs s'en
îciVi^iit en dedaii le boutaut dars la n-
E S T
^iere , & hors la barie à la mer ; le calibre
de ce framail eft le miême que l'ordonnance
de 1681 permet pour la dreige à la mer :
ainfi c'cft un tramail fédentaire , qui a les
hamcaCtX ou l'émail de neuf pouces en quar-
ré , fi la toile , nappe , ou rêt du miheu ,
de 2 1 lignes en quarré,
EST02v4AC , STO.VIAXO2, ventrieulus ,
en Anatomie , eft une partie creufe , mem-
braneufe, & organique de l'animal , qui eft
deftinée à recevoir la nourriture apiès la
déglutition , & à la convertir en cnylc.
^oje^ Nourriture , Digestion , Chy-
le , 6t,
Il eft d'une form.e longue; quelques-uns
le comparent à une citrouille , d'autres
à une mufecte. Il eft litué dans la région
épigaftrique , un peu plus penché du coté
gauche que du coté droit. Sa partie iupé-
rieurc eft jointe au diaphragme & au petit
épiploon; fa partie inférieure au grand épi-
ploon ; le coté droit au duodénum , i?c le
coté gauche à la ratte. Le cartilage X'j hoï-
de répond prefqu'à la partie moyenne de
Vificmac , il a deux orinces ; un à chaque
extrémité, L'oriiicc gauche eft app ■lie pro-
prement c-ouKKof , de a-of/.st. , touche ; on le
nom.me aulli K^flia. : il le joint à l'œ(opha-
ge , dont il tft eii quelque façon une conti-
nuation. C'eftpar cet orifice' que les alimens
entrent dans Vefiomjc , où étaiit digérés , ils
mentent obliauemtnt au pylore , ou vers
l'orifice droit qui eft joint au premier des in-
teftins. L'eftomac eft courbé ; il fe formée en
conicquence deux arcs entre ces deux orifi-
ces, un plus grand , convexe, tourné vers
la partie inférieure , lorfque Veflumac eft vui-
de, & en devant , lorfqu'il eft rempli ■■, l.au-
tre plus petit, frpcrieur, concave ; litué en-
tre les deu'x orihces. Les viictres, voilinsde
Vcflomûc , font la ratte à gauche , le foie à
droite . ôc le pancréas derrière & inférieure-
ment. Voyc^ Foye , Ratte , Pancréas ,
(EsoPHAGE i.'- Pylore.
Utftorr.ac eft compofé de quatre mem-
branes on enveloppes; la piemere & la
plus intérieure , eft formie de fibres cour-
tes , qui font fituées perpcndiculairernenc
au delUis des fibres de l'enveloppe voiline»
£c peuvent être manifcftement apperçiies
vers le pylori : quand Wiiomac tft tendu
par la nourriture j ces Ébres dcvienccEUt
EST
^pp.'fTcsfi? couttcs: c-.Miclis qu'elles s'cfforCfnt
de fe rérablii dans leur état , par leur clafti-
cité narurclle , elles contractent la cavité
de {'ejiomac , & lui font broyer &: cïpulfcr
les alimens. Cette enveloppe ell plus large
que les autres , & elT: remplie de piis & de
rides , principalement vers le pylore : ces
plis arrêtent le chyle , & l'empêchent de
ibrtir de Veftomac , avant que d'être fliflifam-
ment digéré. Il y a dans cette enveloppe un
grand nombre de petites glandes qui iépa-
rent une liqueur , qui humeclie toute la
cavité de l'ejîomac , & aide à la coftion des
alimens: c'etl pourquoi cette enveloppe eft
nommée tunique glanduUufs,
La féconde tunique eft plus mince & plus
délicate ; elle efl: tour-à-f.dt nervïufe , d'un
lentiment exquis , & fe nomme tunique
nerveufi,
La troiileme eft mufculaire, & compofée
de fibres droites & circulaires ; celles qui
font droites , avancent fur la partie fupé-
rieure de Vcfiomac , entre l'orifice fupérieur
Se l'inférieur ; Se celles qui font circulai-
res , vont obliquement depuis la partie iu-
périeure de V ejiomac , jufqu'au fond. Les
plus intérieures de ces fibres dcfcendent vers
le côté droit , & les plus extérieures, vers le
côté gauche : de f ^rce que par leur action ,
les deux extrémités de l'efiomac iont attirées
vers le milieu, & Ifttoat eft également con-
traclé : c'eft par leur contraction & leur
mouN'emeut continuel , que l'atrrition t<. la
digeftion des alimens fc fait bien.
Toutes ces mtmbrannes font unies en-
tr 'elles par un tillu cellulaire, que quelques-
unt ont regardé comme des membranes par-
ticulières.
Un grand nombre de vaiiTeaux fe ren-
dent à ['efiomac , & ils viennent de ditférens
troncs , afin qu'aucune prclTion ne pilt in-
tercepter le cours des liqueurs qu'ils renfer-
ment ; ce qui feroit très-aifement arrivé ,
s'il n'y avoir eu qu'un feul tronc : toutes
fes artères viennent en général de la cœ-
liaque : la coronaire ftomachique eft une
branche de la cœliaque , fe diftribue entre
les deux orifices le long du petit arc ; la
gaftrique droite vient de l'hépatique , fe
porte le long du grand arc à droite , & s'a-
naftoinofé avec la gaftrique gauche qui vient
de la Iphcrique, & qui fe termine le long du
EST
99
grand arc ^ gauche: lesve"nes fuiventàpeu
près la même direétion , & fe vuident dans
des branches de la veine- porte ventrale.
La huitième paire de nerfs envoie à l'cjfo-
mac deux branches coniîdérables , qui s'é-
tendent autour de l'orifice fupérieur , ôc qui
font fort ienfibles : c'cft de-là aul"fi que naît
la grande (impathie qu'il y a entre \'e//omac,
k tête , ôi le cœur ; ce qui a frit croire à
Van-Helmop-t que l'ame a fon fîege à l'ori-
fice fupérieur de Veftomcc.
Quant au mouvement de VeJIomûc , le
docbeur Pict nous apprend dans les Tranfac-
tions philofophiquis , qu'eu diiîcquant un
chien , il a trouvé que le mouveme:it périt
taliquc des boyaux avoir , de même , lieu
dans ['ejiomac ; le pylore, qu'on trouve pour
l'ordinaire auffi- haut que le diaphragme ,
tombcit à chaque ondulation au-dellcus du
fond de Vcjlomac ; de manière qu'il pouvoic
remarquer clairement un relferrement dans
le milieu de Vejlomac , à chaque mouve-
ment en en-bas , tel qu'il étoit capable de
com.primer tout ce qui étoit renfermé dans
fa cavité. Ces mouvemens , dit-il , étoie'nc
auiTi réguliers qu'aucun qu'on puifte appcr-
ceyoir dans les inteftins { Hc il ajoute qu'il a
fait la même obfetvation dans trois autr;s
chiens : d'où on peut conclure fùremenc
que cela fe rrouve dans tous. Foje^PÉuis-
TALTIQUE.
Les animaux qui ruminent , ont quatre
efomacs : cependant on remarque que quel-
ques-uns de ceux qui en ont quatre en
Europe , n'en ont que deux en Afriqiic i
apparemment à caufe que les berbes d'A-
frique font plus nourrifllmtes. F'oyei Rtr-
MINANT.
Les oifeaux qui fe nourriflènt ordinaire-
ment de graines qui font couvertes d'une
peau dure , ont une cfpecc d'e/hmac qu'on
appelle jairot , qui eft corapoie de quatre
grands mufcles en dehors , & d'une mem-
brane dure & calltufe au dedans : ceux
que vivent de chair, comme les aigles,
les vautours , &-c. n'en ont qu'un. Foyej
Carnivohi; , Granivore , &c. Qiiani:
à l'action de Vejlomac , royci Digestick.
( ^- )
Nous allons tranfcrire les additions qu&
M. le baron Je Halkr a faites à est arti.:ie
important.
N i
ICO EST
On donne ce nom à'cjiomac, à une partie
dilatée du canal alimeiuaire. Tous ks ani-
maux un peu confiaéiables eu font pour-
vus, la clalîe des quadrupèdes, celle des
oifeaux & des poidons , un grand nombre
d'inrtd:es& quelques-uns des animaux in-
formes qui habitent dans la mer. Les ani-
maux cylindriques ont un inteftin fans avoir
d'ejîofnnc ; il y a des animaux marins qui en
font dépourvus , & généralement les poly-
pes & les animaux microfcopiques n'ont
aucune différence dans le calibre de leur ca-
nal alimentaire.
L'cJIomac eft unique dans les quadrupèdes
àdenx rangs de dents aiirévieuies , il y en
a quatre dans ceux qui n'en om qu'un , dans
le petit chevreuil des Indts même , & dans
la gazelle •, il y en a trois dans quelques
cétacécs. Dans quelques oifeaux il eft uni-
que , dans les gianivores il y en a généra-
lement deux en cimptanr le ',abot , &c trois
même en y ajoutanr le buibe de l'œlophage.
11 y a deux efomacs dans plulieurs inlec-
tes , & même dans Pabeiile : on en compte
quatre au taupe grillon. Plus en général
la nourriture à'vn amm.d eft dure , &
plus il y a d'appareil dans (on eflomac. Il
eft fimple dans les animaux carnivores dont
l'aliment eft plus (ucculent & plus facile à
difioudre.
La fitaation de Vcjlomac eft conftamment
dans le bas- ventre: dans l'homme elle eft
un peu différente dans les dilférens pério-
des delà digcftion. Il eft placé dans l'hypo-
condre gauche , & une grande partie de
fa largeur eft couverte par le foie, qui lui-
même eft p'acé fous le diaphragme: la grande
arcade eft inférieure : il a derrière lui la
capfule rénale & une partie du foie , & l'ce-
fophage repofe fur les corps des vertèbres.
Le fternum repond à la partie de Vejlomac
plus ou moins voiiine du pylore, dont le
commencement répond encore à la folfe
ombilicale du fuie. L'aorte pafté entre les
deux orifices &: marque X'ejiomac d'une
împrcfuon. Le petit lobe du foie fe place
entre les deux oiificcs : ces deux orifices
font pcftérieurs par rapport à W'jiomac ,
l'œsophage l'cft davantage. Le colon tranf-
verfal pallc fous W-fomac , & le (outient.
Les cotes le couvrent prtrqu'entiértment
'4u cccc gauche, le rtttc ell à découv A:t
EST
entre les côtes droites & les gauches. L'en-
trée de l'albphage eft fupéiieure, pofté-
rieure & un peu oblique ; le pylore eft
inférieur & fe porte en devant. Les deux
, orifices font peu éloignés l'un de l'autre.
L'ocfophage delcend , le pylore remonte;
la petite arcade eft fupéneure ; la grande,
intérieure ; les deux plans de ['e/lomr.c lont
l'antérieur & le pofltneur, le tout avec une
certaine cbliquiié dans l'homme vivant: le
plan antérieur eft en partie (upérieur , le
pofléricur eft en même temps inK-neur ; la
petire arcade eft poftcrieure en partie , &C
l'œlophage incliné en arrière.
Plus Veffomac eft rempli & plus il fe re-
drelle , fur-tout quand on l'a fouftlé , ou
qu'il eft dilaté par des flatuolîtés; il préicnte
alors au péritoine la grande arcade , la petite
eft entièrement poftérieure , le plan anté-
rieur devient lupérieur , le plan poftérieur
inférieur ; l'œlophage prefque horizontal
fe porte en devant pour entrer dans i'ef-
tomac , le pylore fe porte en arrière hori-
zontalement , & delcend par confequent,
dans un homme couché fur le dos , &
ce pylore prefle la véficule du fîel ; la
rate accompagne \'e(lomac ôc devient tranC-
verfale.
La figure de Vejlomac n'eft pas la même
dans tous les âges : il eft plus rond dans
le fœtus , &c plus long^ans l'adulte; il eft
allez fouvent refterré entre les deux orifi-
ces , & comme partagé par une proÉonde
imprelTon. En général il eft compoié d'un
hémifphere qui (e préfente à la rate, ik d'un
cône dont la baie eft adolféeà la bafe de l'hé-
mifphere» &c dont la pointe eft au pylore :
toutes fes ferions font circulaires. Le cône
eft reccoitbé fur lui-même , & la pointe ap--
proche de la bafe.
La ftrudture de Vejlomac eft !a même que
celle des inteftins , & des réfervoirs mem-
braneux en général. Sa première tunique
eft le péritoine même, qui fe jette fur le
ventricule des deux cotés de l'œlophage:
elle eft continuée enluite .\ l'épi( loon hcpa-
togartriquc<S(: au gaftrocolique. Cette mem-
brane eft (impie & ferme , on ne doit point
lui attribuer de fibres d'une ftrudure parti-
culière. Elle manque dans les deux arcades;
le petit elpace où elle ne le trouve pas eft
rempli par des nerfs , des vaiflèaux & des
EST
glandes. Cet efpace eft moins large à la gran-
de courbure.
Il y a ic la cellulofitc entre cette mem-
brane &: la mufculaire , prefquc iur toute
l'étendue de Vcjhmac ; c'eft dans ce tilTu
que les grands troncs des vailleaux font
leur rczeaLi le plus confiiérable : l'.'s glan-
des qu'on y trouve , (ônc du genre lympha-
tique. Elles produifent des vaifleaux de cette
clalfe.
Cette cellutofiié eft lâche & copicufe
dans les courbures , clic devient plus courre
dans les deux plans , elle difparoit preique
entièrement des deux cotés du pylore : la
membrane externe cil fortement attachée
aux fibres mufculaires longitu.iinales qui fe
dirtinguent aiCmcnt. Winllow a donné le
nom de Ugamens à ces deux plans, qui lont
des deux cotés du pylore.
La ftruilurc mufculaire de Vc/Iom.ic n'eft
pas aifieà failir , MM. de Haller & Bertin
en ont cependant donné à peu près la
même defcription. La préparation de ces
fibres eft plus d.flicile dans l'homme, parce
qu'elles y lont plus minces : les plus foibles
animaux ont Vejlumac plus foli le que lui ;
eft-ce que la nature ayant prévu que l'hom me
feul fauroit fe procurer des alimens pré-
parés & amoUisc, ne lui a pas donné des
forces , dont il pouvoir fe palier î 11 eft
fur que la même moUelle règne dans toute
la ftrudure de l'homme. Un chat qui vient
de naître a le crâne plus dur qu'un homme
à quinze ans.
Nous allons donner le détail des fibres
mufculaircs tellesqu'el les paroillent dans des
fujets robuftes, les leulsoù l'on puiOe fuivre
ces fibres.
Les fibres les plus luperficielles font celles
qui' naiflent des fibres extérieures & longi-
tudinales de l'oc ophagc. Arrivées à \\f
tomnc , elles fe répandent de tous cotés fur
fa furface& font une eipece d'étoile. Cel-
les de ces fibres qui font le plus à droite ,
vont au pylore par la petite courbure ,
te une partie va au pylore même & au
duodénum ; elles peuvent rapprocher mu-
tuellement les deux vilceres ; mais le
plus grand nombre defcend fur les deux
plans , fe mêle avec les fibres tranfverfales ,
& difparsit cntt'clles ; ces fibres rétrécif-
E S T loi
fenr Vejloinac en rapprochant les deux cour-
bures.
D'autrer fibres nées encore de ces mêmes
fibres en étoile , vont à gauche , & fe difper-
fent tur le cul-de-(aclicnal.
1. Le plan de fibres tranf.'erfales com-
mence par ce cul-dc-lac , & forme des
cercles concentriques ; non qu'une feule
fibre achevé jamais un cercle , mais parce
que plulieurs petits arcs It joignent pour
compciler un cercle en détournant de côté
leurs extrémités.
Le refte de Vejlomac eft entouré d'un plan
continu de fibres tranfverlales , & ce lont
ces mêmes fibres qui entrent dans la com-
polition de la vaKule du pylore, & for-
ment une efpece de fphintSter.
}. Les fibres les plus intérieures de Vef-
tomac font une continuation des fibres
circulaires de l'œlophage ; elles en contour-
nc'^r l'inftrtion , comne par un anneau
mul'culeux; leurs queues fe continuent d'un
coté au cul-defac , &: de l'autre à droite ,
une partie avance même droit au pyloïc;
elles descendent obliquement , &: prefque
longitudinalement , dans les deux plans.
Elles peuvent fervir de fphintfler à l'œso-
phage, en même temps qu'elles raccourcif-
fent Vejîomac.
La féconde cellulaire eft connue ; elle
eft abondante , lâche & fe laifl'e fouffler
avec facilité. Il y a dans cette tunique le
réleau le plus confidérable de vaid'eaux.
La nerveule eft la continuation de la peau
qui eft defcendue de la bouche : elle eft
comme dans touslesinteftinsiJi: comme dans
les veiïies de la bile &: de l'urine , le prin-
cipal fondement du réfervoir : c'eft elle
jeule qui contient l'air fouftlé dans la cavité:
elle n'cft ccpenlant elle même qij'un plan
de la feconJe cellulaire épahli tk rapproché,
& l'air en s'intioduifant d.mt les intervalles
de ces petites lames , la dillout & la réduit
comme en écume.
Ses vailfeaux propres font fort petits ,
elle ne fiiit que le commencement & la bafe
des plis vaK ulaires.
La troifieme cellulaire eft peu connue,
il eft aifé cependant de l'appercevoir; il n'y
a qu'à faire une petite inculon à la tunique
veloutée , & à y introduire de l'air : elle
1 forme une écume cotonucufe , comme la
102 EST
prccéiente , dont elle cft !a continuation ; '
mais les lames y font plus éloignées ik plus
lâches. Elle remplit la duplicature de la
veloutée , & fait la principale épaifieur des
plis valvulaires. Elle eft le (lege d'un réfeau
vafculaiie très-fin & très- copieux. C'eft
dans cette tunique , qu'il faut placer Lin-
flammation , lî fréquente dans les maladies
aigiics , comme dans la fièvre maligne, que
M. Roedercr a appelle la maladie muqueufe ,
dans pUilîeurs fièvres , dans la petite vérole
& dans l'épidémie du bétail , qui ravage
continuellem.ent une grande partie de l'Eu-
rope. Les poifons y produifent une inflam-
mation par ecchymoié : nous avons vu l'é-
métique antimonial faire le même effet.
La veloutée eft la continuation de l'épi-
derme ; elle (e renouvelle même comme
elle dans les animaux & dans l'homme. Elle
cil beaucoup plus molle que l'épiderme des
tégumens , H:. une mucolué abondante l'ar-
role & la lubiéfie continuellement ; c'eft
elle qui défend les nerfs répandus dans la
tunique nerveufe de l'efiet trop violent des
ïilimens ; quand on l'a perdue , on fouffre
les plus grandes doultULS , VeJIomac rejette
les alimens , le fang même en lort. Dans les
oifcaux granivores elle cil naturellement
cartilagineufe.
Dans l'homme & dans les quadrupèdes ,
cette membrane eft beaucoup plus ample
que la nerveu'e , quand 1 c;?otoji: n'eft pas
trop dilaté : elle forme alors des plis dont
la troifieme cellulaire remplit la duplica-
ture.
Ces plis n'ont aucune diredion confiante
dans l'homme ; ils font à peu près longitu-
dinaux , mais ils ont des branches par lef-
quelles ils font liés les uns aux autres. Ils
difparoilTent quand Vcjlomac eft fort étendu,
& c'eft apparemment un de leurs principaux
ufages : fans cette ampleur de la tunique
veloutée , Vefiownc n'auroit pu recevoir
qu'une petite quantité d'alimens , & le
moindre développement de l'air nous auroit
incommodés.
Il n'y a qu'une feule valvule de l'cjlnmac
Î[ui foit confidérablc , c'eft un bourlet , qui
c prolonge dans la cavité du duodénum &C
cju'on appelle valvule du pylore ; il eft annu-
laire & te forme par les hbrcs circulaires ,
U féconde & la troilicmc ccHulaire , la nci-
EST
veufe & la veloutée : ce bourlet cpaîj $t
pulpeux prend par l'exficcation la figure
d'un anneau mince & tranchant , comme
le font ceux des télclcopes , mais cette
apparence eft éloignée de la nature. Il pe<.ic
certainement retarder la fortie des alimens
qui ont confervé un certain volume , &
retarder de même le retour de la mafle ali-
mentaire qui a palle dans le duodénum^
nous nous fervons du terme de_ retarder,
car la bile rentre avec peu de difficulté dans
l'cflomac , qu'elle colore fouvent d'un jaune
plus ou moins foncé: elle fe diftinguc par fa
couleur verte dans VeJIomac des animaux,
& rien n'eft plus commun que d'en rendre
dans les vomilTemens.
Pludeurs quadrupèdes ont le pylore beau-
coup plus rétréci que l'homme , ils y ont
même fouvent un véritable fphindlier. L'âcre-
tédes alimens , ouleur figure inégale, peut,
dans l'homme même , exciter une contrac-
tion, par laquelle ces alimens fe ferment
le pad'age. Les fluides ne paroilîent pas s'y
arrêter.
La tunique veloutée eft plilTée par d'au-
tres rides beaucoup plus fines, qui ont quel-
que chofe d'approchant des têtes de cham-
pignons ; il ne faut pas les prendre pour des
mamelons nerveux. On y apperçoit encore
des floccons plus confidérables dans les qua-
drupèdes que dans l'homme; c'eft la même
ftrudure que celle des inteftins , mais moins
apparente : ces floccons font des petits pro-
longemens de la veloutée , doublée par la
troilieme cellulaire & remplie de vailfeaux.
La veloutée eft fort cuvette aux fluides ,
qu'on injedle dans les artère^ ou dans les
veines ; ces liqueurs , & le luif même pé-
nétrent avec facihté dans la cavité de \'ef~
tomac.
Il y a des gUindes fimples dans Vejlomac
de l'homme qui font plus (errées & plus
nombreufes vers le pylore , & plus rares
dans le refte de Wjlomac. Elles grandilTént
quelquefois dans les maladies. M.Roedercr
les a vu fort remplies de phlegme dans une
fi.'vre maligne. Nous en avons vues du
diamètre de trois lignes : elles ont la même
ftiuéture que celles de la langue humaine :
c'eft un hémifphere aplati , membraneux ,
percé d'un trou.
EST
Les artères exhalentes de la veloutée font
les fources du lue gaftriqiie , dont l'nûion
doit naturellement être importante dans k
digeftion ; mais il n'cll p:îs ailé d'en déter-
miner la qualité : la Lqueur qui regorge
quelquefois dans les perfonnes à jeun avec
u'iie efpcce de m-l-alle , patoît bien être le
fuc galb\que , mai en ne l'a pas cx.'.miné.
11 ne faut pas attribuer à ce fuc. l'acidité ,
ni les degrés de pourriture, qui accompa-
gnent quelquefois ks retours Ce font des
alimtns corrompus.
M. Raft le fils en a ram-alfédans Vcjfomac
<i'un mulet qu'on avoit privé de fr nourri-
ture pendant quelques heures ; il s'efs; trouvé
ccre de l'efjsece du mucus , puifque les aci-
des minéraux , ni l'alcohol'n'ont pu le coa-
guler ; il avoit un léger goût falé , & quel-
que penchant à la nature alkaline. Les
expériences faites fur le faucon & fur les
difleréns animaux , par d'autres auteurs ,
concourent à peu près à donner les mêm:s
rélaltats.
Le fuc gaftrique , comme les autres li-
queurs animales , naît des artères : il fera
bjn d'ajouter quelque choie au détail qui
s'en trouve à Vanick Artère c^elia-
Q.UE.
L'artère cœliaque qui donne les princi-
pales arreres de Vejlomac , eft environnée
d'un tillu de nerfs.
Toutes les arreres ont leurs troncs dans
la g^remiere cellulofité : elles percent la
muiculeule prcfque fans avoir donné de
branches , elles forment un fécond réfeau
plus fin que le premier dans la féconde cel-
lulaire, & un troifieme tout-à-fait capillaire
dans Ta troilieme cellulaire & fur la conve-
xité de la tunique veloutée : elles communi-
«luent toutes fans exception entr'elles : &
rinjeébion pafle facilement, & dans les vei-
nes , & dans la c '.vite de Yeftcmac.
Toutes les veines de X'ejlomac vont à la
veine porte : car on ne peut prefqiie pas
mettre de leur nombre quelques pentes
commun'cations , que la coronaire droite
peut avoir avec les 'veines du diaphragme ,
ou avec les branches de l'azygos , ni celles
que l'on a vues entre la gaftrique gauche &
la rénale , ou bien entre les vaiflcaux courts
& les veines phréniques.
Les veines accompagnent généralement
EST 105
les nrtercs : leur réfeau ell trèsvifible dans la
première cellul.iirc : elles font fans valvules ,
comme toutes les veines des vifceres , &c
communiquent librement cnfemble.
Nous en marquerons les troncs , parce
que iiur nailTance efi un peu différente de
celles des artères. La veine gaftrocolique
répond à pluùcurs troncs d'artercs ; elle
fort de la veine méfentérlque , un peu au-
deilus de la lame infcrieaie du méfocolon.
L'une de fès branches va au colon , avec
l'artère colique droite , & fait une arcade
inreftinale avec la colique moyeime. L'autre
ell plus poflérieure j elle donne une veine
duûiénale inférieure , qui rampe le long de
la concavité de la courbure de cet intetcin ,
auquel , & au pylore, elle donne des filets:
elle fournit l'épiploïque droite , dont une
bran;;he retourne quelquefois à Vefïomac ; le
reile de ce tronc fait la gartro-épipoïque
droite qui ne diffère pas de l'artère du même
nom. Art, Coïliaque.
La veine (plénique donne prefque de foti.
origine la coronaire gauche , qui approcha
de l'ceiophage , l'embralle par une de fes
branches , & parcourt la petite courbure
de Vejlon:ac avec l'autre , pour faire une
arcade avec la petite coronaire ; la fpléni-
que donne encore des gaftriques poftérieu-
resau plan pollérieur de l'eftcmac , & pîu-
fieurs gaftro-épiploïques gauches , dont la
dernière eft la plus grande. Arrivée dans la
ligne vafculaire de la rate , elle donne plu-
heurs vaifTeaux courts au cul-de-fjc de
Vejiomac, En parlant de ces vaideaux courts ,
on ne peut fe difpenfer de remarquer quj Iqs
anciens lesont regardés comme laf ourcc d'un
fuc acide , nécefiaire à la digeftion. La cir-
culation mieux connue g détruit cette hypo-
thcfe: ces vaideaux ramènent le fang de
Vejlomac, & ne l'y portent pas.
Le tronc de la veine-porte donne la pe-
tite coronaire à la partie droite Hi. poftérieure
de Veflomac , des branches pyloriques , &c
quelquefois même la grande coronaire.
L'hiftoiredesvailfeux lympliatiqucs n'efi:
connue que par fragmens. Nous avons vu
ceux de la pecicecouibure très-confidérables,
& leur entrée dans le canal thorachique.
Kaauw a vu ces vaillèaux dans toute l'éten-
due de Veftoin ic.
Les vaiflcaax laftis , que Diumi croie
1C4 EST
avoir découverts dans Ycjîomac , font appa-
remment ces mêmes lymphatiques. Il allure
cependant y avoir vu du chyle •■, mais fon
témoignage n'eft appuyé par aucun autre
anatomifte.
Les nerfs de Vejiomac font fort nombreux,
autour de l'œrophage & dans la petite cour-
bure : cette partie a d'ailleurs un fentiment
exquis. Les remèdes antimoniaux qui n'af-
fectent ni la peau ni la langue , agi lient
violemment fur l'eftomac , & y excitent des
vomiflemens. Des auteurs atteftent qu'ayant
foutfert des coliques venteufes très-vio-
lentes , afl'ez femblables à celles qu'excite
l'arfenic , ils s'étoient crus guéris , lorfqu'ils
avoient fenti le mal déplacé ic la douleur
defcendue dans les inteftins. On fait avec
quelle facilité la feule eau tiède , une mau-
vaife odeur , la vue d'un objet dégoûtant;
& la (impie imagination même produiftnt
le vomilfement , mouvement très-violent
& très-compcle.
Vejiomac reçoit les deux plexus nerveux
de la huitième paire qui accompagnent
l'œfophage : leurs branches les plus nom-
breufcs le trouvent dans la petite cour-
bure. Le plexus feminulaire gauche dugrand
fyn-jpathique en donne encore des branches
au cul-de-fac & au pylore , & il en revient
une quantité du foie avec le petit épiploon.
Nous ne dirons qu'un mot des voies
abrégées de l'urine , que l'on a cru devoir
imaginer pour expliquer certains phénomè-
nes. L'e/?oOTflc ou renverfé , oulaifîémême
dans fon état naturel , & rempli d'eau ,
(iifpendu , après que l'on a alfujetti fes
orihces par une ligature , perd cette eau
goutte à goutte. On a cru que ces mêmes
pores pouvoient , dans l'homme vivant 3
lai lier palTer une partie de la hoiffon dans
la cavité du bas-ventre , (Se que cette liqueur
repompée par la veffie , pouvoit être éva-
cuée par les urines , fans avoir pallé par le
grand décour de la circulation.
Nous ne croyons pas devoir admettre
cette tranfudation. L'ejlom.ic rempli de
vents, ou d'eau , ou d'une liqueur quelcon-
que , fe gonfle & caufe de grands accidens ,
fans fe (oulager par la voie de ces pores.
Nous avons rempli d'une eau teinte d'in-
digg Veflomac de plus d'un chien , les vaif-
fcatix ladés font devenus bleus ;, mais cette
EST
couleur tie s'eft point trouvée fur la furface
de Ycjîomac , ni dans l'humeur abdominale.
Ce feroit en vain d'ailleurs , que l'eau reçue
dans {'ejîomac auroit un accès drins la cavité
du bas- ventre , la vellîe protégée par le pé.
riconie ne pourroit pas la repomper.
Pour compléter l hiftoire abrégée de l'ef-
tomac , il faut en rapporter les phénomènes
phyfio'ogiques , & chercher enfuite entre
tes forces connues de VeJIcmac , & entre
les effets connus aulu par l'expérience , la
liaifon qui doit fe trouver entre la caufe
& l'eflit.
La première caufe agilTante dans Ve/Ia-
mac , ce font ditfc'rentes prelîîons. Le dia-
phragme prcde puiiramment fur Vejiomac.
On doit eftimer cette force non par la
diireélion d'un cadavre , mais par l'impé-
tuolité avec laquelle les inteftins & Yejîomac
forcent par la plus petite blelfure , que l'on
fait au péritoine d'un animal vivant. Dans
le cadavre tout cède & tout eft relâché ;-
dans la vie tout eft plein & tout rélifte.
Sans ouvrir même le péritoine , on voit
la prclTion que fouffrent les vilceres ;
dans l'infpiracion Ycjîomac eft poulTé en
devant & en bas.
Les mufcles du bas-ventre agifTent avec
encore plus de force fur Ycjiomai ; ils peu-
vent être regardés comme une ceinture
attachée aux vertèbres , qui embralTe le
bas-vencre &i qui en prcflé les vifceres con-
tre l'épine du dos : ils compriment forte-
ment Yejîomac , ôc font la principale caufè
du vomiftement : c'eft la feule que la vo-
lonté y emploie , elle n'auroit aucun pouvoir
fur Ycjîomac lui-même.
Qiiand les puillances du bas- ventre con-
courent avec le diaphragme dans leur aftion,
tous les diamètres du bas-ventre font rac-
courcis ; le diaphragme rend cette cavité
plus courte , les mufcles la rendent plus
étroite , & de devant en arrière , Se de
droite à gauche.
La principale force , & la feule cepen-
dant dans l'état naturel qui vuide Yejîomac ,
&c qui poulie les alimcns dans le duodénum ,
c'eft le mouvement périftalique de Yejîomac
lui-même. On a voulu le nier , & il faut
convenir qu'il eft moins apparent que celui
des inteftins. h'cjîomac eft cependant irri-
table ; ou en réveille la contradion en le
lâtiflant
EST
râti(Tànt avec un fcalpel , ou bien en y ap-
pliquant de l'acide minéral. Les poifonslc
con:rartcnc dans les animaux vivans , leur
aâ-ion forme le pylore , & la poudre d'Ail-
haud , qui tue comme les poifons , a fait le
même effet fur cet orihce.
L'ejîomac fe contra6te quelquefois par
toute fa longueur ; il devient prcfquc cyUn-
driquc, ëc ne conferve que le diamètre d'un
intelUn.
On a voulu réduire à rien cette contrac-
tion ; on en a cherché la mefure. La géo-
métrie a entrepris de nous inftruire fur ce
que les Cens dévoient nous enfeigner. Un
géomètre a calculé les forces de Vejlomac ,
Se les mifes à plus de douze mille livres ,
en luppofant que tout Veftomac eft; mufcle ,
&: en polant pour fondement , que l'éva-
luation des forces d'un mulcle du pouce
faite par Borelli , ell jufte , & que les forces
des difFérens mufclcs font dans la raifon de
leurs poids. On ne s'ell pas iouvcnu qu'un
fruit , qu'une once écraie , ne l'ell; pas dans
Vcjfomac.
D'autres auteurs ont adopté une hypo-
thefè , qui ne permet pas aux mulcles de
s'accourcir de plus d'un tiers de cette lon-
gueur ; ils en ont conclu que \'e/?omac ne
commence d'agir que lorfqu'ileft dilaté par
plus d'une livre d'alimens. C'ell un excès
oppofé , car Vejiomac fe contracte très-bien
autour d'une arête de poilTon , & la renvoie
à l'intcftin ; nous tn avons trouvé des pa-
quets encrés dans le cœcum , où elles avoient
caufé un funeitc embarras. Il n'ell: pas rare
de trouver l'ejîomac contradté au diamettre
d'un pouce.
'L'ejîomac d'un oifèau granivore a une for-
ce prod"gieu{e ; ilécrafe des noix ; il réduit
en poudre des boules de verre ; il brile &
tortille des tuyaux très-forrs. Mais cette for-
ce ne peut être attribuée à l'e/Pomac de l'hom-
me , chez qui ce réfervoit a une ftruéture
très-diflérente , & des fibres mufculaires
infiniment plus foibles. h'eftomac d'un chien
beaucoup plus robufte que celui de l'hom-
me , n'a pas rélîllé à une colonne d'eau de
trente-neuf livres.
Ne nous éloignons pas des expériences,
fur un iujet qu'il eft aifé d'y foumetcre.
'L'ejiomac d'un animal vivant {è contracte
certainement moins forteme;it , à la vérité ,
Tome XIII.
l
EST 105
u'un inteflin , quoique Vcffomac fbit plus
eniible ; mais il fe contrade très-évidem-
ment dans l'animal Se dans l'homme. Irrité
dans un quadrupède, il fe pliife, il naît des
filions entre les fibres , il fe réduit à un
très-petit calibre , Se devient très épais. Son
état de conftridion fc conferve aprè^i la
mort même.
Des alimens trop peu broyés pour pafTer
par l'anneau du pylore , doivent s'anèter
dans l'ejîomac : ils y feront ballotés par un
mouvement pénftaltique rétrograde , juf-
qu'à ce qu'ils aient acquis le degié néceftaire
de molelTe &c de fluidité pour palfcr par ce
détroit.
Dès que ce palTage eft ouvert , l'aliment
eft poulie dans le duodénum. Comme les
fibres mufculairas de la partie gauche de
Vejiomac font beaucoup plus longues , leur
contradlon furmonte aifément celle des
fibres de la partie droite , bien plus cour-
tes , & dont la marche n'eft pas la dixième
partie de la marche des premières. Le pylore
s'ouvre même par le changement de direc-
tion de l'ejîomac rempli , il ne monte plus ,
&c s'incline même en deftbus dans quelques
fituations du corps. Des corps durs , figu-
rés , yifqueux & graiilèux font quelquefois
un très-long féjour dans l'ejîomac , & c!i
général les alimens en fiîrtent dans l'ordre
de leur fluidité , l'eau la première , enfuice
le lait , puis le jardinage qui confifte en
feuilles ; le pain reftc quelques heures , & la
viande jufqu'à huit : le tout dans le chien ,
dont l'ejîomac eft beaucoup plus robufte que
celui de l'homme. Dans des hommes dont
l'inceftin ouvert fe vuidoit par un orifice
nouveau , le lait a toujours pa(Té le premier;
le 'fruit Se le jardinage enfuite ; la viande
après huit heures , Se le beurr le dernier
de tous. Dans une heure , il a pafTé aflez
d'ahmcns dans les inceftins pour fournir du
chyle aux vaiffeaux laétés Se pour les colo-
rer. L'ejîomac fe vuide exa6bement , puifquc
l'eau qui remonte à la bouche dans un hom-
me à jeun , ne conferve aucun goût Se au-
cune odeur des alimens.
Nous donnerons des articles particuliers
fur la rumination & fur le vomiftcmenr ,
qui font des mouvemens rétrogrades de
l'eflomac.
L'effet du mouvem.ent périftaltique de
O
îo6 EST
Veliomac > ne fe borne pas à l'expulfion des
almens; ils les broie certainement. Nous
avons toujours trouvé , & dans les animaux
& dans l'homme , le pain , les feiuUcs de
jardinage & la viande très reconnoiflables ;
mais dans Its inteftins , dans le duodénum
même , ce n'étoir plus la même chofe ; les
alimens étoient. fondus , uniformes & ré-
duits à une pâte grife que la bile colore
ordinairement. Il n eft pas douteux que la
contradion de Yc/îomac ne concoure à ce
broiement : la prellîon mécanique fait le
même effet fur du pain & fur des légurnes.
'L'cjiomac a de la peine à écrafer le raifin ;
la pellicule gliflante lui échappe ; il agit
mieux fur les alimens qui n'ont aucune en-
veloppe. -1/ j
Si le mouvement de Vejîomac , aide de
la prcrtîon du diaphragme & des mulcles
abdominaux , concourt à la digeftion , il
n'en cft pas le feul auteur. Les oifeaux ,
maigre la force énorme de leurs ejfomacs ,
ont cependant ou des jabots ou des bulbes
glanduleufes à l'entrée de l'œfophage , qui
réparent une abondance de liqueur dillol-
vante , & nous ne connoilïcins aucun ani-
mal dont Vejiomac ne foit abreuvé de quel-
que humeur analogue.
Dans l'homme Vejlomac eft arrofé de plu-
fieurs liqueuis : la lahve que l'homme poli
avale ou feule ou mêlée avec les alimens i
la liqueur muqueufe des glandes du ventri-
cule & la liqueur gaftrique exhalante qui
fort des artères de la veloutée , qui eft très-
abondante , & dont nous avons indiqué la
jiature.
Les alimtns font pétris avec des liqueurs
par le mouvement périftaltique & par la
preflion dont nous avons parlé , des organes
de la refpirationi ils s'amoUifltnt &c le gon-
flent : les petites cavités entre les fibres ani-
males ou végétales fe dilatent , & les chairs
mêmes deviennent une bouillie dans laquel-
le on ne rcconnoît plus de fibres. Nous
avons vu tous ce s changemens& dans l'hom-
me & dans l'animal ; dans celui-ci ils font
bien plus confidérables , puifque les fibi es
ofleufes & les cartilages fe dilTolvent dans
Vejiomûc des poiffbns ôi des ferpcns.
Dans ces animaux , la chaleur n'oxede
que de peu de degrés celle de l'atmolphcre ;
cur ejlomac eft uès-peu mufculeux i la di-
E S T
geftion fe fait avec rapidité : on a trou-vé
dans de mcrluei des poilTons prefque entié-
ttment fomlus , qu'elles avoient dévorés le
jour d'auparavant : & dans ce petit nombre
d'heures , la pourriture ne devoir pas avoir
fait des progrès.
Dans l'homme , l'adion des liqueurs
émoUientes eft aidée par la chaleur qui eft
confidérable dans Vejïvmac , Se qui ne peut
que développer & raréfier l'air mêlé aux
élcmens de la nourriture. Cet air raréfié
fait effort contre les petites cellules dont les
alimens font environnés , & aide à les dif-
fipcr &c à féparer les élémens.
Cette aftion de l'aile ne va pas dans l'homme
bien conftitué jufqu'à la f-ermentation ou à
la putréfaftion : il eft vrai que très-fouvent
le lait s'aigrit , & que dans les animaux
carnivores les chairs dévorées prennent une
odeur défagréable ; mais cette odeur eft
pultôt un fade rebutant qui n'eft que le
premier degré de la pourriture , & le chyle
eft lî doux , fi éloigné d'une liqueur ou
fcrmentée ou pétrifiée , qu'il eft étonnant
que des auteurs , & même des auteurs très-
inftruits , aient attribué la digcftton des
alimens à une fermentation, ils n'ignoroient
pas que ce dernier changement produiroit
un acide vineux , & que la pourriture ne
pourroit jamais lailfer au chyle la douceur
& l'inclination à s'aigrir qui lui eft propre
dans les animaux.
L'air fe développe vifiblement dans l'ef-
tomac , puifqu'il gonfle celui des bêtes à
corne avec une violence qui les tue fur le
champ , & que dans rhomm.c qui digère
mal , il caule des gonfiemcns douloureux,
& force même fon changement par l'œfo-
phage. Ce développement eft moins violent
dans l'homme fobre, & qui fe porte bien ;
les rapports ne font pas des fuites naturelles
d'une bonne digeftion.
La bile a un libre accès Hans X'cjlomac ;
fa couleur teint très-fouvent les alimens :
dans pluiieurs animaux , fon canal s'ouvre
ou dans Vcfiomac même , ou dans le duo-
dénum immédiatement fous le pylore. Nous
avons parlé de fes qualités , art. Bile.
Dans les poilTons , dont la digeftion eft
l'unique ouvrage des humeurs mêlées auje
alimens j ces humeurs font augmentées par
EST
une abondance de miicofîte que leur four-
nidènc un nombre de cœcums attachés au-
tour du pylore. Il paroit ircs-naturel que
privés des autres caules de la digcllion , ces
animaux ont eu beloin d'être fournis avec
plus d'abondance de celles qui leur reftent.
Les oifeaux qui mangent des grains fou vent
très-durs , ont le jabot plein de glandes
muqueules pour les amollir avant de les tri-
turer dans Vejîomac charnu.
La gomme rend les huiles commifciblcs
avec l'eau ; la mucolîté animale paroît avoir
les qualités de la gomme. ( H. D. G. )
Estomac , C maladies de /') les fondions
de cet organe font très-nombreufes &c très-
variées ; elles (bin par conféquenc lufcep-
tibles de différentes lélîons.
Celles de la première elpece dépendent
des vices de ce vilcere , en tant qu'il eft
regardé comme le fiege de l'appécit des
alimens & de la boiflbn , qui eft aboli dans
Vanarexie , & diminué dans la difurexie ou
l'inappétence & le dégoût , ou apojuie ; dé-
pravé dans la faim canine iS; les e/zv/w, c'elt-
à-dire , \e picaSc le malacia. V. Faim, Ano-
rexie, DysorexiEj ArosiTiE, &
Envie.
Les maladies de Veflomac de la féconde
efpece , regardent la coftion , en tant qu'elle
dépend principalement de l'action du ven- .
tricule ; ainfi lorlque les alimens , qui y |
font contenus , ne font pas digérés , ou
lorfqu'ls ne le font que lentement 5i avec
peine , ou qu'ils changent de nature , &
contrarient des qualités qui ne lont point
convenables au chyle , préparé d'une ma-
nière naturelle ; ces diftérens vices confti-
tuent des maladies de Vejlomac , qui lont
l'apepfie , ou le défaut de digeition , la dyf-
pepjie ou la digeftion difticile, douloureufe;
la bradypepfie , ou la digeftion trop rallen-
tie ; & la diapthore , ou la digeftion faite
avec corruption : il a été traité de chacune
de fes affcclions en fon lieu , ou à l'article
Digestion. /-^. Apepsie, Dyspepsie,
Bradypepsie , & Diapthore. La trop
prompte digeftion eft rarement une maladie;
lorfqu'elle eft regardée comme un vice , elle
conftitue ce qu'on appelle la boulimie , ou
faim excelTive. y. Faim.
Les maladies de Vcjîomac de la troifieme
elpece , regardent l'adion de ce vifcere ,
EST 107
tendantes à expuliér les matières contenues
dans fa cavité : telles fjiit le hoquet , la
nauléc , le vomiirement , le choiera , le
rot ; la lienterie eft aulTi de cette efpece ,
en tant qu'elle dépend du vice de Vejlo-
mac , comme de celui des inteftins. Voy.
Hoquet, Nausée, Vomissement,
Choléra- M oRBUs, Rot &• Lien-
terie.
Les maladies du ventricule de la quatriè-
me efpece , dépendent des vices qui affec-
tent fpécialement les parties qui entrent
dans la compoiitien de la fubftance : ainll
comme il reçoit un grand nombre de nerfs ,
qui fe diftribuent dans fes menbranes , il eft
doué d'un fentiment très-exquis ; ce qui le
rend très-fufceptible de douleur ; fur-touc
dans les environs de fon orifice fupérieur :
cette forte d'affeélion eft ce qu'on appelle
la cardialgie ou V ardeur d'ejlomac. V, Car-
DIALGIE.
"L'ejlomac étant compofé de vaifteaux de
tous les genres , eft par conféquent fujec
aux engorgemens inflammatoires, aux ab-
cès , aux ulcères, à la gangrené, aux obf-
truclions, à l'ocdeme , au skirrhe : c'eft de
ces dernières maladies , qui ne font pas dif-
tinguées par des noms particuliers , dont il
convient de donner fuccintement l'hiftoirc
fous cet article.
Det injlammation de l'ejlomac. Toute forte
d'engorgement de vailfeaux , dans quelque
partie du corps que ce (oit , augmente fow.
volume, & y forme une tumeur; ainft
l'engorgement inflammatoire en produit
toujours une dans la partie de Vejlomac ,
où il a (on fiege ; mais elle n'eil fenhble au
dehors , que lorlqu'elle eft dans la partie
antérieure : il eft rare qu'il (oit entièrement
enflamme dans toute l'étendue , tant interne
qu'externe de fes membranes ; il ne l'eft
ordinairement qu'extérieurement , ou inté-
rieurement dans une partie plus ou moins
grande de fa fubftance.
Lorlque l'inflammation eft formée , le
malade reflent dans la région epigaftriquc
une douleur fixe continue, pungitive , avec
un fentiment de pefanteur, qui ne peut être
calmée par l'application d'aucun remède
approprié ; elle eft accompagnée d'une
fièvre très-aiguë, d'une chaleur trés-ardente,
& d'une foif très prelfante ; & la douleac
O i
io8 EST
eft augmentée, au moment même de l'en-
trée des alimens dans Vefiomac , foit foli-
des , foit liquides ; elle fc fait alors plus
parciculiérement fentir dans le point où efi:
l'iniiammation , & les matières reçues dans
fa capacité ne tardent pas à en être expul-
fées par un vominement très-douloureux,
ou par une prompte & fatigante déjed:ion ,
à moins que l'engorgement inflammatoire
ne s'étende au cardia & au pylore , & ne
ferme ces deux orifices : le hoquet Ce joint
à tous ces fymptomes , & rend la douleur
encore plus aiguë ; le malade fc plaint d'une
anxiété continuelle , & paroîc être d'une
inquiétude extrême , par les fréquentes agi-
tations de fon corps ; fi l'inflammation
affe£te tout le ventricule , il ne trouve pas
une lituation où il ne relfenre une douleur
très-vive dans toute la région épigaftrique ,
{i ce n'eft qu'à la (urface externe , la douleur
fe fait plus fentir pendant la digeftion ;
pendant que les fibres de Vejfomac fe con-
traétent pour preder les matières contenues
èc enfuite les expulfer de fa capacité , le
malade prend , dans ce cas , les alimens
néceffaires avec moins de peine , que lorf-
que c'eft la furface interne qui eft enflam-
mée , parce que celle-ci eft expofée au con-
taét de ce qui eft dans le vifcere, ce qui la
rend par conféquent extrêmement fufcep-
tible d'irritation , & renouvelle la douleur
d'une manière inlupportable : lorfque c'eft
la partie antérieure qui eft le fiege de l'in-
ilammation , elle fe manifefte par la tumeur
qui eft fenfible au toucher, & même quel-
quefois à la vue dans l'étendue des parties
contenantes du bas-ventre , qui terminent
le devant de la région épigaftrique : cette
partie eft auffi d'une fi grande fenfibilité ,
que le malade ne peut rien fupporter qui
la preflc , Se même qui la touche , comme
les couvertures du lit. Le malade fouffre
davantage, étant couché fur le dos, lorf-
que l'a ffcûion eft dans la partie poftérieurc,
il ne (e couche qu'avec plus de douleur fur
les parties latérales, fi elles font atfeftées,
«1 ailleurs le malade diftingue par lui-même
jfi elles font le fiege du mal , & l'indique
par fon rapport : fi l'inflammation tient
plus de la nature de l'éréfypele que du phleg-
mon , les fymptomes (ont tou> plus violens ,
Biais la tumeur & le fcuc;ment de pefanteur
EST
de la partie afFeétée , font moins confidc-
rables : lorfque l'inflammation eft fort éten-
due , & que la maladie eft conféquemmenc
fort grande , il furvient de fréquentes défail-
lances ; le malade éprouve de conftanccs in-
fomnies, & tombe fouvent dans le délire.
Avec tous ces fignes, on a de la peine à
diftinguer l'inflammation de Vefcmacà'siVtc
l'inflammation d'une partie voifine , qui y a
beaucoup de rapport ; c'eft celle du petit
lobe du foie , qui recouvre la partie fupé-
rieure du ventricule , ou celle des parties
contenantes de l'abdomen , qui lui eft
contiguë : prefque tous les mêmes fymp-
tomes fe trouvent dans l'iuie comme dans
l'autre ; enfortc que les médecins les plus
expérimentés s'y font fouvent trompés :
on ne peut en faire la différence , que par-
la violence extrême des accidens qui accom-
pagnent l'inflammation de Vejlomac.
Les caufcs tant prochaines qu'éloignées
de cette aff^eétion , font les mêmes que celles
de l'inflammation en général , appliquées à
la partie dont il s'agit. Le médecin peut en
connoître la nature & les différences , par
les informations qu'il prend fur la manière
de vivre qui a précédé , fur l'abus des fix
chofes non naturelles, auquel il a peut être
donné lieu ; fur l'âge , le fexe , le tempé-
rament , la faifon , 6v. dont la différence
peut beaucoup influer fur celles des caufes
de cette inflammation , qui peut encore
être ou idiopathiqueou fympathique, fymp-
tomatiquc ou critique.
Cette maladie devient trcs-dangereufc ,
& mortelle même en peu de temps, fi on
ne fc hâte pas d'y apporter remède , parce
que la fonâion de la partie affeélée eft
extrêmement néceftaire à la vie ; parce que
le défaut de cette fonélion lui eft très-
préjudiciable , iSc que l'organe en eft très-
fburni de nerfs , &i a une grande connexion
par leur moyen avec toutes les parties
voi fines. Les perfonnes d'un tempérament
foible , délicat , guériflent rarement de
l'inflammation A'efwmac : elle eft moins
dangereufe pour ceux qui font robuftes.
Le froid aux extrémités ; eft un figne de-
mort procliaine dans cette maladie : elle
fe termine, comme toutes les autres ma-
ladies inflammatoires , par la refolution j,
EST
par la ruppuratîon , ou par la gangrené ;
ou elle le change en tumeur îkirrheufc ,
chancreufe ; ou elle procure une mort
prompte , que les convullions contribuent
à accélérer. C'eft la nature , & la violence
de Tes caufes &c de Ces fymptomes , qui
difpofe à ces différentes terminailons , &:
les décide. Si l'iirflammition de l'cflomac
tourne en fuppuration , il s'enfuit plulîeurs
maux confiderables , tels que la naufée , le
vomiflement ; la douleur , ces lymptomes
font quelquefois accompagnés de circonf-
tances lurprenantcs , on n'en connoit fou-
vent pas la caufc , & ils deviennent incu-
rables : d'ailleurs le pus s'en répand ou
dans la capacité de l'abdomen , ou dans
celle du ventricule. Il fe forme dans le
premier cas un empieme : dans le fl-cond
le pus eft évacué par le vomilTement ou
par les déjections. Il réfulte de l'un .Si de
l'autre , que le malade tombe dans une
vraie confomption à la fuite de la fièvre
lente , que procure le pus en fe mêlant avec
la malle des humeurs. L'ejhmac s'affoiblit
de plus en plus , les alimens ne fe digèrent
pas ; 5c le corps ne recevant prefque point
de nourriture , périt par l'atrophie Se le
marafme.
L'exulcération de ce vifcere n'eft cepen-
dant pas toujours l'effet de l'inflammation ;
elle peut être auffi produite immj;diate-
ment par la corrofion de quelque humeur
acre , de quelque médicament , de quelque
aliment de nature à ronger la fubftancc de
Vejîomac : elle peut auffi être caufëe par
des corps durs , rudes , pointus , comme
des portions d'os , des aiguilles & autres
chofes lemblablcs , avalées à deflein ou par
mégarde. Les ulcères de cette efpece ne
font pas ordinairement fi dangereux que
ceux qui fe forment à la fuite de l'inflam-
mation de ce vifcere.
Lorfque la gangrené lui fuccedc , elle
eft incurable ; & la mort qui fuit de près,
ne laillc pas le temps de placer aucun re-
mède , qui feroit d'ailleurs inutile > à caufc
du peu d'épaificur des tuniques de Vejîomac ,
qu'elle détruit très-promptement.
L'œdème , les obflrudions , le skirrhe ,
qui ont leur fiege dans la fubftmce du
ventricule , font très difficiles à guérir , &
dérangent coniidérablement les fondions
EST 109
de cet organe : le chancre y caufe des dou-
leurs tvès-violentcs , qui font même fufccp-
tibles d'être augmentées par tout ce qui y eft
applique par la voie de la déglutition ; &
qui deviennent fixes , infupportables & de
longue durée par l'effet des remèdes irri-
tans , & de toute autre chofe de fcmblable
qualité , pris intcrieurcment.
Dès que le médecin eft affuré par le con-
cours des fignes qui caradlérifent l'imflam-
mation de Vejiumac , qu'elle eft formée , il
doit recourir tout de (uite à la faignce , la
preicrire copieufe , &z la faire répéter , fi le
cas l'exige ; & cependant , comme les vio-
lentes douleurs caufent (ouvent des foi-
blellès, des défaillances , il faut avoir grande
atttiition de confcrver les forces , tk de
ménager par cette railon les évacuations ;
d'éviter l'ufige des purgatifs , & encore
plus celui des vomitifs , qui , en attirant
un plus grand abord d'humeurs dans la
partie affedée , en la mettant en mouve-
ment , & en lui caufmt des agitations con-
vuhîves , violentes par les irritations , ne
peuvent qu'être extrêmement nuifibles. Il
convient par conféquent de ne faire diver-
fion que dans les parties éloignées ; ainil
les lavemens antiphlogiftiqucs font utiles-
dans cette vue. Le régime doit être exade-
ment obfervé ; le malade doit fefoumettrc
à une diète très-févere , & ne faire aucun
ufage de viande ni de fcs fucs, ni bouillons.-
Les délayans , les adouciffans , les tcmpé-
rans , qui fe trouvent réunis dans les tifan-
nes émulfionnées , cuites , font employés^
avec fuccès en grande quantité. Les décoc-
tions de riz , d'orge , un peu miclléces &
aiguifées par quelques gouttes d'acide miné-
ral , comme Tefprit de nitre , ou végétal ,
comme le fuc de hmon à petite dofe , pro-
duifent auffi de bons effets , & contribuent
à calmer le vomilfement & les autres fymp-
tomes preffans , tels que l'ardeur de la
fièvre , la douleur. Les fomentations émol-
lientes , répercuffives , corroboratives &
légèrement aftringentes ; les cataplafmcs
de même qualité, les onguens même appli-
qués fur Vejlomac , font encore très utiles
dans ce cas. On peut placer un doux purga-
tif fur la fin , lorfque la douleur paroit bierr
calmée. Si l'inflammation de l'e/?oTO<7i.- tour--
ne en gangrené , il n'y a point de remède à
no EST
employer , comme il a été dit : la mort de
la partie ell bientôt fuivie de celle du tout.
Si la partie enflammée vient à fuppurer ,
& que Ton puille le connoître , il faut
traiter la maladie félon la méthode prêt
crire pour les abcès en général ( y. abce's ,
ULCERE, Suppuration ) , & fi X'eflomac
eft affedté d'obitrudions , d'oedème , de
skirrhe, de chancre , il faut auffi employer
les remèdes indiqués contre ces différens
vices V . Obstruction , (Edeme , Skir-
rhe , Chancre, {d)
ESTOMBER, ESTOUSPER, on
écrit plus fouvent , & on prononce toujours
ejîrumber, Eftrombcr , terme de Deffinateur ;
c'eft frotter le crayon qu'on a mis fur fon
deffin , avec de petits rouleaux de papier
barbus par le bout, ou avec du chamois roulé
fur un petit bâton en forme de pinceau. Le
chamois & le papier ainlî roulés, s'appellent
ejlompes. On prend quelquefois du crayon
en poudre avec l'eflompe , & on le frotte fur
le deflin. (R)
ESTONIE , ( Géogr. mod. ) province de
RuIIie , bornée à l'orient par la mer Bal-
tique , au feptentrion par le golfe de- Fin-
lande , à l'occident par l'Ingrie , & au midi
par la Livonie. On la divifc en cinq dioce-
fes; Alcuraxie, Virric , Sarrie , Vixie , &
Servie.
ESTOTILAND, {Géogr.) ce pays de
l'Amérique feptcnirionale , au nord du
Canada , vers les terres arctiques , décou-
vert par Antonio Zéni , dont tant de géo-
graphes & de cofmographes ont parlé , &
dont Daviti nous a donné la defcription ,
jufqu'à détailler les livres latins de la biblio-
thèque de celui qui y commandoit ; ce pays,
disje , malgré tant de témoignages politifs,
n'eft qu'un pays idéal &c chimérique : aulTi
M. de Lille en a banni le nom de fes cartes,
avec d'autant plus de raifon que l'on ne lait
même ce qu'il fignifie. Art. de M. le Cheva-
lier DE JaUCOURT.
ESTOU , f m. ( Boucherie. ) table à claire
voie fur laquelle les Bouchers habillent les
nioutons & les veaux. Si vous ôtez les bras
à la civière des Maçons , vous aurez Yejlou
des Bouchers. Vejiuu eft foutenu fur quatre
bâtons pofcs aux quatre angles.
ESTOUPIN , ETOUPIN , ou VALET ,
( Marine. ) C'ell un peloton de fil de carret
EST
proportionné au calibre des canons ; on
s'en fert à bourrer la poudre quand on les
charge.
ESTRAC , ( Manège , Maréchallerie. )
terme dont nous ne faifons plus aucun
ufagc. Voye"^ Etroit.
ESTRADE , f f. ( Gramm. & Hijl. mod. )
eft un terme françois qui fignifie à la lettre
une route publique ou grand chemin. C'eft
de- là qu'eft venue cette phrafe militaire ,
battre l'eflrade , c'eft-à d're , envoyer des'
coureurs ou gens à cheval à la découverte
pour épier les difpofitions de l'ennemi , &
donner avis au général de tout ce qu'ils ont:
apperçu dans la route. Une armée ne mar-
che jamais fans envoyer de tous côtés des
batteurs d'ejlrade.
Ce mot eft formé de l'italien y?r^J(7,rueou
chemin, qui vient lui-même du hùnjlrata,
rue pavée. Quelques uns le dérivent à'ejlra-
diots, qui étoient anciennement des cavaliers
qu'on employoit à battre Vejlrade.
EJtrade lignifie auflî une petite élévation
fur le plancher d'une chambre , qui eft ordi-
nairement entourée d'une alcôve ou ba-
luftrade pour mettre un lit , & qui , com-
me en Turquie , n'eft qucquefois couverte
que de beaux tapis, pour y recevoir les per-
fonnes de diftinébion qui viennent en vilite.
Voye'^ Alcôve.
Estrade , ( Art milit. ) le dit du terrain
des environs d'une ville ou d'une armée ;
ainfi battre l'efrade , c'eft parcourir les en-
virons d'une armée ou d'une place , pour
découvrir s'il y a quelques partis de l'en-
nemi. ( Q )
Estrade, {Jardinage.) voye^GRADiNS
DE Gazon.
ESTRADIOTS ou STRADIOTS , f.
m. p. ( Art milit. ) efpecc de cavalerie lé-
gère qui a été autrefois d'ufage en France.
Voyei Cavalerie. { Q)
ESTRAGON , f, f. ( H,(}. nat. Bot. ) dra-
cuncalus ejculentus. C'eft une plante pota-
gère qui poude pludeurs tiges ou veiges à
la hauteur de deux pies , rameufes , & por-
tant des feuilles longuettes , odorantes ,
d'un goût fort , mais agré^;ble. Ses fleurs
qui f )nt jaunes , lont fi petites qu'à peine
les découvre-r-on ; elles forment de petits
bouquets , & font fuivies de petits fruits
ronds qui en confcrvcnt la fcmence : on
EST
l'emploie dans les fournitures de falade , &
on en met dans le vinaigre pour le faire
fentir bon.
h'ejiragon fe multiplie de traînafTes ou
boutures, rarement de fcmence , & repoude
quand il a été coupé : la culture n'a rien de
particulier. {K)
Estragon , ( Mat. mcdic. Chim. ) Cette
plante eft puilfamment incilive , apéritive ,
digcllive : elle donne de l'appétit , difHpe
Ks vents , excite les urines & les règles , levé
les obftrudions : étant màcdée , elle fait
fortir la pituite & lafalive, comme la pyre-
thre; c'eft pourquoi elle appaifc les douleurs
de dents , S>i purge le cerveau humide. On
en fait ufage très-fréquemment parmi nous
dans les falades i elle tempère le froid & la
crudité des autres plantes avec kfqutUes on
la mêle. Geoffroy , Mat. méd,
'L'efiragon contient une partie mobile ,
vive hc piquante , qui a quclqu'analogie avec
l'e fprit volatil des crucifères , mais qui n'a
pas les caraéleres ellentiels de ces fe'is.
\JeJiiagon doit être rangé à cet égard
avec l'ail , l'oignon , le porreau , la capu-
cine , & quelques autres, que M. Boerhaave
& fes copiftes placent mal-à-propos par-
mi les plantes qui contiennent un alkali
volatil nud. On prépare, avec cette plante,
un vinaigre qu'on appelle vinaigre d'es-
tragon.
Le vinaigre à'ejîragon entre dans l'eau
prophylaétique de la pharmacopée àc Paris.
(O
Estragon , ( Diète. ) On mange les
feuilles de cette plante en falade , rarement
feules ; ordinairement avec la laitue , dont
elles relèvent admirablement le goût. Cette
efpecc d'aflaifonnement peut devenir auffi
fort utile pour l'eftomac , & concourir effi-
cacement avec le fel , le poivre &c le vinai-
gre , à corriger la fadeur , l'inertie d'une
plante aqueulé & inlipide, tellcque la laitue.
Voyf^ Laitue ù Salade. XJeflragoti cfl
très-peu employé àxitre de remède. ( 3 )
Eetragon , ( Chimie ) \Jeflragon con-
tient une partie vive & piquante au goût &
à l'odorat , & audî volatil que l'efprit des
crucifères , auquel il ell d'ailleurs très-ana-
logue. La nature de ce principe mobile n'efl
pas allez déterminée jufqu'à préfenti les
EST m
ciiirniftes inftruits favenr feulement que ce
n'ed pas un alkali volatil, (i)
ESTRAMADURE E;,pagnoi.e (l'),
Gfog. mod. province d'E! pagne , qui a en-
viron 70 lieues de longueur fur 40 de lar-
geur. Elle eft bornée au feptentrion par le
royaume de Léon 5c la vieille Caftille ; à
l'orient par !a nouvelle Caftille ; au midi
par !*Andalouhc , Se à l'occident par le
Portugal.
L'Eftramadure Portugaife eft une pro-
vince du Portugal , fituée vers l'embouchure
du Tage. Elle eft bornée au feptentrion par
la province de Beira ; à l'orient & au midi
par l'Alentéjo ; à l'occident par l'Océan
Atlantique. Elle fe di vife en cinq territoires,
Sétuval , Alanguer , Santaren , Leira, Torna.
Lifbonne en eft la capitale.
ESTAN , ( Marine. ) c'eft une étendue
de terrain le long de la côte , laquelle eft
très- plate & fablonneufe , cc dont fouvent
une partie eft couverte par les hautes ma-
rées ; mais ce terme n'tft en ufage que le
long des cotes de Flandres 6c de Picardie.
ESTRANGEL, adj. (Littéral.) certai.ns
caraéteres de l'alphabet Syriaque , qu'on en
peut regarder aujourd'hui comme les lettres
majufculcs avoient été anciennement le vé-
ritable caraftere courant.
ESTRAPADE , f. f. ( Jrt milit. ) eft:
une efpece de punition militaire , dans la-
quelle , après avoir lié au criminel les mains
derrière le dos , on l'élevé avec un cordage
jufqu'au haut d'une haute pièce de bois ,
d'oîi on le laifle tomber jufqu'auprès de
terre , de manière qu'en tombant la pefan-
teur de fon corps lui diiloque les bras.
Qiielquefois il eft condamné à recevoir trois
ejirapades , ou même davantage.
Ce mot vient , dit- on , du vieux mot
cffreper , qui lignifie brifcr , arracher ; ou
bien de l'italieny/rj^^^î/iî, du verbey?rj/ipare,
tordre par force. Trév. & Chamb.
YJeJirapade n'eft plus d'ufage , du moins
en France.
Estrapade , ( M.^rine.) c'eft le châti-
ment qu'on fait ibulFrir a un matelot , en
le guindant à la hauteur d'une vergue , erj
le lailfmt enfuite tomber dans la mer , cii
l'on le plonge une ou plulîeurs fois , lelon
que le por^e k fèntence. C'eft cc qu'oa
112 EST
appelle autiement donner h cale. Voye[
Cale.
Estrapade , ( Manège. ) exprenion an-
cienne , & par laquelle on entendoit un
châtiment donné avec les rênes du caveçon
ic de la bride, il feroit à fouhaiter pour les
chevaux , que l'adion de châtier ainfi fût
auffi inufitée que ce mot. Quelques-uns lui
donnent une autre hgnification ; ils préten-
dent qu'il n'a été employé & imagnié que
pour définir des fortes de contre -temps
communément appelles /iu« de mouton.^ Ce
qu'il y a de plus certain , c'eft que s'il a
exprimé quelque chofe autrefois , il a telle-
ment vieilli , qu'il ne nous eft , pour ainli
dire , plus connu. ( e )
ESTRAPASSER un cheval , {Manè-
ge. ) c'eft en outrer l'exercice (ans confidé-
ration de ce qu'il ne peut , ou de ce qu'il ne
fait , relativement à ce qu'on lui demande.
Cette exprelTion , quelqu'ancienne qu'elle
foit, n'a point vieilli , & vraifemblablcment
la brutalité , l'ignorance & la témérité ,
d'un commun accord , en perpétuent l'u-
ikse. ( 6 )
^ESTRAPOIRES, f. f . {Agriculture.)
ce font de longues ferpes en forme de croif-
fant , attachées à l'extrémité d'un long bâ-
ton , dont on fe iéit pour couper le chaume
à ras de terre. Cette manœuvre s'appelle
eflraper.
ESTRAPONTIN ou HAMAC, {Mar.)
c'eft une efpece de lit fait d'un tilfu de
coton ou avec de la toile, & fufpendu avec
des cordes entre les ponts , fur lefquels ou
couche dans les vaillèaux. Foy. Branle ù
Hamac. ^ ^ , V
* ESTRAaUELLE , f. f. ( Verrerie. )
c'eft ainfi qu'on nomme la pelle à enfourner.
Elle a fept pies & demi de long. Les tifeurs
6'en fervent à tirer la matière cuite des anfes
3 cendrier; &: la porter aux monceaux , d'où
on la verfe dans les pots. Il faut cinq efra-
ijuellles. Les plis de X'eftraquellc auront neuf
pouces de largeur , un peu plus de longueur,
& quatre pouces de profondeur, h'ejlraquelle
cft de fer ou de tolc.
ESTRASSE , f f. {Corn.) bourre de foie,
qu'on appelle aulFi cnrdaffe.
ESTR'EAFLE , adj. ( Vénerie. ) fe dit
d'un chien qui a un os de la hanche hors de
EST
ESTREJURES, {Jurifprud.) font des
chofes abandonnées. ( Voye'^_ Lindanum de
Teneremonda, p. xi8.) Il en eft audî parlé
dans les coutumes particulières du bailliage
de S. Orner , art. j. Voye\^ le glojfaire de
Lauriere, au mot e/îrejures , &C ci-devant
le mut Estrayers , qui a quelque rapport
à celui-ci. {A )
ESTRELAGE , f. m. {Comm.) droit qui
fe levé fur le fel par quelques feigneurs ,
lorfque les voitures des fermiers partent fur
leurs terres. La pancarte du droit à'ejirelage.
doit être placée en un lieu éminent , près de
l'endroit où on doit le lever. Ce droit fe
levoit autrefois en nature , mais par l'or-
donnance de 1687, pour l'adjudication des
gabelles ; Ve/Irelage a été apprécié en argent,
aulli-bien que tous les autres péages aux-
quels les lels des gabelles font fujets fur les
terres des feigneurs. Diâionn. de Comm. de
Trév. & Charniers. ( G )
ESTREMOS ou EXTREMOS , {Géog.
mod. ) ville de l'Alentéjo , en Portugal :
elle eft fituée fur la Tera. Long, lo, 46. lat,
38. 44.
ESTRIBORD ou STRIBORD, )Mar.)
c'eft le côté droit du vailfeau , eu égard à
celui qui eft aiTîs à la pouppc. On dit ordi-
nairement//r/i^ortf. Voy. Stribord.
ESTRIQUER , v. a. en terme de Raffi-
ncur defucre , c'eft boucher les fentes & les
crevaffes que la terre fait tout autour des
bords de la forme en fe féchant. Cela fe fait
en y mettant de la nouvelle terre , que l'on
unit au niveau de l'autre avec l'eftriqueur.
'Voy<-X EsTRiQUEUR. Cette opération pré-
cède le rafraîchi {voyei Rafraîchi), parce
que l'eau qu'on met alors fur la terre pourroit
couler par ces crevalTes, & faire des couliflès
au pain. JT^yycij^ Coulisse.
ESTRIQUEUR , f. m. en terme de Raf-
fineur de fitcre, eft un morceau de cercle de
bois plié en crochet , dont on fe fcrt pour
fermer la terre autour de la forme avant de
rafraîchir. Voy. Rafraîchir.
* ESTRIVIERES , f. f. ( Manuf.enfoie.)
b uit de cordes attachées aux arbalètes des
nifcrons quand il n'y a point de faux lif-
ferons. Celles qui fervent à faire lever la
chaîne , tiennent aux calquerons ou car-
(juerons ■■, & celles qui fervent à faire bailler
EST
les lifTes , tiennent aux arba!tftes&: aux faux
li lierons.
ESTROP, ESTROPE. {Manne.) Foy.
Etrote.
* ESTROPIÉ , r. m. Il fe dit , au fimple,
d'un animal qui a quelques-uns de les mem-
bres défigures , foie naturellement , (oit par
accident : on l'a tranfporté au figure, à une
multitude infinie d'objets différens.
EsTRoriÉ , adj. ( Dejfdn & Peinture. ) fe
dit d'une figure d'un membre delîiné lans
jurtcire ôc fans proportion. Ainfi une figure
cil e/Iropit'e , lorfque quelques-unes de Tes
parties font trop grolfes oa trop petites
par rapport aux autres. On dit : ce peintre
colorie bien , mais fes figures font ejirc-
piées. ( R )
ESTROPIER. ( Jardinage. ) Il eft quel-
quefiais à craindre qu'en arrachant des ar-
bres dans des pcphiieres , vous n'ejlropic^
les racines des arbres voiiuis, c'eft à-dire,
que vous ne les coupiez , les écorchiez &
ne les rompiez,
On peit encore cjïropicr un arbre en le
taillant mal , tk. lui otant les branches né-
cellaires à fa beauté & à la produftion des
fruits. ( R )
ESTUQUE , (Géog. rr.od. ) province du
Bilédu'gérid , en Afrique.
ESTURGEON , f m. ( Hiji. nat. Ichtho-
log. ) accipenfer , poiilon cartilagineux , qui
a le corps long , & cinq rangs d'écaillcs
ollcules , qui s'étendent d'un bout à l'au-
tre , & qui forment les bords de cinq faces
longitudinales. Le ventre eft plat , les écail-
les iont terminées par une petite pointe
ferme & recourbée. Le bec elt long , large ,
mince , & prolongé au-delà de la bouche:
il y a fous le bec quatre barbillons. La bou-
che eft petite & licpourvue de dents ; la
queue redemble à celle des chiens de mer;
le dellus du corps eft d'un bleu noirâtre , &
le dclfous de couleur argentée. Ce poilfon
entre dans les grandes rivières , & il y de-
vient aullî grand qu'un poilfon cétacée. On
en a vu qui avouent plus de i6 pies de lon-
gueur , & qui pefoient jufqu'à deux cents
foixantc livres , mais dans la mer il ne
p ille guère un pic & demi, h'efurgcon eft
excellent à manger. Raii , fynop. méihud.
pif. Rondelet , hili.JespoiJfons. l^oyeiVon
SON. ( /)
Tome XIII.
EST iij
"p Esturgeon , ( Pèche. ) La pêche de
l'ejlurgeon avec les tramaux dérivans c -m-
mcnce en février & dure jufqu'cn juiH.t &
août , & même plus tard, fuivant la faifon.
Les pécheurs qui font cette pêche dans la
rivière , amarrent par un cordage de quel-
ques brades les bouts de leur treffure , qui a
quelquefois plus de loo brades de long , à
un pieu qui eft planté à la rive , ou attaché
à quelque arbre de bord. Le rets , fuivant la
profondeur des eaux , a i , 5 à 4 braffes de
chike , & pour lors le tramail refte (ëdentai-
re lans dérive , Se arrête au paflagc les créacs,
c'eft-à-dire , les ejîurgeons qui montent ou
qui delcendent.
On fait encore cette même pêche à la
feine , qui eft traînée par deux petites fila-
dieres montées chacune de trois à q.îatre
homrries. Cette teine a une eipece de lac ou
chaude dans le milieu. Lcspêclieurs manœu-
vrent toujours de manière que la marée foie
portée dans 1 1 cliaaile , laquelle eft foulcvée
par le flot. Q'.iand ils s'apperçoivent qu'il 7
a quelques efturgsons de pris , ils les retirent
& les amarrent par d.es bouts de ligne qui
palTent au travers des ouies & de la gueule
du poifl'on , ils confervent ainfi les e/îurgeoiis
vivans jufqu'à ce qu'ils en aient allez pour
faire un voyage à Bordeaux , o\x ils les por-
tent tous ; & même un feul pécheur aniailc
quelquefois les ejiurgcons des autres 6c les
porte à la vente , pendant que les autres
continuent leur pêche.
ESSUL 5 ( Phar. mat. méJ. ) Foy. TiTHY--
MANE. V
E T
ET , conjondlion copulat. ( Gram. ) Ce
mot marque l'aélion de l'elprit qui lie les
mots & les phrafes d'un difcours , c'eft-à-
dire , qui les conlidere fous le même rap-
port. Nous n'avons pas oublié cette parti-
cule an mot Conjonction ; cependant il
ne fera pas inutile d'en parler ici plus parti-
cuHérement.
1°. Notre & nous vient du latin S-, Nous
l'écrivons de la même m miere ; mais nous
n'en prononçons jamais le t , même quand
il eft luivi d'une voyelle : c'eft pour cela
que depuis que notre Poéfie s'eft perfec-
tionnée , on ne met point en vers un c>
devant une voyelle , ce qui feroit un b^il-
P
114 ET
lemcnt ou hiatus que la pocfie ne foufFre plus ;
ainh on ne diroit pub aujourd'hui :
Quifert & aime Dieu , pojjéde toutes ckofcs,
1°. En latin le t de \'&' efl: toujours pro-
noncé ; de plus VS- eft long devant une con-
fonne ; & il cft bref quand il précède une
voyelle :
Qui mores hominum muhorum v Tait et urbes.
Horat de Aire poeticâ , v. z^j.
Meddere qui voce s jam fcit puer, ëtpëdë certo
Signât humum;gejlit pari bus collûdére, et Trâm
Culligit et ponit temerè , et mutatur in koras.
Ibid. V. i£8.
3° Il arrive fouvent que la conjonition
& paroît d'abord lier un nom à un autre ,
& le faire dépendre d'un même verbe : ce-
pendant quand on continue de lire, on voit
que cette conjonétion ne lie que les propo-
iîtions, &non les mots: par exemple, Céfar
a égalé le courage d'Alexandre , &Jor bonheur
a été fatal à la république romaine. Il femble
d'abord que bonheur dépende à." égalé , aufTi-
bien que cour/7^e; cependanr /^on^fz^r eft le
fujet de la propofition fuivante. Ces fortes
de conftru6lions font des phrafes louches ,
ce qui efl contraire à la netteté.
4°. Loriqu'un membre de période eft
joint au précédent par la conjonftion & , les
deux corrélatifs ne doivent pas être fépa-
rés par un trop grand nombre de mots in-
termédiaires , qui empêchent d'apperce-
voir aifément la relation ou liaifon de deux
ccnelatifs.
5°. l'ans lesdébordemens la conjondVion
(■' doit être placée devant le dernier fubftan-
tif ; la foi , l'efpérance & la charité. On met
ainfi 6' devant le dernier membre de la pé-
riode : on fait mal de le mettre devant les
deux derniers membres , quand il n'eft pas
à la tête du premier.
Quelquefois il y a plus d'énergie de répé-
ter 6' ; je l'ai dit &C à lui Si à fa jf'emme.
6°. Et même a fuccédé à votre même , qui
eft aujourd'hui entièrement aboli.
7°. Et donc : "Vaugelas dit ( Remarques ,
tom. III. pag. i8i. ) que Coeffetau & Mal-
herbe ont ufé de cette façon de patler : je
l'entends dire tous les jours à la cour , pour-
iuit-ili i ceux quLparlent le mieux ; il obfcr- ^
E T
ve cependant que c'eft une exprefTîon gaC
connc, qui pourroic bien avoir été intro-
duite à la cour , dic-il , dans le temps que
les Gafcons y étoient en règne: aujourd'hui
elle eft entièrement bannie. Au refte , je crois
qu'au lieu décrire ù donc , on devroit écrire
hé donc : ce n'eft pas la feule occafion où
l'on a écrit & au lieu de l'interjedtion hé, ÔC
bien , au lieu de ké bien , &rc.
8°. La conjontbion & eft renferm.ce dans
L-v négative ni. Exemple : ni les honneurs ni
les biens ne valent pas la fanté , c'eft-à-dire ,
& les biens & les honneurs ne valent pas la
fanté. Il en eft de mêm.e du nec des latins, qui
vaut autant que & non.
9". Souvent , au lieu d'écrire & h rejfe ,
ou bien 6' les autres , on écrit par abrévia-
tion 6'c. c'eft-à-dire , & cjstera. ( F)
ETA
ETABLAGE ou ETELLAGE , ou plutôt
ETALAGE , f.m. ( JuriJ'prud. ) en quelques-
coutumes , comme en celle de Saint-Pol ,
art. çig , eft un droit que le feigncur prend
pour permettre aux marchands d'expofer &r
étaler leurs marchandifes en vente. Ailleurs
ce droit eft appelle hallage , placage. {A")
Etablage, 1. m. (Art .milit.) C'eft ainfi
qu'on appelle dans l'Artillerie , l'entre-deux
des limonieres d'un avant-train ou d'une
charrette. ( Q )
ETABLE , f. m. ( Econom. rujtiq, ) eft urj-
petit bâtiment dans la balTe-cour d'une mai-
fon de campagne , ou une efpcce d'angars
fermé où l'on tient le bétail. On appelle
bouvcrie , celle où l'on met les bœufs ; ber-
gerie , celle où l'on met les moutons , &c.
l^'oyei Bergerie , ti-'c. { P)
Etable , r. f . ( Marine. ) C'eft la conti-
nuation de la quille du navire, laquelle com-
mence à l'endroit où la quille celle d'être
droite, l' oyc\ Etrade. (Z )
Etable , s'abordtr de franc-étable. ( Ma-
rine. ) C'eft lorlque deux bâtimcns fe pré-
fentenî la proue pour s'aborder ou s'enfon-
cer avec les éperons. S'aborder en belle ou
debout au corps , c'eft s'aborder par les
flancs. ( Z )
ETABLER, V. au.. ( Manège, Maréchal-
lerie- ) mot particulièrement ulîté dans les
haras , pour défigncr l'adion de meicie le*
ETA
poulains , les étalons & les jumens dans l'é-
curie. K Haras, (e)
* ETAL5LI , r. m. terme d'An commun à
pielque tous les ouvriers : ils ont chacun
leur é:abli. L'éulfli du bijoutier eft une cipe-
cc de table ayant tout autour plulîcurs
places cintrées , pour autant d'ouvriers qui
y travaillent. Ces places lont garnies vers le
milieu d'une cheville plare , (ur laquelle ils
appuient leur ouvrage ; d'une peau en def-
fous pour recevoir les limailles ; & d'un
ou pluiieurs tiroirs pour diiîcrens ufàges.
Il faut que WraMi Coit placé de minière que
toutes les places reçoivent également le
grand jour. Il eft (outenu par un ou p'n-
îîcurs piliers , outre qu'il eft attaché ordi-
rairement à l'appui d'une fenêtre.
Celui de Ceinturier , fur lequel il taille
fon ouvrage , ell une cfpece de table ou
comptoir de bois de la longueur de quatre
ou cinq pies. Il en faut dire autant de celui
du Chaînetier , du Charpentier , du Chau-
deronnitr.
Ma'.s outre cet étûB/i commun à tant
d'artifans, les Chauderonniers en ont en-
core un qui leur eft propre , Se qui fait une
des principales parties de la machine qu'ils
appellent /our â chauderons : on en parle ail-
leurs. yoye[ Tour des Chauderon-
niers.
h'établi du Cifeleur n'a rien de parti-
culier.
Celui des Corroyeurs eft une table faite
de pluiieurs planches fort unies &; bien join-
tes enfemble , fur laquelle les Corroyeurs
donnent le fuif , l'huile , les couleurs aux
cuirs , & toutes les façons , avec l'eftire &
la pommelle. Cette table a ordinairement
trois pies & demi de largeur , & huit à
neuf pies de longueur ; elle eft pofée fur deux
ou trois tréteaux , & alUijettie de manière
que les mouvemens que les ouvriers fe
donnent en travaillant , ne puilFent' l'é-
branler.
Le Marbreur de papier a deux établis ;
l'un qui lui fert pour marbrer , & l'autre
pour lifier. Le premier lui fert à pofer le
baquet , les peignes & les pors à couleurs ;
il broyé fur l'autre les couleurs & liiîe le
papier marbré , & pour cet effet il eft
chargé de deux m.arbres ou pierres de liais ,
propres à ces deux ufages diffcrens.
ETA ti5
h'étabU des Menuiferies eft une groftè
table de bois de hêtre pou-r l'ordimire , rnoii-
tée fur quatre pics de bois de chêne forrs à
proportion , affemblés à d lub'.es tenons
dans ladite table , & par le bas avec quatre
traverfes ; & à un pié du bout , & à trois
pouces de l;i rive ou bord du devant , eft
une mortoiie quarrée qui perce de part eu
part de trois pouces en quarré, dans laquelle
eft un morceau de bois (embliblcmcnt quar-
ré , de neuf à dix pouces de long , dans le-
quel eft monté le crochet de fer ; c'eft ce
qui s'appelle botte du crochet.
L'établi des Plombiers eft une table de bois
foutenuc par des tréteaux placés de diftance
en diftance : il a à une de fes extrémités un
moulinet, avec une fingle autour, garnie
d'un crochet de fer. Cet éiaûlikn fert pour fon-
dre les tuyaux fins foulure. Le moulinet Se
la fmgle font deftinés à tirer des moules
le boulon qui leur fert de noyau , lorfque
la fonte eft fiire.
Celui des Tailleurs d'habits eft une large
table fur laquelle ils coupent les habits , Sc
Inrique la bcfogne eft taillée , ils montent
fur cette table , {è croifent les jambes fous
eux , & travaillent à coudre & à achever
leurs ouvrages.
h'établi des Bourreliers & des Selliers
n'eft autre chofs qu'un delTus de tab'e de
quatre pies de longueur , & d'un pié ëc
demi de largeur ; il eft mobile , & fe place
fur une efpece de bahut dans lequel ils jet-
tent les rognures de leurs cuirs : c'eft f.ir
cette table que ces ouvriers coupent &: tail-
lent leurs cuirs avec le couteau à pié.
Etabli , part, terme de Marine, dont on
fe fert quelquefois pour dire éne fitué &
gijfant , & ce en parlant d'un côté : par
exemple , la côte du Pérou & du Chili efl éta-
blie nord t' fud , pour dire qu'elle eft fituée
nord&fud. (Z)
* ETABLIR , V. a. (Grammaire.) terme
fort ufité dans lafociété, où il a diverles li-
gnifications déterminées par les exprelTîons
qu'on y ajoure. Voici les principales.
Etablir un commerce avec des nations fau •
vûges , c'eft convenir avec elles des condi-
tions fous lefquelles on veut négocier des
marchandifes qu'on prendra d'elles , &'
de celles qu'on prétend leur donner en
échange.
P t
ii6 ETA
Etablir une manufaclure ; c'eft , en confé- |
quence des lettres patentes qu'on a obte- '
nues , rallcmbler fies ouvriers & des matiè-
res; Lire oondruire des machines ou des
rr.-n Cl s convenables auxouvragesqu'on veut
entreprendre , enfin occuper des fi= briquans,
ouvriers & artifans, qu'on a auparavant inf-
truits , aux étoffes & autres choies pour lef-
quelles on a obtenu le privilège.
Etablir un métier , c'eft le faire monter
& le mettre en état de travailler , &; y met-
tre des ouvriers qui y travaillent aétuelle-
mcnt. yoye[ Métier.
Etablir un comptoir , une loge, uncfaclorie;
c'efc mettre un marchand & des commis
avec des marchandifes dans un lieu propre
pour le négoce. Fojq Comptoir , Loge ,
Factorie,
Etablir fe dit encore des fonds 3c des fe-
cours qu'on donne à un jeune marchand
pour commencer fon commerce , & des
premiers fuccès qu'il a dans le négoce. Ce
Jeune homme commence à s'établir , ou Jonpere
l'a bien érab!:.
Etablir une caijfe ou mont de pieté ; c'eft
faire des fonds pour les paiemens ou les
prêts qui doivent le faire dans l'une ou dans
l'autre. Diclionn, de Commerce , de Trévoux ,
6' Chambers.
Etablir une ou plvfieurs pierres , une ou
plujîeurs pièces de bois ; c'ell tracer defi'us
quelque mjrque avec lettre alphabétique
qui deftine à chacune fa place dans les grands
attcliers ; chaque appareilleur a ùi marque-
particulière pour connoitre les pierres de fon
département,
^ ETABLISSEMENT , C m. ( Gram. ) Il
fe prend dans tous les fens qu'a le verbe établir
dans la même matière, l^. Etablir.
ETABLissrTvU-NT, ( Jurifp.) JlnhiUm^ntunt
fignifioit ce qui ctoit étaJali par quelqu'or-
donnance ou règlement. Il y a pkiicurs
anciennes ordonnances qui font intitulées
établiffe ' ens , cntr'autres celles de S. Louis,
en 1270. Voyei ci-après Et AZi.iiibtui'tiT de
S. Louis. {A)
Etablissemens des Fiefs , ftabilimentum
feudorum ; c'en une ordonnance latine de
Philippe- Augufte, datée du 1". mai 1109,
faite dans une aliemblée des grands du
royaume à Villeneuve- le- Roi , près de Sens.
Cette ordonnance tft regardée par les coii-
ETA
noifleurs comme la plus ancienne des rois
de la troiiieme race , qui porte une forme
conftitutive ; auparavant ils ne déclaroient
leur volonté qu'en forme de lettres. Elle
efl: finguliere , i°. en ce qu'au lieu d'after-
mir les fiefs , comme le titre femble l'an-
noncer , elle tend au contraire à les rédui-
re , en ordonnant que quand un fief fera
divile 5 tous ceux qui y auront part le tien-
dront nuement ôc en chef du feignent ,
dont le fief relevoit avant la divihon ; &
que s'il eft dû pour le fief des fervices & des
droits , chacun de ceux qui y auront part
les paieront à proportion de la part qu'ils y
auront : 2°. ce qui eft encore plus remar-
quable , c'eft (]u'elle eft rendue non- feule-
ment au nom du roi , mais aulli en celui des
feigneurs qui s'étoient trouvés en l'aficm-
blée ; favoir le duc de Bourgogne , les com-
tes de Nevers , de Boulogne Se de Sair;-
Paul , le feigneur de Dan-.pierre , & plu-
fieurs autres grands du royaume qui ne lont
pas dénommés dans l'intitulé. J'^. 'le recueil
des ordonnances de la troijîeme race , &C M.
de Boulainvillicrs , lettres fur les parlemens ,
tome I. p. lj^.{A)
Etablissemens de France , roye'^ ci-
après Etablissemens de S. Louis.
Etablissemens généraux , étoienc
ceux que le roi faifoit pour tour le royau-
me , à la différence de ceux qu'il ne failoit
que pour les terres de fon domaine : ces der-
niers n'étoient pas obfervés dans les terres
des barons. Fi'vcij^Beaumanoir, chap.xlviij.
page 2.65. {A)
Etablissement sur les Juifs : il y a
deux ordonnances latines concernant les
juifs , intitulées : ftabilimentum ; l'une de
Philippe- Augufte , l'autre de Louis VIII
en lii:;. Voyelles ordonnances de la trui-
Jieme race , tome I. { A)
Etablissemens-le-Roi , font la même
chofe que les établijfemens de S. Louis. Voye^
l'article fuivant.
Etablissemens de S. Louis , font une
ordonnance faite par ce prince en 1 170', elle
eft intitulée les étabUjjhnens félon l'ujage de
Paris O d'Orléans , t- court de baronie.
M. Ducanpe fut le premier qiii donna ea
1658 une édition de ces établiffemcns ^ li.
fuite de l'hiiloire de S. Louis par Joinyille.
Dans ia préface fur ces établijftmeni , il dir
ETA
que ce font les mêmes que Beaumanoir
cre fous le tirre à'étijhHjfemens-le-roi ; ce
qui fe rencomve en cftcc allez fouven:.
Dans un maiiufciit de la bibliotliïquc de
feu M. le chanchclicr Daguedèau , il y a en
tèce de cette oidonnance , ci commence
//' ejtabhfjemens , le roy de France fclc.a l'itfige
dj Pans, & d'Oilêaiu Ù dt Tour aine & d'An-
jou , 6" de i'cjfice de chevalerie 6' court de
l'ven, &:c. M. de Lauricre , dans fes
r rîtes fur cis é:alil/jjc;ncns , trouve ce titie
plus jufte , ér-.\i't évident qne les coutumes
d'Anjou , du Maihe, de Touraine, & de
Lodur.ois, ont été tirées en partie de ces
cijhlijjlmens.
Cette mcme ordonnance , dans un an-
cien regirtre qui eft à l'hôtel -de- ville
d'Amiens , eft intitulée : Les établijjcmens
de France, confirmés enpLin parlement par les
barons du royaume.
Mais Ducangc & plufieurs autres favans
prétendent que ce titre cft fuppofé ; que
ces étab'iff^nicns n'ont jamais tu force de
loi , & qu'il n'tft pas vrai qu'ils aient été
faits (Se publiés en plein parlement : ils fe
fendent,
1°. Sur ce que , fuivant Guillaume de
Kang's , auteur contemporain , S. Louis
étant parti d'Aigue-mortcs en iiO^) , le
mardi d'après la Saint-Pierre qui arrive le
ij juin j il n'efl: pas poffible que ces éia-
blijjemens aient éié publiés en J170 , avant
le d -part de ce prince pour l'Afrique.
2°. Sur ce que ces établijfemens ne font
pas dans la forme des autres ordonnances,
étant remplis de citations , de canons du
décret, de cinpitres des décrétais s, & de
plufieurs loix du digefte 2c du code.
5°. Ce qui cft dit dans la préface, que
ces établijfemens furent faits pour être obfer-
vés dans toutes les cours du royaume , n'eft
pas véritable ; car fuivant l'article 25 du
livre I, le douaire coutumier elt réduit au
tiers des immeubles que le mari pofiedoit
au jour du mariage ; au lieu que fuivant le
tém.oîgnage de Pierre de Fontaines & de
Beaum.inoir , le douaire coutumier étoit
alors de Ia moitié des imn^eublcs des maris,
conformément à l*ordonnaiice de Philippe-
Augufte en 1114, qui tft encore obfervée
dans une grande partie du royaume.
On répond à cela ,
ETA 117
1°. Qu'il eft conftant que S. Louis fut
près de deux mois à Aiguc-mortes fms pou-
voir s'embarquer, 6c qu'il mourut en arri-
vant à Tunis , la même année qu'il partit
d'Aigue-mortes : ainfi étant décédé le 2f
août 1270, il s'enfuit qu'il étoit parti en
1170, Se non en J26y, comme le dit
Guillaume de Nangis ; ce qui efl une erreur
de fa part, ou une faute des copiftes.
2°. La preuve du même fait fe tire en-
core du teftament de S. Louis, fait à Paris
& daté du m.ois de février 1 169 ; car le roi
étant parti vers le mois d'août fuivant , ce
n'a pu être qu'en 1270.
3". Qiioique ces établijfemens foient rem-
plis de citations de canons , de décrétales.
oc dp loix du digefte & du code , il ne
s'eniuit pas que ce ne foit pas une ordon-
nance ; car de quelque manière qu'elle ait
été rédigée , dès que ces é:ablijfemens furent
autorilés par le roi , c'étoit allez pour leur
donner force de loi. Cette ordonnance n'eft
même pas la f;ule où il (e trouve de fem-
blables citations : celle que le même prince
fit au mois de mars 1 26S , porte ( article 4. )
que- les promotions aux bénéfices feront
foires félon les décrets des conciles & les
décifions des pères ; & l'on doit être d'au-
tant moins furpris de trouver tant de cita-
tions dans ces étabUJjlmcns , que c'étoit là
l'ordonnance la plus coufiJérable qui eût
encore été frite ; que l'idée étoit de faire
un code général, & que l'on n'avoir pas
alors l'efprir de précifion & le ton d'autorité
qui convient dans la légjflition.
4°. S. Louis en confirmant ces établijfe-' -
/ne/25, n'ayant pas dérogé aux loix antérieu-
res, ni aux coutumes établies dans fou
royaume , il ne faut pas s'étonner fi à Paris
& dans plufieurs provinces le douaire cou-
tumier a continué d'être de la moitié des
immeubles du mari , fuivant l'ordonnance
de Philippe- Augufte en 12 14.
Lniin ce qui confirme que ces établijfe-
mens furent revêtus du caraélere de loi ,
c'eft qu'ils font cités non feulement par des
auteurs à peu près contemporains de S.
Louis , tels que Philippe de Beaumanoir,
mais auiïi par des rois, enfans &c fuccelleurs
de S. Louis entr'autres par Charles- le-Bel
dans fcs lettres du 18 juillet 1 326 , où il die
qu'en levant le droit d'amorùir^meu: fur
ii8 ETA
les gens d'églife, il fuie les vertiges de S. Louis
fon bifaïeul j ce qui fe rapporte évidemment
au chapitre cxxv du premier livre des établijfe-
mens.
Toutes ces confidérations ont déterminé
M. de Lainière à donner place à ces éia-
blijfemens parmi les ordonnances de ia troi-
fieme race.
Ces établijjemens font divifés en deux
livres. Le premier contient i68 chapitres,
& le fécond en contient 41, Qiioique les
mœurs (oient bien changées depuis cette
ancienne ordonnance , elle fert cependant
à éclaircir plufieurs points de notre droit
François. Voy£-;^les noies de M. Ducange, &
celles de M. de Lauriere lur cette ordon-
nance. {A)
ÉTARLURE , ( Marine. ) t^. Étrave.
ÉTAGE , f. m. ( Jurifpr. ) ejiagium feu
Radium, lignifioit maifon, demeure, réfiâence.
Le devoir de lige étage étoit l'obligation
des vallaux de réiidcr dans la terre de leur
feigneur , pour garder fon château en temps
de guerre.
Cet étage devoir fe faire en perfonne par
le vaflal, huit jours api es qu'il en avoit été
fommé. Il devoit amener fa femme & fa
famille ; & faute par lui de venir , le fei-
gneur pouvoir laifir ion fief.
Le vaflal ne pouvoir retourner chez lui
pendant la ligence , c'ell-à-dire, pendant
le temps qu'il devoir Véiage ; & s'il le dcvoit
à plufieurs feigneurs dans le même temps ,
il le faifoit fucctffivement ; ou bien pen-
dant qu'il étoit à Vêlage d'un côté , de l'au-
tre il fournifl'oit des hommes au feigneur.
Quand les valTanx n'avoient point de
maifon dam le lieu , le feigneur devoir leur
en fournir. Voyei^ l'article ig§ de la cou-
tume d'Anjou , & /e z ^5 de celle du Maine ,
& le glojfaire de Lauriere au mot Etage. ( A)
Etage , terme d'Architeclure ; on entend
par ce mot toutes les pièces d'un ou de plu-
fieurs appartemens , qui f mt d'un même
plain-pié.
Etage fouterrain , celui qui eft voûté &C
plus bas que le rez de-chaullée. Les anciens
appelloient généralement tous les lieux voû-
tés lous terre , criptoporticus & hypogea.
Etage au re[- de-chaujfée , celui qui eft
prefqu'au niveau d'une rue , d'uae cour , ou
d'un jardin,
ETA
Etage quarri , celui où il ne paroît aucune
pente du comble , comme un attique.
Etage en galetas , celui qui eft pratique
dans le comble , & où l'on voit des forces ,
des fermes, 5c autres pièces , quoique lam-
brilfé. (P)
Etage , ( JarJ. ) fe dit d'un rang de
branches , ainfi que d'un rang de racines
placées horifontalement & fur la même
ligne.
"ÉTAGER , r m ( Jjrifpr. ) ou ESTA-
GlER , ou MANSIONNIÉR , c'eft à-dire ,
celui qui demeure dans le fief ou terre qu'il
tient du feigneur , ou qui eft obligé d'y
venir réhder pendant un certain temps , en
temps de guerre.
Il eft parlé des étagers dans les coutumes
de Tours , Lodunois , Anjou , Maine ,
Perche ,& Bretagne. /^. ci-devant Étage.
{A)
Etager les Cheveux , terme de Per-
ruquier , c'eft tailler les cheveux de manière
que les plus hauts (oient les plus courts , &
les plus bas (oient les plus longs , afin que
quand ils font frifés , les boucles foienc
arransées fans fe gêner les unes les autres.
ÉTÂGUE , ITAQUE , ETA QUE ,
ITACLE , voye'^ Itaque.
ÉTAI , ( Marine. ) Foye^ Étay.
ETAIN , {Géog. ) petite ville du diocete
de Verdun, doyenné d'Amélie , archidia-
coné de la \\''oivre : elle appartenoit à des
feigneurs particuliers , lorfqu'en 701 elle
fut donnée par Léon , archevêque de Trê-
ves , à l'abbaye de St. Euchaire qui la céda
au chapitre de (ainte Magdelaine de Ver-
dun , par échange de la ville de Mâcher en
I izi ; quelques années enfuite , le domaine
en fut transféré au comte de Bar. Ses fuc-
celTeurs l'ont conlervé jufqu'à prélent , Se
en ont fait le chef lieu d'un bailliage , Se
d'une des lept prévôtés du Barrois non
mouvant. Le chœur de l'églilè de S. Martin
fut bâti par le cardinal Huin , natif de ce
lieu , & qui donna des fonds conlulérables
pour l'entretenir. On voit encore fon cha-
peau de cardinal fulpcndu au milieu de ce
chœur. Hifl. de Perdun,in-^^. 174^. (C)
ÉTAIN . f. m. ( HiJL nat. Minéral. &
Mctallurg. )Jlannum , plumbum album, Jupi-
ter , &CC. c'eft un métal blanc conime Par-
gent j très-flexible Se trcs-mou, qui , quand
ETA
on le plie, fait un bruit on cri (fîriJor)
qui le caradérile , &: auquel il ti\ aifc de le
iliftinguer : c'eft le plus Içger de tous les
métaux ; il n'cfl prcique point fonore quand
il eft fans alliage , mais li le devient quand
il eft uni avec d'autres fubftances m.étalli-
ques. C'eft donc une eireur de croiie ,
comme font quelques auteurs , que plus
Vétain eft fonore , plus il eft pur. La pefan-
teur fpécifiquc île W-tain. eft à celle de l'or
comme 3 eft à 8.
Les mines A'etain ne font pas fi commu-
nes que celles des autres métaux ; il s'en
trouve cependant en plufieurs pays , tels
que la Chir.e , le Japon, les Indes orien-
tales. Celui qui nous vient de ces derniers
pays eft connu fous le nom à'etain de Mala-
que ; on lui donne la forme de petits pains
ou de pyramides tronquées ; ce qui fait que
les ouvriers le nomment étatn en ckcpeau. Il
s'en trouve aulli en Europe ; il y en a des
mines en Bohême : celle de Schlakenwald
en fournit une alfez petite quantité , &
palle pour contenir aulTî de l'argent. Niais
de tous les pays de l'Hurope , il n'y en a
point qui ait des mines à'étain aulTî abon-
dantes & d'une auffi bonne qualité , que la
Grande-Bretagne ; elle étoit famcufe poux
fes mines à'etain dans l'antiquité la plus re-
culée : on prétend que les Phéniciens en
connoilloient la route , & y venoient cher-
cher ce métal ; le favant Bochart croit
même que le nom de Bretagne eft dérivé du
nom fyrien Varatanac , qui fignifie pays
d'étain. Voyey le dicl. ^cCharrbers. Ce font
les provinces de Ccrnouailles & de Devons-
hire qui en fourniftent fur-tout une très-
grande quantité.
Les mines à'étain , comme celles des
autres métaux , fc trouvent ou par filons ,
ou par mafles , ou par morceaux détachés.
yoye:^ les articles Filon t' Mine. Dans la
province de Cornouailles , les filons de mi-
nes d'étain font environnes d'une terre rou-
geâtre ferrugineufe , qui n'eft vraifembla-
blement que de l'ochre. Ces filons ne font
quelquefois que légèrement couverts de
terre . & viennent même fouvent aboutir
& fé monircr à nud à la furface ; mais
quand ils font cachés dans le fein des mon-
tagnes , les mineurs cherchent aux environs
«le l'endroit où ils foupçomaent une mine
ETA ri,
d'étain , s'ils ne trouveront point ce qu'ils
appellent en anglois s/ioads ; ce font des
fragmens du filon métallique , qu'ils fuppo-
(er.t en avoir été détaches , foir par la vio-
lence des eaux du déluge univerlel , foit par
les pluies , les torrens , ou d'autres révolu-
tions particulières. 0\\ diftinguc ces frag-
mens de mine des autres pierres , par leur
pefanteur : on dit qu'ils font quelquefois po-
reux &C femblables à des os calcinés. Quand
ils en trcuvent, ils ont lieu de croire qu'ils ne
font point éloignés du filon. Ils ont encore
plulieurs manières de s'alfurcr de la pré-
fcnce d'une mine d'étain ; mais comme elles
lont communes à toutes les mines en géné-
ral , nous en parlerons aux mots KIine ,
Filon , ùc.
La direction des filons de mine d'étain de
Cornouailles & de Devonshire , eft ordi-
nairement de l'occident à l'orient , quoique
dans d'autres parties d'Angleterre les filons
aillent ordinairement du nord au fud ; pour
lors conftamment ces filons s'enfoncent vers
le nord perpendiculairement de troispiés fur
huit de cours. Les mineurs ont remarqué
que les côtés latéraux de ces filons qui vont
de l'occident à l'orient , ne font jamais
perpendiculaires , mais toujours un peu
inclinés. Voye'^les Tranfaclions philojophiques,
n°. ffc,. ^
Qiiand on a découvert une mine d'étain j
on en fait l'exploitation de même qu'aux
mines des autres métaux , c'cft-à-dire ,
qu'on y pratique des puits , des galeries,
des percemens , &c, Voye^ ces dijférens arti-
cles. On trouve dans les raines d'étain de
Cornouailles des cryftaux polygones , que
les mineurs appellent Cornish diamonds ,
diamans de Cornouailles. Il paroit qu'on-,
peut les regarder comme une efpece de gre-
nats : en cftet on dit qu'ils font d'un rouge *
tranlparent comme le rubis ; d'ailleurs ils-
ont aftez de dureté pour pouvoir couper le
verre. Voye[ les Tranfaâions philofophiques ,.
n°. 138.
Ily a en Saxe dans le diftrid d'Altem-
berg une mine d'étain en malle que les
Allemands nommenty?oc^H/e;-c^ , qui peut.
être regardée comme un prodige dans la
minéralogie ; cette mine a environ jO'
toifes de circonférence , & fournit de la
mine, d'étain depuis la. furface de la terre.
I20 ETA
jufquà i;o toiles de profondeur perpen-
diculaire.
La mine à'étain fe trouve aullî par mor-
ceaux détachés , & même en pouffiere , &
pour lors elle tft répandue dans les premiè-
res couches de la terre : c'cft ce o^ue les
mineurs allemands nomment fcyffijnwerck ,
& les anglois shoads. A Eybenliiock en Saxe,
il y a une mine de cette efpece ; on foudle
le terr.iin l'elpace de plufieius heuts jufqu'a
fix & même dix toifes de profondeur , pour
le laver & en féparer la partie métallique :
on y trouve des fragmcns de mine de fer
&de minedVîi7/«, & de ces mines en poudre;
on y rencontre aulTî quelquefois des paillet-
tes d'or. Dans d'autres endroits du même
diflrict on ne fouille le terrain , pour le
lav&r,qu'à quatre toi Tes de profondeur, parce
que le roc fc trouve au-deiTous , & l'on
ne va pas plus avant ; p;ut-être l'expérience
a-t-el!e appris qu'il ne s'y trouvo't rien ;
cependant , fuivant les principes des An-
glois , les fragmens de mine à'étnin (shoads)
aiinoncent le voifinace d'un filon , dont ils
fuppofent toujours que ces fragmens ont
été détaches. Quoi qu'il en loit , c>n fait un
canal le long de ce terrain dans lequel on
fiiit venir de l'eau d'une hauteur voifine ,
afin qu'elle puifle entraîner la partie terref-
tre inutile ; on place des fagots & brouiTail-
les dans le fond du canal peur arrêter la
partie minérale qui peut être utile ; des
laveurs en botte à l'épreuve de l'eau def-
cendent dans le canal , & remuent avec des
râteaux garnis de dents de fer ; ils jettent
hors du canal tout ce qui fe trouve de
pierreux ; de jeunes garçons choiliflent &
mettent à part ce qui elf bon. On enlevé
tous les jours avec une pelle la matière
pefante qui s'tft: dépofée au fond du canal ,
"Se que l'eau n'a pu emporter ; on la palfe
par un crible de fil de fer ; on regarde ce
qui a pallé comme de la mine prête à fon-
dre ; on porte le relie au boccarel pour y
être mis en poudre & lave. Ces détails
font tirés de deux mémoires de MM.
Saur & Blumeiiiftein , inférés dans le
traité de la fonte des raines de Schlut-
tcr , publié en françois par M. I-Iel!ot , de
l'académie des Sciences , tom. II, p. sgi ,
Voici , fuivant la minéralogie de M.
ETA
Wallerius , les différentes efpeces de mines
.A'étnin connues.
1°. h'étain vierge; c'efl: de Vétain qu'on
fuppofe n'être pomt minéralifé ni avec le
foufre, ni avec l'arfenic, mais qui eft tout
pur & fous ia forme métallique. On le dit
très-rare ; cependant plulieuis natura^iftes
nient l'exiftence de IV/ff/Vi vierge, ôc préten-
dent que les morceaux de mines fur lefqucls
on voit des grains à'ctaia tout formés , ne
prtientrnt ce métal que parce qu'on a em-
ployé le feu pour détacher la mine : opéra-
tion dans laquelle Vétain qui ctoic minéralifé
auparavant , a été réduit , c'eft à-dire , mis
dans l'état métallique.
2°. Les cryflûux à'étain , que les mincra-
logiftes allemands nomment ynn-graupsn :
c'ell de l'étain combiné avec du fer & de l'ar-
fenic , qui a pris un arrangement régulier
fous la forme de cryftaux à plulicurs cotés ,
dont les facettes font très-luifanres ; les
fommets des angles font tronqués. Ces cryf-
taux font , à l'exception des vrais métaux ,
la hibftance la plus pefante qu'il y ait dans
la nature. M. Nicho'Is dit que leur pefan-
teur Ipécifique eft à celle de l'eau , comme
90 T eft à lo ; ce qui a lieu de iurprendre,
d'autant plus que Vétain eft le plus léger
des métaux. Voye^ les Tranfaâions philofo-
phi^ius , n"^. 403. ils ne font point durs ; la
couleur en eft ou blanche, ou jaune, ou
rougeâtre , ou brune , ou noire ; ils lont ordi-
nairement traufparens Si de différentes
grandeurs.
i". La mine d'étain appellée Zwitter par
les Allemands ; c'cft de Vétjin minérahlé
avec le fer & l'arfenic. On ne peut point
y remarquer de figure régulière ; c'eft un
amas de petits cryftaux difficiles à diftin-
guer , qui (ont renfermés dans des matrices
ou minières de diflcrente nature. Il paroit
qu'elle ne diffère de la précédente , que
par la petitelfe de fes cryftaux , & qu'elle
ne doit en être regardée que comme une
variété. C'cft la mine à'éuiin la plus com-
mune. ■
4°. La pierre d'étain ; c'eft de la mine
à'étain qui a pour matrice de la pierre
de dirtérente efpece , qui en mafque les
petits cryftaux ; ce qui fait qu'elle itftèm-
ble à des pierres ordinaires ,• dont on i-e
peut la diftingucr que par la pefantcur ,
ETA
8c par l'odeur arfénicale que le feu en fait
partir.
5". La mine d'étain dans du fable : ce (ont
des particules de mine 6.'>'iaiii cjai fe trouvent
mêlées avec de la terre ou du lable , qu'elles
rendent noir.
Il ert aiié de voir que ces deux dernières
efpeces ne devroient être regardées que
copime des variétés des deux précéden-
tes ; ainlî il n'y a réellement que deux
efpeces de mines à'étain : ce (i)nt celles des
n". 1 Se 5. La première paroît purement
chimérique.
M. Cramer, dans fa docimafic , parle d'une
mine d'éfa/V/ blanche, demi-tranl'parente ,
très-pef^nte , qui iclTemble allez à du fpath
à l'extérieur : c'ell , Iclon lui , de toutes les
mines à'étain la plus rare. Cette mine eft ,
félon toute apparence , de la féconde
clpece. On peut encore mettre les grenats
au nombre des mines à'étain , attendu que
ces pierres en contiennent louvent une por-
tion , quoique très -petite. En général on
peut dire que les mines à'étain lont compo-
fees à'étain, de beaucoup de parties ferrugi-
neufcs, d'une grande quantité d'arfenic, &
d'une terre fubtde , facile à vitritier ou à
réduire en fcorics.
La mine à'étain Ce trouve dans des pier-
res de toute efpece , comme les muies des
autres métaux } M. Hcnckel remarque
cependant que c'eft le talc blanc ou argent
de chat & la ftéatite , qui lui fervent de
matrice , au lieu qu'd eft rare que ce foit
un fpath.
La mine à'éiain eft quelquefois engagée
dans des roches ii dures , que les outils des
ouvriers ne peuvent la détacher ; & il y
auroit de l'inconvénient à la faire fauter
avec de la poudre ; pour lors on fait bri^ilcr
du bois contre le roc , afin que le feu
venant à la pénétrer la rende plus tendre
& plus facile à détacher ; la mine qui a
été tirée de cette manière ne peut être
écrafce fous les pilons du boccard , qu'après
avoir été préalablemeiu calcinée , parce que
fans cela elle feroit trop dure.
Voici une m.aniere de faire l'edai d'une
mine à'étain ; elle eft de M. Henckel.
Prenez une partie à'étain noir , c'eft-à-dire ,
de mine à'étain grdlée , pulvérifée & lavée ,
ou bien de mme à'étain réduite en poudre ,
Tome XI IL
ETA 121
de potafTe ou de flux noir deux parties , de
poix un quart, Se d'hudc de lin un huitième;
faites fondre brufqucmcnt le tout dans un
crcufct à grand feu. Voye[ les élémens de
Minéralogie de M. Henckel , part. II.
Les mines à'éiam fe trouvent prcfque
toujours unies avec un grand nombre de
fubftanccs , qui' les rendent difficiles à
traiter , telles font fur- tout les mines de
fer arfénicales & réfraftaires , que les
Allemands nomment woljf'ram , eifenmahl -,
fchirl , &CC. les ochres , les pyrites : cela
vient de la facUité avec laquelle le fer
s'unit avec Vétain dans la fufion. Un aufc
obftaclc vient encore des pierres réfrac-
taires , c'eft-à-dirc , non calcinables&: non
vitrifiables , qui accompagnent très-fré
quemmcnt la mine à'étain : telles que le
talc , le mica , la pierre de coi ne ( hornf-
tein ) , &c.
Les mines à'éiain d'Angleterre fe trou-'
vent fréquemment jointes avec une fubl-
tancc , que les mineurs anglois appellent
mundic ; ce n'eft auae choie qu'une pyrite
arfénicale , & qui eft quelquefois un peu
cuivreufe. Avant donc que de traiter la
mine à'étain au fourneau , il faut la féparer
autant qu'on peut de toutes ces matières
étrangères , qui rendroient X'étain impur 6c
lui ôteroient fa dudilité. On fe fert pour
cela du boccard , on y fait écrafer la mine ,
& l'eau des lavoirs entraîne les particules
étrangères , tandis que la mine à'étain qui ,
comme on l'a remarqué , eft très-pefante ,
refte au fond du lavoir. Les Anglois nom-
ment black-tin, ctain noir , la mine à'étain ,
lorfqu'elle a été air.fi préparée : les Alle-
mands la nomment Tjnnflem , pierre d'étain.
Mais ce lavage ne fuffit pas ; il faut encore
outre cela que la mine , après avoir été
écrafée & lavée , foit grillée , afin d'en
dégager la partie arfénicnde. Ce grillage fe
fait dans un fourneau de réverbère qui eft
quarré : ce fourneau eft fermé en haut par
une large pierre qui a 6 pies de long &
4 pies de large , au miUeu de laquelle eft
une ouverture quarrée d'un demi-pié de
diamètre. Cette pierre fert à en couvrir
une autre femblable , qui eft à un pié de
diftance au delfous i mais cette dernière
eft moins longue qu'elle d'un demi - pié ,
parce qu'il ne faut point qu'elle aille juf-
122 ETA
qu'au fond du fourneau , attendu qu'il
faut y laid'cr une ouverture pour le paflage
de la flamme qui vient de deffous , où l'on
fait nn grand feu de fagots. La v^artie an-
térieure relfemble à un four ordinaire à
cu;re du pain. Lorfquc ce fourneau a été
bien échauffé , un \eïCc\'éiain fiai- par
l'ouverture quarrce qui éft à la pierre
fupi'rieure , il tom.bc lur la féconde pierre -,
& quand elle en cft couverte à trois ou
quatre doigts d'épaiflcur , on bouche l'ou-
verture de la pierre fupérieure , afin que la
flamme puillè rouler fur la matière qu'on
veut griller. Pendant ce temps , un ouvrier
remue continuellement cette matière avec
un rable de fer , afm que tout le mundic
foit entièrement confumé 5 ce que l'on
reconnoit lorlque la flamme devient jaune ,
& par la diminution des vapeurs : car tant
que le mundic brûle , la flamme eft d'un
bleu très-vif. Pour lors on pouffe toute la
matière grillée dans le foyer du fourneau
par l'ouverture qui eft ?.u fond , & l'on
retire le mélange de mine , de charbon &
de cendres , par une ouverture quanée
qui eft pratiquée à un des cotés du foyer.
On laiffe refroidir le tout à l'air libre pen-
dant trois jours ; ou fi l'on n'a pas le temps
d'attendre , on l'éteint avec de l'eau , &
ce mélange devient comme du mortier,
îl faut l'écrafer de nouveau , avanr que de
le porter au fourneau de fulion. Voyc-^ les
Z^nufictions p'iilofopliigues , n°. G<^.
Cependant il y a des mines c.'kain afTez
pures pour pouvoir être traitées au four-
neau de fuiion , fans qu'il ioit befbin de
les griller auparavant. Quelquefois les
jnines A'étain font mêlées d'une fi grande
quantité de parties ferrugineufes , qu'il eft
împnnîble de les en féparer enticrcnient
par le lavage ; celle de Bre^'tenbrun en
Saxe eft dans ce cas. Voici , fuivant M.
Saur . la manière dont on s'y prend pour
la 'dégager de fon fer : elle eft affez fingu-
iiere pour trouver place ici. D'abord on
brife la mine en morceaux à peu près de
la grofftur d'un œuf , puis on la calcine &
en l'écrafe au boccard ; on la lave enfliite
8c on la calcine de nouveau dans un four-
neau de réverbère : après quoi on met
environ 50 livres de la mine ainfi préparée
^ajis une. baffine , & on pafte par-dcff.is
ETA
un a'mant pour attirer le fer qu'on fepare
à mefure que l'aimant s'en eft charge ; Se
l'on continue cette longue manoeuvre juf-
qu'à ce qu'on ait erdevé le ftr autant qu'on
a pu. La même chofe fe pratique en
Bohême ; mais il fuffit que la mine ait été
pilée & lavée , fans qu'il Ioit befoin qu'elle
foit calcinée. Voye[ le traité de la fonte de
Schlutter , page §86, tome II de la tra-
duttion françoife.
Dans les mines d'eM/'« d"Allemai;r:e , on
flic encore tirer parti du loufre & de l'ar-
fcnic qui font dégagés dans la calcinaticn
de la mine ; pour cet effet , la fumée qui en
part eiL reçue dans une cheminée de 40 ou
50 toiGs de longueur qui va horifontale-
mcnt , & aux parois de laquelle l'arfenic
s'attache fous la forme d'une pouiTïere blan-
che. La même chofe fe pratique pour la
calcination des mines de cobalt. F", l'article
Cobalt.
Lorfque la mine à'érain a été préparée
de la manière qui vient d'être décrite , elle
cft en état d'être traitée au fourneau de fu-
fion. Nous allons donner le détail de cctte^
opération , telle qu'elle eft décrite dans i'ou-
vrage allemand de Rœfficr , qui a pour titre,
fpeculum Metallurgix polipjfimiim.
Le fourneau où l'on fait fondre Vétain ,
eft un fourneau à manche de la même cfpcce
que celui où l'on traite h mine de pi >nib ,
excepte qu'il eft plus petit, parce que Vétain
fe fond plus aifément que le plomb. Il faut
que le fol nu fourneau foit élevé d'environ
quatre pies au - delliis du rcz-de- chauffée
de l'arrçlier ou de la fonderie ■■, le toi du
fourneau fe fait avec une table de pierre
fur laquelle on élevé les murs latéraux : le
tout doit être fait avec des pierres propres
à réfifter au feu , que l'on m.içonne avec
de la glaife m.êlée d'ardoife pilée ; en fer-
mant le fourne;-.u on laille par devan un
œil ou ouverture d'environ deux doigts »
pour que Vétain Hc fes fcories puiffcnt tom-
ber dans la caffe ou le balTîn que l'on aura
pratiqué à environ un demi-pié au-dilibus.
de l'œil pour les recevoir. I' i.xvx que l'ouver-
f;re pôr où piffe la tuyère foit difpofée de
{■Açon que le vent des foufflets aille donner
diredt.ment fur i'œ l par où la matière fon-
due doit piffjr ; quand la fufion fera tn.
train , Véiain fondu tombera dans la callÀ-
ETA
accompagné de fes fcories , que l'on a foin
d'enlever continuellement , & de mettre à
part. L'étairi fe purifie dans cette calle : on a
foin qu'il y foit toujours tenu en i ifion ; c'eft
pourquoi on y met continuelltmenc de la
poullîere de charbon , Se il faut que le vent
des loufîlets vienne donner fur cet étain fon-
du en palfanc par l'ccil du fourneau : c'elt
pour cela que la calTc ne doit point être
placée trop bas au-defTous de l'a-il.Sur le
rez-de-chaulfée , au pié de la cailc , on pra-
tique un creux ou folFe oblongue que l'on
forme avec de la pierre & de la terre grafle ;
ce creux ferc à mettre Véiûi.i pur qtie l'on
puife à mefure avec des cuillers de fer dans
la cad'e , quand il s'eft un peu refroidi ; ou
bien on faitun trou de communication de la
caflc avec la foflc ; iSc quand la caiie eft allez
pleine, on débouche ce trou pour laifTer
couler ['é:,v/i fondu qui va s'y rendre. Au
haut du fourneau on pratique uiie chambre
fublimatoire ( c'eft une efpecc de caille de
bois que l'on enduit par dedans avec de la
terre grallè , pour que le feu ne puilTe pas s'y
mettre)-, on y laifle quelques ouvertures ou
fenêtres pour le paflage de la fumée : cette
chambre eU deftinée à retenir les partici;les
les plus légères de la mine à'étain que la vio-
lence du feu pourroir entraîner en l'air ; quel-
quefois on forme une féconde chambre au-
defius de la première -, on fait des degrés à
côté du fourneau pour pouvoir mioncer à ces
chambres , & une porte pour pouvoir char-
ger le fourneau. On ne fe iert point de braf-
que , c'eft- à-diie , d'un enduit de terre & de
charbon pour garnir ces fourneaux ; on y etp.-
ploic feulem.enr un mélange de terre grafle
& d'ardoife pilée. Pour charger le four-
reau , on y met des couches altei nati-
ves de charbon & de mine mouillée ;
on fait fondre brufquement , afin que IV-
lain n'ait point le temps de fe calciner ,
de fe diffjptr ou de fe rédr.ire en chaux ,
& pour qu'il ne fafle , pour ainli dire , que
p.ifler au travers du fourneau ; la mine qui
ert en gros morceaux ne doit pas. être con-
fondue avec celle qui a été réduite en une
poudre fine ; il faut donc l'allortir &: fe
régler là-defliis pour faire aller le vent des
fouftlets : on donne , par exemple , im vent
très-fort pour la mine la plus groiTiere &
pour les fcories qu'on remet au fourneau j
ETA ,2j
' mais on le modère à proportion que la
mine cft plus ou moins fine. Lorf^ue la
mine eft d'une bonne efpece , & qu'elle a
été dùemcnt préparée (îk: (éparée des fubftan-
ces étrangères, on a de Vccain très- cou-
lant , c'eft-à-dire, qui entre bien en fulîon,
& qui eft tièsdudible & très-doux; mais
i\ l'on n'a pas eu toutes les précautions né-
cellaires dans le travail préliminaire , &
qu'on n'ait pas fuffifammcnr divifé la mine
avant de la porter au fourneau , on aura
un étain aigre & caflant comme du verre.
Le moyen d'y remédier, fera de le re*net-
tre au fourneau avec des fcories qui lui
enlèveront fon aigreur , & le rendront tel
qu'il doit être. Les fcories qu'on a enle-
vées de deffus Vétain fondu fe jettent danî
l'eau : & on les écrale pour les rcmcrtre
au fourneau avec les crades qui peuvent
contenir encore des parties mcralliqueî.
Les fcories peuvent être employées jufqu'à
deux ou trois fois dans la fonte , pour
achever d'en tirer Vétain qui peut y être
refté.
Voilà la manière dont le travail de Vé-
tain fe fait en Allem.agne : on ignore fï
elle cft la même en Angleterre, d'autant
plus que les Anglais n'en ont donné nulle
part un détail faiisfaif'.nt , quoique per-
fonne ne fût plus à portée de jeter du joitr
iur cette ma:iere ; s'ils ont eu peur de
divulguer leur lecret aux autres nations ,
leur crain.te eft très- mal fondée, puifqu'eii
donnant la manière d'opérer, ils nedoii-
ncioient pas pour cela les riches mines d'/-
tain dont leur pays eft feul en pofléiîion".
Quoi qu'd en (oit , voici le peu qu'on a pti
découvrir de leurs procédés ; ii a été com-
muniqué à M. Roiielle , de l'académie
royale des fcicnccs , à qui l'on en eft re-
devable.
Le fourneau de fufion paroît être à peu
près le même que celui de Ro-ftler : Veiain
au fortir du fourneau eft reçu dans une
ca(fe où il fe purifie ; quand cc:te call'c eft
remplie , on laiffe au métal fondu le temps
de fe figer, fans cependant fe refoidir en-
tièrement , pour lors on frappe h grands
coups de marteau à fa furface ; cela fait
que Vétain fe fend & fe divife en morceaux
qui rcflemb'ent afilz aux glaçons qui s'at-
tachen: en hiver le long des. toits des mai-
124 ETA
fons : c*eft-là ce qu'on appelle étain vierge ;
l'exportarion en efl: , dit-on , défendue fous
peine de la vie par les loix d'Angleterre.
On fait enfuite fondre de nouveau cet
Itain ; on le coule dans des lingotieres de
fer fondu fort épailles : elles ont deux pies
& demi de long fur un pié de large , & un
demi-pié de profondeur. Ces lingotieres font
enterrées dans du (able , qu'on a foin de
bien échaufter. Après y avoir coulé \'éiain ,
on les couvre de leurs couvercles qui font
auffi de fer. On lailfe refroidir lentement
ce métal pendant deux fois vingt-quatre
licures. Lorfqu'il efl: tout-à-fait refroidi,
on fépare chaque lingot horifontalement
€n trois lames , avec un cifeau & à coups
de maillet. La lame lupérieurc eft de Vétain
très-pur , & par conféquent fort mou ; on
y joint trois livres de cuivre au quintal ,
afin de lui donner plus de corps. La fé-
conde lame du lingot qui eft celle du mi-
lieu , eft de Vétain plus aigre , parce qu'il
eft joint à des fubftances étrangères , que
le travail n'a point pu entièrement en dé-
gager : pour corriger cette aigreur , on
îoint cinq livres de plomb fur un quintal
tle cet étain. M. Geotfroi dit qu'on y joint
deux livres de cuivre. La troifieme lame eft
plus aigre encore, &c l'on y joint neuf li-
vres de plomb, ou dix-huit, fuivant M.
Geoffiroi , lur un quintal ; alors on fait en-
core refondre le tout ; on le fait refroidir
promptement : c'eft là Vétain ordinaire qui
vient d'Angleterre. On voit par là qu'il n'eft
pas aullî pur qu'on fe l'imagine , 5i qu'il eft
déjà allié a\ ec du cuivre lïc du plomb avant
que de fortir de ce pays.
Les Potiers d'étain allient leur étain avec
du bifmuth ou étain de glace. Ceux de Paris
mêlent du cuivre & du régule d'antimoine
avec Vétain de Malaque , tnfuitc de quoi ,
quand ils en veulent former des vafes ou
de la vaiftcUe , on le bat fortement à coups
de marteau , afin de rendre cet alliage
fonore. C'eft ce qu'on appelle écrouir Vé-
tain.
Après avoir décrit les principaux travaux
de Vétain , nous allons parler 4e fes proprié-
tés & des phénomènes qu'il prélente. L'étain
s'unit facilement avec tous les métaux ; mais
il leur ôte leur dudilité , &: les rend aigres
& caflans comme du verre : c'eft cette
ETA
] mauvaîfequalitédel'eW/zquil'a fait appeler
par quelques chimiftes , diabolus metailorum.
Un grain d'étain fuffit, fuivant M. VValle-
rius , pour ôter la malléabilité à un marc
d'or; la vapeur même de l'eW/2 , quand il
eft expoié à l'adVion violente du feu , peut
produire le même effet: il le produit cepen-
dant moins fur le plomb , que fur les autres
métaux. V. Cramer , tom. I, p. go. Urbanus
Hia.'rne, /. Il , p.gzi, lox; &i. le laboratoire
chimique de Kunclcel.
Uétain entre en tuiion au feu très-promp-
tement; quand il eft fondu, il fe forme à fa
lurface une pellicule qui n'eft autre chofe
qu'une chaux métallique. Cette chaux à' étain
s'appelle /jofee; elle fertà polir le verre, &c.
V. Potée.
Si on expofe Vétain au foyer d'un miroir
ardent , il répand une fumée fort épaifte , &
fe réduit en une chaux blanche , légère &
fort déliée; en continuant , il entre en lufion,
& forme des petits cryftaux femblables à
des fils. V> Geoftroi, materia medica,p. %8^ ,
tome I.
Si on fait fondre enfemble parties égales
de plomb & d'étain , en donnant un feu vio-
lent , Vétain fe fépare du plomb pour venir
à la lurface , y brûle en fcintillant , & donne
une fumée comme feroit une plante. Dans
cette opération , Vétain fe réduit en une
chaux , & prend un arrangement fymmé-
trique ftrié ; mais il faut pour cela que l'opé-
ration le fade dans un creufet découvert ,
parce que le contad de l'air eft nécelfaire
pour qu'elle réulTille. Cette préparation
s'appelle étûinfiil/mné fur le ploml' ; elle donne
une couleur jaune, propre à être employée
lur la porcelaine & dans l'émail.
h'éiain entre dans la compohtion de la
foudure pour les métaux mous. l'oy. l'art.
Soudure. Il entre aufTi dans la compoli-
tion du bronze. V. Bronze. Pour lors on
l'allie avec du cuivre.
Si on fait fondre enfemble quatre parties
d'étain & une partie de régule d'antimoine ,
& que lur deux parties de cet alliage on en
mette une de 1er, on obtiendra une compo-
fliion métallique très dure , qui fait feu iorf-
qu'on la frappe avec le briquet ; fi on en met
dans du nitre en fulion , il !e fait un embra-
iement très-violent. Cette expérience eft
de Glauber.
ETA
En fiiifant fondre une demi-livre A'ctain,
y joignant enluite une once d'antimoine iSc
une demi-once de cuivre jaune, on aura une
compodtion d'(vi7/« qui rellcmble à de l'ar-
gent. On peut y faire entrer du bifmuth au
lieu de régule , & du fer ou de l'acier , au
lieu de cuivre jaune ; le fer rend cette com-
pofition plus dure (!<v: plus difficile à travailler;
mais elle en eft plus blanche. Ce procède eft
de Henckel.
M.Wallerius rapporte un phénomène de
X'étain qui mérite de trouver place ici : " Si
». on met du fer dans de \étain fondu , ces
>> deux métaux s'allient enfemble; mais h
». on met de Véinin dans du fer fondu , le
*y fer & Vétain fe convertillent en petits
w globules , qui crèvent & font explodon
>> comme des grenades". I^^oyei^la minéralo-
gie de Wallerius j tom. I , p.^^6 , de la tra-
duclionfrançoife.
Si on fait un alliage avec de l'e/a//?, du fer
&C de Tarfenic , on aura une composition
blanche , dure , un peu calfante , propre à
faire des chandeliers, des boucles, hc. mais
elle noircit à l'air , après y avoir été expoléc
quelque temps.
h'étain s'attache extérieurement au fer &
au cuivre : c'eft fur cette propriété qu'eft
fondée l'opération d'ètamer. V. cet art. i>
celui de FtR-BLANC.
Vétain fait une détonation vive avec le
nitre ; il donne une flamme très-anim:e ,
par cette opération il fe réduit en une chaux
abfolue. Cinq parties à'étain en grenailles ,
mêlées avec trois parties de loutre pulvérilé
& mifes fur le feu, s'enflamment vivement,
& Vétain fe réduit en une chaux d'une cou-
leur de cendre ; fi on continue la calcina-
tion , cette chaux devient brune comme de
la terre d'ombre ; il on l'expofe au four-
neau de réverbère , elle devient d'un blanc
fale ou jaunâtre : cette chaux A'étam , fon-
due avec du verre de plomb & du i'able ,
forme un veire opaque d'un blanc de lait ,
propre aux émaux & à faire la couverte
de la faïence. V^oye^ les articles Email t»
Fa'iencr.
Il eft très difficile de réduire la chaux
de Vétain , lorfqu'cUc a été long - temps
calcinée. Il y a lieu de ioupçonner qu'une
partie de ce métal a été détruite par la cal-
cination.
ETA 125
L'étai'i fe dilT(;ut, mais avec des différen-
ces, dans tous les acides. Il le dilTout dans
l'acide vitrioliquc , de la manière f.iivante :
on met deux ou plufieurs parties d'huile de
vitriol fur une partie d'étain dans un matras,
& on f-iit évaporer le mélange julqu'à (îc-
cité ; on reverfe de l'eau iur le rélidu ; &
en donnant un degré de chaleur c<pnve-
nable , il fe met en dilfolution. Si on
verfc de l'alkali volatil dans cette dilîblu-
tion , il fe précipite une poudre blanche
qui, félon Kunckel , montre des veftiges de
mercure.
L'efprit de nitre difTout Vétain , mais il
faut qu'il ne ioit point trop concentré.
Cette dillolution eft d'un grand ufagc pour
la teinture en écarlace , parce qu'elle exalte
conddérablement la couleur de la coche-
nille , &c produit la couleur écarlate , ou le
ponceau; mais pour réulTîr il faut que la
dillblution de Vétain dans l'eau-forte fe falfe
lentement ; parce qu'il cfi: important de ne
paslaiderdilfiperla partie mobile de l'acide
nitteux qui part lorfque la dilTolurion fe fait
trop rapidement : rien n'eft donc plus à
propos que d'aiToiblir le diflôlvant.
Vétain dillous dans l'eau régale , forme
une malfe vKqueufe comme de la glu, opale
& blanchâtre. Quand ce métal eft allié avec
du cuivre , la ditlolurion devient verdâtre:
mais pour que la dillolution réulTîlfe il
faut , lliivant CaiTîus , que l'eau régale foie
compofée de parties égales d'efpric de fel
marin & d'acide nitrcux ; ou , félon M.
Marggralf , de huit parties d'efprit de nitre
&L d'une partie de fel ammoniac: pour lors
il ie précipite une poudre grife , qui eft de
l'arfenic ; iur quoi l'on remarquera qu'il eft
très-iifficile de féparer cette fubftance de
Vétain par la voie feche ; il faut avoir re-
cours à la voie humide.
Le vinaigre diftillé agit auiTî fur Vétain,
mais difficilement ; l'alkali fixe dilïôus dans
l'eau , l'attaque lorfqu'il eft en limaille.
Vétain s'unit facilement avec le foufre ,
& de cette union il en réfulte une mafl'e
ftriée comme l'antimoine , fragile & dif-
hcile à fondre. Il eft diilbus parfaitement
par Vhepar fulphuris.
Vétain s'amalgame très-bien avec le mer-
cure , & fait avec lui une union parfaite :
c'cll Iur cette propriété qu'eft fondée i'o-
lîfi ET A
pération d'éta mer les glaces. Vcye-{1' artkh
Glaces,
Pour faire le beurre à'étain ou éta'm corné ,
on fait un ama'game compcfé <ie parties
égales à'étain Se de mercure ; à une partie
de cet amalgame , on joint trois parties
de fublim.é corrofif , on dilulle ce milange :
alors l'acide du Tel marin abandonne le
mercure pour s'unir avec Vétajn, Sz le rend
volatil. Cette liqueur répand conçinuclle-
ment des vapeurs blanches : on l'appelle
liqueur fumante de Lil>nvius. Les Alcliimilles
font ufage de cette liqueiir pour la volatili-
fation de l'or.
Mais parmi les phénomènes que prciente
l'étain,i\ n'en eft point de plus remarquable
que celui par lequel on obtient la précipita-
tion de l"'or en couleur pourpre. Ceite opéra-
tion fe fait en mettant tremper des lames
à'étain bien minces & bien nettes dans une
difTolution d'or , dans l'eau régale étendue
de beaucoup d'eau : pour lors il fe fait un
précipité d'un rouge foncé ou pourpre très-
beau. Ce piécipiic ducment préparé j peut
fervir à donner de la couleur aux verres, aux
pierres précieufes faftices , aux émaux , à la
porcelaine , ùc. Il y a beaucoup d'autres fa-
çons de la préparer , qu'il feroit trop long de
rapporter ici. Celle que nous venons d'indi-
quer eil celle de CaiTuis, chimifte allemand.
Ùétain ainfi uni avec la difiblution d'or fans
êtres édulcorée , peut teindre en pourpre la
laine blanche, les poils, lesplurr.cs, lesos,
&c. en les faiiant tremper dans de l'caa
chaude , où l'on aura mis un peu de la dit-
folution qui vient d'être décrite. Voy. Junc-
ker, confpcSus chemiœ , tab. xxxvij.p.gSG.
La diflblution à'étain ayant la propriété de
donner une couleur pourpre avec la dilîoki-
lion de l'or , il n'ell: point de moyen plus (lir
pour éprouver s'il y a de l'or mêlé avec quel-
qu'autre matière ; parce que pour peu qu'il
y en ait , la dilTolution à'étain verlée dans la
diflblution d'or ne manquera pas de le dé-
celer.
M.Henckel , dans fon traité intituléy?cr(j
ftturitifans , dit que pinlicuis autetiis ont cm
qu'on pouvoit tirer de Vé^ain du genct igenif-
ta) ; il cite à ce fuiet un ouvrage qui a pour
titre, njlronomia inferior, dans lequel on rap-
porte la lettre d'un habileapoihicaircde Ra-
vjcre, qui prétend " qu'ayant briiic du genêt
ETA
» pour en avoir le fel , & en ayant mis la
» cendre dans un creuiet , elle entra en fa-
" fion& fe convertit en étain ; que craignant
» qu'il ne fe fut par hafard glidé quelque
» particule à'étain dans fon creufet , il
» avoit recommencé l'opération dans un
» nouveau cieulet & avec de nouveau gé-
" net , & qu'il avoit eu le m.ême fuccès ».
M. Henckel femble ajouter foi à ce phé-
nomène , & continue " qml n'eit point
" impofîîble que le genêt , ou autre plante ,
» ne le charge de quelques particules à'é-
» tain, attendu que ce métal eft poreux,
» volatil, & très-chargé du principe in-
» flammable ». ToUius rappoite un fait à
peu près femblable dans l'es epijhlœ itine~
rarice , & s'appuie d'Alonfo Baiba. Quoi
qu'il en foir de toutes ces différentes au-
torités , c'elf à la feule expérience à faire
voir ce qu'on doit en penfer.
Toutes les propriétés de X'étain dont
nous avons parlé dans cet article, ont fait
conclure à quelques chimilf es que ce métal
étoit compofé 1°. d'une terre alkaline ou
calcaire : ce qui le prouve , c'efl la difii-
culté qu'on éprouve à vitrifier X'étain : en
elfet , jamais fa chaux ne fe vitrifie fans
addition ; & quand elle eft mêlée avec du
verre, elle le rend opaque «îk laiteux, ce
qui marque qu'il ne fe fait point une vraie
combinaifon. Joignezà cela que Vétain rend
toujours opaques & laiteux tous les diflbl-
vans auxquels on l'expofe. Cette terre al-
kaline a la propriété du zinc & de la cala-
rnnie ; & M. Henckel a tiré de ['étain une
laine philcfophique , femblable à celle que
fournit le zinc. i"^. L'étain eft compofé de
beaucoup de matière ir.flammable ; ce que
prouve la détonation avec le nirre , bc.
3°. Il entre aullî du principe mercuricl ou
ariénical dans fa compoîîtion ; ce que
prouve l'odeur d'ail qu'il répand lorfqu'on
le brille. f^oye:^la tnitiéraio^ie de W'âWer'ms,
tome I. p. -f J Z . & fui y.
Les ufiges de l'étain font trcs-coniuis.
On en trouvera quelques-uns à la fuite
de cet article. Le plus uuivericl eft en po-
terie à'étain, Voy c'^l'artic. gui fuit , Etain
( Poticrs-ii'étain. ) On en fait des affiettes ,
des plats , des pots , des pintes , iS< toutes
fortes duftenfiles de ménage. ^Lais une
chofe que bien des gens ignorent , c'eft que
E T À
l'ufage des vaifTeaiix A'étjin peut être très-
pernicicux , non-itulemenc lorlque ce métal
cl} allié avec du plomb , mais encore lorf-
qu'il cft fans alliage, M. Marj^rafiF a fait
voir , dans les Mcm. àe l'acadéin. royaU d^s
Sciences da Bcritn , année ÎJ47 -, que tous les
acides des véijétaux agiilolenc fut Vviain , t<
eu dilfolvûient une partie : pour cet etkt il
a laillé iéjourner du vinaigre , du vm du
Rhin , du jcs de citron , &c. dans des vaif-
ic-iiix À'étiiin d'Angleterre , à'étain de Mala-
quc , & à'étiiin d'Aliemagre , & toujours
il a trouvé qu'il fe dillcivoit i:ne portion
à'â:!:n. Ce favant chimifte prouve dans le
mc:ne mémoire, que \'é:ain. contient prelque
toujours de l'arfenic , non que cette (Iibf-
tance foi: de l'eflènce de ce métal , puifqu'il
a obtenu de l'étain qui n'en contenoic point
du tout , mais parce que fouvent les mines
Aétain contiennent ce dangereux demi-mé
tal , qui dans l'opération de la fufion s'unit
très-facilement avec l'étain , & ne s'en fé-
par; plus que très-difHcilem.cnr. M. Margraff
conclut de -là que l'uHige journa!:cr des
vailîeaux d'e'w/n doit être très pernicieux à
la fanté , fur-tout fi l'on y laifie fejourner
djs liqueurs aigres ou acides. Voy. l'article
llTAMER.
A l'égard des iifages médicinaux de
l'étain , par ce que nous avons dit , on voit
qu'ils doivent être très-fu[pe<5ts; cependant
on le fait entrer dans celui qu'on appelle
Vanti-heclique de potier , qui n'ell autre chofe
que de l'étain Si du régule d'antimoir.e dé-
tonnés avec trois parties de nitre : mais les
gens fcnfés favent que c'eft un fort mauvais
remède , d?: qui doit être par conféquent
banni de la médecine. Pour les autres ufa-
ges de l'étain , nous renvoyons aux articles
Etamer , Facteur d'Orgue , Fer-
blanc, Glaces , Miroirs métallicîues ,
ev.,(-)
Etaim , ( Potiers-d'étnin.) Tout ce que.
nous allons ajouter fur l'étain a été tiré du
diâicnriaire du commerce £• du diâionnnire de
Chambtrs. "La dijlinftion des dijf'érens ctains ,
ainji que les autres opérations gui fe font dans
la boutique du poticv-d'ctriin , fe font ircuvéss
rjje^ exactes , pour que l'anife qui s'cfi chargé
ce cette partie ncit eu befoin d'y faire ni addi-
ticn , ni changement. Il faut bien, dijiinguer
cçtte ^p.iriie de l'article Ètaw de la partie qui
ETA 127
précède. Je crois qu'on eût aifément reconnu
qu'elles éioient de deux mains différentes ,
quand nous n'eujjions pas pris la précaution
d'en avertir. Les potiers- d'etain dillinguent
l'étain doux qui eft: le plus fin d'avec l'étain
aigre qui ne l'eft pas tant, L'étain doux
étant tondu & coulé , puis refroidi , eft
uni , reluifant , & maniable comme le
plomb. Celui qu'on appelle du Pérou, qu'on
nomme petits chapeaux , e!i le plus ellimé :
c'eft ds cet étain doux que les fatteurs d'or-
gue font les tuyaux de montre de buffet ,
& les miroitiers le battent en feuilles pour
donner le teint aux glaces avec le vif-ar-
gtnt.
Pour employer de l'étai.^ doux en vaif-
fe'lcs , les potiers-d'étnin y mettent de
l'a loi. Cet aloi eft du cuivre rouge , qu'on
nomme cuivre de rofette , fondu à part , Sc
que l'on incorpore dans l'étain étant auiïï
fondu. La dofe eft d'environ cinq livres de
cuivre par cent à'étain doux : quelques-uns
n'y en mettent que trois livres , & une livre
d'étain de glace ou bifmuth , & pour lors il
perd G qualité molle, & devient ferme,
dur , & plus fonnant qu'il n'étoit. A l'égard
de l'étain aigre , on y met moins de cuivre >
félon qu'il l'eft plus ou moins , & quelque-
fois point du tout , principalem.ent fi on
veut l'employer en poterie à'étain , & qu'on
en ait du vieux qui ait fervi pour le mélan-
ger , & qui l'adoucit.
Pour connoitie le titre ou la qualité de
l'éiain , on en fait elf li. ^'oyei Essai , & la
fuite de cet article.
Les étains qui nous viennent d'Angleterre
font fous plulîeurs formes différentes. Les
uns font en lingots , les autres en faumons,
& les autres en lames qu'on nomme verges..
Les lingots pefent depuis trois livres jufqu'à
53 ; les faumons depuis zjo livres, jufqu'à
environ 400 ; & les lames environ une de-
mi-livre. Les faumons font d'une figure
quarrée , longue & épalfte comme une auge
de maçon , mais tout pleins. Les lingots,
font de la m.cme forme , & les lames font
étroites & minces.
Il fe tire des Indes Eipagnoles une forte
à'étain très-doux qui vient en faumons fort
plats , du poids de cent vingt à cent trente:
livres 11 en vient auilî de Siam par mafles
irrégulieres , que les potiers- d'étain- iioûi-
128 ETA
ment lingots , quoiqu'ils (oient bien diiïerens
de ceux d'Angleterre. L'étain d'Allemagne
qui le tire de Hambourg tic en faumons de
deux cens jufqu'à deux cens cinquante li-
vres , ou en petits lingots de huit à dix livres,
qui ont la figure d'une brique , ce qui les fait
appeller de Vétciin en brique. L'éiain d'Alle-
magne efi: eftimé le moins bon , à caulc qu'il
a déjà feivi à blanchir le fer en feuilles ou
fer- blanc.
Etain déglace , que les droguiftes appellent
bifmuth; loye:^^ Bismuth. Il iert à faire de la
foudure légère. Voy. Souder.
Une matière qui reflemble aflez à Véiain.
de glace , mais qui eft plus dure , qu'on
appelle du ync ( J^oy. Zinc ) , fert aux po-
tiers-d'étain pour décrafler l'étain lorfqu'il
eft fondu , avant de l'employer pour le jeter
en moule , fur-tout fi c'eft de la vaiflelle ;
il faut prendre garde d'en mettre trop , car
il occalionne des fouftlures aux pièces. Ces
fouftlures font de petits trous cachés dans
l'intérieur des pièces , fur-tout fi elles font
fortes , &: ces trous ne fe découvrent qu'en
les tournant fur le tour. Une once ou envi-
ron de zinc fuffit pour décralTer quatre à
cinq cens livres à'étain fondu. Les chaude-
ronniers ne pourroient faire leur foudure
fans zinc , &c.
'L'êiam en feuilles eft de X'étain neuf du
plus doux , qu'on a battu au marteau fur
une pierre de marbre bien unie. Il fert aux
miroitiers à appliquer derrière les glaces
des miroirs, par le moyen du vif-argent ,
qui a la propriété de l'attacher à la glace ;
ce font les maîtres miroitiers qui travaillent
cette forte à'étain pour le réduire en feu 1-
les, ce qui leur fait donner dans leurs itatuts
le nom de Batteurs d'étain en ftuilles. Il fe
tire de Hollande une autre efpece à'étain
battu , dont les feuilles font très- minces &
ordinairement roulées en cornets ; elles font
ou toutes blanches , ou mifes en couleur
feulement d'un côté. Les couleurs qu'on
leur donne le plus communément font le
rouge , le iauiie , le noir & l'aurore ; ce
ri 'eft qu'un vcrn'S appliqué fur Vétain : c'eft
de cette forte à'étain que les marchands
épiciers- ciriers appellent de Vappeau , dont
ils mettent fur les torches &: autres ouvra-
ges de ciie qu'ils veulent enjoliver , &C
dont les peintres fe fervent dans les armoi-
ETA
ries , cartouches & autres ornemens , pour
les pompes funèbres ou pour les fctes pu-
bliques.
Etain en treillis ou en grilles. On nomme
ainfi certains ronds à'étain à claire voie, que
l'on voit attachés aux boutiques des potiers-
d'étain , & qui leur fervent comme de
montre ou d'étalage. Ces treillis font pour
l'ordinaire , à'étain neuf doux fans aloi ,
c'eft-à-dire , qui eft tel qu'il étoit en fau-
mons ou lingots , à la fonte près qu'on lui
a donnée pour le mettre en treillis. Cette
elpece à'étain fe vend aux miroitiers , vi-
triers , ferblantiers , plombiers , faéleurs-
d'orgue , éperonniers , chauderonniers ,
&<. autres lemblables ouvriers qui emploient
ce mcral dans leurs ouvrages. Les potiers-
d'étain mettent l'é/a/'/z en treillis pour la fa-
cilité de la vente , étant plus aifé de le
débiter de cette manière qu'en lingots ou
faumons.
Etain d'antimoine , que les potiers-d'étain
nomment vulgairement métal ; c'eft de
Véiain neuf qu'on a allié de régule d'anti-
moine, à'étain de glace & de cuivre rouge,
pour le rendre plus blanc , plus dur & plus
lonnant. Cet alliage fe fait en mettant lur
un cent pefant à'étain , huit livres de régule
d'antimoine , une livre à'étain de glace , &C
quatre à cinq livres de cuivre rouge plus ou
moins , fuivant que l'étain eft plus ou moins
doux. On ne l'emploie guère qu'en cuillers
& fourchettes , qu'on polit en façon d'ar-
gent. Voye[ Poli,
Etain plané , c'eft de Vétain neuf d'An-
gleterre, comme il eft dit ci-devant. On le
nomme étain plané , parce qu'd eft travaillé
au marteau fur une platine de cuivre , pla-
cée iur une enclume avec un ou deux cuirs
de caftors entre l'enclume & la platine.
Cette manière de planer Vétain le rend très-
uni tant deftus que dellbus , & empêche
qu'il n'y paroilTe aucuns coups de marteau.
Il n'y a que la vaillelle qui te plane. Voyc^
Forger I'Étain.
Etain Jbnnant ou étain fin , c'eft celui qui
eft un peu moindre que le plané , où il y a
plus de vieux étain , 6c qui eft plus aigre ; ce
qui le rend inférieur à Vétain plané , ik k
me- Heur marché.
Etain commun ; on le fait en mettant
quinze livres de plomb fur un cent à'étam
neu f j
ETA
neuf; ou vingt livres. Ci Yéta'm neuf eft
bien bon.
Les potiers-d'étain vendent à différens
artifans une f>rte de bas - éiain , moitié
plomb & moitié éiain neuf, qu'ils appellent
claire foudure o\x claire éioffe : cecte elpece
A'étain eft la moindre de toutes. Il n'eft pas
permis aux potiers - d'étain de l'employer
dans aucun or.vrage , fi ce n'cll en moule
pour la fabrique des chandelles , \ quoi il
eft très-propre. On en fait aulTi quantité de
petits ouvrages, que les merciers apppellent
du bimblot.
Etain en rature , ou rature d'étain ; c'efl:
de Vétain neuf fans alliage , que les potiers-
d'étain mettent en petites bandes très-min-
ces , larges environ d'une ligne à deux ,
par le moyen du tour & d'un inftrument
coupant nommé crochet. Cet étain en rature
ferc aux teinturiers pour leurs teintures ,
étant plus facile à dilloudre dans l'eau-
forte quand il eft ainfi raturé , que s'il étoit
en plus gros morceaux. Ils le mettent au
nombre des drogues non-colorantes ; ils
s'en fervent particulièrement pour le rouge
écarlate. On nomme auffi ratures d'étain ,
tout ce que les crochets ôtent fur les pièces ,
que les potiers - d'étain font obligés de
tourner.
Il entre de l'étain dans l'alliage des mé-
raax qui fervent à fondre les pièces d'artil-
lerie , les cloches & les ftatues , mais fui-
vant diverfes proportions. L'alliage pour
l'artillerie , eft de fîx , fept & huit livres
d'étain , fur cent livres de rofette. L'étain
empêche les chambres dans la fonte des
canons ; mais aufll il eft caufc que la lu-
mière réfitle moins. Quant à l'alliage pour
les cloches , voye^ l'article Cloche ; & à
celui pour les ftatues équeftres, voye^ l'arti-
cle Bronze.
Il étoit autrefois permis aux François
d'enlever de ['étain d'Angleterre , en payant
le double des droits de fortie que payoient
les Anglois. Ce commerce leur eft à pré-
fent interdit , & il n'y a plus qu'une fcule
compagnie angloife qui , à l'excluiîon de
toute autre , ait le privilège d'en faire le
négoce : ce qui a doublé au moins le prix
de Vétain. Voyez les diclionn, du Commerce
& de Chambers.
ÉTAIN , C Efayer de f ) On fait l'elTai
Tome XIII,
ETA 125
de Vétain de cette man'tre , pour en con-
noître la qualité & le titre. Oii prend une
pierre de craie dure , fur laquelle on fait
un trou rond comme la moitié d'un moule
de balle , qui contient environ deux onces
d'étain ; on y joiiit urte petite coulure de
deux pouces de long &c d'une ligne de
large , &c à peu près aulTî profonde , & cela
fur la furface plate de la pierre ; & par le
moyen de cette coulure qu'on nomme le
jet , on empht ce trou d'ttain fondu ; Se
lorfqu'il eft froid , on voit Li qualité. U étain.
doux eft clair , uni , d'égale couleur dcifus
Se dellous i il (è retire comme un petit
point au miheu de l'elTIu. L'étain rin aigre
fe retire plus au milieu , &c pique de blanc
fur la furface ; il eft uni & luifint par-def-
fous. L'étain fin qui eft moins bon , eft
tout blanc deffus tk delTons. L'étain com-
mun eft tout blanc auffi , excepté où la
queue du jet joint le rond de l'elîai , où il
fe trouve un peu de brun ; & plus ce brun
paroît avant dans l'eflai , moins Véfzin eft
bon : enforte que fi l'elîai perd tout fon
blanc & devient brun en entier , ce n'eft
plus de l'étain commun , mais de la claire ,
que les potiers-d'étain ne peuvent travailler :
cela fert aux chauderonniers pour étamer ,
& aux vitriers pour fouder les panneaux en
plomb ; on peut cependant remettre cette
claire en éiain commun , en mettant far
chaque livre une livre d'étain fin.
L'étain fin qui fe trouve abaillé , (e réta-
blit en y mettant une quantité fufrifànte de
bon étain neuf ou du plané.
Il y en a qui effayent d'une autre manière :
on prend un moule à faire des balles de
plomb , & on jette de Vétain dedans ; on
pefe les balles de différens étains qu'on a
jetés , & le plus léger eft le meilleur.
Enfin une méthode d'cllàyer plus com-
mune & plus ordinaire , eft de toucher avec
un fer à fouder la pièce qu'on veut eftayer i
& on connoît fi elle eft bonne ou mauvaifè ,
à l'infpeétion de la touche.
La touche eft un coup de fer chaud en
coulant , qui dénote la qualité de Vétain ;
s'il eft fin , l'endroit touché eft blanc , &
pique un petit point au milieu: au commun,
l'endroit touché eft brun autour , & blanc
au milieu ; moins il y a de blanc , moins
Vétain eft bon : cela a allez de rapport à
R
130 ETA
l'efTii à la pierre , & les gens du métier s'en I
fervent plutôt pour elFaycr quelque pièce
doureufe , que pour effayer des fiuimor.s ou
gros lingots ; car pour ceux-ci , il faut re-
venir à l'une ou l'autre des deux manières
ci-defTus,
Il eft confiant que la matière A'étain ,
princip.dement le commun , peut s'altérer
en y mettant plus de plomb qu'il ne faut :
mais outre qu^'un autre ouvrier s'y connoî-
tra aifément , l'obligation où fe trouve
chaque maître de mettre Ton poinçon fur
fon ouvrage ; ne le fera t il pas connoître
pour ce qu'il eft ? Si dans les provinces où
on n'eft point alTujetti aux vihtes des jurés ,
&c où on ne marquera pas la mauvaile mar-
chandife , on croit faire plus de profit ,
c'eft un m.auvais moyen j car 1°. à l'œuvre
on connoît 1 ouvrier , & la marcha ndife fe
connoït à l'ufer ; 1°. ce qu'on croit gagner
d'un côté on le perd de l'autre, parce qu'elle
eft plus m-il-aifee à travailler ; 3°. enfin on
fe trompe fouvent foi-mème , parce qu'étant
renfermé dans un certain canton , cette
marcliandife revient pour la plus grande
partie à l'ouvrier qui l'a faite , ou aux fîens
après lui : ainfi il eft de l'intérêt & de l'hon-
neur du potier-d'étain d'être fidèle dans fa
proftlTîon. Voyei^ les diclionnaires du Com-
merce Ù de Chambers.
ÉTALAGE , f. m. ( Jurifprud. ) eft la
même chofe qu'établage. yoye[ ci - dejjfus
Etablage. { à )
Etalage , ( Commerce. ) marchandife
que l'on étale fur le devant d'une boutique ,
ou que l'on attache aux tapis qui font au
coin des portes des mailons , au - dedans
defquellcs il y a des magalins. L'éta/age fert
à faire connoître aux patfans les fortes d'ou-
vrages ou marchandifes qu'on vend ou fa-
brique chez les marchands & ouvriers.
Ce terme vient du mot à'tjiûl , ou , com-
me on dit aujourd'hui , ejlau , qui fignifioit
autrefois toutes fortes de boutiques.
Etalage fignifie aulïî un droit que payent
les marchands pour la place ou la boutique
que leurs marchandifes occupent dans un
marché , ou dans une foire ; Se c'eft ordinai-
rement au profit du fcigneur du lieu qu'on
paye ce droit.
Etalage fe dit encore d'une efpece de
table étroite qui eft attachée avec des cou-
ETA
plets de fer fur le devant des boutiques ,
qu'on abat le matin pour y faire l'étalage
des marchandifes , & qu'on relevé le foir
qufnd on détale. Ces étalages , fuivant les
ordonnances de police , ne doivent avancer
dans la rue que de fix pouces. Diclion. de
Comm. £' de Trév. {G)
ETALCEIE , ( Hiji. nat. bot.) arbre exo-
tique fort grand & épineux , qui relTcmble
au cèdre &C au genévrier par fa feuille. En
Numidie fon bois eft blanc ; eu Lybie il eft
violet & noir ; & en Ethiopie il eft tout-à-
fait noir. Les Italiens le nomment fangu.
On en fabrique difFérens inftrumens de mu-
fique : quand on y fait une coupure , il en
découle une gomme ou rélme qui rcllemble
au maftic. Selon les apparences , cet arbre
eft une efpece de genévrier que C. Bauhin a
nommé juniperus major baccâ rufefcentc , 5c
que Théophrafte appelle oxycedrus. On le
fert de fa réfine pour taire du vernis. Hubner,
Diclion. vniverfel.
ETALER , ( Comm. ) expofer de la mar-
chandife en vente ; c'eft proprement ouvrir
les boutiques &c les portes des magafins , y
attacher les tapis , &: y arranger les diverfes
choies qui indiquent aux palFans ce qu'on
vend dedans , afin de les exciter d'y entrer
& de faire emplette.
Il n'eft pas permis à tous marchands
d'étaler tous les jours , ni en tous lieux.
Le lieutenant de police , & fous lui les
commilTaires de quartiers , ont loin ,
à Paris , que les marchands n'étalent que
dans les lieux & les temps permis par les
ordonnances de police. Diâ. de Comm. & de
Trév. ( G )
Etaler, les Marées , {Marine.) c'eft,
lorlque le vent & les marées font contraires
à la route qu'on veut faire , être obligé de
mouiller en attendant une autre marée favo-
rable , Ictit pour fa route , fou pour entrer
dans un port.
Refouler la marée , c'eft le contraire de
l'étaler. (Z)
* ETALIERES , ( Rets de Basses-^)
terme de Pêche ; forte de rets que les pê-
cheurs du relTi>rt de l'amirauté de Coutances
tendent à peu pi es île la même manière que
les filets flottés , dont on le fert dans les
coudes ou les anfes , où la marée montante
1 apporte avec elle à la cote beaucoup de vie-
ETA
rech , & où il n'cfl pas podiblc d'établir
des pêcheries toures montées fur piquets.
Les pêcheurs de Briqaevillc tendent leurs
étalieres en demi-cercle , cnfouillant le pié
du filet , comme on le pratique aux rets
flottés , afin que le rets prête & s'abatlfe
à mcfure que le varech palle dcffus , &
pour empêcher que les herbes n'allujettif-
fent le filet , en eufablant ou chargeant de
varech les rubans qui en tiennent la tête ;
outre quelques flottes de liège , les pêcheurs
mettent dans le milieu de leur tente deux
ï. trois piquets , hauts de dix pouces en-
viron ; ils fervent à contenir les rabans ,
& à faire ouvrir plus facilement {'éialiere au
reflux , car Vétaliere ne prend rien que de
marée bailfante.
Ces fjrtes de rets (ont établis à peu près
de la même manière que les colorets ou
parcs volans des petits pêcheurs des côtes
de Saintonge & d'Aunis , qui font avec
leurs acons des pêcheries variables lur les
baffes de fable qui lont dans le fond des
pertuis.
* Etalieres, Applets ou Tressures
FLOTTÉES , terme de Pêche. Les pêcheurs de
la cote de Bretagne , dans l'amirauté de
Saint-Malo , tendent leurs rets de pies ou
trelfures autrement que les autres , qui les
amarrent fur des piquets en forme de bas
parc ; celles-ci fc tendent flottées & pier-
rées , ou plommées comme les cibaudicres,
dont ce filet efl: une elpece : ce filet fe peut
difpoler à pié , lans qu'd {oit beloin de
bateaux pour pratiquer cette petite pêche.
Les pêcheurs étendent à plat , à la bafle-
mer , leurs rets ou treffures dont le pié
regarde la mer , & qu'ils enfablent en le
garniffant , foit de pierres , ou de fable ,
ou torchis de paille ou de goefmont , fui-
vant le lieu où ils fe trouvent , fuivant la
ligne des flottes que les pêcheurs nomment
ligne de montant. Ils couchent une autre
ligne qu'ils nomment ligne de bande , qui
€ft arrêtée , pendant que la mer monte ,
par des pierres ou petits crochets de bois
enfoncés dans le fable ; & au commence-
ment du reflux , quand la mer commence
à perdre , on levé la ligne de bande par un
des bouts où le pêcheur a frappé une
bouée : cette ligne le dégage des pierres ,
on enlevé les crochets qui la retenoient. En
ETA 151
même temps \q% étalieres ou trefÏÏires (e iou-
levent au moyen des flnrtes , & fe fouvien-
nent debout jufqu'à la bnlTc-mei : pour lors
le pêcheur ramafle le poiflon qui a monté à
la côte avec îa mar;'c , &. qui s'cft trouvé
arrêté par le filet des étalierea.
On ne pratique cette pêche que durant
les chaleurs des mois de mai , juin , iuiliet ,
août & feptembre. On prend indifférem-
ment des poiflons ronds &: plats. Les plus
belles foies provien:ieiu de cette pêclie.
ETALINGUEK les cables, { Mar.)
Voy. Talinguer.
ÉTALON , f. m. ( Jurifprud. f- Comm. )
fîgnifie le prototype ou l'exemple des poids &C
des mefures dont tout le monde fe fert dans
un lieu pour la livraifon des denrées & mar-
chandifes qui fe livrent par poids ou par
mefure.
Comme on a fenti de tout temps la né-
ceflîté de régler les poids & les meliires, afin
que chacun en eût d'uniformes dans un
même lieu , on a auffi bientôt reconnu \.^
néceffité d'avoir des étalons ou prototypes ,
foit pour régler les poids & mefures que
l'on fabrique de nouveau , foit pour confron-
ter &C vérifier ceux qui font déjà fabriqués,
pour voir s'ils ne font point altérés , foit par
l'effet du temps, ou par un efprit de fraude,
& fi l'on ne vend point à faux poids ou à
faulfe mefure.
Les Hébreux nommoient cette mefure
originale , ou matrice , fcahac , quafi por-
tam menfurarum aridorum , la porte par la-
quelle toutes les autres mefures des arides
dévoient pafler pour être jugées. Ils mar-
quoient enfuite d'une lettre ou de quelque
autre caraélcre , les mefures qui avoient
pafle par cet examen , & cette marque étoit
appellée menfura judicis. Il y avoir auiTî des
étalons pour la mefure des liquides & pour
les poids.
Les Grecs nommoient {'étalon des mefares
jusTpai'TpoVof ; c'eft-à-dire , le prototype des
mefures.
Les Romains le nommoient fimplement
menfura , par excellence , comme étant la
mefure à laquelle toutes les autres dévoient
être conformes.
M. Ménage croit que le terme êtkloii
vient du latin ejî talis , & que l'on a aulTî
appelle la mefure originale , pour dire que
R i
J32 ETA
cette mefure qui eft expolee dans un lieu
public , eft Celle qu'elle doit être , ou plu-
tôt que les autres mefures doivent êtres telles
&c conformes à celle-ci : mais il eft plus pro-
bable que ce terme vient du faxon Jîalone ,
qui fignilîe mefure.
On difoit autrefois cjïellons ou eftelons ,
pour étalons ; comme on le voit dans les
coutumes de Tours , art. 41 ; Lodunois ,
chap. ij. art. 3 £• ^ ; & Bretagne , art. 6g8 ,
€99 & 700.
Les étalons des poids & mefures ont tou-
jours été gardés avec grande attention. Les
Hébreux les dépofoient dans le temple ,
d'où viennent ces termes fi fréquens dans
les livres fainrs : h poids du fancluaire , la
mefure du Jancluaire.
Les Athéniens établirent une compagnie
de quinze officiers appelles fAiTfovo/j.01 , men-
Jurcrum curatores , qui avoient la garde des
étalons : c'étoient eux aulTi qui régloient les
poids & mefures.
Du temps du paganifme , les Romains
les gardoier.t dans le temple de Jupiter au
capitole , comme une chofe facrée &c invio-
lable ; c'eft pourquoi la mefure originale étoit
furnommée capitulma.
Les empereurs chrétiens ordonnèrent que
les. étalons des poids & mefures leroient gar-
dés par les gouverneurs ou premiers magif-
trats des provinces. Honorius chargea le
préfet du prétoire de l'étalon des mc-lurcs , &
confia celui des poids au magiftrat appelle
cornes facraruni largitionum , qui étoit alors
ce qu'eft aujourd'hui chez nous le contrô-
leur général des finances.
Jiiftinien rétablit Tufage de conferver les
étalons dans les lieux fiints ; il ordonna que
Ton vérifieroit tous les poids &c toutes les
mefures , & que les étalons en feroient
gardés dans la principale églife de Conftan-
tinople ; il en envoya de iemblables à
Rome , &c les adrelfa au fénac comme un
dépôt digne de Ion attention. La novellc
1 18 dit aulll que Ton en gardoit dans cha-
que églile ; il y avoit des boilfeaux d'ai-
rain ou de pierre , ik autres mefures diffé-
rentes.
En France , les étalons des poids &: me-
fu||{6 ccoicnt autrefois gardés dans le palais
de nos rois. Charles-le-chauve renouvclla
en 864 le règlement poiu: les étalons ; il
ETA
ordonna que toutes les villes Si autres lieux
de fa domination , rendroient leurs poids &
mefures conformes aux étalons royaux qui
étoienc dans fon palais , & enjoignit aux
comtes & autres magiftrats des provinces
d'y tenir la main : ce qui fait juger qu'ils
étoient auffi dépofitaires d'étalons , confor-
mes aux étalons originaux , que Ton confer-
voit dans le palais du roi. On en confervoi:
auiîi dans quelques monafteres & autres
lieux publics.
Le traité fait en 1221 entre Phihppe-
Augufte & l'évêque de Paris , fait mention
des mefures de vin & blé comme un droit
royal que le prince fe réierve , de dont le
prévôt de Paris avoit la garde. Le roi céda
feulement à l'évêque les droits utiles qui fe
levoient dans les marchés , pour en jouir de
trois femaines l'une , & ordonna au prévôt
de Paris de faire livrer les mefures aux offi-
ciers de l'évêque : mais cela concerne plu-
tôt le droit de mefurage , que la garde des
étalons.
Sous le règne de Louis VII la garde des
mefures de Paris fut confiée au prévôt des
marchands. Les ftatuts donnés par S. Louis
aux jurés-mefureurs , font mention qu'au-
cun mefureur ne pourroit le fervir d'au-
cune mefure à grain qu'elle ne fût lignée ,
c'clt-à-dire , marquée du fting du roi j
qu'autrement il feroit en la merci du prévôt
de Paris : que li fa mefure n'écoit pas fignée ,
ildevoit la porter au parloir aux bourgeois
pour y être ju.ftince & lignée.
Les auteurs du Gallia Chrijficna , tome
yjl, col. 153, rapportent qu'avant l'an
1684 , temps auquel la chapelle S. Leufroy
fut démolie pour aggrandir les prlfons du
grand châtelet , on y voyoit une pierre qui
etipiit taillée en forme de mitre , qui étoic
le modèle des mefures (i<i de_s poids de Paris,
1 & que de- là étoit venu l'ulage de renvoyer
à la m:tre de la chapelle de S. Leiifioy ,
quand il furvenoit des conteftations fur les
poids &: les mefures. M. l'abbe Ltboeuf,
dans fa dtfiription du dioc^ft de Pans , tom. f,
pcnfe que cette pierre , qui par la forme
devoir être antique , avoit apparemment
été apportée du premier pnrloir aux bour-
geois , qui étoit cor.rigu à cette ef;hfc de
S. Leufroy ; il obferve que ce parlo r is: uii
autre ( lîcuc ailleurs ) ont été le berceau de
ETA
l'hôtcl-de-ville de Paris (où l'on a rlepuîs
transféré les étalons des poiils & mefures ).
Il y A encore en quelques villes de province
des étalons de pierre , pour i^ vérification
des mefures.
Le roi Henri II ordonna en 15 57, que les
étalons des gros poids & mclures fcroient
gardés dans l'iiôtel-dc-villcde Paris.
Lorfqu'on établit en titre à Paris des
jurés melureurs pour le (cl , qui faifoit
alors l'obict le plus important du com-
merce par eau dans cette ville , on leur
donna la gariie des èialons de toutes les
mefures des arides : c'eft pour la garde de
ce dépôt qu'ils ont une chambre dans l'hô-
tel de ville.
Les apothicaires & épiciers de Paris ont
conjointement la garde de X'Lc.Um des poids
de la ville , tant royal que médicinal , ils
ont même , par leurs ilatuts , le droit d'aller
deux ou trois fois l'année , aiFidés d'un juré
balancier , vidter les poiJs &: balances de
tous les marchands & artilans de Paris, c'cll
de-là qu'ils prennent pour devile , lanct &
pondéra fervant.
Il faut néanmoins excepter les orfèvres ,
qui ne font (ujets à cet égard qu'à la vilîte
des officiers de la colt des monnoics , atten-
du que l'étalon du poids de l'or fi de l'argent
qui eioic anciennement gardé dans le palais
du roi , eft gardé à la cour des monnoies
depuis l'ordonnance de 1540.
Les merciers prétendent aulTî n'y être pas
fujets.
Pour ce qui eft des provinces , la plus
grande partie de nos coutumes donne aux
feigneurs hauts-jufticiers , & même aux
moyens , le droit de garder les étalons des
poids & mefures , & d'en étalonner tous les
poids & mefures dont on fe fcrt dans les
juftices de leur reiTort.
Les coutumes de Tours & de Poitou veu-
lent que le Seigneur qui a droit de mefure
en dépofè {'étalon dans l'hôtel de la ville la
plus proche , h elle a droit de mairie ou de
communauté , fmon au fiege royal fupé-
rieur d'où la juftice relevé.
Dans l'hôtel-de-ville de Copenhague il
y a à la porte deux meflires attachées avec
de petites chaînes de fer ; l'une cil l'aune
du pays , qui ne fait que demi-aune de
Paris ; l'autre cft la mefure que doit avoir
ETA 155
r un homme, pour n'être pas convaincu d'im-
puillance. Cette mefure fut expofée en pu-
blic fur les plaintes faites par une marchan-
de , que fon mari ctoit incapable de géné-
ration. Foyage de l'Eur. t, VIII. p.^oi.
Les étalons font ordiiiairement d'airain ,
afin que la mefure foit moins fujette à s'al-
térer. Lorfqu'on en fait l'eifai , pour voir
s'ils font jultes , c'cft avec du grain de
millet qui eft jette dans une trémie , afin
que le vafefe remplille toujours également.
t^ oyci^ Loileau , dcsjeigncuries , ch.jx. n. XO
Ù fuiv. le traité di la police , tom. II. liv. V.
ck. iij. le glojf, de Lauriere , au mot Eta-
lon. (J)
Etalon , en terme d'Eaux & Forets ,
fignifie un baliveau de l'âge que le bois avoic
lors de la dernière coupe. L'ordonnance
des eaux & forêts , ///. xxxij. art. 4. fixe à
cinquante livres l'amende encourue , pour
avoir coupé un étalon. Vuje^ la coutume de
Boulenois , art. ^z. {A)
Etalon , ( Manège & Maréchall. ) Che-
val entier , choifi & deftiné à l'accvjuple-
ment , & dont on veut tirer race. Voye^
Haras.
ETALONNAGE , ou ETALONNE-
IvlENT , f m. aftion d'étalonner , c'eft-à-
dire , de vérifer une mefure fut l'étalon.
Voje^ Etalon.
Ces deux mots font aulll ufités pour Ci-
gnifier le droit qu'on paye à l'officier qui
étalonne.
L'ordonnance de 1567 pour l'étalonne-
ment des poids , portoit qu'd fcroit payé
aux gardes pour chaque pile d'un ou plu-
fieurs marcs , avec toutes les parties & di-
minutions , & auHi pour chaque garniture
de trébuchet fourni de fes poids qu'ils au-
roient étalonnés, trois deniers tournois , qui
leur feroient payés par l'ouvrier & mar-
chand défaits poids , trébuchets , & ba-.
lances.
Par une ordonnance de l'année 1641 ,
ce droit a été fupprimé ; & il y eft dit que
les balanciers, marchands, fondeurs, &c.
pourront faire étalonner & marquer leurs
poids gratuitement au greffe de la cour
des monnoies. Diclionn. de Comm. de Trév.
& Chamb. ( G )
ETALONNER, v. aft. termz'dzBàù-.
134 ETA
ment , c'eft réduire des mefures à pareilles
diftanccs , longueurs , & hauteurs , en y
marquant des repères. ( P )
Etalonner , ( M.^n. & Maréch.) couvrir
une jument , expreflîons fynonymes. Voye^
Haras. ^ r i ■ n
ETALONNEUR , l. mafc. celui qui ell
commis pour marquer & étalonner les poids
&c mefures. L'ordonnance de la ville de Paris
nomme les jurés-mcfureurs de fel , étalon-
neurs de mefures de bois. Die!, de Comm. de
iyéi\ & de Chamb.
ETAMBOT , f. m. ( Mar. ) Vétamhot cft
une pièce de bois droite qui termine la par-
tic de l'arriére des vaiiTeaux ; on le place
prefque verticalement fur l'extrémité de la
quille , à cet endroit qu'on nomme talon.
Voyei Marine, Planche l(--\jig. z , /2°. 4 ,
lahtuationdel'«a/7;/io/. Quelques-uns difent
étambod.
Cette pièce doit être folidement aUuiet-
tie , puirqu'clic foatient le gouvernail , &
que c'eft fur elle que viennent aboutir les
bordages qui couvrent les façons de l'arriére;
c'eft pour recevoir ces bordjges qu'on fait
à Véiaîrhot , comme à l'étrave , une rablure.
V. Manne , Flanche l-'l , fig. 74 > ^^tambot
détaché ■■, a h , eft la quefte ou la faillie du
X'étambot ; a c , fa hauteur ; b e , Ca. largeur
par le bas ; fe ,Ca largeur par le haut igb,
la longueur du faux_ éuimbot : c'eft une pièce
de bois appliquée fur Vétambot pour le ren-
forcer ; A , la rablure ou caiielure pour rece-
voir les bouts des bordages ; b d , de l'extré-
mité de la quille , fa quefte , & fon épaifiéur;
o e , contre étamhot : c'eft une pièce courbe
qui lie Vétambot fur la quille ; k , tenon qui
entre dans une mortaife , afin que la partie
extérieure de Vétambot s'entretienne mieux
3vec l'extrémité de la quille , laquelle eft
auflî jointe à fa partie intérieure par des che-
villes de fer & de bois.
On divifc la hauteur de Vétambot comme
on a fait celle de l'étrave , par pics ., pour
connoître commodément le tirant d'eau de
l'arriére.
La largeur de Vétambot eft égale à celle
de la quille ; on augmente fon épaideur
par en bas de 7 lignes par pouce de l'é-
■paifTeur de la quille , & à fon bout d'en
haut on le diminue d'un quart de cette
épaifl'eur ; on peut même faire le bas de
ETA
Vétambot de toute l'épaifleur que la pièce
peut porter.
Suivant plufieurs conftrufteurs , Vétambot
doit avoir de hauteur mefurée perpendicu-
lairement à la quille , 1^ & rr de la lon-
gueur totaiedu vaifteau. Su'vant cette règle,
un vailfeau qui auroic 168 pies de longueur,
auroit, en prenant le dixième ik le douzième,
50 pies 9 pouces 7 lignes. D'aunes donnent
une quarantième partie de moins de hauteur
à Vétambot , qu'à l'ctras'e. Mais puilque Vé-
tambot détermine la longueur du vaifTcau à
l'arriére , comme l'étrave détermine la lon-
gueur du vaifteau en avant , il vaut mieux
additionner la hauteur du creux au milieu,
la différence du tirant d'eau & le relèvement
du premier pont en arrière , l'épai(Teur du
bordage du premier pont , & la diftance du
premier au fécond pont en arrière fous le
bau , y compris fon bouge, moins l'épaifleur
de la barre du gouvernail : l'addition de-
toutes CCS fommes indiquera la hauteur de
Vétambot. Exemple ,
Un vaiftèau de iio
canons & de 168
pies de longueur ,
ayant de creux au
maître couple , 25 pies 9 pouc.
De relèvement au pre-
mier pont en arriè-
re, y compris la dif-
férence du tirant
d'eau , . . . 17 S H-
L'épaifteur du bordage
du premier pont , . 46
La diftance du premier
au fécond pont en
arrière fous le bau , ; 8
La hauteur de Vétam-
bot fera de . . ^1 piés4pou. 1 1 lig.
Cet exemple eft fufïîfant pour les vaif-
fcaux de toutes grandeurs ; on remarquera
feulement que pour les frégates qui n'ont
qu'un pont , il faut prendre le creux au
maître couple , le relèvement du pont à
l'airieie , l'épaifleur du bordage du pont,
& ajouter deux pies hx ou neuf pouces ;
& pour les frégates & corvettes deux pies
trois pouces , aux fommes ci-dellus men-
tionnées.
E TA
Quelques-uns , pour avoir la hauteur de
X'ciambut , additionnent le cieux à l'arriére ,
l'ép:uircur des bordagcs du premier pont ,
le feuillet & la hauteur des labords de la
première batterie ou de la laiiuc-baibe , &
IVpailleur de la barre d'arcaffe , qui ell de
treize pouces aux vailltaux à trois ponts, de
douze à ceux de foixante-quatorze canons,
de neuf à dix à ceux de cinquante à foixaii-
tc quatre.
A l'égard de la quefte ou fiillie de Vétam-
bot , quelques charpentiers lui donnent un
pie par chaque lix pies qu'il a de hauteur :
ainli notre étambot cité ci-dellus de 51
pies de haut , auroit cinq pics au moins de
quelle. M. Duhamel, dans ion traité de
conrtruftion pratique , d'où j'ai tiré prefque
tout cet article , remarque qu'on ne voit
aucune raifon de lui donner de la quelle ,
au lieu qu'en la fupprimant , le gouvernail
en doit être plus folidement établi ; &
par fa fîtuation perpendiculaire , rélifter
mieux au fluide que s'il étoit oblique :
d'ailleurs la quefte de Vétambot fait que
tous les poids de la pouppe tendent à dé-
lier le vailfcau en cette partie , ou à ou-
vrir l'angle que Vétambot fait avec la quille.
(2)
ETAMBRAIES , ETAMBAIES ,
ETAMBRAIS , ETAMBRES , SERRES
DE MATS , f. m. ( Marine.) ce font deux
grolTes pièces de bois qui accolent un trou
rond qui eft dans le tillac par où palTe le
mât 5 afin de renforcer le tiliac en cet en-
droit , &; tenir le mât plus ferme, y. Manne,
FI. VI,fig. XI , la forme particulière de l'e-
tambraie du grand mât.
Dans un vailTeau de 60 canons & de 1 40
pies de longueur, l'e/fjOT^rd/V du grand mât
doit avoir j pies de long fur 4 de large , & 6
pouces d'épais.
On m.et un étamhraie à tous les mâts fur
chaque pont du vaifleau. V. Marine , Plan-
che IV , fig. î , X'ttambraie du grand mât au
premier pont, n°. 10 ç ; i'ctambraie du grand
mât au fécond pont , n°. 106 ; Vétambraie
du mât de mifaine au premier pont, n°. zoy;
Vétambraie du mât de mifaine au fécond
f>ont , n°. 108 ; Vétambraie du mât de mi-
aine au château d'avant , n°. 209 ; Vétam-
braie du mât de beaupré , n°. 2. i o ; Vétam-
braità\xxsax d'artimon , n°. 211.
ETA 135
On appelle aulTî étambraie , le lieu où
porte le pié du mât dans le fond du
vaifleau.
Etainbraies de cabcjlan ; ce font les ouver-
tures par où paflènt les cabeftans. V. Ca-
BEST.iN.
On donne aufTï le nom à'kambraie à une
toile poidée qui fe met autour des mâts fuc
le nllac , de peur que l'eau ne les pourrilTe.
F. Braies. (Z)
§ ETAMER LE CUIVRE ET LE
FER, {Chym. & Met.) ell une opération
par laquelle on applique & on fait adhérer
une couche d'étain fort mince à la furface
de plufieurs métaux, & particulièrement
du cuivre & du fer. Les pratiques pour l'é-
taraage de ces deux métaux font différen-
tes. Le cuivre s'étame lorfqu'il eft tout fa-
briqué en uftenfiles, &: par les chauderon-
niersqui fabriquent ces uftenfiles de cuivre.
A l'égard du fer, on Vctame en feuilles ou
plaq'jes minces qu'on nomme de la tôle ou
du fer noir , & il prend le nom de fer-blanc
lorfqu'il eft étamé. Ce travail fe fait dans
des manufadures particulières, en France ,
en Alkm.agne, & dans quelques autres en-
droits. Les ouvriers qu'on nomme à Paris
Firhlantien ne font donc que fabriquer d;f-
férens uftenfiles avec ces lames de fer éta-
mé , ou fer- blanc , qui leur viennent de ces
manufiéiures.
Les procédés & les différentes manœu-
vres pour étnmer le fer & le cuivre font fon-
dés , premièrement , fur la facilité qu'a
l'étani de s'unir avec ces métaux ; elle
eft telle , que , quoique lorfqu'on ew-
me , il n'y ait que l'ctain qui foit fondu ,
le cuivre & le fer ne l'étant pas, il s'incor-
pore allez confidérablement avec ces mé-
taux , diftbut en quelque forte leur furface ,
& forme avec elle une efpece d'alliage ,
du moins quand l'étamage eft bgn & bieii
fait.
En fécond lieu , toutes les mauœuvres
auxquelles on a recours pour faire réuffir
l'étamage font fondées fur ce que les mé-
taux ne peuvent s'unir véritablement qu'cn-
tr'eux lorfqu'ils font dans l'état métaUique,
& qu'ils retufent de s'unir avec toute ma-
tière terreufe , même avec leurs propres
terres ou chaux, lorfqu'elLes ont perdu
136 ETA
leur phlogiftiquc avec leurs propriétés mé-
talliques.
Il fuit de-là , que tout l'art de l'écamage
confifte à appliquer du plomb tondu , mais
dont la furface foit bien nette , bien mé-
tallique , & ne foit recouverte d'aucune
parcelle de cendre ou de chaux d'étain , à
la furface du cuivre ou du fer aulTi parfai-
tement métallique , £c fur laquelle il n'y ait
pas la moindre chaux ni rouille.
Pour cela , comme la furface du cuivre
s'altère continuellement par la feule aétion
de l'air , immédiatement avant de Vétamer,
les chauderonniers enlèvent par le moyen
d'un outil ou racloir d'acier, toute la fu-
perficie du cuivre qu'ils vont étamer , & la
raclent jufqu'auvif; ils placent cnfuite le
vailTeau de cuivre qui va recevoir l'éta-
mage fur du charbon allumé, pour le chauf-
fer jufqu'à un certain point : aufiî-tôt qu'il
eft chaud , ils frottent l'endroit chauffé
avec de la poix rcilne , & tout de fuite ils
y appliquent de l'écain fondu , qu'ils éten-
dent par le moyen d'une poignée d'étou-
pes , ce n'cft pas ordinairement de l'étain
pur , mais un mélange de deux parties d'é-
tain fur une partie de plomp , dont les
chauderonniers fe fervent pour leur éta-
mage.
La poix réfine dont on fê fert dans cette
opération eft absolument néceflaire , par-
ce que le degré de chaleur qu'on donne
au cuivre , fuflît pour calciner un peu fa
furface ; & cette altération , quelque lé-
gère qu'elle foit , feroit capable d'empê-
cher l'étp.in de s'y unir folidement , fi , par
le moyen de la poix réfine , on ne lui ren-
doit du phlogiftiquc dans le moment même
où l'étain s'y applique. Cette même poix
réfine empêche auffi la légère calcination
qui fe feroit à la fiirface de l'étain , ou ré-
vivifie les petites parties de cendre d'étain
qui auroient pu fe former pendant cette
opén-.tion.
A l'égard de l'étamage du fer , on com-
mence d'abodr parnettoyer parfaitement ,
& jufqu'au vif, les lames de fer noir , ce
qui ie fait en les écurant avec du grés , &
en les faifant srempcr dans des eaux aci-
dulés, cela s'appelle decappcr le fer noir ;on
les tiluie après cela , on les feche prompte-
fîifjit iSi paifaitemeiu , puis on les plonge
ETA
verticalement dans un vafe qui contient de
l'étain fondu , dont la furface eft recou-
verte de graille ou de poix réfine. Ces
corps gras couvrant la furfice de l'étain,
& lui fournilTant continuellement du phlo-
giftique, empêchent d'une part qu'il ne
s'y forme de la chaux qui s'oppoteroit à
l'adhérence de l'érain fur le fer ; & d'une
autre part , comme le fer pafle au travers
de cette matière inflammable , lorfqu'on
le plonge dans l'étain , elle ne peut que
rendre auffi la furface de ce même fer plus
propre à recevoir l'étain. Les lames ou
plaques de fer noir n'ont bcfoin que de
palier ainfi dans l'étain fondu pour être bien
étamées, & transformées en fer- blanc.
On emploie aulli avec fuccès le fel am-
moniac dans l'ccamage du fer &c du cuivre,
& toujours par la même railon ; d'une part,
l'acide de ce fel nettoie & décappe parfai-
tement la furface des métaux à étamer ; Se
de l'autre part , la matière huileufe , con-
tenue dans ce même fel , fournit le phli>«
giftique néceflaire dans cette opération ;
ainfi , en chauffant ces métaux jufqu'à un
certain point , & les frottant avec du fel
ammoniac , on peut y appliquer l'étain
immédiatement après , il s'y attache très-
bien.
Les avantages qu'on retire de l'étamage
font très-confidérables : l'étain , métal mou
&c fulible , ne peut former feul que des
vaifiTeaux & uftenidesd'un très-mauvais fer-
vice , très-fujets à fe déformer par le moin-
dre choc , & fe fondant au plus léger de-
gré de chaleur ; mais lorfqu'il eft appli-
qué à la furface du cuivre & du fer ,
métaux durs , & de très-difficile fuhon ,
on en fabrique une infinité d'uftenhles
d'autant plus commodes , que l'étain dont
ils font recouverts garantit ces métaux de
la rouille, à laquelle ils font extrêmement
fiijers. Il eft vrai qu'on reproche avec alfcz
de fondement aux vailleaux de cuivre éta-
ntes , de n'être pas allez recouverts d'étain
pour être abfolument exempts de contrac-
ter du verd de gris. Ce reproche a'.Iez bien
fondé eft grave , fur-tout pnur les v.iillcaux
de cuivre étamc dans lelquels on prépare &c
on conferve les alimcns. Il feroit donc à
propos de ne pas employer le cuivre , même
ctamé j à CCS forces d'ulagts , d'autant plus
que
ETA
que l'étain lui-même n'cft pas exempt de
reproches du coté de Uifaliibiité, puilqiie M.
Marggraf a dccouVerc qu'il n'y en a prefque
point qui ne contienne lie l'arfenic , &: que
d'ailleurs dins l'etamige du cuivre , on em-
ploie aulTi du plomb , autre métal très-mil-
faifant; mais cela n'empêche point qu'on ne
(è fcrvc du cuivre étamé pour une infinité
d'autres ulages- On peut d'ailleurs perFec-
cioniicr beaucoup l'étamage du cuivre & du
fer , & l'on y parviendra certainement fi
l'on veut avoir les attentions convenables
aux principes fondamentaux de cet art ,
qu'on a expolés dans cet article.
Autrefois on racloit le cuivre avec un
fer pour le préparer à Vitamage : mais à
prélcnt il n'y a que les chauderonniers
ignorans ou frppons qui raclent le cuivre ;
on fe contente d'en dégrailler la furface ou
d'enlever la rouille en hoitant le vafe avec
du mâche fer ou du (able , tïc l'on enlevé la
cendre d'érain , qui le forme à la iurface
de l'étain fondu. La graillé , la rouille , &
la cendre d'étain (ont trois obllacles pour
l'étamage. Nd. Flachat, dans fes Objcrvations
jur le commerce Ù Jur les arts d'une partie de
l'Europe , l' Afie , l'Afrique 6' l' Amer i que ,
1 vol. in- 8'^. imprimés à Lyon chez Jac-
quenod , 1766 , dit dans le tome II , page
4^0 , que tout le fecret de l'étamage conlif-
te à neitoyer la batterie de cuivre ou de fer
avec du (able ou du mâche-fer ; z". à la
faire rougir far un feu de charbon de bois :
}°. à y jeter quelques pincées de Tel armo-
niac : 4"^. à y mettre de l'étain fin : 5". à
frotter avec une baguette de même rnéral
la place que l'on veut étamer ( je crois que
cette operacion eft inutile ) : 6°. à bien
nettoyer l'endroit , en le flottant avec des
étoupes ou avtc du coton arçonné : 7°. à
rejeter une féconde fois un peu de fel armo-
niac , en laillant toujours fur le feu le vafe
que l'on veut étamer : 8°. à y remettre de
l'étain fondu , ou à l'éterdre avec les étou-
pes jufqu'à ce qu'il foii d'un blanc d'argent
par tout également poli. QLiclques artifans
trempent le vaie étamé dans l'eau pour le
refroidir ; mais cette dernière opération
paroit inutile , &: peut être nuilîble. Loif-
que la vaillélle elt percée par vétulté , il eft
deux manières de la raccommoder avant
que de V étamer ; ks uns clouent la pièce & ,
Tume XIII,
ETA 157
c'crou'fTent les clous ; les autres découpent
les bords de la pièce en z-'g-zag , & font
paifcr alternativement les bor ts d.-coupés
l'un en deifus , l'autre en dellous du vafe,
enluite ils fondent la pièce avec la foudure
compoféed'un mélange fait avec deux liv;-es
de laiton , qu itorze onces de cuivre rouge,
& fix deniers d'argent fin. L'on commence
à fe dégoûter , avec niflm , des étamages
d'étain. Depuis peu d'années l'on a p'-of-
crit en France l'ufage de l'étain & des vafes
étamés ; on ne fe lert prefque plus que de la
faïence. L'on a établi à Paris une mr.nufac-
tuie cù l'on revêt les cafllrolcs de cu.vrc
rouge avec de l'argent fin. Nous obferve-
rons en palHint que cet ufage n'cft pas une
invention nouvelle : qMoique Pline le natu-
ralifte nous apprenne que de Ton temps les
plus habiles étamcurs de cuivre , étoienc
ceux des Gaules , & qu'ils tmployoient à
cet uHige le plomb & l'étain , cepen lant
on a trouvé dans Heiculanc des cafléroles
garnies en dedans d'une couche cpailfe
d'argent fin. Ce fait eft conftaté dans la
page 8 I , Recherches fur les raities d'Htrcu-
lanum , par XL Fougeroux de Bondaroy , à
Paris , 1770 j in- li.
Il eft dommage que la fabrique de Paris
ait un pnvilfgeexclufif , & qu'elle ne com-
munique pas Ion procède. En attendant qu'il
foit connu , nous allons rapporter ce que
nous avons appris d'un habile artifte nommé
Guinct , habitant à Grenoble. Il a fait , il y a
plus de quinze ans , des lampes d'églile de
cuivre , couveites d'une lame d'argent ; il
avoit même propofé au bureau de la guerre
de faire des galons de la même matière ,
pour border les chapeaux des foldats.
Cet artifte qui eft mort il y a un an ,
nous communiqua fon procédé : il fadoic
planer une forte plaque de cuivre rouge
extrêmement unie ; il la faifoit récurer ôc
croiler par de petits traits; il la fuipoudroit
de borax : il appliquoit fur ce cuivre une
plaque d'argent extrêmement fin ; elle étoic
un peu plus petite que la plaque de cuivre;
enluite il appliquoit de la bonne foudure
fine d'argent oïdiniire tout aurour des
bords de la p!aq ,e de cuivre , & y mettoic
du borax. La plaque d'argent étoit liée à
celle de cuivre , & retenue par des four-
chEtces de gros fil de fer à l'ordinaire. L'or^
S
138 ETA
échauffok la pièce peu à peu : la foudure
étant plus fufible que l'argent fin , pénécroit
entre les plaques , elle les lioit. On abattoit
enfuite les bords de cuivre pur , & l,on en
formoit la caffcrole , fi-c. Ce procédé eft
fondé fur ces principes , 1°. que le cuivre
échauffe peu à peu calcine fa fuperficie ,
& ne fe fond jamais. Pour fondre le cui-
vre , il faut le furprendre , c'eft-à-dire ,
le jeter froid dans un grand feu. 1°. L'ar-
gent allié fond plus facilement que l'ar-
gent fin.
L'on a publié qu'à Paris l'on ne fe fert
point de foudure pour unir l'argent au cui-
vre. Si l'on veut tenter l'expérience , on
pourra , 1°. faire planer exaétement une
plaque de cuivre ; i°. y faire un rebord ;
3°. la mettre dans un fourneau bien de ni-
veau ; 4°. la faire rougir peu à peu : 5°. y
verfer de l'argent fin qui s'unira au cuivre ,
parce que fa furfacc devient un peu bour-
foufll'ée & poreufe.
On peut enfin tenter d'étamer le cuivre
rouge en argent ; 1°. en appliquant fimple-
ment fur une épaifl'e lame de cuivre bien
applanie & récurée , une plaque d'argent le
plus fin i 2°. mettre le tout bien horizon-
talement fous une moufle : ^°. augmenter
le feu de charbons de bois , jufqu'à ce que
l'argent fonde : 4°. diminuer le feu lorfque
l'argent s'cll étendu uniformément fur la
plaque de cuivre. Par ce moyen l'on évi-
tera de rayer le cuivre , & d'employer la
foudure. L'iirgent s'incorporera par preffion,
par jufte-pohtion, par affinité & par incruC-
tation. Pour accélérer la fulion de l'argent ,
on pourra le faupoudrer de borax. Comme
l''argenc eft beaucoup plus fuiible que le
cuivre rouge , l'opération réufllra très-vrai-
femblablement. Il eft évident que fi l'on
tcntoit de fiire cerre opératioii fur le bronze,
il fondroic eu plus tôt ou du moins aulli-tot
que l'argent. L'on a dit qu'il falloit mettre
les plrques fous une moufle , parce que vrai-
femblabiemcnt fi Ton rentoit l'opération à
feu ni'd , le cuivre calciné & réduit en fco-
ries ou bien en cendre par la flamme, feroit
un obftacle à l'argenture.
L'on doit oblerver que l'argent fondu en
s'étendant fur la plaque de cuivre , doit nc-
ceflairemcnt , par l'trtct de G preiTion (im-
pie de l'air i prendre une furfacc couvtxc >
ETA
par conféquent la mafTe d'argent fera moins
épailTe fur les bords de la plaque. Il paroît
impolFible de remédier à cet inconvénient,
( V. A. S. )
Etamer, en.termesde Cloutier d'épingles ^
c'cft don.ner aux doux de cuivre , 6'c. une
couleur blanche qui imite celle de l'argent,
par le moyen de l'étain ; ce qui fe fait en
faifant chauffer les clous dans un pot de
terre jufqu'à un certain point : après quoi
on jette dans ce pot de l'étain bien purifié
& du fel ammoniac. L'étain fe fond par la
chaleur des clous , s'y amalgame , & les
rend blancs.
§ Etamer les glaces , l'étamage des
glaces conlifte à appliquer un amalgame
d'étain &c de mercure fur une de leurs fur-
faces , ce qui les rend infiniment plus pro-
pres à réfléchir les rnyons de lumière , &c
par conféquent à reprélcntcr , d'une ma-
nière très- vive & très- nette , les images des
objets.
Cette propriété de l'étamage des glaces
eft fondée fur ce que les fubltances mé-
talliques , étant les corps les plus opaques
de la nature , laiflént pafler à travers leur
fubftance infiniment moins de rayons de
lumière , Se par conféquent en réfléchif-
fent beaucoup davantage que toute aucre
maiiere.
Pour etamer les glaces , ce qui s'appelle
les mettre au tain, on les pofe fur des tables,
dans une fituation horizontale , parfaite-
ment de niveau , après avoir nettoyé très-
exaébement la furfiice fupérieure , qui doit
recevoir le cain ; on couvre cette furface de
feuilles d'étain , qui doivent aulïi être très-
nettes ; on verfe par dellus une quantité de
mercure iuffifante pjjur couvrir le tout
exaélement , & on l'y laifle frjourner alfez
long temps pour qu'il s'amalgame parfaite-
ment avec les feuilles d'ttain. Alors on
donne un petit degré d'inclinailon à la glace,
pour faire écouler doucement le m.ercure
lliraboniiant ; on augmente peu à peu cette
inclma'lon , à melurc que le mercure s'é-
coule ; & enfin , on parvient à pofer la gla-
ce veiticalement , & on la laille s'cgout-
ter entièrement dans cette dernière lltua-
tion. Par cette manœuvre , il ne refte de
mercure que la portion qui s'cft vâitable-
K meut amalgamée avec la couche d'ctaia
ETA
Comme cet amalgame a un contaft parfait
avec la lui face de la glace , attendu que cette
furface ell: très-polie, cet enduit métallique
y adhère à railon de ce contaâ: exaifl , &c la
partie anial,-;amée du mercure ne s'écoule
point , parce qu'elle elt retenue par l'adhé-
rence qij'elle a contraifléc avec l'étain.
La réullîte de cette opération dépend
beaucoup de la netteté de la furfiice de la
glace ; car il cil certain que la moindre or-
dure , les parcelles de poulTîerc mterpofées
entre l'amalgame & la furfacc de la glace ,
empêcheroient abfolument l'adhérence de
conta â: entre ces deux corps.
Comme les matières vitriHces , telles que
le font les glaces , ne peuvent point s'unir
intimement avec les fubftances métalliques,
il s'en faut beaucoup que l'adhérence de l'c-
tamage des glaces foit auiîî forte que celle
de l'adhérence des métaux fur métaux , telle
qu'elle fe trouve dans l'ctamage du cuivre
&c du fer ; dans ce dernier , il y a di(Tb-
lution , pénétration , union intime de l'é-
tain , avec la turface du métal étamé ; dans
celui des glaces , au contraire , il n'y a que
l'adhérence de Imiple conta6t , ou de juxa-
polition exatte qui peut avoir lieu entre
les corps quelconques , quoique de nature
hétérogène , par l'application immédiate &:
juite de leurs furfaces polies. Auili le tain
dcsglaces cR-ilfort liijetà s'enlever; il faut,
fi l'on veut le conferver , qu'il foit à l'abri
de l'humidité , & des frottcmens même les
plus légers. C'ed par cette rai Ton , qu'il eft
très-ellêntiel , loriqu'on met les glaces au
tain , de ne faire écouler le mercure fura-
bondant que fort doucement & fort lente-
ment , autrement cette matière feroit capa-
ble d'entraîner avec elle ptefquc tout l'éta-
mage par fon fcul poids.
L'on a trouvé dans Herculane des car-
reaux de verre fort épais , qui (ervoierit de
vitres. Pour en faire des miroirs en lese'w-
marit , il n'y avoir qu'un pas à faire , mais
ce pas n'a été fait que d in^ le quatorzième
fiecle. 1°. L'on doit confulter Pline au fujet
des miroirs métalliques d'étain , d'argent ,
d'or , d'acier ; 2°. Gui Jouis Panciroli rerum
memorabiUum perditarum , aut repertnrum ,
Francofurii , 1660 in- 4°. Giorgit Pafchii
denovis invcntis, Leipfi.v Grojfi.ijoo , tn-4°.
Pour éclairer les rues &: l'intérieur des mai-
E T A 1J9
fons , l'on fait nujourti'hui dans la France
quantité de lampes à réverbères , c'tlt-4-
dire, à miroirs concaves, de cuivre <>'r<7/72<>' en
argent. Les miroirs m.'talliqucsfontfouvent
préférables aux glaces étamces,
M. Francklin en faifant des exp-^riences
à Philadelphie fur l'éleftricité , a trouvé le
moyen de fondre une feuille d'or ou d'ar-
gent entre deux verres, &; de l'unir au ver-
re. Ne pourroit-on pas tenter d'unir des
feuilles d'argent ou d'ur , à des morceaux de
glace fondue.'' Si l'on réuilidoit, ces (ortes
de miroirs étamés plus lolidement qu'avec
l'étain & le mercure , que la moindre cha-
leur diillpe , pouiroient être utiles , i**.
pour quantité d'expériences phyfiques ;
2°. pour faire des miroirs pour les cadrans
folaires à réflexion ; 5°. pour les miroirs
ardens ; 4°. pour le microfcope folaire oa
noélurne , &c.
Dans les Remarques de K'.mckel , fur
Ynrtde lawrrerie de Ncry , page i£6 , de
l'édition in-4°, à Paris chez Durand, 1752,
cet auteur dit que pour étamer des boules ou
des bouteilles de verre, il faut , 1°. fondre
dans un creufet un quart - d'once d'étain ,
& autant de plomb : 2°. y joindre enfuite
demi-once de bifouth; 3°. retirer le creufet
du feu : & lorfque la matière fera prefque
froide , vous y verferez peu à peu une once
de vif-argent; 4°. vous ferez un peu chauf-
fer la boule de verre qui doit être bien nette
& bien (eche , & vous y inférerez par le
moyen d'un entoiinoir l'amalgame ci- delTus
bien doucement , en cm.pêchant qu'il ne
s'écnrte du fond de la bouteille; car s'il
tomboit avec force , fur-tout fur du verre
froid , il le feroit éclater : 3°. enfuite vous
roulerez la bouteille dans vos mains , afin
que l'amalgame eV<2OTe& s'étende également
par-tout : fi la matière fe grumeloit , on
chaurteroit un peu la bouteille pour la ren-
dre liquide: fi l'amalgame efl: trop liquide,
on pourra y ajouter en miême proportion ,
du b'.fmuch , du {/lomb & de l'étain. 6°. On
verfe dans un valè l'amalgame qui eft inu-
tile. ( ir. A. L. )
Et AMER, (-^ûr/Ti//.) Pour rendre les tables
de plomb plus foUdes, quand on les emploie
à des cuvettes , des terralîés , & des réfer-
voirs,on les fait éiamtr en y jetant delfus de
l'étainchaud pour boucher 'es foufflures.CiC)
S i
140 ETA
EtAMER , tirrme de plombier , fignifie {
blanchir le plomb , le couvrir de feuilles
d'étain après l'avoir fait chauffer. Ils ap-
pellent fourneau à étamer , un grand foyer
de brique fur lequel ils allument un grand
feu de briiife au delTous des ouvrages qu'ils
veulent blanchir.
L'article ^^ des ftatucs des plombiers fixe
les ouvrages qui doivent être étamés dans les
bâtimens neufs, /''(jyeij^ Plomb ; voye^^auffï
PlomblifR.
ETANtEUR , f. m. ouvrier qui étame.
Les maîtres cloutiers de Paris prennent la
qualité àéiameurs , Se (ont appelles dans leurs
ftatuts maîtres cloutiers lormiers-étameurs.
Voyei^ Cloutier.
EXAMINE , ( Botaniij. ) font les filets
fimples qui fortent du cœur fleuri d'une
fleur , & autour du piftil. Ces étamines ont
leurs fommets ou leurs extrémités un peu
plus groflcs que le refte , renfermant une
poufTiere qui s'épanouit , tombe , & féconde
les embryons des graines contenues dans
le piftil. ( X )
Examine: ( Chimie.) inftrument de phar-
macie , efpece de filtre. V. Filtre. ( b )
Examine , ( Marine.) il fe dit de l'étoffe
dont on fait les pavillons. ( Z )
Examine ou Exoeee de deux Étaims ,
( Drap. ) fi vous fabriquez une étoffe dont
la trame ne foit point velue , ainli qu'il y
en a beaucoup , mais où cette trame (oit
de fil d'étaim ou de laine peignée comrne
la chaîne , vous aurez une étoffe lille ,
qui eu égard à l'égalité ou prefqu'égalité
de fes deux fils, fe nommera. «ûot/'/zc ou
étoffe à deux étaims.
Une étoffe fine d'étaim fur étaim à deux
marches & ferrée au métier , fera Vétamine
du Mniis.
* Examine ; f f . ( Manuf. en foie. ) La
foyerie a fes étamines , aiiifi que la draperie.
On en diflin.-^ue de fimples & de jafpées.
'L'étamincjiniple e(t Une étoffe dont la chaîne
n'eft point mél-^ngée , & qui eft tramée de
galette , laine, f-'c. l.njufpéealu chaîne mon-
tée avec un crganfuirtrors, teint avec deux
fils de deux couleurs différentes , & elle eft
tramée de galette , laine , &c.
Examine , en terme Je Confifeur , eft une
pièce de cuivre ou de ferblanc un peu
crcufe j & percée de plufieurs ixous en
ETA
forme de palToire. On s'en fcrt pour égout-
tcr les fruits , foit après les avoir blanchi à
l'eau , foit même en les tirant du fucrc. Au
delTous de Vétamine eft une terrine ou vafe ,
qui reçoit ce qui tombe des chofes qu'on
met égoutter.
ETAMPE , ETAMPER , ETAMPU-
RE , 6'c. mot d'ufrtge dans différens arts.
Voye'^ EsxAMPE , Esxamper , &c.
ETAMURE , f. f. fe dit de l'étain dont
les chauderonniers fe fervent pour étamer
les divers uftenfiles de cuivre , qu'ils fabri-
quent pour l'ufage de la cuifine. Voye^
Examer.
ElANCES , ( Marine. ) V, Esxances.
ETANÇON , f. m. ( Archit. ) groffe pie-
ce de bois qu'on met , foit au dedans, foit
au dehors d'une maifon , pour foutenir un
plancher , un mur qu'on (appe ou qu'on
reprend par deftous oeuvre.
Lorfqu'on bâtit des maifons , les char-
pentiers mettent fouvent , au deflous des
greniers & des façades , quelques appuis oa
étançons , qu'ils pofent alors non perpendi-
culairement , mais un peu de biais. Ce-
pendant c'eft une chofe certaine , qu'un
étançon pofé obliquement ne fauroit fuppor-
ter une auflî pefante charge que celui à qui
on donneroit une luuation perpendiculaire.
Tout le monde comprend aifémenr cette
vérité ; mais M. Muirchenbrock a calculé
géométriquement dans fes ejfais de phyjique,
combien un appui peut moins fupponer
lorfqu'il eft pofé de biais , que perpendi-
culairement.
Il fuffit pour cela de concevoir que cet
appui oblique eft riiyporénufe d'un triangle
reîlangle, dont l'autre coté eft la perpen-
diculaire , & le troiheme côté la ligne de
la perpendiculaire jufqu'à l'hypoténufe ou
la baie : on peut donc comparer la force ,
qui ftrroit dans l'appui pofé peipendiculai-
lement , avec celle de l'hypoténule ; car
la force du poids fe réfout en deux autres,
l'une qui prelle dans ta direction de \'étan-
çon , l'autre qrn eft perpendiculaire à Vé-
tancon , & n'agit point fur lui : or par ItS
propriétés du triangle reétangle , la force
totale fera à la première de ces deux
forces comme l'hypoténufe eft à la per-
pendiculaire ; de forte que la force d'un
' appui pofé perpendiculairement fera à
ETA
celle de l'appui oblique dans ce même
rapport ; & puifque dans les petites obli-
quités l'hypoténufé ne difFcie pas beaucoup
de la ligne perpendiculaire, les forces des
appuis qui ne (ont qu'un peu obliques ,
ne feront pas non plus fort différenres de {
celles des appuis perpendiculaires. C'eft
auflî ce que les expériences ont confirmé
au phyfîcien lioUandois. Voye[ tome J. Je
fes ejfais de phyjlque.
Mais comme il eft bon de favoir quelle
eft la force des /tançons ou des poutres
pofées perpendiculairement, & julqu'à quel
point on peut les charger avant qu'elles fe
rompent , voici deux règles que donne M.
Muflchenbroek , 6c qu'il a apprifes par un
grand nombre d'expériences.
1°. La force d'un feul & même bois
pofé perpendiculairement qui a la même
épaifleur , mais une longueur diftàenre Sc
qui fc trouve comprimée par un fardeau
dont il cil: chargé par en haut , eft en
raifon inyerfc des quarrés des longueurs.
De cette manière , la force d'un éiançon
long de 10 pics eft: à la force d'un autre
appui de même épaifleur , mais qui n'a
que cinq pies de long, comme un eft à
quatre.
1°. Les bois qui ont la même hauteur ,
mais dont l'épaiflcur eft différente, le trou-
vant charges de pefans fardeaux , fe cour-
bent par leurs côtés les plus minces. Les
forces de ces fortes de bois font les unes
aux autres , comme l'épailfeur des cotés
qui ne fe plient pas , & comme le quatre
de l'épaiffeur des côtés qui le courbent.
Article de M. le chevalier DE J AU COURT.
Étançons , f, m, pi. ( Marine. ) ce font
des pièces de bois polées debout , qu'on
met quelquefois fous les baux pendant que
les vaifleaux demeurent amarrés dans le
port , pour les foutenir & faire qu'ils fati-
guent moins. ( 2 )
Étançons de preffe d'imprimerie , ce font
des pièces de bois plus ou moins longues &
par proportion de dix , de quinze, ou dix-
huit pouces de périmètre , & pofées par
une des ex:rémirés lur le haut des jumelles ,
& appuyées par l'autre , foir aux (olives du
plancher, foit aux murs du bâtiment, &:
difpolées de façon que cliaquc étançon a
prefque toujours fon antagonific , c'cft-
E T A 141
à-dire , un autre étançon qui lui eft direc-
tement oppofé. Ils fervent à maintenir une
prclle dans un état fiable & inébranlable.
Etançon, c/2 terme de Vergeticr , eft un
morceau de bois qu'on met au manche
d'une raquette , pour remplir le vuide qu'y
laiftent les deux bouts du cercle de la
raquette , qui ne lont pas encore réunis dans
cet endroit.
ÉTANÇONNER une prejfed^ imprimerie ,
c'eft, par le moyen des étançons, mettre une
preflè en état de travailler , fans qu'aucun
effort puilTè \\ déranger de Ion à-plomb,
voye\ Etançon.
ÉTANFiCHE , f. f. terme d'Ouvrier de
bâtiment , c'eft la hauteur de plufieurs bancs
de pierre , qui font mafle dans une car-
rière. ( P )
ÉTANG , f. m. en latin Stagnum ; mot ,
dit Varron, formé du grec çiyvàv , qixod non
rimam habet. { (Econ. Kujî. ) les étangs peu-
vent faire une partieconlidérablede revenu
des biens de campagne.
Plus l'eau a d'étendue , plus on peur y
mettre de poillon. Les grands étangs fer-
vc.it pour le gros poifl^^n , & les petits pour
de moindre , particulièrement pour le jeune
qu'en certains endroits on nomme alevin,
ailleurs /êi.'/7/e. On appelle carpiere , forcicre
& alcvinier oa aleviniere , un petit cM/ZiT oii
l'on m,et des carpes mâles Ik femelles pour
peupler.
Quand on fe propofe de faire un étang ,
il faut d'abord examnier fi on en a le droit;
fi on eft propriétaire de tout l'efpace que
['étang occupera ; & Ci l'on peut en conduire
les eaux pour la décharge lans nuire à per-
lonne. On confukeraà ces égards les cou-
tumes des lieux.
Une autre confidération préliminaire eft
celle de la valeur du terrain que l'on veut
inonder, aën de voir s'il produira davan-
tage en étang qu'en autre nature de bien,
tous frais compenfés.
La pofition la plus convenable pour
affcoir un étang , eft celle il'un endroit na-
turellement (pacieux , à peu près en ballin,
où l'eau fe rende fans peine ôc d'où elle
puilTe fortir commodément. Les cotés de
la partie déclive é'ant relevés, la chauffée
couteia moins à faire, Ainli le bas des
14a ETA
coteaux qui fcrablent: fe joindre , eft bien
favorable pour former un étang.
La profondeur moyenne de l'eau , près
de la chaulfée, doit être de lix à dix pies.
Si elle n'en avoir que quatre , le poiflon
pourroit beaucoup foufFrir en été par la
diminution des lources , & en hiver par la
glace. D'aillsursplus l'eau c(l profonde , plus
le poilïbn ert abrité de la chaleur, ainh que
des oifeaux & d'autres animaux qui cher-
chent à en faire leur proie. On doit aullî
compter qu'une grande furface d'eau four-
nit au poidon une nourriture abondante.
Il faut donc prendre des mefuies pour que
l'eau s'y maintienne à une hauteur & une
étendue raifonnable. Un étang qui couvre
cinquante arpens quand il eft plein , fe ré-
duit quelquefois à moitié durant l'été, ou
rr.ême au-deilous quand le fol eft naturel-
lement fec. Cette faifon étant celle où le
poifibn augmente davantage , on fent
l'importance de lui fournir une fuffifante
quantité d'eau. On calculera donc ioigneu-
fement la valeur de la Iburce qui s'y rendra
alors.
Il eft ncceflaire de ne rien épargner pour
conftruire une bonne chaullée qui Coit
fervir de demi-mur pour réfifter à l'effort
de l'eau , &: la tenir dans le balTin. Ce fou-
tien ne peut manquer fans occalionner de
grandes pertes, (oit du poilfon , foit des
effets de l'inondation fur les terres placées
le long de la pente des eaux.
Une bonne chauffée A'étang doit être
faite d'une clé de corroi que l'on met entre
deux amas de terre bien preflée , qui vont
en s'élargiffant vers le fond , & qui du
moins par le côté de l'eau font revêtus
d'une couche de grofles pierres pour foute-
nir & repouffer rant les vagues que la pref-
fion de l'eau. Le corroi dont il s'agit n'eft
qu'environ l'épaiflcur d'une toife , d'argille
bien détrempée , bien pétrie & foulée ;
enfortc que toutes fes parties lices enfem-
ble ne laiffent abfolument aucune ouver-
ture par où l'eau puifiTe s'écouler. S'il ref-
toit le moindre jour, la force &c l'impé-
tuofité de l'eau ne tarderoient pas à y
frayer un grand pallage. Cette argille doit
être pofce fur l'argille même du fond du
terrain. L'une (^' l'autre étant liées enfem
blc , l'eau eft fuflilamment contenue, Com-
ETA
[ me l'argille eft fuiette à fc fendre en fe'-
' chant, onlalailTe quelquefois produire tout
I fon eliet , pour remplir enfuite les crevai-
I les avec de nouveau corroi ; ce qui lui
I donne plus de force. On élevé la clé da
corroi un peu plus haut qne la décharge.
Pour la fortiher & en môme temps y
entretenir la fraîcheur & l'humidité , on
couvre le dellus avec environ deux pies
de terre , & , comme il a été dit , on revêc
fes cotés de beaucoup de terre bien battue ,
qui a fouvent autant de largeur au pié de
fon talut qu'elle porte de hauteur. Les
pierres qui y font enfuite pofées du coté
de l'eau étant auffi en talut , ne font heur-
tées qu'obliquement par les vagues. Tant la
hauteur de ce talut que la largeur du che-
min pratiqué fur la chaullée , font pour
l'ordinaire au moins de trois toiles. Lorlque
l'eau eft trop haute , elle force le premier
endroit qui n'eft pas en état de foutenir fou
impullion : c'cft ce qui fait qu'on ne doit
pas trop élever la chauiiée; il vaut mieux
[ailler lieu à l'eau de déborder par-dellus eu
cas d'une crue excellive.
M. le Page obfervc que les chaulTécs que
font les caltors gris , font de bois en lau-
toir , mais près à près, & fixés par des bois
pofés de toute leur longueur lur la croifée
des fautoirs ; le tout eft enfuite rempli de
terre pétrie & frappée à grands coups de
la qiu ue de ces animaux. Le dedans de la
chaullée n'a que peu de talut, du coté de
l'eau : mais elle elt en talut plut par dehors,
afin que l'herbe venant à croître fur ce
talut , les eaux qui y padent enluite n'em-
portent point la terre.
Comme on eil prefque toujours dans le
cas de creufer, pour former l'étang, un folié
large & profond qui règne dans toute la
longueur du terrain ; & fur les cotés, pi u-
iieurs petites tranchées qui vont en pente
vers la chaullée, afin que les eaux s'ccou-
lent dans un autre folié, qu'on appelle le
grand fo[j'e ou poêle ■■, la terre qu'on en tire
peut fer\ir à la conftruftion de la chaulké :
ce qui épargne la peine &: les trais de l'aller
chercher plus loin. Aurefte,il faut éviter
de remuer la terre plus près de la chauUce ,
que de dix-huit ou vingt pics. L'eau s'y
formeroit trop aifément accès.
Le grand folle doit être d'un pié Si
ETA
demi ou deux pics plus bas que les autres ,
alîu que toute l'eau s'y rende , que le poif-
fon , attire par l'abondance d'eau , s'y raf-
femble & devienne ainfi plus commode à
pêcher. Pour un ctang de cinquante arpens ,
ce foilé doit avoir environ cinquante pies
de large , & quatre-vingts pies de long.
ÇHiand la terre dont on voudroit former
la cliaullée n'cft pas forte , & manque de
corps pour fe loutenir d'elle-même & rélif-
ter aux vagues que le vent y pouffe avec
violence , on doit la foutenir avec des pier-
res dures , comme nous l'avons dit , ou cou-
vrir de gnzons bien fins & arrangés fort près
les uns des autres , toute la partie expolée
aux flors. Il y a des perlonnes qui garantif-
fent la chaudee par des pieux garnis de faf-
cinage, qu'on aflujectit avec de l'ozier; mais
le"tout ne tarde pas à fe pourrir & à mettre
la chauflee en danger de s'écrouler. Une
chaullee de maçonnerie bien faire fublifte
long- temps en bon état.
Rien n'empêche de planter des arbres ou
desarbrilleaux fur la chaullée. L'aulne y con-
vient mieux que le faule qui devient creux
en vieillilTant , & fournit alors une retraite
aux loutres. Si l'on y m-it des peupliers , il
eft à propos de lesétêcer , linon lei oifèaux
fe perchent dans le branchage pour guetter
le po'.lTon ; les grands vents font {uj^rs à
s'enfourner dans la tête de ces arbres &
les déraciner , ce qui endommage la chaul-
fée : outre cela , leurs feuilles fe corrom-
pent aifément dans l'eau , où elles tom-
bent ; ce qui forme une mauvaife vafe pour
le poilTon. On a confeillé d'y mettre des
vodres , que la Ma'ifon Ruflique nomme
charmilles vodres , arbrilfeiux communs en
Champagne , qui tracent beaucoup , lient
la terre de la cIiauiTée , & rompent par leur
racines les vagues de Vétûng. On trouve un
pareil avantage dans les racines du chêne &
de l'cftme.
Quand la chaud'ée n'eft pas expofée au
midi , il peut être particulièrement avanta-
geux d'en faire le coté de dehors plus haut
que celui qui eft vers l'eau. Car on voit
fréquemment que de fortes vagues qui
franchiflent la chaulfée ne s'écoulent de
l'autre rive qu'en la dcgn-akat : au lieu
que ce coté fe trouvant plus élevé leje:-
E T A 145
tera l'eau dans Yétang , ou du moins lui
rcliftera.
Dans les lieux où le pavé eft commun ,
on peut en revêtir le deilus de la chaulfée ,
pour empêcher que de grands dèbordemens
ne l'endommagent. Il faut cependant con-
venir que ce pavé n'eft p.is toujours lui-
même à l'épreuve de l'impétuolitè de l'eau :
quelquefois il s'en trouve bien dérangé.
Mais on peut prévenir cet accident en pra-
tiquant lieux ouvertures aux deux bouts de
la chaullée , pour lervir d'écoulement ordi-
naire aux eaux de Vétang , ik même pour y
faire palfer l'eau , lorfqu'il furvient quelque
inondation.
Il faut que ces ouvertures foient grillées ,
pour empêcher que le poilfon ne forte de
l'érang.
On place une bonde , ou pale , tout au
bas de Véiang , pour faire fortu' l'eau quand
on veut le pêcher , ou pour le mettre à fec
toutes les fois qu'on le juge à propos. Il y
a un art particulier dans la conftruélion &
l'établillemenr de cette clpece de vanne ;
enforte qu'on n'ait pas à y retoucher fou-
vent ; ce qui eft toujours pénible & difpen-
dieux , de quelque manière qu'on la fade :
mais il fera bon que l'ouverture aille tou-
jours en s'agrandilfant vers le lieu où les
eaux fe perdent ; ce qui facilite un plus
prompt écoulement : de même que les
tuyaux de cheminée , pratiqués en hotte ,
c'eft-à-dire , qui s'évafent de plus en plus
en montant , de dont le bas eft médiocre-
ment étroit j font de bons préfervatifs con-
tre la fumée.
Au devant de cette bonde , fera une
grdle de fer percée de petits trous , pour
empêcher que le poiffon ne fe perde dans
ce grand écoulement.
Le principal entretien de Vétang conlîfte
à prendre garde que l'eau ne s'écoule point
mal à propos. On aura foin de temps en
temps de viiiter la chauffée , la bonds Se
les grilles ; afin que s'il y manque quelque
choie , on y remédie promptement.
Si on s'apperçoit que l'eau fe perde par
un trou éloigné de Vétang , on peut jeter de
la balle d'avoine , du fbn , de la paille
hachée , ou autre corps aîTez léger pour
nager , fiir la furface de ['étang loriqu'elle
eft en repos : ces corps légers s'airembleuc
144 ETA
peu à peu , vont le rendre vers rendroit
par où l'eau fort , & s'en approchent en
tournoyant. Pour boucher ce trou , les uns
l'emphllent de chaux détrempée qui fe diftri-
buant dans toutes les fentes , s'y durcit :
d'autres y mettent du corroi , particulière-
ment li le trou elt un peu grand.
E'npoijfonntmtnt de l'étang. Les poiflons
qui fè plaifcnt davantage dans les étangs où
la terre ell fangeufe & limoneufe , lont la
tanche, la barbotte , l'anguille, lacaipe,
le barbeau. La lotte , le brochet , la per-
che , le gardon Ik la carpe , fe nourrillent
fort bien dans ceux dont le fond eft de fable.
Outre tous ces poillons il y a le blanc ,
fous lequel nom lont compris la vandoife ,
le meunier , le cheveneau , le véron , la
mtnuile ou mcnuifaille. Ces lortes de poif-
fons enfemble s'appellent le menu fretin de
l'étang , comme la grenoudle & l'ecrevifl'e
en font nommées les excré / ens , quoique
quelques uns les mettent aulLi au rang de
la menuifaille.
H faut ne mettre les brochets que deux
ans après ces petits poiflons , afin que ceux-
ci aient le temps de fe fortifier , fe multi-
pl'tr , & devenir plus en état de fe défen-
dre contre le brochet.
Le mois de mai lI\ le temps qu'on choifit
pour empoillbnner l'étang , parce que c'eft
la iaifon de trouver beaucoup de petits
paillons ; ces animaux étant entrés en
amour dès le commencement du printemps.
Prenez- en toujours dans les étangs qui f<jnt
les plus proches du votre : cela vous épar-
gne de la peine , & vous met hors de dan-
ger de perdre beaucoup de ces petits po;f-
fons par le tranfport.
Lorfqu'on veut n'avoir recours qu'à foi-
même , pour trouver de quoi empoiflbnner
fon étang , on a une efpece de vivier , où
l'on met tout l'alevin qu'on a tiré de l'étang
qu'on a pêche , pour l'y conferver jufqu'à
ce que l'étang foit en état de tenir l'eau ,
& de recevoir le podlon.
Pour ce qui ell de la quantité de poifTctms
qu'il faut pour tmpoillonner un étang , on
fe règle fur l'cfpace de terre qu'il occupe.
C'ell ordinairement un millier de petits
poilfons par chaque arpent.
Pèche de i'ét.Ji'g. Il n'ell pas pofTible d'ap-
prouveï U niïi.Uode de bici) dc$ gens , cjui
ETA
efl: de pêcher leur étang trois ans après
qu'ils les ont empoifloniiés. En attendant
juiqu'à la cinquième , on a de beaux &c bons
poillons , que l'on vend le double. Plufieurs
prétendent qu'après cinq ans , le poilfon ne
trouve pas fuffilamment de quoi vivre àcaufe
de la multitude qui s'en efl: formée de nou-
veau pendant ce temps là , &c que la faim
les obligeant de fe manger les uns les autres,
l'étang feroit bientôt dégarni
En levant la bonde , l'e^u s'écoule : le
poiflon fe ramafle en tas ; Se on le prend
alors aifément avec des filets , des corbeil-
les , &c.
Lorfqu'on eft fltué commodément près
de la mer ou d'un lac , on peut conl^ruire
une digue , où on laiffera une ouverture
par laquelle l'eau de la mer communiquera
avec un étang formé par la digue. Au moyeu
de cette ouverture cet étang deviendra
abondant en poilTons , à caufe de l'abri
qu'ils y trouveront dans l'agitation des
flots.
Un gentilhomme du Forez s'eft fait an-
nuellement un revenu confîdérable , au
moyen d'une fimple digue de bois , où une
petite partie de la Loire fe iettant avec impé-
tuohté, y entraînoit beaucoup de faumons,
truites & autres beaux poiflons qui fe ven-
dent cher. Etant une fois entiés dans ce ré-
fervoir avec le torrent , ils ne peuvent en
fortir avec lui , ni remonter.
Conferver le poijfon dans les étangs , pen-
dant un hiver rigoureux. Le grand chaud Sc
le grand fioid incommodent également le
poiflon 3i le portent à fe plonger, fe cacher
dans des creux , & s'enfoncer dans la vafe.
li y fublifte tant qu'd peut y recevoir un air
nouveau , qui lui eft aulfi nécelfaire qu'aux
autres animaux , & aux plantes. Durant les
plus fortes gelées ce fecours lui eft apporté,
dans les rivières , par l'eau qiri coule fous l;i
glace , & dans les lacs , par celle qui les
traverfe , ou par les fuurces qui y débou-
chent. Mais à moins qu'il ne s'en trouve
de même dans un étang y le poiflon y fouHie
beaucoup , 6c fouvent il périt toat-à-f,^it ,
lorlque l'étang iVa pas une grande profon-
deur. Car alors la glace le rcflerre ; & l'air
qui refte enfermé dans l'eau , n'étant pas
renouvelle, le trouve bientôt épuifé de ce
qu'il a de convenable iiu.\ podluns : d'oi»
^ im
ETA
fuit nécefTairement la maladie & la deftrac-
tion de l'elpt^ce.
Pour prévenir ces pertes , on a imaginé
deux moyens , dont l'un tend à introduire
continuellement quelques colonnes d'air
nouveau , & l'autre à en faire entrer une
allez grande qu.intiié dans toute 1 étendue
de \' étang , pour qu'elle puifle fuffire jui-
qu'aii dégel.
Selon la première méthode , on prend un
tuyau de bois , tic fer , ou de plomb , qu'on
entoure de bijaucoup de paille longue, liée en
plufieurs endroits. Ayant fait une ouver-
ture daas la glace , on y introduit ce tuyau,
enforre qu'il defcende au defîous de la .qiace,
Se qu'il la iurmonte en dellus. Quoique l'eau
fe pelé dans la fuite autour du tuyau & de la
paille , l'air palfe cependant à travers même
des chalumeaux de la paille , & on prétend
que les nœuds de la paille n'y oppofent aucun
obftacle , parce que la pellicule qui ftrmoit
leurs conduits lorlqu'elle étui: fur pié , s'eft ,
dit-on , dclTîchée îs; rompue depuis qu'elle
a été coupée , ferrée dans la grange , &
battue. Pour plus de lùreré , on a encore
foin de rompre de temps en temps la glace
qui le forme dans le tuyau de bois , ou
autre , en y faifant entrer une verge de fer,
ou une pc-rche.
La Iccjiide méthode confifte à planter ,
en divers endroits de l'étang , des pieux
fourchus , que l'eau couvre de quelques pou-
ces , & à pofer de fortes perches fur ces
pieux , avant les gelées. Lorfque la lurface
de l'étang ert entièrement prile , & que la
glace eft forte , on levé la bonde pour laitier
écouler une certaine quantité d'eau , dont
l'air extérieur occupe au(Tî-tôt la place. On
referme enfuite la bonde. La glace , foute-
nue par les pieux & les perches , ne i'atfailTe
point, & l'air renfermé dans l'eau &: dans le
vuide qui eil entre l'eau & la glace , circule
fulhfamment pour entretenir le poillon juf-
qu'à ce que la taifon s'adoacilfe.
Voici un troiiicme moyen , à la vérité
plus lîmple , mais qui demande plus de
foin & de peine , ôc qui conféquemmcit
peut en plulîeurs renc^-.;ures devenir moins
praticable. C'cll ce caller la glace louvent ,
& en plufieurs endroits , (k à. la relever fur
celle qui refte entière. L'air fe communique
•à l'eau , dès qu'elle eft découverte , &
Tc;ne XIII.
ETA 145
circule avec celui qu'elle contient , iufqu'à
ce que la rigueur du froid la condenfant de
nouveau lui ferme le pa liage.
Qiiaiid un ctcng eft delléché , on com-
mence ordinairement par y mettre de
l'avoine. Les racines «Se prcfque tous les
légumes y réullîilent très-bien. Le lin Se le
chanvre peuvent aulTî y venir , pourvu que
la terre ait eu le temps de s'affiner avant la
lemaiUe , Encycl. Eccn. (4-)
On voit dans les liidcs quantité à'étangi
faits Se ménages avec induftrie , pour four-
nir de l'eau de pluie pendant la féchercllè
de l'été aux habitans qui font trop loin des
rivières , ou dont le terroir n'elt pas propre
à creuferdes puits. Fbytç Citerne & Pois-
son ( Pécke du ).
Les étangs falés font des amas d'eaux de
la mer qui n'ont qu'une ilTue. Qiiand la
marée eft haute , elle fe répand dans ces
fortes d'étangs , & les lailTc remplis lorf-
qu'elle fe retire. Il y en a plufieurs dans
le monde. Nous en connoillôns quelques-
uns dans ce royaume , & entr'auties celui
qu'on appelle l'étang de Languedoc ou de
Magudone : c'eft même une clpece de lac
qui fe décharge dans le golfe de Lyon.
D£ Jaucourt.
^ Etang , f. m. ( Endum. ) ceux qui
fabriquent les enclumes appelleiit ainfi le
réfervoir d'eau creufé en terre , où ils
trempent ces mafles de fer quand elles font
forgées. Il faut que l'étang foit d'une capa-
cité proportionnée à la force de la pièce à
tremper i fans cette précaution, l'eau n'étant
pas allez long- temps fraîche , la rrem.pe en
pourra être altérée.
ETAPE , ( Droit d* ) Droit poUtLjue ;
c'eft un dioit en vertu duquel le fouve-
rain arrête les marchandifes qui arrivent
dans fcs ports , pour obliger ceux qui les
tranfportent à les expofer en vente dans un
marché ou un magalin public de fes états.
Plulîeurs villes anléatiquesSc autres jouit
lent différemment du droit de faire déchar-
ger dans leurs magalins les effets qui arrivent
dans leurs pcir:s , en empêchant que les né-
gocians puiflcnt ks vendre à bord de leurs
vailTeaux , ou les débiter dans les terres Se
lieux circonvoillns.
Le mot d'étape , lelon Ménage , vient de
l'allemanj Jlaaebn , mettre en monceau.
T
146 ETA
Giiichardin prétend au contraire que le mot
alkmand vient du François ew/»/e, & celui-ci
du latin fiabulum. Il feroit bien difficile de
dire lequel des deux étymologiftes a raifon ,
mais c'cft aulFi la chofe du monde la moins
importante.
Je crois que les étrangers ne fauroient
raitcnnablenicnt le plaindre de ce qu'on les
oblige à expolcr en vente leurs marchandi-
fes dans le pays , pourvu qu'on les acheté
à un prix raifonnable. Mais je ne déciderai
pas (\ ceux qui veulent amener chez eux des
marchandifes étrangères , ou tranfportcr
dans un tiers pays des chofes qui croilTent
ou qui fe fabriquent dafis le leur , peuvent
être obliges légitimement à les expofer en
vente dans les ttires du fouverain par lef-
quelles il paflent ; il me femble du moins
qu'on ne pouroit autorifer ce procédé , qu'en
fournifiant d'un côté à ces étrangers les
chofes qu'ils vont chercher ailleurs au travers
de nos états , & en leur achetant en même
temps à un prix raifonnable celles qui croif-
fent ou qui fe fabriquent chez eux : alors il
eft permis d'accoider ou de rcfufcr le pallage
aux marchandifes étrangères , en conndé-
xant toujours les inconvéniens qui peuvent
réfulter de l'un ou de l'autre de ces deux
partis. Je ne dis rien des traites que les di-
verfes nations ont faits enfemble à cet égard,
parce que tant qu'ils fubfîftent , il n'ell: pas
permis de les altérer. V, fur cette matière
Bitddeus, Hertius, PufTendorf, & Struvius,
de jure pub. rom.pennan. Sec. Article de M. le
Chevalier de Jauccurt.
Etape , f. f . ( Art milit. ) dans l'art mili-
taire , ce font les provihonsde bouche & les
fourrages qu'on d'ftribue aux foldats quand
il:; pafl'cnt d'une province dans une autre ,
ou d-;ns les difierentes marches qu'ils font
cbiigés de faire.
C'tft delà qu'on appelle étûpiers ceux qui
f'mt marché avec le pays ou territoire , pour
fournir les troupes de vivres. Chambers.
Feu M. de Louvois fit drellcr par ordre du
roi une c'rte générale des lieux qui ieroient
dertinés au logement dts troupes , &: à la
fourniture des étnpes fur toutes les princi-
pales toutes du royaume i & cette caite a
depuis fervi de règle pour toutes les mar-
ches des I cernes ou des corps qui fe font
dans le royaume..
ETA
Cet établiffement avoit été projette fous
le règne de Louis XIII. L'ordonnance qu'il
rendit à Saint-Germain-en-Laye , le 14
aoirt 1615 , porte qu'il fero.t établi quatre
principales briféts dans le royaume ; une de
la frontière de Picardie à Bayonne , une
autre de la frontière de la Bafle-Dretagnc
à Marfcille , une du m lieu du Languedoc
jufqu'au milieu de la Normandie , & une
autre de l'extrémité de la Saintcnge aux
confins de la Brefie i qu'il feroit tiré de
moindres brilées traverlant les provinces
qui fe trouveroient enfermées entre les
quatre principales , & que dans ces brifées
(eroient aflcélés de traite en traite certains
logcmens îs; maifons qui feroient délailTecs
vuides par les gouverneurs des provinces ,
baillis , fénéchaux , gouverneurs particuliers,
maires & cchevins de villes ; lefquels loge-
m.ens feroient mis en état de recevoir Ik loger
les gens de guerre de cheval ôc de pié , paf-
fant de province à autre.
Cet arrangement rendit le logement &
le paflage des troupes moins onéreux aux
provinces ; mais comme le foldat devoit
vivre en route au moyen de fa folde fixée
à huit fous par foldat par ladite ordonnance,
les troupts chargées de leur fubfiftance ne
manqiioient pas les occi lions d'enlever des
légumes , des volailles , & tour ce qui pou-
vo't contribuer à rendre leur nourriture
meilleure.
Ce fut dans la vue d'obvier à cette efpece
de pillage , que le roi Louis XIV jugea à
propos de faire fournir la lubliftance en pain,
vm , & viande, d^ins chaque lieu dtilméau
logement. Cet établillemtnt produilit dans
les pxi^vinces tout l'effet qu'on pouvoit en
attendre ; les habitans de la campagne y
trouver. nt leur intérêt dars une ccnlomma-
tion utile de leurs denrées ; les troupes , (ûres
de trouver en arrivant à leur logement une
fub(iftaj:!ce prêie & abondante , n'eurent
plus de m.onf de rien prendre \ la dlf-
cipline devint régulière djns les marches :
enfin la facilité de porter des troupts d'une
frontière à l'autre , (aviS aucune d (p^jUtioii
préhminaire pour afluitr leur fublillance,
ne contribua pas peu , dans les dernières
guerres , au fecret des projets & à la vivacité
des opérations. Ainlî 1..-S princes voMins
ont toujours regardé les étapet comme uc
ï: T A
«vanrage infini (]ue la France avoir en fait
de guerre fur leurs états , qui par la conf-
titutioii de leur gouvernement & par la
différence de leurs intérêts , n'ctoicnt pas
fufceptihles d'un pareil ttabliflement.
Une utilité fi marquée n'avoit pas cepen-
dant empêché de lupprimer les ('{apes en
1718 , au moyen de l'augmentation de
paie que l'on accorda aux troupes. Infen-
iiblement on retomba dans les inconvé-
niens que l'on avoit évités par cet établif-
fement ; & les chofes en vinrent à un tel
point que (a majefté attentive à favoriler
les peuples & à maintenir la difcipline parmi
Tes ttoupes , ne crut rien faire de plus utile
que de les rétablir par l'ordonnance du 1 3
juillet 1717, dont les principaux articles
font tires de celle qui fut rendue le 14 juin
1701. CuJe militaire par M. Briquet. ( Q )
tTAPIER , f m. ( Art miUt. ) eft celui
quia fait un marché pour fournir aux troupes
qui pallcnt dans une province , les vivres &
le fcjurrage nécellaires à leur fubfiftance & à
celle de leurs chevaux. Fbyc:^ Etape. (Q)
ETAQ.UE, ( lAr.rine. V. Itaque.
ETARCURE, f. i A Marine.':) on fe fert
quelquefois de ce mot pour défigner la hau-
teur des voiles : mais il n'eft guère d'ufage. (Z)
ETAT , f m. ( Mctaph, } État d'un être
en général ^ dans le fens onthologique :
c'eft la co-exiflence des modihcations va-
riables Se luccelTives, avec les qualités fixes
& contantes : celles-ci durent autant que
le fujet qu'elles conftitucnt , &c elles ne
fauroient louffrir de détriment f^ns la def-
trudicn de ce fujet. Mais les modes peu-
vent varier , & varient effeélivement , ce
qui produit les divers états , par lefquels
tous les erres finis padent. On diltingue
Vétat d'une chofe en interne & externe.
Le premier confifte dans les qualités chan-
geantes intriniéques , le fécond dans les
qualités extrinicques , telles que (ont les
relations. \Jetat interne de mon corps ,
c'cfl d'être (ain ou malade ; fon état externe ,
c'eft d'être bien ou mal vêtu , dans un tel
lieu, on dans un autre. L'ulage de cette
diftinétion fe fait fur-tout fentir dans la
morale , où il efi: fcuvcn: important de bien
diftinguer ces deux ctnrs de l'homme.
Deux chv->fcs qui ont les mêmes modifi-
cations actuelles , font dans le même état |
ETA 147
interne ; & au contraire. Il faut être cir-
confpeét dans l'application de ce principe ,
de peur de prendre pour les mêmes modi-
fications celles qui ne font pas telles etfec-
tivement. Par exemple , la chaleur eft un
mode de la pierre qui la conflitue dans
un état différent de celui qu'on appelle le
froid. Concevez trois corps égaux qui ont
le même degré de chaleur , & fuppofcz que
deux de ces corps fe réunilfent & en for-
ment un qui foit double du troifierae , il
y aura dans le corps double le même degré
de chaleur que dans le corps fimple , quoi-
que la quantité de chaleur, en tant qu'on
la conçoit également répandue par toute
la maflé , foit double dans le corps doub'e.
C'eft pour cela que l'état de chacune des
parties du niême corps eft dit le même ,
abftraûicm faire de leur grandeur, pourvu
qu'elles foient également chaudes , quoi-
qu'd faille plus de chaleur pour échauffer
une partie plus grande que pour en échauffer'
une moindre. Wolft". ontolog. §. 707.
Le changement de relations change l'cir.t
externe. L'état interne d'un homme t(î
changé, quanddetainildevientmalade, de
gai trille,^ 6v. car ces difpoficions du corps
& de l'efprit font des modes , &c réhdent
daiis l'homme même. Mais celui qui de
riche fe transforme en pauvre , ne perd
que fon état externe en perdant fon droit
fur des biens qui étoient placés hors de lui.
Cet article eft de M. FoRMiiY.
Etat de Nature , ( Droit nat. ) C'eft
proprement &: en général l'état de l'homme
au moment de fa nailfance: mais dans l'u-
fage ce mot a différentes acceptions.
Cet état peut être envifagé de trois ma-
nières ; ou par rapport à Dieu ; ou en fe
figurant chaque perfonne telle qu'elle fe
trouveroit feule & fans le fecours de fes
femblables ; ou enfin félon la relation mo-
rale qu'il y a entre tous les hommes.
Au premier égard , X'état de nature eft la
condition de l'homme confidéré en tant
que Dieu l'a fait le plus excellent de tous
les animaux ; d'où il s'enfuit qu'il doit re-
connoitre l'auteur de fon exiftencc, admi-
rer fes ouvrages , lui rendre un culte digne
de lui , & fe conduire comme un être doué
de raifon : de forte que cet état eft oppofé
à la vie & à la condition des bêtes.
T 1
148 ETA
Au fécond égard , l'état de nature eft la
tride fituation où Ton conçoic que (eroit
réduit l'homme , s'il étoit abandonne à lui-
même en venant au monde: en ce fens
Vétat de nature eft oppole à la vie civilifée
par l'induftrie & par des fervices.
Au troifieme égard , Véiat de nature eft
celui des hommes , entant qu'ils n'ont en-
ferable d'autres relations morales que celles
qui Ibnt fondées iur la liaifon univerlelle
qui réfulte de la reficmblance de leur na-
ture , indépendamment de toute fujétion.
Surcepié-là, ceux que l'on dit vivre dans
Vétat de nature , ce font ceux qui ne font ni
foumis à l'empire l'un de l'autre , iii dé-
pcndans d'un maître commun : ainfi Vétat
de nature ell alors oppoié à Vétat civil ; &
c'cft fous ce dernier fens que nous allons
le confidérer dans cet article.
Cet état de nature efb un étt^t de parfaite
liberté ; un étai dans lequel , fans dépendre
de la volonté de perfonne , les hcmmes peu-
vent faire ce qui leur plaît , difpofer d'eux
6c de ce qu'ils pollldcnt comm.e ds jugent
à propos , pourvu qu'ds fe tiennent dans
les bornes de la loi naturelle.
Cet état eft auffi un état d'égalité , en-
forte que tout pouvoir & tOute juridiélion
cft réciproque : cal il eft évident que^des
cires d'une même efpece & d'un même
ordre, qui ont part aux mêmes avantages
de la nature, qui ont les mêmes facultés,
doivent pareillement être égaux cntr'eux .,
fans nulle fubordination ; & cet état d'é-
galité eft le fondement des devoirs de l'hu-
manité. Fcyci Egalité.
Quoique Vétat de nature fuit un état de
liberté, ce n'cft nullement un état de li-
cence ; car un homme en cet état n'a pas
le droit de Ç<t détruire lui-même , non plus
que de nuire à un autre : il doit faire de
fk liberté le meilleur ufage que fii propre
ccnfervation demande de lui. \.'état de na-
ture s.\a. loi naturelle pour règle: la raifon
er.feigne à tous les hommes , s'ils veulent
^ien la confulter, qu'étant tous égaux &
indcpendans , nul ne don faire tort à un
autre au fujet de fa vie , de fa (anté, de la
liberté , &: de fon bien.
Mais enfin que dans Vétat de nature per-
fcmie n'cmrcprcnne de faire tort à fc'u
ETA
prochain , chacun étant égal , a le pouvoir
de punir les coupables , par des peines pro-
portionnées à leurs fautes , & qui tendent
à rép arer le dommage, & t mpichct qu'il n'en
arrive un ftmblable a l'avenir. Si chacun
n'avoir pas la puillancc dans Vétat de nature,
lie réprimer les méchans , il s'enfuivroic
que les magiftrats d'une fociété politique
ne pourroient pas punir un étranger , parce
qu'a l'égard d'un tel homme ils ne peuvent
avoir plus de droit que chaque perfonne en
peut avoir naturellement à légaid d'un
autre : c'eft; pourquoi dans Vétat de nature
chacun eft en droit de tuer un meurtrier ,
afin de détourner les f.utres de l'homicide.
Si quelqu'un répand le fang d'un homme,
ion fang fera aulTî répandu par un homme,
dit la grande loi de nature ; & Caïn en
étoit fi pleinement convaincu , qu'il s'é-
crioit , après avoir tué Ion frère : Quicon-
que me trouvera , me tuera.
Par la même raifon , un homme dans
Vétat de nature peut punir les diverfes in-
fradions des loix de la nature , de la m.èmc
manière qu'elles peuvent être punies dans
tout gouvernement policé. La plupart des
loix municipales ne fort juftes qu'autaiil
qu'elles font fondées fur les loix natu-
relles.
On a fouvent demandé en quels lieux Sc
quand les hommes fuiit ou ont été daiîs
Vétct de nature. Je réponds que les princes
& les magiflrats de lociérés indépendan-
tes , qui fe trouvent par toute la terre ,
étant dans Véiat de nuiure , il eft clair que
le monde n'a jamais été 6c ne fera iamais
fans un certain nombre d'hommes qui ne
(oient dans l'état de nature. Qiiana je parle
des princes &c des m.-.giftuns de focléiés in-
dépendantes , je les tonfidere en eux-mê-
mes abdraitement ; car ce qui met fin à
Véiat de nature, eft feulement la conven-
tion par laquelle on entre volor.taircmcnt
dans un corps politique : toutes auttes (or-
tcs d'engagem.ens que les hommes peu-
vent prendre ewfemble , les lai lient dans
Vétat de nature. Les promcnèsiSi les conven-
tions faites . par exemple , pour un troc
entre deux fiommes de l'ifle dt[crte dont
parle Garcilaflô de la Vcga dans ton hijioire
du Féiou , ou entre un Elpagnol & un In-
dien dans les défères de l'Améiiquc y Aloi-
ETA
▼ent être ponftuellemenc exccutces , quoi-
que ces deux liommes foieiit en cecte occa-
iion , l'un vis-à vis de l'autre , dans ['ctat
de nature. La imcérité & la fidélité font des
chofes que les hommes doivent oblcrver
religieulcment , entant qu'hommes , non
entant que membres d'une même fociété.
Il ne faut donc pas confondre Ve'iat de
nature & \'éii:t de guerre ; ces deux états me
parodient aulfi oppo(cs , que l'cfl un état
de paix , d'allîftance (S: de confervaiion
mutuelle, d'un r'/rtr d'inimitié, de violen-
ce , & de mutuelle deftrudion.
Lorlque les hommes vivent enfemble
conformément à la raifon , fans aucun fu-
périeur fiir la terre qui ait l'autorité tic juger
leurs diftérenJs , ils fe trouvent prccifé-
ment dans Vémt de nature : mais la violence
d'une perfonne contre une autre , dans une
circonftance où il n'y a fur la terre nul
fupérieur commun iqui l'en puilTeappeller,
produit l'état de guerre ; ôc faute d'un juge
devant lequel un homme puiile interpeller
fon aggrelléur , il a fans doute le droit de
faire la guerre à cet aggrelTcur , quand
niême l'un & l'autre feroient membres d'une
même fociété , & (ujets d'un même état.
Ainfi je puis tuer fur le champ un voleur
qui fe jette fur moi , qui fe failit des rênes
de mon cheval , arrête mon carroile , parce
que la loi qui a ftatué pour ma confcrva-
tion , fi elle peut être interpofee pour aflu-
rer ma vie contre un attentat préfent &
fubit , me donne la liberté de tuer ce vo-
leur , n'ayant pas le temps nécefTaire pour
l'appeller devant notre juge commun , &
faire décider par les loix , un cas dont le
malheur peut être irréparable. La priva-
tion d'un juge commun revêtu d'autorité ,
remet tous les hommes dans l'état de nature ;
& la violence injufte & foudaine du voleur
dont je viens île parler , produit l'état de
guerre , foit qu'il y ait ou qu'il n'y ait point
de juge comrTiUn.
Ne foyons donc pas furpris fî l'hiftoire
ne nous dit que peu de chofes des hommes
qui ont vécu enfemble dans l'état de nature :
les inconvéniens d'un tel état , que je va's
bientôt expofcr , le defir & le befoin de la
fociété , ont obligé les particuliers à s'unir
de bonne heure dans un corps civil , fîxe
i-c durable. Mais fi nous ne pouvons pas
ETA 149
fuppofer que les hommes aient jamais été
ilaiis l'état de natuie , à caule que nous man-
quons de détails hiftoriques à ce fujet ,
nous pouvons aufli douter que les foldats
qui compofoient les armées de Xerxès ,
aient jimais été enfans , pu:fc]ue l'hifloire
ne le marque point , & qu'elle ne parle d'eux
que comme d'hommes faits , portant k-s
armes.
Le gouvernement précède toujours les
regiii:rcs; rarement les Belles- Lettres font
cultivées chez un peuple , avant qu'une lorr-
gue continuation de fociété civile ait , pat
d'autres arts plus nécelfaires , pourvu à fa
fùrcté , à fon aife & à fan abondance. On
commence à fouiller dans l'hiftoire des fon-
dateurs de ce peuple , & à rechercher fon
origine , lorfque la mémoire s'en eft perdue
ou obfcurcie. Les fociétés ont cela de com-
mun avec les particuliers, qu'elles font d'or-
dinaire fort ignorantes dans leur naifiancc
&d?.ns leur enfance; & li elles favent quel-
que chofe dans la fuite , ce n'cft que par le
moyen des monumens que d'autres ont con-
fcrvés : ceux que nous avons des fociétés
politiques , nous font voir des exemples
clairs du commencement de quelques-unes
de ces fociétés , ou du moins ils nous en font
voir des traces manifefles.
On ne peur guère nier que Rome 8c Ve-
nife , par exemple , n'aient commencé par
des gens indcpendans , entre lefquels il n'y
avoic nulle fupériorité , nulle fujction, La
même chofe fe trouve encore établie dans la
plus grande partie de l'Amérique , dans la
Floride & dans le Bréfil , où il n'efl: queflion
ni de roi , ni de communauté, ni de gouver-
nement. En un mot , il efl vraifemblable que
toutes les fociétés politiques fc font formées
par une union volontaire de perfonnes dans
l'état de nature , qui fe font accordées fur la
forme de leur gouvernement , qui s'y font
portées par la confidération des chofes qui
manquent à l'état de nature.
Premièrement , il y manque des loix éta-
blies , reçues Se approuvées d'un commun
confcntemcnt , comme l'étendart du droit
& du tort , de la juflicc Se de l'injuflice;
car quoique les lois de la natuie foient clai-
res & intelligibles à tous les gens raifonna-
blcs , cependant les hommes , par intirà
Ï50 ETA
ou par ignorance , les éludent ou les'mé-
connoiflTent fans fcrupule.
En fécond lieu , dans l'état de nature il
manque un juge impartial , reconnu , qui
ait l'autorité de terminer tous les diftérens
conformément aux loix établies.
En troifieme litu , dans Vctat de nature il
manque fouvent un pouvoir coadtif pour
l'exécution d'un jugement. Ceux qui ont
commis quelque crime dans \'état de nature ,
emploient la force , s'ils le peuvent , pour
appuyer TinjuRice ; Se leur réfiftance rend
quelquefois leur punition dangercufe.
Ainfî les hommes pefant les avantages
de Vétat de nature avec fcs défauts , ont bien-
tôt préféré de s'unir en fociété. De-là vient
que nous ne voyons guère un certain nom-
bre de gens vivre long-temps enfemble
dans l'état de nature : les inconvéniens qu'ils
trouvent, les contraignent de chercher dans
les loix établies d'un gouvernement , un
afyle pour la coufervation de leurs propiié-
tés ; éc en cela même nous avons la fourcc
£< les bornes du pouvoir légillatif &c du
pouvoir exécutif.
En effet , dans l'ctat de nature les hommes,
outre la liberté de jouir des plailirs inno-
cens , ont deux fortes de pouvoirs. Le pre-
mier eft de fiire tout ce qu'ils trouvent à
propos pour leur conlcrvation & pour celle
des autres, iuivant l'efprit des loix de nature;
& fi ce n'étoit la dépravation humaine, il ne
fcroit point néceffaire d'abandonner la com-
munauté naturelle , pour en compofer de
plus petites. L'autre pouvoir qu'ont les
hommes dans l'état de nature , c'efl de punir
les crimes commis contre les loix : or ces
mêmes hommes , en entrant dans une lo-
ciété , ne font que remettre à cette fociété
les pouvoirs qu'ils avoient dans l'état de na-
ture , donc l'autorité légillative de tout gou-
vernement ne peut jamais s'étendre plus
loin que le bien public ne le demande ; &
par conféquent cette autorité fe doit ré-
duire à conlerver les propriétés que chacun
tient de l'état de nature. Ainli , qui que ce
ioit qui ait le p:)uvoir fouverain d'une com-
munauté , eft obligé de ne fuivre d'autres
règles dans C:\ conduite , que la tranquillité ,
la fureté, (k. le bien du peuple. Quid in toio
terrarum vrbe validum fit , ut non modo cjjus
rcrum ,fed ratio etiam , caufiVque nofcuntur.
Ë T A
Tacir. hi/îor. Itb. I. Article de M. le Chevalier
DE JaUCOURT.
Etat moral , ( Droit nat. ) On entend
par état moral en général , toute fituation
où l'homme fe rencontre par rapport aux
êtres qui l'environnent , avec les relations
qui en dépendent.
L'on peut ranger tous les états moraux
de la nature humaine fous deux claflcs gé-
nérales ; les uns font des états primitifs ; ùC
les autres , des états accelfoires.
Les états primitifs {ont ceux où l'homme
fe trouve placé par le fouverain maître du
monde , & indépendamment d'aucun évé-
nement ou fait humain.
Tel eft , premièrement , l'éiat de fa dé-
pendance par rapport à Dieu ; cav pour peu
que l'homme falfe ufage de les facultés ,
& qu'il s'étudie lui-même , il reconnoit
que c'eft de ce premier être qu'il tient la
Vie , la raiion , & tous les avantages qui les
accompagnent ; & qu'en tout cela il éprouve
fenfiblement les effets de la puillance & de
le bonté du créateur.
Un autre état primitif des hommes , c'eft
celui où ils (ont les uns à l'f gard des autres.
Ils ont tous une nature commune , mêmes
ficultés , mêmes befoins , mêmes defirs. Ils
ne lauroient.fe palier les uns des autres , &
ce n'eft que par des fecours mutuels qu'ils
peuvent fe procurer une vie agréable &
tranquille : auffi remarque-ton en eux une
inclination naturelle qui les rapproche pour
former un commerce de fervices , d'où
procèdent le bien commun de tous , & l'a-
vantage particulier de chacun.
Mais l'homme étant par Çj. nature un
être libre , il faut apporter de grandes mo-
difications à fon état primitif, & donner
par divers établilTemens , comme une nou-
velle face à la vie humaine : dc-là nailTcnt
les états accelloircs , qui font proprement
l'ouvrage de l'homme. l^oye[ Etat acces-
soire.
Nous reiTiarquerons feulement ici qu'il
y a cette diiférence entre l'état primitif Se
l'état accclloire , que le premier étant
comme attaché à la nature de l'homme &
à fi conftitution , eft par cela même com-
mun à tous les hommes. Il n'en eft pas
ainli des états accelloircs , qui fu[ipo!a!;t
un fait humain , ne buroicnt convenir à
ETA
tous les hommes indifréremment, mais feu-
lement à ceux d'cntr'eux qui en jouidirnc ,
ou qui fe les font procurés.
Ajourons que plulieurs de ces ét.Jts accef-
fbires , pourvu qu'ils n'aient rien tl'incom-
pstible , peuvent le trouver combinés &c
réunis dans la même perlonne \ ainli l'on
peut être tout à la fois père de fam.lle , juge,
magiftrat , t'c.
Telles font les idées que l'on doit fe faire
d'-'s divers f'/^.'a moraux à.q l'homme, &c'rft
de- là que réfuice le fyllème total de l'hu-
manité. Ce {ont comme autant de roues
d'une machine , qui combinées enlemblc
& habiltm:;nt ménagées , con(]:iirent au
même but; mais qui au contraire étant mal
conduites Se mal dirigées , fe heurtent l?<
s'entre détruifent. Article de M. le Chevalier
VE Jaucourt.
Etat accessoire , ( Droit nat. ) état
moral où l'on eft mis en conlequencc <Xt
quelqu'adte humain , Ibit en naill!int , ou
après être né. /''. Etat moral.
Un des premiers étals accejfoires, efl: celui
de famille. Z-^. Famille.
La propriété des biens , autre ctablilTe-
ir.ent très - important , produit un fécond
état acccjfoire. V. PropriÉtb.
Mais il n'y a point ^état acccjfoire plus
confidérable que Vétat civil , ou celui de la
fociété civile & du gouvernement, f-^oye:^
Société civile &• Gouvernement.
La propriété des biens & l'état civil ont
encore donné lieu à pluiîeurs établilTcmens
qui décorent la fociété , & d'où naillent de
nouveaux états accejfoires , tels que font les
emplois de ceux qui onr quelque part au
gouvernement, comme desmagiilrats , des
juges, des miniftres delà religion, (.-c. aux-
quels l'on doit ajouter les diverfcs profef-
fions de ceux qui cultivent les arts , les
mét:ers , l'agriculture , la navigation , le
commerce , avec leurs dépendances , qui
formtnt m;lle autres états particuliers dans
la v^e.
Tous les états accejfoires procèdent du fa' t
des hommes ; cependant comme ces diff,^-
rentesmodificarions de l'f'wr primitif font
un cftit de la liberté, les nouvelles rela-
tions qui en réfultent , peuvent cire envi-
figces comme autant d'ewf5 naturels, pour-
vu que leur ufage n'ait rien q^ue de confor-
ETA 151
me à la droite mifon. Mais ne confondez
point les états naturels , dans le feus que je
leur donne ici , avec \'état de nature, /^oyer
Etat de Nature. Art. de M. k Chev. dz
J AU cou RT .
Etat , ( Dr. polit.) terme générique qui
déligne une lociété d'hommes vivans cn-
femble fous un gouvernement quelconque ,
hearei!X ou malheureux.
De cette manière l'on peut définir Vétat ,
une fociété civile , par laquelle une multi-
tude tl'hommes (ont unis enfemble fous la
dépendance d'un fouverain , pour jouir par
la prorcdlion & par fes foins , de la fûrcté
& du bonheur qui manquent dans l'état de
nature.
La définition que Cicéron nous donne
de l'état , revient à peu près à la même cho-
fe , &: efl préférable à celle de Puffendorf ,
qui confond le louverain avec l'état. Voici
la définition de Cicéron : Multitudo , juris
confenfu , fi" utilitatis communiene fociata :
" une multitude d'hommes joints enfemble
•> par des intérêts & des loix communes ,
" auxquelles ils fe foumectent d'un commun
" accord. »
On peut confiiérer l'état comme une per-
lonne morale dont le fouverain eft la tête ,
& les paniculiers les membres : en conlé-
quence on attribue à cette perfonne cer-
taines adions qui lui font propres , certainî
droits diftindts de ceux de chaque citoyen ,
Ik que chaque citoyen , ni plufieurs , ne fau-
roie nt s'arroger.
Cette union de plufieurs perfonnes en un
feul corps , produite par le concours des
volontés & des forces de chaque particu-
lier , diftingue l'état , d'une multitude : car
une_ multitude n'cft qu'un afiemblage de
plufieurs perfonnes , dont chacune a fa
volonté particulière ; au lieu que l'état eft
une fociété animée par une feule ame
qui en dirige tous les mouvemens d'une
manière confiante , relativement à l'utilité
commune. Voilà l'état heureux , l'état par
excellence.
Il fdlo't pour former cet état , qu'une
multitude d'hommes fe joignilfent enfem-
ble d'une façon fi particulière , que la con-
fervation des uns dépendit de la conferva-
t;on de? ancres , afin qu'ils fulTcnl dans la
néceliité de s'aïue- fècourir i & q^iie par cette
152 ETA
union de forces_& J'nuérêrs , ils pulTent^ai- |
fément repouller les infultcs dont ils n'au-
roient pu Te garantir chacun en particulier ;
contenir dans le devoir ceux qui voudroient
s'en e'carter , & travailler plus efficacement
au bien commun.
Ainfi deux chofes contribuent principa-
lement à maintenir Vciat. La première ,
c'eft l'engagem.ent même , par lequel les
particuliers fe font fournis à Tcmpire du
fouverain ; engagement auquel l'autorité
divine & la religion du ferment ajoutent
beaucoup de poids. La féconde , c'eft l'éta-
bliffement d'un pouvoir f.ipérieur , propre
à contenir les médians par la crainte des
peines qu'il peut leur infliger. Ceft donc de
l'union des volontés , foutenue par un pou-
voir fupérieiir , que réfulte le corps politi-
que , ou Vctat ; & fans cela on ne fauroit
concevoir de iociété civile.
Au refte , il en cfi: du corps politique
comme du corps humain : on diftingue un
état fain iS: bien conftitué, d'un état malade.
Ses maladies viennent ou de l'abus du pou-
voir (ouverain , ou de la mauvaife conftitu-
tion de Yétat ; & il faut en chercher la caufe
dans les défauts de ceux qui gouvernent , ou
dans les vices du gouvernement.
Nous indiquerons ailleurs la manière dont
les étûts ou les focictcs civiles fe font formées
pour fubhller fous la dépendance d'une au-
torité fouveraine. Voye:^ Société civile ,
Gouvernement, Souverain, Souve-
raineté ; Ik. les différentes formes de fou-
veraineté , connues fous les noms de Ré-
publique , Démocratie , Aristocra-
tie , Monarchie , Despotisme, Tyran-
nie , &c. qui font tous autant de gouver-
nemens divers , dont les uns coniolent ou
foutiennent , les autres détruifeut Se font
frémir l'humanité. Artide de M. /t Chevalier
DE JaUCOURT.
Etats composés , ( Dr. polit.) On ap
étroitement unis par quelque lien particu-
lier , enfbrte qu'ils femblcnt ne faire qu'un
feul corps , par rapport aux choies qui les
intérelfent en commun , quoique chacun
d'eux conferve d'ailleurs la fouvciainecc
ETA
pleine Si entière , indépendamment des
autres.
Cet ademblage d'états fe forme ou par
l'union de deux ou de plulieurs états dif-
tinfts , fous un feul S< même roi ; comme
étoient , par exemple , l'Angleterre , l'E-
coife & l'Irlande , avant l'union qui s'cft
faite de nos jours de l'Ecoffe avec l'Angle-
terre ; ou bien lorfque plufieuts états indé-
pentians fe conféderent pour ne former en-
femblc qu'un (eul corps : telles font les
Provinces-unies des Pays-bas, & les cantons
Suiflcs.
La première forte d'union peut fe faire ,
ou à l'occalion d'un mariage , ou en vertu
d'une fuccelTion , ou lorfqu'un peuple (e
choilît pour roi un prince qui étoit déjà
iouverain d'un autre royaume ; enforte
que ces divers états viennent à être réu-
nis fous un prince qui les gouverne cha-
cun en particulier par les loix fondamen-
tales.
Pour les états compofés qui fe forment par
la confédération perpctuelle de plulieurs
états , il faut remarquer que cette confé-
dération eft le feul moyen par lequel plu-
fieurs petits états, trop foibtes pour le main-
tenir chacun en part'culitr contre leurs
ennemis , puiflent conferver leur liberté.
Ces états confédérés s'engagent les uns
envers les autres à n'exercer que d'un com-
mun accord ceitaines parties de la fouve-
raineté , lur-tout celles qui concernent leur
détcnfe mutuelle contre les ennemis du
dehors ; mais chacun des confédérés retient
une entière liberté d'exercer , comme il le
juge à propos , les parties de la fouveraineté
dont il n'ert pas fait mention dans l'aélc de
confédération , comme devant être exercée
en commun.
Il efl: absolument néceflaire, dans les états
confédérés, i". que l'on marque certains
temps & certains lieuxpours'aflL-mbler ordi-
nairement; i*. que l'on lîomme quelque
membre qui ait pouvoir de convoquer l'al-
lemblée pour les affaires extr;:ordinaires ,
6c qui ne peuvent foulîrir de retardement :
ou bien l'on peut, en prenant un autre parti,
établir une alfeniblée tjui loit toujours fur
pié , compofée des députés de chaque (•/<;.' ,
Cs; qui expcdicncies afiaiies communes, lui-
vant
ETA
vant les ordres de leuri fupcrieurs. Telle eft
l'allcmblée des ccats-géiicraux à la Haie ,
Se peut-être n'en pourroit-on pas citer d'au-
tre exemple.
On demande fi la décilîon des affaires
communes doit dépendre du confcntement
unanime de tout le corps des conf dcrés , ou
feulement du plus grand nombre. Il me
femble en général que la liberté d'un é{,ii
étant le pouvoir de décider en dernier ref-
foit des affaires qui concernent fa propre
confcrvation , on nefauroit concevoir qu'un
état foit libre par le traité de confédéra-
tion , lorfqu'on peut le contraindie a\ec
autorité à faire certaines cholest Si pour-
tant dans les affemblées des ét^ts confédérés
il s en trouvoit quelqu'un qui refuiât , par
une obftination mfcnlée , de (e rendre à la
délibération des autres dans des affaires très-
importantes , je crois qu'on pourroic ou
rompre la confédération avec cet étût qui
trahit la caufe commune , ou même ufcr à
fon égard de tous les moyens permis dans
l'état de lib^té naturelle, contre les infrac-
teurs des alliances.
Les états compofés font diffous, i°. lorfque
quelques - uns des confédérés fe féparent
pour gouverner leurs affaires à part , ce
qui arrive ordinairement parce qu'ilscroient
que cette union leur ell plus à charge qu'a-
vantageufe. z°. Les guerres inteftines entre
les confédérés , rompent aulfl leur union, à
moins qu'avec la paix on ne renouvelle en
même temps la confédération. 5". Du
moment que quelqu'un des états confédérés
cil lubjugué par une puillance étrangère ,
ou devient dépendant d'un autre état , la
confédération ne fubiîfle plus pour lui , à
moins qu'après avoir été contraint à fe
rendre au vainqueur par la force des armes,
il ne vienne enluiteaêtre délivré de cette
fujétion. 4°. Enfin un état compofé devient
un état fimple , fi tous les peuples confé-
dérés fe foumettent à l'autorité fbuveraine
d'une feule pcrfonne ; ou fi l'un de ces
états , par la fupéri(5ritc que lui donnent fes
forces , réduit les autres en forme de pro-
vince. Voy. fur cette matière la dijfertation
latine de Puffendorf, de fyjltmatibus civita-
tum , in-^°. iz/t^aulTi Vhijloiredes Provinces-
Ufiies &c celles des Cantons Suijfcs ; vous y
Tome XI II.
ETA 155
trouverez des choies cur^eufes lirlcur union
& leur confédération dificreutts. Art. de M,
le C/lcV. DE J AU COURT.
Ftats confédérés , Voy. Etats com-
posés.
Etats de l'Empirf, (///'/?. & Droit publ^
On appelle ainfi en Allemagne le kscitoycns
ou membres de l'Empire qui ont le droit de
fuffrage & de féance à la diece. l^ . Diète.
Pour jouir de cette prérogative il faut pof-
féder des fiefs immédiats, c'eft à-dire , dont
on reçoit l'invefliture de l'empereur lui mê-
me , & non d'aucun autre prince ou états
de f Empire. Il faut outre cela que le nom
de celui qui efi état , (oit infcrit lur la ma-
tricule de l'empire , pour contribuer fa
quote-part des collèges &: autres impof icions
qu'on levé dans les befoins de l'empire ;
cependant cette dernière règle foudre des
exceptions , parce qu'il y a des états de l'Em-
pire qui font exempts de ces fortes de contri-
butions.
Les états de f Empire fe divifent en laïques
& en eccléfiaftiques , en catholiques &.' en
proteftans : ces derniers font oti de la con-
felTion d'Augsbourg, ou de la religion réfor-
mée , attendu que ces deuT religions font ad-
mifes dans l'Allemagne. On trouvera à I'<j/--
ticle Diète de l'Eaitire , les noms de ceux
qui ont droit de fuffrage & de feance à l'af-
femblée générale des états de l'Empire. Les
états laïques acquièrent leur droit par fuc-
cellîon , les eccléfiaftiques l'acquièrent par
l'élettion capitulaire; lesèledeurs eccléfiaf-
tiques, les archevêques, prélats, abbés, ab-
belfes, &c. deviennent états de l'Empire de
cette manière: enfin les villes impériales li-
bres doivent aufli être regardées comme des
états de l'Empire.
L'empereur ne peut dépouiller aucun des
états de les prérogatives ; il faut pour cela
le confcntement de tout l'empire. f^''oye[
Diète S'Empire. Cependant un état perd
fes droits par ce qu'on appelle ['exemption.
Voyez cet article.
Il ne faut point confondre les états de
l'Empire, dont nous venons de parler, avec
les états provinciaux , ou des cercles : ces
derniers ne jouillent pas des mêmes préro-
gatives que les premiers ; cependant il y a
des états qui ont en même temps féance à
154 ETA
la diète générale de l'empire , & aux diètes f
particulières cou alîemblées des cercles. ( — )
Etats , ( Hiji. anc. & mod. Ù Juiifpr. )
font l'aflembléc des députés des difterens
ordres de citoyens qui compofent une na-
tion , une province , ou une ville. On ap-
pelle états généraux , l'alîemblée des députés
des différens ordres de toute une nation. Les
états particuliers font l'alTemblée des députés
des différens ordresd'uneprovince, ou d'une
ville feulement.
Ces allemblées font nommées états, parce
qu'elles repréfencent les différens états ou or-
dres de la nation , province ou ville dont les
députés font affcmblés.
Il n'y a guère de nations policées chez
lefquelles il n'y ait eu des allemblées , foit
de tout le peuple ou des principaux de la
nation ; mais ces alfcmblées ont reçu divers
noms , félon les temps & les pays , & leur
forme n'a pas été réglée par tout de la même
manière.
Il y avoir chez les Romains trois ordres ;
favoir les fénateurs , les chevaliers , & le bas
peuple, appelle /j/tiJj. Les prêtres formoient
bien entr'eux différens collèges , mais ils ne
compofoient pomt un ordre à part : on les
tiroit des trois autres ordres indifférem-
ment. Le peuple avoir droit de futfrage,
de même que les deux autres ordres. Lorf-
que l'on alfembloit les comices où l'on
élifoit les nouveaux magiffrats , on y pro-
pofoit auflî les nouvelles loix , & l'on y
délibéroit de toutes les afïaires publiques.
Le peuple étoit divifé en trente curies ;
& comme il eût été trop long de prendre
toutes les voix en détail & l'une après
l'autre , on prenoit feulement la voix de
chaque curie. Les fuffrages fe donnoient
d'abord verbalement; mais vers l'an 614
de Rome , il fut réglé qu'on les donneroit
f)ar écrit. Servius Tullius ayant partagé
e peuple en fix clalTes qu'il fubdivifa en
1 1) 5 centuries , on prenoit la voix de chaque
centurie. Il en fut de même lorfquc le
peuple eut été divifé par tribus ; chaque
tribu opinoit, & l'on décidoit à la pluralité.
Dans la fuite les empereurs s'étant attribué
feuls le pouvoir de faire des loix , de créer
desmagiflrats, Side faire la paix& la guer-
re, les comices cellcrent d'avoir lieu; le peu-
ple perdit par-là Ion droit de fufttagc j le fc-
E T A
nat fut le fcul ordre qui conferva une grande
autorité.
L'ufage d'affembler les éz-ia ou différens
ordres, a néanmoins fublilté dans plulieurs
pays , & ces afTemblées y reçoivent diffé-
rens noms. En Pologne on les appelle <://e?e.f;
en Angleterre, pariemens ; & en d'autres
pays , états.
Dans quelques pays il n'y a que deux
ordres ou états , du moins qui foicnt admis
aux afièmblées génr^rales , comme en Po-
logne , où la noblefle &c le clergé forment
ftuls les états qu'on appeWt diètes , les pay-
lans y étant tous elclaves. Des nobles font
exclus de ces affemblées.
En Sueae au contraire on diftingue qua-
tre é.ats OU ordres différens de citoyens ;
favoir , la noblellé , le clergé, les bourgeois
&les payfans.
Dans la plupart des autres pays on diftin-
gue trois états; le clergé, la nobletfe , &c le
tiers -état ou troifieme ordre , compofé des
iTiagiftrats municipaux, des notables bour-
geois , & du peuple. Telle cft Isudivifion qui
fubfiile préfcntement en France, mais les
chofcs n'ont pas été toujours réglées de
même à cet égard.
Avant la conquête des Gaules par Jules-
Céfar, il n'y avoit que deux ordres; celui
des druides , & celui des chevaliers : le peu-
ple étoit dans une efpece d'clclavage , &C
n'étoit admis à aucune délibération. Lorl-
que les Francs jetterent les fondemens de la
monarchie françoile , ils ne reconnoifloient
qu'un feul ordre dans ['état , qui étoit celui
des nobles ou libres; en quoi ils conferve-
rent quelque temps les mœurs des Germains
dont ils tnoient leur origine. Dans la fuite
le clergé forma un ortire à part , cS: obtint
même le premier rang dans les alVemblées
de la nation. Le tiers -état ne fe forma que
longtemps après (ousla troifieme race.
Quelques hifloriens modernes ont quali-
fié très-improprement d'états, les allemblées
de la nation qui , fous la première race , fe
tenoient au mois de mars ; & fous la fécon-
de , au mois de mai : d'où elles furent appel-
lées champ de mars Si champ de mai. On leur
donnoir encore divers autres noms , tels
que ceux de colloquium -, conciltum , judi-
cium Francorum , placitum Mallum ; & ious
le règne de Pepai , elles commeaccient i
ETA
prendre le nom de parhmcns. Ces anciens
p.irlemens, dont celui de Paris &: tous les au-
tres tirent lucceirivement leur origine, n'é-
toient pas une Ample allcmblcc à'états , dans
le fens que ce rerme (l- prend aujourd'hui ;
c'étoit le confeil du roi îk le premier tribunal
de la nation , oh fe traitoient toutes les gran-
d"s affaires. Le roi préfidoitàcettealTcmblée,
ou quclqu'autre perionne par lui commiie
à cet effet. On y déhbcroit de la paix<S: de
la guerre , de la police publique & adminif-
tration du royaume ; on y failoit les loix ;
on y jugeoit les crimes publics , & tout ce
qui to'jchoit la dignité & la fureté du roi ,
Se la liberté des peuples.
Ces parlemens n'étoient d'abord com-
pofés que des nobles , & ils turent enluite
réduits aux feuls grands du royaume , & aux
magiftratsqui leur furent allociés. Le clergé
ne formoit ponit encore un ordre à part ,
de forte que les prélats ne furent admis à
ces parlemens qu'en qualité de grands vaf-
faux de la couronne. On ne connoilloit
pomt encore de tiers-état ; ainfi ces an-
ciens parlemens ne peuvent être conlidérés
comme une affemblée des trois états. Il
s'en faut d'ailleurs beaucoup que les alTem-
blées à'états aitiit jamais eu le même objet
ni la même autorité , ainh qu'on le recon-
noitra (ans peine en conlidérant la manière
dont les états ont été convoqués , & dont
les affaires y ont été traitées.
On ne connut pendant long-temps dans
le royaume que deux ordres , la noblellè
& le clergé.
Le tiers-état , compofé du peuple , étoit
alors prcique tout lerf; il ne commença à
(ê former que lous Louis-le-Gros , par l'af-
franchiffement des ferfs , Icfquels par ce
moyen devinrent bourgeois du roi , ou des
feigneurs qui les avoient affranchis.
Le peuple ainli devenu libre , & admis
à polléder proprietairement fes biens , cher-
cha les moyens de s'élever , & eut bientôt
l'ambition d'avoir quelque part au gouver-
nement de Vétat. Nos rois l'éleverent par
degrés en l'admettant aux charges , & en
communiquant la noblede à plulicurs ro-
turiers ; ce qu'ils firent pour balancer le
créd'.t des deux autres ordres , qui étoient
devenus trop puilTans.
Il n'y eut cependant , jufqu'au temps de
ETA 155
Philippe-le-Bel , point d'autre affemblée re-
préfentative de la nation , que le parlement,
lequel étoit alors compolé feulement de
grands valTaux de la couronne , dk des ma-
giftrats, que l'on choihffoit ordinairement
entre les nobles.
Philippe-le-Bel fut le premier qui convo-
qua une ademblée de trois états ou ordres du
royaume , en la forme qui a été ufuée
depuis.
La première affemblée à' et ai s- gêner aux fut
convoquée par des lettres du 1 5 mars 1 501,
que l'on comptoit à Rome 1501. Ces let-
tres ne (ubfiftcnt plus , mais on les connoît
par la réponfe qu'y fit le clergé ; elles fu-
rent adrellées aux barons , archevêques ,
évêques & prélats; aux églifes cathédrales,
univerlités , chapitres & collèges, pour y
faire trouver leurs députés ; & aux baillis
royaux , pour faire éhre par les villes , des
fyndics ou procureurs.
Ce fut à la perfualîon d'Enguerrand de
Marigny fon minirtre, que Philippe-le-Bel
allembla de cette manière les trois états ,
pour parvenir plus facilement à lever fur les
peuples une impofîtion pour foutenir la guer-
re de Flandres , qui continuoit toujours, &
pour fournir aux autres depenfes de Philippe-
le-Bel , qui étoient exccfTives. Le roi cher-
choit par là à appaifer le peuple & à gagner
les efprits , fur-tout à caufe de fes démêlés
avec Boniface VIII , qui comraencoient à
éclater.
(Zts états tinrent plufieurs féances, de-
puis la mi-Caréme jufqu'au 10 avril qu'ils
s'alTemblcrent dans l'églife de Notre-Dame
de Paris. Philippe le-Bel y allîfta en per-
ionne : Pierre Flotte fon chancelier y ex-
pofa les delleins que le roi avoit de répri-
mer plulîeurs abus, notamment les enrre-
prifes de Boniface VIII fur le temporel du
royaume. Il repréfenta aulfi les depenfes
que le roi étoit obligé de faire pour la guerre,
& les fecours qu'il attendoit de fes fujets ;
que fi Vétat populaire ne contribuoit pas en
perfonne au lervice militaire , il devoit
fournir des fecours d'argent. Le roi de-
manda lui-même que chaque corps formât
fa rélolution , & la déclarât publiquement
pjr forme de confeil.
I La nobleffe s'étant retirée pour délibé-
' rer , S: avant enfuite repris fes places ,
V i
156 ETA ETA
afllira le roi de larérolution où elle étoit ] grands du royaume , voire par
de le fervir de fa perlonne & de Tes biens. &c par les évêques , de ne fe prèle
Les eccléfiaftiques demandèrent un délai
pour délibérer amplement , ce qui leur fut
refafé. Cependant fur les interrogations
que le roi leur fit lui-même , favoir de qui
ils tenoient leurs biens temporels , & de ce
qu'ils penfoient être obligés de faire en con-
fcquence , ils reconnurent qu'ils tenoient
leurs biens de lui & de fa couronne ; qu'ils ^ _ ^
dc\ oient défendre fa perfonne , fes enfans } fortes d'allèmblées n'étoient point une fuite
les princes
enter devant
le roi qu'en mettant un genou en tcire ;
foit parce qu'en général le peuple n'eft point
retenu , comme la noblcfle & le clergé, par
l'appas des honneurs & des récompenfes ;
foit parce qu'alors le menu peuple étoit
moins policé qu'il ne l'eft aujourd'hui.
Tels furent les objets que l'on tr»!ta dans
ces premiers états ; par ou l'on voit que ces
& fes proches, & la liberté du royaume ; i j^j champs de mars & de mai ; qu'ils ne
qu'ils s'y étoient engagés par leur ferment , furent point établis fur le même modèle ni
en prenant pofTcfTion des grands fiefs dont
la plupart étoient revêtus ; & que les autres
y étoient obligés par fidélité. Ils demande
rent en même temps permilTion de fe rendre
aupvès du pape pour un concile, ce qui leur
fut encore refufé, vu quela bulle d'indication
annonçoit que c'étoit pour procéder contre
le roi. ^
Le tiers-état s'expliqua par une requête
qu'il préfenta à genoux , fuppliant le roi de
con'érver la franchife du royaume. Quel-
ques auteurs mal niformés ont cru que c'é-
toit une diftindion humiliante pour [e tiers-
état , de préfenter ainil fes cahiers à gent^ux ;
mais ils n'ont pas fait attention que c'étoit
autrefois l'ufage obfervé par les trois ordres
du royaume :& en effet ils préfenterent ainfi
leurs cahiers en i 576. La preuve de ce fait
fe trouve fol. ig v°. 47 v°. 5S v°. d'un recueil
fommaire des pt upojitions & conclufions faites
en la chambre ecclejiajîique des états , tenus a
Bloisen ï £7 G, drejje par M. Guï[la.\imc de
Taix , doy'en del'églifedt Trvyes. Cet ouvrage
fait partie d'un recueil en plufieurs cahiers
imprimés '& donnés en 1619 fous le titre
de Mélange hiftarique , ou recueil de plufieurs
aâes , traités , lettres miffives , & autres mé-
moires qui peuvent fervir à la déduclion de
riiijioire depuis l'an i^gojufqu'ea l£8o. On
trouve aurti dans le recueil de l'ajjemblée des
états de z Gi£, réJigé'pâï Florimond Rapine ,
£• imprimé en iG^i avec privilège du roi,
page ^Gi. , que le préfident Miror , en pré-
fentant à genoux les cahiers du tiers-état ,
dit au roi que la conduite qu'avoit tenu le
clergé & la noblelfc , de n'avoir pas pré-
fenté fes cahiers .t genoux , étoit une en-
treprife contre la rclpeéfuculc coutuve de
toute ancienneté pratiquée par les plus
fur les mêmes principes. Us n'avoient pas
non plus les mêmes droits ni la même au-
torité , n'ayant jamais eu droit de fudrage
en matière de légillation , ni aucune )uril-
ditStion, même fur leurs égaux :aulli ell-il
bien confiant que c'eft le parlement de Paris
qui tire fon origine de fes anciens parle-
mens , & non pas les états , dont l'étahlifle-
ment ne remonte qu'à Philippc-le-Bel , &:
n'avoir d'autre objet que d obtenir le con-
fcntement de la nation par l'organe de fes
députés , lorfqu'on vouloit mettre quelques
impôts.
On n'entreprendra pas de donner ici une
chronologie exade de tous les états géné-
raux & particuliers qui ont été tenus de-
puis Philippe-le-Bel jufqu'à préfent ; outre
que ce détail méneroit trop loin , les hifto-
riens ne font fouvent pas d'accord (ur les
temps de la tenue de plufieurs de ces états,
ni fur la durée de leurs féances : quelques-
uns ont pris des états particuliers pour des
états généraux : d'autres ont confondu avec
les états , de fimples aflemblées de notables ,
des lits de juftice , des parlemens , des con-
fcils nombreux tenus par le roi.
On fe contentera donc de parler des états
généraux les plus connus, de rapporter ce
qui s'y efl: pafié de plus mémorable , d^ mar-
quer comment ces états s'arrogèrent peu à
peu une certaine autorité , & de quelle ma-
nière elle futenluite réduite.
Une obfervation qui eft commune à tous
ces états , c'eft que dans l'ordre de la no-
blefTe étoient compris alors tous les nobles
d'cxtradion , foit qu'ils fullent de robe ou
d'cpéc , pourvu qu'ils ne fuflent pa? magil-
trats députés du peuple i le tiers-ccat u'ctott
ETA
autre chofe que le peuple , repréfcnté par j
CCS magillrats dt'putés.
Depuis les premieis états de 1 501 , Phi-
lippc-le-Bcl en convoqua encore pludturs
autres. Les plus connus (ont ceux de 1313 ,
que quelques uns placent en 131 4. Le rai-
niftre ne trouva d'autre relîource pour four-
nir aux dépcnfcs du roi , que de continuer
l'impôt du cinquième des revenus & du
centième des meubles , même d'crcndre ces
impots fur la noblelfe & le clergé \ & pour
y réufïîr on crut qu'il falloit tâcher d'ob-
tenir le confentement des états. L'alîeinblée
fut convoquée le 29 juin: elle ne commença
pourtant que le premier août. Mézeray dit
que ce fut dans l.i falle du palais , d'autres
difent dans la cour. On avoir drcfié un
cchafaud pour le roi, la noblefleiSi le clergé i
le tiers-état devoir relier debout au pié de
réchafaud.
Après une harangue véhémente du mi-
nière , le roi (e leva de fon tront & s'ap-
procha du bord de l'échafau 1 , pourvoir
ceux qui lui accorderoient l'aide qui étoit
demandée. Etienne Bai bette , piévot des
marchands , fuivi de pluhcurs bourgeois de
Paris, promit de donner une aide iumfante ,
ou de luivre le roi en perfonne à !a guerre.
Les députés des autres com.munautés firent
les mêmes oftres ; & là-defius l'allemblée
s'étant fiparée fans qu'il y eût de délibéra-
tion formée en règle, il parut une ordonnan-
ce pour la levée de fix deniers pour livre de
toutes marchandifes qui feroient vendues
dans le royaume.
Il en fut à peu près de même de toutes
les autres aliemblces à'états ; les principaux
députés , dont on avoit gagné les luffrages,
décidoient ordinairement , fans que l'on
eût pris l'avis de chacun en particulier ; ce
qui fait voir combien ces alfcmblées étoient
illufoires. .
On y arrêta cependant , prefque dans le
moment où elles furent établ.es , un point
extrêmement im.portant ; favoii , qu'on ne
leveroit point de tailles fans le confente-
ment des trois états. Savarori & Mézeray
placent ce règlement en 1-5 14 , fous Louis
Hutin i Boulainvilliers dans ion Hi/îuire de
J" rarice , tome //. p. ^&S. prétend que ce rè-
glement ne fut fait (jue fous Philippe de Va-
ETA 157
lois : du refte ces auf-iirs font d'accord
entr'eux fur le point de hiit.
Quoi qu'il en foie de cette époque , il
paroit que Louis Hutin n'olant halarder
une allemblée générale , en fit tenir en 1 3 1 j
de provinciales par bailliages Se fénéchauf-
iecs , où d fit demander par les commlf-
(iiires un fecours d'argent. Cette négocia-
tion ctu peu de f.iccès ; deforte que la cour ,
mécoiuciue des communes , eltaya de ga-
gner la noblelîe , en convoquant un parle-
ment de barons & de prélats à Pontoife
pour le mois d'avril fuivant , ce qui ne pro-
duiht cependant aucune rtilource pour la
finance.
Piiilippe V dit le Long , ayant mis , fans
confultcr les états , une impohtion générale
du cinquième des revenus 6c du centième des
meubles fur toutes fortes de perfonnes fans
exception , dès que cette ordonnance parut,
tous les ordres s'émurent ; il y eut même
quelques particuliers qui en interjctterent
appel au jugement des états- généraux , qu'ils
fuppotoient avoir feuls le pouvoir de met-
tre des impoiîtions.
Le roi convoqua les états , dans l'efpé-
rance d'y lever facilement ces oppolitions ,
& que le fufFrage de la ville de Paris en-
traineroit les autres. L'allembléc fe tinc
au mois de juin 1511 i mais le clergé,
mécontent à caufe des décimes que le roi
levoit déjà fur lui , éluda la décifîon de
l'affaire , en repréfentant qu'elle fe traite-
roit mieux dans des alîemblées provinciales;
ce qui ne fut pr>s exécuté , Philippe V étant
more peu de temps après.
Charles IV , fon fï^iccelfeur , ayant donné
une déclaration pour la rcduftion des mon-
noies , des poids & des mefures , le clergé
& la nobleflè lui remontrèrent qu'il ne pou-
voir faire ces réglemens que pour les terres
de fon domaine , & non dans celles des
barons. Le roi permit de tenir à ce fujet
de nouvelles aifemblces provinciales ; m.ais
on ne voit pas quelle en fut la fuite.
Les états de Normandie députèrent vers
le roi Phihppe de Valois , &c obtinrent de
lui la confirmation de la charte de Louis
Hutin , appel l^e la charte aux Normands ,
avec déclaration expreile qu'il ne ftrpit
jamais rien impofé fur la province , fans le
confentement des états ; m.ris on a foia
i5B ETA
ckiis tous les édits qui concernent la
Normandie , de déroger exprcllëment à
cette charte.
Le privilège que leur accorda Philippe
de Valois , n'étoit même pas particulier
à cette province ; car les h'ftoriens difent
qu'en 1 3 48 & M ^9 , il fut an été dans l'af-
(emblée des états-généraux , en préience
du roi , que l'on ne pourroit impofer ni
lever tailles en France fur le peuple , même
en cas de nécelïlté ou utilité, que de lodroi
des états.
Ceux qui furent a(Temblcs en 1445 ,
accordèrent à Philippe de Valois un droit
fur les boilîons & fur le fel pendant le temps
de la guerre. Il y avoir eu dès avant 1558
une gabelle impofée fur le Ici •■, mais ces
impolitions ne duroient que pendant la
guerre , &: l'on ne voit point fi les premières
furent faites en conftquence d'un confcnte-
ment des états. Pour ce qui eft de l'impofi-
tion faite en 154? , on étoit alors fi agité
qu'on ne parla point de l'emploi qui devoit
être fait ; ce que les états n'avoient point
encore omis.
Aucun prince n'alTembla fi fouvent les
états qre le roi Jean ; car fous (on règne il
y en eut prcfque tous les ans , foit de géné-
raux ou de particuhers , jufqu'à la bataille
de Poitiers.
L'objet de toutes ces affeniblces étoit
tou)ours, de la p.-.rt du prince, de demander
quelque aide ouautre fubfide pour la guerre ,
& de la part des états , de prendre les arran-
gemensconvenablesàcefujer. llsprenoienr
aulll fouvent de-là occadon de faire diver-
fes repréfentations pour la réformation de
la juftice, des finances, & autres parties du
gouvernement \ après la leance des états il
paroiiloit communément une ordonnance
pour régltr l'aide qui avoir été accordée ,
& les autres objets fur Icfquels les états
avoicnt délibéré , fuppofé que le roi jugeât
à propos d'y faire droit.
Il y eut à Paris le 15 février lîyo une
affimblée générale des états tant de la Lan-
guedoil que de la Languedoc , c'cll:- à-dire,
des deux parties qui faifoient alors la divi-
fion du rovaume : on croit néanmoins que
les députés de chaque partie s'allemblerent
féparém.cnt. Les prélats accordèrent lur le
champ le fubhde ^ui ctoit demande ; mais
ETA
les nobles & la plupart des députés des ville»
qui n'avoient pas de pouvoir fuffîfant , fu-
rent renvoyés dans leur province pour y
délibérer. Le roi y indiqua des airem^blées
provinciales, & y envoya des commiflaires
q"i accordèrent quelques-unes des deman-
des ; & fur les autres , il fut députe par
devers le roi. Quelques provinces accordè-
rent un fubfide de lix deniers ; d'autres leu-
lement de quatre.
Il paroît que fous le règne du roi Jean
on n'affembla plus en même temps &: dans
un même lieu les états de la Languedoil &
ceux de la Languetloc , & que l'on tint
feulement des alfemblées provinciales d'états.
Il y eut entr'autres ceux du Limoufin en
1555 , où l'on trouve l'origine des cahiers
que les états préfentent au roi pour expofcr
leurs demandes. Ceux de Limoufin en prc-
fcnterent un , qui ell: qualifié en plufieurs
endroits de cédule.
Suivant les pièces qui nous reftent de ces
différentes allemblées , on voit que le roi
nommoir d'abord des commillaires qui
étoient ordinairement choihs par les ma-
giftrats , auxquels il donnoit pouvoir de
convoquer ces alfemblécs, & d'y allïfter
en Ton nom ; qu'il leur accordoit même quel-
quefois la faculté de fubftituer quelqu'un à
la place de l'un d'eux.
Ces commiffaires avoient la liberté d'af-
fembler les trois états^ dans un même lieu ,
ou chaque ordre iéparément , &: de les
convoquer tous enfemble , ou en des jours
différens.
Les trois ordres, quoique convoqués
dans un même lieu, s'alfembloient en plu-
fieurs chambres ; ils formoient auiïi leurs
délibérations, & préientoient leurs requêtes
féparément ; c'eft pourquoi le roi à la fin de
ces allemblées conhrmoit par fes lettres
tout ce qui avoit été conclu par chaque
ordre , ou même par quelques députes d'un
des ordres en particulier.
On appclloit états généraux du royaume
ceux qui étoient compofés des députes àe
toutes les provinces : on donnoit auifi le
titre à'états généraux, à l'allemblée des dé-
putas de trois ordres de la Languedod ou
de la Languedoc ; parce que ces alIémblees
étoient com.pofées des députés de toutes les
provinces que çomprenoienc chacunel de
ETA
ces deux parties du royaume ; de force que
\es.écats pirciculiers ou provinciaux étoient
feulement ceux d'une feule province , &
quelquefois d'un fcul b ulliage ou Cév0^
chaullée.
Les états généraux de la Lang-iedoil ou
pays coutumicr , furent afTombles en la
chambre du parlement en 155 J. Le chan-
celier leur ayant demandé une aide , ils
eurent permillîon de fe confulter entr'cux ;
enfuice ils fe prcfenterent dc^'ant le roi en la
même chambre , & offrirent d'entretenir
3000 hommes d'armes à leurs frais. Cette
dcpenfe fut efl'im'^e jocoo livres; & pour y
fubvcnir , les états accordèrent la levée
d'une impohtion.
L'ordonnance qui fut rendue à cette
occafion le zS décembre 1555, fait con-
noître quel étoit alors le pouvoir que les
états s'étoient attribué. Ils commencèrent ,
par la permiiTîon du roi , à délibérer 1°. fur
le nombre des troupes nécellaires pour la
guerre ; i°. fur les fommes nécelTaires pour
f ondoyer l'armée; 5°. fur les moyens de
lever cette fomme , & fur la régie & em-
ploi des denieis ; ils furent même autonfés
à nommer des généraux des aides pour en
avoir la furintendance , & des élus dans
chaque diocefc pour faire l'impollcion &
levée des deniers , ufages qui ont fublîfté
jufqu'à ce que le roi fe rélerva la nomina-
tion des généraux , Se qu'il érigea les élus
en titre d'office ; il fut aulTi arrêté que le
compte de la levée & emploi des deniers
f'eroient rendus en préfence des états , qui fe
ralfembleroient pour cet eftet dans le temps
marqué.
Les étais aA'oient auflî demandé que l'on
réformât plufîeurs abus qui s'étoient glilïés
dans le gouvernement ; & le roi conlidérant
la clameur de fon peuple, fît plulieurs régle-
mens fur les monnoies , fur les prifes de
vivres & provihons qui fe fniôienr pour le
roi Se pour la nuilon , fur les prêts forcés
d'argent . ("ur la jurifdidion des juges ordi-
naires 5 enfin lur pluheurs chofes qui conccr-
noicnt la d;fcipline des troupes.
Lorlque le roi "Jean fut pris par les An-
glois , le dauphin encore jeune croyint
devoir xninager tous les difF;rens ordres du
royaume dans une conjondure fî fâcheufe ,
airc.:ibla les états à Parij au mois de mai j
ETA 159
I j 5 (î , dans la fîille du parlement , pour lui
donner aide &; conleil , tant pour procurer
la prompte délivrance du roi , que pour
gouverner le royaume & conduire la guerre
pendant fon abfence. Il fe crut d'autant plus
obligé d'en ufer ainlî , qu'il ne prenoic en-
core d'autre qualité que celle de lieutenant
général du royaume , dont la régence ne lui
fut formellement déférée qu'un an après par
le parlement.
Les députés ayant obtenu un délai pour
délibérer entre eux , tinrent des affemblces
particulières dans le couvent des cordelicis ;
s'étant plaints au dauphin que la préience
des commilfaires du roi gênoit la liberté des
délibérations , ces commillaires furent rap-
pelles. On convint de cinquante députés des
tro:s ordres pour drelfer un procès de réfor-
mation ; on délibéra auflî fur ce qui tou-
choit la guerre & la finance.
Le dauphin étant venu à leur afTemblée ,
ils lui demandèrent le fecret , à quoi il ne
voulut pas s'obliger. Les députés , au lieu de
s'occuper 3. chercher les moyens de délivrer
le roi qui étoit prifonnier à Londres, firent
des plamtes fiir le gouvernement; & voulu-
rent profiter des circonftances pour abairf.-r
injuftement l'autorité royale. Ils firent des
demandes excelTives qui choquèrent telle-
ment le dauphin , qu'd éluda long-temps de
leur rendre réponfe : mais enfin il fc trou\'a
forcé par les circonftances de leur accorder
tout ce qu'ils demandoient.
Le roi qui avoit déjà pris des arrange-
mens avec les Anglois, fit pubUer à Paris
des défenfes pour lever l'aide accordée par
les états , & à eux de fe ralTembler. Cepen-
dant comme les receveurs des états ctoien:
maitresde l'argent , le dauphin fut obligé
de contencir à une afTemblée. Il y en eut
encore deux autres en 1 557 , où la nobleiFe
ne parut point étant g ignée par le dauphin ,
qui d'un autre côté mit les villes en dcliance
contre la noblcfle , pour les empêcher de
s'unir.
Depuis que le dauphin eût été nommé
régent du royaume , il ne laiffa pas de con-
voquer encore en différentes années plu-
heurs états , tant généraux que particuliers;
mais l'mdécencc avec laquelle fe conduifi-
rent les états à Pans en Mj8 , fut l'ccucil
où fe brifa la puifTancc que les éiatsséuÀ&nt
i6o ETA
aitribuc'e dans fies temps de rroiiWe. Depuis
ce temps ils furent alîemblés moins fré-
quemment ; & lorfqu'on les aficmbla , ils
n'eurent plus que la voix de iimple remon-
trance.
Ceux de la féncchauflec de Bcaucaire &
de Nimes , tenus en 1 565 , prélenterent au
roi un cahier pu mémoire de leuis deman-
des : c'eft la première fois , à ce qui paroît ,
que les états fe fuient fervis du terme de
cahier pour défigner leurs demandes ; car
dans les précédens états on a vu que ces
fortes de mémoires étoient qualifiés de cé-
dule , apparemment parce que l'on n'avoît
pas encore l'ufagc d'écrire les adles en forme
de cahier. Au refte il étoit libre au roi de
fa're ou de ne pas faire droit fur leurs
cahiers ; mais il fut toujours nécelFaire que
rordonnance qu'il rendoit fur les cahiers
des états généraux , fût vérifié au parlement
qui repréfente feul le corps de la nation.
Les états généraux ne furent aflemblés
que deux fois fous le règne de Charles V en
l'année 1569. La première de ces deux
aflcmblées (e tint en la grand'chambre du
parlement , le roi féant en ion lit de juftice ;
le tiers-état étoit hors de l'enceinte du par-
quet & en Cl grand nombre , que la cham-
bre en étoit remplie. Il ne fut point quef-
tion pour cette fois de fubhde , mais feule-
ment de délibérer fur l'éxecution du traité
de Bretigny , & fur la guerre qu'il s'agifloit
d'entreprendre. Les autres états furent te-
nus pour avoir un fubfide. Ce qu'il y a de
plus remarquable dans ces deux afTcmblées ,
eft que l'on n'y parla point de réformation
comme les états avoient coutume de faire ,
tant on étoit perfuadé de la fagefle du gou-
vernement.
La foibleffe du règne de Charles VI donna
lieu à de fréquentes aflemblées des états. Il y
en eut à Compiegnc , à Paris , & dans plu-
fîturs autres villes. Le détail de ce qui s'y
pafla , auilî-bien que dans ceux tenus fous
le roi Jean , fe trouve fort au long dans des
préfaces de M. Secoude , fur les tomes III &
fuir, des ordonnances de la troijîeme race.
Les guerres continuelles que Charles VII
eut à foutcnir contre les Anglois , furent
caufe qu'il alTembla rarement les états ; il y
en eut cependant à Melun-fur-Yevre , à
Tours ic à Orléans,
ETA
Celui de tous nos rois qui fut tirer le
meilleur parti des états , fur le roi Louis XI
quand il voulut s'en fcrvir , comme il fit en
1^166 , gour régler l'apanage de fon fiere ;
ce qui fut moins l'effet du pouvoir des états ,
qu'un trait de polir;que de Louis XI , car
ily avoitdéja long temps que ces affemblces
avoient perdu leur crédit. Il s'agiffoit d'a.l-
leurs en cette occaiion d'un obiet qui ne
concernoit point les états , ÔC pour lequel il
n'avoit pas beloin de leur confentement.
Depuis l'année 14S4 , époque du com-
mencement du règne de Char'es VIII , il n'y
eut po'.m d'états jufqu'en 1506 , qu'on en
tint à Tours fous Lou's Xll à l'occalion du
mariage de la fille aînée du roi.
Il n'y en eut point du tout fous François
Premier.
Du règne d'Henri II il n'y en eut point
avant ifyS. Savaron en date pourtant
d'autres de 1649 : mais c'étoit un ht de
juftice.
Les états - généraux tenus du temps de
Charles IX , donnèrent lieu à trois célèbres
ordonnances , qui furent faites fur les plain-
tes & doléances des trois états ; fa voir les
états d'Orléans à l'ordonnance de 1560,
pour la réformation du royaume , appcUée
Vordonnance d'Orléans ; &C 3. celle de Rouf-
fillon de l'année 1565 , portant r.^glemcnt
fur le fait de la juftice pour fatisfaire au
furplus des cahiers des états , comme le roi
l'avoir réfervé par la première ordon-
nance. Les états de Moulins donnèrent heu
à l'ordonnance de 1 ^66 , pour la réforma-
tion de la juftice, appellée l'ordonnance de
Moulins.
Les états - généraux tenus à Blois fous
Henri III en i Ç76 , donnèrent aulfi lieu à
l'ordonnance de 1579 , laqueUe , quoique
datée de Paris Se publiée trois ans après les
états de Blois , a été appellée ordonnance de
Blois ; parce qu'elle fut drelfée lur les cahiets
accès états. Il yen eut aulTî à Blois en i jS8;
& l'infolence des demandes qu'ils firent ,
avança le délaftre des Guijes.
Le duc de Mayenne adembla à Paris en
1595 des prétendus fV.2fi-^f'/?eV(3UA; , 011 l'on
propofa vainement d'abolir la loi falique.
Comme entre les trois ordres , il n'y avoit
que celui de la noblelfe qui fût dévoué au
duc , & qu'il y avoit peu de noblelfe con-
Jidérablc
ETA
fitiérablc \ cette aiïèmblée , il propofa pour
fortifier Ton parti d'ajouter deux nouveaux
ordres aux trois autres : favoir celui des fei-
gneurs, 6c celui des gens de robe & du par-
lement ; ce qui fut rejette. Ces états furent
cades par arrêt du parlement du 5omai i 594.
Les derniers états généraux lont ceux qui
fe' tinrent à Paris en 1614. Le roi avoit
ordonné que le clergé s'allemblât aux au-
gullins, la noWellè aux cordeliers , & le nerj-
//jf dansThotel-dc-ville; mais la nobleflt &
le tiers état demandèrent permilLion de s'al-
fembler aulfi aux augullins , afin que les crois
ordres puOent confércrenfemble : ce qui leur
fut accordé.
La chambre du clergé étoit compofée de
cent quarante perlonnes, dont cinq cardi-
naux , fept archevêques , & quarante-lept
cvêques.
Cent trente-deux gentilshommes compo-
lôient la chambre de la noblefle.
Celle du tiers-état où prcildoit le prévôt
des marchands , étoit compofée de cent
quatre-vingt deux députés , tous officiers
de juilice ou de finance-
L'ouverture des états fe fi: le 17 odlobre ,
après un jeune public de trois jours & une
procelTion folennelle , que l'on avoit ordon-
né pour implorer 1 affiftance du ciel.
L'alVemblée fe tint au Louvre dans la
grande falle de l'hôtel de Bourbon ; le roi y
liégea lous un dais de velours violet lemé de
fleurs-de-lis d'or , ayant à fa droite la reine
fa mère , allife dans une chaife à dos; &près
d'elle EUfabeth , première fille de France ,
promife au prince d'Efpagne , & la reine
Marguerite.
A la gauche du roi étoit monfieur , fon
frère unique, & Chrillinc, leconde fille de
France.
Le grand chambellan étoit aux pies de fa
majelié ; le grand maure &C le chancelier à
l'extrémité du marche-pié; le maréchal de
Souvré , les capitaines des gardes& plufieurs
autres perfonnes , écoient derrière, joignant
leurs majeftés.
Les princes , les cardinaux , les ducs ,
étoienc placés des deux côtés.
Aux pies du trône étoit la table des fecré-
taires d'état.
A leur droite étoient les confeillers d'état
de robe longue , & les maures des requê-
Tome XIII.
ETA i6r
tes , à leur gauche les confeillers de robe cour-
te ; &C tout de luice les bancs des députés des
trois ordres : les ecclclialliques occupoient le
coté droit, la noblelle le coté gauche, le//erj-
état étoit derrière eux.
Le roi dit en peu de mors , que fon but
étoit d'écouter les plaintes de fes lujcts, Sc
de pourvoir à leurs griefs.
Le chancelier parla enfuite de la fituatioii
des affaires ; puis ayaiu pris l'ordre du roi , il
dit aux députés que fa majeffé leur permer-
toit de dreder le cahier de leurs plaintes &
demandes , & qu'elle promettoit d'y répon-
dre favorablement.
Les trois ordres firent chacun leur haran-
gue , les députés du clergé & de la nobleflc
debout & découverts , le prévôt des
marchands à genoux pour le tiers - état ;
après quoi cette première féance fut ter-
minée.
Dans l'intervalle de temps qui s'écoula
jufqu'à la féance fuivante , la cour prit
des mefures pour divifer les députés des
différens ordres , en les engageant à propo-
fer chacun des articles de réformation, que
l'on prévoyoit qui feroient contredits par
les députés des autres ordres ; on s'attacha
fur- tout à écarter les demandes du tiers-état,
que l'on regardoit comme le plus difficile à
gagner.
On fe raffembla le 4 novembre fuivant ;
le clergé demanda la publication du con-
cile de Trente, la nobled'c demanda l'abo-
lition de la paulette, le tiers état le retran-
chement des tailles & la diminution des pen-
flons.
L'univerfité de Paris qui vouloit avoir
féance dans la chambre des députés du clergé,
donna à cet effet fon cahier ; mais il fut
rejette comme n'étant pas fait de concert
entre les quatre facultés qui étoient divifées
entr'elles.
La noblefTe & le clergé prirent delà
occafion de demander la réformation des
univerlîtés , & que les jéfuites fufTenc
admis dans celle de Paris , à condition ,
entr'autres chofes , de fe foumettre aux fta-
tuts de cette univerfité ; mais cela demeura
fans effet , les jéfuites n'ayant pas voulu fe
foumettre aux conditions que l'on exigeoic
d'eux.
On demanda enfuite l'accomplillemem du
X
i62 ETA
mariage du roi avec l'infante , 8c celui de |
m: (iame Eliùbtth de France avec le prince
d'Efpagne,
Les trois ordres qui écoient divifés far
pkfieiirs objets , fe réunirent tous pour
un , qui fut de demander l'établilTement
d'une ciiarabre pour la recherche des
malverfations commifes dans les finan-
ces ; mais la reine éluda cette propo-
sition.
Il y en eue une autre bien plus impor-
tante qui fut faite par les députés du tiers-
état , pour arrêter le cours d'une doârine
pernicieufe qui paroifioit fe répandre depuis
quelque temps , rendante à attaquer l'in-
dépendance des rois par rapporta leur tem-
porel.
L'article propofé par le tiers-état portoit
que le roi le-.oit (upphe de faire arrêter en
l'aflemb'ée des tiats génér-aux , comme une
loi inviolable & ionciamentale du royaume ,
que le roi étant reconnu (ouverain en
France , &. ne tenant fon autorité que de
Dieu leul , il n'y a fur la terre aucune puif-
fance fpuituelle ou temporelle qui ait droit
de le priver de fcn royaume , ni de difpcn-
fer ou d'ab;oui.lre fcs fujets pour quelque
caufc que ce foit , de la fidélité & de l'obéil-
fance qu'ils lui doivent ; que tous les Fran-
çois généralement tiendroient cette loi
pour lainre , véritable , & conforme à la
parole de Dieu, fans nulle diftindion équi-
Toque ou limitation ; qu'elle feroit jurée
par tous les dépurés aux états généraux , &C
déformais par tous les bénéficiers & magif-
trats du royaume , a% ant que d'entrer en
polTcffion de leurs bénéfices ou de leurs
charges: que l'opinion contraire, auffi-bien
que cel'.e qui permet de tuer ou de dépofcr
les fouverains , ik: de fe révolter contre
eux pour quelque raifon que ce foie, feroient
déclarées fauliés , impies , détcfcables , &
contraires à l'établilTemcnt de la monarchie
françoile , qui dépend immédiatement de
Dieu fewl ; que tous les livres qui enfeigne-
loient cette mauvaile dodlrine , feroient
regardés comm.e féditieux & damnables , &c.
enfin que cette loi feroit lue dans les cours
fouvcrainesiSc dans les tribunaux fubalter-
nes, afin qu'elle fiic connue & religieufem-ent
ïlbfervée.
Les partifans de la doûxine j^ernicieufe
ETA
que cet article avoir pour objet de condam-
ner , fe donnèrent tant de mouvemcns ,,
qu'ils engagèrent les députés du clergé Se de
la noblelfe à s'oppoler à la réception de cet
article fous différens prétextes frivoles ;
comme de dire , que (i l'on publioit cet
article , il fembleroit que l'on eiit julqu'a-
lors révoqué en doute l'indépendance de
la couronne, que c'étoit chetcher à alté-
rer l'union qui étoit entre le roi ôc le faint
père , & que cela étoit capable de cauier un
fchifme.
Le cardinal du Perron qui fut député du
clergé pour aller débattre cet article en la
chambre du tiers-état , poufla les chofes.
encore plus loin ; il accordoit à la vcrite
que pour telle caufe que ce foit il n'efl:
pas permis de tuer les rois , tk que nos
rois ont tout droit de fouveraineté tem-
porelle en leur royaume : mais il préten-
doit que la propofition qu'/7 /t'y a nul cas
auquel les Jujets pu/JJent être abfous du fer-
ment de fidél'té qu'ils ont fait à leur prince ,
ne pouvoir être reçue que comme problé-
matique.
Le préfident Miron pour le tiers - état
défendit la propofition attaquée par le car-
dinal.
Cependant les députés des deux autres
ordres parvinrent à faire oter du cahier
l'article qui avoit été propofé par le tiers-
état ; & au lieu de cet article ils en firent
inférer un autre , portant feulement que le
clergé abhorroit les emrepriles laites pour
quelque caufe ou prétexte que ce foit , con-
tre les pcrfonnes (acrées des rois ; Si que
pour dirtiper la mauvaife doftrine dont on a
parlé , le roi feroit fupplié de faire publier en
fon royaume la quinzième feffion du concile
de Conltancc.
Les manoeuvres qui avoient été prati-
quées pour faire oter du cahier l'article pro-
pofé par le tiers-état , excitèrent le zèle du
parlement. Les gens du roi remontrèrent
dans leur requifitoire , que c''étoit une maxi-
me de tout temps en France, que le roi
ne reconnoît aucun lupéfteur au temporel
de fon royaume , linon Dieu feul ; que
nulle puiflance n'a droit de difpenlcr les
fuiets de fa majefté de leur ferment de
fidélité &: d'obcill'ance , ni de la lldpendrc >,
priver ^ ou dépouiller, de fon royaume*
ETA
encore moins d'atceiucr ou de faire attenter
f»,ir autorité , foit publique ou privée , fur
es pcrfonnes (iicrées des fouver.iins : ils
requirent en confcquencc que les précédcns
arrêts intet venus à ce fujet , fullen: dere-
chef pi'bliés en tous les fieges , alîii de
maintenir ces maximes ; lur quoi la cour
rendit un arrêt conforme au requifitoire
des gens du roi.
Les divifions que cette affaire occafionna
entre les députes des états , firent prclfer la
prf fentation des cahiers , afin de rompre
l'aflèmblée. La clôture en fut faite le 15 fé-
vrier 1 6 1 f , avec la même pompe que l'ou-
verture avoir été faite.
Depuis ces derniers états généraux il y a
eu quelques alfcmblées de notables, cntr'au-
tres celle qui fe tmt à Paris au mois de
décembre 1616 jufqu'au ij février 1617,
où le duc d'Orléans prifidoit. Quelques
hiftoriens qualifient cette allemblée à'états ,
mais improprement 5 & en tout cas ce
n'auroit été que des états particuliers , &
non des états généraux ; & dans l'ufage
elle eft connue fous le nom à'ajfemblée des
notables.
Il paroît auflî qu'en 1651 la nobleffe fc
donna de grands mouvemens pour faire con-
voquer les états généraux ; que le roi avoir
rcfolu qu'on les tiendroit à Tours , miis
que ces états n'eurent pas lieu : en effet
on trouve dans les regiftres de la chambre
des comptes un arrêté fait par cette cham-
bre , portant qu'elle ne députeroit point à
ces états.
On tient encore de temps en temps
des états particuliers dans quelques pro-
vinces , qu'on appelle par cette raifon
pays d'états ; tels que les états d'Artois ,
ceux de Bourgogne , de Bretagne , &c. &
autres , dont on parlera dans lesfubdivifions
fuivantes.
Quelques perlonnes peu au fait des prin-
cipes de cette matière , croient que toute la
robe indiftinétément doit être comprife
dans le tiers-état ; ce qui eft une erreur facile
à réfuter.
Il eft vrai que les gens de robe qui ne font
pas nobles , foit de naiflance ou autrement ,
ne peuvent être placés que dans le tiers-état ;
mais ceux qui jouifi'ent du titre & des pré-
rogatives de noblelfe , foit d'extradion ou
E TA KJ5
' en vertu de quelque office auquel la noblt ife
eft attachée , ou en veitu de lettres particu-
lières d'aniiobliiremeiit , ne doivent point
être confondus dans le tiers-état ; on ne peut
leur comefter le droit d'êrrc compris dans
l'ordre ou ét.it de la nobleffe , de même que
les autres nobles de quelque proR-flîon qu'ils
foient^ & de quelque caufe que procède leur
noblelfe.
On entend par ordre ou éiat de la no-
bleffe , la claffe de cox qui font nobles ; de
même que p.ir tiers état on entend un troi-
fleme ordre diftind &: féparé de ceux du
clergé & de la nobleffe , qui comprend tous
les rotuiiers , bourgeois , ou p.iyfans , lef-
qucls ne font pas eccléllaftiques.
Chez les Romains la nobltfle ne réfidoic
que dans l'ordre des fénateurs , qui étoit
Vétat de la robe. L'ordre des clievaliers n'a-
voit de rang qu'après celui des fénateurs ,
& ne jouifloif point d'une nobleffe parfoite,
mais feulement de quelques marques d'hon-
neur.
En France anciennement tous ceux qui
portoient les armes étoient réputés nobles ;
& il eft certain que cette profeffion fut la
première fource de la nobleffe ; que fous
les deux premières races de nos rois, ce
fut le feul moyen d'acquérir la nobleffe:
mais il faut aufïl obferver qu'alors il n'y
avoir point de gens de robe , ou plutôt
que la robe ne faifoit point un état diflR renr
de l'épée. C'étoient les nobles qui rcndoienc
alors feuls la juftice : dans les premiers temps
ils fiégeoicnt avec leurs armes ; dans la fuite
ils rendirent la juftice fans armes & en habit
long , fclon la mode &: l'ufagc de ces temps-
là , comme font préfentcment les gens de
robe.
Sous la troifîeme race il eft furvenu deux
changemens confîdérables , par rapport à la
caufe produdtive de la nobleffe.
L'un eft_ que le privilège de noblefte
dont jouiflôient auparavant tous ceux qui
faifoient profeffion des armes , a été ref-
traint pour l'avenir à certains grades mili-
taires , & n'a été accordé que fous cer-
taines conditions ; eirforte que ceux q'ù
portent les armes fans avoir encore acquis
la nobleffe , font compris dans le tiers-
état , de même que les gens de robe non
nobles.
X 2
i54 ETA
L'autre changement eft qu'outre les
grades militaires qui communiquent la
noblelTe , nos rois ont établi trois autres
voies pour l'acquérir ; favoir : la polTelTion
des grands fiefs qui annobliiroit autrefois
les roturiers , auxquels ou permettoit de
pofleder fiefs ; l'annobiilTement par lettres
'du prmce ; & enfin l'exercice de certains
offices d'épée , de judicature , ou de finan-
ce 5 auxquels le roi attache le privilège
de noblefle.
Ceux qui ont acquis la noblefle par l'une
ou l'autre de ces différentes voies , ou qui
font nés de ceux qui ont été ainli annoblis ,
font tous également nobles , car on ne
connoît pomt parmi nous deux fortes de
nobleife. Si l'on diftingue la noblefle de
robe de celle d'épée , ce n'eft que pour
indiquer les différentes caufcs qui ont pro-
duit l'une & l'autre , & non pour établir
entre ces nobles aucune dirtindtion. Les
honneurs & privilèges attachés à la qua-
lité de nobles , (ont les mêmes pour tous les
nobles , de quelque caufe que procède leur
noblefle.
On diftingue à la vérité plufieurs degrés
dans la noblefle i favoir : celui des fimples
gentilshommes nobles ou écuyers ; celui
de la haute nobleife , qui comprend les
chevaliers , comtes , barons , & autres
feigneurs ; & le plus élevé de tous , qui efl;
celui des princes. Le degré de la haute
noblefle peut encore recevoir plufieurs
fubdivifions pour le rang : mais encore
une fois , il n'y a point de diftindion entre
les nobles par rapport aux différentes caufcs
dont peut procéder leur nobleife. On ne
connoît d'autres diftindfions parmi la
noblefle , que celles qui viennent de l'an-
cienneté , ou de l'illuftration , ou de la
puiflance que les nobles peuvent avoir à
caufe de quelque office dont ils feroient
revêtus : tels que font les offices de judica-
ture ,. qui confèrent au pourvu l'exercice
d'une partie de la puiflance publique.
Ce qui a pu faire croire à quelques-uns
que toute la robe étoii indiffinâiément dans
le tiers-état , eft fans doute que dans le
dénombrement des gens de cet état , on
trouve ordinairement en tête certains ma-
giftrats ou officiers municipaux , tels que
les prévôts des marchands , les maires Se
ETA
cchevms , capitouls , jurats , confuls , Si
autres fembUbles officiers ; parce qu'ils
iont établis pour repréfcnter le peuple ,
qu'ils font à la tête des députés du ticrs-
état pour lequel ils portent la parole. On
comprend aulTi dans le tiers-état tous les
officiers de judicature & autres gens de
robe non nobles ■■, & même quelques-uns
qui font nobles , foit d'extraction ou par
leur charge , lorfqu'en leur qualité ils
ftipulent pour quelque portion du tiers-
état.
Il ne s'enfuit pas delà que toute la robe
indiftindtément foit compnfe dans le tiers-
état ; les gens de robe qui font nobles , foit
de naillance , ou à caufe de leur office , ou
autrement , doivent de leur chef être com-
pris dans X'état de la noblefle , de même que
les autres nobles.
Prétendroit-on que les emplois de la robe
font imcompatibles avec la noblefle, ou que
des maifbns dont l'origine eft toute mili-
taire & d'ancienne chevalerie , aient perdu
une partie de l'éclat de leur noblefle pour
être entrées dans la magiftrature , comme
il y en a beaucoup dans plufieurs cours
fouveraines , & principalement dans les
parlemens de Rennes , d'Aix , & de
Grenoble ? ce feroit avoir une idée bien
faufle de la juflice , & connoître bien
mal l'honneur qui eft attaché à un (i noble
emploi.
L'adminiftration de la juftice eft le pre-
mier devoir des fouverains. Nos rois le
font encore honneur de la rendre en per-
fonne dans leur confeil & dans leur par-
lement : tous les juges la rendent en leur
nom i c'eft pourquoi l'habit royal avec
lequel on les repréfente , n'eft pas un habil-
lement de guerre , mais la toge ou robe
longue avec la main de juftice , qu'ils re-
gardent comme un de leurs plus beaux
attributs.
Les baronsou grands du royaume tenoicnc
autrefois feuls le parlement ; & dans les pro-
vinces la juftice étoit rendue par des ducs,
des comtes, des' vicomtes, & autres officiers
miUtaires qui étoienc tous réputés nobles ,
& fiégeoient avec leur habit de guerre &
leurs armes.
Les princes du fing i?c les ducs & pairs
concourent encore à l'adminiftration de U
ETA
juftice au parlement. Ils y venoicnt autre-
fois en habit long & fans épt'e ; ce ne fut
qu'en ijji qu'ils commencèrent à en uler
autrement , malgré les remontrances du
parlement , qui repréfenta que de toute
ancienneté cela ctoit rélervé au roi feul.
Avant M . de Harlai , lequel fous Louis XIV
retrancha une phrafe de la formule du 1er-
ment des ducs &: pairs, ils juroient de fe
comporter comme de bons &c lagcs conieil-
1ers au parlement.
Les gouverneurs de certaines provinces
font confeillers-nés dans les cours fouve-
rainesdu chef- lieu de leur gouvernement.
Les maréchaux de France, qui font les
premiers officiers militaires, font les juges
de la noblelTe dans les atfiires d'honneur.
Les autres officiers militaires font tous la
fonélion de juges dans les confeils de
guerre.
Nos rois ont auflî établi dans leurs con-
feils des confeillers d'épée , qui prennent
rang & féance avec les confeillers de robe
du jour de leur réception.
Ils ont pareillement établi des chevaliers
d'honneur dans les cours fouveraines , pour
repréfenter les anciens birons ou chevaliers
qui renJoient autrefois la jultice.
Enfin les bailhs &c fénéchaux qui font à
la tête des jurifdiétions des bailliages & fé-
iiéchauflees, non-feulement font des offi-
ciers d'épée, mais ils doivent être nobles.
Ils ficgent l'épée au coté , avec la toque
garnie de plumes, comme les ducs& pairs ;
ce font eux qui ont l'honneur de conduire
la noblelTe à l'armée , lorfque le ban & l'ar-
riere-ban font convoqués pour le fervice du
roi. Ils peuvent, outre cet office , remplir
en même temps quelque place militaire ,
comme on en voit en effet plufieurs.
Pourroit-on après cela prétendre que
l'adminiftration de la juftice fût une fonc-
tion au-deffous de la noblelfe î
L'ignorance des barons qui ne favoient
la plupart ni lire ni écrire fut caufe qu'on
leur alfocia des gens de loi dans le parle-
ment ; ce qui ne dimnua rien de la dignité
de cette cour. Ces gens de loi furent d'a-
bord appelles Us premiers ff'/iaienrs , maîtres
du parlement , &c endiite préfidens Ù confeil-
lers. Telle fut l'origine des gens de robe.
ETA 1^5
qui furent enfuite multiplies dans tous les
tribunaux.
Depuis que l'adminiftration de la juftice
fut confiée principalement à des gens de
loi , les barons ou chevaliers s'adonnèrent
indifféremment , les uns à cet emploi ,
d'autres à la profelTîon des armes ; les pre-
miers étoient appelles chevaliers en loix ; les
autres , chevaliers d'armes. Simon de Bucy ,
premier prelident du parlement en 1544,
eft qualihc de cnevaiier en loix ; & dans le
même temps Jean le Jay , préfident aux
enquêtes , étoit qualifié de chevalier. Les
préfi.icns du parlement qui ont fuccéùé dans
cette fondion aux b.'.rons , ont encore re-
tenu de-là le titre & l'ancien habillement de
chevalier.
Non- feulement aucun office de judica-
ture ne fait déchtoir de l'état de noblclfe,
mais pkuîeurs de ces offices communiquent
la noblclfe à ceux qui ne l'ont pas , & à
toute leur poftérité.
Le titre même de chevalier qui diftint^ue
la plus haute noblelîe , a été accordé aux
premiers magiftrats.
Ils peuvent pofléder des comtés , mar-
quifats , baronnies ; & le roi en érige pour
eux de même que pour les autres nobles .:
ils peuvent en prendre le titre non-feule-
ment dans lesadtes qu'ils palfent, mais fe
faire appeller du titre de ces feigneuries.
Cet ufage eft commun dans plufieurs pro-
vinces , & cela n'eft pas fans exemple à
Paris : le chancelier de Chiverni fe fiifoit
appeller ordinairement le comte de Chiverni ;
& h cela n'eft pas plus commun parmi nous ,
c'eft que nos magiftrats préfèrent avec rai-
fon de fe faire appeller d'un titre qui an-
nonce la puiffance publique dont ils font
revêtus , plutôt que de porter le titre d'une
fimple feigneurie.
Louis XIV ordonna en iGGj qu'il y au-
roit dans fon ordre de Saint-Michel lix che-
valiers de robe.
Enfin le duché-pairie de Villemor fut
érigé pour le chancelier Séguier , & n'a été
éteint que faute d'hoirs mâles.
Tout cela prouve bien que la nobleife
de robe ne forme qu'un feul & même ordre
avec la noblclfe d'épée. Quelques auteurs
regardent même la première comme la
principale : mais fans entrer dans cette dif.
i66
ETA
cuilioii , il fuffic d'avoir prouvé qu'elles
tiennent l'une & l'autre le même rang , &
qu'elles participent aux mêmes honneurs ,
aux mêmes privilèges , pour que l'on ne
puilTe renvoyer toute la robe dans le tiers-
état.
M. de Voltaire en fon hiftoire univer-
felle , tome II , pirge 3.40 , en parlant du
mépris que les nobles d'armes font de la
noblelfe de robe , & du refus que l'on fait
dans les chapitres d'Allemagne , d'y rece-
voir cette noblell'e de robe , dit que c'eft
un reile de l'ancienne barbarie d'attacher
de l'aviliffement à la plus belle fonction de
l'humianité , celle de rendre la )uftice.
Ceux qui feroient en état de prouver
qu'ils defcendent de ces anciens Francs
qui formèrent la première nobleflè , tien-
droient fans contredit le premier rang dans
l'ordre de la nobleflè. Mais combien y a-t-il
aujourd'hui de maifonsqui puilfent prouver
une filiation fuivie au-defllis du xij ou xiij
fiecle ?
L'origine de la nobleflè d'épée eft à la
vérité plus ancienne que celle de la nobleflè
de robe : mais tous les nobles d'épée ne
font pas pour cela plus anciens que les
nobles de la robe. S'il y a quelques maifons
d'épée plus a!:ciennes que certaines maifons
de robw , il y a auffi des maifons de robe
plus ancicraies que beaucoup de maifons
û'épée.
Il y a même auiourd'hui nombre de mai-
fons des plus illuftres dans l'épée qui tirent
leur origine de la robe , & dans quelques-
unes les aînés font demeurés dans leur pre-
mier état , tandis que les cadets ont pris le
parti des armes : diroit-on que la nobleflè
de ceux-ci vaille mieux que celle de leurs
aînés ?
Enfin quand la nobleflè d'épée en général
tiendroit par rapport à fon ancienneté le
premier rang dans l'ordre de la noble fle.cela
n'empêcheroit pas que la nobleflè de robe
ne fut compromife dans le même ordre ; &
il feroit nhfiude qu'une portion de la no-
bleflè aufli diftinguée qu'efl: celle-ci , qui
jouit de tous les mêmes honneurs & privi-
lèges que les autres nobles , fût exceptée
du rôle de la nobleflè , qui n'cfl: qu'une
fuite de la qualité de nobles , di qu'on l'a
ftnvoyâ; dans le ikrs-ciat , quieîlla claflç
ETA
des roturiers, précifément à caulc d'ua
emploi qui donne la nobleflè , ou du moins
qui efl compatible avec la noblelfe déjà
acqaife.
Si la magiftrature étoit dans le tiers-état,
elle leroit du moins à la tête ; au lieu que
ce corps a toujouts été repréfenté par les
officiers municipaux feulement.
Qu'on ouvre les procès- verbuix de nos
coutumes , on verra par-tout que les gens
de robe qui étoient nobles par leurs charges
ou autrement , font dénomm?s entre ceux
qui compofoient Vétat de nobleflè , Si que
l'on n'a compris dans le tiers-état que les
officiers municipaux ou autres officiers de
judicature qui n'étoicnt pas nobles, foic
par leurs charges ou autrement.
Pour ce qui eft: des états, il efl: vrai que
les magiftrats ne s'y trouvent pas ordinaire-
ment , foit pour éviter les difcuflîons qui
pourroient furvenir entr'eux & les nobles
d'épée pour le rang & la préféance , foic
pour conferver la fupériorité que les cours
ont fur les états.
Il y eut en 1558 une aflemblée de nota-
bles , tenue en une chambre du parlement.
La magift:rature y prit pour la première fois
féance ; elle n'y fut point confondue dans
le tiers-état ; elle fcrmoit un quatrième
ordre diftingué des trois autres , & qui
n'étoit point inférieur à celui de la nobleflè.
Mais cet arrangement n'étoit point dans les
principes , n'y ayant en France que trois
ordres ou étnts , Se qu'un feul ordre de no-
bleflè : aulTî ne trouve-t-on point d'autre
exemple , que la magift:rature ait paru à de
telles aflemblées ; elle n'affifta ni aux étais
de Blois , ni à ceux de Paris. {A)
Etat , ( Jurifpr. ) ce terme a dans cette
matière plufieurs lignifications.
Etat d'Ajournement personnel ,
c'ell la pofition d'un accufé qui eft décrété
d'ajournement perfonnel. Se repréfenter
en état d'ajournement perfonnel , c'eft fe pré-
fenter en jufticc prêt à répondre fur le
décret. Un officier ou bénéficier qui de-
meure en état d'ajournement perfonnel , de-
meure interdit jufqu'à ce que le décret foit
levé.
Etat d'Assigné pour être oui , c'eft
la polition d'un accufé décrété d'affigné pour
être oui. l'oye^^ l'artide précédent.
ETA
État de Bâtardise , c'cft la fituation
à'un enfant né hors le mariage. Voye^ Bâ-
tardise.
État , en matière bcnéficiale , fignifie ré-
créance ou provifion. L'article i 8 du titre xv
de l'ordonnance de 1667 , porte que li du-
rant le cours de la procédure celui qui avoir
la poflelTîon adtuellc du bénéfice décède ,
l'état &c la main levée des fruits fera donnée
à l'autre partie lur une limple requête , qui
fera faite judiciairement à l'audience , en
rapportant l'extrait du regiftre mortuaire ,
& les pièces juftificatives de la licilpendan-
ce, fans autres procédures.
Ce terme pris en ce fens eft principale-
ment ufité en matière de régale; au lieu que
dans les autres matières bénéficialcs on dit
récréance : quand il y a d'autres prétendans
droit au bénéisce que le roi a conféré en ré-
gale , l'avocat du régalifce fï prcfctte eji la
grand'chambre, & conclut lur le bureau à
ce que fa partie foit autoriiée à faire alîigncr
les autres contendans , & ce pendant l'état ,
c'cft-à-dire , qu'il demande que par provi-
fion on adjuge la récréance à la partie ; (ur
quoi il intervient ordinairement airét con-
forme. {A)
Etat dernier , en matière bénéficiai ,
efl: ce qui caracbérife la dernière pollciTion ,
foit par rapport à la nature du bénéfice ,
pour lavoir s'il eft féculier ou régulier , fa-
cerdotal ou non , (unple ou à charge d'amts;
foit par rapport aux collateurs & patrons ,
pour favÔT s'd eft en patronage ou en col-
lation libre , & à qui appartient le patro-
nage ou la collation ; loit enfin par rapport
à Id manière de le pofleder , pour favoir s'il
eft en règle ou en commeiide , libre ou
décrétée.
Ce dernier état décide (buvent les quef-
tions politllbires , c'eft-à-dire , que l'on le
détermine en faveur du pourvu par celui
qui avoit un droit , au moins apparent, au
timps de la dernière provilion , fuivant le
chapitre querelam X^ extra de elecl. & ekâi
pote/f. le chapitre cum olim 7 extr. de cauf.
P'^JJ'-Jf- & It chapitre confukationibus ig ,
X de jure patron. Voyez la jurifprud. canon.
au mot Etat , feft. t. {A)
Etat dernier , en matière de pc^tjfion ,
Cgnific la fuuatioiî où les chofes étoient
avant le trouble : ce terme fuppofc que i
ETA 167
\'ètat des chofes étoit d'abord dilT;^rent , 6c
qu'en dernier lieu il a changé, Voyei Pos-
session , POSSESSOIRE.
Ltat des Enpans , c'eft le rang qu'ils
tiennent dans la famille & dans la ibciété,
félon leur qualité de naturels ou de légiti-
mes, Lorfqu'on parle de \'état des enfans, on.
entend aulTi fuuvent par ce terme leur
filiation ; ainfi rapporter des preuves de
leur éciJt , aflurer leur état , c'eft établir la
filiation.
Etat d'une Femme , c'eft la fituation
d'une femme en puillance de mari. Cet état
a cela de fingulier , q x la femme ne peut
s'obliger (ans le confentcmeni ce autonfa-
tion de fon mari ; elle ne peut pareille-
ment eftcr en jugement fans être autori!éc
de lui , ou à Ion refus par juftice, s'il y a
lieu de l'accorder.
Etat de légitimité , c'eft celui d'un
enfant né d'un mariage légitime.
Etat {fe mettre en ) de la part d'un accu-
lé j c'eft le repréfenter à juftice.
Etat , ( mettre une caujh , injlance , ou
procès en ) c'eit l'inftruire & faire tout ce
qui eft néccdaire , pour que l'affaire puilîe
être décidée. Voye-^ Cause , Instance ,
Proce's.
Etat et Office font quelquefois ter-
mes lynonymes. ^"cij'f^ Office.
Etat fignifie quelquefois fimplement
une place qui n'eft point office , foit que
cette place loit une dignité , ou que ce foit
une hmplc fonction ou commilGon.
Etat de Personne , c'eft fa filiation
&CC qui l'attache à une famille. On entend
auffi quelc]ucfois par-là tout ce qui donne
un rang à quelqu'un dans la fociité, comme
la liberté , la vie civile , les droits de cité ,
la majori-é , 6"c.
Etat premier eft oppole à dernier état,
voye:^ ci-devant Etat dernier.
Etat de prise de Corps , c'eft la fitua-
tion d'un acculé décrété de prife de corps,
/'oj'e^ ce qui a été dit ci-devant au mot
Etat D'i\ journemeni personnel.
Etat , (juejlion d' ) c'eft une contefta-
tion où l'on révoque en doute la ftliationi
de quelqu'un , ou fon état , & fes capacité»
perfonnclles. Voyer État de Personne..
{A}
i68
ETA
État , en matière de compte , fîgnlfie un
tableau on m/wo/Ve dans lequel on détaille la
recette & dcpenfe du comptable , fes repri-
fes , ùc. Il y a plulîeurs fortes à'états.^
État ( bref) , ell: un compte par fimple
mémoire , à la différence d'un compte qui
eft rendu en la forme prefcrite par l'ordon-
nance, Voye[ Compte par bref état.
État de Dépense , eft un mémoire de
dépenfe. f^oye[ Compte 6' Dépense.
État final , à la chambre des comptes ,
eft celui que le rapporteur écrit en lin du
compte , luivant ce qui rélulte des parties
allouées ou rejettées dans le compte.
État des Maisons royales, eft le rôle
des officiers qui y fervent , & qui doivent
jouir en conféquence de certams privilèges.
Ces états font envoyés à la cour des aides.
Voye[ les réglemens des tailles , de 1614, art.
xxjv ; iG^4 , art. viij ; Ù la déclaration du
^0 mai i6G/}..
État de Recette , eft un mémoire ou
bordereau de recette.
État de Reprise , eft le mémoire des
reprifcs que fait le rendant compte. Voye^
Compte 6' Reprise,
État du Roi , enjîyle de la chambre des
comptes , eft Vétat arrêté au confeil , de la
recette & dépenfe à faire par le comptable.
Foye^ ce qui ejf dit dans l'article fuivant.
État au vrai, en Jiy le de la chambre
des comptes , eft un état arrêté , (oit au con-
feil , foit au bureau des finances , de la
recette & dépenfe réellement faites par le
comptable ; à la différence de Vétat du roi ,
qui eft ['état de recette &c dcpenfe qu'il avoit
à faire.
État ut jacet , fe dit à la chambre des
comptes , lorfqu'on tarde à clore un compte.
L'auditeur-rapporteur du compte en doit
faire l'état ut jacet , fuivant l'ordonnance
de 14J4) pour empêcher que pendant ce
retardement le comptable ne divertifle par
des acqu'ts mendiés , le fonds qu'il peut de-
voir. (A)
Etat , en Normandie , fignifie ordre
du prix de l'adjudication par décret. On dit
tenir état du prix de l'adjudication &' des
taux judiciaires. Article 5 de la Coutume,
{A)
Htat de Nevil , en Angleterre , eft
un ancien regiftrc gardé par le fecrétaife de
ETA
l'échiquier, lequel contient rénumération
de la plupart des fiefs que le roi pollede
dans le royaume d'Angleterre ; avec des
enquêtes fur les fergenteries , & fur les
terres échues à fon domaine par droit d'au-
baine. Il porte le nom de fon compilateur ,
Jean de Nevil , qui étoit un des juges-am-
biilans fous le règne d'Henri III , roi d'An-
gleterre. {A)
Etats d'Artois , font une afîemblée
des députés du clergé , de la noblelle & du
tiers- état de la province.
Ils font convoqués par le roi , auquel feul
en appartient le droit , fuivant le placard
du li janvier 1664.
L'objet de cette affemblée eft de régler ce
qui eft nécellaire par rapport aux fubven-
tions que la province accorde au roi , atten-
du qu'elle n'eft pas fujerte aux impolitions
qui ont lieu dans le royaume.
Cet ufage eft fi ancien , qu'on n'en
trouve point le commencement : on peut
néanmoins l'attribuer à la compoliiion de
14000 liv. que firent les habitans d'Artois
avec le roi Charles V , le premier décembre
I5'i8 , pour leur part de la contribution
annuelle aux frais de la guerre. Cette fomme
de 14000 livres qui a toujours été nommée
['ancienne aide ou compofition d'Artois , étoit
réglée par les élus d'Artois , Boulenois ,
Saint- Pol , refforts & relévemens , félon la
Caroline en chartre du roi Charles VI , du
5 1 octobre 1409.
La tenue de ces états n'a jamais été inter-
rompue , fi ce n'eft depuis la prifc d'Arras
en I 640 , jufqu'à la paix des Pyrénées , après
laquelle le roi rétabht le pays dans fes an-
ciens privilèges. La première ademblée fe
tint dans la ville de Saint- Pol en 1660; mais
depuis on les tient toujours à Arras.
L'évêque d'Arras eft le préfident-né des
états. Voy. l'état de Franireû'e Boulainvillieisi
diclionnoire delà Martiniere; Ù Maillart/i/r
la coutume d'Artois , p. 1 68.
Etats de Bourgogne , font les états
particuliers ou affemblée des trois ordres
du duché de Bourgogne , qui fe fait tous
tes trois ans ou environ , au mois de mai ,
à moins que le roi n'avance ou retarde la
convocation.
On y règle les impofitions de la pro-
vince.
ETA
A Pcgard du détail de ceux qui y ont
entré , voyc^ la defcription de Bourgogne ,
par Carreau. Voye^ aujfi ci-aprUsErATS DU
Charolois s- Etats du Maconnois.
États de Bressk , font les états parti-
culiers de cette province. Us fe tiennent tou-
jours avant ceux de Bourgogne . donc ils font
diftingucs , quoique du relie la BrelFe falTc
partie du gouvernement de Bourgogne. Le
tiers- état y e{\compofé des députés des vingt-
cinq mandemens qui compofeiu tout le pays,
Voyei Pigagnol de la Force,
États de Bretagne , autrefois fe re-
noient tous les ans; mais depuis 1650 on
ne les ailèmble plus que de deux ans en
deux ans. Le tiers-état cft compofé des dé-
putés des quarante communautés de la pro-
vince , donc quelques unes ont droit d'envo-
yer deux députés ; les autres un feulement.
Ce corps n'a qu'une feule voix.
États du Bugey : outre les affemblées
générales des trois ordres , le tiers-étaty nem
des alfemblées particulières, avec la pcrmiU
Cion du gouverneur.
États du Charolois : quoique le Cha-
rolois falTe partie du duché de Bourgogne ,
il a néanmoins fes états particuliers qui dé-
pendent en quelque m.aniere des états géné-
raux de la province , dont ils reçoivent les
comminîons pour faire l'impolîtion de leur
cote-part des charges générales. Ces états
s'alfemblent dans la ville de Charolles,
État du Clergé ou Etat de l'Eglise ;
c'eft l'ordre des eccléfiaftiques , compofé
de ceux qui font députés aux états.
États de Dauphiné : cette province
éroit autrefois un pays d'états ; mais ils
furent lupprimés en i6iS , par une ordon-
nance qui établit en leur place fix bureaux
d'éleftions.
États généraux, ou États du Royau-
me ; c'efr-à-dirc , ceux où fe trouvoient les
députés des trois ordres de toutes les provin-
ces. ^oye^a'-^ev.7/z/ Etats,
États de Languedoc , étoient ceux
qui fe tenoient par les députés des trois or-
dres de la partie méridionale de la France ;
laquelle partie ccoit anciennement toute
comprife fous le nom de pays de la Lan-
guedoc , qu'il ne faut pas confondre avec le
Languedoc proprement dit. Du temps que
les Anglois polledoient la Guyenne & au-
rore xni.
ETA 169
très pays circonvoifins , la Languedoc ne
comprenoit que le Languedoc, le Quercy ,
& le Rouergue.
États de Languedoc : leur établilTe-
ment cft fort ancien ; avant la réunion de
cette province en un feul corps , les com-
tes de Touloufe & autres feigncurs par-
ticuliers alfembloient chacun leurs fujets ,
lorfqu'ils vouloient faire fur eux quelque
impofition. Depuis la réunion de cette pro-
vince à la couronne , on obfervoit encore
d'afTcmbler les habitans du Languedoc par
fenéchaullées , jufqu'à ce que l'on trouva
plus à propos de les convoquer tous en-
femble, c'eft- à-dire, deux députés de cha-
que diocefc ; un pour le clergé , qui eft l'é-
vêque ; & un baron pour la noblelTe & les
dépurés des principales villes. Quelques-
uns prétendent que c'etl: fous Charles VII
que cette dernière forme à été établie : 011
trouve cependant encore depuis , quelques
commilTîons adrcllées aux féncchaux ; &:
ce n'efi: que depuis l'an i joo , temps auquel
remontent feulement les regillres des états ,
qu'on eft certain que la forme qui a lieu
prélentement, étoit déjà observée.
Les états de Languedoc s'aflemblent tous
les ans : autrefois leur féance fe cenoic al-
ternativement dans différentes fénéchauf-
fées , préfentement ils s'aiTemblent ordi-
nairement à Montpellier : l'archevêque de
Narbonne en eft préfident-né.
États de la Languedoyl , étoienr ceux
de la partie feptentrionale de France ; ce qui
comprenoit toutes les provinces qui font
en- deçà de la Loire. On difoit quelque-
fois, comme termes fynonymes, états de
la Languedoyl S' du pays coutumier ; cepen-
dant le Lyonnois , qui fe régit par le droit
écrit , envoyoit aulîî fes députés aux états
de Languedo!:.
États du Maconnois: cette province ,
quoiqu'elle falTe partie du gouvernement
de Bourgogne , a fes états particuliers , qui
font l'impofition des charges que le Macon-
nois doit fupporter. Cette quotité étoit au-
trefois un quatorzième au total ; aujourd'hui
elle eft du onzième.
Etats de la Noblesse , /îgnifie Vor-
dre de la ncbkffe dans les états généraux
dans les procès verbaux de coutume &:
autresafTemblces publiques. Qiiaiiion parle
y
i-jo ETA
de Vétat de la nnhiejje , on entend par-là les
députés de l'ordre de la noblefle.
Etats particuliers , font ceux d'une
province ou d'une ville ; ils font oppofés aux
étûts généraux. Voyez ci-devant ce qui en a
été dit au mot États.
États du Royaume , font la même
chofe que les étais généraux. Voyez ci-devant
Etats.
Etats , (tiers-) c'eft le troifieme ordre
de l'état , compofé des bourgeois & du peu-
ple , lepréfencés dans l'ademblee des états
par les députés des villes. Voy. ce qui en a
été dit ci-devant au mot Etat.
États , ( trois ) lont les trois ordres du
royaume ; lavoir le clergé , la noblelTc , &
le tiers- état.
États des Villes , font raffemblce
particulière des officiers, principaux habi-
tans & notables bourgeois des villes , loif-
que le roi leur permet de s'alîembler en
forme à'états , pour dél.bvircr de leurs affai-
res communes, f A )
État , ( Médecine ,) ax^»' : ce terme eft
employé pour défigner le temps de la ma-
ladie auquel les lymptomes n'augmenrtnt
plus ni en nombre ni en violence, ôc lub-
fiftcnt dans le dernier degié de leur accroif
fement : c'tfl: alors que la maladie eft dans
toute fa force.
On fe (ert aulTî du même terme à l'égarl
de l'augmentation fixée dés fymptomes qui
accompagnent le redoublement ou l'accès
dans les maladies qui en (ont fufceptibles.
Voye:^ Maladie , Fièvre , Temps , Re-
doublement , Paroxisme ou Accès.
id)
Etat de la Guerre. Ce que l'on ap-
pelle Vetat de la guerre , c'eft la d.fpolition
ik les arrangcmens néceflaires pour la faire
avancageuiement. C'eft proprement le plan
de conduite qu'on doit luivre , relative-
ment à la nature & au nombre des troupes
qu'on peut metrre en campagne, à celle de
l'ennemi , & au caradVere du général qui
doit lîs commander.
Ainli un prince qui ne peut avoir des
armées aulîi fortes que celles de fou ennemi,
doit lui faiic une guerre de chicane ou
défenlive. L'état de la guerre formé par Ion
général, conliilcra à cvittr les affa-res dé-
cifîvcs , & à fc porter toujouis allez avau-
ETA
tageulèment pour détruire les projets & les
delTeins de l'ennemi , fans s'expofcr à être
forcé de combattre. Un général dont la ca-
valerie fera fupérieure à celle de l'ennemi ,
réglera l'état de la guerre , pour la faire
agir -, c'eft-à-dirc , que cet état conliftcra
à faire enforte d'attirer l'ennemi dans les
plaines , & à le tirer des endroits fourrés ,
propres à l'infanterie. Si au contraire il eft
plus fort en infanterie , ou que la fienne
loit meilleure que celle de l'ennemi , il
occupera les lieux forts , où la cavalerie ne
peut manœuvrer que difficilement. Enfin ,
dans quelque lituation qu'il fe trouve , l'état
de la guerre conlifte à régler tout ce que
l'on peut faire de mieux pour tirer le plus
d'avantage poiTîble de fes troupes , arrêter
les dcilems de l'ennemi , &c lui faire , au-
tant que l'on peut , fupportcr tous les mal-
heurs (ie la guerre.
Il n'appartient qu'aux généraux du pre-
mier crdre de pouvoir régler avec faccès
Vétat de la guerre qu'ils doivent faire ; c'cft
le fruit de la fcience militaire , d'une ex-
périence conforamée & réfléchie , d'une
grande connoifiance du pays qui doit être
le théâtre de la guerre , de la nature des
troupes qu'on aura à combattre , de l'ha-
biiece & du caraétere des généraux qui doi-
vent les commander , te. Nous (ommcs
lort éloignés de vouloir (.ffleurcr leulement
cette importante matière , lur laquelle il y
a peu de détails latisfaifans dans les auteurs
militaires. Nous renvoy.Mis les leétcursà la
ieciiiide partie de \'art de la guerre , par
M. le Maréchal de Paylegur ; au Co men-
taire fur Poljh.:, de M. le Chevalier Fo-
lard , tome V pjg.^^x & futv. aux mémoires -
de Montecuculli , te. Nous ajouterons feu-
lement ici deux exemples de projets tie guer-
re biencntendus&b.en ex^curfs, qui pour-
ront donner quelques idées de l'importance
de cette partie ellciuicUe de la guerre dans
UH général.
En 1674 , les ennemis avoient formé le
dcfTcin de nous chalTerentieiement de l'Al-
face. Us avoient, félon M. le m irqaisdcFeu».
quiere , une armée de plus de (o xante mille
hommes , & M. de Turen.ie n'en avoir pas
vingt mille ctfedifs. M. de Louvois étoit ,
dit-on , d'avis de ne faire qu'un bûcher de
cette province, pour empêcher les cmie-
ETA
mis ic s'y (établir & d'y prendre des quar-
tiers d'hiver ; " mais M. de Turenne ,
» que le grand nombre d'ennemis n'effraya
w jamais, fut effrayé d'une telle réfolution.
f> Ce grand capitaine fut d'un avis con-
I' traire à celui du miniftre ; il régla Vécat
» d'une campagne d'hiver qu'il communi-
» qua au roi , & lui promit de faire eii-
y> forte que les quartiers d'hiver des Im-
»> périaux en Alf^ice, de la csnquête de
>• cette province importante, deviendroient
>» une pure imagination , par le deffcin
»» qu'il s'étoit formé , &c les mefures qu'il
Tt s'ctoit rcfolu de prendre >». C'efl: ce qu'il
cffedua cnfuite ; car il enleva tous les quar-
tiers de l'armée ennemie les uns après les
autres , Se il chaffa toute cette armée éta-
blie en-deçà du Rhin, bien au-delà de ce
fleave , pour aller chercher des quartiers
ailleurs. On voit par-là un deffein pris &
arrêté fur ce que l'ennemi pouvoir faire. M.
de Turenne avoir prévu que les Impériaux
ne pourroient pas marcher enfemble en
corps d'armée , ni demeurer unis , par la
difficulté de trouver des vivres. Sur cette
confîdération il prend le parti de s'arranger
pour les battre en détail , fans qu'ils pufTent
fe fécourir les uns & les autres , Voilà un
état de guerre , ou , fî l'on veut , un projet de
guerre réglé , bien entendu , & également
bien exécuté.
Le fécond exemple qu'on rapportera ,
eft celui de la campagne de 1677, de M.
le Maréchal de Créqui. Ce général deveit
agir comte M. le duc de Lorraine , 5c
avoir une armée fupérieure à la fienne ; mais
dès le commencement de la campagne M.
de Créqui avoit écrit au roi que cette ar-
mée fupérieure ne feroit rien , & qu'il fîni-
roit lui-même cette campagne par la prife
de Fribourg: c'eft-à-dire , qu'il avoit réglé
un état de guerre iéicnÇise ^ fuivant lequel
l'ennemi ne pourroit rien entreprendre
contre lui. En ctîct , " ce maréchal durant
» quatre mois, die M. de Feuquiere,ne
" perdit jamais fon ennemi de vue , &
" s'oppofa toujours de , front à tous les
" mouvemens en avant qu'il voulut faire ,
» (bit du coté de la Sarre , foit pour palfer
» la Meufe du côté de Mouzon : fans que
" dans aucun des mouvemens hardis que
!> M. le Maréchal de Créqui fît faire à (on
ETA 171
» armée, M. de Lorraine pût trouver l'oc^
» cafîon de le combattre ; parce que M.
» de Créqui , qui vouloir éviter un enga-
>> gement général , conipafîa Ci fagement
» jufqu'à fes moindres mouvemens , qu'il
» ne donna jamais à ce prince aucun temps
'« qui pût lui procurer la poffibilité de
" l'attaquer avec l'apparence d'un fuccès
» heureux. La campagne s'écoula prelque
>» toute entière dans ces mouvemens , qui
" produi firent aux ennemis une grardc
» perte d'hommes , un grand dépérifle-
» ment des chevaux de leur cavalerie , &
•> de leurs équipages •».
Le mauvais état de cette armée ayant
obligé M. le duc de Lorraine de la fiparer
avant celle du roi , comme h\.. de Créqui
l'avoir prévu : » Notre général , dit le fa-
» vant officier qu'on vient de citer , qui
» fort fecrétement s'ecoit préparé au (icgc
» de Fribourg , eut le temps de prendre
" cette place avant que M. de Lorraine
" put feulement ralfcmbler une partie de
» fa cavalerie pour marcher au fecours de
" cette ville „. Mémoires de M. le mar"
quis de Feuquiere , totiie II de l'édition
in- 11.
Il eft difficile de refufer fon admiration
à des projets de campagne tels que ceut
dont on vient de parler ; on les voit aulli
habilement exécutés que judicieufemenE
conçus. Il faut fans doute de très-grands
talens pour produire de ces exemples de la
fcience du général ; ceux qui les podédcnt
bien , font de grandes choies avec de peti-
tes armées. Les efprits ordinaires fe con-
tentent de pouder le temps bien ou mal ;
les combinaifons de dilî^erens deifeins de
l'ennemi , & des moyens propres à arrêter
ces deifeins , leur paroilfent difficiles , ôc
elles le font en effet. Il eft plus commode
d'agir félon les occafions ; mais lorfqu'on
n'a point de projet ou d'objet antérieur ,
on parvient rarement à faire de grandes
choies. ,, Qiu prévoit de loin ne fait rien
„ par précipitation, puifqu'il y penfc de
,, bonne heure ; & il eft difficile de mal
,, faire , lorfqu'on y a pcnfé auparavant ,,.
TeJIarne/it politique du Cardinal de Riche-
lieu. (Q)
État-Major : on appelle état-major
généralï l'armée, l'affemblage de plulicurs
Y z
1/2 ETA
officiers chargés de veiller à tout ce qui
concerne le fervice du corps ; fa marche ,
fon campement , fes logemens , Tes fubfif-
tances , fa police & fa difcipUne.
\J état- major de l'armée cft compofé du
maréchal général des logis de Parmée ,
dont la fontlion eft de dilpofer les mar-
ches & de faire les campemcns ; du maré-
chal général des logis de la cavalerie , qui
doit faire les dérails de la cavalerie ; du
major général de l'infanterie , pour les dé-
tails de l'infanterie; du capitaine des gui-
des , qui en fournit quaad il en eft befoin ;
de l'intendant avec les commiiïaircs ; d'un
prévôt avec fes archers , pour faire juftice
lorfqu'il en eft befoin , &'c.
L'infanterie a un état-major général , de
même que la cavalerie légère & les dragons.
'L'état-major général de Pinfantcrie fut créé
par François I, en 1515 ; celui de la cava-
lerie légère par Charles IX, en 156; ; &
celui des dragons par Louis XIV, en 1669.
Il y a auffi un état-major dans les places
ce guerre , & dans la plupart des régi-
rnens. ( Q )
État D'ARiMEMENX , ( Marine. ) c'eft la
lifte que l'intendant de la marine envoie à
la cour , contenant le nombre des vaifleaux
qu'on doit armer dans fon département ;
avec le nombre des officiers, & autres
officiers , matelots , &c. qui doivent y être
employés.
Etat e'Armement d'un Vaisseau; c'eft
un détail trcs-circonftancié , qui marque le
îiombre, la qualité & les proportions des
agrès , apparaux & m.unitions qui font em-
ployés pour le mettre en état de faire fa cam-
pagne ; & comme ce détail eft curieux , nous
joindrons ici un état d' armement pour un vaiC-
ieau du roi du premier rang.
AT A T de la garniture , armement & rechange
d'un vaijfiau du premier rang.
Long. Groff!
ETA
JJraS
pouc.
Haubans.
6 Haubans d'artimon . . 130 y^
2 Eftai . . . . 187
10 Haubans du grand mât . z6o 9
long. Grolî,
Jirajr.
Eftaî . . . 40
Haubans de mizaine . 210
Eftai . . . zi
Funins d'Artimon.
Enflechures . .
Rides . . .
Batarts de racage
DrilTe . . .
5ps
So
8
Orces
Itague
Drifte
Palant d'amure
palanquins
70
55
iS
16
40
i4
M
60
Itague
Bras
Balancine
5^
4 »
îi
5 .
5
Z
2 i
, X.
■) *
I
1 T
5i
l
zi
fOUi.
7^
II
quar.
pes.
1 iv Martinet • • „
% .^io quarant,
Gambes de hune . 32 2. 1
Garniture du perroquet de fougue.
8 Haubans . .
2 Galaubans . .
> Eftai ....
I J Itague ...
1 Drilfe ....
Rides , d'aubans &
galaubans . .
2 Efcoutes ....
2 Boulines . . .
Batart de racage
2 Bras
2 Balancines . . .
2 Cargue- points . .
Funins du grand mât,
I DrifTc
1 Itague
2 Efcoutes .
2 Efcouctcs
2 Boulines
2 Bras . .
Pandours
et Balancines .
120
40
50
26
66
86
{::
86
64
I
I I T
8
U
u
ETA'
ETA
Long. GroJT.
piiiic.
Cargues-points
Cargues- fonds
Cargucs- boulines
Palans d'amure
Cargue-bas
Caliornes .
Grands palans
Itague
Pantoquire
Palan il'eftai
Pcndours
Bredin(iin .
Enflechures
Rides
Batarcde racage
Ride d'eftai
Fourrures d'eftai
7 p«s quar.
iio 4
45 4T
5° 4T
14 pesquar.
Funins du grand hunier.
Aubans . chaque
Galaubans . idem
Rides .
Eftai & Ton palan
Guindercfl'e .
Driflé .
Itague .
FaufTe itague
Efcoutcs
Boulines
Bras
Pcndours
Balancines
Cargues-points
Itagues .
Cargues- fonds
Contre- fanons
Enflechures .
Gambes de hunes
Rides d'aubans
Batart de racage
Palanquins
cote
150
150
24
26
^4
70
80
26
28
64
88
88
100
26
40
80
4 F
7^
70
22
20
i4
5r
S\
5i
6|
6
II
3
4.
^1
'î
2 T
" quar.
? î
3i
i|
Garniture du grand perroquet.
Aubans
Galaubans
36 5
48 }
I
I
2
2
2
2
2
2
2
I
I
2
2
2
2
10
6
I
I
I
I
1
2
2
2
2
2
I.onj Ciofl".
Eftai .
Bras
Pendours
Boulines
Balancines
Driffe .
Cargues-points
Gambes de hunes
Rides d'aubans &
bans
Batart de racage
Funins du mât
Drift" .
Itague .
Efcoutes
Efcouets
Boulines
Bras .
Cargues-points
Cargues- fonds
Cargues -boulines
Cargue-bas .
BrelEin ,
Caliornes
Itagues
Palans de candeictti
Pantoquircs .
Enfleciiures .
Rides d'aubans & eftais
Batart de racage
Fourrure d'eftai
Balancines
Funins du petit
Aubans .
Galaubans
Rides .
Eftai . ^ .
Guinderefl'e .
DrifTe .
Itague .
FaulTe itague
Efcoutcs
BouUnes
Bras
Pendours
Balaiicines
Cargues-points
26
7i
7i
36
60
76
i4
alaii-
40
7
d'avant.
pouc.
li
G
II
G
1 10
36
90
26
66
80
80
116
yj
46
20
160
56
80
SG 2
7 P^* quar,
1 60 3 î
yo 4I
7pes
80
7i
3i
5f
5l
, s.
6
4f
5l
, i.
5 4-
quar,
3l
hunier,
122
134
30
20
6j
76
24
26
60
80
84
7I
80
94
5
/
3l
5i
I
3 î
;é
8
3l
3
5 I
3
174
ETA
ETA
Ion?. GrofT.
Brajf, foiii.
long.
GroJf.
I^raJT
pont.
i Itagues
ï
14 5 T
2
Cargues-poinrs . 50
1
Cargues-fonds
t
58 2 i
Rides d'aubans . 24
i
Z Cwncre-fanons .
1 T
Batart de racage . 6
2
i Itagues
Palanquins
i
18 3 .
46 2 1
Les manœuvres des voiles d'ejîai.
Gambes de hune .
70 } î
I
Faux eftai pour l'arti-
Rides d'aubans & eftai.
60 5 V
mon de la voile d'eftai. 13
t
3 »
I Batart de racage .
20 3 î
I
Drifte . . 26
2
Garniture du peti
(perroquet. |
I
Eicoute & amure . 12
i 4
é Aubans
54 2. i
I
Faux eftai pour le grand
mât de la voile d'eftai. I18
DrllTe . . 3(î
Efcoute & amure . 1 5
1
2 Galaubans .
1 Eftai .
2 Bras
48 2 i
70 I T
I
I
4 T
a Balancines ,
J2 I \
I
Faux eftai pour le grand
hunier de la voile
2 Cargues-points
I Drifte .
Batart de racage
6f 2 i
X
I
1
d'eftai . . 13
Drille . . 26
Eicoute &■ amure . 18
3I
2
2
I Itagae
7 1 i
I
Faux eftai pour la voile
Rides d'aubans &
laubans
2 Boulines
ga-
36 î ,
68 I i
I
d'eftai du petit hu-
nier . . 12
Drifte . .24
u
Gambes de hune
23 I h
I
Efcoute & amure . 1 7
.î
Enflechures .
4 quarant.
Funins de
beaupré.
Manoeuvre des bonnettes en étai.
1 Efcoutes
70 3
2
Driftes de grand hunier. 90
1
5 4
i Dormans
M 4 4
2
Efcoutes & amure . 50
2 4
I Driffe
M 5 4
2
Driftes du grand mât. 80
1
1 Itague
14 6
2
Efcoutes & amure. 24
î
X Bras doubles
74 J ^
2
Drilfespour petit hunier 85
5 ,
2 Balancines .
70 3 T
2
Efcoute & amure . 28
ff
i 4
2 Cargues-fonds
40 2 |:
2
Drilfes pour mât de
2 Cargues-points
44 i 1
mizame . . 80
Efcoute & amure . 22
' ,
2 Palanquins .
64 2 T
2
1 ■?
I Palan de bout
Lingues
30 3
60 hg.p.jp'.
Marcke-piS de vergue.
Merlin- lufin
■>
Grandes vergues . 20
4 -î
Bittore
2,
Rides . . 12
2 i
Garniture du perrc
que
' de henupri.
2
Vergues de mizaine. 1 9
S
4 -
g Aubans
îi 4 ?"
2
Rides . , 12
^i
1
f 36 2 _
2_
Vergues de grand
ï Eftai
• '
^ 5 î i
1 •
hunier . . 14
I
i 4
j Drifte
20 2
1
Rides . . 8
2
j Itague
^ ' t
2
Vergues de petit
2 Balancines .
30 I q;
hunier . . 13
5
i, Bras
50 i
2
Rides , . 8
2
ETA
Fqux ejîai.
Long. Groff*.
Br^Sf- fouc.
Pour le grand mât
Nlâ: de mizaine
Siirpente
Franc funin .
Grande élingue
>Pour e(res de poalics.
Ponr bofles fur le pont
& faulll' aux cables. 70 9
Cables , grelins , & auffiercs.
izo ij
Cables
Grtlin
ères
z
Tourneurs . . 5J n
Vjeux cables pour
fourrure à 6 liv.
le quintal . izo 15
Ancres & leurs ufenfiles.
I
z
z
de Jjco liv. ")
de 50CO >
d- 4800 )
Grandes ancres à
30 1.1c quintal.
I
1
di; i6co 5)
de 1 zo"b 2i
Ancres à louer à zz
1. le quintal.
1 Bulles à 20 i. le quintal. 50 5
6 Serre-bofles //&7i , de 71 7
z Garans de capon , idem 60 j
ETA 175
Long GiofT
Biajp. fouiy
1 Grebin pour orins , idem 80 6 7
Boies en barrils ou du
bout de mât à i liv.
loi. pièce . . (4 boies
l-
P^* quar.
pef. 58 1.
z Poulies de capon garnies à 70 1.
le quintal pefant 100 liv.
Mais , vergues , & jumelles.
1 Mât du grand hunier de 66 p. zo paL
I Màt du petit hunier de J9 18
Verguesdchunier
^ I de 60 14
1 I de 56 12
TCide45 i> loefp.
J^z dc40 18 & 19
7 l:
Jumelles
I Pomede . , ^8 18
z Jats d'ancre à ij 1. pièce.
I GoulFet de gouvernail à 5 1.
pièce
6 Arboutans ferrés à 6 1. pièce.
Cordage neuf de rechange.
I Grande itague . 40 1 1 :j
I Itague de mizaine . 36 n
z Grands efcoiiets en queue
de rat . . z6 8
z Efcoiiets de mizaine. z6
z Grandes efcoutes en
grelins . . 90 6 ^
z Efcoutes de mzaine zo 6
I Grande drilfe . 1 10 6 r
I Driflc de mizaine . uo 6
I Grande gui nderclfe . 70 7
I Guinderelle d'avant. 6; 6 -j
z Efcoutes du grand hunier. 64 8
z Efcoutes du petit hunier 60 8
I Itague & faulle itague
d'hunier . . 80 6
I Pièce pour aubans de
hunier . . 80 j {•
5 P:ecesde4 pouces &: demi
3 P'ecesde4pouces.
4 Pièces de 4 pouces & demi
4 Pièces de 3 pouces.
6 Pièces de 2 pouces.
6 Pièces de z pouces & demi
1/6 ETA
6 Pièces d'un pouce & demi.
il, Qiiarantcnitns doubles.
Il Qaaraiiteniers (impies.
i4 Lingues d'amarages.
Mtrlni & luzin.
Bittore.
FouUes & capes de mouton de rechange.
t Poulies de dride,
1 Poulie d'itague & faufle itague de
huilier,
i Poulies de guinderefle.
2 Poulies de capon.
z Poulies de caliornes pour le canon
1 Poulie de retour pour le canon.
8 Poulies de caliornes pour la chaloupe.
6 Poulies de bouc de vergue.
j 1 GrofTes poulies fimples pour le retour,
2 Poulies coupées pour boulines.
ï 1 Poulies doubles à palans & palanquins.
8 Poulies lîmples de grands palans de can-
delecre.
4 Poulies plates.
4 Poulies de balancines.
ifij Poulies lîmples de toute forte.
4 Rouets de poulies.
40 Caps de moutons de toute forte.
jz Moques de boulines.
i Grand racagc & de mizaine,
z Racages de hunier.
2 Racages de perroquet,
26 Pommes de racage.
36 Pommes de ragougées.
24 Bigots.
3 Pommes de pavillons.
6 Pommes de girouettes.
6 Pommes de flammes.
60 Chevillots.
4 Rouets de fonte pefant 50 liv. chaque.
4 Q_uintaux , bûches douze ou de bays
pour effieux de poulies
Voiles.
2 Artimon faifant . i4aun. 15 aun.
2 Grandes voiles , 45 107
2 Mizaine , . 41 9 ^
2 Grand hunier , 35 15 -j
2 Petit hunier . 50 15:;
ETA
Bonnettes b;
aflès , < 41
II
(10 9|
J i8| 8
,)i8i 74-
V 177 6-;
16
6
( 10
II
9
C 7
7
( '-
12
\ '°
16$
l 9
9
200 aun.
jo aun,
30 liv.
60 liv.
1 liv.
4 Perroquet . :
2 Civadieres '.
4 Voiles d'eftai
6 Bonnettes en étui.
Prélats
Toile noyale.
Toile mcflis
Fil de voile
Eguilles de voile ,
Vielles voiles pour four-
ruic
UJlenfJcs du Filote.
i y Compas de route.
3 Volets,
i Horloge de quart.
18 Horloges de demi-heure,
G Lignes à fonder , pefant 2.9 liv,
5 Plombs à fonder , pefant 1 8 liv.
z Lampes d'habitacle de cuivre.
1 Huiliere,
115 Aunes pavois,
Balane. Guindanf.
2 Enfeignesde poupe de 1; aun, 4 io t
faifant . , 46 aunes.
1 Pavillons de beaupré, 12 f 10
faifant , .ht
Largeur Hauteur.
40 ^ 1 4 en tout 4?
, ,i4T if J-(>h
.Cotnetces en pavillon 5 •;
Grande flamme.
Flàme de fignal
. Girouettes
^ 47
i4
i
8
51
Pièces d'étamine.
de Uvre , fil pour pavillon.
1 livres , fil pour coudre les pavillons ,
fl.unmts & girouettes.
Il Aiguilles pour rechange,
56 Aiguilles pour coudre lefdits pa-
villons,
z lignes
15
ETA
t Lignes pcfiiit 6 livres pour drlrte de
pavillon.
4 Fanaux de (ignal.
z Cloches pefanc z 5 o liv.
zoo livres , chandelles de cire pour fanaux.
Canons £r leurs ujlenjîks,
16 Pièces de fonte de 56 pefânt 60 quint.
Il Pièces . . de 14 46
16 .... de I S 40
24 .... de 1 i iS
de 8 10
21 .... de 6 i;
de 4 7
de fer . - de 1 8 pef. 44 quint
de 1 1 3 }
de 8 25
de 6 18
de 4
iio Affûts garnis.
5 Aftuts de rechange,
jo Roues d'afflits.
15 ElTieux d'aftuts.
4 Pierriers de fonte, peflint 24 quintaux.
8 Boites de fonte, pef. fo liv.
Pierriers de fer , pef. 1 60 liv.
Boîtes de fer , pef. 40 liv.
8 Clés de pierriers de fer , pef i liv. Se
demie.
Îj8 qiintaux, poudre à canon,
zo quintaux , poudre Hne à moufquet.
Boulets ronds,
800 . de 36 1. pef. 3 2 I. pièce. 256 quint.
1400 . de 24 21 i 5&r
Z400 . de 18 léj 396
zooo . de 12 loi 210
. de 8 7 1
1000 . de 6 j i jj
. de 4 3 I
. de I X
200 Balles de pierriers de pierre. 1000
Boulets à deux têtes, pefant 16 livres l'un
portant l'autre. 260 Paquets de fer. 260
Lanternes à mitraille. 2100 Mèches, 300
Palans à canon, i zo Bragues. 12c CoulTins.
zoo Coins de mires. 100 Platines de fimiercs.
100 Pinces de fer. loo Anfpcds. zSCuilliers
garnies. 12 T^rebours non garnis. 100 Re-
fouloirs de bo:s. So Refouloirs de corde.
Tome XIII.
ETA 177
270 douzaines Parchemins. 10 Ivres Fil à
gargoulles. 72 Aiguilles à gargoufles. i Ba-
lance. 220 Porte-gnrgouflcs. 100 Cornes à
amorcer. 100 Boute feux. 4 Crics. 4 Barrils
à bourre. 2 Tamis à pouJre. 6 Cuirs verts
pour foutes. 3J 1. Blanc d'Efpagne. 4 Bar-
rils pefmt 230 livres , Savon mon. 80 liv.
Suif 6g liv. Lipge. i 2 bairils de No.r. 400
Plombs en table, i morceau , vieilles Voiles
pour gargoulfes. 4 Fanaux de fonte, ^o Fa-
naux de combat. 1 2 Lanternes claires. 4
Lanternes lourdes. 6 Lampions. C Mefures
à poudre. 5 Entonnoirs à poudre. 60 Aiguil-
lettes. 4 Coupelles, i Huiliere. 4- liv. Coton
filé. 18 Bâtons de refouloirs. 18 Boutons
de refouloirs. 24 Peaux en laine. lyoo
Clous pour efcouvillons, 1 Marteaux à dents.
1000 Clous pour parquets. 6 Pièces corda-
ges neufs de 2 ou 3 pouces , pef. 5 5 1 liv. 1 8
Lignes, pefant 54 liv. 20 liv. Meilin lufin,
6 Cordages refaits , pef ^51 hv. de 2a}
pouc. 4 liv. Fil dévoiles. 12 Aiguilles de
voiles. 36 Poulies doubles. 50 Poulies fim-
ples. 6 liv. Fil-d'archal. 200 Grenades. 80
Tuyaux de grenades. 60 Pots-à-feu. 30 liv.
Huile de noix. 25 liv. Soufre. 2 liv. Salpê-
tre, yo Chevrons de 4 pies. 24 liv. Rouge
brun. 3 Broffes à peindre. 2 Cadenats pour
ioutes. 2 Barres d'efcoutilles , pefint 18 liv.
pièce. 2 Haches & bachots. 24 Crocs de pa-
lans , pef 3 1. 10 Efpi (loirs, pef 7 liv. pièce.
I 8 Plate-bandes d'affûts, pef i o liv. 60 Elfes
d'artuts , pefant demi-livre pièce. 24 Che-
villes à œillets d'affûts , pef 3 liv. 18 gran-
des Chevilles d'affats , pef i 5 liv. 24 Panru-
res du fabord , pcC 20 liv. 24 Gonds de fa-
bords, pef 14 1 V. 30 Anneaux de fabords,
pef 2 hv. 24 Chevilles à boucles pour le
bord , pef I j liv. 24 Chevilles à croc , pef
14 hv. 80 Codes. 60 Crampes, 150 Viroles,
pefmt 38 livres à railon d'un quart pièce.
150 Goupilles, pefant un huitième de liv.
pièce. 18 Boutons d'écouvillons.
Armes.
200 Moufquets. 70 Moufquetons, 70 Pif-
tolccs. 300 Baudolieres. ijoo Balles de
plomb. 70 Coutelas. 70 Haches d'armes. 30
PertuiGnes. 6 Halleb.^dcs. 70 Piques. 1000
Pierres-à-fu(il. Efpontoni. 70 Demi P ques.
4 Baguettes de fer. 72 Baguettes de bois.
1 liv.F.l de fer. 300 Crochets pour les armes.
2 Cailles pour tambours.
1/8
ETA
Cojp-c de l'Armurier.
I Bigcrr.c , pclanc lo liv. pitce. i Etau ,
pefant lo livres pièce, i Tenailles à vis. i
Tenaille Huis vis. i lilicrc garnie de quar-
reaux. i Boîce à forets , garnie, j Tourne-
vis. 3 Cileaiix à froid. 3 Racloirs en dehors.
2 Rapts. 1 Burins. 1 Bec-d'âne. 2 Cileaux
en bois. 2 Gouges. 1 paqacis , Corde de
boyaux. 3 pots Huile d'olive. )8 Limes af-
forties. 2 Marteaux. 5 Poinçons, i Tourne
à gauche.
Ufienjiles du Maître.
1 2 barils Goudron, pefant 260 liv. pièce.
18 Brolfes à goudronner, i Chaudière à
goudron. 80G livres Suif. 60 livres Oing, 3
Ecops à laver le vaifleau. 18 Seillaux de
cuir. 56 Seillaux de bois. 3 Peaux de vache.
1 8 Peaux en laine. 24 barils de Noir. 2
Lampes quarrées. 1 2 Ligoux. i Huiliere.
72. Racles. 56 Haches, pei*. 36 liv. pièce. 36
Epilfoirs, pefant 6 liv. pièce. 3 Chaînes de
vergues de 14 braC pe(. 260 liv. 3 Grapins
d'abordage & leur chaîne , pef. 280 liv. 3
Grapins à main, pef. 30 liv. 1 Crocs à can-
delettes , pef. fo liv. 15 Crocs de palans,
pef. 6 liv. 1 5 Crocs de palanquins , pef. 4 l.
48 Grandes crampes. 48 Crampes de ver-
gues. 60 Anneaux de vergues, pefant 2 liv.
pièce. 48 Codes. 10 douzaines Balais.
Ujienfiks du Charpentier ù Calfat,
I Bordage de 4 pièces, de 30 pies. 2
Bordages de 2 pièces, de 38 pies. 5 Planches
de prude. 1 20 Planches de lapin. 40 pièces ,
Planches rekiées. 24 pièces. Chevrons. 24
Efparres. 24 Barres de cabeftan. 2 Tapons
d'efcubiere. 5 Pierres de meule. 1 3 20 livres
Brai noir. 2 Pots à brai. 1 Cuiller à brai. 600
liv. Etoupes. 26 aunes, Frife pour fabare.
12 Pennes loupeaux. 4C0 liv. Plomb en ta-
ble. 60 Maugeres de cuir, i Arpan. 2 Feuil-
lets à point. 2 Couteaux à deux manches. 6
Tarrieres. 12 Vrilles. ? Gouges. S Malfes. S
Marteaux à dents. 6 Cifeauxà froid. 6 Re-
pouflbirs , pefant 6 liv. pièce. 2 Chaînes
d'aubans , pef. 160 liv. 2 Chaînes de tire-
bords , pef. 1 2 liv. 1 2 Gambes de hune, pef
12 liv. 12 Chevilles d'aubans, pef. 2j liv.
36 Chevilles & gougeons, pef. \$ 1. pièce.
12 Chevilles à boucles, pef 45 liv. 3 Che-
villes de billes , pefant 1 ç liv. 4 Verges de
girouette ^ pci. 8 liv, Ccicles de boutchors.
ETA
1 Scie de long. Chevilles à billore. Claviere.
8 Coins à ouvrier, pef. 9 liv. iS Anîicauxà
fiche pour panneaux , pef 2 liv. 2 Cercles
de cabeilans , pef 4) liv. 4 Fers d'arcbou-
tans , pef. 6 Hv. ico Viroles, pef un quart
de liv. 100 Goupilles, pef. un huitiei-ne. de
livre. 48 Crampes. Reboufe. i Gabaril de
gouvernail.
UJIenjik's de pompe.
12 Verges de fer , pef 25 liv. i j Heu-
res. r8 Chopines. 3 Crocs, pef 25 liv.
2 Rouanes, pel. 2j liv. 2 Marteaux. iS Che-
villes , pef 1 liv. 24 Jouets , pef une de-
mi-livre. 2 Cercles, pef 15 liv. 3 Bringue-
balles. 2 Echinées de cuir-fort , pef 22 liv.
3 Potences.
Clouterie.
250 liv. Clous au poids. 1^00 Doubles
caravelles. 2500 Caravelles. 5000 Demi-
caravelles 550C de Lide. 4000 Double- tiU
lacs. 40CO Tillacs. 4C00 Demi tillacs. écco
de Plomb. 7C00 de Maugeres. Sooo de Pom-
pes, joo de Sabord.
Ujienjiles de fond de calle.
Go Tonnes de 3 bariques , contenant 11
milliers pièces. 8c Pipes , contenant 8 mil-
liers. 40 Barriques de 4 milliers. 30 Barils à
eau. 2 .Manches à eau, pel. 150 liv. 20 liv.
Licge. 24 Lanternes claires. 12 Lam.pions.
6 milleroUes , Huile d'olive. 2 livres j Co-
ton hlé. 700 liv. Chandelles de (uif. i 2 Pel-
les ferrées. 1 2 Pelles de bois. 4 Piques ou
fapes. 30 Mannes. 24 liv. Fer blanc. 24 1.
Fer noir. 2 Barres pour prifonniers , pef.
5oliv.2Cadcnats.
Cuifincs.
2 Grandes Chaudières , pefant 100 liv.
2 Cuillers. 2 Ecumoircs. 2 Crocs pour chau-
dière. 2 Chaînes , pelant 6 liv. pièce.
Chaloupes S' canots garnis de leur gouvernail
& rouctS'
I de 5 5 pies 9 pouces, i de 28 & demi, i de
1 6 pies i5c demi. 4 Mâts. 3 Vergues & trin-
quectes. 3 Pavillons contenant 5 5 aunes& urï
quart. 4 Girouettes, pel. 80 livres. 4 grapins
ptfant 80 1. 6 Chandeliers , pefant 50 liv. t
Veiges de girouettes , pefant 6 liv. 4 Ferru-
res de gouvernail , pelant S liv. 10 Gaffes ,
pefant il. 71 Avirons. 12 Elcapes. Cordage
pour amarrer derrière le vaifleau, pefant joo
1. i Piicecor.lage pourcableau de 4 pouces
& demi, pefant 2ii liv. i Pièces cordage.
ETA
petite garniture de i pouces & demi , pef.
iS8 liv. 5 Pièces qiiaranteniers , pefan: 41
liv. 3 Pièces lingues d'amarrage , pcf. 9 liv.
6 liv. Merlin luzin. 40 liv. Bitord. 1 6 Poulies
fimples. 14 Caps de mouton. 18 Crampes.
iz petits Crocs. 6 Mâches 8c marteaux. 5
EpilToiis , pcf. 6 liv. 6 Racambauds , pel.
I liv. & demie, i Pièce cablot pour canot,
de z pouces , pcf. 94 liv. 1 Pièce garniture
du canot , de i pouce trois quarts, pelant
40 liv. I Pièce quarantcniers pour le canot,
pef 14 liv. I liv. Luzin. 5 Voiles &c trin-
quettes , contenant 204 aunes.
Ornemens de chapelle.
I Calice d'argent, fa patène, coifte& étui.
1 Ciboire d'argenc & fon étui, i Pierre bé-
nite. I Crucifix d'argent. 4 Chandeliers d'ar-
gent, I Bailla d'argent. î Burettes d'argent.
I Boîte d'argent pour les faintes huiles. 1 Bé-
nitier d'argent. I Millèl. I Rituel, i Canon,
I Evangile, i Lavabo, z Corpor.^.ux. i Palle.
5 Purificatoires, i Voile. 2 Amits. z Aubes,
1 Ceintures. 1 Manipule. 1 Etole. i Chafu-
ble, 5 Nappes. 5 Serviettes, i Devant d'autel,
I Surplis. I Bonnet quatre. zCoulïîns. i Clo-
chette d'argent, i Boite à hofties. 1 Fanal.
1 z liv. Bougies, i Coffre pour mettre les
ornemens de chapelle.
Coffre de médicamehs pour Jîx
mois , a 800 hommes.
^ ' '^
Cordiaux.
2,G onces Confe<5tion d'Hyacinte, Z4 onc.
d'Alkermes, 51 onc. Opiate de Salomon. 1
iiv. 7 Thériaque fine.
Elecîuaire
I z liv. Catholicon fin. 40 liv. Catholicon
iimple. 10 liv. Confedion hamech. 8 livres
Diaprum compofé. 6 liv. Diaphocaica. 4 K
Tripira perfica. z liv. Poudre diacartami. 4.
liv. Conferve de rofes. 4dragm. Laudanum.
Syrops fimples 6' compnps,
16 liv. 1 5 onces Syrop rofat folutif. 16. 1.
Syrop de chicoré compofé 10 liv, Syrop
d'abfynthe. 6 liv. 5 onc. Syrop de fleurs de
pêcher. 5 liv. Syrop de capillaire, 5 liv, Sy-
rop violât. 5 liv. Syrop de limon, 3 liv,
Syrop de coings.
Miels.
16 liv. Miel rofat, 160 liv. Miel commun.
ETA
Eaux.
179
do liv. Eau cordiale, i z liv. Eau de rofe.
I z liv. Eau de plantin. 8 liv. Eau de canelle.
I z8 liv. Eau de vie. 1 60 liv. Eau dé chaux.
S liv. Eau de la Reine d'Hongrie,
, Efpriis.
9 onces 7 Efprit de vLtriol. 1 6 liv. Efpiit
de vin rcélifié.
Huiles.
Z4 liv. Huile rofat. 5 Jiv. 8 onces Huile de
lys. 8 liv. I luiledepcrficum. 10 liv. Huile
de camomille. 4 liv. Huile de laurier, j liv.
Huile d'amendes douces. 4 liv. Huile de té-
rébenthine, I liv. Huile de fcorpion.
Onguens.
1 liv. Onguent rofat. iz liv. Onguent
d'album rafis. 16 liv. Onguent d'althéa. 8
liv. Onguent populeum. zo liv. Onguent
bafilicum. 4 1. Onguent apoftolorum. 8 liv.
Onguent égypciac, 6 liv. Baume d'arceus.
I z liv. Térébenthine fine, zo liv. Térében-
thine commune.
EmpUrrcs.
48 liv. Emplâtres diapalme. i o 1. 1 o onc.
Emplâtres betonica. 8 liv. Emplâtres pro
fraàuris. 14 1. Emplâtres diachylum magnum
cum grammis. 8 liv. Emplâtresde mufcilage.
8 liv. Emplâtres de vigo 4*^ mercurio,
Trochifjues.
iz onces Trochifquc de corne de cerf
préparé, i z onces Trochifque de corail pré-
paré. 8 onces Trochifque de thutie prépa-
rée. 8 onc. Trochifque d'album rafis. z onc.
Trochifque d'oftanadal. 6 onc. Trochifque
d'agaric.
Mcrcures.
4 onces Mercure doux, i liv. iz onces
Mercure précipité rouge, i once Mercure
précipité blanc, i liv. Mercure croqus mc~
tallorum.
Drogues fimples.
10 liv. Senne. 4 liv. Rhubarbe. 6 livres
Manne. 10 liv. CalTe en bâton. 4onc. Sca-
monée. 6 liv. Tamarins, i !iv. Turbich. z
liv. Polipodc, 4 liv. Mirobalans citrins. 4
"liv. Jujubes.
Semences.
40 liv. Orge mondé, z liv. Anis. z liv.
Semcn contra. 16 liv. Semences froides, 4
liv. Semences de lin.
Gommes.
2 liv. Encens, z liv. Myrrhe, .5 liv, Al^ès.
Z i
i8o ETA
I liv. Maftic. z liv. Galbanum. 2 liv. 8
onces Elemi.
Ajlringens.
8 liv. Bol fin. 76 liv. Bol commun. 1 liv.
Terre fig-Uée. 2 li.v. Sauge de dragon. 4
liv. Cérule.
Fleurs.
4 liv. Rofes rouges. 4 liv. Camomille. 4
liv. Méliot.
Racines.
8 liv. Ariftoloche longue & ronde. 2 liv.
Efguiny. 5 liv. Sairepareillc. Soliv.Gayac,
20 Uv. R-glidè.
Drogues minéraux.
5 liv. Alun de roche. 1 2 onc. Alun brûlé.
2 1. 8 onc. Calcantlium. 3 liv. Vitriol blanc.
I liv. Vitriol de Chypre, j liv, j onc. Mi-
nium. 2 liv. Vcrdet. 2 liv. Vitriol romain.
ïi onc. Cantarides. 4 liv. Ciême de tartre.
4 hv. Cryftal minéral. 8 onc. Camphres 8 1.
Soufre en canon. 8 onces Canelle. 8 onces
Soaffrarena canon, i onc. 4drach. Girofle.
I onc. 4 drach. Pierre mternale. 6 Uv. Cire
jaune. 4 l. Cire blanche. 8 pierres Cautères
potentiels. 4 liv. Sucre candi. 4 onc. Sublimé
corrolif. 6 liv. Suc de réglifîe. 8 liv. Poix de
Bourgogne, i liv. 8 onc. Noix mufcades.
6© liv. des quatre farines.
Herbes.
1 20 liv. Vulnéraires. 1 20 liv. Carminati-
vcs. 100 liv. EmoUientes.
Injirumens.
1 Trépan, & toutes les pièces, i Couteau
courbe, i Scie avec fa feuille de rechange.
4 Cautères aduels différens. 2 Biftouris, un
droit & un courbe, i Bec de corbin. i Te-
naille incifive. 2Cifeauxàincifive. 4Cannu-
les différentes d'argent. 1 Pélican, i Davier.
1 Etui deChirurgiegarni. i 2 Aiguilles cour-
bes & droites. 2 Algaries d'argent , une
droite & une courbe. 1 2 Lancettes à faigner.
2 Lancettes à bec. Des ligatures à faigner
& à amputation.
Upenfiles.
1 Seringues. 2 Petites fcringues. 6 Can-
nulesde rechange. 2 Balances avec un marc
de livre. 1 Trcbuchet avec pludcurs garnis.
1 Mortiers de 5 liv. avec (on pilon. 2 .Mor-
tier de î liv. z BafTînes de cuivre pefant 5
liv. pièce 6 Spatules de fer. S Spatules de
bois, 20 Gobelets d'étain. i Marmite pefant
ETA
20 liv. I Poêlon pefant 6 liv. i Coquemard
pefant 6 liv. i Cuiller à pot. i Ecumoire.
14 Réchaux. 4 Ballîns à baibe. 14 Ventou-
fes différentes. 72 Fioles de livre. 96 Fioles
de piife. 30 Fioles pour loger les médica-
mens. 14 Coquemards de terre. 20 Pots
de terre à faire les bouillons. 30 Pots poui
mettre les médicamens. 72 Pichets. 14
Ecuclles à bec différentes. 72 Petites écuel-
Ics rondes. Vieux linge. 14 Torchons. 1
Cannes étamine blanche, ico liv. Etoupe.
2 liv. Coton. 2 1. Fil. Dem.i-liv, Soie, i zoco
Epingles.
ET AU, f. m. ( Commerce. ) quelques-uns
écrivent ej}au , & on prononçoit autrefois
ejial. Il fignifioit anciennement toutes lot-
tes de boutiques , quoique ce ne fiit propre-
ment que le devant de la boutique fur lequel
on met l'étalage.
Préfentement étau fe dit des lieux &
places où les marchands bouchers étalent
leur viande dans les boucheries publiques
de Paris.
Etau fe dit encore des petites bouti-
ques , ioit fixes , foit portatives , où les
marchands de marée ou autres menues den-
rées font leur négoce dans les halles Enfin
étau s'entend des étalages ou ouvroiis des
faveticrs & ravaudeuics établis au coin des
rues. Diclionn. de Comm. Chamb. & Trév.
Etau , terme de Serrurerie & de plufieurs
autres profejjions ; c'ell une machine de fer
compofée de plufieurs pièces & d'une forte
vis. Cette machine , qui ell fixée à un éta-
bli , fert à tenir fermement les pièces d'ou-
vrage fur lefquelles on fe propofe de tra-
vailler de la lime ou du marteau. Cet outil
eft néceffaire à beaucoup de profelTîons ,
ëc ne doit point manquer dans un attelier de
méchanique. On fabrique des étaux depuis
le poids d'une livre ou deux , jufqu'à celui
de 400 , 500 , & même 6ce.
IJn é:au confidéré mathématiquement,
cft une machine compofée de trois machi-
nes limples; d'un levier , d'une vis , 5c d'un
levier du troificme genre , qui cÙ. la jumelîe
mobile. L'action combinée de ces trois
machines limples , donne la comprclîîon
de Vétûu ; prelTion beaucoup plus grande
que l'adion de la main lur l'txtrcmité da
levier. Mais on peut trouver direélement
cette prelnon , ou le rapport qu'elle a avec
E^T A
fa puifTance appliquée , en faifant ufage du
principe de M. Dclcartes. Poui-cela , apics
avoir iermô iVVau entièrement , on remar-
querai quel point de la circonférence ( dont
la tête de IV'mw c(l le centre ) répond l'ex-
trcmité du levier. On ouvrira ï'ctûu d'un
feul tour de vis, jufqu'à ce que le levier
foit revenu au même point de la circtui-
férence où il setoit arrêté. On mcfarcra
avec une échelle quelconque l'intervalle
qui alors fe trouvera entre les mâchoires.
On mefurera aulTl avec la même échelle la
longueur du levier, à compter du centre
de la tête julqu'au point où la puiffance
s'applique. On déduira ( toujours en mêmes
parties de l'échelle) la circonférence, dont
le levier eik ït rayon. On divifera enfuite
cette circonférence par l'intervalle qui ell
entre les mâchoires , & le quotient expri-
mera le rapport de la compreflîon à la
puiflance. Ainfî l\ on nomme a le rayon
du cercle décrit par le levier, &cl> l'inter-
valle entre les mâchoires, la circonférence
fera l_î_f ; Se divifant ce produit par è , in-
7
tervalle entre les mâchoires , le quo-
tient 1.15 fera à l'unité , comme la force
oc compreflîon eft à la puiflance.
On a trouvé nouvellement le moyen de
fabriquer les boites A'étaux &C de prelfes ,
enlortc que le filet de l'écrou eft de la même
pièce que la boite ; ce qui a beaucoup
plus de (olidité que le filet brazé. Cepen-
dant ce dernier , lorlqu'il eit bien brazé
&ajuflé, ert capable de refilleràde très-
grands ertorts. Nous expliquerons à l'article
Vis ou Tareau , la fabrique de ces fortes
de boîtes.
Il y a beaucoup de petits étaux qui n'ont
point de pié. Ces lottes d'éti:ux fe fixent
à l'établi , au moyen d'une patte qui eft
de la même pièce que la jumelle fixe, &
d'une vis dont la diredion eft parallèle
à la jumelle : on comprime l'établi entre
cette patte & la partie fupérieure de la vis.
(£>)
Etau , outil d'Aiguillier-Bonnetier, eft
une machine qui fert à creufer les châf-
fes des aiguilles du métier à bas. Voye^
Chasse.
L'écau des Arqueôujîers eft exacteinenc fait '
iSi
ETA
comme les ctuux des Serruriers , Se fert aux
Arqucbuliers pour tenir en refpc6l les pièces
qu'ils veulent limer.
Les étaux à main de l'orfcvre , du Bijoutrtr,
& de plujlcurs autres ouvriers en métaux , (ont
des efpeces de tenailles qui fe rellérrent &:
s'ouvrent par le moyen d'une vis & d'un
écrou qui s'approchent & s'écartent à vo-
lonté d'une des branches de Véiau. Us fe
terminent à leur extrémité inférieure par
une charnière femblable à celle d'un compas
(impie. Les mâchoires en font taillées en
lime horifontalement , & ont à leur milieu ,
vis-à-vis , un tiou qui les prend de haut en
bas, pour recevoir le fil ou autre matière
propre à être travaillée.
Uétau à bagues du Metteur en œuvre , eft
formé de deux morceaux de buis plats, (er-
res avec une vis de fer , dont on fe fert po'.ir
former à l'ouril diffcrcns ornemens fur les
'corps de bagues ; ce qui pourroit s'exécuter
dilHcilement dans un ef<7u de fer , dont les
mâchoires corromproient les parties déjà
travaillées.
L'étau du Chainetier eft femblable à tous
les étaux des autres métiers.
Celui du Charron eft un étau ordi-
naire, & les Charrons s'en fervent pour
ferrer les écrous , & former des vis à la
filière.
L'étau du Coutelier ne diffère pas de Vétau
du Serrurier.
Uetau à brunir du Doreur , eft une te-
naille dont les mâchoires font tarrodées ,
&: prifes dans deux morceaux de bois afi'cz
larges, qui fervent à ménager la pierre à
brunir.
L'étau a main du Doreur , eft un et eu qui
fert à tenir une petite pièce à la main : il y
en a de route efpece.
Les étaux plats du Doreur font des efpeces
de tenailles dont les mâchoires font rpnver-
fées en dehors , & dont les doreurs fe fer-
vent pour retenir les pièces fur leur plat ;
elles ibnt alfemblées par une charnière à
leur extrémité, <Si ont un petit reilort dans
le milieu.
L'étau du Fourbijfeut eft fait comme
les étaux des autres ouvriers , & n'a rien
de fingulisr. yoyc^ i'anicU Etau , Ser-
rurerie,
i82 ETA
l! en eft de même de IVVj;/ du Fer-
blaintier.
L'étûu du Gûînier cft à branches plates ,
quarrécs, ik lemblable à celui des horlogers;
les Gaîniers s'en fervent pour ferrer des
petites vis , & pour les tenir plus commo-
dément.
"L'était du Gaînier , mais en gros ouvrage ,
relTemble à celui des ferruriers , f-'c. Hc fert
à différens ufages , mais principalement à
plier les coins & ornemens qu'on poie fur les
ouvrages.
V'ctau de bois des Orfèvres, efl: une forte de
tenaille dont les mâchoires font retenues par
un écrou de fer qui les approche ou les éloi-
gne l'une de l'autre à volonté. On fe fert de
cet étr.u pour y Icrrer des pièces hnies , &
dont on veut confcrvcr le luftre , que le fer
amatiroir.
ETAY ou ETAI , ( Marine. ) C'elî un
gros cordage à douze tourons , qui par le
bout d'en haut fe termine à un collier ,
pour fii(n- le mât fur les barres; & parle
bout d'en b;-.s il va répondre à un autre col-
lier qui le bauile & le porte vers l'avant
du vailTeau , pour tenir le mât dans fon
ailiette, & l'affermir du côté de l'avant,
comme les haubans raffcrmilTent du côté
de l'arriére. La pofition des diiîerens étays
fe connoitra plus aifément par \a.fis;ure.
Le grand étay ou X'c'.ay di grand mât : il
defcend depuis la hune du grand mât juf-
qu'au haut de l'étrave, où il ert: tenu par
fbn collier. Voy. Marine , Flanc, première,
n°. 104.
Etay de mifene , 10£.
Etay d'art! mon , 1 06.
Etay du petit hunier , 88.
Etay du grand hunier, 77.
Etay du petit pcrroçuei , 8^.
Etay du grand perroquet , j£.
Etay du perroquet de fougue , 50.
A l'égard de la longueur & crolîeur de
ce cordage , qui ell différente , luivant fes
/itaations & fes ufages , on peut les voir
\ V article Cordages. (Z)
ETAYE , f. f. terme de hâtimni ; pièce
de bois pofée en arc-bourant f.ir une cou-
che , pour retenir quelque mur ou pan de
bois déverfé & en fur-plomb. On nomme
étaye en gueule , la plus longue , ou celle
qui ayant plus de piéj empêche le déver-
E TA
fement ; & étaye droite, celle qui efl à plomb,
comme un pointai.
Etaye , terme de Blafon ; petit chevron
employé pour foutenir quelque chofe : il
ne doit avoir que le tiers de la largeur ordi-
naire des chevrons. Fbye^ Chevron.
ETAYEMENT, f m. ( Ccupe des pier-
rej. ) plancher pour (outenir les voûtes en
plafond ; il fait le même etfet que le cin-
tre dans les voûtes concaves. (D)
ETAYER , V. aâ:. terme de bâtiment ;
c'eft retenir avec de grandes pièces de bois
un bâtiment qui tombe en ruine, ou des
poutres dans la réfeétion d'un mur mitoyen.
y»ye^ETAYL. (P)
E T G
ET CETERA , ( Jurifprud. ) termes
latins ufités dans les aftes & dans le ftylc
judiciaire , pour annoncer que l'on omet,
pour abréger , le furplus d'une claufc dont
il n'y a que la première partie qui foit
exprimée. L'ulage de ces mots vient du
temps que l'on rédigeoit les a(5les en latin ;
c'ell-à-dire , jufqu'en 15^9: on lesacon-
fervés dans le difcours françois , comme
s'ils écoient du même langage , lorfqu'en
parlant on omet quelque chofe.
C'eft fur-tout dans les adtes des notaires
que l'on ufe de ces fortes d'abréviations ,
par rapport à certaines claufès de ftyle qui
font toujours fous-entendues ; c'eft pour-
quoi on ne fait ordinairement qu'en indi-
quer les premiers termes , & pour le fur-
plus on met feulement la lettre ^-c. c'eft ce
que l'on appelle vulgairement \'& caetera des
notaires.
L'ufage des £■ ccrtera de la part des no-
taires , étant une manière d'abréger cer-
taines claules , femble avoir quelque rap-
port avec les notes ou abréviations dont
les notaires uloientà Rome : ce n'eft pour-
tant pas la m 'me chofe ; car les minutes
des notaires de Rome étoient entièrement
écrites en notes & abréviations , au lieu
que l'f-' detera des notaires de France ne
s'applique qu'à certaines claufes qui font du
ftyle ordinaiie des contrats, & que l'on
met ordinairement à la hn : ./w.r alJîduafunt
in contraclibus , qucv ctji exprejfa non fint ,
incf^c videntur , fuivapc la loi ^uodji nvlit ,
E T C
§. quia ajjidua , ft. de ,vJi!.edlcIo. Dans nos
contrats ces clauics font conçues en ces
termes : Promettant, Sec. obligeant, Sec.
renonçant , Sec. Chacun de aes termes eft le
commencement d'une chiiife qu'il ctoit
autrefois d'uiage d'écrire tout au long , &
dont le furplus eft fous-entendu par l'iS'c.
Promettant de bonne foi exécuter le con-
tenu en ces préfentes ; ohligeant tous fes
biens , meubles & immeubles à l'exécution
dudit contrat ; renonçant à toutes chofcs à
ce contraires.
Autrefois ces ù ccetera ne fe mcttoient
qu'en la minute. Les notaires mettoient
les ciftufes tout au long dans lagrode. Quel-
ques praticiens , entr'autres Mafuer , di-
fent qu'ils doivent les interpréter & mettre
au long en la grolle : mais prtienceraent
la plupart des notaires mettent les ù cœtera
dans les grolTès & expéditions, auflî bien
que dans la minute ; Se ce]^ pour abréger.
Il n'y aplus guère que quelques notaires de
province qui étendent encore les & caetera
dans les giolTes & expéditions.
Mais foit que le notaire étende les &
CiVtera , ou qu'il s'agide de les interpréter ,
il eft également certain qu'ils ne peuvent
s'appliquer qu'aux objets qui (ont détermi-
nés par l'ufage Se qui (ont de ftyle , Se (ous-
entendus ordinairement par ces termes ,
promettant , obligeant , renonçant ; ainh les
termes promettant Se obligeant ne peuvent
être étendus par ces mots , en fort propre &
privé nom , xn Jolidairement ou par corps ; Se
le terme renonçant ne peut . s'appliquer
qu'aux renonciations ordinaires dont on a
patlé , & non à des renonciations au béné-
fice de dividon , difculTîon & (îdéjufïion ;
ni au bénéfice du fénatus-coniulte Vel-
léïen , (i c'el^ une femme qui s'oblige.
De même dans un teftament l'ii' ccetera
ne peut fuppléer la claufe codicillaire qui
eft omife ; toutes ces claufes , & autres
(cmblables , indigent fpeciali nota , & ne (ont
jamais fous-entendues.
Les £■ cxtera ne peuvent donc fervir à
étendre les engagemens ou difpofitions
contenues dans les aftes , ni y fuppléer ce
qui y feroit omis d'cffentiel ; ils ne peu-
vent fuppléer que ce qui eft de ftyle, & qui
feroit toujours fous- entendu de droit,
quand on n'auroit point marqué d'& cœtera :
E T C
iS
ain(î à proprement park-r ils ne fervent ^
rien.
Sur l'effet de cette claufe , vojt? Du-
moulin , conf. xxviij. Se en fon ir. desufures ,
quejl. viij. Maynard , liv. FUI. en. xxxj.
Charondas, rép. Lv. XII. n. 4^. & liv. IL
des pandecles ; Choricr fur Guipapc , tjuejl.
cxxjx. la prati^'uc de Malucr , tit. xvnj.
Loyfeau , des ojj. liv. II, ch. v. n.jî. Daiity,
de la preuve par témoins , II. part. ch. J.aux
additions.
Un ieigneur , après avoir énoncé toutes
les terres dont il eft feigneur , ajeutc quel-
quefois un 6" ccetera ; ce qui fuppofe qu'il
polléde encore d'autres feigneuries qui ne
(ont pas nommées , quoiqu'ordinairement
chacun foit adez curieux de prendre tous
(es titres ; mais quoi qu'il en foit , cet &
cxtera eft ordinairement indiftérent. Il y a
néanmoins des cas où une autre perlonne
pourroit s'y oppofer : par exemple , fi c'eft
dans une foi & hommage , ou aveu & dé-
nombrement , Se que le vaffal , foit dans
l'intitulé , foit dans le corps de l'aéle , mît
qu'il poftéde plulieurs fiefs, terres ou droits j
& qu'après en avoir énoncé plulieurs , il
ajoutât un £■ ccetera peur donner à entendre
qu'il en poftede encore d'autres, le feigneur
dominant peut blâmer l'aveu , Se obliger le
vaftal d'exprimer tout au long les droits qu'il
prétend avoir.
L'omidion d'un & cetcera fit dans le llcclc
précédent le fujet d'un différent très - fé-
neux , & même d'une guerre entre la
Pologne Se la Suéde. Ladiftas , roi de Po-
logne , avoir fait en 1635 à Stumdorf une
trêve de vingt-fix ans avec Chriftine, reine
de Suéde ; ils étoient convenus que le roi
de Pologne fe qualifieroit roi de Pologne Ci-
grand duc de Lithuanie , Se qu'enfuite l'on
ajouteroit trois S'c. &-c. &c. que Chriftine le
diroit reine de Suéde , grande duclte/fe Je Fin-
lande , aulTi avec trois &c. 6'c. &c. ce
qui fut air.ll décidé à caufe des prétentions
que le roi de Pologne avoir fur la Suéde ,
comme fils de Sigifmond; Jean- Cafimir qui
régnoit en Pologne en 1655 , ayant envoyé
le fleur Morftcm en Suéde , lui donna des
lettres de créance où par mcprife on n'a-
voit mis à la fuite des qualités de la reine de
Suéde que deux &c. &c. Se au lieu de mettre;
de notre regr^e , on avoic mis de nos reg.ies ;
i84 ETC.
ce qui déplut aux Suédois. Charles- Guftave |
arma puilTlimmenc , & ne voulut même i
pas accorder de furpenfioii d'armes ; il fi:
Va. guerre aux Polonois; prit pluiieurs villes.
Voyei l'/ujloire dujkcle courant , 1 6oo , pr.g.
3i7- (^)
ETE
' ÉTÉ , f. m. ( Géog. & Fhyf. ) eft une des
failons de l'année , qui commence dans les
pays feptentrionaux le jour que le Soled
entre dans le figne du Cancer , &: qui finit
quand il fort de la Vierge, foje^ Saison
£- Signe.
Pour parler plus exadtement & plus gé-
néralement , \'été commence lorfque la dif-
tance méridienne du Soleil au zén-.th e'd la
plus petite , & finit lorfque fa diftance eft
précifement entre la plus gtande & la plus
petite, i'^oyei Soleil.
La fin de l'éré répond au commencement
de l'automne. Foye^ Automne,^^ ^_
Depuis le commencement de Vété julqu'à
celui de l'automne , les iours font plus longs
que les nuits ; mais ils vont toujours en dé-
croillant , & fe trouvent enfin égaux aux
nuits au commencement de l'automne.
Le premier jour de Vété étant celui où le
Soleil darde fes rayons le plus à plomb , ce
devroit être naturellement le jour de la
plus grande chaleur ; cependant c'eft ordi-
nairement vers le mois d'août , c'eft-à-dire,
au milieu de lV;é , que nous relTencons le
plus grand chaud : cela vient de la longueur
des jours & de la brièveté des nuits de
\'été , qui fait que la chaleur que le Soleil a
donnée à la terre pendant le jour , iublifte
encore en partie r,u commencement du
jour fuivant , & s'ajoute ainfi à celle que
le Soleil donne de nouveau. La chaleur
ainfi confervée de plufieurs jours confccu-
tifs , forme vers le milieu de Vété la plus
grande chaleur pofTible. /-oyt-:{^ Chaleur.
On appelle levant & couchant d'éié , le
point de l'horifon où le Soleil fe levé .^ fc
couche au fo'ftice à'été. Ces points font plus
nord que les points eft & oueft de l'horilbn,
qui font le levant tk le couchant des equi-
noxes. Voyei Est, Ouest , Levant,
Couchant
Solfticiaùé, Voyei So\.%T\c-E. (0)
ETE
ETECHF.MINS , f. m. pi. ( Géog. moi. )
peuples de l'Acadie ; ils habitent tout le
pays compris depuis Bolton jufqu'au Port-
royal. La rivière des Ecechtmins eft la pre-
mière qu'on rencontre le long de la côte,
en allant de la rivière de Pencagouec à celle
de Saine-Jean.
* ETEIGNARY , f. f . ( Fontaines fa-
lames.) c'eft ainfi qu'on appelle, dans les
fontaines falantes , des femmes dont la
fonâ:ion eft d'éteindre les brades tirées de
dedous les poêles , & de les porter au ma-
galin.
ETEIGNOIR, f m. ( Econom. domeft.^
petit cône creux de cuivre, d'argent, ou
de fer-blanc, qu'on met fur le lumignon de
la chandelle pour l'éteindre. L'éteignoir des
églifes eft emmanché d'une longue baguette
de bois.
* ETEINDRE , v. a. ( Gramm. ) il fe die
de tout corps auquel l'application du feu
eft fenfible. Eteindre., c'eft faire celler l'ac-
tion du feu. Ce terme fe prend au fimple Sc
au figuré. L'eau éteint le feu ; l'âge éteint
les palTions.
Éteindre , ( Pharmacie. ) on fe ferr de
ce terme dans un (eus piopre , en parlant
d'une certaine préparation médicinale du
fer, qui confifte à plonger dans de l'eau com-
mune , Se par conféquent à y éteindre , des
morceaux de fer rougis au feu. Voye^
Fer,
On fe fert de la même cxpreiTîon dans
un fens figuré , pour exprimer l'union du
mercure à dillérentes fubftances , qui dé-
truifent la fluidité fans le dilloudre chimi-
quement.
' Unir le mercure à quelques-unes de ces
fubftances , c'eft éteindre le mercure , fi'c.
Koyf ^ M Er^.cuR E. (/^)
Éteindre , en Peinture , c'eft adoucir ,
aftoiblir. L'on éteint , l'on aft'oiblit les trop
t grands clairs , les trop grands bruns dans un
tableau ; on les adoucit particuhéremcnt
vers les extrémités. On dit , il faut éteindre
cette lumière qui combat avec une autre ;
lorfque vous aurez éteint cette partie , le
refte ferr un meilleur elïlt.
ETELIN , { à la Monnaie. ) petit poids
qui
eft de vingt-huit grains quatre cinquiè-
mes, ou la vingtième partie de l'once,
ETELON/f. m. ( Archit. ) c'eft l'épure
des
ETE
des fermes &: de l'enraycure d'un comble,
des plans d'cfcaliers, à\: de- cour aiicre adcm-
blage de charpenteric , qu'on trace iur pki-
lieurs dodes difpulées i?>; airêiécs pour cet
effei Iur le Ci-nain d'un chantier. '.F)
ÉTENDAGE , f. m. ( Draperie. ) c'cft
une des opérations qui (e font (ur les laines
avant que de les employer, ^oye^ l'article
Manufacture en laine.
ÉTENDARD , {. m. (Art milit.) étoit
autrefois un chifon de foie envergc au bouc
d'une p'que , de manière qu'd conrnoit
comme une girouette , & s'ctendoit au
moyen du vent è'c de l'agitation : c'cft de-là
peut-être qu'il a pris fa dénomination , à
l'exemple dtsvexiL'ationes des Romains. Les
érer.dsrds ctoient de toutes fortes de formes
&■ de couleurs , au choix des chefs di:s dif-
férentes troupes de Ciîj'iz/er/e ; aujourd'hui ils
font tous de facin brodé d'or ou d'ar;;ent ,
& de Ibie , larges d'un pié en quarte , fixes
fur une lance.
" Il y aura dorénavant dans chaque efca-
» dron de cavalerie deux étendards de la li-
« vrée de meftre de camp. Sa majefté veut
» qu'aux étendards où il n'y aura pas de
M flcurs-de-lis, il y ait du côté droit un
»j fcleil , & que la devife du mellre de camp
" l()it feulement fur le revers; Itfqucls deux
» étendards feront portés par les cornettes
" des deux plus anciennes compagnies de
» ch.^queelcadron. ■; Ord. du t février îô'ti^.
J^cy c^ Dr Aï'E AU.
Pendant la paix il n'y a point de cornette
attachée aux régimens de cavalerie , îk ce
font les lieucenans qui portent les étendards.
Une lettre du 7 août 1731 , qu'on trouve
dans le recueil de Briquet , règle que c'ell
aux lieutenans de la compagnie à laquelle
chaque étendcrd eft attaché , qui doit le
porter.
" Les lances des étendards feront de la
» longueur de dix pies m.oins un pouce ,
» compris le fer , qui efl dans le bouc d'en-
» haut , & la dou'ile qui eft à celui d'en
" bas , enforce qu'elles fo.ent toutes unifor-
" mes. Ordonn. du j Mars l68^.
ETE 1S5
Il eft aulTi ordonne de meirre au bout de
la lance une écharpc de taffetas blanc.
Le fiîut de {'étendard ié fait en baillant
la Jance doucement , & en la relevant de
même.
Ce falut eft dû au roi , à la reine , aux
encans de France , aux princes du fang &
légitimés , aux maréchaux de France l au
colonel général tk au général de l'armée ;
on ne le doit au meftve de camp général S>C
au commilfaire , qu'à l'entrée &: a la fortis
de la campagne. Briquet , /. ^g.
En ternie de manne , ce qu'on nomme
pavillon fur les vailfcaux s'apelle «c/î^f^rdfur
les galères. L'étendard royal eft celai de la
réale ou de la galère commandante.
De tous les temps il y a eu des /Iqnauif
muets pour diftinguer les troupes , les
guider dans leurs marches , leur marquer
le terrain iSc l'alignemeîit fur lequel elles
doivent combattre , régler leurs manœu-
vres , mais plus particulièrement pour les
rallier &: reformer en cas de déroute. Ces
lignaux ont changé , fuivant les temps &
les heux , de figure & de nom. Mais comme
nous défjgnons d'une manière généra'e par
le leal mot d'enfcrgne , toutes celles donc
on a fait ufage en France depuis le com-
m.enccment de la monarchie ; ainfî les
anciens comprenoient fous des termes gé-
nériques tous leurs fignaux muets à quel-
ques troupes qu'ils appartinllènt , & quelle
que put être leur^ forme (a); les m^mcs
termes avoient encore chez eux , comme
chez nous , outre une flguihcation géné-
rale , leur application particulière. Chez
les Romains , par exemple, qui fe fervoient
ind.ffcremmenc des m,:->ts Jlfjium C- vexil-
lum , pour défigner cou 1 es fortes d'enfei-
gnes ; le premier m.ot (îgnifioir ncanm.oins
d'une m.anierc excrelTe les enfeignes de
l'infanterie ( b ) légionnaire , & le fécond
celles des troupes de cavalerie. Nous diftin-
guons de même nos en feignes en deux
efpeces ; nous confervons le nom d'ciifei-
gne à celles dont on fe fcrt dans l'infante-
rie ; nous appelions étendards , guidons ,
f.'') Soit riu'ils liilTent de relief , bas-rel't-f-', e!i iinapes ou étoffes unies.
K.!;) Le mot vcxiiliim dc'fipiioit encore les enfeigi.cs de» troupes i'ouinies par les alliés de Rome : ce
n elt pai qu'on ne s'en lèri-it qucJquefcis pour expiimsi les enleignes de l'iuiauteiie romaine i car toutes
ces cholei lont aflez Ibuveiit coutouûues,
Twne Xlll. A a
iS6 ETE
cornettes, les cnfeignes affedées aux gens de
cheval.
Il y a toute apparence que dans les com-
mencemens les choies les plus fimples &: les
plus aifécs à trouver , fervircnt de fignes
militaires. Des branches de feuillages , des
faifceaux d'herbes , quelques poignées de
chiicune , furent fans doute les premières
enfeignes : on leur fubftitua dans la fuite des
oifeaux , ou des têtes d'autres animaux ;
maisà mefure que l'on fe perfedionna dans
la guerre , on prit aufïî des enfeignes plus
•compofées , plus belles , & l'on s'attacha à
les faire d'une matière iolide & durable ,
.parce qu'elles devinrent des marques dil-
rin6tives& perpétuelles pour chaque nation.
■On mit encore au rang des enfeignes les
images des dieux (c) , les portraits des prin-
ces , des empereurs {d) , des Ccfars (e) , des
grands hommes , & quelquefois des fa-
voris (/).
On adopta auiïî des figures fymboliques :
les Athéniens avoient dans leurs lignes
mihtaires la chouette , oifeau confacré à
Minerve ; lesThébains, le fphir.x; d'autres
peuples ont eu des lions, des chevaux , des
minotaures , des fangliers , des loups , des
aigles.
L'aigle a été l'enfeigne la plus commune
•de l'antiquité : celle de Cyrus & des autres
lois de Perfe dans la fuite , étoit une aigle
d'or aux ailes éployces , portée aufommet
d'une pique. L'agle devint l'enleigne la
plus célèbre des Romains ; elle éioit de
même en relief pofce à l'extrémué d'une pi-
que (g) fur une bafe ou ronde triangulaire,
tenant quelquefois un foudre dans fes ferres;
ETE
fa grolfeur n'excédoit pas celle d'un pigeon î
ce qui paroit conforme au rapport de Flo-
rus {hj , qui dit qu'après la défaite de Varus,
un Jignifir en cacha une dans fon baudrier.
L'on fait que chez les Romams le nombre
des aigles marquoit exactement le nombre
des légions , parce que l'aigle en étoit la
première enfeigne. Les manipules avoient
auiTi leurs enfeignes ; elles ne confifterent
d'abord qu'en quelques poignées de foin
qu'on fulpcndoit au bout d'une longue per-
che , & c'eft de-là , dit Ovide , qu'efl: venu
le norn que l'on donna à ces divilions de
l'intanterie' légionnaire.
Pertica fufpenfos portabat longa maniplos
Unde maniplaris nomma miles habet.
Ovid. L. III. Fajîorum.
Dans les temps poftérieurs , ces marques
de l'ancienne (implicite firent place à d'au-
' très plus recherchées , dont on voit la
reprélentation fur les médailles & les
monumens qui fe font confervés julqu'à
nous : c'étoit une longue pique trav;rféc
à fon extrémité fupérieure d'un bâton en
forme de T, d'où pendoit une efpece d'étoffe
quarrée. Voy. Montfaucon , Lipsf , f-c.
La hampe de la pique portoit dans fa lon-
gueur des plaques rondes ou ovales , fur
Icfquelles on appliquoit les images des
dieux , des empereurs , & des hommes
illuilrcs. Qiielques-uns de ces fignes font
terminés au bout par une main ouverte ,
il y en a qui iont ornés de couronnes
de lauriers , de tours & de portes de
villes ; diftinétion lîonorable , accordée
aux troupes qui s'étoicnt fignalées dans
Ce) Les Egyptiens firent tout le contraire ; ils mirent au rang de leurs dieux les animaux dont la figurt
leur avoit fbrvi d'enieigne. ... , ■ r l
Diodore de Sicile dit que les Egyptiens combattant autrefois l^ns ordre , & étant louvent battus par
leurs ennemis , ils prirent enb'n des ettndards , pour lervir de^ guide à leurs troupes dansia mèlee. Cfs
étendards c'toient cliargc» de la figure de ces animaux qu'ils rcverejit aujouid'hui; les ciiefs les pcrtûient
au bout de leurs pioues , & p.ir-Ià cliatun rfecniioi.loit à quel corps ou à quelle to.iipjg.iit- il appirce-
soit. Cette précaution leur avant procure la vidoire plus d'une fois , ils s'en crurent redevables aux
ariimaux reprclentes l'ur leurs'enleignes ; & en me'riioire de et- iccours , ils dttcndirent de les tuer , &
ordonnèrent m<"me qu on leur rendit Its honneurs que nous avons vu. Liv. I. fcio-i;. II. Ion:, p. 18; ce
ie. trad. de L. Terraiton.
(<y) Tacite , ^n«d/. /. /iv. parle des images de Drufus. -, -
(f) Sue'tone , vie de Cuiiaula. , cluip X'.v. dit du roi des Parthes : tranUreJTit^ Eiiphratem , cquit^s CT
fii^na rontana CalaruDique uut:^incs ^dor.ivit. , . . _ .
(/) Il eft dit dans la vie de 1 ibere, que cet empereur fit des largciVes aux ItgïoRsde Syrie, p.->.rçequ el-
les c'toieiit les lèules qui -l'euifeiit pas admis les images de Scjan au nombre de leurs enleigiies militaires.
■^a; "
(j^^ 'ii.éno^hon , Uv. i- li de la Cyiopédie. -r- • ^ •/-
00 Liv. W. ikupi:. xij. Sian^ y a^iuiU duces adhucs bùtb^ri pojjldint. Tercian Jigrufer pnus ^
ETE
une bataille , ou à la prife de quelque
place.
L'étendard de la cavalerie nommé vexil-
lum ou cantabrum , n'écoit qu'une pièce
d'étofî'e précieufc d'environ un pié en
quarré , que l'on portoir de même au
bojt d'une pique terminée en forme
de T.
Les dragons ont encore fervi d'enfei-
gncs à bien des pcuplts. Les Airyrit-ns en
po'.ioient. Suidas (/) cite un fragment qui
donne le dragon pour enîeigne à !a cava-
lerie indienne : il y en avoic un fur mille
chevaux , ù rête éroit d'argent , & le
refte du corps d'un titlu de ioie de diver-
fes couleurs. Le dragon avoit la g;eule
béante , afin que l'air venant à s'inli-
nuer par cette çuvcrcure eriflît le tl!lu
de foie qui formoit le corps de l'a,i:md ,
& lui fit imiter en quelque forte le liffle-
mcnt & les replis tortueux d'un véritable
dragon.
Selon le même Suidas , les Scythes
eurent pour enfcignes de femblaWes dra-
gons. Ces Scythes paroi ifent être le même
peuple que les Goths , à qui l'on donnoit
alors ce premier nom. On voit ces dragons
fur la colonne trajane dans l'armée des
Daces ; il n'eft pas douteux que l'ufage
n'en ait été adopté par les Perfes {k) ,
puilque Zénobie fut prife par les dragons
qu'Aurélien appelloit à (on lecours.
1*1 près Trajan , les dragons devinrent
kenf-igne particulière de chaque cohorte ,
ce l'on nomma dragomiaires ceux qui les
portoient dans le combat. Cet ulage iub-
lîioit encore lorfque Végece (/. IJ. c. xij. )
con.po(a ion excellent abrégé de l'art mi-
litaire.
On prit enîîn des enfeignes fymboli-
ques , comme des armes , des devifes , &
des chiffres ; les uns écoient ceux des prin-
ces , ceux des chefs ou d'autres alïeûcs aux
troupes.
ETE 187
L'honneur a fiit de tous les temps une
loi capitale du refpefti^cdcl'attachcment des
peuples pour leurs enieignes : quelques-uns
ont pouflc ce fentiment jufqu'à l'idolâtrie ;
& pour ne parler que des Romains, on fait
qu'ils fe mettoient à genoux devant les
leurs , qu'ils juroient par elles , qu'ils les
parfumoient d'encens , les ornoient de
couronnes de fleurs , & les regardoienc
comme les véritables dieux des légions;
hors les temps de guerre , ils les dépolbienc
dans les temples. Comme il y avoit une
grande infamie à les perdre , c etoit aufîî
une grande gloire que d'en prendre aux
ennemis ; aulFi préféroit-on plutôt de mou-
rir , que de les lailfcr enlever ; & quicon-
que étoit convaincu de n'avoir pas défendu
Ion enfeigne de tout fon pouvoir , étoic
condamné à mourir : la fiaute rejaillillbic
même fur toute la cohorte ; celle qui avoic
perdu (on enfeigne étoit rejetée de la légion
& concrainte à demeurer hors de l'enceinte
du camp , &. réduite à ne vivre que d'orge
julqu'a ce qu'elle eût réparé fa honte par
des prodiges de valeur. Jamais l'es Romains
ne firent de traités de paix que 'ous la condi-
tion que leurs enfeignes leur fufTent rendues:
del.i les louanges d'Augufte par Horace (0,
cet empereur s'étant fait rellicuer les en-
feignes que les Parthes avoient pris à
CralTus.
Il faudroit des volumes entiers pour
rapporter tous les ufages des anciens (lit
les enfeignes ; encore ne pourroic on pas
toujours (e fiatter d'avoir démêlé la vérité
dans ce chaos de variations fuccefTives qui
ont produit à cet égard une infinité de chan-
gemens dans les pratiques de toures les
nations. Q.ielles difEcukés n'cprouvons-
nous pas feulement pour accorder eiitr'eux
nos propres auteurs {in) fur ce qu'ils onc
écrit des enfeignes dont on a fait ulagc
dans les difïerens temps de notre monar-
chie ?
qtiam in manus hjjliiun vcnlrtt , evulfit ; incrfemque intrù halzei fui Ldiebras ginns y in cruentâ paliide
Jic Utiiit.
(1) Suiàas , in verbo Indi.
(k) (' ofiji-us in yhircLLj.no.
(!) Jit fifina nojhù rfjlituit Jovi ,
Dueiia Pariliorum tuperhis
Hofiibus. Liv. IV. Odexv.
(h.) Claude Jàcuecoa eft l'autear qui çu ait cviit le plus au long. Imprimé à Paris , in-ir. 1741,
A a z
iS8 ETE
L'opinion commune elt que l'onflamme
cft le 'plus célèbre & le plus ancien de tous
nos énndards ; c'étoit celui de roure l'armée :
on croit qu'il parut fous Dagobert en 650 ,
& qu'il dilparut fous Louis XL Les hiftoires
de France en parlent diverfcment. M. le
ptéfidenc Hénault dit que Louis le-Cros eft
le premier de nos rois qui ait été prendre
î'orifiamme à Saint Denis. On vit enfuite
des gonfalons du temps de Charles II dit le
Chauve , en 840 ; il ordonna aux cornettes
de faire marcher leurs vaiîaux fous leurs
go n fa Ion s.
Il y eut des étendnrds en 911. Charles
lïl dit le Simple , en avoit un attaché à
fa perfonne dans la bataille de Soiffons
contre Robert ■■, celui-ci porroit lui-même
le fien , &: celui de Charles étoit porté par un
feigneur de la plus haute diftinâ:ion,nommé
Fulbert.
Depuis les rois de France ont eu pendant
fort long-temps un e/M(/ar<i attache à leur
perfonne , & diftinctif de ceux des troupes ;
■on Pappelloit bannière du roi , pennon royal ,
OU cornette bhnche du roi. D'anciens hifto-
riens ont parlé des étendards de Dagobert ,
de ceux de Pépin ; mais Ducange rcfute ce
qu'ils en ont dit , & prétend qu'ils n'ont pas
exiilé.
Sousla troificme race, les bannerets Se
les communes eurent des bannières, &
les chevaliers , bacheliers , écuyers , des
pennons.
Le connétable avoit auiïi une bannière ;
il avoir droit , en l'ablence du roi , de la
planter , à l'exclufion de tous autres , fur la
muraille d'une ville qu'il avoit prife.
Ce droit étoit très-confidcrable -, il occa-
fionna un gi'and démêle entre Philippe-
Auguftc & Richard, roi d'Angleterre, lorf-
qu'ils paflérent enfemble en Sicile. Ce der-
nier ayant forcé Meffine y planta (on étendard
fur les murailles i Philippe s'en trouva fort
offcnfé : " Eh quoi, dit-il, le roi d'Angleterre
» ofe arborer fon étendard (iir le rempart
» d'une ville où il fait que je fuis ! » A
linftant il ordonna à fes gens de l'arracher :
ce que Richard ayant fu , il lui fit dire qu'il
étoit prêt à l'oter ; mais que fi l'on fe met-
toit en devoir de le prévinir , il y auroi:
bien du fang répandu. Philippe fe con-
tenta de cette foumiirion , ôc Richard
ETE
fir enlever Véiendard. Brantôme ne fixé
l'origine des étendards de la cavalerie légtre
que fous Lov.is XII ; il y a cependant ap-
parence qu'il y en avoit longtemps aupara-
vant.
Les giddons fuhfiftent depuis la levée
des compagnies d'ordonnance ious Charles
IX , & font afFedtés au corps de la gen-
darmerie.
Lesgirdes-du-corpsont desenfeignes, &
les grenadiers à cheval un étendard ; les gen-
darmes & les chcvau-lcgers de la garde du
roi ont des enleignes , les moulquetaires
ont des enfeignes & des étendards ; les dra-
gons ont des enfeignes & des étendards , ces
deux corps étant deftinés à fervir Si à pié &
à cheval.
On dit fervir à la cornettf , quand on parle
du fervice militaire près de la perlonne du
roi.
Les cornettes font connuesdepuis Charles
VIII. A la bataille d'Ivri (i 59c') , Henu IV
dit à fes troupes en leur montrant fon pana-
che blanc: " Enfans , fi les cornettes vous
» manquent, voici le lignai du ralliement,
w vous le trouverez au chemin de la vidloire
» & de l'honneur >».
Il cft fouvent parlé dans l'hiftoire de ces
temps de la cornette blanche ; c'etoit Y éten-
dard du roi , ou en Ion abfence celui du géné-
ral. Il y a encore dans la maifon du roi une
charge de porte- cornette blanche , & dans la
compagnie-colonelle du régiment colonel
général de la cavalerie , une autre charge df
cornette blanche. Ducange a prétendu que
la cornette blanche du roi a remplacé l'ori-
flamme vers le règne de Charles VI : mais
cela lui a été contefté.
Des écymologiftes ont dit que le nom de
cornette qu'on a donné aux étendards , vient
de ce qu'une reine attacha la lienne au bouc
d'une lance pour aflembler autour d'elle
fes troupes débandées : d'autres prétendent
que l'origine de ce nom eft tiré d'une efpecc
de cornette de taflétas , que les feigneurs
de diftiniftion portoient (ur leur calque ,
elle étoit de la couleur de la livrée de celui
■ 'a porroit, pour qu'il pût être aifément
qui
reconnu des liens , & cela paroît plus \rai-
feniblable. Il y avoit encore d'autres raifons
qui failoient porter de ces (ortes de cornet-
tes , comme pour empêcher que l'aidtur
ETE
du Hilcil n'échaufilt trop l'acier de ce caf-
quc , & que par cette raifon il ne causât
des maux de téce violens , ou pour que la
filuie ne les rouiliât pas , & n'en gâtât pas
es ornemens qui étoient précieux. Le nom
de cornette eft refté aux officiers qui portent
les étendards. Ce font les troiljemcs officiers
des compagnies; ils le font un prnicipe de
ne jamais rendre leur étendard qu'avec le
dernier (oupir.
Dans l'ordre de bataille , chaque étendard
eft à peu près au centre du premier rang de
la compagnie de la droite & de la gauche ,
où il eft attaché. Si l'efcadron e(t formé fur
trois rangs , la place cft à la tête de la cin-
quième file en comptant par le flanc ; &: li
l'efcadron e(l fur deux rangs , il eft à la fep-
tieme hle.
Plulleurs officiers de cavalerie ont penfé
qu'il feroit avantageux de reformer un des
deux étendards qu'il y a par efcadron , & de
les réduite à un feul comme dans les dra-
gons. On ne peut difconvenir qu'à certains
égards la réforme d'un étendard ne fût un
embarras de moins pour la cavalerie : mais
s'il eft de la plus grande conféquence que les
cfcadrons foient à la même hauteur pour le
couvrir mutuellemenr les flancs & pour la
défente réciproque les uns des autres , & s'il
faut nécefTairement que les flancs de l'in-
fanterie foient gardés par les ailes de cava-
Iciie 5 on Itra forcé de reconnoitre qu'il eft
ETE 189
abfolument îndifpenfable, pour que tous les
corps puiirent s'aligner entr'eux , d'avoir
deux é.endards pat chaque efcadron.
S'il n'y avoir qu'un étendard , il feroit
poffible qu'il n'y eût pas deux cfcadrons
fur le même alignement , & que cependant
ils parufient tous enfemblc être exatlemenc
alignés ; les uns pourroient prélenter leur
front , & les autres leur flanc dans un afpeCb
tout contraire , de forte qu'ils feroient à
découvert dans leur partie la plus foible :
il pourroit encore arriver de ce défaut
d'étendards , que l'efcadron de la droite de
l'aile droite hit à la jufte hauteur du batail-
lon qui forme la pointe droite de l'infan-
terie , & que cependant le flanc de cette
infanterie fût dénué de cavalerie , & qu'il
y eût un jour tavorable à l'ennemi pour
fe couler derrière elle , parce que la gau-
che de l'aile droite de cavalerie en feroit
trop éloignée. Si l'on répond que le fécond
cas eft impnffible , parce qu'on ne pourroit
former ce dernier efcadron de la gauche de
l'ade ilroite fans s'appercevoir qu'il feroic
tout à fait hors de l'alignement de l'infan-
tene, du moins conviendra t-on que pour
remédier à ce défaut dès qu'il fera apperçu,
il faudra que l'aile toute entière fe remette
en mouvement , afin de fe drefler de nou-
veau ; opération qui fera perdre beaucoup
de temps , fans qu'on puifTe encore efpércr
L d'y réuflîr.
^
^>
Des cfcadrons qui auront deux étendards
ne leront pas luiceptibles de pareils in-
convsiviens , puil qu'ils aurom deux poiuîs
fixes : condition nécefTaire pour a%'oir la
pofition de toute ligne droite.
Si les cfcadrons de dragons n'ont qu\in
190 ETE
étendard , c'eft qu'ils font moins dans le cas ]
de fcrvir en ligne , que d'ccre employés
en corps dcnnchcs , &c plutôt en pelocons
qu'en efcadrons.
D'ailleurs s'il n'y avoir qu'un f'VfnJarif dans
un efcadron de cavalerie , il fcroit placé
entre les deux compagnies du centre ; &c ne
fc trouvant pas appartenir à ces compagnies,
elles n'auroient pas le même intcrct de le
conferver : c'eft une prérogative qui appar-
tient aux premières compagnies , qui fc tcnt
un honneur de le défendre. Cet anicle cji Je
M. Dauthvilis.
Etendards , ( Jard. ) s'appellent encore
voile : ce lont les trois feuilles fapéricures
qui s'élèvent pour former la fleur de l'ir;s.
Voye[ Iris. ( K )
"^ ETENDOIR , f. m. c'eft en général
l'endroit où l'on expofe , foit à l'aéfion de
l'air 5 foit à celle (.lu feu, des corps qu'il faut
fecher. Il fc dit aulfi quelquefois de l'inftra-
ment qui fert à placer les corps convenable-
ment dans le lieu appelle Véiendoir,
h'étendoir des Cartminiers elf un endro't
où on étend les feuilles de carton fur des
cordes pour les faire fecher , après qu'elles
font fabriquées & après qu'elles font col-
lées.
Celui des Chamoifevrs eft l'endroit où l'on
a pofé des cordes pour étendre les peaux, ahn
qu'elles y (oient fcchées & etforrécs.
L'ctcndoir des Még.-Jpers eft un endroit
garni de perches, fur lelqueiles ces ouvriers
étendent les peaux de moutons palfées en
mégie , pour les f die fecher. |
Ùéi'endoir des Paptiencs l'ÎÏ une fille où
on met féchcr le papier lur des cordes. Cet
endroit efl pratiqué de manière qu'on peut
y faire entrer plus ou moins d'air , félon
qu'on le juge à propos , au moyen de plu-
iieurs ouvertures ou fenêcres qu'on ferme
& ouvre quand on veut avec des perfîcnnes.
f^oyc^ PfRSIENNHS.
^ ETENDRE, v. a£i:. tsrme reluif à
refpace , & quelquefois au temps. Etcndic ,
c'et^ faire occuper plus d'elpacc , ou eiii-
braller plus de temps : on dit, les miéraux
s'étendent fous le marteau ; l'heure d'un
rendez- vous %'étend. Il fc prend au limplc
&c au figuré , comme on le voit dans ces
exemple;. ; étendre une nappe , étendre fes
ETE
Étendre , en terme df. Cornctier , s'en-
tend de l'action d'applatir aux pmccj , 8C
d'allonger le plus qu'il efl poflibie les galins
qui n'ont été qu'ouverts imparlaitemcnc
après la fente.
ÉTENDUE , f . f ( Ordre encyclopcdi.jue.
Sens , E.itendcmcnt , Pkilofophie,Méiapliyfi~
que. ) On peut conlldérer Vétendue comme
fenfaiion, ou comme idée abflrraite ; com-
me iénfation , elle eft l'effet d'une certaine
action des corps' fur quelques-uns de nos
organes ; comme idée abftraite , elle efl
l'ouvrage de l'entendement qui a généralifc
cette fenlation , & qui en a Fait un être mé-
taphylique , en écartant toutes les qualités
fenflblcs & actives qui accompagnent Véten^
due dans les êtres matériels.
La fenfation de Vctendue ne peut être dé-
finie par cela même qu'elle eft lenfation ;
car il eft de l'cflence des nouons particuliè-
res immédiatement acquiles par les !ens ,
ainll que des notions intellecluelles les plus
générales , formées par l'entendement ,
d'être les dernières limites des définitions ,
& les derniers élémens dans lefquels elles
doivent le réfoudre. Il fuffira donc de re-
chercher auxquels de nos fens on doit rap-
porter cette fenlation , & quelles font les
conditions requifes pour que nous puilfions
la recevoir,
Suppofons un homme qui ait l'ufage de
tous fes fens , mais privé de tout mouve-
m.cnt , &: qui n'ait jamais exercé l'organe
du toucher que par l'application immobile
de Cet organe fur une même portion de
mrtierc ; je dis que cet homme ii'auroit au-
cune notion de Vétendue , & qu'il ne pour-
roit l'acquérir que lorfqu'il auroit commen-
cé à fe mouvo'r. En effet il n'cfc qu'un feul
moyen de connoîire Vétendue d'un corps ;
c'cli l'application fucceflive & continue de
l'otganc du toucher far la furface de ce
corps : ce ne feroit point allez que ce corps
fur en mouvement tandis que l'organe fe-
loiten repos, il faut que l'organe lui-mê-
me le rffcuvc ; car pour connoitre le mou-
vement il faut avoir été en mouvement ,
& c'eft par le mouvement feul que nous
(ortons pour ainli dire de nous mêmes, que
nous reconnoid'ons l'exdfence des objets
extérieurs , que nous meunu:is leurs di-
uicnflous , Lurs diftanccs iclpedivcs , ôc
ETE
que nous prenons podciTion de l'étendue.
La (enduion de l'étendue n'elt donc que la
trace des imprellions fiicceirives que nous
éprouvons lorfqvie nous lommes en mou-
vement : ce n'cft point une fenlation (im-
pie, mais une fenlation compofée de plu-
fjeurs fenfarjons de même genre ; & com.me
c'cli: par les feuls organes du tojcher que
nous nous mettons en mouvement , & que
nous Tentons que nous lommes en mou-
vement , il s'enfuit que c'eft au to'icher
feul que nous devoiis la frnfaiion de Yéte'i-
due. On objcclera peui-ctre que nous rece-
vons cette fenfarion par la vue , auiTî-bicn
que par le toucher ; q^.e l'cril cmbraife un
plus grand efpace que la main n'en peur
toucher , & qu'il melure la diftance de
plufieurs objets que la main ne fiuroic
atteindre même a-'ec fes inllrumens. Tout
ce'a eft vrai , mais n'elt vrai que de l'œd
inftruit par le toucher ; car l'expérience a
démontré qu'un aveugle de naiffance, à qui
la vue cil rendue tout à-coup , ne voit rien
hors de lui , qu'il n'apperçon aucune ana-
logie entre les images qui le tracent dans
le fond de fes yeux & les obîets extérieurs
qu'il connoiiloit déjà par le toucher; qu'il
ne peut apprécier leurs difcarices ni recon-
noicre leur fituation , julqu'à ce qu'il ait
appris à voir , c'eft-à dire , à remarquer les
rapports conftans qui fc trouvent entre les
fcnlations de la vue & celles du toucher:
par conféquent un homme qui n'auroit ja-
mais exerce l'organe du toucher, ne pour-
roit apprendre à voir ni à juger des dimen-
fîons des objets extérieurs , de leurs lor-
mes j de leurs difrances , en un mot de
Véteiiduc ; & quoiqu'on lupposât en mou-
vement les images qui feroient tracées dans
le fond de fes yeux , cependant comme il
ne cjnnoitroit point le mouvement par fa
propre expérience , ces mouvemens appa-
rens ne lui donneroient qu'une fimple idée
de fucceiïion, comme ferait une fuite des
fons qui frap^reroient fuccellîvemenr (on
oveille , ou -t'odeurs qai atïefteroieiK fuc-
ccfTivement uin odorat , mais jamais ils ne
p )urroienr fuppléer à l'exp:rieiice du tou-
cher , jamais ils ne pourraient , au défau:
de cette expérience , faire naître la pcr-
cept'on du mou-'ement réel , ni par Gon-
lë.jucnt celle de Vitendas fcallble. Et com-
E T E T91
ment des fens auili differens que ceux de
la vue tk. du toucher, pourroient-ils exci-
ter en nous cette dernière perception ?
L'œil ne voit point les chf)fes , il ne voie
que la lumdere qui lui repréicnte les appa-
rences des choies par divcrfes combinai-
Ibns de rayons diverlemenc colorés. Toutes
ces apparences tout en nous , ou plutôt
iont nous-mêmes , purce que l'organe do
la vut eft purement palfif ; & que ne léagif-
fant point iur les ob;ets , il n'éprouve ;.u-
cune forte de réhftancc que nous puifïîons
rapporter à des caules extérieures : au lien
que l'organe du touciier eft un organe adtif
qui s'applique immédiatement à la matière,
ient les dimenfions & la forme des corps,
détermine ieurs diftancesCx, leurs lîtuations,
réagit lui eux direéb;ment & lans le fe-
couis d'aucun milieu interpafé , & nous
fait éprouver une téliftaiice étrangère , que
nous femmes forcés d'attribuer à quelque
chofe qui n'tft point nous \ eniinc'eit le feul
fens par lequel nous puilTions diftingucç
notre être de tous les autres êtres , nous
alTurer de la réalité des objets extérieurs,
les éloigner ou les rapprocher fuivant les
loix de la nature , nous tianTpcrter nous-
m.^mes d''un lieu dans un autre, & par con-
féquent acquérir la vraie notion du mou-
vement & de ['étendue.
Le mouvernent entre fi effentiellemenc
dans la notion de l'étendue . que par lui feul
nous poumons acquérir cette notion ,
quand même il n'exifteroit aucun corps
feniiblement étendu. Le dernier atome qui
puiiTe être lenti par l'organe du toucher ,
n'eft point étendu fenGblement , puifque
les parties étant nécf llairement plus peti-
tes que le tout , celles de cet atome échap-
peroient nécefTairemtnt au fens du toucher
par la iuppofition : cependant fi l'organe
du toucher érant mis en miOuvemenr fe
trouve afrecflé fuccellivement en-plulieurs
points par ce: atome , nous pourrons nous
form^er par cela feul la notion de l'étendue ,
parce q^\^ le mouvement de l'organe & la
continuité dc's impreilicns fuccelTives donc
il eft affeé^cé, fembient multiplier cet atome
& lui dof.ner de l'extciilion. Il eft donc cer-
tain que les imprefTion^ continijes & fuc-
cciîive3 que font les corps fur les organes
du toucher mis en mouvement , confticuenc
192 ETE
la vraie notion de l'étendus ; & mcme ces
idées de mouvement &c A'eicndue font tel-
lement lices entre elles & (I dépendantes
l'une de l'aiurc , qu cm ne peut concevoir
nettement aucune éiziJue déccrmmce que
par la vîtefle d'un mobile qui la parcourt
dans un temps donné : &: réciproquement
que l'on ne peut avoir une idée piécife de
la vîtclVe d'un mobile , que par l'étendue
qu'il parcourt dans un temps donné : l'i^iée
du temps entre donc aulTi dans celle de l'é-
tendue ; & c'efl: par cette raifon que dr.ns
les calculs phylico-maihématiques , deux
de ces trois choies , temps , vïtelFe , éten-
due , peuvent toujours être combinées de
telle façon qu'elles deviennent l'exprelfion
& la rêpréftnration de la troiheme ( car
je ne dilUngue pas ici l'étendue de l'efpace
abfolue des Géomètres , qui n'eft autre
cliofe que l'idée de l'ezena'i^t généralifée au-
tant qu'elle peut l'être ) : ces trois idées
doivent être inféparables dans nos railon-
nemens , comme elles le font dans leur
génération ; & elles deviennent d'autant
plus lumineules , qu'on fait mieux les rap-
procher. Celles de l'eipace & du temps qui
iemb'ent , à certains égards , d'une nature
entièrement op^oiée , ont plus de rapports
enti'eUes qu'on ne le croiroit au premier
coup d'ccil. Nous concevons l'étendue abl-
traiteou l'efpace, comme un tout immenfe;
inaltérable , in?ftif , qui ne peut ni aug-
menter , ni diminuer , ni changer , & dorit
toutes les parties font fupporées co-exifter
à la fois dans une éternelle immobilité : au
contraire toutes les parties du temps fem-
blent s'anéandr & fe reproduire (ans celle ;
nous nous repréfentons comme une chaîne
infinie ., dent il ne peut exider à la fois-
qu'un (cul point indivillble , lequel fe lie
avec celui qui n'eft déjà plus, te celui qui
n'eft pas encore. Cependant . quoique les
parties de l'étendue abftraite ou de l'eipace
foitnt fuppoU'cs peimanenres , on peut y
concevoir de la iucceffion , lorfoui-lles fijnt
parcourues par un corps en mouvement;
&L quoique les parties du temps femblent
fuir fans cédé & s'écouler fans interrup-
tion , l'elpare parcouru par im corps en
mouvement fixe, pour ainli dire, la trace
ciu temps , & donne une lorte de confil-
faiiçeà cette abftraftion légère is: fugitive.
ETE
Le mouvement eft donc le nœud qui lie les
idées il diiïcrcHces en apparence du temps
&c de l'eipace , comme il eft le feul moyen
par lequel nous puilfions acquérir ces deux
idées , & ie feul phénomène qui puillè
donner quelque réalité à celle du temps.
On pourroit encore alTîgner un grand
nombre d'autres rapports entre le temps &
l'efpace i miais il futfira de parcourir ceux
qui peuvent jeter quelque lumière fur la
nature de l'étendue. L'efpace & le temps
(ont le lien de toutes choies ; l'un embraflè
toutes les coexiftences poillbles; l'autre
toutes les luccelTions polTibles. Le temps
eft liippofé couler avec une vitellè conf-
iante &C uniforme , par cela même qu'on
en fait l'unité de meliire de toute luccelTion;
car il eft de l'eirence de toute unité de
mefure d'être unit-orme : de même l'efpace
eft luppolé uniforme dans tous les points ,
parce qu'il eft avec le temps la mekue du
mouvement ; d'ailleurs cette uniformité du
temps & de l'eipace ne pourroit être alté-
rée que par des exifttnces réelles , que
l'abftraélion exclut formellement de cesdeux
idées. Par la miême raifon ces deux idées
font indéterminées , tant qu'elles iont con-
Ikiérécs hors des êtres phyiiques , delquels
feuls elles peuvent recevoir quelque dé-
termination. L'une 6c l'autre conliderées
dans les chofes , font compofées de par-
ties qui ne Iont point iîmilaires avec leur
tout , c'eft-à-dire , que toutes les parties
de l' étendue &C de la durée fcnlible , ne font
point étendue & durée ; car pullque l'idée
de fuccclTion entre néceflairement dans
l'idée de durée , cette partie de la durée
qui répond à une perception fimple , ôc
dans laquelle nous ne conce\ons aucune
luccciTion , n'eft point durée : & l'atom.e
de matière dans lequel nos fens ne peuvent
diftinguer de parties , n'eft point Icnliblc-
mcnt éten<iu. J'ai grand loin de diftinguer
l'é.'c/idue abltraite de l'étindue fenliole ,
par que ce (ont en eftct des acceptions
très-diftcrentes du même mot. La véritable
étendue (enfible , c'eft V( tendue palpable : elle
coniifte dans les (enlations qu'excirent en
nous les lurfaces des corps parcourues p.;c
le touciier. L'étendus vilible , li l'on veut
ablljlument en admettre une , n'clt point
luic fenfaticn diredc , niais une ind'..él:Jon
fanJéo
ETE
fondée fur la correfpundance de nos fènUi-
rions , &c par laquelle nous jugeons <le l'e-
tcndue palpable d'après certaines apparen-
ces prcfeiues à nos yeux. Hntîn Vétendue
ablliaite ert l'idée des dimenlîons de la
matière, féparce par une abllractio» mé-
taphylîque de toutes les qualités ienfibles
des corps , & par conléquent de toute idée
de limites , puifque Vétendue ne peut être
limitée en ertet que par des qualités fen-
iibles. Il feroit à fouhaiter que chacune de
ces diverfcs acceptions eut un terme pro-
pre pour l'exprimer : mais ioit que l'on
confente ou que l'on refufe de remédier à
la confuCion des lignes , il ell très-impor-
tant d'éviter la contudon des idées ; &
pour l'éviter il £iut , toutes les fois que
l'on parle de Vétendue , commencer par dé-
terminer le fens précis qu'on attache à ce.
mot. Par cette feule précaution une infi-
nité de difputes qui partagent tous les jours
le mionde philofophe , fe trouveroicnt dé-
cidées ou écartées. On demande (i Vétcndui;
eft divilible à l'infini : mais veut on parler
du phénomène fenlible , ou bien de l'idée
abftraite de Vétendue ? Il eft évident que
Vétendue phyhque , celle que nous connoil-
(ons par le fcns , d< qui femble apparte-
nir de plus près à la matière , n'clt point
indivilible à l'infini ; puifqu'après un cer-
tain nombre de divi lions , le phénomène
de Vétendue s'év.inouit , &c' tombe dans le
néant relativement à nos organes. Eft-ce
feulemmt de l'idée abftraite de Vétendue
qu'on entend parler ; Alors comme il entre
de l'arbitraire dans la formation de nos
idées abllraites , je dis que de la définition
de celle-ci doit être déduite la foiution de
la queftion dir l'infinie divilibilité Si l'on
veut que toute partie intelligible de Véten-
due foit de Vétendue , la divifibilité à l'infini
aura lieu ; car comme les parties divilees in-
telleéxuellement peuvent être repréfentées
par une fuite infinie de nombres , elles
n'auront pas plus de limites que ces nom-
bres , Se feront infinies dans le même lens ,
c'eft-à-dire , que l'on ne pourra jamais aiTî-
gner le dernier terme de la divilîon. Une
autre définition de Vétendue abilraite auroit
conduit à une autre lolution. La queftion
lur l'infinité aflruelle de Vétendue fe réfou-
droit de la même manière ; elle dépend ,
Tome XII J,
ETE 195
à l'égard de Vétendue fenfible , d'une me-
iure adtuelle qu'il eft impolïîble de prendre ;
& Vétendue abftraite n'eft regardée comme
infinie , que parce qu'étant féparéc de tous
les autres attributs de la matière , elle n'a
rien en elle-même , comme nous l'avons
déjà remarqué , qui puilTe la limiter ni la
déterminer. On demande encore fi Véten-
due coniHtue ou non l'effence de la ma-
tière î Je réponds d'abord que le mot ejfence
eft équivoque , & qu'd faut en déterminer
la fignification avant de l'employer. Si la
queiHon propofée fe réduit à celle-ci , l'e-
tendue ell-clle un attribut de la matière,
tel qu2 l'on puifl'e en déduire par le rai-
fonnement tous fes autres attributs î II eft
clair dans ce fens que Vétendue , de quelque
taçoiî qu'on la prenne , ne conftitue point
l'elïence de la matière ; puf^u'il n'cft pas
poilible d'en déduire l'impénétrabilité , ni
aucune des forces qui appartiennent à tous
les corps connus. Si la queftion propofée
revient à celle-ci : eft-il pollîhle de conce-
voir la matière fans étendue ? Je réponds
que l'idée que nous nous faifons de la ma-
tière eft imcomplete toutes les fois que
nous omettons par ignorance ou par oubli
quelqu'un de les attributs ; mais que Véten-
due n'eft pas plus elfentielle à la matière ,
que fes autres qualités : elles dépendent
toutes , ainlî que Vétendue , de certaines
conditions pour agir fur nous. Lorsque c?s
conditions ont lieu , elles agilTent fur nous
aulfi nécelîairement que Vétendue , & tou-
tes , fans excepter Vétendue , ne différent
entr'elles que par les différentes impref-
ficns dont elles afFeclent nos organes. Je
ne conçois donc pas dans quel fens de très-
grands métaphyliciens ont cru & voulu
faire croire que Vétendue étoit une qualité
première qui réfidoit dans les corps telle
précifémen:, & fous la même forme qu'elle
réiide dans nos percep:ions ; & qu'elle étoit
diftinguée en cela des qualités fécondaires ,
qui , félon eux , ne rellemblent en aucune
manière aux perceptions qu'elles excitent.
Si ces métaphyliciens n'entendoient par-
ler qi^de Vétendue fenfible , pourquoi re-
fufoienr-ils le titre de qualités premières
à toutti les autres qualités fenhbles ? Se
s'ils ne parloient que de Vétendue abftraite ,
comment voulaient - ils tranfportcr nos
B h
15)4 ETE
idées dans la matière , eux qui avoient une
fi grande répugnance à y reconnoirre quel-
que chofe de femblable à nos fenfacions ?
La caufe d'une telle contradiftion ne peut
venir que de ce que le phénomène de ['éten-
due ayant un rapport immédiat au toucher ,
celui de tous nos fens qui iemble nous
.faire mieux connoître la réalité des chofes ,
& un rapport ind're£t à la vue , celui de
tous nos fcns qui eft le plus occupé , le
plus fenfible , qui conferve le plus long-
temps les impreflions des objets , & qui
fournit le plus à l'imagination , nous ne
pouvons guère nous leprélenter la matière
lans cette qualité toujours préfente à nos
fens extérieurs & à notre lens intérieur ;
&: de là on l'a regardée comme une qua-
lité première &c principale , comme un
atti but eflentiel , ou plutôt comme l'ef-
fence même des corps , & l'on a fait dé-
pendre l'unité de la nature de l'extenlion
& de la cotmnuité des parties de la ma-
tière , au lieu d'en reconnoitre le principe
dans l'aûion que toutes ces parties exer-
cent perpétuellement les unes (ur les autres,
qu'elles exercent même juiquefur nos orga-
nes, & qui conftitue la véritable cU'ence de
la matière relativement à nous.
Au reftc conjme il faut être de bonne foi
en toutes chofes , j'avoue que les quellions
du genre de celles que je viens de traiter ,
ne font pas à beaucoup près aulTi utiles
qu'elles font cpineuies ; que les erreurs en
pareille matière mtértflent médiocrement
la fociété ; &c que l'avancement des Icien-
ces adives qui obfervent & découvrent les
propriétés des êtres , qui combinent &
muitiplient leurs ufiges , nous importe
beaucoup plus que l'avancement des fcien-
ces contemplatives , qui fe bornent aux
pures idées. Il eft bon , il eft même nécef-
faire de comparer les êtres , & de généra-
lifer leurs rapports ; mais il n'eft pas moins
néceflaiie , pour employer avantageufe-
ment ces i apports généralités , de ne jamais
perdre de vue les objets réels auxquels ils
fe rapportent , & de bien marquer le terme
où l'abftradfion doit enfin s'arrêter. ^| crois
qu'on eft fort près de ce terme ^OTtes les
fois qu'on eft parvenu à des vérités iden-
tiques , vagues , éloignées des chofes, qui
coixferveroicnc leur inutile certitude dans
ETE
tout autre univers gouverné par des loîx
toutes différentes , &c qui ne nous font
d'aucun lecours pour augmenter notre puiC-
fance ëc notre bien-être dans ce monde où
nous vivons CetariicleeJideM.GuENAUT,
éditmir de la coUcétion académique ; ou-
vrage fur l'importance & l'utilité duquel il
ne refte rien à ajouter , après le difcours
plein de vues faines & d'idées profondes que
l'éditeur à mis à la tête des trois premiers
volumes qui viennent de paroitre.
Sur {'étendue géométrique , & fur la ma-
nière dont les géomètres la conlidercnt ,
l'oye^l'art. Géométrie , auquel cette dif-
culTitm appartient immédiatement.
Etendue , ( f^oix. ) La nature a donné
à la voix humaine une étendue fixe de tons ;
mais elle en a varié le fon à l infini , comme
les phyhonomies.
De la même manière qu'elle s'eft alTu-
jettie à certaines proportions conifantes
dans la formation de nos traits , elle s'eft
auili attachée à nous donner un certain
nombre de tons qui nous fervilfent à expri-
mer nos différentes fenlations ; car le chant
eft le premier langage de l'homme. Fbje^
Chant.
Mais ce chant formé de (ons qui tien-
nent de la nature l'exprelïîon du fentiraent
qui leur etf propre , a plus ou moins de force,
plus ou moins de douceur , &c. le volume de
la voix qui le forme , eft ou large ou étroit,
lourd ou léger : l'imprelTion qu'il fait fur
notre oreille , a des degrés d'agrément ; il
étonne ou Hatte , il touche ou il égaie. /- oy.
Son. Or dans toutes ces différences il y a
dans la voix bien organifée qui les produit ,
un nombre fixe de tons qui forment fon
étendue , comme dans tous les vitagcs il y
a un nombre confiant de traits qui for-
me leur enfemble. Lorfque le chant eft
devenu un art , l'expérience a décompoie
les voix ditiérentes de l'homme , pour en
établir la qualité & en apprécier la valeur.
Nos Muficiens en France n'ont confulté
que la nature , Se voici la divifion qui leur
fert de règle.
Dans les voix des femmes , le premier
& le fécond dejjlis : ce dernier eft aulTî ap-
pelle bas-dejfus. On donne le même nom
& on divife de la même manière les vois
des enfans avant la mue. Voye[ Mue»
ETE
Les voix d'homme (ont railles ou Iiaiite-
contrcs, ou balle- cailles ou baltès-connes.
Nous regardons comme inutiles les eon-
coidans.& les faufTecs.
Nous n'admeccons donc en France dans
la compolltion de notre mulique vocale,
que (ix lortes de voix , deux dans les fem-
mes, & quatre dans les hommes- La con-
noillance de leur étendue eft nectfTaire aux
compolîteurs : on va l'expliquer par ordre.
Premier dejfus chantant : clé Ac fol iur la
féconde ligne , parcourt depuis Vut au-def-
fous de la clé , ju'qu'au la odave au-defl'us
de celui de la clé ; ce qui fait diatonique-
ment dix tons & demi.
Second djjfus , ou l'as- Je/fus chantant : clé
d'ui fous la première ligne , donne le fil
en bas au-dellbus de la clé, & monte juf-
qu'au fa odtave de celui de la clé , ce qui
fair diatoniquement onze tons.
Cette efpece de voix eft très-rare ; on
en donne mal-à- propos le nom à des orga-
nes plus volumineux de moins étendus que
les premières delliis ordinaires , parce qu'on
ne fait quel nom leur donner.
Je dois au (urplus avertir que je parle
ici , 1°. des voix en général : il y en a de
plus étendues ; mais c'eft le très petit nom-
bre , &C les oblervations dans les arts ne
doivent s'arrêter que fur les points géné-
raux ; les règles ont des vues univerfelles ,
les cas particuliers ne forment que des ex-
ceptions fans conféquence. 2°. Qu'en fixant
diatoniquement IV/t'/za'we ordinaire des voix,
on les îuppofe au ton de l'opéra , par exem-
ple. Il n'y en a point qui , en prenant
le ton qui lui eft plus favorable , ne par-
coure (ans peine à-peu près deux octaves.
Mais elles le trouvent relfcrrées ou dans
le haut ou dans le bas , lortqu'elles font
obliges de s'allujettir au ton général éta-
bli ; ix. c'eft de ce ton général qu'il eft né-
celfaire de partir pour le former des idées
exactes des objets qu'on veut faire con-
noitre.
La haute-con'.re : clé à'ut fur la troifieme
ligne. Son étendue doit être depuis Vut au-
delfous de la clé , julqu'à Vut au-delfus, ce
qui fait deux octaves pleines , ou douze tons,
/oye^ Haute contre.
Tattie : clé à'ut fur la quatrième ligne.
Elle doit donner Vut au-dtlî'ous de la clé.
ETE ip5
Sr le la au-de(ïïis ; ce qui fait diatonique-
ment dix tons & demi.
Cette cfpecc de voix eft la plus ordi-
naire à l'homme ; on s'en fert peu cepen-
dant pour nos théâtres & pour notre mu-,
fique latine. On croit en avoir appercu la
caule , 1°. dans ion fVe/3</i/e , moindre que
celle de la haute - contre Se de la balle-
taille : z°. dans l'cfpece de rclfemblance
qu'elle a avec elles. La taille ne forme point
le contrafte que les fons de la ball'e- taille
& de la haute-contre ont naturellcmenc
cntr'eux ; ce qui donne au chant une va-
riété nécellaire.
Bafje'taUle : clé de fa fur la quatrième
ligne, donne \z fol au-deftbus de la clé,
èi. \c fa ^ au-deflus : diatoniquement onze
tons & demi. Fbyf^ Basse-taille.
Bajfc-contre: même clé & même portée en-
bas que la balle- taille, mais ne donne que le
mi enhaut. Le volume plus large, s'ileft per-
mis de fe fervir de cette exprellion , eu
fait une (éconde différence. On fait ulage
de ces voix dans les chœurs ; elles rem-
plilleni & foutieiment l'harmonie : on en
a trop peu à l'opéra , l'effet y gagneroic.
^o>e:j^ Instrument,
On a déjà dit que le concordant & le fauf-
fet etoient regardés comme des voix bâtar-
des & inutiles. Le premier eft une forte
de taille qui chante fur la même clé , & qui
ne va que depuis Vut au-deftous de la clé ,
jufqu'au/a au-delfus : huit tons & demi dia-
toniquement.
On voit par le feul expofé , combien
on a abulé de nos jours de l'ignorance dé
la multitude à l'égard d'une voix nés pré-
cieulc que nous avons perdue. On veut
parler ici de celle du lîtur Lepage , qu'on
diloic tout haut n'être qu'un concordant ,
& qui étoit en etfet la plus légère, la mieux
timbrée & la moins lourde balîe- taille que
la nature eut encore offerte en France à
l'art de nos Muficiens. Ce chanteur par-
couroit d'une voix égale & aifée , plus de
tons que n'en avoient encore parcouru nos
voix de ce genre les plus vantées. Il avoir
de plus une grande facilité pour les traits
de chant , qui feuls peuvent l'embellir & le
rendre agréable. On lui refufoit l'exprel^
fion , l'adion théâtrale , les grâces de la dé-
clamation : peut être en effet n'étoit-il qtitf
Bb z
196 ETE
médiocre dans ces parties; mais quelle voix!
& il faut premièrement chanter , & avoir
de quoi chanter à l'opéra.
Le fauflet eft une voix de deffus faétice ;
elle parcourt avec un fon aigre les mêmes
intervalles que les voix de deflus. Il y a
des chanteius qui fe le donnent , en con-
fervant la voix qu'ils avoient avant la mue.
V. Mue, D'autres l'ajoutent à leur voix
iîaturelle , & c'cd une milérable imitation
de ce que l'art a la cruauté de pratiquer en
Italie.
C'eft-là qu'un ancien ufage a prévalu
fur l'humanité ; une opération barbare y
produit des voix de deflus , qu'on croit
fort fupérieures aux voix que la nature a
voulu faire ; ik de ce premier écart on a
paflë bientôt à un abus dont les inconvé-
niens furpaifcnt de beaucoup les avantages
qu'on en retire.
Oi\ a vu plus haut quelle eft: {'étendue dé-
terminée par la nature des voix de deflus.
Les mullcicns d'Italie ont trouvé cette
éiendue trop rellcrrée ; ils ont travaillé dès
l'enfance les voix des caftrati , & à force
d'art ils ont cru en écarter les bornes ,
parce qu'ils ont enté deux voix faftices &
tout à fait étrangères, fur la voix donnée,
îi'iais ces trois voix de qualités inégales ,
laiifent toujours (entir une dilTemblance
qui montre l'arc à découvert , & qui par
conléquent dépare toujours la nature,
\Jétendue faélice des voix procurée par
i'art , ne pouvoit pas manquer d'txciter
l'ambition des femmes, qui fe dellinant
au chant , n'avoient cependant qu'une voix
naturelle. Dès qu'un delfus artificiel four-
nifloit (n'iir.porte comment ) plulieurs tons
dans le haut & dans le bas, qui excédoient
l'étendue d'un dellus naturel , il s'enfuivoic
que celui-ci paioilloit lui être inférieur , &
devenoic en effet moins utile. Les compoli-
tcurs relTti lés dans les bornes de dix cop.s ^
demi j prelcritcs par la nature, le trouvoicnt
bien plus à leur aife avec des voix factices ,
qui leur donnoient la liberté de fe jouer
d'une plus grande quantité d'intervr.llcs ,
Si qui rendoient par conféquent leurs com-
pofitions beaucoup plus extraordinaires &
infiniment moins difliciles. Les voix de
fcBlxne, fi bien faites pour porter l'émo-
ETE
tlon jufqu'au fond de nos coeurs , n'étoient
plus dans leur état naturel qu'un obl^acle-
aux écarts des muliciens ; & ils les auroient
abandonnées à perpétuité pour fe len'ir des
cajîrati ( qu'on a d'ailleurs employés de cous
les temps en femmes fur les théâtres c'Ita-
lie ) , fi elles n'avoient eu l'adrelTe & le
courage de gâter leurs voix pour s'accom-
moder auxcirconllances.
Ainh à force d'art , de travail & de
confiance, elles ont calqué fur leuis voix
plulieurs tons hauts & bas au dellub & au*
dtflous du diapalon naturel. L'art eft tel
dans les grands talens , qu'il enchante les
Italiens habitués à ces fortes d'écarts , Se
qu'il furprend Se flatte même les bonnes
oreilles françoifcs. Avec cet artifice les
femmes fe font foutenues au théâtre , dont
elles auroient été bannies , & elles y diC-
putent de talent & de fuccès avec ces efpe-
ces bifarres que l'inhumanité leur a donné
pour rivales. Fbjc^ Chante;;!». , Chan-
tre.
A hi fuite de ces détails, qu'il foit permis
de faire deux réflexions. La première eft
fuggciee par les principes de l'art. Il n'eft
& ne doit être qu'une agréable imitation
delà nature; ainlî le chant réduit en règles,
fournis à des loix , ne peut être qu'un em-
btllifiement du fon de la voix himiainc ; &
ce Ion de la voix n'eft &: ne doit être que
l'expreiTion du fentiment , de la pailion ,
du mouvement de l'ame , que l'art a inten-
tion d'imiter : or il n'eft point de luuation
de l'ame que l'oigane , tel que la nature l'a
donné , ne puilTe rendre.
Puifque le fon de la voix ( ainlî qu'on l'a
dit plus haut , & qu'on le prouve à l'article
Chant ) eft le premier langage de l'hom-
me , les difterens tons qui compofent l'éten-
due naturelle de fa voix , font donc relatifs
aux diftérentes expreirions qu'il peut avoir
à rendre , £< lufîilans pour les rendre toutes.
Les tons divers que l'art ajoute à ces pre-
miers tons donnés, font donc, 1°. (uper-
flus ; 2°. il faut encore qu'ils foient tout-
] à-fait fans expreflion , puilqu'ils lont in-
connus , étrangers , inutiles à la nature. Ils
ne font donc qu'un abus de l'ait , & tels que-
le feroient dans la peinture , des couleurs,
fadices , «^ue les diverfes modifications de-
ETE
la lumière naturelle ne fauroient jamais
produire.
La féconde réflexion eft un cri de dou-
leur 6»: de pitié fur les égarcmens t5>: les pré-
jugés qui fubjuguent quelquefois des njrion.s
entières , & qui blclîcnt leur fenfibilité au
point de leur iaillcr voir de iang- froid les
ufages les plus barbares. L'iiumanitc, la rai-
fon , la religion , font également outragées
par les voies fadices , qu'on fait payer fi
cher aux malheureux à qui on Us donne.
Ccft fur les noirs autels de l'avarice que des
p^res cruels immolent eux-mêmes leurs tils ,
leur poilenté , & peut-ccre des citoyens
qu'on auroit vu quelque jour la gloire ik
l'appui de leur patrie.
Qu'on ne croie pas, au refte, qu'une auffi
odieufe cruauté produife infailliblement le
fruit qu'on en efpere ; de deux mille vidi-
mes (acrihces au luxe Se aux bifarrcries de
l'art , à peine trouve-t-on trois (ujets qui
réuniflent le talent & l'organe : tous les au-
tres , créatures oifives ik languillantes , ne
«nt plus que le rebut des deux fexes ; des
embres paralytiques de la fociété ; un hir-
deau inutile & tlétrillànt de la terre qui les a
produits , qui les nourrit , qui les porte.
Voyti Egalité , Son , Voix , Maître a
CHANTER. (B)
ÉTENDUE, {Mufique.) différence de
deux fons donnés qui en ont d'intermédiai-
res , ou fomme de tous les intervaUts com-
pris entre les deux extrêmes. Ainh la plus
grande étendue polîible ou celle qui com-
prend toutes les autres , eft: celle du plus
grave au plus aigu de tous les fons fenfibles
ou appréciables. Selon les expériences de
■M. Euler , route cette étendue forme un
intervalle d'environ huit oélaves , entre un
fon qui fait trente vibrations par féconde ,
& un autre qui en fait yjji dans le même
temps.
Il n'y a po'nt d'étendue en muhque entre
les deux termes de laquelle on ne puifle
inférer une infinité de fons intermédiaires
qui le partagent en une infinité d interval-
les , d'où il fuit que l'étendue fonore ou
muficale ttt. dividble à l'infini , comme
celles du temps &c du, lieu. Voyci Inter-
valle, (s)
* ETENTES , ÉTATES , PALIS ,
CIBAUDIERE , tirmesf^nonymes dépêche^
ETE 197
fortes de rets ou filets. Les rets des hauts-
parcs, dans le relfort de l'amirauté du bourg
d'Ault , qui iont les étentes , étates ou pali%
pour la pC'che du poiflôn partager , font con-
iorines au calibre prefcrit par l'ordonnance
de i68x. Les pièces qui ont vingt , trente,
quarante , cinquante bralles, ont une brade
ou une bralle 8^ 'demie de chiite ; ces filets
font pour lors montés fur v.nc haute perche,
bout-à-terre, bout-à-la- mer. On les tend
encore en demi cercle.
Les pêcheurs qui (ont voilins de l'embou-
chure de la rivière de Breft: , où les truites &
les (aumons entrent volontiers , en font auffi
la pèche avec ces filets : ils font pour lors
tendus de la même manière que les rets tra-
verliers de la cote de Baffe-Normandie. Les
pêcheurs plantent leurs petites perches ou
piochons en droite ligne, bout-à-terre,
bout- à-la- mer , ainn que dans les haucs-
parcs; mais ils forment à l'extrémité un rond
où ces pciilons s'arrêtent. Cette forte de
pêcherie peut alors être regardée comme
une efpece de parc de perches & de filets,
n'y ayant aucunes claies ni pierres par lepié
pour le garnir.
ETERNALS , f m. pi. ( Hift. ecdéf. )
hérétiques des premiers liecles. Ils croyoient
qu'après la réfi^rcclion le monde dureroic
éternellement tel qu'il eft , tk. que ce grand
événement n'apporteroit aucun changement
dans les chofes naturelles.
ÉTERNELLE , f. f. ( Hiji. nat. Botan. )
elichryfum. Cette plante eft ainfî nommée ,
parce que fa fieur, quoique coupée de deOus
le pié , fc conferve ians changer de couleur.
C'cft un petit bouton jaune-pâle ou rougeâ-
tre , dont la tige & les feuilles font d'un
verd blanchâtre ; elle vient de graine ou de
bouture , & ne demande qu'une culture
ordinaire. {K)
ÉTERNITÉ , ( Mét.7phyf.) durée infinie
& incommenfurable.
On envifage l'éternité o\\ la durée infinie,
comme une ligne qui n'a ni commencement,
ni fin. Dans les fpéculations fur l'efpace in-
fini , nous regardons le lieu où nous exif-
tons , comme un centre à l'égard de toute
l'étendue qui irons environne ; dans les
fpéculations fur l'éternité , nous regardoirs.
le temps qui nous eft préfent , comme le mi-
lieu qui divilc cûu:e la ligne ai deux.païties
193 ETE
égales : de-là vient que divers auteurs fpiri-
luels comparent le temps préfent à une
ifthme qui s'cleve au milieu d'un varte océan
qui n'a point de bornes , &: qui l'enveloppe
de deux cotés.
La philofophie fcholadrique partage Véier-
niié en deux , celle qui ell palfée , & celle
qui eft à venir ; mais tous4es termes fcienti-
fiques de l'école n'apprennent rien fur cette
mnciere. La nature de ['éternité ell inconce-
vable à l'efprit humain : laraifon nous dé-
mowtre que Véicrnhé pairéc a été , mais elle
ne fauroit s'en former aucune idée qui ne
foit remplie de contradicîtions. Il nous eft
impolTibie d'avoir aucune autre notion d'une
durée qui a pailé , fi ce n'eft qu'elle a été
toute préfente une fois ; mais tout ce qui a
été une fois préfent , eft à une certaine dif-
tance de nous ; & tout ce qui eft à une cer-
taine diftance de nous , quelqu'cloigné qu'il
loit, ne peut jamais être Vétermté.
La notion même d'une durée qui a pafle ,
emporte qu'elle a été préltnte une fois ,
puilque l'idée de celle-ci renferme actuelle-
ment l'idée de l'autre. C'eft donc là un myf-
tere impénétrable à l'eiprit humain. Nous
fommes adùrés qu'il y a eu une éternité;
mais nous nous contrcdifons nous-mêmes ,
des que nous voulons nous en former quel-
que idée.
Nos difficultés fur ce point , viennent de
ce que nous ne faurions avoir d'autres idées
d'aucune forte de durée , que celle par la-
quelle nous exiftons nous-mêmes avec tous
les êtres créés ; je veux dire une durée fuc-
ceiïîve , formée du paflé , du préient &: de
l'avenir. Nous (ommes perfuadés qu'il doit
y avoir quelque chofe qui exifte de toute
tternité , &c cependant il nous eft impoffible
de concevoir , iuivant l'idée que nous avons
de l'exiftence , qu'aucune choie qui exifte
puHTe être de toute éternité. Mais puifque
les lumières de la raifon nous diéient &:
nous découvrent qu'il y a quelque choie qui
exifte nécefljirement de toute ettniité , cela
doit nous lulfire , quoique nous ne le con-
cevions pas.
Or, i". il eft certain qu'aucun être n'a
pu le former lui-même , puifqu'il faudroit
alors qu'd eut api avant qu'il exiftât, ce qui
jmf lique contradiftion.
ETE
z°. Il s'enfuit de là qu'il doit y avoir eu
quelque être de toute éternité.
5°. Tout ce qui exifte à la manière des
êtres finis , ou fuivant les notions que nous
avons de l'exiftence, ne fauroit avoir été de
toute éternité.
4°. Il faut donc que cet être éternel foit
le grand auteur de la nature , "V ancien des
jours , qui le trouvant à une diftance infinie
de tous les êtres créés , à l'égard de les per-
fections , exifte d'une toute autre manière
qu'eux , Se don: ils ne fauroient avoir au-
cune idée. Article de M. le Chevalier de
Jaucourt.
_ On demande fi l'éternité eft fucceflîve ,
c'eft-à dire, fi elle eft compofée de parties
qui coulent les unes après les autres ; ou
bien fi c'eft une durée fimple qui exclut
el^éntiellement le palle & l'avenir. Les fco-
tiftes foutiennent le premier fentiment ; les
thorniftes le font déclarés pour le fécond.
Ch.icun de ces deux partis eft plus fort en
objeélions qu'en folutions. Tous les chré-
tiens , difent les fcotiftes , demeurent d'act»
cord qu'd n'y a que Dieu qui ait toujouré^
exifte ; que les créatures n'ont pas toujours
co-exifté avec lui ; que par conféquent il
exiftoit avant qu'elles exiftaflcnt. Il y avoir
donc un avant lorlque Dieu exiftoit feul ;
il n"eft donc pas vrai que la durée de Dieu
foit un point inJivifible : le temps a donc
précédé l'exiftence des créatures. Par ces
conféquences ils croient faire tomber en
contradiction leurs adverfaires : car fi la
durée de Dieu eft indivilible , fins pallë ni
avenir , il faut que le temps & les créatures
aient commencé enfemble ; &C fi cela eft ,
comment peut- on dire que Dieu exiftoit
avant l'exiftence des créatures î
On ne prend pas garde , continuent les
fcotiftes , qu'en faifant Vétermté un ;n_ftanc
indivilible , on afFoiblit l'hypotheie du
com.mencement des créatures. Comment
prouvez-vous que le monde n'a pas toujours
exifte r N'eft-ce pas par la raiion qu'd y
avoit une nature infinie qui exiftoit pendant
qu'il n'exiftoit pas ? Mais la durée de cette
nature peut-elle mettre des bornes à celle
du monde ? peut elle empêcher que la durée
du monde ne s'étende au-delà de tous les
commencemens particuliers que vous lui
voutkiez marquer } Il s'en faut un point
ETE
de (lurre indivifible , me direz-vcms , que
les créatures ne foitntlans commencement;
car , félon vous , elles n'ont été précédées
que de la durée de Dieu , qui efl: un inftant
indivilible. Elles n'ont donc pas commence,
vous répondra- t-on ; car s'd ne s'en falloir
qu'un point ( je parle d'un point mathéma-
tique ) qu'un bâton n'eût quatre pies , il
auroit certainement toute l'étendiie de
quatre pies. Voilà une inftance que l'on
peut fonder fur la définition de Boëce , qui
dit que l'éternité cji interminahilis vitce iota
jîmul ?> perficldynjTc/fio ; car fi l'on ne peut
concevoir que tous les membres d'un h^m-
me demeurent diélinds l'un de l'autre ious
l'étendue d'un point mathématique , com-
ment concevra- 1 on qu'une durée qui n'a
ni commencement ni fin , & qui co-exifte
avec la durée fuccelfue de toutes les créa-
tuies , s'eft renfermée dans un inftant indi-
vilible ?
Cette hypnthefe fournit une autre diffi-
culté en faveur de ceux qui foutienueiit que
les créatures n'ont point eu de commence-
ment. Si le décret de la création n'enferme
pas un moment particulier , il n'a jamais
exirté fans la créature ; car on doit conce-
voir ce décret fous cette phrafe : je veux
que le monde fait. Il eft vilible qu'on vertu
d'un tel décret le monde a du exiftet en
même temps que cet aâ:e de la volonté de
Dieu. Or puifque cet afte n'a point de com-
mencement , le monde n'en a point aulfi.
Dilbns donc que le décret fut conçu en
cette manière : je veux que le monde exijle m
un tel moment. Mais comment pourrons-nous
dire cela , li la durée de Dieu eft un point
indivifible î Peut-on choifir ce moment-là
ou celui-ci plutôt que tout autre , dans une
telle durée î 11 lenîble donc que h la durée
n'cft point fucceiïivc., le monde n'ait pu
avoir de commencement.
Ce iont-là les principales raifons dont les
fcotiftes fortifient leur opinion. Voici celles
fur lelquelles les thomiftes appuient la leur.
1°. Dans toute fucceffion de durée , difent-
ils , on peut compter par mois , années ,
fiecles, &c. Si Véttrmté eft fuccelTîve, elle
renferme donc une infinité de liecles : or
une fuccclTîon infinie de fiecles ne peut
jamais être épuifée ni écoulée ; c'eft-à-dire,
qu'on n'en peut jamais voir la lin , parce
ETE 199
qu'étant épuifée , elle ne fera plus infinie.
D'où l'on conclut que s'il y avoit une éter-
nité fuccelTîve, ou une fuccelTîon infinie de
iieclcs jufqu'à ce jour , il feroit impofiible
qu'on fût pawenu jufqu'aujourd'hui , puif-
que cela n'a pu fc faire fans franchir une
diftance ini^iiic : & qu'une diftance infinie
ne peut être franchie , parce qu'elle (croit
infinie & ne le feroit pas.
2.°. L'éternité eil une perfeétion effèntielle
à Dieu ) or une perfection elïcntielle à
Dieu peut - elle être fuccelfive î Dieu ne
doit-il pas toujours la polf.der toute en-
tière ? D'ailleurs , fi une perfeél on eden-
tielle à Dieu pouvoit être exceiïive , ou ce
feroit chaque partie en particulier qui (èroic
cette perfeélion , ou ce feroit la liaifon de
toutes ces parties fuccelTîves : or on ne
peut foutenir ni l'utie ni l'autre de ces deux
opinions. Dira-t-on que chaque partie en
particulier eft cette perfeébion effèntielle ?
Non fans doute , parce que chaque partie
en particulier étant tantôt préfente , tantôt
paliée , tantôt future , il faudroit dire
qu'une perfeétion effèntielle peut éprouver
les mêmes changemens. Dira-t-on que cette
perfeétion eflentielle confiftie dans la liaifon
de toutes ces parties fucceffives ? Il fiuc
donc accorder en même temps que Dieu ,
pendant V éternité , eft deftitué d'une per-
feélion qui lui eft effèntielle , parce qu'il ne
poflede jamais en même temps la liaifon de
toutes ces parties. Fby, TtMPS. Article de
M. For M'a Y.
Nous rapportons ces objections des tho-
miftes & ,des fcotiftes; i". parce qu'elles
appartiennent à l'hiftoirc de la philotophie,
qui efl l'objet de notre ouvrage : i°. parce
qu'elles fervent à montrer dans quel laby-
rinthe on fe jette , quand on veut raifonner
fur ce qu'on ne conçoit pas.
* Eternité , f f. ( Mytholog. ) divi-
nité des Romains , qui n'a jamais eude
temples ni d'autels. On la reprefentoit ious
la figure d'une femme qui tient le foleil
d'une.main& la lune de i'aiure. Elle avoic
encore pour fymbole le phénix , le globe ,
& l'éléphant.
ÉTERNUMENT , f. m. ( Médecine. )
C'eft une des fonctions fécondaires des
organes de la refpiration , qui confifte dans
uiie forte expirauon excitée par un mouve-
îoo ETE
ment convulfif , qui détermine l'air expiré
à palier principalement par !esnarines,pour
en emporter la caufe de l'nritation , qui a
mis en jeu les puifTances qui fervent à la
refpiration. Le mccha-mCmcÀeVéternument
peut être plus. particulièrement expole de la
manière qui fuit. «^
Immédiatement avant que d'éternuer ,
on ient une forte de chatouillement léger
fous l'os cribleux , qui diftribue les nerfs
olfadifs aux narines : il s'excite enfuite une
efpecc de mouvement convuliîf des muf-
cles qui fervent à l'inlpiration , qui dila-
tent le thorax beaucoup plus qu'à l'ordi-
naire ; enforte que l'air entre dans les
poumons en plus grande quantité : il y
elt retenu le plu» long - temps qu'il fe
P'-iilIe , par l'aîtion continuée des mufcles
infpirateurs. L'on paroît dans cet état
héliter Se fufpendre l'expiration qui doit
néceirairemcnt fuivre ; l'air retenu dans les
poumons par la glotte , qui efi: fermée dans
ce temps-là , fe raréfie beaucoup plus que
de coutume , à proportion de ce qu'il
f:)ourne davantage dans la poitrine : il
dilate par conféquent très - fortement les
parties qui le renferment, il les applique
contre les parois du thorax; on' (eut une
forte de prurit au creux de l'eftomac , vers
le diaphragme. Cependant les cartilages
des côtes , qui font plies 5c retenus dans
une fituation plus forcée qu'à l'ordinaire ,
tendent avec un etfort proportionné à leur
reffort trop bandé , à fe remettre dans
leur état naturel. En même temps, & par
une forte de convulhon , les rnufcles expi-
rateurs fe contradent très-fortement , &
prévalent , par leur adlion prompte &c fubite,
Ivir les organes expirateurs , & chadcnt l'air
des poumons avec une grande impétuofiîc ,
qui force la glotte à s'ouvrir , trappe (es
bords 8c toutes les parties par où il palîe :
d'où fe forme un bruit éclatant , fou vent
accompagne d'une efpece de cri. Les muf-
cles qui fervent à relever la racine de la
langue , entrent aulïî en contraftion ; ce
qui ferme prefque le palTiige par la bou-
che , &c détermine l'air à fe porter prefque
tout vers la cavité des nnrines , où il fe
heurte fortement contre les membnncs
qui les taplflent , Si entraîne avec lui toutes
Jçs matières mobiles qui (ont attachées à
ETE
,' leur furface. Tous ces effets font caufés
. par une iiritation violente des nerfs qui
fe diftribuent à ces membranes ( F'oy. Nez ,
Narines , Membrane pituitaire ) :
laquelle irritation fe tranlmettant à la com-
mune origine des nerfs , excite une con-
vulfion générale dans tous ceux qui fe dif-
tribuent aux mufcles de la poitrme , du
dos & de la tête , de même qu'il arrive
un fpafme univerfel en conféquence de la
piqûre , de la bleffure de tout autre neif
ou tendon , dans quelque partie du corps que
ce foi t.
Il n'eft par conféquent pas nécefTaire ,
pour expliquer le méchanifme de Vétcrnu-
ment , d'avoir recours à la communication
particulière des nerfs , qui n'eft pas bien
prouvée , entre ceux de la membrane pitui-
taire & ceux de la poitrine ; car ce ne Ipnt
pas les feuls organes de la refpiration qui
font mis en jeu dans Vétemument , mais
encore les mufcles du cou & de la tête.
Les poftérieurs la tirent en arrière , Se la
retiennent dans cette iituation pendant la
grande infpiration qui précède VéterrMment
proprement dit ; Se enfuite les antérieurs
agillant à leur tour avec une grande promp-
titude , ramènent la tête , & la flichilfent
en avant.
Tels font les mouvemens combinés qui
conftituent Vétemument. Comme la toux
fert à nettoyer les voies de l'air dans les
poumons ( voye'^ Toux), de même
{'éternument eft produit pour nettoyer les
narines".
L'irritation»de la membrane pituitaire,
caufée par les humeurs dont elle eft enduite,
devenues acres , ou par toute autre matière
de même natur'e ( voy. Sternutatoire ) ,
portée & appliquée fur les nerfs qui s'y
diftribuent , l'orcent la nature à employer
tous les moyens poiTîbles pour faire celîer
cette irritation ; ce qu'elle Riit par le moyen
de l'air qu'elle poulie avec impétuofîté
contre ces matières irritantes , îs: qu'elle
fiiit fervir comme de balai pour les enlever
& les challer hors des narines. C'eft pour-
quoi on érernue ordinairement le matin
après le réveil , & fur -tout en s'expo-
fant au grand jour , à cauie de la muco-
(ité qui s'eft ramalféc pendant la nuit ,
& qui eft devenue acre, irritante. Véter-
numznz
ETE
nument qu'elle excite , fert à l'enlever &
à découvrir les nerfs olfiidiFs pour qu'ils
fbient plus lenlibles à l'adion des corps
odoriférans.
h'éternument produit encore plufieurs
autres bons etTets, en tant que les iecoulTes
qui en reluirent , fe communiquent à toutes
les parties du corps , &c particulièrement au
cerveau. Hippocrate failoit exciter ['éiernu-
ment pour faire fortii l'arriere-faix. Aphor.
xlvj , fecl. 1 1 . h'éternumenc qui fe fait deux
ou trois fois après le fommeil , rend le
corps agile , difpos , &c ranime les fonc-
tions de l'ame ; mais s'il ell: répété un plus
grand nombre de fois de lukt. il afïoiblit
confîdérablement, à caule oBBconvullion
des nerfs ; & il fait naître une douleur
dans le centre nerveux du diaphragme ,
par le trop grand tiraillement qu'il y ex-
cite. U peut produire bien d'autres mau-
vais effets , dont il cil fait mention en par-
lant des remèdes & autres chofes propres
à faire éternuer. ^'oye^ Sternutatoire
& Errhins.
Uéter/iument eft audî produit , mais rare-
ment , par d'autres caufes que cette irrita-
tion des narines. Hoadly , ofiAc rcfpiration,
p. ^6 , fait mention d'un écernument habi-
tuel , caufé par un vice de l'abdomen , &
peut-être aullî du diaphragme , puifque la
rclpiracion ne le failoit que par le moyen
des côtes. Hildanus , cent. I , obf. xxjv , fait
mention d'uii homme qui éternuoit à vo-
lonté , & qui failc)it cent èternumens de
fuite ; exemple bien fmgulier , & peut-être
unique. On a vu des femmes hyftériques
faire des èternumens énormes , & pendant
plufieurs jours par intervalles. Le père
Strada a fait un traité de Véiernument , dans
lequel il donne la raifon de l'ufage établi
de (aluer ceux qui éttrnuent. C'ell , félon
lui , une coutume des païens , qui étoit
cependant reçue chez les juifs comme chez
les Romains, l'^oye^ l'ouvrage cité ù l'article
fuivant.
L'éternwnent excelTif eft une afFeélion
convuKive trop long-tem.ps continuée, ou
trop violente. L'indication qui fe préfente ,
eft d'emporter la caufe de l'irritation qui
produit la convullîon ; il faut conféquem-
ment employer des remèdes adoucillàns &
raucilagineux , qui émoullent l'àcreté des
Tome XIII.
ETE 201
matières attachées à la membrane pitui-
taire , (ïc qui relâchent les nerfs trop tendus
& trop fenlîbles. On confeillc pour cet
effet le lait chaud , l'huile d'amandes douces,
attirée par le nez. On prétend aulfi que l'on
peut anêter Véternument , en comprimant
fortement avec le doigt le grand angle de
l'œil ; (ans doute parce qu'on engourdit
par-là une branche du nerf de la cinquième
paire , qui entre dans l'orbite avant que de
fe répandre dans le tilfu de la membrane
pituitaire. Lorfque Véternument dépend
d'une fluxion conlîdérable d'humeurs acres
fur les narines , on doit travailler à les
détourner du (lege qu'elles occupent , & oùt
elles produilent un fymptome fi fatiguant ,
par le moyen des purgatifs hydragogues ; &
dans le cas où Véternument dépend de quel-
qu'autre maladie, il faut s'appliquer à en
emporter la caufe p:ar les remèdes qui lui
font appropriés pour que l'effet ceffe. Cet
article t'a tiré en partie du commentaire & des
notes fur les inliitut. de Boerhaave , par M.
Haller. {d) '
Eternumemt , {Littér.) L'ancienneté
& l'étendue de la coutume de faire des
fouhaits en faveur de ceux qui éternuent ,
a engagé les littérateurs à rechercher curieu-
fement , d'après l'exemple d'Ariftote , Ci
cet ufage tiroit fon origine de la reli-
gion , de la fuperftition , des raifons de
morale ou de phylique. Voye^ là-dejfus ,
pour couper court , les écrits de Strada,
de Scoockius , & k mémoire de M. Morin,
qui efl dans l'hijioire de l'académie des Inf"
criptions.
Mais toutes les recherches qu'on a faites
à ce fujet , ne laiffent à rlefirer que la vérité
ou la vraifemblance. Il faudrait être aujour-
d'hui bien habile pour deviner (i dans les
commencemens l'un a regardé les èternu-
mens comme dangereux, ou comme amis
delà nature ; chaque peuple a pu s'en former
des idées différentes, puifque les anciens
médecins mcnie ont été partagés : cependant
aucun d'eux n'a adopté le fyftême de Clé-
m;nt d'Alexandrie, qui ne confidéroit les
fternutations que comme une marque d'in-
tempérance & de molleffe : c'eft un fyftême
à lui toutfeul.
Laillant donc à part la caufe inconnue
qui a pu porter les divers peuples à falu;.i un
Ce
402 ETE
mouvement convulfif clelarefpfration , qiû
n'a rien de p'us fingulier que la roux ou le
hoquet, il fuffira de remarquer que les Grecs
& les Romaii s qui ont donné comme les
autres dans cet uHige , avoient la même
formule de compliment à cette occafion;
car le ^n^i des uns . vivr^, & le/a/ve des au-
tres , portei-vous bien , font abfolument fyno-
aiymes.
Les Romains faifoient de ce compliment,
du temps de Pline le naturalifte , un des de-
voirs de la v>e civile; c'eft lui qui nous l'ap-
prend. Chacun , dit-il , falue quand quel-
qu'un cternue , Jlernutamentis jalutamur ; Se
il ajoute , comme une chofe lînguliere ,
que l'empereur Tibère exigeoit cette mar-
que d'attention & de refped de tous ceux
de fa fuite , même en voyage & dans Çj. litiè-
re : ce qui femble fuppofer que la vie libre
de la campagne ou les embarras du voyage ,
lesdifpenîoient ordinairement de certaines
formalités attavhi^cs à la vie citadine.
Dans Pétrone , Giton , qui s'étoit caché
fous un lit , s'ccant découvert par un éter-
nument , Eumolpus lui adrelTe auffi-tôt fon
complimeiit , fulvtre Gito/ia Jubet. Et dans
Apulée femblable contre-temps étant arrivé
plufieurs fois au galant d'une femme , qui
avoir été oblij'.éde fe retirer dans la gar le-
lobe , le mari , dans fa fimplicité , fuppofant
que c'étoit la femme , folito fermonc falutem
ei precatus eji , fit des vœux pour fa famé,
fuivant l'ufage.
La fuperftition qui fe gliffe par-tout , ne
manqua pas de s'introduire dans ce phéno-
mène naturel , & d'y trouver de grands
myfteres. C'étoit chez les Egyptiens, chez
les Grecs , chez les Romains, une efpece de
divinité familière, un oracle ambulant , qui
dans leur prévention les averuffoit en plu-
fieurs rencontres du paiti qu'Js dévoient
prendre , du bien ou du mal qui devoir
leur arriver. Les auteurs font remplis de
faits qui jufti fient clairement la vaine crédu
litc des peuples à cet égard.
Mais Véttrimmcnt palluit pour être parti-
culièrement d^c.fif dans le commerce des
amans. Nous lifons dms Arifténete (. cpilL
y. lib. JI. ) que Parthénis , jeune folle
entêtée de l'ob|et de fa paffion , (e d^-ter-
mine enfin à explquer fes (entimens par
éciit à fou cher tjtArptdou ; elle éternue
ETE
dans l'endroit de fa lettre le plus vifgr le
plus tendre ; c'en «eft alfez pour elle ; cet
incid nt lui tient lieu de réponfc , & lui
fait juger qu'au même inftant fon cher
amant répondoit à fes vœux, comme li
cette opération de la nature , en concours
avec l'idée des defirs , étoit une marque
certaine de l'union que la fympathie établit
entre les cœurs. Par la même raiion les poè-
tes grecs ik latins diloient des johcs penon-
nes, QViZ les amours avoient étcinué a leur
naijfance.
Après cela l'on comprend bien qu'on
avoir dcsobftrvations qui difLnguoient les
bons éternumens d'avec les mauvais. Quand
la lune é^UPtians les fignes du taureau ,
du lion , de la b-alance , du capricorne , ou
des poi (Ions , Véternument pafloit pour être
un bon augure , dans les autres conllella-
tions, pour un mauvais préfage. Le marin ,
depuis minuit jufqu'à midi, fâcheux pro-
noftic ; favorable au contraire depuis mitli
jufqu'à minuit : pernicieux en fortant du
lit ou de lu table; il falloit s'y remettre,
& tâcher ou de dormir , ou de boire , ou de
manger quelque chofe, pour rompre les
loix du mauvais quart-d'heure.
On tiroit aulîi de fcmblables induftions
des éternumens fimples ou redoublés , de
ceux qui te failoientà droite ou à gauche ,
au commencement ou au milieu de l'ou-
vrage , & de plufieurs autres circonrtances
qui excrçoienc la crédulité populaire , &
dont les gens fenfcs le moquoient , comme
on le peut voir dans Cicéron , dans Séne-
quc , & dans les pièces des auteurs comi-
ques.
Enfin tous les préfages tirés des éternu-
mens ont fini , même parmi le peuple ; mais
on a conletvé rcligicufemem jufqi'à ce
jour , dans les cours des princes , ainli que
dans les maifons des particuliers, quelque
m.aque d'actenrion & de relpeift pour les
fupéneurs qui viennent à étemuer. C'etl un
de ces devoirs de civilité de l'cducavion ,
qu'on remplit machinalement fans y penftr,
par h.ibitu le , par un lalut qui ne coûte
rien , & qui ne (îgniiie rien , comme tant
d'autres puérilités dont les hommes lont <Sc
donc ils feront toujouts cklaves. Article àe
M. le Chevalier de Jaucourt.
ETERSILLON , ETRESILLON •«
ETE
ARC-BOUTANT , C. m. ( -Art. milit. )
Ce foiu , dans l'artilltric , les pièces de
bois que l'un met encie des ais ou doffes ,
à peu près parallèlement a» niveau du ter-
lain , pour empêcl-.cr rcboulemcn: des
terres dans les galènes de mines, ^'o^e^
ÉTÉSIENS, ( Vî^NTS ) Hydrosr. &
Biji. aiic. ) Les anciens donno.eiu le nom
A'èiéfiens , du terme grec e TnV/of , qui (igiufic
anmverfjire , à des vents dont le louftle le
faifoit lentir réguliéitmcnt chaque année,
& rafraichillbit l'air pendant lix ou (cpt
femaines , depuis le folfticC d'été julques
dans la canicule. Le regr.e des venis étéfiens
étoit annoncé par ceux que l'on nommoit
prodromes o\i précuifeurs , durant queiqxs
jours.
Ces vents mettant de la température
dans l'air pendant la failon des chaleurs ,
la plus commune opuiion veut qu'ils louf
fient de la bande du nord ; & c'ell ainii
que le vent de nord étant le traverser des
bojches du Nil , dont le cours en général
cft du midi au. feptentrion , les anciens
aitribuoient aux vents étéfiens , pendant
juin & juillet , le refoulement des eaux du
fleuve , qui pouvoit contribuer à (on dé-
bordement rcg lier dans la même faifon.
Le rhumb île ce rent n'ert pas néanmoins
tellement tî\é à cette région du monde ,
qu'il ne participe de plulicurs autres ; &
le nom A'éiefiens eft appliqué à des vents
venans du couchant comme du Tepientrion.
C'eft par cette railon que dans plulieurs
auteurs anciens , les étefiens ibnt déclarés
favorables fur la Méditerranée , à ceux
qui font route d'occident en orient : &
acculés d'être contraires pour la route
cppofce. Ccft ainfi qu'on peut entendre
les vents éiéfuns dans quelques endroits de
Cicéron &i de Tacite. Anftote ou l'au-
teur grec , quel qu'il foie , du traité intitulé
h Monde , dit formellement que les étéfiens
tiennent également du vent ^nfvfn comme
de l'apttTof ; & Dioiore de ^iciic , liv. 1-
ch- xx.xjx. étend la bande des vents étéfiens
juiqu au couchant d'été. On trouve même
dans Pline ce dans Strabon , d' iprès Poffî-
donius , que des vents ioufilans de Peft
Cint appelles étéfiens i mais il ell ccnftant
qu'en cela iU s'ccaiteut de l'idée la plus
ETE 20J
• générale qu'on doit avoir des vens étéfiens :
Ik cette communication du nom d'éiéfiens
à des vents étrangers à la région ordinaire
des étéfiens , ne peut être admife ou auto-
rifée , qu'autant que la dénomination en
elle-même deviendra propre à tout vent
qui foufilera régulièrement. Il en ieroit de
même du nom de vent ali/é , qui vient d*
vieux terme a/is , qui fignifie réglé, quoi-
qu'il foit fpécialement employé à déhgner
le vent qui règne fur les mers renfermées
encre les tropiques , & qui dans la mer
du Sud particulièrement , conduit les na-
vigateurs d'orient en occident. / oyc[ Vent
& AiisF. Cet article ejî de M. oANyiLLE,
de l'acadétTiie royale des infiript/o/is & belles-
lettres.
ÉTETER , v. ad. ( Jard. ) c'eft coiiper
entièrement la tête d'un arbre , cnlortc
q l'il ne paroît plus que comme un bâton,
un tronçon. Cette opération fe fait quand
on le plante fans motce , ou bien quand on
veut greffer en poupée , ou que l'on juge
par le mauvais effet des branches, que l'ar-
bre étant étété en deviendra plus beau dans
la fuite. (K)
Eteté , en Blafon , eft un terme dont
on (e fert en France pour dé/igncr un ani-
mal donc la tête a été arrachée de force , 8c
dont le cou par conléquent clt raboteux ÔC
inégal ; pour faire diftinélion d'avec defiiit
ou décapité , auquel cas le cou eft uni
comme li la tèce avoit été coupée, ^oye^
Défait.
ÉTEL^F , f. m. tertJie de Paumier ; c'eft
une elpece de balle pour jouer &: poufler
avec la in lin. Ce font les paumiers qui les
fabriquent ; aullî (ont-ils appelles maîcres
paumiers- raqucners faifeurs d'éttufi , pelo-
tes , & balles. Suivant leurs ftatuts , Véreuf
doit peler dix fept creliiis ( l'ételin eft la
vingtième partie d'une once ) , & doit être
fait &c doublé de cuir île mouton , & rem-
bourré de bonne bourre de tondeur aux
glandes forces.
Il y a encore une autre forte A'éieuf o\X
balle dont on fe fert pour jouer à la longue
paume , il eft fort petit & très-dur , & doit
être couvert de drap blanc &c neuf. Le pe-
loton fe fait de rognures bien ficelées ^
girnies de poix. yoj<.\ Paumiér,
Ce i
ao4 E T H
ETHELBALD , ( Hift d'Angleterre. )
Guidé par les confells d'un miniftre infi-
dèle , Ethelbiild , fils ingrat, perfide citoyen
ëc prince incertueiix , ne refta iur le trône ,
où la foiblellè & la timidité de fon père
Ethelwolph Tavoient laiflé monter, qu'au-
tant de temps qu'il en falloit pour fe désho-
rorer , & prouver à la nation iufqu'à quel
degré de iaonce & d'avibOement un fouve-
lain indigne de régner peut porter la puil-
fance royale. Le premier ufage qu Ethc.'bûld
fit de (on pouvoir , fut , du moins s'il faut
s'en rapporter à la plupart des hiftoriens
Anglois, de commettre impudemment un
crime qui fouleva contre lui tous les ci-
toyens. On alfurc qu'il epoula Judith , fille
de Charles-!e-Chauve , roi de France, &
veuve d'Ethelwolph. Cefut vraifemblable-
mcnt à cette indécente union que fe borna
tout ce c\\\ Eihelbûld fit de plus mémorable \
car l'hiftoire fe tait fur le refte de fa vie.
Un feul analifte , intérefle fans doute à
juftifier la mémoire de ce meprifable prince,
a prétendu que dévoré de remords , Ethcl-
bald , vivement touché par les exhortations
de l'évcque de Winchcflier , fe livra aux
ligueurs d'une pénitence auftere ; pénitence
qui , fuivant l'ufage de ces temps , confif-
toiî à bâtir t<. doter des églJlcs , à protéger
& enrichir des moines : aufll eft - ce un
moine qui a donné de grands éloges au
tardif repentir A' Ethdbald , qui mourut fur
le trône aulFi obfcurém.ent qu'il y avoir
vécu , en 860 , oprès deux ans de règne, &
qui kifia le fccptre à Eihelbert fon frère ,
ici de Kent , ccnformcment aux difpofi-
tîons du teftament de fon père Etelwolph.
(X.C.)
ETHELBERT , ( Hift. d' Angleterre. )
fils d'Ethelwolph , &: frère d'Etheibald au-
quel il fuccéda ; les premiers jours de Ion
adminiftration furent troubles par l'arrivée
imprévue d'une flotte de Danois , qui , de-
puis plulieurs années avoient laiflé l'Angle-
terre fe remettre des ravages qu'ils y n voient
commis : comme on ne s'attendoit à rien
moins qu'à cette invafion , les Danois ne
trouvant aucun obftacle à leur defccnte ,
pénétrèrent jufqu'à Winchefter , capitale
du Weflex ; &: après avoir maflacré les
habitans de cette ville , ils la réduiiirent en
cendres. Ofrich tk' Ethelwolph , comtes
E T H
Weftfaxons , afTemblercnt à la hâte quel-
ques troupes , arrêitrent ces brigands au
milieu de leur couiie , les br.ttirent , les
obligèrent d'abandonner une partie dubutin
qu'ils avoient fait , &: de fe remettre en
mer. Les Danois ne tardèrent point à reve-
nir en plus grand nombre , & abordèrent
dans l'île de Thanet , où ils refterent quel-
que temps , fe propofant de recommencer,
auffi-tôr que les circonftances le leur per-
mettroient , leurs incurfions & leurs rava-
ges. Eihelbert hors d'ctat de les repoufler
par la force , leur offrit de l'argent , à con-
dition qu'ils fe retireroient. Les Danois
promirent tout , reçurent les fommes con-
venues , fortirent à la vérité de l'ile de
Thanet , mais allèrent fe jeter dans le pays
de Kent , qu'ils mirent à feu & à fang.
L'atrocité de cette perfidie ulcéra Eihetbtrt
qui , voyant que la force feule pourroit dé-
livrer fcs états de femblables brigands , fit
les plus grands efforts pour relever le cou-
rage abattu des Anglois : il raffembla une
armée , & i! fe propoloit de les attaquer &
de leur arracher le butin dont ils étoient
chaigés , lorfqu'informcs de les delîeins ,
les Danois , au lieu de retourner fur leurs
pas , fe rembarquèrent promptement , fans
qu'il fût pollible aux Anglois de les arrêter.
Voilà tout ce qu'on fait A' Eihelbert , qui
après un règne de fix ans , mourut en
866 , laiffant deux fils , Adhelin & Ethel-
ward , qui ne lui fuccéderent point : fa
couronne paffa fur la têt^ de Ion frère
Ethelred , en vertu du teftamtnc d'Ethel-
wolph. ( L.C.)
ETHELRED \. ( Hift. d'Argkterre. )
Si la confiance & la vertu ne l'eullcnt élevé
au-delhis des dilgraces & des rigueurs du
fort , Ethelred eut été le plus malheureux
des hommes ; car , m,-.tgré ia prudence , ia
valeur &i. fon patriotiime , il n'éprouva que
des revers ; &c depuis fon avènement au
trône jufqu'au m;imcnt fatal où la mort
l'en fit tomber , Ion ame fenfible &c géné^
reufc fut accablée de chagrins , abreuvée
d'amertume. Le fceptre d'Ethclbert fon
hère étoit pallé dans fcs mains, &: perlonne
n'étoit plus capable que lui de tenir les
j rênes du gouvernement. La nation péné-
1 ttée d'eflmie & de rcfpeét pour fes rares
! quaUcésj fe livroit aux plus flatceufes clpé-
E T H
rancrs Se l'on ne iloiitoic point qu'elles
n'eullènt été remplies, h les Danois, an-
ciens Ôc implacables ennemis de l'Angle-
terre , n'eullènc fait fuccéder à ces premiers
momcns d'allégrefle publique, le trouble,
le dcfordre , le ravage & la mort ; ils com-
mencèrent par envahir is: dévafter le Nor-
thumberland , fubjuguerent l'Lftanglie ,
infcfterent la Mcrcie qu'ils mirent à ran-
çon , allèrent dans le Wellex continuer le
cours de leurs déprédations; & ne cellerent
d'y exercer le plus horrible brigandage ,
malgré la valeur à' EihelnJ qnï en mourant
eut la douleur de laillcr ces dévaftateurs au
milieu de fon royaume.
Tels fuient les cvénemens, ou plutôt,
tel fut le déplorable enchaînement des ca-
lamités qui remplirent le règne à'Ethelredl.
Cette fuite de malheurs étoit l'inévitable
elfet de la méfintcUigence qui diviloit les
fouverains de l'Angleterre. L'autorité des
rois de Weffex fur les royaumes de Mercie,
d'Eftanglie ôc de Northumberland, établie
par Egbert , s'ctoit conlidérablement affai-
blie fous Ethelwolph 8c fes enfans , foit
par l'incapacité de ceux-ci, foit par les in-
vafions fréquentes des Danois qui avoicnt
donné trop d'inquiétude & trop d'occupa-
tion aux fouverains de Weflex , pour qu'ils
pulTent fonger en même temps à défendre
leurs propres états , & venger les atteintes
portées à leur puilTance dans ces ttoisroyau-
mes éloignés. Prompts à faifir les circonf-
tances, & habiles à profiterdes troubles du
Weflex , les Northumbres avoient été les
premiers à s'affranchir de l'efpece de fer-
vitude à laquelle ils avoient été forcés de fe
foumettre ■■, mais plus heureux fous la dé-
pendance des fuccefTéurs d'Egbert , qu'ils
ne l'avoient été par la liberté qu'ils s'ccoicnt
procur<e, l'c'pnt de licence & de haine ,
le choc d(sf .élions & le feu de la guerre
civile les ivoient long-temps agités. Cepen-
dant, épuifés à force de s'entre- détruire ,
leur an'mofité avoir perdu de fa violence ,
& les faétions jufqu'.dors divifées , s'étoient
réunies en faveur d'Ofbert , que, d'un con-
cert unanime , les Northumbres avoient
placé r.ir le trône. Ils croyoient avoir fixé
la tranquillité publique , lorfque le même
événement qui jadis brifa chez les Romains
le fcepcie de ra royauté, replongea les Nor-
E T H 205
thumbres & l'Angleterre entière dans la
plus déplorable des fituaticnis. Ofbert re-
venant de la charte , entra dans le château
du comte de Brucn-Bocard , l'un des prin-
cipaux feigncurs de fa cour , abfent alors ,
& chargé de la garde des côtes contre les
courles des Danois. L'époufe de Bruen ,
jeune, belle & vertueufe, reçut Ofbert avec
tout le refpeéi qu'elle devoir à fon fouve-
rain : mais malheureufcment fa beauté,- fes
grâces & fon ztle firent une fi vive impref-
lîon (ur l'ame d'Ofbert, qu'il en devint éper-
dument amoureux : emprellc d'adouvir fa
paffion , il réiolut de fe fatisfaire à l'inftant
même, foit de gré, foit de force. Dans
cett^e vue , fous prétexte d'avoir quelques
affaires importantes à communiquer à la
jeune comteffe , il l'emmena dans l'appar-
tement le plus reculé du château ; &: là ,
infenlible aux prières, aux larmes , aux
cris , au délefpoir de la viéfime , & violant
de la plus outrageante manière les loix de
la décence & les droits de l'hofpitalité, il
fatisfit la fougue !.<. la brutalité de fes defirs.
A peine il fe fut retiré , que la comtefTe
furieufe, le hâta d'aller informer fon époux
de l'atrccitc de l'injure qui venoit de la
déshonorer. Bruen rempli d'indignation, &
tout entier à la vengeance , fouleva fes
concitoyens , & parvint , à force d'intri-
gues , à détacher de l'obéirtîmce d'Ofbert
les Berniciens qui , le regardant comme
indigne de porter la couronne , choifireat
Ella pour leur roi. Ceux d'entre les Nor-
thumbres qui avoient refufe de prendre part
à l'injure de Bruen , refterent fidèles à
Ofbert : il fe forma deux fadions puitran-
tes, & la royauté divifée ralluma les feux
mal éteints de la guerre civile. Les deux
rois tentèrent vainement de terminer la
querelle par les armes ; l'égalité de leurs
forces les maintint l'un & l'autre , &ne fut
fatale qu'à la patrie , tour-àtour ravagée
par les deux faélions. Mais la vengeance de
Bruen n'étoit qu'à demi fatisfaite ; c'étoit
la ruine entière & la mort d'Ofbert qu'il
demandoit. Pour le précipiter du trône , il
réfolut de recourir aux Danois, au défaut
de ceux de fes compatriotes qui refufoient
de le venger. D ms cette vue , il fe rendit
à la cour de Danemarck , &i implora le
fecours d'Ivar j celui-ci fc laiila d'autant
2o6 E T H
plus ai fément perfuader, qu'il n'étoit oc-
cupé lui-même que des moyens d'aller en
Angleterre vengcj Régnier fon père , qui y
ayant éré fait prifonnier, avoir été jeté dans
une foCfc pleine de ferpens, où il avoit mi-
férablementpéri.
Dès It pruicemps fuivant, Ivar , accom-
pagné de Brucn , luivi d'une puillantc
armée , entra dans l'Humber ; & avant que
les Nnithnmbrcs cuff^nc reçu aucun avis
de fon airivée , il marcha droit i Yorck ,
où Ofbert ralfembloit une armée pour s'op-
poltr à cette nivalîon. La terreur qu infp:-
roient Its armes & la barbarie desDanois,&
les progrès qu'ils avoient déjà faits incmi-
deient h fort les Norrhumbres , & Ofbert
lui-même , que dans la crainte de ne pou-
voir lui rclîftcr , Ofber: eut recours à Ella ,
Ion ennemi &i fon concurrent au trône.
Ella , moins par gincroficé que par intérêt
pour lui même, p'om't volontiers de (uf-
pendre fa querelle particulière , &: d'agir
contie l'ennemi commun: conduite vrai-
ment rtfpedlable, fi elle n'avoit eu pour
motif de fc déicber à la vengeance d'Ivar,
dont le pcre étoit mort par les ordres
barbares &: atroces d'Ella.
Toutefois , foit qu'Ofbert fe repentît
d'avoir imploré le fecoursd'un ennemi qu'il
détefloit , foit qu'il eût trop de courage
pour fe tenir renfermé dans Yorck , il ne
put attendre plus long-temps, & impatient
de combattre , il alla attaquer les Danois :
mais fon armée fut défaite, & il fut tué
lui-rrême darri^i retraite. Ella ne fut pas
plus heureux : fon armée fut difperlte , &
il périt fur le champ de bataille , percé de
mille corps. Enhardis par leurs vidoires ,
les Danois , après s'être emparé du Nor-
thumberland, s'avancèrent dans la Mercic,
réfolus de traiter ce royaume comme ceux
d'Olbcrt &i d'Ella. Mais l'.uchred , roi des
Mcrciens , préparé à leur réiifttr , avoit
appelle à fon fecours Ethelred , fon beau-
frere, qui étoit allé le joindre avec toutes
les forces du WclTtx. La joiiftlon de ces
deux armées déconcerta les projets d'Ivar
qui , ay mt pénétré jufqu'.^ Nottingham ,
s'iirrêta , lurpris de voir les forces inférieu-
>:es à celles des deux fouverains Anglois.
Ceux-ci , quelque déterminés qu'il fullent à
^'pppofer iiux Danois , n'en fcntoient pas I
E T H
moins le danger d'expofer' le fort de ieurî
états à l'événement d'une batiill-. Ces ré-
flexions rallentirent dans les deux parcis
l'impatience de combattre ; en'orie qu : les
deux armées relièrent quelque temps en
préfeiice (ans venirauxmiim, & fe lépa-
rerent , Buthred ayant pr-frré de payer
l'ennemi pour qu'il fe retirât, pimoi que
de halarder un combat dont le fuccèi étoit
h douteux, & dont les fuites pouvocnt
être fi funcftes. Fidèles à leurs promcffes ,
Ivar &c les Danois fe rembarquèrent ; mais
pour aller defcendre dans le royaume d'Et
tanglie,où régnoit le jeune Edmond, prince
fage, vertueux , fans talens pour la guerre,
quoique très- courageux, ma s enflamme de
zcle & de dévotion. Edmond, fans craindre
le péril , oia livrer b itaille aux Danois , qui
triomphèrent ailémcnt des Eftangles , en
mallacrerent une partie, 5i mirent tes autres
en fuite , ainfi qu'Edmond qiu alla fe réfu-
gier dans une églife : mais la fainteré de
l'afyle ne le garantit pont des pourfuites
de fcs barbares ennemis : il fut arraché de
l'cglife & traîné aux pieds d'Ivar qui , l'ac-
cueillant d'abord avec quelque douceur, lui
offrit de lui laitier fon rv)yaume , à condi-
tion qu'il fe reconnoitroit vaflal de la cou-
ronne de Danemarck. Edmond vaincu ,
défarmé & à la merci des Danois , rejetta
fièrement cette condition : Ivar , irrité du
refus, le fit attacher à un arbre: après avoir
été percé d'une infinité de flèches , :1 eut la
tête coupée. Ce ne fut que long- temps après
que cette tête fut trouvée &C enterrée avec
le corps à St. EJm ind-Bury ; Se le tombeau
de ce prince acquit, grâces aux (oins dt s
moines &: à la crédulité publique , la plus
grande célébrité. Ce tombeau cnrich r l'é-
glile où il écoit conllruit , & les miracles
qu'on dit s'y être opérés , rapportèrent de
très-riches préfens.
Ivar , maître de l'Eftanglie, y plaça fur
le trône Egbert , Anglois de nuion , nii-'is
dévoué au roi de Danemarck Enflés pur
ces fuccès , les Danois oubliant le traité
qu'ils avoient fait avec Eihelred, marchè-
rent du côté du VVclItx. Mais Eineliea qai
avoit prévu leur dellein , leur oppofi une
formidable arin;e , Si fi: des efforts héroï-
ques pour défendre Tes états. Dans l'efpice
d'une année, U livra neuf batailles, djmia
E T H
touiours fies preuves éclacanccsde fa valeur, ^
& remporta plulicurs victoires: mais mal-
heureulement pour les liijets , dans la der-
nière de ccb batailles, il rn,ut une blclîiire
mortelle qui le mir au tombeau enSyi,
après un règne de cinq ans.
EthelredII. ( Hipoire d' Angleterre. )
A la plus noire perfidie , ce roi ians mœurs
te Tins honneur réunit des vices odieux &
les plus viles qualités. Un lâche allaflinat
commis par Elfride fa mère fur le icune
Edouard le martyr , le plaça fur le trône ;
& fa pervcrdcé , fa balleife , furent , à tous
égards , dignes de l'inique moyen qui avoir
fait palkr le fceptre dans fcs mains : his
indigne d'Edgar le Pacifique , & frère d'E-
douard le martyr , Ethekred II étoit à peine
âgé de douze années lorfqu'il fut appelle à
la fucceiïîon de la couronne. Pendant fa
minorité les Piéles délolerent les divcrfes
provinces de Ion royaume : & fes fujets,
qui clpéroicnt que fa valeur vengeroic un
jour la patrie , ôc repoulleioit les brigands
qui rav.'.geroient l'éfac, furent cruellement
trompés, quand , devenu majeur , Eihelrcd
ne montra qu'un caradiere mfàme , un
airemblage monllrucux de débauche ôc de
brutalité , d'infolcnce & de ballellè , d'or-
gueil &: de timidité. Ses goûts pervers, qui
n'écoienr balancés par aucune apparenv.e
d'honnêteté ni de vertus , la foibieile , (on
amour effréné pour les plaifirs , rendirent
aux Danois leur vintique courage , iSc réveil-
lèrent en eux le deiir de (uicittr des trou-
bles, de de faite éclater la haine qu'ils nour-
rifloient contre les Anglois , & qui , depuis
plufieurs années , forcément uifl^mulée ,
n'en avoir acquis que plus de violence. Ils
invitèrent kurs compatriotes à venir , du
fond du DanemarcK , ravager avec eux
l'Angle terre , & s'emparer du riche butin
qu! (embio.t les t.t:in Jre.
Les Dmois emprtlTés defcendirent fur
les colis d'Anglctene i & comme un tor-
rent deftru6leur , fc répandirent de tous
cotés , & laillercnt par - tout d'affreufcs
marques de leurs dévatfations. Ces ravages
continuèrent ëc fe perpétuèrent par les
fréquentes irruptions de nouvelles troupes
de Danois qui pafToicnt chaque jour en An-
gleterre , où ils commettoient le plus hor-
rible brigandage. Trop timide , uop lâche
E T H 207
pour s'oppofèr à ces invafions , Ethelred,
peu fait pour fe conduire en roi , fe décida
par le confcil de l'archevêque de Cantor-
béry , digne miniftre d'un aulfi lâche fou-
vcrain , a offrir aux Danois une fomme
confi lérablc , à condition qu'ils cefleroient
d'opprimer le royaume , & qu'ils fc remct-
troitnt en mer. Les Danois acceptèrent les
fommes qu'on leur prélentoit : mais, rem-
plis de rn épris pour Eihelred , ils publièrent
les conditions de leur retraite ; enforte que
le parti qu'on leur avoir fait , bien loin de
terminer la guerre , ne lit qu'attirer de
nouveaux elfanis des Danois , qui vinrent à
leur tour profiter de la foiblefTedes Anglois.
Deux de ces troupes arrivèrent conduites ,
l'une par Swenon , roi de Danemarck , &
l'autre par Olaiis , roi de Norwege : ils
avoitjit équipé de concert une flotte nom-
breule ; ils encrèrent dans la Tamifc ; Sc
s'etanc répandus dans le pays , ils y exercè-
rent les plus atroces cruautés. Oialis, moins
barbare , reconnut fon injultice , pola les
armes , donna la paix aux Anglois , cm-
bralla le chrillianifme , & s'en retourna
dans fes états. Mais loin de l'imiter , Swe-
non ne reprit le chemin des côtes qu'après
avoir ruiné le royaume , répandu le faiig
du plus grand nombre des habitans , &: forcé
le lâche Eihelrcd à conclure un traité hon-
teux , par lequel il permcttoit aux Danois
de s'établir en Angleterre , & de fe fixer
dans les contrées & les villes qui leur plai-
roient le plus. Autoriles par ce traité, dans
les excès de leurs déprédations , les Danois
ne mirent plus de bornes à leurs vexations :
ils traitèrent les Anglois , non en com[ia-
trictes , mais en efclaves abattus. C'étoic
pour ces fiers conquérans que les en fans de
la patne s'occupoienc ians relâche des tra-
vaux les plus durs ; c'étoit p jur alfouvir
l'avidité de ces opprelTeurs qu'ils labonroienc
& qu'ils iemoienc. Accablé , comme fes
hijets, d'une au(Tî dure tyrannie, mais trop
intimidé pour ie foullraire en prince coura-
geux , aux fers de fes vainqueurs , Et/iel~
nd II forma le cotnplot le plus violent , le
plus vil & le plus atroce qu'un Ikhe puifTe
imaginer : ce fut de profiter de la fécurité
que la terreur publique donnoïc aux Danois,
& de les faire tous égorger dins le même
jour. Cette horrible conlpiraxion fut cou»
âo8 E T H
duite avec tant de fecret , 8c les merures
prifes avec tant de judelle , qu'au jour
marqué , les Anglois ie jetterent fur leurs
hôtes , en firent , dans toute 1 étendue du
royaume , un malfacre général , fans égard
au fexe , ni à l'âge , ni à la condition des
profcrits. Le barbare Ethdred porta la
cruauté jufqu'à faire traîner devant lui la
fceur de Swcnon , jeune & belle princeffe ,
mariée à un feigneur Anglois , & il lui fit
couper la tête fur les marches de fon trône.
Cette afFreule nouvelle ne fut pas plutôt
parvenue en Danemarck , que Swenon ,
tranfporté de fureur , r.Ulembla fon armée ,
équipa une pullfante flotte , fe mit en
mer , & aborda en CornouaiUes, débarqua,
& fit précéder (on arrivée d'un elfain d'af-
faffins qui mirent tout à feu & à lang.
Battu de tous côtes & hors d'état de s'op-
pofer à la vengeance des Danois , Ethelred
prit la fuite , pendant que Swcnon alFou-
vilToit fa rage & facrifioit tout à fon ref-
fenciment. Abandonnés à eux-mêmes , &
ne pouvant lutter contre la valeur des Da-
nois , les Anglois fe fournirent & reconnu-
rent Swenon pour leur fouvcrain : mais la
tyrannie du roi Danois fut courte ; il mou-
rut i & fes fujets croyant que les difgraces
avoient inftruit & corrigé leur prince , le
rappellerent & le placèrent fur le trône ,
oii il continua de fe déshonorer par fon
avidité , fa débauche & fes vices. Mais pen-
dant qu'il fuivoic les brutales impulfions de
fon cara(5):ere , Canut , fils de Swenon ,
partit du Danemarck pour venir prendre
polTeflîon du royaume d'Angleterre , oti
arrivant , fuivi d'une formidable armée , il
fubjugua tout le Weffex , & fucceffivement
envahit la plupart des provinces. Etkelred ,
qui n'olbit fe montrer devant fon concur-
rent , fe renferma dans fon palais , couvrant
fa lâcheté du prétexte d'une maladie ; mais
à force de contrefaire le malade , il le
devint en effet , &: mourut en 1017 , éga-
lement mépii(é des Danois Se de fes fujets ,
dans la trente- feptieme année de fon règne,
& il tranfmit fes états , ou plutôt les débris
de Ion roynume , à Edmond , furnommé
CôtC'de-fer, Ion fils. F'. Edmond, furnommé
CÔte-dh-ffr. ( L.C.)
ETHELWOLPH , ( IliJ}. d'Angleterre. )
C'çfl un énorme poids que celui d'un grand
E T H
nom ! Ethelwolph en fut accablé. Ce n'eft
cependant pas qu'il fût fans talens , fans
vertus ; mais il étoit fils d'Egbert , & il
parut, à tous égards , peu digne de fuccé-
der à un tel conquérant. Les Danois ne
furent pas plutôt informés de la mort d'Eg-
bert , qu'oubliant les conditions auxquelles
ils avoient obtenu la paix , ils armèrent une
flotte , fe montrèrent proche de Southamp-
ton , defcendirent à terre & pillèrent Ij
pays. Ethelwolph , pacifique par lâcheté,
envoya contre eux Ulfard fon général , qui
les battit & les força de fe remettre en
mer. Etehlwolph le fîattoit de n'être plus
inquiété, mais il fe trompoit : il apprit l'ar-
rivée d'une nouvelle flotte Danoife qui ,
débarquée à Port-Land , ravageoit la con-
trée. Le timide fouverain , non-feulement
ne marcha point contre les ennemis , mais
encore joignant l'imprudence à la lâcheté,
il ôta le commandement au brave Ulfard ,
& le donna à Edclin , général fans talens &c
guerrier fans valeur, qui prit honteufemenc
la fuite & cauia la perte île l'armée qui lui
avoit été confiée. Edelin fut remplacé par
Hébert , qui fut plus malheureux encore,
& qui perdit la bataille. Enharilis par leurs
fuccés , les Danois fe répandirent de tous
côtés , ravageant la campagne & les villes.
Ethelwolph fc tlctermina enfin à s'oppofer
lui-même aux progrès des Danois"; il ne
fut point heureux , les Anglois furent mis
en déroute : & les Danois, chargés de butin
& radafiés de carnage , remontèrent fur
leurs vai (féaux. Ce fut à peu près dans le
temps de ces défaftrcs , que la nation des
Piétés fut entièrement détruite & extermi-
née par Keneth II , roi d^Ecoffe , qui
pouria {\ loin fa vidoire que depuis il n'ell
plus refté que le nom fcul de cette nation
qui avoit fleuri ii long- temps dans la Grande-
Bretagne.
Ethebrolpk , foif pour oppofer une plus
forte n'illlance aux Danois qui ne celfoient
d'infeftcr fes états , folt qu'il fe fentit fati-
gué du peu de foin qu'il donnoit à fon gou-
vernement , s'aflocia au trône Avlclftan fon
fils naturel , auquel il céda les royaumes
de Kent , d'Ellèx & de SulVex , ne fe réfej-
vaiit pour lui-même que la louveraineté fur
toute l'Angleterre & le royaume de Wef-
fex. La nation , pour avoir deux rois, n'en
fut
E T H
fut ni plus heureufe , ni plus fagemcnt gou-
vernée. Il tft vrai que les Danois Li laillcrent
rclpirer qiiLlque temps; mais cet intervalle
fut rempli parles troubles que cauferent les
mccontentemens & la révolte des Gallois ,
qui fe jetterent fur la Mcrcie , & remportè-
rent fur Bernulphe qui y régnoit , de très-
grands avantages.
De toutes les fondions de la royauté,
cel'e qui accabloit le plus l'ame timide
à' Ethelwolph , étoit le foui de repouflcr la
guerre par la guerre. Mais enfin les cir-
conftanccs devinrent fi prellantes , & les
Gallois txerçoient dans la Mercie de li
cruels ravages , qu'il ne put fe difpenler de
marcher en perfoune contre Roderic leur
ch^f. Il ralîembla fes troupes & les joignit
à celles de Bernulphe , roi de Mercie.
Roderic , allez pu fiant pour lutter contre
Bernulphe , ne fe crut point allez fort
pour rélifter aux Anglois , joints aux Mer-
ciens , & il demanda la paix, qu'Ethcluulpk
s'emprelTa d'autant plus volontiers de lui
accorder , que ce n'étoit- jamais que par
effort qu'il fe décidoit à combattre. Mais il
fe flatta vainement de jouir du repos que
cette paix fembloit lui procurer : les Da-
nois , qui tous les ans faifoient des inva-
fions en Angleterre , occupés à dévafter
les provinces du nord , avoient laiflé jouir
les provinces méridionales de quelque tran-
quillité ; mais elles éprouvèrent à leur tour
les fureurs de ces brigands qui firent une
defcente fur les cotes du Weflex , & rava-
gèrent les contrées vo: fines de la mer. Ils
fe retiroient chargés de butin , Se fatigués,
plutôt que raflTaliés de crimes , lorlque
prêts à fe rembarquer , ils rencontrèrent le
comte de Céol , général à' Ethelwolph , qui ,
profitant du défcrdre où étoient ces trou-
pes , tomba fur elles au moment où elles
s'y attendoient le moins , & les défit en-
tièrement. Cette perte ne fit qu'irriter les
Danois , au lieu de les décourager ; & dès
le printemps de l'année fuivante , ils en-
trèrent dans la Tamife avec une flotte de
trois cens voiles , remontèrent la rivière
jufqu'auprès de Londres , defcendirent , &
commirent des cruautés inexprimables. Peu
fiuisfaits d'avoir dévailé la campagne , ils
entrèrent dans Londres , y mirent tout à
feu & à fang , amfi que dans Cancoibéry ;
Tome XI XL
E T H
ao^
& ils allèrent pourfuivre le cours de leurs
atrocités dans le royaume de Mercie , ou
ils ne (ufpendirent les excès de leurs fu-
reurs , que par l'avis qu'ils reçurent des
préparatifs que failoient Ei/ielwolpk 6C
Adelltan. Ils retournèrent fur leurs pas ,
& reparferent la Tamife , déterminés à
livrer bataille aux deux rois , campés à
Ockley , dans la province de Surrey. La
fureur & la rage les accompagnèrent dans
leur marche , & ils ne ceiïerent de piller &C
de nicillacrer , que lorsqu'ils furent en pré-
fence d Ethelwofp/i &c d'Adeldun. Le com-
; bat s'engagea ; la haine étoit égale des
deux cotés ; la viâoirc balança quelque
temps : mais enfin elle fe déclara pour les
Anglois qui firent un mallacre fi terrible
de leurs ennemis, qu'il n'en réchappa preC-
que point.
Depuis cette bataille, l'hiftoire garde le
filence fur Adelftan : les analiftes difenc
feulement qu'il mourut fans lailfer de re-
gret à d'autre qu'à (on père, qui ne voulut
point céder la couronne de Kent à Ethel-
bald fon fils aîné , dont il déteftoit les vices
& dont il craignoit la perverfité des mœurs
& l'inhumanité.
La défaite des Danois, procurant à l'An-
gleterre la paix dont elle avoit été privée
depuis tant d'années , Ethelwolph s'occupa
tout entier , non des devoirs de la royauté ,
mais des minutieules pratiques de la dévo-
tion ; enforte qu'il pafloit tout Ion temps
à vifiter les égliies , ou à s'entretenir avec
les moines qui l'ir.llruifoient , & qu'il enri-
chilloit. Ce fut auffi parmi les eccléfiafti-
ques qu'il fe choilit deux favoris , dont la
méfintelligence & l'ambition ne tardèrent
point à rufciter des troubles. Ces deux fa-
voris étoient Suiihun , évêque de Win-
cheftcr , & Alftan , évêque de Sherburn ,
ennemis irréconciliables, & qui profitoient
rour-à-tour du malheur des circonftances
& de la foiblelfe du roi pour fe nuire l'un à
l'autre.
Ethelwolph ne voulant point mourir fans
recevoir la béncJiftion du pape , fe rendit
à Rome , y reçut un accueil diftingué ,
fe profterna aux pies du poiuife , & fut
fi flatté des honneurs qu'on lui rendit,
qu'il s'engagea à envoyer tous les ans à
Rome , une rétribution de trois cents
Dii
2IC E T H
marcs , dunt deux cents pour fournir des
cierges aux cglifes de faint Pierre & de
faint Paul , & cent pour fubvenir aux
befoins particuliers du pape. Mais pendant
quEiheIwo/[)h engageoit , par dévotion ,
à Rome l'iionntur de fa couronne &: les
biens de fes fujets , Alfton , cvêquc de
Shciburn , irrité d'avoir perdu la con-
fiance de Ton maître , foulevoit contre ce-
lui-ci Ethclbald Ion hls aîné , qui , dévoré
d'ambition &: méchant par caratlere , fe
laillk facilement fcduire par les confeils
pernicieux d'Alltan. Le mariage inégal &
ridicule q\.i' Eihelwolph , déjà fort âgé ,
venoit de conrraétcr en France à Ion
retour de Rome avec Judith , fille de
Charles le Chauve , acheva d'ulcérer Ethel-
bald , qui forma , avec les principaux
feigneurs d'Angleterre , une confpiration
dont l'objet étoit de détrôner Etheluolph.
Celui-ci n'eut pas plutôt reçu avis des per-
fides projets de fon fils , qu'd fc hâta de
revenir dans fes états , où tout paroitToit
difpofé à une guerre civile , lorfque quel-
ques feigneurs , allez bons patriotes pour
prévenir les maux que cauleroit inévita-
blement une telle défunion , entreprirent
de terminer cette querelle par un raccom-
modement. Ethelv'olph , qui déteftoit la
violence , & dont l'âge avancé augmentoit
la timidité , confentit volontiers à un traité
de paix , par lequel il céda à fon fils le
royaume de Wellex , fe contentant de celui
tie Kent, Il ne lurvécut que deux ans à ce
partage : il ne s'occupa plus qu'à édifier les
peuples & la cour. Dans les derniers jours
E T H
de fa vie , il fit un teftament & difpofa des
états dont il s'éroit réicrvé la pofleilion , en
faveur d'Ethelbert fon fécond fils , auquel
il fubftitua Ethelrede , fon troifieme fils , &
à celui-ci Alfred , le plus jeune de (es en-
fans. Ethelwolph mourut peu de temps après,
en S75 , rcfpeâé par fa piété ; n.ais avec la
réputation d'un prince foible , & peu capa-
ble de gouverner. ( Z. C.)
ÉTHER , f. m, ( Fhyfi.j. ) On entend
ordinairement par ce terme une matière
fubtile qui, félon plulieurs philoiophcs, com-
mençant aux confins de notre atmolphcre ,
occupe toute l'étendue des cieux. Voy. Ciel,
Monde , lue.
Ce mot vient du grec a/'-îi'p ; c'eft pour
cette raifon que 1 on peut écrire inditférem-
ment cethtr ou échcr, parce que fi la dernière
manière d'écrire ce mot en françois eft plus
conforme à l'ufige, la dernière l'eft davan-
tage à l'étymologie. (*)
Plufieurs philofophes ne fauroienr con-
cevoir que la plus grande partie de l'univers
loit entièrement vuide ; c'eft pourquoi ils le
rempliilent d'une forte de matière appellce
étker. Quelques-uns conçoivent cet éiktr
comm.e un corps d'un genre particulier ,
deftiné uniquement à remplir les vuides qui
fe trouvent entre les coips céleftes ; & par
cette raifon ils le bornent aux régions qui
font au-deflus de notre atmolphcre. D'au-
tres le font d'une nature li fubtile , qu'il
pénètre l'air & les autres corps , &i occupe
leurs pores & leurs intervalles. D'autres
nient l'cxiftence de cette matière différente
,(*) La réfiflance de Ye'thera. paru à I\î. Eulfr devoir être la caufe de l'accélération ou de l'equation
■féculaire que les aftrynomes ont ciu appercevoir dans le mouvement de la lune , EiiUriypufcuU. Il
croyoit appercevoir un i'cmhlahJe eifet dans le mouveinent même de la terre; mais j'ai fait voir, par
Jes oblérvatioiis , qu'il n'y avoit point d'accelJration dans ce mouvement, Mémoin de r^CjiJemie de
taris , 1757. Celle qui a licud.inslo mouvement de Jupiter, paroîi être l'eftet de l'attraition de Saturne,
ainfi que ie retardement obièrvc dans cette deiniere planète, paroit venir de l'attradion de Jupiter. _
M. l'abbe' Boftut , dans une pièce qui a reraponc le prix de l'académie des Sciences, en 1761 , a tait
voir que la rcdûancc de IVV/icv ne cauleroit pas de changement lenlible dans les excentricités , mais feu-
lement danslev ftillanccs & dans les aplldes ou aplit'lies des planètes. M. Euler trouva les mêmes re'lul-
tats. Ces deux Mémoires (ont imprimes dans le îniitieme volume des pièces <;ui ont remporté Le prix de
tacadému : Moye- ;'.ulh les Kccherclus de W. d'Alembert, fur di^erens points inifondns dufyjUmcda
monde, lornc II. p.:ix 1-15.
L'examen des plus anciennes obfervations ne nous fait appercevoir dans les orbites aucun cliangement
^ui puifte indiquer la rc'llltance de la matière cthcrée. Le mouvement des apfides qu'on y rem.irque, eft
produit par l'attratiion mutuelle des planètes , car on trouve que la rc'lillaace du tiuide pioduuoit un
mouvement de l'apliclie beaucoup moins l'enllbie que le cliangement de jlurce dans la révolution : or ce-
lui-ci n'a pas lieu , du moins icnlibleiuerit i donc le iiioUTemeuc obl'crve dans les aplldes ne vient pas de
|a léUftaace de rtr/icv. i.M. dic. l.i Ljivve,^
E T H
de l'air , te croient que l'air lui-même , par
fon extrême ténuité & par cette expanlion
immenfe dont il eft capable , peut fe répan-
dre jufquedans les intervalles des étoiles ,
Se être la feule matière qui s'y trouve, Fby.
Air.
L'éthcr ne tombant pas fous les fens Se
étant employé uniquement ou en faveur
d'une hypothefe , ou pour expliquer quel-
ques phénomènes réels ou imaginaires , les
phylîciens fe donnent la liberté de l'imagi-
ner à leur fantaifie. Quelques-uns croient
qu'il eft de la même nature que les autres
corps, & qu'il en eft feulement dilHngué par
fa ténuité Se parles autres propriétés qui en
réfultent ; 8c c'eft là Véiher prétendu p/ii/ofo-
phique. D'autres prétendent qu'il eft d'une
efpece différente des corps ordinaires , &
qu'il eft comme un cinquième élément ,
d'une nature plus pure , plus fubtile , &
plus fpiritueufc que les fubftances qui (ont
autour de la terre , Se don: aulli il n'a
pas les propriétés , comme la gravité , fiv.
Telle eft l'idée ancienne & commune que
l'on avoit de Vétker , ou de la m.atierc
cthéréc.
Le terme à'é:her fe trouvant donc em-
barrafté par une fi grande variété d'idées ,
& étant appliqué arbitrairement à tant
de différentes choies, plulieurs philolo-
phcs modernes ont pris le parti de l'a-
bandonner , Se de lui en fubftituer d'au-
tres qui exprimaffent quelque chofe de plus
précis.
Les cartéfiens emploient le terme àe
matière fubtile pour défigner leur ciker.
Newton emploie quelquefois celui à'efprit
fubtil , comme à la fin de (es principes ■-, Se
d'autres fois celui de milieu fubtil ou éthéré ,
comme dans fon optique. Au refte, quantité
de raifons femblent démontrer qu'il y a
dans l'air une matière beaucoup plusfubtile
que l'air même. Après qu'on a pompé l'air
d'un récipient , il y refte une matière dif-
férente de l'air ; comme il paroit par cer-
tains effets que nous voyons être produits
dans le vuide, La chaleur , fuivant l'obler-
vation de Newton , fe communique à tra-
vers le vuide prefqu'aulTI facilement qu'à
travers l'air. Or une telle communication
ne peut fe faire fans le fecours d'un corps
intermédiaire. Ce corps doit être allez lub-
E T H 211
til pour traverfer les pores du verre ; d'où
l'on peut conclure qu'il traverfeauflî ceux de
tous les autres corps, & par conféquent qu'il
eft répandu dans toutes les parties de l'efpace.
F.CuALtuR, Feu, f-v. _ ^
NeVCion, après avoir aind établi l'exil-
tence de ce milieu éthéré, paffc à fes pro-
priétés, & dit qu'il eft non feulement plus
rare & plus fluide que l'air , mais encore
beaucoup plus élaftique & plus adif i Sc
qu'en vertu de ces propriétés , il peut pro-
duire une grande partie des phénomènes de
la nature. C'eft , par exemple, à la preffion
de ce milieu que Newton femble attribuer
la gravité de tous les autres corps ; Se à
fon élafticité , la force élaftique de l'air Sc
des fibres nerveufes , l'émiffion , la réfrac-
tion , la réflexion , Se les autres phéno-
mènes de la lumière ; comme auffi le mou-
vement mufculaire , 6'c. On fent affez que
tout cela eft purement conjedural , fur quoi
voye'i les articles Pesanteur, Gravite ,
L'éther des carthéfiens non feulement pé-
nètre , mais encore remplit exadement ,
félon eux , tous les vuides des corps , eii-
forte qu'il n'y a aucun efpace dans l'uni-
vers qui ne foit abfolument plein. Voye^
MatieFvE subtile , Plein , Cartésia-
nisme , 6'c.
Newton combat ce fentiment par plu-
fieurs raifons , en montrant qu'il n'y a dans
les efpaccs céleftes aucune réiiftance fenli-
b!e i d'où il s'enfuit que la matière qui j
eft contenue , doit être d'une rareté prodi-
gieufe , la réfiftance des corps étant pro-
portionnelle à leur denfité : fi les cieux
étoient remplis exaétement d'une matière
fluide , quelque fubtile qu'elle fût , elle
réhfteroit au mouvement des planètes & des
comètes , beaucoup plus que ne feroit le
mercure. l^oye[ Rlsistance , Vuide ,
Planète , Comète , 6'c. Harris Se Cham-
bers. ( O )
Ether , ( Chim. & Mat. méd. ) nous défi-
gnons fous ce nom la plus ténue & la plus
volatile des huiles connues , que nous reti-
rons de l'efprit de vin par l'intermède de
l'acide vitiiolique , ou de l'acide nitreux.
Voye'i^ Ether viTRiOLiciyE 6' Ether
nitreux.
Ether Frobenij (Chim. & Mat. mcj.)
Dd 2
Èia E T H
^ther OU liqueur éthérée de Frobcnius ; c'eft
une huile extrêmement fubtile , légère , &
volatile, fans couleur, d'une odeur très-
agréable , qui imprime à la peau un fenti-
ment froid , qui eft (î inflarnmable qu'elle
brûle fur la furface de l'eau froide , même
en très-petite quantité, & qui a toutes les
autres propriétés des huiles elfentielles des
végétaux très-redifiés. F'. Huile.
Elle cft un des produits de la diftillation
d'un mélange d'efprit devin &d'acidevitrio-
lique ,c'eft-à-dire, de l'analyfe de l'efprit de
vin par Tintermede de l'acide vitriolique.
Cette fubftance eft connue dans l'art
depuis long-temps ; on en trouve, ficon des
defcriptionsexadtes, du moins des indications
affez manifcftesdans Raymond Lulle, Ifaac
le hollandois, Bafile Valemin, & Paracelfe.
Un grand nombre d'auteurs plus modernes
en ont fait mention d'une manière plus ou
moins complètement -, & cependant cette
liqueur linguliere tll relice prefque abfolu-
ment ignorée ou négligée , julqu'à ce que
Frédéric HofFman la tira de l'oubli &C la fit
connoïtre principalement par les vertus
médicinales qu'il lui attribua ; mais elle n'a
été généralement répandue que depuis qu'un
chimifte allemand , qu'on cru;t avoir caché
fon nomfojis celui de Frobenius, publia les
expériences fur cette (ubftance finguliere ,
dans les Tranf. phihf. années ij^o. n.^i^,ik
zvjj.n.^iS.C'eilà cet auteur que la liqueur
«lonc il s'agit doit le nom à'éther. Les chimil-
tes qui l'avoient devancé l'avolent nommée
eau tempérée , efprit de vitriol volatil , efprit
doux de vitriol , huile douce de vitriol ; &cc.
tous ces noms expriment des erreurs , >k
doivent être par confcqutnt rejetés. Celui
à'éther, qui eît pris d'une q lalité extérieure
très-réelle du corps qu'il deiigne , leur doit
être préféré ; & il ne faut pas lui fî-ibllituet
celui à'acide vitriohque vineux , puce que ce
nom que lui ont donné pluhcuis chimiftcs
modernes très-illuftres , pèche p.ir le même
défaut -que ks noms anciens. Il eft iivpolé à
cette l.queur a'après une fiulle i<!cc de la
nature, comme nous le verrons dan-, la luitc
de cet article.
Le ledleur qui fera curieux d'acquérir
une érudition plus étendue fur cette ma-
tière , pourra le fitisfaire amplement en
Ûfant la dilîexcation que le cékbic M. Pou
E T H
a comporée en 1731 , fur l'acide vïtrioIiqu'S
vineux qu'il permet d'appeller auffi efpnt de
vin vitriolé. Celui qui fe contentera de con-
noïtre le procédé le plus fur & le plus abrégé
pour préparer Yéther vitriolique en abon-
dance , va le trouver ici tel que M. Helloc
a eu la bonté de me le communiquer
en 1751, avec permilTîon de le répan-
dre parmi les artiftes; ce que je fis dès ce
temps-là.
Prenez de l'eCprlt de vin rectifié , ou
même de l'elprit de vin ordinaire . & de la
bonne huile de vitriol telle q' /on nous l'ap-
porte de Hollande ou d'Angleterre , parties
égales, au moins dïux livres de chacun:
mettez votre efprit de vin dans une cornue
à l'angloife de verre blanc , de la conte-
nance d'environ lix pintes ; verfez dellus
peu à peu votre huile de vitriol , en agitant
votre mélange qui s'échauftera de plus en
plus à chaque nouvelle etîulîon de l'acide
vitriolique , & en lui fiiifant parcourir pref-
que toutes les parties de la cornue pour
qu'elle s'échauffe uniformém.ent. Quand
vous aurez mêlé entièrement vos deux li-
queurs , le mélange fera fi chaud que vous
ne pourrez pas tenir votre main appliquée
au fond de la cornue i il aura acquis une
couleur délayée d'urine, lors même que
vous aurez employé de l'acide vitriolique
non coloré , & il répandra une odeur très-
agréable. Vous aurez préparé d'avance un
fourneau à bain de fable , dans lequel vous
aurez allumé un feu clair de charbon, &
vous aurez difpofe à une diftance & .a une
élévation convenable , luigrand balon ou
deux moindres balons enfiles tSè de, à lûtes
enfemble. Dès que votre mélange !cra uni ,
vous placerez votre cornue lui le ba;n de
fible qui fera déjà ch.iud ; vous aaapteiez
fon bec dans l'ouverture du balon ; vous
lucerez, vous ouvrirez le pet:t trou du
balon , & vous foutiendrez , ou mén.e aug-
menterez le feu, jiifqu'au point de porter
brufquemcnt votre liqueur au degré ae l'é-
buliicion. Le pioduit qui palléra d'abord ne
fera autre choie qu'un elpiit de vin tiès-
défiegmé ; vous le reconnoitrez à l'odcur
bientôt après; en moins d'une demi heure
Véiher s'élèvera ; la différence de l'odeur &
la violence du fouflle qui s'échappera par
le petit trou du balon , voui amionceiuar
E T H
de proî^uit : alors bouchez le petit trou , |
appliquez fur vos balons & fur la paicie
intérieure du cou de la cornue des linges
mouillés, que vous renouvellerez (ouvcnc ,
ouvrez le petit trou de temps en temps , à
peu près toutes les deux minutes , lai(!ez-le
ouvert pendant deux ou trois lecondes ;
foutenez le feu , mais lans l'élever davan-
tage i !k continuez ainll votre diuiUation
julqu'à ce que votre cornue commence à
s'oblcutcir par la production de légères
vapeurs blanches. Dès que ce ligne paroî-
tra , enlevez votre cornue du fable , défap-
pareillez fur le champ , de verlez les deux
liqueurs qui (e font ramillées dans le réci-
pient , dans un vaKTeau long & étroit ;
vous appercevrez votre éiher nageant fur
l'efprit de vin élevé dans la dirtiUation ;
vous ieparerez ces deux produits encore
plus exademcnt , il vous les noyez d'une
grande quantité d'eau : alors vous retirerez
toute la liqueur inférieure par le moyen
d'un petit lyphon, ou par celui d'un en-
tonnoir à corps cyhndrique , hautSc étroit ;
& n vous ne vous propofez que d'obtenir
.de Véther , votre opér uion elt finie. Que
s'il vous arrive d'avoir poulie le feu allez
fort pour que la première apparition des
vapeurs blanches foit accompagnée d'un
gonflement conhdérable de la matière ,
6c d'un fouftlc très-violent par le petit
trou du balon ; fi vois n'êtes pas allez
exercé dans le manuel chimique pour
favoir dé'.appareiller dans un inftant ,
n'héfitez point à caller le cou de votre
cornue : car fans cela vous vous expolez
à perdre tous vos vaifleaux & vos pra-
duits , & peut-être à être bleiré confidéra-
blement.
Nous remarquerons au fujet de ce pro-
cédé : prciTiiftement , qu'il eft plus com-
mode & plus lur de faire le mélange en
veifant l'acide lur l'efprit de vin , qu'en
verfant l'clprit de vin fur l'acide , quoique
la dernière manière ne manque pas de
partifans : mais M. Rouelle , M. Port , &
l'cypérieace font pour la première. Secon-
dement , que , même en procédant au mé-
lange par la voie que nous adoptons, l'union
de ces deux liqueurs s'opère avec bruit ,
chaleur , & agitation intérieure & violente
du mciange ; qu'on ne doit point cepen-
E T H 215
dant appcller cfi'ervefcence avec HofFman ,
qui traite de ce phénomène dans une dif-
lertation particulière fur quelques efpeces
rares d'eftervefcence. It. Hodmanni , obf.
phyfico-chim. felecl. lib. Il - ohf. jx. Voye[
EiFERVEScF.NCE. Troifiémcmcnc , la
dofe relpective vies deux ingrédiens &: Icuc
dofe ablolue , font néceflaires pour le iuc-
cès de l'opération , ou au moins pour le
plus grand fuccès. Si on employoit plus
d'elprit de vin que d'acide vitriolique ,
non leulement la quantité excédente d'ef-
prit de vin (eroi: à pure perte , mais même
elle reuuderoit la produétion de Vt-ther ,
&c en diminueroit la quantité : on pourroic
tenter avec plus de raifon d'augmenter la
proportion de l'acide vitriolique. Quant à
la dole abfolue des deux ingrédiens , oïl
n'obtient rien fi elle eft la moitié moindre
que celle que nous avons prefcrite , c'eft-à-
dire, fi on n'emploie qu'une livre de chaque
liqueur ; (J: l'on a fort peu à'éther , fi l'oii
opère fur une livre & demie de chacune,
A la dole de deux livres, au contraire , on
obtient julqu'à huit & neuf onces à'éiher
par une feule diftillation , quantité prodi-
gieule , en comparaifon de celle qu'on obte-
lioit par l'ancien procédé , qui exigeoit plu-
(leurs cohobations. Quatrièmement, le ma-
nuel eflentiel , le véritable tour de main , le
fecret de cette opération , confifte dans l'ap-
plication foudaine du plus haut degré de feu;
quoiqu'il foit écrit dans tous les livres qui
traitent de cette matière , qu'il faut admi-
nillrer le feu le plus doux , le plus inlenlible-
ment gradué, c'eft à-dire , prendre les pré-
cautions les plus (ùres & les plus directes
pour manquer fon objet. Il eft clair à pré-
lent par le fuccès du nouveau^ procédé ,
que l'acide vitriolique n'agit efficacement
fur l'efprit de vin que lorfqu'il eft animé
par le plus grjnd degré de chaleur donc
il eft fufceptible dans ce mélange , &
qu'une chaleur douce dégage & enlevé
l'efprit de vin aulTî inaltéré qu'il eft poffi-
ble. Or Vé'her n'cft ablolument autre cho(è
que le principe huileux de l'efprit de vin
fcparé des autres principes de la mixtion
de cette fubftance , par une aétion de l'a-
cide vitriolique inconnue jufqu'à préfent ,
mais vraifemblablement dépendante de la
grande aiHnité de cet acide avec l'eau »
2 14 E T H
qui eft un principe très-connu de la mix-
tion ou de la compoficion de refprit de
vin. Cette a6tion de l'acide pouriroit bien
auflfi n'être que méchanique , c'eft-à-dire ,
fe borner à porter dans Tefprit de vin une
chaleur bien fupérieure à celle dont fa
volatilité naturelle le rend fufceptible, &
le difpofer ainlî à éprouver une diachrèfe
pure 6. fimple , dont la chaleur feroit en
ce cas l'unique Si. véritable agent, & à la-
quelle l'acide ne concourroit que comme
bain ou faux intermède. Foyeice que nous
difons des bains chimiques à Varticle Feu.
yoy. aujfi Intermède.^
Toutes les propriétés de X'éther démon-
trent , à la rigueur , que cette fubftance
n'eft qu'une huile très-fubtile, comme nous
l'avons déjà avancé au commencement de
cet article ; & l'on ne conçoit point com-
ment des chimiftes habiles ont pu fe figu-
rer qu'elle étoit formée par la combi-
naifon de l'acide vitriolique &c de l'efprit
de vin. .
La feule propriété chimique particulière
que nous connoilfons à X'éther , eft celle de
diffoudre facilement , & par le fecours
d'une légère chaleur, certaines fubftances
réfineufes , telles que la gomme copale Se
le fuccin , qui font peu folubles à ce degré
de chaleur par les huiles ellentielles con-
nues : mais on voit bien que ceci^ ne fau-
roit être regardé comme unepropriétc eflcn-
tiellc ou diftinétive.
Tous les médecins qui ont connu Vécher
lui ont accordé une qualité véritablement
fédativc , antifpafmodiquc , ils l'ont recom-
mandé fur- tout dans les coliques venteufes,
dans les hoquets opiniâtres , dans les mou-
vemens convulfifs des enfans , dans les ac-
cès des vapeurs hyftériques, (-c il eft dit
dans le recueil périodique d'obfervationsde
médecine , Fév.iJSS > <!"'"" remède nou-
veau , ufité en Angleterre contre le mal à la
lête , c'eft de prendre quelques drachmes
d'e'/AerdeFrobeniusdanslecreuxdelamain,
& de l'appliquer au front du malade. Quel-
ques drachmes à'éther, c'eft comme le boif-
feau de pilules de Cril'pin. Une perfonne qui
fe connoit mieux en dofes de remèdes a
appliqué , dans des violens maux à la tête ,
fur les tempes du malade , quelques brins
de cocon imbibés de fepc à huit gouttes
E T H
à'tther ; & elle afture qu'au bout de quel-
ques minutes la douleuraétédiiïipée comme
par enchantement. Pendant cette applica-
tion le malade éprouve fur la partie un
fentiment de chaleur brûlante , auquel
fuccede une fraîcheur très-agréable dès l'inf-
tant que le coton eft enlevé. Au refte le char-
latan de Londres qui diiTipoit , ou du moins
qui traitoit les douleurs de tête par une ap-
plication des mains, qui vraifemblablement
a donné lieu à l'article du recueil d'obferva-
tions que nous venons de citer , n'emplo-
yoit point Véther. Je tiens du même ob-
(ervateur , que cinq ou fix gouttes à'éther ,
données intérieurement , avoient fufpendu
avec la même promptitude des hoquets
violens , foit qu'ils fuffent furvenus peu de
tems après le repas , Ibit au contraire l'cfto-
mac étant vuide.
La dofe ordinaire de Véther pour l'ufage
intérieur , eft de fept à huit gouttes. On en
imbibe un morceau de lucre, qu'on man-
ge fur le champ , ou qu'on fait fondre dans
une liqueur appropriée & tiède. Quand on
le prend de cette dernière façon , on peuc
augmenter un peu la dofe , parce qu'il s'en
évapore une partie pendant la dillblutioa
du fucre.
La bafe de la liqueur minérale anodync
d'Hoft'man, n'eft autre chofe que de l'cfpric
de vin empreint d'une légère odeur éthé-
rée , retiré par une chaleur très-douce d'un
mélange de fix parties d'efprit de vin Sc
une partie d'acide vitriolique. C'eft propre-
ment un éther manqué. Voye^ Liqueur
MINÉRALE ANODYNE d'HofFMAN.
L'examen ultérieur de la matière qui refte
dans la cornue après la production de Véther ,
appartient à l'analyfe de l'elprit de vin ; du
moins l'article de l'efprit de vin eft-il celui de
ce Diélionnaire , où il nous paroît le plus
convenable de le placer. Voy. Esprit de
VIN au inotVm.
Ether nitreux , ( Chim. fi' Mat. méJ. )
on peut donner ce nom à une huile extrê-
mement fubtile , retirée de l'elprit de vin
par l'intermède de l'acide nitreux , pourvu
qu'on fe fouvienne que nitreux ne lignifie
ici abfolument que (éparé par l'aciJe nitreux.
Il vaudroit peut-être mieux l'appeller éther
de Navier,
Véther nitreux & Véther de Fghrenius ne
E T H
font proprement qu'une feule & même
liqueur ; la (eule difïercnce qui les diftin-
gue , c'eft quelque variété dans l'odeur ;
celle de Vét/tcr nitreux eft moins douce ,
moius agréable.
La découverte de Vétker nitreux qui efl:
très-moderne , eft due au hafard. Voici
comment s'en explique ( dans les mêm. de
l'acad. royale des Se. an. Zj^z. ) M. Navier
médecin de Châlons-fur-Marne , qui l'a
obferve le premier : " Comme je compo-
" fois une teinture anti-lpa(modique , où
» il entroit de l'clprit de vin & de l'elprit
» de nitre , le bouchon de la bouteille où
" l'on avoir fait ce mélange fauta , & il
» fe répandit une forte odeur d'étker •>.
C'eft de Véi/ter de Frobenius que l'auteur
entend parler,
M. Navier foupçonna avec jufte raifon
fur cet indice , que le mélange de l'acide
nitreux & de l'clprit de vin devoir pro-
duire dans le fecours de la difliUaticm &
par une lîmple digeftion , une liqueur fem-
blable à l'éther de Frobenius. Il mêla donc
parties égales de ces deux liqueurs en me-
fure ëc non en poids , dans une bouteille ,
qu'il boucha enfui te exadement , & dont
il anùjettit le bouchon avec une ficelle ; &
au bout de neuf jours il trouva une belle
huile éthérce & très-claire prefquc blanche ,
qui furnageoit le refte de fa liqueur , &
qui faifo^ environ un fixieme de mé-
lange.
Il faut que M. Navier ait employé dans
cette expérience un efprit de nitrc beau-
coup plus foible que l'efprit de nitre ordi-
naire non fumant des diftillateurs de Paris ,
ou qu'il n'ait pas obfervé le temps exaét
de la produdion de ['éther, 8c qu'il ne l'ait
apperçue que long-temps après qu'il a été
féparé , comme on le va voir dans un
moment.
En répétant l'expérience de M. Navier ,
& en variant la proportion des deux ma-
tières employées , on a découvert qu'on
©bteno't de Vétker par Ce procédé , lors
même qu'on employoit dix & douze par-
ties d'efprit de vin pour une d'acide nitreux
foible i & que l'aftion mutuelle de ces deux
liqueurs n'avoir befoin d'être excitée que
par la plus foible chaleur 5 qu'elle avoit lieu
E T H
215
au degré inférieur à celui de la congéLuion
de l'eau.
Le mélange de l'acide nitreux & de l'ef-
prit de vin cil , tout étant d'ailleurs égal ,
encore plus tumultueux , plus violent , plus
dangereux que celui de l'acide vitriolique
&: de l'efprit de vin ; phénomène qui peut
prélenter une fingukrité à ceux qui croient
que l'acide vitriolique eft ce qu'ils appel-
lent plus fort que l'acide nitreux , mais
qui ne paroitia qu'un fait tout fimpie
aux chimirtes qui fauront que nul agent
chimique ne polïède une force ablblue. Le
premier mélange s'exécute d'autant plus
facilement & plus fùrement , qu'on em-
ploie moins d'efprit de nitre fur la même
quantité d'efprit de vin , &c un acide moins
concentré : on a foin donc lorfqu'on n'a
en vue que Vétker même , d'obfeiver ces
circonftances. On prend , pat exemple , fix
parties d'efprit de vin ordinaire ; on le
met dans une très-grande bouteillt , eu
égard à la quantité de mélange qu'on a
deflein d'y renfermer ( il n'eft point mal
de prendre une bouteille de cinq ou fix
pintes pour un mélange d'une Hvre & dcr
mie ) ; on vcrfe deflus peu à peu une partie
d'elprit de. nitre foible non fumant ; on
ferme la bouteille avec un bon bouchon de
liège ficelé ave^foin , & on la place dans
un lieu frais. AU bout de vingt quatre ou
trcnce-lix heures, le mélange qui julqu'a-
lors n'aura éprouvé aucune agitation in-
térieure fenfible , fubit tout d'un coup une
véritable effervefcence , c'cft-à dire , un
mouvement violent dans fes parties , avec
éruftation d'air, élévation de vapeurs , &c.
& elle eft accompagnée de la produélion
de Vétker , qu'on voit , l'effervefcence étant
celTée , furnager le refte du mélange , &
qu'on fépare par les moyens indiqués pour
Vétker de Frobenius.
Cette effervefcence eft d'autant plus
prompte Se d'autant plus violente , qu'on
emploie de l'efprit de nitre plus concentré ,
& de l'efprit de vin plus redVifié ; que la
quantité de l'efprit de nitre approche davan-
tage de celle de l'efprit de vin ; & que ces
réadifs font animés par un plus haut degré
de chaleur. M. Rouelle a éprouvé par un
grand nombre de tentatives , que la plus
haute proportion a laquelle on peut por-
2l6
E T H
ter dans le mélange refprit de nître rrès- |
fumant , fans que i'effervefcence eût lieu
dans le temps même du mélange , étoit
celle de deux parties d'acide contre trois
d'ciprit de vin ; &c cela en fe rendant
maître , autant qu'il étoit poffible , de la
troifîeme c:tconrtancc du degré de cha-
leur , en mettant d'avance à la glace l'efprit
de vin & l'acide , £< les mêlant dans un
vailîeau cciwert de glace. Ce vallFeau étoit
un matras d'un verre très-épais qu'on avoit
cuirafie, en appliquant delfus alternative-
ment plulieurs couches de parchemin ou
de veilles collées & bien tendues , & de
ficelle goudronnée & dévidée ferme , ôc
près à près ; on bouchoit exaâement ce
matras , & on l'enterroit fous la glace.
Malgré ces précautions , quelques li_eures
a[)rès le mélange fait , il ell arrivé plus
d'une fois que le vailTeau a fauté en éclats
avec une explofion auflî violente & un
bruit auffi fort que celui de la plus grollè
pièce d'artillerie.
Tous les chimifles qui ont préparé l'ef-
prit de nitre dulcifié , ioit parla digeftion
feule , foit p^r la digeftion & la diftiUa-
tion , ont fiit de W'iher ni tr eux (uns le favoir;
mais ils l'ont tous dilFipé , ou entièrement,
ou du moins pour la plus grande partie ,
comme nous le dcduirons^illeurs des faits
que nous venons de rapporter ici , & des
méthodes ordinaires de procéder à la pré-
paration de l'efprit de nitre dulcifié , que
nous expofe;ons-là, Voye[ Acide nitreux
à X'aniclc Nitre.
Quoiqu'il ne foit pas clair encore que
\khcr nitreux foit toujours mêlé d'un peu
d'acide , cependant comme cela eft très-
polïible , on doit , pour être plus allure
d'avoir X'éiher pur , le laver avec une eau
chargée d'alkali fixe , félon ce qui tll pref-
Crit dans les livres.
Les vertus médicinales de cet éiher ne
font pas confratées encore par un grand
nombre d'obiervations ; on tit très- fouie
à le regarder , en attendant , comme abfo-
lument analogue , à cet égard , à \cihcr de
Frobenius.
M. Navier a aulli obtenu de X'éthcr , en
fubftituanc une dilloliiiion de fer dans l'a-
fide nnrcuM pur , dans une expérience
d'a^lcurs feiTibiable par toutes fçs circoiif-
E T H
tances à celle que nous avons rapportée
au commencement de cet article. Cet l'cher
diffère de celui qui eft produit pai l'acide
nitreux pur , en ce qu'il acquiert dans l'ef-
pace d'environ trois femaines , une cou-
leur rouge qui eft due à quelques particules
de fer , &c. Cette dernière expérience , avec
toutes ces circonftances Se dépendances ,
n'apprend rien ; chofe très-ordinaire aux
expériences tentées fans vue. (i)
ETHÉRÉE, adj. {Phyfigue.) fe dit de
ce qui appartient à l'éther , ou qui tient de
la nature de l'ether. Effaces éthérées , font
ceux que l'éther occupe ; matière éihérée , eft
la matière de l'éther , te. (O)
ETHICOPROSCOPTES , Ethicoprof-
coptœ , ( Hijî. eccléf. ) nom par lequel S. Jean
Damafccne , dans fon traité des hcréfies ,
a déligné certains leélaires qui erroient
fur les matières de morale , & fur les cho-
fes qu'on doit faire ou éviter , blâmant des
choies louables & bonnes en elle-mêmes,
& en prefcrivant ou pratiquant d'autres
mauvaifcs , ou criminelles. Ce nom au rtfte
convient moins à une leéfe particulière ,
qu'à tous ceux qui altèrent la faine mo-
rale , foit par relâchement , foit par rigo-
nfme. (G)
ETHIOPIE , ( Géog. ) vafte contrée qui
fait même la plus grande partie de l'Afri-
que , & celle qui s'avance davantage , tant
vers l'orient que vers le midi ^irincipale-
ment.
Les anciens reconnoilToient deux fortes
d'Ethiopiens , ceux d'Alîe &c ceux d'Afri-
que. Hérodote les diftingue en termes for-
mels ; & voilà pourquoi dans les écrits de
l'antiquité , le nom à' Ethiopie eft commun à
divers pays d'Alie dk d'Afrique ; voilà pour-
quoi ils ont donné li fouvent le nom i!'//2-
divns aux Ethiopier.s , & le nom à'Eihto-
picns aux véritables Indiens. Dans Procope,
poir exemple , {'Ethiopie eft appellée l.'.Je,
l-^oye\-en les railons dans les oblctvations
de M. Freret.
Le Chufiftant montre peut être les pre-
mières habitations des Ethiopiens , pen-
dant que l'Inde & l'Afrique nous .".{pren-
nent Icuis divilions: aulTi M. Huet foucicnt
fortement contre Bochart , que dans l'E-
criture ['Ethiopie tlt dcfignée par la terre
de
E T H
l/è Chus. Voye^-en les preuves dans fbn hlf-
toire du paradis tcrrellre.
Les Grecs s'embarralfant peu de la fcien-
ce géographique , nommèrent Ethiopiens
tous les peuples qui avoient la peau noire
ou hafanee : c'ert pour cela qu'ils appelle-
rent les ColcUes Etiùvpiens , & la Colchide
Ethiopie. Mais Ptolom(fe eft bien éloigné
d'être tombé dans de pareils écarts ; on lui
doit au contraire la divifion la plus cxaâ:e
& la plus méthodique qu'il y ait de l'an-
cienne Ethiopie. Voyt-lJa géographie , liv. IV,
ch. vij. viij &jx.
L'Ethiopie ell illuftre dans l'antiquité à
pltilleurs égards ; Si comme il ne fe trouve
guère fous le ciel aucun peuple ( ainli qu'il
" n'y a prefquc aucune grande mailon ) qui
r.e fe fade gloire à préfent , ou qui ne fe
foit autrefois vanté d'être plus ancien que
iês voiilns , les Ethiopiens difpuierent aux
Egyptiens la primauté de l'ancienneté , ^
ils ctoient fondés à la prétendre fuivant M.
l'abbé Fourmont. Voye^(3. diiTertation à ce
(ujct dans les Mémoires de l'académie des
Belles-Lettres , tome VI JI.
Nos géographes ne s'accordent point fur
les pays que l'on doit nommer V Ethiopie ;
il me paroît feulement que l'opinion la plus
reçue , fondée ou non , donne pour bornes
à ['Ethiopie moderne la mer rouge , la cote
d'An j an & le Zanguebar à l'orient , le Mo-
noémugi & la Caffrerie au midi, le Congo
à l'occident , la Nubie & l'Egypte au lep-
tentrion. Fbje:f la méthode géographique de
l'abbé Lenglet Dufrefnoy.
Malgré la prodigieufe chaleur qui règne
dans cette im.menfe contrée , & malgré fa
poiition fous la zone torride , elle eft néan-
moins par- tout habitée , contre l'opinion
des anciens ; & les plus grandes rivières de
l'Afrique , le Nil & le Niger , y ont leur
K)urce. Voyei_ les defcriptions de l'Afrique de
nos voyageurs.
On divile tout ce vafte pays en deux
parties générales , l'avoir la haute & la balle
Ethiopie, La haute Ethiopie eft la partie la
plus feptentrionale , & en même temps la
plus orientale ; elle renferme la Nubie,
rAbyiîînie , les Giaques ou Galles , & les
cotes d'Abex , d'Ajan , & de Zanguebarf-
La bafle Ef A/ope s'étend le plus vers le midi
Se vers le couchanr ; elle renferme le Mo- 1
Tvine XJiJ.
E T H
217
[ noémugi , le Monomotap.) , & les grandes
régions de liiafara , de Congo , & des
j Caffrcs. ^Lts Portugais ont découvert
depuis environ deux (îecles & demi cette
balfe Ethiopie , qui étoit prefque entiè-
rement inconnue aux anciens. Voy. l'hif-
toire de la découverte des Portugais en.
Afrique.
L'Ethiopie entière eft entre le 24 degré
de latitude feptentrionale , & le 55 de lati-
tude méridionale. Sa longitude eft entre les
degrés 55 & 8y. Article de M. le Chevalier
DE Jaucourt.
* ETHIOPIENS , f. maC plur. ( Philo-
SOPHIE DES ) HiJ?. de laphilofoph. Les Ethio-
piens ont été les voiHns des Egyptiens , Se
l'hiftoire de la philofophie des uns n'eft pas
moins incertaine que l'hiftoire de la philo-
fophie des autres. Il ne nous eft refté aucun
monument digne de foi fur l'état des fcien-
ces & des arts dans ces contrées. Tout ce
qu'en nous raconte de l'Ethiopie paroît
avoir été imaginé par ceux qui , jaloux de
mettre Appollonius de Tyancen parallèle
avec Jefus-Chrift , ont écrit la vie du pre-
mier d'après cette vue.
Si l'on compare les vies de la plupart
des légillateurs , on les trouvera calquées
à peu près lar un même modèle ; & une
règle de critique qui fcroit afiez fûre , ce
fcroit d'examiner fcrupuleufement ce qu'el-
les auroient chacune de particulier, avant
que de l'admettre comme vrai , & de reje-
ter comme faux tout ce qu'on y remarque-
roit de commun. Il y a une forte préfomp- ■
tion que ce qu'on attribue de merveilleux
à tant de perfonnages différens , n'eft vrai
d'aucun.
Les Ethiopiens fe prétcndoient plus an-
ciens que les Egyptiens , parce que leur con-
trée avoir été plus fortement frappée des
rayons du folcil qui donne la vie à tous les -
êtres.
D'où l'on voit que ces peuples n'étoient '
pas éloignés de regirder les animaux com-
me des dévcloppemens de la terre mife en
fer.mcntation par la chaleur du foleil, & de
conjeéturer en conféqucnce que les efpeces
avoient fubi une infinité de transformations
diverfes,avant que de parvenir fous la forme ;
où nous les voyons ; «que dans. leur première j
£e
2i8 E T H
origine les animaux naquirent Ifolés; qu'ils
purent être enfuite mâles tout à la fois Se
femelles , comme on en voit encore quel-
ques-uns; Se que U réparation des fcxcs n'eft
peut-être qu'un accident , & la néceirué de
l'accouplement qu'une voie de génération
analogue à nocre organifacion aitutUe. y.
l'an. Dieu.
Quilles qu'aient été les prétentions des
Ethiopiens fur leur origine , on ne peut les
regarder que comme une colonie d'Egyp-
tiens ; ils ont eu , comme ceux-ci , l'ufage
de la cîrconcinon & des embaumcmens ;
les mêmes vêtemens ; les mêmes coutumes
civdes & rel^gieafes ; les mêmes dieux ,
Hammon , Pan , Hercule , Ilîs ; les mêmes
formes d'idoles ; le même hiéroglyphe ; les
mêmes principes ; la diftindion du bien &
du mal moral ; l'immortahté de l'ame &
les mîtempfycofes ; le même clergé , le
fceptre en forme de foc , t'c. en un mot
iî les Ethiopiens n'ont pas reçu leur fagelTe
des Egyptiens, il faut qu'ils leur aient tranf-
mis la leur ; ce qui ell fans aucune vrai-
fcmblance : car li philofophie des Egyptiens
n'a point un air d'emprunt ; elle tient à
des circonftances inaltérables , c'eft une
produdtion du fol ; elle cft liée avec les
phénomènes du climat par une infinité de
rapports. Ce feroic en Ethiopie , proies fine
matre creata : on en rencontre les caufes en
Egypte ; & lî nous étions mieux infttuits ,
nous verrions toujours que tout ce qui eft ,
eft comme il doit être , & qu'il n'y a rien
d'indépendant , ni dans les extravagances
des hommes , ni dans leurs vertus.
Les Ethiopiens s'avouoient autant infé-
rieurs aux Indiens , qu'ils fe prétendoient
fupérieurs aux Egyptiens; ce qui me prou-
ve , contre le fentiment de quelques auteurs,
qu'ils dévoient tout à ceux ci & rien aux
autres. Leurs Gymnofophiftes , car ils en
ont eu , habitoient une petite colline voi-
fme du Nd ; ils étoient habilles dans toutes
les faifons à peu près comme les Athéniens
au printemps. Il y avoir peu d'aibres dans
leur contrée , on y remarquoit feuletnent
un petit bois où ils s'allembloient pour dé-
libérer fur le bonheur général de l'Ethiopie.
Ils regardoient le Nil comme le plus puif-
fant des dieux ; c'étoit , félon eux , une
diynuic uns & eau, lis u avoient poiuc
E T H
d'habitations j ils vivoient foiB le ciel :
leur autorité étoit grande , c'étoit à eus
qu'on s'adrelfoit pour l'expiation des cri-
mes. Ils traitoient les hom'cides avec la
dernière févéricé. Us avoient un ancien
pDur chef. Ils fe formoient des difciples ,
0\\ attribue aux Ethiopiens l'invention
de l'aftronomie & de l'..ftrologie ; & il eft
certain que la lérénité continuelle de leur
ciel , la tranquillité de leur vie , &C la tem-
pérature toujours égale'de leur climat , ont
dii les porter naturellement à ce genre
d'études.
Les phafes différentes de la lune font ,
à ce qu'on dit , les premiers phénomènes
céleftes dont ils furent frappés ; Se en edet
les inconftances de cet aftre me femblent
plus propres à incliner les hommes à la
méditation , que le fpe6lacle conilmt du
foleil , toujours le même fous un ciel tou-
jours férein. Quoique nous ayons l'expé-
rience journalière de la vicilfitude des êtres
qui nous environnent , il femble que nous
nous attendions à les trouver conftammenc
tels que nous les avons vus une première
fois ; & quand le contraire eft arrivé , nous
le remarquons avec un mouvement de fur-
prife : or l'obfervation Se l'éconnementfont
les premiers pas del'efprit vers la recherche
des caufes. Les Ethiopiens rencontrèrent
celle des phafes de la lune ; ils affurerenc
que cet aflre ne brille que d'une lumière em-
pruntée. Les révolutions & même les irré-
gularités des autres corps céleftes , ne leur
échappèrent pas ; ils formèrent des conjec-
tures lur la nature de ces ê>res ; ils en firent
des caufes phytiques générales. Us leur attri-
buèrent diftérens effets , Si. ce fur anili que
l'aftrologie naquit parmi eux de la connoii-
fance aftronomique.
Ceux qui ont écrit de l'Ethiopie préten-
dent que ces lumières & ces préjugés paf^
ferent de cette contrée dans l'Egypte , &C
qu'ds ne tardèrent pas A pénétrer dans la
Lybie : quoi qu'il en foit , le peuple par
qui les Lybiens Rirent inftru'ts , ne peut
être que de l'ancienneté la plus reculer.
Atlas étoit de Lybie. L'cxillcnce de cet
aftronome fe perd dans la nuit des temps:
les uns le font contemporain de Moïle :
d'autres le confondent avec Enoch ; il l'on
E T H
fuir un troifieme femimtnt, qiiî explique
fore bici) la f.l>it du ciel porté lur les épau-
les d'Atlas; et pcrfonna,>'e n'en (era que plus
vieux encore ; car ces derniers en font une
monragiie,
J.a philofciph'e morale des Ethiopiens fe
rédu)lt>:t à quv-lquts pi)nts , qu'.l? envtlup-
poient dcsvo;!es de l'cngme & du fym-
fcole : "Il faut, difjitnt ils , adorrr les
»> dieux , ne faire de mal à pei Tonne , s'cxer-
" cer à la ftrmeté , & mepnfei la mort : la
» vérité n'a rien de commun ni avec la cer-
«• reur des arcs magiques , ni ;ivec Pappa-
" reil impofuu des miracles & du prodige :
t» la tempérance eft la baie de la vertu :
" l'excès dépouille l'homme de fa dignité :
"il n'y a que les biens acquis avec peine
>' dont on jou'lle avec plailir: le falîe &
" l'orgueil (ont des marques de pecitellc : il
" n'y a que vanité dans les vilions & dans
» les (onges , ùc. «
N us ne pouvons dilTîmuler que le fo-
ph'fte 5 qui tait honneur de cette do6trine
aux Ethiitpteiis , ne paroi fTe s'être propofé
fecrétement de rabaillèr un peu la vanité
puérile de les concitoyens qui renfermoient
dans leur petite contrée toute la fagcde de
l'univers.
Au refte en faifant des Ethiopiens l'ob;et
de les éloges , il avoit trci-bicn choifi. Dès
le temps d'Homère , ces peuples étoient
connus & refpecles des Grecs , pour l'inno-
cence &; la (implicite de leurs mœurs. Les
dieux n-Kme , félon leur poëce , fe plai-
wient à demeurer au milieu d'eux. ^iv( . , .
/MêT O.U.VIjl.tVtti Ctl^lOTTII cif . . . «"^D . . . âsot S"'
« y.a. laaVTii. . . Jupiter s'en était allé che^ les
peuples mr.vcens -de l' Ethiupie , fc' avec lut tous
les dieux, lliad.
ETHIOPIQJJE , adjea. ( Chronolog. )
Année éthiopique , elt une année iolaire ,
compofée de douze mois de trente jours ,
Se de cinq jours ajoutés à la fin. Voyei_ ^''"''
tide An.
ETHIQUE , fubft. fém. eft la fcience
des moeurs. Ce mot qui n'eft plus ufité ,
ou dont on ne fe ferc que très-rarement
pour défigner certains ouvrages, comme
l'Ethique de Spinofa , ùc. vient du grec î âiif,
mœurs, f-'ojei NîoralEj Droit natu-
rel , &c.
ETHMOIDALE , adj. eti Anctomk , eft
E T FI 219
le nom d'une des futures du crâne huma^in.
V. Crâne.
Les futures ordinaires font celles qui fépa-
rent les os du crâne d'avec les os des joues :
il y en a quatre , la trait^erfe , Vethtnuïdale,
la fphcroïde , & la zygomatique. yoyei
Suture.
h'ethmoïJale tire fon nom de ce qu'elle
règne autour de l'os ethmoïdc. Voy. Eth-
MOÏDE. {L)
ETHMOIDE, adj. pris fubft. (Offédog.)
os fitué à la partie antérieure de la bafe d(i
crâne , & qui fe trouve comme enchaflc
dans une échancrure particulière du coronal:
il eft prefque tout placé dans les narines ,
dont il forme la cloifon.
Son nom d'ethmoi'Je, c'c(\.-h-Altc,cril>!eux,
lui a été donné parce qu'en le regardant du
côté du crâne , il paroit percé d'une infinité
de trous , comme un ctible.
Il eft joint avec le coronal , l'os (phéroiî-
de , les os du nez , les os maxillaires , les os
unguis , les os du palais, 5c le vomer. Fuje^
tous ces mots.
On a beaucoup de peine à féparet
l'os ethmoïde fans le brder ; cependant
l'on y doit réuftîr en s'y prenant avec
adrefle , & fur-tout en choilllTant une
de ces têtes feches qui ont les engrenurcs
lâches.
Qiioique Ça figure fo't irrcguliere ,
on peut dire néanmoins qu'elle approche
plus de la cuboïde que de toute autre ;
mais il vaut mieux le confidércr fimple-
mcnt dans fa face externe &c dans fa face
interne.
Etant examiné dans fa face externe , il
prélente trois parties ; une fupérieure , une
moyenne , S<. une mférieure.
La partie fupérieure , qui eft la plus petite
& la plus connue, pafte derrière l'épine
frontale, s'eleve dans la cavité du crâiie ,
ôc porte le nom de crijla galli , crête de coq.
La partie moyenne occupe toute la portion
des narines qui eft entre les deux orbites ;
elle eft compof.e d'un grand nombre de
lames oHcules , fines Si vés caftantes , qui
fornicnt par leur difpjfition plufieurs cellu-
les & aniraduofités irrégul'.eres. La partie
inférieure comprend toute la bafc ollèurc
quifépare la cavité des narines.
Il le trouve du coté de la clo-fon;, une
E e i
220 E T H
rainure où les cellules de l'os ethmoïde s'ou-
vrent pour corr.muniquer dans le nt/. ; car
dans tout le refte de la portion cellulaire ,
les cellules font fermées pour la plupart
par les os voifins auxquels cette portion
fe trouve jointe. En effet , elles font fer-
mées en haut par le coronal , & les fnius
frontaux s'abouchent par devant avec ces
cellules. Dans la partie pollérieure &: dans
la partie inférieure , ces cellules font fer-
mées par l'os (phénoïde & par les maxillai-
res. Enfin dans la partie externe du coté de
l'orbite , ces cellules font fermées par l'os
unguis & par une lame fort égale , & dont
les an.ciens faifoient un os particulier qu'ils
ont nommé os planum.
On confideie dans la face interne de l'os
ethmvïde , une lame nommée cnbieuje ; les
trous qui s'y trouvent , retiennent le nom
des nerfs olfaftifs qui y padcnt. Cette lame
eft traverfee fuivant fa longueur par l'émi-
nence nommée crête de coq , dont j'ai parlé
ci-delTus.
IngralTias , né en Sicile en 15 lo, mort
en 1580 , (avant anatomitle , à qui l'oftco-
logie doit beaucoup de bonnes chofes , eft
le premier qui ait donné une defcription
exaéte de Vethmoïde , dans fes commentaires
fur le livre des os , de Galien. Son ouvrage
fur imprimé à Palcrme en 1605 , in-jol.
& eft devenu très- rare. Aiticle de M. le
Chevalier DE J au court.
ETHNA j ou Mont Gibel , ( Géogr.
Jiifi- riat. ) JEihna , montagne de Sicile.
La hauteur de fon fommet eft de trente
mille pas : elle occupe un terrain de
foixante milles. Le terroir des environs
eft gras & fcitilc : l'ouverture du volcan
a douze milles de circuit : le goufiie
effroyable , par les flammes & la fumée
qui (ortent du fond & des côtés , eft
appelle k craicr de l'Ethna. Le père Kir-
cher compte dix huit éruptions jufqu'en
i6jo. On obferve dans fa hauteur trois
régions ; la première appelléc itgioneculta,
ou région cultivée ; la z' Jylvofa , ou des
hois ; la }* déferla , dcfcrte. Il y a la même
difttrence entre ces trois régions pour la
tem.pérature & les pioduârions naturelles ,
qu'entre les trois zones , froide , tempérée
Hc torridc. Arrivé à la cime du volcan ,
i'auteur du voyage de Naples , M. Bry-
E T H
donc ( 1779 , ) vit avec furprife que b
nomkre des étoiles apparences femoloic
coniîdérablement augmenté , & qu'elles
brilloicnt d'une lumdere plus éclatante. La
voie ladée paroilloit une flam.me vive ,
qui occupoit la voûte du firmament d'un
point de fon diamertrc à l'autre : l'œd
leul découvroit des grouppes d'étoiles ,
dont on n'appercevoit nulle trace dans les
régions inférieures.
L'aiguille aimantée a fubi une extrême
agitation fur ce fommet de la montagne.
Elle n'a repris fa direftion naturelle vers
le noid qu'avec peine & après affcz long-
temps.
Le chanoine Pvupcro dit ,À cette occa-
fion 5 à M. Bridone , que des que l'érup-
tion de 1755 eut celle , il avoit placé -une
bouffole fur la lave ; que l'aiguille avoir
été violemment agitée ; qu'elle avoit perdu
fa vertu magnétique , tk qu'il avoit hdUi
la retoucher de nouveau.
M. Brydone , anglois , vifita la Sicile
en 1770. Il a donne depuis la relation de
fon voyage , en 2. vol. i;i-8°. à Londres.
Un homme de lettres à Paris le traduit ;
la defcription de VEthna cil la partie la
plus intérellaïue de ce voyage.
Les phénomènes de ce volcan offrent
un fpeftacle effrayant. Nous allons en citer
quelques traits pris au halard. D'immtnles
rorrens d'eau bouillante engloutiftcnt quel-
quefois des milliers d'hommes, & anéaii-
tiflent pour p'ulieurs années la verdure &
la végétation du pays. Il eft arrive qu'un
fleuve de lave enfiammée , de dix railles
de largeur & d'une hauteur énorme , a
remioiué tout à coup l'océan ; & l'on a vu
ces fleuves d'élémcns li contraires , le
combattre d'une manière tenible. h'Eihna
lance des rochers de feu à la hauteur de
plufieurs miUiers de pies. Les eftets de
la lave font très- extraordinaires : on l'a
vu cfcalader des murs de foixante pies
de haut •■, fondre les cglifes , les palais ,
les villages , & réduire en fufion tous ces
corps i frapper contre une montagne &
la percer de part en part ; (e ghlkr dans
les cavernes qui croient au dtllous li'uu
vignoble , & le tranfporrer à ui.e ddlance
confidérablc.
La ville de Catjne , qui a été dcttulte
l
E T H
iUifieurs fois par ce volcan , & qui proba-
lemcnc le fera de nouveau , avoit btloin
«l'un port. Une cruption qui arriva dans
le feizieme liecle lui en donna un tics-
commodc. Il n'cftp.is pofTible d'imaginer
les ravages de l.i lave en 1770. Celle de
l'éruption de 1766 n'ctoit pas encore re-
froidie , & elle forma pour fon lit des
iillons de ico pies de profondeur. Enfin
nous ajouterons ici que la limple vapeur
de ce volcan , qu'on a ccnnparé à ^en^er ,
extermine les bergers & les troupeaux fur
les montagnes , brûle Ik fiacaOe les arbres,
în; met en feu les maifons qu'elle ren-
contre.
Tout ce qu'on vient de dire n'eft rien en
.-comparaifon de la deicription qu'on trou-
ve dans ce voyage de l'éruption de
1669.
Il arrive continuellement des révolutions
fur ['Eihna; & lorfque le volcan y éclata
•pour la première fois , il ell probable que
la bafe immenfe de cette montagne s'é-
levoit en s'arrondiilant & formoit un ieul
cône.
Depuis cette époque , les différentes
éruptions ont produit un grand nombre
de collines placées de tous cctés fur les
flancs de \' Eihna amoixv du volcan. Il cft
allez f;ngulitr de voir ces petites monta-
gnes croître peu à peu fur la furface de la
grande. Quelques-unes n'ont pas moins de
lept à huit mille pics de tour : chaque érup-
tion en crée une nouvelle , jufqu'àce que les
.fondemens caverneux de ce goufre fouter-
rain s'écroulant , elles font englouties pour
la plupart dans l'abyme ; & alors la lave ,
les cendres , les pierres & les autres matières
que vomit le vo'can, recommencent à faire
dans les environs , des tertres qui le groffif-
fent infenfiblement.
L'Eihna a été fou vent mefuré ; mais la
différence énorme qui Ce trouve dans les ré-
fultais divers , empêche qu'on ne puifTe en
adopter aucun. M. Brydone vouloit en cal-
culer géométriquement l'éiévation, ; mais il
ne put pas même trouver un quart de no-
uante L;ans le lieu où font étabhs les acadé-
jnicitns de VEikna ; Us uns difent qu'il eft
élevé de huit \ d'autres de lix ; d'autres de
<juatre milles.
La végétation de cette montagne n'eft
E T H 221
pas moins extraordinaire : on y voit des ar-
bres d'une grolfcur énorme ; & entr'autres ,
un châtaigner de deux cents pics de tour.
Il n'y a rien de plus poétique que le tableau
que nous offre cet auteur de la beauté du
lever du foleil , & de la vue immenfe & va-
riée dont on jouit lur le fommet de VEthria.
Gai. lit. n°. IX. 17-74. {C)
ETHN ARQUE , f m. ( Hiji. ancien. )
eft le prince d'une nation. /^oye^TÉTRAR-
QUE.
Ce mot eft formé du grec i^roi , nation ,
& if'/Ji , commandement.
Les termes à'cthnarque & de tétrarque
ne font point fynonymes pour ceux qui
connoid'ent le partage fait par Augufte
du royaume d'Hérode. Augufte déclara
Archelaiis , non héritier de tout le royaume
de fon père , mais feulement etknarque ,
ou prince de la nation des Juifs; & il lui
donna fous ce titre la Judée , l'Idumée 5c
la Samarie , ce qui conipoloit la moitié du
royaume d'Hérode le Grand ; il partagea
en deux l'autre moitié , & il donna à Anti-
pas la Galilée & la Perce, ou le pays d'au-
delà du Jourdain. Il donna à Philippe ,
l'Iturée , la Traconite 5c la Batanée. Ces
deux princes , n'ayant chacun que la qua-
trième partie du royaume de leur père ,
furent nommes tétrarques , & leur por-
tion , tétrarchie. Ceux qui ont entendu au-
trement ces termes , fe iont éloignés ds
leur vraie lignification. Voye^ Jofephe ,
Fezron dans fon Hi/loirc Evangélique ;
Bafnage & Prideaux dans leurs Hifioires des
Juifs.
ETHNOPHRONES , adjeâ:, mnfc. pi.
(HiJI. eccléf.) hérétiques qui s'élevèrent dans
le vi) fiecle , &qui prétendirent concilier la
profelïion du Chriftianifme avecla pratique
des cérémonies fuperftitieules du pnganil-
me , telles que l'aftrologie judiciaire , les
forts , les augures , & les autres efpeces
de divination. Ils pratiquoient auffi toutes
les expiations des gentils , célébroient tou-
tes leurs fêtes , &c obfervoient religicufe-
mcnt tous leurs jours , leurs luries , leurs
temps , ik. leurs Crifons ; de-là leur vint le
nom à' Ethnopkrones , compafé du grée
siîof, niition . gc/'jil , pa\ea ; &: de çpi;V,
opinion , fcntiment, c'eft à-dire ,ficlaires qui
conieivoient les fcntimeps des gentils oa
222 E T H
chrétiens pagamlans. S.Jean Dami^Cc. hercrf.
n.g:f. ( G )
tTHOPÉE . r f. ( Rhétor.)ahop(T,a ou
ethopîa ; qu'on appelle aiilîî éthvlogie ■■, ngure
de rhétorique. Ce(t une dcfcription , un
portrait des mœurs , paiïîons , génie , tem-
pérament, frc. de quelque perfonne. Voytr^
Hypotipose.
Ce mot eft formé du grec tTâof , mœurs,
coutumes i & de ^o/a , faciv , fi^go , dej-
criho. Q'iintillien , liv. IX. ch. ij. appelle
cette figure imitatio morum alienorum :
nous la nommons portrait ou caraclere.
Tel eft ce beau pallage où Sallulie fait
le portrait de Catilina : fuit magna ri & ani-
mi fr corpor/s , fid ingénia malo , provoque ,
ôc le reflc , qu'on peut "voir dans cet liillo-
rien. Nous en citerons ici deux autres éga-
lement admirables. L'un eft le portrait de
Cromwel , tracé par M, Bolluet dans Ton
oraifvn funèbre de la reine d'Angleterre. " Un
»> homme , dit-il , s'eil trouvé d'une pro-
» fondeur d'efprit incroyable ; lïipocrite
»> raffiné autant qu'habile politique , capa-
" ble de tout entreprendre &: de tout ca-
j> cher ; également a6bif&: infatigable dans
>• la guerre & dans la paix , qui ne laiOoit
w rien à la fortune de ce qu'il pouvoir
» lui oter par conieil & par prévoyance \
« mais au relie fi vigilant &: fi prêt à tout ,
» qu'il n'a jamais manqué les occa fions
» qu'elle lui a préfenrées : enfin un de ces
>» efprits remuans & audacieux , qui fem-
•> blent être nés pour changer le monde. »
L'autre eft la peinture que Sarrafin a
faite de ce VValftein , ii fam.eux dans le
dernier fiecle. " Albert WaWein , dit-il ,
». eut l'efpnt grand & hardi , mais in-
V quiet & ennemi du repos ; le corps vi-
» goureux & haut , le vilage plus majef-
f> tueux qu'agréable. Il fut naturellement
»> fort (obre , ne dormant preique point ,
»> travaillant toujours ; (urmontant les in-
»> commoditc's de la goutte & de l âge ,
» par la tempérance & par l'exercice ;
tj iupportant .-iifément la faim, fuyant les
•1 délices , parlant peu & penfant beau-
i> coup ; écrivant lui-même toutes les atfai-
>' r.'s ; vadlsiu & judicieux à la guerre ,
»» admirable à lever & à faire fubllller les
» armées j lévere à faire punir les foldats ,
H |)rodigue à les récom|)enfçr , pourtant
E T H
» avec choix ôc delTein ; toujours ferme
•> contre le malheur ; civii dans le beloin ,
" a'ileurs fier &C orgueilleux ; ambitieux
>• Hms melure ; envieux de la glo-re d'au-
" trui , jaloux de la Tienne ; implacable
» dans la haine , cruel dans la vengeance ;
» prompt dans la colère -, ami de la magni-
" ficcnce , de l'oftentation & de la nou-
» veauté; extravagant en apparence , mais
" ne faifant rien (ans dcllcir. , & ne maii-
•> quant jamais du prétexte du bien public ,
» quoiqu'il ratjportât tout a 1 accroillement
" de fa fortune ; méprifant la religion, qu'il
» faifoit fervir à (i\ politique ; artificieux au
» poilible , & principalement à paroitre
>• déiintéretTé: au refte très-curieux & très-
" clair- voyant dans les dcllèins des autres ;
" très-avifé à conduire les (kns , fur-tout
" adroit à les cacher ; & d'autant plus inipé-
" nétrable , qu'il afteCloit en public la can-
•• deur &: la fincérité, «Si blâmoit en autrui
" la dilTimulation , dont il le fcrvoit ea
•♦ toutes chofes. <>
On divi{è Vethopée en profographie , 8c
ethopée proprement dite. La piemierc eft
une defcription du corps, de la contenance,
de la figure , del'ajuftement,6'c. L'autre eil
le portrait de l'efprit & du cœur. Celui de
Walrtein , que nous venons de citer , réunit
toutes ces parties. {G )
E T I
Etienne , ( Saint- ) Gèog. mod. ville du
Forez en France : elle eft fituée iur le ruiC-
Teau de Furent, Long. x%. lat. ^£ zz.
Etienne d'Agen , {Saint-) Géog. mod.
ville de l'Agénois dans la Guicnne , en
Fr nce.
Etienne d'Argenton , {Saint-) Grog,
mod. ville du Berri en France : elle appar-
tient à l'élfcâion de la Châtre.
Etienne de Lauzun , ( Saint- ) Géog.
mod. ville de l'Agénois dans la Guiemie,en
France.
ETIENNE ( l'Ordre de fmnt- ) , Je
Tolcanc , fut infirmé le x aoui 1554, par
le grand duc Corne de Médicis, à l'occa-
livin d'une vidoire qu'd venoit de rem-
porter à Marciano.
Le pape Pie IV confirma c« ordre pat
une buliç du premier février 1564.
E T I
Les chevaliers s'obligèrent de (icfenrlre
les côxa de Tofcane des deict lues &: îles
inciirfioiis des Turcs Se des Maures de
Barhiuie.
La croix de cet oidre eft i iiuit poinces,
émailiée de gueules , attaihée par trois
chaînons à une chaîne , le tout d'or.
(G. D. L. r.)
Etienne , ( Ihfioire d' Angleterre. ) Si
les u(ur|.;ueurs peuvent laire ou'ohtr le
vice de leur élévation , ce n'eft qu'à force
de vertus , de bicnhiifancc, de julHce , de
g^nérolité : mais il eft rar: ^ prelqne fans
exemple qu'un u'urpateur conlente à ne
point régner tn tvran. Toutefois Etienne
f]ui n'avoit au trône Britannique que des
prétentions fore éloignées , & que la force
& l'intrir.ue y placèrent au préjudice de
celui qui léul y avoit de légitimes droits ,
fut plus équitable , plus généreux , plus
clément , plus zélé pour les loix & le bien
de fes fujets , que ne le font communé-
ment les ulurpateurs. Son règne fut très-
orageux : la guerre que les concurrens lui
déclarèrent \ les complots que les grands
formèrent contre lui ; les foulévemens
exécutés par les prélats , irrités de la rédf-
tance qu'd oppoSoit à leur cupidité & à
leur ambition , ne l'empêchèrent point de
travailler , autant que les circonrtances le
lui permirent , au bien-être & à la gloire
de la nation. Henri I , peu d'années avant
la ir.orc , fe voyant lans enfans habiles à
li.i fuccéder , avoit obligé (a fille Mathilde,
veuve de l'empereur Henri V , d'epouier
Geofroi, comte d'Anjou, (urnammé P/an-
tjgenet , hls de Foulques , alors roi de
Jérulalem ; Henri I crut avoir fixé le
fceptre dans (amaiion, lorfque Mathilae
CLIC un enfant de fon nouvel époux. A
peine cet enfant fut né que fon aïeul
Henri exigea ne tous fes fujets, Anglois
&z Ni.rmaïuis , qu'ils prêtalfènt au jeune
pviace ferment de fidélité, fe défiant fans
d :>ucc_de la validité d'un femblable Icrment
qu'il avoir fait prêter à fa fille Mathildc ;
mais les AnglcMS n'eurent pas plutôt vu
Henri dans le combeau , qu'oubliant leur
fcrmiCnt , ils regardèrent comme indigne
de la nation d'obéir au fils de Get.îfroi,
qu'ils croyoienc incapable de gouverner
fagemtiit le royaume pendant la minorité
E T I 223
de fbn fils. D'ailleurs, quoique douée de
talens peu communs , Mathilde n'avoit
point celui de faire aimer fx puilTànce ;
elle ne favoit au contraire que fe faire
craindre &i haïr , par la hauteur & la fierté
de fon caraftere. Etienne , comte de Bou-
logne , fut celui lut lequel la nation en-
tière jetta les yeux pour remplir le trône
vacant. Adelle ia mère, fille île Guillaume
le conquérant , avoit eu du comte de
Blois, fon époux, quatre en Fans : l'aîné ,
par des défauts naturels qui le rendoienc
incapable de tout , fut condamné, dès fou
entance, à vivre dans l'oblcurité; Thibaud,
qui étoit le lecond, recueillit la fucceirioa
paternelle; Si Etienne, qui étoit le troi-
(leme, fut envoyé, avec Henri foa jeune
frcrc , à la cour du roi d'Angleterre ,
dm oncle. Henri I , enchanté des talens
& des grandes qualités du jeune Eiiinne,
eut pour lui la plus vive tendreflé & s'at-
tacha à l'enrichir & à le rendre l'un des
plus puidans leigneurs de fes états. Ce ne
fut même qu'à fa foUicitation qu'il retira
Henri du rnonaftere de Clugni pour lui
donner l'abbaye de Glafton"^ & quelque
temps après l'évêché de \Vincheller.£f/>/2/;f,
pénétré de reconnoilTance , parut entière-
ment dévoué aux volontés du roi fon oncle ,
& fut le premier à prêter ferment à
Mathilde, ainfi qu'à Ion fils ; mais, comme
le relte des Anglois , il ne fe (buvint plus ,
ap-.ès la mort du roi , de ce même lèr-
ment , qu'il prétendu n'avoir donné que
forcément ; &c il entrevit que fi dès-lors
il afpiroit au trône , il eût trop mal-adroi-
tement agi , s'il eût manifefté fes vues.
Quoi qu'il en (oit , avant même que Ma-
thilde le doutât que fon fils pût avoir des
concurrens, les évêques qui s'étoient mon-
tres les plus emprelîés à juier un invio-
lable fidélité au fils du comte Geolïroi,
hirent les premiers à donner l'exemple da
parjure : ils s'alFemblerent ; & gagnés par
les émiffaires d'Etienne , en vertu du pou-
voir fpirituel , qui dans ces temps de fu-
perllicion étoit indéfini , ils délièrent les
citoyens du ferment de fidélité qu'ils avoient
prêté au jeune Henri , & proclamèrent
Etienne de Blois fouverain d'Angleterre
& duc de Normandie. Cette infidélité,
qui de nos jours feroit atroce , ne paoif-
224 E T I
foie alors avoir rien de répréhenfible ,
puifque les évcqucs ne faifoien: que fuivre
l'exemple , & trop rouvent , les ordres
abtoius du fouveraiii pontife qui précen-
doic avoir le droit de difpofer à Ton gré
des couronnes ; d'ailleurs , la hauteur de
MdiKilde & Ton indocilité aux nipeiftitions,
ne lui concilioient pas les luffiages des
évêques , pcrfuadés que , par reconnoil-
fance , le roi qu'ils proclamoient , ajou-
teroic ^ leur puillance , déjà trop étendue ,
&c qu'il leur feroic p;irt des affaires les
plus importantes du gouvernement. Leurs
conjectures étoient bien réfléchies , mais
ils furent trompés ; &i la douleur qu'ils en
reffentirent , les porta dans la fuite aux
excès les plus violens de haine & de
vengeance.
Cependant fi le Clergé Britannique fe
vit fruftré dans fes efpérances , le peuple
eut des grâces à rendre aux évêques qui
avoient déoofé le fceptre dans les mains les
plus dignes de le porter. Ses ennemis même
les plus envenimés , ne pouvoient s'empê-
cher de reconnoître fes belles qualités. Il
employa le premier jour de fon règne à
lépandre fur les grands Se le peuple , des
bienfaits que tout autre (ouverain eût re-
gardé peut-être comme des iacrifices nui-
iîbles à la royauté ; car il permit aux
grands de fortifier leurs châteaux j & cette
permiflTion , dont ils abuferent enfuite , de-
vint funefte par les troubles que ces forts
perpétuèrent. Il rétablit auiïi toutes les
chartes populaires , accordées par fes pré-
décelleurs , tombées en défuétude , ou ré-
voquées en différentes circonftances. La
rébellion des Normands l'obligea, dès l'an-
née fuivante , à paffer dans cette province,
où fa préfcnce éteignit les fadions , & qu'il
céda à fon fils Euftache ; ne voulant s'oc-
cuper déformais que du foin de gouverner
{on royaume.
Tandis qn Etienne prenoit les moyens les
plus fiirs de remplir fes projets , Mathilde
n'attendoit que l'occafion de le renverter
du trône & de faire valoir fes droits,ou plutôt
ceux de Henri fon fils. Elle avoit en An-
gleterre un grand nombre de partifans -, &
le roi d'Ecolle fon parent , qui s ctoit ligué
avec elle , entra inopinément à la tète d'une
formidable armée dans le Northumberland,.
E T I
où i! fe préparoic à mettre tout k feu & J,
fang, lorfque Thurfton,archevê.]ue d'Yorclc
arrêta fes progrès. Thurfton , homme fier,
languinaire , & plus fait au métier des ar-
mes qu'exercé à manier la croffe , 'e mie
à la tête de l'armée d'Etienne , marcha
contre les Ecoffcis , les combattit , rem-
porta la victoire ; & abufant avec autorité
de l'état des vaincus , déshonora fon triom-
phe par la férocité de fa vengeance , & par
les cruaurés qu'il commit de fang froid far
les malheureux Ecollois, que la mort n'a-
voit point dérobés à fa barbarie. Pendant
que l'archevêque Thurfton repoufloit le roi
d'EcorTc , Etienne diffipoit les faétieux qui
s'étoient attroupés dans le fein de fes états ;
à force de fageffe , de vigilance , & fur-
tout par fes bienfaits, il parvint à réta-
blir le calme. Mais ces jours de tranquiUité
durèrent peu : la défaite des Eccflois n'a-
voit pjis découragé Mathilde qui fondoit
toujours fes efpérances fur les droits de fon
fils , & plus encore lur l'efprit faélieux des
partifans qu'elle avoit en Angleterre , ôc
qui attendoient avec impatience que les
circonftances leur permiffent de fe déclarer
hautement , & de prendre les armes contre
leurs (ouverains. Sans y penfer , Etienne
fournit à cette foule de mécontens , les
moyens de fe réunir .?c de couvrir d'un
yoile refpeélable la véritable caule de leur
rébellion. Irrités de n'avoir dans l'état d'au-
tre fonétion que celle de leur miniftere , les
prélats cherchèrent à fe conloler du défaut
de confidcration par un luxe faftueux ,
par l'orgueil le plus révoltant , ic par une
magnificence qu'ils afiîchoient avec d'au-
tant plus de hauteur lorfqu'ils paroilTbienc
à la cour , qu'ils croyoient par ce ton A'm-
folence en impofer au roi , comme ils en
impofoient au peuple. Mais Etienne-, moins
jaloux qu'indigné de cet excès d'oftenta-
tion , entreprit de réprimer les évêques ,
& de les obliger à une modération plus
honnête & plus analogue à leur état. Les
réglemens qu'il prefcrivit à ce fujet fou.lc-
verent . le clergé : les évêques fur-tout ,
accoutumés au farte de l'opulence , & ne
fongeant qu'avec indignation aux bornes
dans tefquelles on vouloir les renfermer ,
s'affemblerent tumu'.iuairenîent , & dans
la première chaleur de leur reffentiment ,
ils
E T I
îJs ne Te propoferent rien moins que d'eX-
ccimmunier le roi ; mais l.i crai;ue ci'êcre
châties , bahmçint leur cokre , retint leurs
foudres ipirituclles; Se pretcrant à des dé-
niai clics violentes des trames plus cachées ,
ils invitèrent la comtede Mathilde à venir
détrôner Etienne ^ donner des fecours à
l'eglile opprimée. Mathilde reçut avec iranf-
poit la deputation des évêques ; laidt avi-
dement l'occalion qu'ds lui oftroient , &
fe hâta , quoique très-peu accompagnée,
de rentrer en Angleterre , oii bientôt fa
prcfence alluma le ttu de la guerre civile.
Informé de l'arrivée de Ion ennemie ,
Etienne radèmhla Tes troupes, & marcha
vers Arundel. Mathilde , qu'. s'étoit ren-
fermée dans cette place , qu'elle n'avoit
point eu le temps de Fortifier , n'oppofa
qu'une foible réhftance à l'armée royale ,
qui s'empara d'Arundel , & fit Mathilde
prifonniere. Etnnne , moins prudent que
généreux , rendit la liberté à fa nvale , &
celle-ci ne profita de ce bienfait que pour
porter des coups plus afiurés au roi : elle
prit la route de W^alingfort , & de-là fe
rendit à Lincoln , où elle radembla les
principaux d'entre Tes partilans, & où elle
fut bientôt jointe par une foule de mécon-
tens. Etienne qui akrrs , mais trop tard ,
fe repentit d'avoir lailTé refpircr fa rivale ,
fit d'inutiles efforts pour éteindre la révolte
& défarmer les fa(5l:ieux : il échoua dans fès
projets i Se il ne lui refta d'autre rclTource
que celle de réduire, par les armes , des
rebelles que fa clémence n'avoit fait qu'ir-
rker. Dans l'efpérance de triompher une
féconde fois de Mathilde & de la prendre
prifônniere , il alla lui- même l'affiéger à
Lincoln : mais cette place étoit mieux
gardée &: mieux fortifiée qu'Arundel ; & le
comte de Glocefler , frère naturel de Ma-
thilde , non- feulement força l'armée royale
de lever le (iege , mais il l'attaqua , la
battit & fit le roi prifonnier. Cette atftion-
brillante eût couvert le comte de gloire ,
s'il n'eût déshonoré fcs lauriers par la
dureté des traitcmens qu'il fit éprouver à
Etienne : il le chargea de chaînes comme un
vilcfclavei iSc à la folbcitation de fon in-
grate focur, il l'expofa aux injures les plus
humiliantes.
L'mfoitune à' Etienne ruina fon autorité \
Tome XIIJ,
E t I 22f
fa chute fouleva contre lui la plus gramie
partie des feigneurs qui juiqu'alors lui
avoicnt témoigné l'attachement le plus
inviolable : tout changea de face en Angle-
terre ; <k la ville de Londres qui avoir tant
de fois donne l'exemple de la fidélité ,
ouvrit fes portes à Mathilde qui , dès ce
jour même , y fut proclamée Ibuvcraine ,
Se couronnée ; mais fa fierté , fa rigueur ,
fes imprudences , Se le mépris dent elle
paya les ferviccs de les plus zélés parnfans,
lui aliénèrent bientôt le cœur de ces mêmes
Anglois qui s'étoient parjurés pour elle , &
lui avoieiit facrifié jufqu'à leur honneur.
Ses exaftions fouleverent le peuple , Se \x
févérité des prolcriptions qu'elle ordonna,
contre les TparvXansd' Etienne , acheva d'ul-
cérer fes fujcts qui , fatigués du joug qu'elle
appéfantitToit fur eux, levèrent de toute
part l'étendart de la révolte. Environnée
d'une foible troupe de gardes , Mathilde fe
crut trop heureufe d'ab:tndonncr le fcep-
tre , & de fauver fa tête ; mais fon frère ,
moins heureux , tomba au pouvoir des ré-
voltés. Le befoin que Mathilde avoit de
fes confeils & de fon bras , la détermina à
l'échanger avec Etienne, qui, dans le même
jour, recourra la couronne Se la liberté.
Le premier ufage qu'il en ht , fut de pour-
fuivre fon ennemie , qu'il alla affiéger dans
Oxfort , où elle s'ccoit retirée. Oxford ne
pouvoir pas tenir ; & le comte de Glocef-
ter n'avoit point de foldats. L'armée royale
prefToit vivement le liège ; Se Mathilde
touchoit au moment d'être encore réduite
en captivité: cette iituation ne déconcerta
point cette princede ; au défaut de la force ,
elle eut recours au llratagéme : une nuit
qu'il neigtoit prodigieulcment , Mathilde
couverte d'habits blancs , fortit feule d Ox-
ford , & palTa , fans être apperçue , au
milieu des ennemis 5 s'égara, revint fur
fcb pas , fe hafarda dans des routes qu'elle
ne connoilfoit pas; & après les plus grandes
fatigues & des dangers plus grands encore ,
arriva à un port où elle s'embarqua fur
un vaiflèau qui la tranfpirta en Nor-
mandie , à la cour du prince Henri fon
fils. Là , vaincue Se ne défcfpérant point
de rr.mener la fortune , elle attendit l'occa-
fion de rentrer en Angleterre : mais fon
atceiue fut mutile ; fa fuite Se fes dé-
Ff
«26 E T r
fafties avolent entièrement diflîpé fon
parti. ''
Les troubles de cette malheureule guerre
avoient jette l'Angleterre dans le plusgrand
défordrc. Etiennt eut à peine repns les
rênes du gouvernement , qu'il arrêta les
maux qui délblolent l'état. Par fes foins &
fes vigiianees , les loix reprirent leur an-
cienne vigueur; la juftice fut^rendue avec
intégrité ; les brigands furent' punis ■■, l'agri-
culture fut protégée. Refpedé des puif-
fances étrangères, chéri de fes fujets,
Ecienne crut qu'il étoit temps de prévenir
les maux que fi mort & la vacance du
trône pourroienc occalionner. Dans cette
vue il déiigna Euilache fon fils pour fon
fitccefîeur, & voulut que fes fujets lui
prêtailént ferment de fidélité : cérémonie
plus faftueufe qu'utile , ainfi qu d le favoit
par fa propre expérience; auffi voulut-il
ajouter à ce ferment , dont il connoilîoit
la foiblefTe , la folernnité plus frappante du
couroiinement de fon fils. Mais l'archevê-
que deCancoibéry refufa de le couronner ,
fur le prétexte que le pape lui avoir dé-
fendu de procéder au couronnement du
fils d'un prince qui avoit violé fes fermens
pour ufurper une couronne. Prétexte ou-
trageant pour Etienne , & d'autant plus
ridicule dans la bouche de l'archevêque de
Cantorbéry , que dans ces temps orageux ,
les prélats d'Angleterre paroiilbient les
moins fcrupuleux fur ce: article , & feni-
bloient ne faire des fermens que pour les
violer. A l'exemple de l'arcfie\tque, tous
les autres prélats refuferent de couronner
Euftache ; 6c leur refus infultanr irrita li
fort Etimne , qu'il les fi: mettre tous en
prifon. Il n'en falloir pas tant pour ulcérer
l'cfprit irafcible du clergé, qui, par les
calomnies , Tes intrigues , fes trames , fpu-
îeva une partie du peuple , & les partilans
i\e Nhnhiide , qui fe réunirent tous à V\U-
lingfort, où Etienne alla les alTieger : mais
il y éprouva plus de difiicultés qu'il n'en
avoit prévu , & fon embarras s'accrut par
l'arrivée inopinée de Henii , fiis de Ma-
ïhilde, qui parut tout à coup luivi d'une
petite armée devant les lignes de l'armée
loyale. Les forces étoient inégales ; de le
fils de Mathdde , qui n'avoit q^ii'un petit
moDibic de foldats à oppofer à lun eniie-
E T I
mi, jugea à propos de ne point livrer ba-'
taille , préférant d'affamer l'armée d'Etienne
en le tenant renfermé entre fon aimée Se
la ville. Dès la nuit même de (on arrivée ,
la circonvallation fut faite ; de manière
qw' Etienne ne pouvant ni combattre , ni fe
retirer , ians s'expofer à une défaite cer-
taine , fe vit dans la fituation la plus criti-
que. Euftache inftruit du danger qui m;-
naçoit Ion père , railèmbla précipitamment .
une nouvelle armée , &C vint à fon tour
renfermer Henri entre Ion armée ôc celle
du roi Etienne , enforte que Henri fe
voyoit dans la cruelle alternative de périr
de faim, ou s'il fortoit , de faire mettre
fon armée en pièces. Les Anglois & les
Normands attendoicnt en frémillant l'ilTue
du combat qui alloic décider du fou d'Etienne
Se de Henri , & peut-ê:re achever d'écrafer
le royaume. Mais au moment où l'orage
paroilfoit devoir éclater , les principaux
chefs de deux armées réfléchirent lur les
funeftes fuites qu'auroit une bataille , &
j entrèrent en négociation. Après beaucoup
de conférences , il fut enfin convc.iu
qw'Etisnns garderoit la couronne d'Angle-
terre pendant le refte de fa vie , &c qu'après
fa mort le fceprrc pafl'croit dans les mains
de Henri , qa'Etie/uie aLlopteroit pour fon
fils , & qu'il déclareroit fon héritier.
Euftache qui , à tous égards, méiitoit d'être
ttaité plus favorablement , ne fut point
confuké dans cet accommodement , qui le
dépcu.lloit de fes droits : il en conçut tant
de chagrin , qu'il mourut quelques mois
après à la fltur de fon âge, &: amèrement
regretté des Anglois ; mais beaucoup plus
encore par Etienne fon père , qui ne lui
fjrvcçut que d'une année , dévoré de dou-
leur, &: emportant dans le tombeau l'eft'me
de fes ennemis , & l'amoui de les peuples.
(Z.C.)
ETINCELLANT, adj. en ter'^es de Bla-
fon , fe dit des charbons dont il fort îles
étincelles. On appelle écu étinccllant , celui
qui eft fcmé d'ecincellcs.
BtUegarde des Marches en Savoie , d'où
efi: forti le grand chancelier de Savoie ,
.Tanus de Bellegardc ; d'azur à la Ipheie
de feu en fafce , courbée d'un angle du
chef à l'autre , rayonnante & ctincelLiniii
vers la pointe de l'ecu d'or , au chef du
E T I
ïTième ; chargé d'un ai{^le de fable à deux
têtes.
• ■* ETINCELLES , f. t. (Pky.) molécules
enflammées & d'une groHèur fenfible , qui
fe détachent d'un corps qui brûle , & qui
s'en élancent au loin. Il fe prend au (impie
& au figuré; & l'on dit , c-e co/pye// étin-
cellant , & /'/ n'a pas une étincelle de génie.
ETINCELLEMENT des étoiles fixes. La
plupart des l'hyficiens attribuent aux va-
peurs de l'athmofphere cet étincellement on
tremblotement que l'on remarque dans la
llimiere des étoiles fixes. Il n'cll en effet
perfonne qui regardant l'horifon par-de(Ius
une vaftecamp.îgnedans un jour fort chaud,
ne voie tous les objets comme en vibra-
tion : la même apparence s'obfèrve au-
dclfus d'un poîle. Cet air tremblotant dc-
ro'.irnant fans celle les rayons de lumière ,
nous fait paroi tre de lemblablcs vibrations
dans la lumière des étoiles. Quand on les
regarde avec une lunette , alors ces rayons
moins troublés & plus rallemblés, arrivent
à notre ccil toujours à-peu-près dans la
même quantité , ['étincellement dilparoîr.
Cet étincellement n'a lieu que lorfque la
lumière ell fort vive ; on l'obfervc quel-
quefois un peu dans Mercure &c dans Vé-
nus , & on le remarque dans le Soleil , vu
même à travers une lunette ou un verre en-
fumé.
En Arabie , fous le topique du cancer,
& à Bander-AbalTi , port fameux du golfe
perlîque, où le ciel ell très-férein pen-
dant prefque toute l'année , on ne voit
peint d'étinccllcment dans les étoiles ; ce
n'ell qu'au milieu de l'hiver qu'on en
r.pperçoit tant foit peu. Dans le Pérou ,
ou il ne pleut prefque jamais , tout le long
de la cote , depuis le ^olfe de Guayaquil
jufqu'à Lima , Ve'tinceUmifnt des étoiles eft
bien moins fenfible que dans nos climats.
Voye:^ Scintillation & Etoile. Hijî.
acad. l''4^. {O)
ETINDROS, ( HiJIoire nat.) pierre
qu'Albert le grand dit être lemblable à
du cryftal , & dont il prétend qu'il tombe
continuellem-cnt des nrontres d'eau. Boëtius
de Root , de lapid. fr gcmm.
_ ÉTIOLEMENT, f. m. {Bot.) altéra-
tion qui furvient aux plantes qu'on élevé
'dans des lieux renfer.Tiés , & qui confifte
E T I 227
en ce qu'alors elles pou'lent des tiges lon-
gues, éfilées, d'un bl nie éclatant, termi-
nées par de très-petites feuilles afl'ez mal
façonnées , d'un verd p&le. Eft-ce à un
certain deg'é d'humidité , au défaut d'air,
de chaleur ou de lumière, qu'on doit attri-
buer la caufe de cette altération ? M. Char-
les Bonnet, de Genève, a déjà firit quel-
ques expériences , par lefquelles ni l'humf-
dité , ni le défaut d'air , ni le plus ou moins
de chaleur , ne lui ont paru influer fut
Vétivlement. Il foupçonne donc que cette
maladie des plantes, qui eft il remarqua-
ble , procède de la privation de la lumière.
Il n'auure rien cependant ; au contraire
il reconnoît que ce fujet demande un exa-
men plus approfondi , & un plus grand
nombre d'expériences que celles qu'on a
faites jufî]u'à ce jour, pour expliquer ce
phénomène. Mais fur les expériences de
qui pourroit-on compter plus fùrem.enc
que fur les ficnnes , li ion temps le lui"
permettoit ? perfonne n'ignore combien
la Phyfique lui eft déjà redevable, ^'oyei
PtJCERON. Article de M. k Chevalier de
Jaucourt.
ETHIOLOGIE ou ^TIOLOGIE , f. f.
(Méd.) de àiTia. , caufe , & de hiyof , dif-^
cours. C'eft le nom que l'on donne à U
partie de la Pathologie dans laquelle o«
traite en général des caufes des maladies.
l'oyei PATiiotociE , M.'^ladie. On appel-
le aulU Er/iiologie , la recherche , la dilTerra-
tion , l'expodtion q'je l'on fait puticuliére-
ment d'une maladie diftinguée de toute au-
tre. (J;
ÉTIQUETTE , ( Jurifprud. ) dans la
coutume de Troyes , art. 0.6 , & dans
celle d'Angoumois, art. tto , eft le billet
par écrit que le fergent qui fait des criées
d'héritages faifis, met & attache à la porte
de l'auditoire du lieu , pour annoncer !a
confiftance de l'h'^ritigc , les noms du pro-
priétaire & pourfuivans , & lafbmme pour
laquelle la fnfie eft f:iite. f'''oye[ ci-cprh
Etiquette. {A)
Étiouet , royf{ Pressoir,
ÉTIQUETTE , f. f . ( H.jQ. mod. ) céré-
monial écrit ou traditionnel , qui règle les
devoirs extéiieurs à l'égard des rangs, des
places & des dignités.
■ Si la noblelfe & les places n'étoicnt que-
Ff z
228 E T ï
la rccompenfc du mérite , & fi elles en
fuivoient toujours les degrés , on n'auroit
jamais imaginé d'étiquette ; le refpeit pour
la place fe feroit naturellement confondu
avec le refpeft pour la perfonne. Mais
comme la noblede & plufieurs autres dif-
tinâions font devenues héréditaires; qu'il
eft arrivé que des enfans n'ont pas eu le
mérite de leurs pères ; qu'il y a eu nécef-
fâirement dans la diftribution des places ,
des abus qu'd n'eft pas toujours polTible
de prévenir ou de réparer, il aéténécef-
faire de ne pas laiiTer les particuliers juges
des égards qu'ils voudroient avoir , & des
devoirs qu'ils auroient à rendre : le bon
ordre, la philofophie même ,& par con-
fçquent la juftice , ont obligé d'établir des
règles de fubordmation. En effet , il feroit
très-dangereux dans un état , de laiifer
avdir les places & les rangs , par un mé-
pris , même fondé , pour ceux qui les oc-
cupent ; fans quoi le caprice , l'envie ,
l'orgueil & rinjullice , attaqueroient égale-
ment les hommes les plus dignes de leurs
rangs. Ainfi Vitiquette étant un abri contre
Je mépris perfonnel , eft auilî une fauve-
garde pour le vrai mérite i &: , ce qui eft
encore plus important , elle eft le maintien
du bon ordre. Les particuliers font maîtres
4e leurs fentimens, mais non pas de leurs
devoirs.
H faut convenir que généralement par-
lant, la févérité ôf les minuties de Y éti-
quette ne forment pas un préjugé favorable
pour un peuple qui en eft trop occupé.
'L'étiquette s'étend à mefure que le mente
diminue. Le defpotifme fait de l'étiquette
une forte de culte. D'un autre côté, il y a
des peuples affez libres ( les Anglois , qui
fervent à genoux leur roi ), qui confervent
«ne étiquette fort cérémonieufe pour leur
prince, il femble qu'ils veuillent l'avertir
par-là qu'il n'cft que la repréfentation de
l'autorité. C'eft à peu près dans le même
fens qu'on appelle étiquettes certains petits
ccriteaux qui fe mettent fur des facs , des
boîtes ou des vales, pour diftinguer des
choies qui y font renfermées , (Si qui
fans cela pourroient être confondues avec
d'aucrts.
Il y avoir une étiquette chez les empe-
ïtuxs du bas-CDipire , c'cil-à-dire , l®ifqu'il
E T I
n'y avoir plus de Romains , quoiqu'il y eut
un gouvernement qui en porcoit le ni^m.
De tout temps il y a eu des diftmftions
de rangs & des fond:ions dans un état; mais
{'étiquette proprement dite, n'cft pas fort
ancienne dans le fyltême a£i:ucl de l'Europe;
je ne croirois pas qu'on en trouvât un détail
en forme avant la féconde mai Ion de Bour-
gogne. Philippe-le-Bon, aulTî puilfant qu'ua
roi , iouffroit impatiemment de n'en pas
porter le titre : ce fut peut-être ce qui lui
Ht former un état de mai Ton qui pût
effacer celles des rois , par la magnifi-
cence , le nombre des officiers , & le dé-
tail de leurs fonctions. Cette étiquette palTa
dans la maifon d'Autriche , pat le mariage
de Marie avec Maximilien. Les Mores
avoient porté la galanterie & les fêtes en
Efpagne ; {'étiquette y porta la morgue &
l'ennui.
L'étiquette n'eft ni févere ni régulière en
France. Il y a peu d'occafions d'éclat où
l'on ne foit obligé de rechercher ce qui
s'efl pratiqué à la cour en pareilles circonf-
tanccs ; on l'a oublié , & l'on tâche de f::
le rappeller , pour l'oublier encore. Le
François eft afftz porté à eftimer ce qu'il
doit rtfpedter , & a aimer ce qu'il cftimc :
il n'eft pas en lui de remplir froidement
ni férieufcmem certains devoirs ; il y man-
que avec légèreté , ou s'en acquitte avec
chaleur. Ce qui pouxroit être ailleurs une
marque de fetvitude , n'eft fouvent en Fran-
ce qu'un effet de l'inclination & du carac-
tère. Cet article ejl de M. Duczos , hijïo-
riographe de France, 6' l'ua des quarante de
V Académie françoife.
Etiquette , {Jurifp.) en ftyle de palais ,
eft un morceau de papier ou de parche-
min que l'on attache fur les lacs des
caufcs , iniiances ou procès, fur lequel
on marque les noms des parties ik de leurs
procureui s. Celui auquel appartient le fac,
met fon nom à droite , «Se le nom des au-
tres procureurs à gauche. Si c'eft une
caufe , on met en tête tie l'étiquette ,
caufe à plaider dans un tel tribunal ; &C
au-deftbus des noms d.s parties on met le
nom de l'avocat qui doit plaidtr pour la
paitie pour laquelle eft le fie. Si c'eft une
produdion de qiielqu'mftance ou procès,
on met en haut de ['étiquette le titre de la
E T I
proiuifiion ; Se la date du jugement m
coiiféquence duquel elle efl faite. Au-delfus
des noms des paities on met celui du rap-
porteur ; &: s'il y a plulieurs chambres dans
le tribunal , on marque de quelle chambre
il e(l. On marque auiïî i'enrégiftrtment des
produâ:ion$ , & le Jolio. L'ongmc de ce
mot éu^uate vient du temps que l'on ré-
digcoit les procédures en latin ; on écri-
VOit fur le fac , ejl hic quœjlio inter N. , . .
6' N. ... & fouvcnt au lieu d'écrire qucsf-ia
tout au long , on mettoit feulement qu^'jl.
ce qui faifoic eji hicquccji. d'où les praticiens
çnt fait par corruption étiquette, ^''oyei ci-
devant Etiquette, t' ci-après ETiQi.'t-
TER.
On appelle étiquette au grand confeil,
les placets & mémoires que l'on donne au
premier huiffier, pour appellcr les caules
4 l'audience. {A)
Etiquettes de témoins , vo)<^ ci-.aprh Eti-
queter.
Etiquette , terme de Pèche , lortc de
petit couteau emmanché dont on fe Icrt
pour cueillir les moules : il eft aflez ret-
fèmblant à celui avec lequel les marchan-
des de cerneaux ouvrent <5c préparent ce
fruit.
ETIQUETER , ( Jurifp. ) en ftyle de
palais , lignifie oïdianirement meure une
étiquette f.ir un fac , ou plutôt mettre fur un
fac ou fur une pièce , un titre qui annonce
brièvement ce qui y cji contenu.
ETiaUETFR DES TÉMOINS , c'clt lort-
qu'on donne a.i juge , enquêceur ou com^
millaire qui faic l'enquête , un brevet &
mémoire par écrit , qui contient les noms
des témoins , oc fur quels articles des écri-
tures ils font produits , afin qu'ils en (oient
enquis & ouïs , comme il eft dit au ftyle de
procéder des cours féculieres de Liège ,
ch. X fi- ailleurs ; êc aux ordonnances de la
chambre d'Artois , c/^(2/7. des plaidoyers ; ôc
du duc de Bouillon , articles cxxjv , ccxxij .
On appelle étiquette en Flandres , les t-aits
& articles fur l;fquels on fait entendre
des témoins. Lorliiu'on a donné un écrit
de dépofîtions, & qu'on déclare que l'on
ne fera point entendre de témoins au-
dchors de ce qu'elles contiennent, on n'eft
pas tenu dans ce parlement de communi-
quer à la partie advene ks étiquetas fur
E T I a2f
lefquellesonveut faire entendre les tcmoim.
InJUi. au Droit Belgique, pag. ^Gi..
Etiqueter des témoins (igiiiHc auflî quel-
que lois les reprocher. {A)
ETIRE , f. f. eft un inftrument dont les
Corroyeurs fe fervent pour étendre leurs
cuirs , pour en abattre le grain du coté dft
la fleur ou poil , ou bien pour les décral-
fer ; car cet inftrument s'emploie à ces
dilfércns ufages. Vétire eft un morceau de
fer ou de cuivre plat , de lîx pouces de
largeur , & d'environ cinq ou fix Ugnes
d'cpailfeur ; plus large par en bas que pac
en haut , & dont la partie la plus étroite
forme une poignée par où l'ouvrier tienc
cet outil pour s'en lervir. On le fert de l'e-
tire de cuivre pour les cims de couleurs ,
de peur de les tacher.
ETLTES , ( Mtnér. ) œtitae , ce font des
pierres, pour l'ordinaire, ferriigineufes , au-
dedans defquelles il y a une cavité qui crt
tantôt vuide & tantôt pleine. La figure ex-
térieure tle ces pierres eft peu conftante:
elle eft ou ronde , ou ovale , ou triangulaire,
ou quarrée , f-"c.
On a prétendu , mal-à-propos , que ces
pierres fe troiivoient dans les nids des
aigles , d'où leur eft venu le nom Ae pierres
d'aigles. C'eft avec auiïî peu de fondemenr ,
que le peuple attribue encore à ces fortes
rie pierres les vertus admirables que les
anciens naturalilles piétendoient y avoir
reconnues.
Les étites font compofées de plufieurS
couches , d'un rouge - brun , olivâtre , &
qu'on peut féparer ailément. Il eft évident
qu'elles ont été formées d'une matière
d'abord molle , qui s'eft- aglutinéc peu à
peu , & a laiffé une cavité en dedans. Ces
couches enveloppent un noyau limonneux
ou ocreux qu'elles porf:nt dans leur cen-
tre , & qui s'y eft confervé depuis la for-
mation de Vétite. Ce noyau tft ou fixe ou
mobile : on l'appelle calltinus.
On trouve Vétite dans bien des mines de
fer de la France , même dans la chaîne des
monragnes d'Alais en Languetloc. La plus
grande quantité fe rencontre près de Ter-
ranc , village fitué fur le bord du Nil, &
dans la gr.rnde mer du Déiert , que les
Arabes app.-llent Baharlalaama , c'cft-à-
dire , lac dejféckè ou mer fans eau : elles
230
.,. E T î
foiK bigarrées , graveleufes , de couleur
cendrée ou jaunâtre, & brunllFent avec le
temps. Il y en a depuis la grolTeur d'un œuf
d'autruche jiifqirf. celle d'une aveline: il n'eft
pas rare de les trouver grouppées en grande
quantité.
■ Le noyau ou callimus des hites , étant
communément argillcux & venant à fe def-
fécher , ce'de d'occuper toute la cavité , &
produit un certain bruit quand on vient à
agiter biuiquement la pierre d'aigle. Les
Arabes o\M nom me Vétite , maské, c'cft à-dire,
pierre fonnante. La concavité eft un caradere
plus cllentiel au gcode qu'à la pierre d'aigle,
/-^oje^ GÉODE.
On rencontre quelquefois , dans les envi-
rons d'Alençon , près des mines de fer, des
élites brillantes, noirâtres J: tiès-pefantes ,
fulccptibles d'efilorefcence. On les doit re-
garder comme une forte de pyrite vitrioli-
que, caverncufe. F. l'article pyrite. (~I-)
. ETLINGEM , ( Gcog. mod. ) ville de la
Suabe au marquifat de Bade, en Allemagne.
Long. 2.7, 6; lat.^S ,55.
ETNA , Voyei Ethna , Gibel ù Vol-
can.
* ETNET , ruba. maf. ( Métallurgie. )
C'eft ainh que dans les fonderies où l'on
travaille le laiton , on appelb la pince à
rompre le cuivre qui vient de l'arco. Voy. j
Arcp.
E T O
ETOC , f. m. ( Jurifpr. ) terme d'eaux &
forêts , qui iîgnifie foucke d'arbres. V. l'art.
/f^ , ifwr/f.f;'e/7!/'t'f de l'ordonnance de 1669.
Ce terme paroit être venu par corruption
de celui d'f//oc, qui danslesiucccfïions (igni-
ûefouche.ijl)
* ETOFFE , f. f. ( Ourdijfage. ) eft un
nom général qui fignifie toutes fortes
d'ouvrages d'or, d'argent, de foie, laine,
poil , coton ou fil , travaillés au métier ;
tels font les velours , les brocards , les
moëres, les fatins, les taffetas , draps , fer-
ges, 6'c. V. Draps, Velours, Manu-
facture , ùc.
* Etoffes fe dit plus particulièrement
de certaines lovtes d'e/o/ft-i de laine légères ,
^ui fervent pour les doublures ou les robes
E T O
des femmes , comme les brocatelles , IcS
ratines, 6c.
* Etoffe , terme de Chapelier : c'eft
ainfi que ces ouvriers nomment les ma-
tières qui doivent entrer dans les cha-
peaux , comme les poils de caftor , de liè-
vre , de lapin , de chameau & d'autruche ,
& les laines de moutons , d'agnelins & de
brebis.
On appelle un chapeau bien étoffé , quand
il eft iumfamment fourni de matière , Sc
que cette matière eft bonne & bien con-
ditionnée.
•^ Etoffe , ( Ruban. ) s'entend de toutes
les matières d'or &C d'argent qui fervent à
la fabrication des ouvrages de ce métier;
ainfi on dit , dennei-moi des étoffes , pour
dire , donne[-moi les filés , clinquans , câblés ,
cordonnets , &CC. qui me font nécejjhires. Cha-
que ouvrier à une petite boîte fermant à
clé , fixée (ur la grande barre de fon métier ,
près du pilier, dans laquelle il renferme les
étoffes,
* Etoffe , ( Manufacl. en Soie. ) Tou-
tes les ctojfés de la manufadure en fo;e
font diftinguées en étoffes façonnées & en
étoffes u.'iics.
On appelle étoffes façonnées , celles qui
ont une figure dans le fond , foit def-
fin à fleur, foit carrelé, &c. l'oye^ ces
articles.
On appelle étoffes unies , celles qui n'ont
aucune figure dans le fond.
Toutes les étoffes en général , foit façon-
nées , foit unies , fous quelque dénomi-
nation , genre ou efpece qu'elles puiflent
être , ne font travaillées que d.e deux fa-
çons ditférerltes , favoir en fatin ou en taf-
fetas.
On appelle étoffés travaillées en fatin ,
celles dont la marche ne fiit lever que
la huitième ou la cinquième pariie delà
chaîne , pour faire le corps de Vécoffe. V.
Satin.
On appelle étoffes travaillées en taffetas ,
celles dont la marche Gut lever la moitié de
la chaîne , & alternativement l'autre moitié,
pour flaire également le ccrps de Vétoffe. V.
Taffetas.
Il y a encore une efpece A'étoffe appellée
/••V7e; mais comme ce n'eft qu'un diminutif
du fatin , & que d'ailleurs cette étoffe n'eft
E T O
faite que pour doublure d'habit , elle ne doit
point être comprife ious hi dénomination
générale. /^oy^^SiRGE.
Toutes les étoffes travaillées en fatin ,
{bit à huit lifies , pour lever la huitième
partie ; foit à cinq liffes , pour lever la
cinquième , doivent être compofées depuis
75 portées ( la portée de 80 fils) jufqu'à
100 portées ; mais les plus ordinaires ,
de 9c.
Toutes les étoffes travaillées en taffe-
tas , doivent être compofées depuis 40
portées fimples ou doubles, jufqa'à 160,
& à ^propoition de leur largeur. Il y
a des mocres qui ont jufqu'à 90 portées
doubles ; ce qui vaut autant , pour la
quantité des fils , que h elles avoient 1 80
portées.
Les étoffis otdinaires font de 40 à 45
portées doubles ; ce qui vaut autant que
80 & 90 (impies.
Outre les chaînes qui font le corps des
étoffes façonnées , on y ajoute enccjre d'au-
tres petites chaînes appellees ^oils. Ces poils
font deftinés à lier la dorure dans les étuffvs
riches; à faire la figure dans d'autres étoffes,
telles que les carrelés , cannelés , perlien-
nes , doubles-fonds , ras de Sicile , t-'c. &
dans les velours unis ou cifelés , à faire le
veiours. J'oye^ ces articles.
Il y a bcoiucoup à'éioffes façonnées qui
n'ont point de poil , tant de celles qui lont
brochées en foie, que de celles qui font bro-
chées en dorure & en foie ; ce qui dépend
de la richefle de ['étoffé , ou de la volonté du
fabriquant. Cependant il eft de règle j lorf-
qu'uiieero/fépalfedeiix onces& demie, trois
onces de ciorure , de lui donner un poil , tant
pour lier la doiuro', que pour fervir à l'ac-
compagner.
On appelle accompagner la dorure , paiïèr
une navcite garnie de deux ou trois brins
de belle trame de la couleur de la dorure
même , fous k-s lacs où cette donne doit
Cire placée ; lavoir d'une couleur aurore
pour l'or , & d'une couleur blanche pour
l'argent.
Toutes les étoffes , tant façonnées qu'u- j
nies , foit fatins , foit taffetas , foit qu'elles
aient un poil , ou qu'elles n'en aient point , .
doivent avoir une façon de faire lever les '
E T O «31
lifles , à laquelle on donne le nom d'armure.
On pourroit cepemlint excepter les taffe-
tas fans poil de cette règle , parce que la
fiçon de faire lever les lillcs dans ce genre
d'étoffé , eft uniforme & égale dans toutes ,
de même que dans les fatins ; & à propre-
ment parler ce n'eft que le poil qui cm-^
barrafle pour l'armure , les mouvcmens de
la clianie dans l'une ou l'autre étoffe , étant
limples &c aifcs. Voye^ Manufacture &
Armure.
* Etoffe ; ( Coutell. Serr. Taill. ) Pref-
que tous les ouvriers en fer & en acier , don-
nent ce nom à des morceaux d'acier com-
mun , dont ils forment les parties non tran-
chantes de leurs ouvrages : les parties tran-
chantes font faites d'un meilleur acier. Ils
ont aulTi une manière économique d'em-
ployer tous les ouvrages manques , tous
les bouts d'acier qui ne peuvent lervir ;.
en un mot , toute pièce d'acier rebutée
pour quelque défaut : c'eft d'en faire de
l'étoffe. Pour cet effet ils prennent une barre
d'acier commun plus ou moins forte , félon
la quantité de matière de rebut qu'ils ont
à employer ; ils en forment un étrier , (oit
en l'ouvrant à la tranche , ibit en la cour-
bant au marteau •■, ils rangent & renferment
dans cet étrier la matière de rebut ; ils la
couvrent de ciment & de terre glaife dé-
layée ; ils mettent le tout au feu , & le fou-
dent. Qiiand toutes ces parties détachées
font bien loudées , & forment une m-^He
bien folide & bien uni foi me , ils l'éti-
rcnt en long , & en forment une barre
plus ou moins forte , félon l'ouvrage au-
quel ils la deftinent. Cette barre s'appelle
de rétoffé.
Etoffe , ( l"7ffe) terme de Potiers d'éiain;
c'eft une compofition faite en partie de
plomb, & en partie d'étain. On l'appelle
auffi petite étoffé , claire étoffe , & claire fou-
dure. Voy. Étais.
Etoffe , terme de rivière , fe dit de toutes
les parties de bois qui entrent dans la com-
pofition d'un train.
ÉTOFFE , adj. qui eft garni de bonne
éiofie , en terme de Sellier. Un carolTe
bien étoffé, eft celui dont les bois, les-
cuirs , les velours , &v. font d'une bonne
qualité.
Etoffé. Les Cvrroyeurs appellent u/a
2^2 E T O
cuir lijfé , bien étojfédefuif, de chair t' à:
fleur, celui où le (uif a été mis bien épais des
deux côtes.
Etoffï R , V, a. en terme de Sellier , fiRtii-
fie employer de bonne étoffe, 6' n'y épargner
ni la gualité ni la quantité.
Etoffer la crcme ; c'eft , che\ les Pâtif-
fiers y une opération par laquelle ils éclair-
cilfent: la crème & la rendent moins ferme ,
en la remuant beaucoup avec la hache ou
la fpatule.
ETOILE , f. f. fella , en AJironomie ,
eft un nom qu'on donne en général à
tous les corps celeftes. Voye^ Ciel,
Astre , H-c.
On diftingue les étoiles par les phéno-
mènes de leur mouvement , en fixes Se
errantes.
Les étoiles errantes font celles qui chan-
gent continuellement de place & de dif-
tance les unes par rapport aux autres : ce
font celles qu'on appelle proprement pla-
nètes. f^oyc[ Planète. On peut mettre
aulTî dans la même clalle lesaftres que nous
appelions communément comètes. Voye\
Comète.
Les éioiles fixes , qu'on appelle auflî hm-
plcraent étotUs dans l'uiagc ordinaire , font
celles qui oblervent perpétuellement la mê-
me diltance les unes pair rapport aux autres.
Voye^Ym'^.
Les principaux points que les aftronomcs
examinent par rapport aux étoiles fixes ,
font leur diftance , leur grandeur , leur
iiaïuie ^leur nombre , (Se leur mouvement.
. Ces différens objets vont faire la matière de
cet article.
Di fiance des étoiles fixes. Les étoiles fixes
font des corps extrêmement éloignés de
nous ;, (Se fi éloignés, que nous n'avons point
de diftance dans le fy llêmc des planètes qui
paille leur être comparée.
En effet, les obfervations aftronomiques
nous apprenneiu que la terre , cette ma (Je
qui nous paroit d'abord (i énorme , ne ie-
roit vue cependant du foleil que comme un
point imperceptible. Il faut donc que le
ioleil foit prodigieufement éloigné de nous;
& néanmoins cette diftance de la terre au
, foleil e(l très-petite en comparaiion de celle
(ies étoilesfixes.
Lcux dUtaiice immense s'infère de ce
E T O
qu'elles n'ont point de parallaxe fenfible ,'
c'eit à-dire , de ce que le diamètre de l'or-
bite de la terre n'a point de proportion fen-
fible avec leur diftance ; mais qu'on les
apperçoit de la même manière dans tous les
points de cette orbite : enforte que quand
même on regarderoit , des étoiles fixes ,
toute l'orbite que la terre décrit chaque
année , &c dont le diamètre eft double de
la diftance du foleil à la terre , cette orbite
ne paroîtroit que comme un point ; & l'an-
gle qu'elle formeroit à ['étoile feroit fi petit ,
qu'il r;'eft pas étonnant s'il a échappé juC-
qu'ici aux recherches des plus fubtils aftro-
nomes. Suppofant cçt angle d'une demi-
minute, ce qui eft beaucoup plus grand que
l'angle véritable , on trouveroit les étoiles
plus loin de nous que le Ioleil izooo fois ,
& au delà.
M. Huyghens détermine la diftance des
étoiles pai une autre méthode , c'eft- à-dire ,
en faifant l'ouverture d''un télefcope , li pe-
tite , que le foleil vu à travers , ne paroifte
pas plus gros que Sirius. Dans cet état , il
trouve que le diamètre du foleil eft environ
comme la 27664^ partie de ton diamètre,
quand il eft vu à découvert. Si donc la dif-
tance du foleil étoit 2.7664 foisaulTi grande
qu'elle l'eft , on le verroit tous le même
diamètre que Sirius ; par conféqucnt li on
fuppofe que Sirius eft de même grandeur
que le Ioleil, on trouvera que la diftance de
Sirius à la terre eft à celle du Ioleil , comme
17664 eft à I.
On dira pcirt-êtrc que ces méthodes font
trop hypothétiques pour pcmvoir en rien
Cûi:clure ; mais du moins on peut démon-
titr que les étoiles (cm incomparable-
rr.cnt plus éloignf^es que faturnc , puiiquc
laturnc a une parallaxe , Hc que les étoiles
n'en ont point du tout. Vo\e\ Saturne
& Parallaxe. De plus il luit de ce que
nous venons de dire un peu plus haut ,
que la diftance des étoiles eft au moins
icooo fois plus grande que celle du (oleil,
fuppolîcion qa'on peut regarder comme
inconteftable.
Cette diftance imm.enfe des étoiles ftrt
à expliquer dans le lyftême du mouvement
de la terre autour du loleU , pourquoi
certaines pW/m ne paroiffcnt [«as plus gran-
des dans un temps de l'année que dans
l'autre r
f<
E T O
l'autre ; <?c pourquoi la diftancc apparente
où elles font les unes à l'égard des autres ,
ne (auroic varier fenfiblemcnt par rap-
port à nous ; car il y a telle cioile dont la
terre s'approche effedtivement dans l'cfpace
de iix mois , de tout le diamètre de fon
orbite ; & par la même raifon elle s'en
éloigne d'autant pendant les fix autres
mois de l'année. Si nous ne pouvons donc
reconnoître de changemens (enfibles dans
la lîtuation apparente de ces étoiles , c'eft
une marque qu'elle^ font à une diftance
immenfc de la terre , & que c'efl: précife-
ment de m.ème que C\ nous ne changions
)oint de lieu. Il en eit à peu près ainfi ,
orfque nous apper«evons fur la terre deux
tours à peu de diftance l'une de l'autre ,
mais éloignées de notre œil de plus de dix
mille pas ; car (i nous n'avançons que d'un
feul pas , aflurémcnt nous ne verrons pas
pour cela les deux tours ni plus grandes ,
ni à une diftance plus conlîdérable l'une
de l'autre : il faudroit , pour qu'il y eût un
changement fenlible , s'en approcher da-
vantage. Ainii , quoique la terre foit un
peu plus proche dans ua temps de l'année
de certaines étoiles , que fix mois après ou
fix mois auparavant , cependant comme
ce n'eft pas même d'une cinq millième par-
tie qu'elle approche , il ne fauroit y avoir
de changemens remarquables , foit dans la
grandeur , foit dans la diftance apparence
de ces étoiles.
Que l'on fuppofe préfentcment le foleil
à la même 'îiiflance que Vétoilefixe la plus
proche de la terre , il eft aifé de voir que
l'angle fous lequel il nous paroîrroit , feroit
au moins dix mille fois plus petit que celui
{c>us lequel nous le voyons : or l'angle fous
lequel nous voyons le foleil , eft d'environ
^o minutes ou un demi degré. Il s'enfuit
donc que fi r.ous étions placés dans quel-
q\x étoile fixe , le foleil ne nous y paroitroit
que fous un angle égal à la dix millième
partie de trente minutes, c'eft-à-dire , d'en-
viron dix tierces.
On objectera peut-être que fi la diftance
des étoiles fixes éroit aulT» confiJérable que
nous venons de la fuppofer , il faudroit
ncceflairement que les étoiles fuffent beau-
coup plus grandes que le foleil ; bien plus ,
qu'il s'enluivroit qu'elles feroient au moins
Tome XIII.
E T O 23}
nu(Tî grandes que le diamètre de l'orbe an-
nuel de la terre, C'tft une objection que
nous allons examiner dans l'article fui-
vant , oii nous parlerons de la grandeur des
étoiles.
Grandeur & nombre des étoiles. La gran-
deur des étoiles fixes paroît être difFérenre ,
mais cette différence peut venir , au moins
en partie , de la différence de leurs diftan-
ces , & non d'aucune diverfité qu'il y ait
dans leurs grandeurs réelles.
C'cft à caule de cette différence qu'on
divife les étoiles en fept claffes , ou en
iept différentes grandeurs. F^oye^ Constel-
lation.
Les étoiles de la première grandeur (ont
celles dont les diamètres nous paroi ffent les
plus grands ; après celles-là font celles de la
ièconde grandeur ; & ainli de (liite jufqu'à
la fixicmic , qui comprend les plus petites
étoiles qu'on puifle appercevoir fins télefco-
pe. Toutes celles qui font au-dcffus , font
appellées étoiles téltfcopiques. La multitude
de ces étoiles eft cnnfidérable , & on en dé-
couvre de nouvelles à mefure qu'on emploie
de plus longues lunettes ; mais il n'étoit pas
poflîble anx anciens de les ranger dans les
fix claffes donr nous venons de parler, Voy.
|TÉLH5C0PIQUE,
Ce n'eft pas que toutes les étoiles de cha-
que clalfe paroifienr être précifément de
la mcmie grandeur ; chaque claffe eft fort
étendue à cet égard , & les étoiles de la pre-
mière grandeur paroiffen: prefque tontes
différentes en éclat & en grofteur. Il y a
d'autres étoiles de grandeurs intermédiaires,
que les Aftronomes ne peuvent placer dans
telle claffe plutôt que dans la uiivante , &
qu'ils rangent à caufe de cela entre deux
claffes.
Par exemple , Procyon , que Ptolomée
regarde comme une éioile de la première
grandeur ,& que Tycho place dans la fé-
conde claffe , n'eft rangée par Flamfteed ni
dans l'une ni dans l'autre ; mais il le place
entre la première & la féconde.
Il faudroit même , à proprement parler ,
établir aucint de clartés différentes qu'il
y 2. à' étoiles fixes. En effet , il eft bien rare
d'en trouver deux qui ioient précifément
de la même grandeur ; &c pour ne parler
uniquement que de celles de la pren-iicre
234 E T O
grandeur , voici les principales différences
qu'on y a reconnutis. Sirius eft la plus gran-
de Se la plus éclatante de toutes ; enfuite on
trouve qu'ardurus furpalTe en grandeur &c
lumière aldebaran ou l'œil du taureau , &
l'épi de la vierge ; & cependant on les
nomme communément étoiles de la première
grandeur.
Catalogue des étoiles de différentes gran-
deurs Jeloii Kepler.
De la première grandeur.
De la (Iconde ,
De la troilîeme ,
. 218
De la quatrième.
De la cmquieme, .
De la iixieme ,
Des obfcures & nébuleufes ,
. 494
. 354
240
'3
en
tout ,
M9i
Ce nombre eft celui des e/o/7ej qu'on décou-
vre à la vue lîmplc ; car avec le télefcope,
comme nous 1 avons déjà dit , on en ap-
perçoit beaucoup plus.
Qiiclques auteurs aflurent que le diamè-
tre apparent des étoiles de la première
grandeur , eft d'une minute au moins i
& comme on a déjà dit que l'orbite de
la terre , vue des étoiles fixes , paroît fous '
un angle moindre que 30 fécondes , ils ont
conclu de-là que le diamètre des étoiles eft
beaucoup plus grand que celui de toute
l'orbite de la terre. De plus , difent-ils ,
une fpherc dont le demi-diametre égale
feulement la diftance du foleil à la terre ,
eft dix millions de fois plus grande que le
foleil , par conféquent ils croient que les
étoiles fixes doivent être bien plus de dix
millions de fois plus grandes que le Soleil.
Il y auroit donc une différence énorme
entre la groifeur du loleil & celle des étoi-
les fixes ; & par conféquent on ne pour-
roit plus dire que ce font des corps lumi-
neux fcmblables , & on (croit alljz mal
fondé à mettre le foleil au nombre des
étoiles fixes.
Mais on s'eft trompé : car les diamètres
même des plus grandes étoiles, vus à travers
un télefcope qui rend les objets par exemple
cent fois plus gros qu'ils ne font , ne pa-
roiffeiit point du tout avoir de grandeur
E T O
fenfible , mais ne font que des pointa
brillans.
Ainli cette prétendue grandeur des étoi~
les n'eft fondée que fur des obfcrvations
fort imparfaites ; & il eft vrai que quelques
aftronomes peu habiles en ce genre , fe
font fort trompés dans les diamètres appa-
reils qu'ils ont alfigné aux étoiles. L'angle
fous lequel paroillent les étoiles fixes de la
première grandeur , n'eft pas même d'une
féconde ; car lorfque la lune rencontre
l'ail du taureau , le cœur du lion , ou l'épi
de la vierge , l'occultation eft tellement
inftantanée , & l'étoile li brillante à cet
inftant , qu'un obfervateur attentif ne fau-
roit fe tromper, ni demeurer dans l'incer-
titude pendant une demi-fecondede temps.
Or fi ces étoiles avoient par exemple un
diamètre au moins de cinq fécondes , on
les verroit s'éclipfer peu- à- peu , & dimi-
nuer fenfiblement de grandeur pendant
près de 10 fécondes de temps , à radbn
de 1 5 degrés que la lune parcourt en 14
heures. Il y a autour des étoiles , iur-tout
pendant la nuit , une efpece de faulfe lumiè-
re , un rayonnement ou fcintillation qui
nous trompe , &c qui fait que nous les ju-
geons au moins cent fois plus grandes qu'el-
les ne font. On fait difpuoirre cependant la
plus grande partie de cette faulfe lumière y
en regardant les étoiles par un trou fait à
une carte avec la poinre d'une aiguille , ou
plutôt en y employant d'excellentes lunet-
tes d'approche qui en abforbent la plus ,
grande quantité , puifqu'on n'y apperçoit j|
les étoiles fixes que comme des points lumi-
neux , & beaucoup plus petites qu'à la vue
fimple. On fait pourtant que les lunettes
d'approche grolfilfcnt les objets ; or il lem-
ble que le contraire p.jroit à l'égard des
étales fixes ; ce qui prouve combien le
diamètre apparent de ces étoiles eft peu
fenfible à notre égard. On ne fait comtnent
le P. Riccioh s'y eft lailfe tromper , julqu'à
donner à firius un diamètre de 18 fécon-
des; car li on fuppofe qu'à la vue limple
les deux lignes tirées des extrémités du dia-
mètre de lirius forment dans notre œil uii
angle de 18 fécondes , une lunette qui
augmentcroit loo fois les objets , nous fe-
roit par conféquent apperccvoir cette étoile
fous un angle de 5600 fécondes, c'eft-à;
E T 0
(lire, d'un defîré : d'où il s'enfuivroit que
lirius vu à travers la lunetre . paroitioit
d'un diamètre prefqiie double de celui du
foleil ou de la lune. Or quoique les plus
excellentes lunettes ne foicnc pas même
capables d'abloiber totalement cette faulle
Ium:cie qui environne les étoiles fixes , il
cft certain toutefois que (îrius n'y paroîc
pas plus grand que la planète de mars me-
Iiiréc au mcrometre où à la vue (impie;
mais le diamètre de m iridans ia plus petite
diftance de la terre ell au plus de 50 fé-
condes : ainii quo que la lunette augmente
200 fois cnvron le diamètre apparent de
fîr;us , l'angle (o'.s lequel on y apperçoir
cette étoile n'eft que d'environ 30 (econdes ,
c'ell-à dire , qu'à la vue limple ce diamè-
tre ne (eroit guère que de la iioe partie
de 30 fécondes , ou d'environ neuf tierces.
On demandera peut-être maintenant com-
ment nous pouvons appercevoir les étoiles
fixes, puifque leur diamètre apparent ré-
pond à un angle qui n'eft aucunement fen-
ïible : mais il faut faire attention que c'eft
ce rayonnement & cette fcintillation qui
les environnent , qui eft caufe que ces
corps lumineux (è voient à des dillances
fî pro ligieufes , au contraire de ce qui
arrive à l'égard de tout autre ob;et. L'ex-
périence ne nous apprend-t-el!e pas qu'une
b-jugie ou un flambeau allumé fe voient
pendant la nuit fous un angle très-len-
iible à plus de deux lieues de diftanceî Au
lieu que (1 dans le plus grand jour on ex-
pof; tout autre objet de pareille grofleur à
la même diftance , on ne pourra jamais l'ap-
perzevoir : a peine pourroit-011 même d;f-
tinguer un objet qui feroit dix fois plus
grand que la flamme de la bougie. La rai-
fon lie cela eft que les corps lumineux
lancent de tous côtés une matière incom-
panblement plus forte que celle qui efl:
réfléchie par les corps non lumineux ; &
que celle ci étant amortie par la reflexion ,
devient plus foible & fe fait à peine fentir
à une grande diftance : l'autre au contraire
eft tellement vive , qu'elle ébranle , avec
une force incomparablement plus grande ,
les libres de la rétine ; ce qui produit une
feiilation tout-à-fait différente, & nous
fa t juger par cette raifon les corps lumi-
neux beaucoup plus grands qu'ils ne font.
E T O 255
Voyei les Injîit. ajlron. de M. !e Monnicr.
Il n'eft pas inutile d'obfervcr ici que la fcin-
tillation des étoiles eft d'autant moiiidic ,
que l'air eft moins chargé de vapeurs ; oulTî
dans les pays où l'air eft extrêmcmLUt pur ,
comme dans l'Arabie , les étoiles n'ont pjinc
de fcintillation, l'^oye^ Etincfli ement ,
Scintillation , & l'hifi. del'acad.de IJ43.
pûg. 18.
Catalogue des étoiles. On divife auffi les
étot/cs par rapport à leur fitu uion , en
aftérilmes ou conftcllations , qui ne font
autre chofc qu'un aflcmblage de plulîeurs
étoiles voifines, qu'on confidere comme
formant quelque figure déterminée , par
exemple d'un animal , &c. & qui en prend
le nom : cette divifion eft aulfi ancienne
au moins que le livre de Job , dans lequel
il eft parlé d'Orion & des Pléyades , t>c.
/-^oyf^ Constellation & Arcturus.
Outre les étoiles qui font ainfi diftinguées
en différentes grandeurs de conftellations ,
il y en a qui ne font partie d'aucune. Celles
qui ne font point rangées en conftellations
font nommées informes, ou étoiles fans forme.
Les aftronomes modernes ont formé de
nouvelles conftellations de plufieurs étoiles,
que les anciens regardoient comme étoiles
informes ; comme le cœur de Charles , cor
Caroli , qui a été foimé en conftellaticn par
Halley , & l'écu de Sobieski , foutum So-
biefoi , par Hevelius , 6v. Voyc^^^ C(eur ,
Ecu , fi'c.
Celles qui ne font point réduites en claf-
fes ou grandeurs, font appellées étoiles nébU'
leijcs ; parce qu'elles ne p^roilTent que foi-
biement & en forme de petits nuages bril-
lans. A'oye:^ NÉBULEUX.
Le nombre des étoiles paroît très-grand
& preique infini ; cependant il y a long-
temps que les Aftronomes ont déterminé
le nombre de celles que les yeux peuvent
appercevoir , qu'ils ont trouvé beaucoup
moins qu'on ne fe l'imcigineroir. 12; ans
avant J. C. Hipparque ht un catalogue ,
c'eft-à-dire , une énumération des étoiles
avec la defcription exaéVe de leurs gran-
deurs, (ituations , longitude , latitude , ùc.
Ce catalogue eft le premier dont nous
ayons connoilfance; & Pline ne craint point
d'appeller cette entreprife , rem ctiam Deo
\ improbam. Hipparque fit monter le noîTibre
G s i
236 E T O
des étoiles vifibles à lozz ; elles étoîent
diftribuées en 4S confteliations, Ptolomée
ajouta quatre étoiles au catalogue d'Hippar-
que , & fit monter le nonibre jufqu'à 1016.
Dans l'année 14^7 , Ulug Beigh petit-fils
de Tamerlan , n'en compte que ici 7 dans
un catalogue nouveau qu'il fit , ou qu'il fit
faire.
Mais dans le fcizieme & le dix-fcpcieme
fîecles , lorlque l'aftronomie commença à
refleurir , on trouva que le nombre des
étoiles étoit beaucoup plus grand. On ajouta
aux 48 conliL'llations des anciens , douze
autres nouvelles , qu'on obferva vers le
pôle méridional, & deux autres vers le pôle
feptencrional , ùc. Voye^ Constella-
tion.
Ticho-Brahé publia un catalogue de 777
étoiles , qu'il obferva lui-même. Kepler, fur
les obfervations de Ptolomée & autres, en
augmenta le nombre jufqu'à i i6j : Riccioli
iufqu'à 1468 , & Bayer jufqu'à 1715. Hal-
ley en ajouta 37^ , qu'il obferva lui-même
vers le pôle antarftique ; Hevelius , fur les
obfervations de Halley & fur les ficimcs
propres , ht un catalogue de 1888 étoiles;
Se depuis, Flamfteed en a fait un contenant
3C00 étoiles , qu'il a toutes obfervées lui-
même avec exactitude.
Il cft vrai que de ces 5000 étoiles il y en
a beaucoup qu'on ne peut appercevoir qu'à
travers un télefcope. S'il arrive fouvent
dans les belles nuits d'h;ver qu'on en voie
une quantité innombrable, cela vient de
ce que notre vue cft trompée par la vivacité
de leur éclat ; parce que nous ne les voyons
que confulémenc, ôi que nous ne les exa-
minons pas pur ordre: au lieu que quand on
vient à les coiifiicrer plus attentivement ,
S>c même à les diilinguer l'une après l'autre,
îl feioit bien difficile d'en trouver qui
n'aient été marquées dans les cartes ou
les catalogues d'Hevelius ou de Fl.imfiecd.
Bien plus, fi on a devant les yeux un de
ces grands globes , femblabks à ceux de
Blaeu , & qu'on le compare avec le ciel ;
quelque excellente vue que l'on ait , on n'en
pourra guère découvrir, même parmi les
plus petites étoiles , qui n'ait été placée fur
îa furfacc de ce globe. Cepemiant le nom-
bre des étoiles tft prefquc inhni. Riccioli
E T O
(ce qui efl: peut-être exagéré) avance dans
fon almageftc , que quand quelqu'un diroit
qu'il y en a plus de zooco fois zoeoo , il ne
diroit rien que de probable.
En etfct un bon télefcope dirigé vers
un point quelconque du ciel , en découvre
une multitude immenfc , que l'oeil feul ne
peut pas appercevoir ; particulièrement
dans la voie laéiée, qui pourroit bien n'être
autre chofe qu'un alTemblnge d'étoifes trop
éloignées pour êcre vues féparém.ent ; mais
arrangées li près les uuls des autres, qu'elles
donnent une apparence lumineufe à cette
partie des cieux qu'elles occupent. rVye^
Galaxie &' Voie lactée.
Dans la feule conliellation des Pléyades ,
au lieu de fix ou fept e/o/7ej qu'appcrçoit
l'œil le plus perçant , le dotteur Hooke ,
avec un télefcope de douze pies de long ,
en apperçut 78 ; & avec des verres plus
grands , une quantité encore plus grande
de différentes grandeurs. Le P. Rheita ca-
pucin , aflurc qu'il a obfervé plus de deux
mille étoiles dans la leule conftellation d'o-
rion ; il eft vrai que ce dernier fait n'a
point été confirmé. Le même auteur en a
trouvé i1j8 dans les pléyades; 6: Huyghens
confidérant \' étoile qui eft au milieu de
l'épée d'orion , a trouvé qu'au lieu d'une
il y en avoir douze. Galilée en a trouvé 80
dans l'épée d'orion, zi dars ['étoile nébu-
leufe de fa tête , }6 dans l'étoile nébuLule
nomm.ée Prœftpe.
Hn 1605 , Jean Bayer àftroloi^ue alle-
mand , publia des cartes célellcs gravées
où toutes les conllellations loiu delTinées
avec les étoiles vifibles , dont chacune eft
compcfée. Il défigna ces étoiles par des let-
tres grecques, appellant l'une « , l'autre f, ,
&c. ce qui abrège les dénominations : ainfi
on dit VctoiL » de la grande ourle , au lieu
de Vétuik de la féconde grandeur, qui eft à
l'extiémité de la queue de la grande ourfe ,
f-c. . ^
Les changemcns qu'ont éprouvé les étoiles
font très-confid'hables ; ce qui rcnverle
l'opinion des anciens , qui fiiucenoient que
les cieux & les corps c.leftes étoicnt in-
capables d'aucun changement ; que leur
matière étoit permanente & éternelle ,
infiniment plus iklre que le diamint , Se
n etoic point fufceptiblc d'une autre tor-
E T O
me. En effec jul^^u'au temps d^Ariftore ?c
même zoo ans après , on n'avoic encore
ol^fcrvé aucun changemenr.
Le premier fut remarqué l'an 1 15 avant
J. C. Hipparque s'apperçat qu'il paroillbit
une nouv elle c.'o//e; ce qui l'engagea à faire
[on catalogue des éioiks , dont nous avons
parlé, afin que la pofterité put appeicc-
voir les cliangemens de cette clpece qui
pourroient arriver à l'avenir.
En 1571, Ticho-Brahé obferva encore
une nouvelle é.oilc dans Calliopée , qui lui
donna pareillement occalîon de faire fon
nouveau catalogue. Sa grandeur d'abord
furpalloit celle de firius & de la luilante
de la lyre , qui font les plus grandes de
nos écoiks ; elle égaloit même'Xelle de ve-
nus quand elle eft le plus près de la terre ,
&C on l'apperçut en plein jour ; elle parut
pendant leizcmois ; dans les derniers temps
elle commença à décroître , & cnhn dif-
parut toutà-fiiit fans avoir changé de place
pcndant-i©ut-Le temps qu'elle dura.
Leovicius parle tUune autre iioik qui
parut dans la même conftellation vers l'an
945 , Ck relTembloit à celle de 1 571 ; & il
ci:e une autre oblèrvation ancienne , par
laquelle il paroît qu'on avoir vu une nou-
velle étoile dans le même endroit en i 264.
KeiU prétend que c'éioit la même c'/o/'/c ,
ik ne doute point qu'elle ne reparoille de
nouveau dans i jo ans.
Fabricius a découvert une autre nouvelle
éioile dans le cou de la baleine , qui parut
& difparut différentes fois dans les années
1648 &c 1661. Son cours & fon mouve-
ment ont été décrits par Bouillaud.
Simon Marins en a découvert une autre
dans la ceinture d'Andromède en 1611 &
161 5 : Bjuillaud prétend qu'elle avoit déjà
paru dans le quinzième fiecle. Kepler en a
apperçu une autre dans le ferpentaire , &c
une autre de la même grandeur dans la
çonltellation du cygne proche du bec , en
l'année 1601 , qui difparut en ï6i6 ; qui
fiit encore oblervée par Hevelius en 1659,
julqu'en l'année 1661 ; & qui reparut une
iroifîeme fois en i666.&en 1671 , comme
une étoik de la fîxieme grandeur.
Il eft certain par les anciens catalogues ,
que plufieuis des anciennes étoiles ne font
fias vihbles à prél'enc : cela fe remarque
E T O 237
particulièrement dans les pléyades ou lept
ctuiks , dont il n'y en a plus que fix que l'o.il
peut appercevoir : c'ell une obiervation
qu'Ovide a faite il y a longtemps , témoin
ce vers de cet auteur :
QuiV fcptem dici , fex tamcn cffe folcnt.
Ce qu il y a de plus remarquable , c'efl:
qu'il y a des étoiles dont la lumière , après
s'être aftoiblie fucceffivemcnt & par degrés,
s'éteint enfin abfolument pour reparoitre
enfuitc ; parmi ces dernières étoiles , celle
du cou de la baleine ell célèbre parmi les
aftronomes. Il arrive pendant huit ou neuf
mois qu'on ceffe abfolument de voir cette
éioik , ôz les trois ou quatre autres mois de
l'année , on la voit augmenter ou diminuer
de grandeur. Qiielques philofophesont cru
que cela venoit uniquement de ce que la
furface de cette étoile eft couverte , pour
la plus grande partie , de corps opaques ou
taches fcmblables à celles du foleil ; qu'il
n'y rcfte qu'une partie découverte ou lu-
mineufe ; & que cette éteik achevant fuc-
cefïivemenf les révolutions ou rotations
autour de fon axe , ne fauroit toujours pré-
fentcr diredlement fa partie lumineufe :
enforte que nous devons l'apperccvoir tan-
tôt plus , tantôt m.oins grande , & cefler
de la voir entièrement , lorfque la partie
lumineufe n'eft plus tournée vers nous. Ce
qui a fait foupçonner que c'étoicnt des
taches qui caufoient principalement ces
changemens , c'eft qu'en diverfes années
Vésoile ne conierve pas une régularité conf-
tante , ou n'cft pas précifément de la même
grandeur ; tantôt elle égale en lumière
les plus belles étoiles de la féconde gran-
deur , tantôt celles de la troilieme ; en
un mot l'augmentation ou la dimniution
de fa lumière , ne répond pas à des inter-
valles égaux. Elle n'eft vihble quelquefois
que pendant trois mois entiers : au lieu
qu'on l'a vue fouvent pendant quatre mois
& davantage. Cependant cette opinion des
philofophes fur l'apparition & la difparition
des étoiles n'cft guère vraifemblable , fi on
conlidere que nonobftant quelques irrégu-
larités, Véteik de la baleine paroît &c difpa-
roît aftèz régulièrement dans les mêmes
faifons de l'aimée ; ce qu'un ne doit pas
raifonnablcment foupçonner dans 1 hypo-
thele ues taches qui.peu. cm fe détruire ou
230
E T
O
i-enakre fans obfcrver d'ordre , foit pour
les temps , foit pour les faifons : il eft bien
plus fimple de (uppofer , comme a fait
M. de Mauperiuis dans Ton livre de la figure
des aftres , que ces (ortes A' étoiles ne font
pas tondes comme le foleil , mais confide-
rablcment applaties , parce qu'elles tour-
nent fans doute très rapidement autour de
leur axe. Cette fuppofition efl d'autant
plus légitime , que l'on voit parmi nos pla-
nètes celles qui tournent le plus rapide-
ment autour de leur axe , être bien plus
applaties que les autres. Jupiter , fclcn
l'ûbfervaticn de M. Picard , faite en 1 668 ,
de félon les niefures de MM. CalTini &
Pound , cil: confidérableme;ît applati : ce
qu'on ne peut pas dire des autres planètes :
auffi Jupiter tourne-tdl très-rapidement fur
fon axe. Pourquoi donc ne kroit-il pas
permis de fuppofer des éroiles fixes plus ou
moins applaties , félon qu'elles tournent
plus ou moins rapidement? D'ailleurs com-
me de grolles planètes peuvent faire leurs
révolutions autour de ces éioiks , & chan-
ger à notre égard la fituation de l'axe de
ces corps lumineux , il s'enfuit que lelon
leur inclinaifon plus ou moins grande , ils
paroitront plus ou moins éclatans , jufqu'à
ne nous envoyer qu'une très petite quantité
de lumière. Foy. la figure des ajircs de M. de
Maupertuis , c.vij.p. 114, féconde édition.
Montanari dans une lettre qu'il écrivit à
la fociété royale en 1670, obferve qu'il
y avoir alors, de moins dans les cieux, deux
Claies de la féconde grandeiir dans le nav ire
Argo , qui ont paru jufqu'à l'année 1664 ;
il ne fait quand elles commencèrent n rlil-
paroitre , mais il afliire qu'il n'en rtfloit
pas la moindre apparence en 166S : il
ajoute qu'il a obfervé beaucoup d'autres
ciiangcmens dans les éioilcs fixes , &: il fait
monter ces changemens'i plus de cent. Nous
ne croyons pas cependant que ces prétendues
obfervations de ^iout•ll,'>arl méritent beau-
coup d'attention , puifqu il eft vrai , lelon
M. Kircb, que les deux belles étoiles .que
Montanari prétend avoir perdu de vue ,
ont été apperçues continuellement depuis
Ptolomée jufqu'à ce jour , à un figne au-
delà , ou 30 degrés loin de Tendroit du ciel
où on les clierchoit. Ces étoiles, dit Mon-
tanari , fonr marquées ^ &c y dans Bayer ,
E T O
proche le grand chien. L'erreur des carreS
(le Bayer vient !ans doute de ce que cet
auteur s'en eft rapporté aux traductions la-
tines du texte de Ptolomée ; au lieu que
l'édition grecque de Balle nous apprend
qu'il falloit chercher ces étoiles dans!e vieux
catalogue vers le 15 degré du lion , & non
pas au 15 de l'écrevjllè.
Comme il y a des étoiles qui ne fe cou-
chent jamais pour nous ( i'o)£^ Circon-
POLAiRE ) , il en eft d'autres oui ne fc
lèvent jamais ; ce font celles qui font à une
diftance du pôle auftral , moindre que no-
tre latitude. M. Halley en a voit déjà drede
un catalogue ( voyei_ Constellation ) ;
M. de la Caille dans fen voyage récent au
cap de Bonne-Elpérancc , ailure avoir fait
en peu de temps un catalogue de plus de
cjSoo étoiles compiifes entre le pôle auftral
& le tropique du capricorne \ il a conftruit
un planilphére de 1940 de ces étoiles; le
temps en apprendra i'exadlitude.
Nature des étoiles fixes. Leur éloignemenc
immenfe ne nous permet pas de poulfer
bien loin nos découvertes lur cet objet :
tout ce que nous pouvons en appprendre de
certain par les phénomènes , fe réduit à ce
qui fuit.
1°. Les /ro//t'5_^j.-ej brillent de leur pro-
pre lumière ; car elles (ont beaucoup plus
éloignées du ioleil que iaturne , & paroil-
fent plus petites que faturne : cependant
on remarque qu'elles font bien plus bril-
lantes que faturne ; d'où il eft évident
qu'elles ne peuvent pas emprunter leur
lumière de la même fource que faturne,
c'eii-à-dire , du foleil. Or puifque nous
ne connoiilons point d'autre corps lumi-
1 ncux dont elles puillent tirer leur lun-;iere ,
} que le ioleil , il s'cniuit qti'elies brillent de
j leur propre lumière.
On conclut de-là 2.°. z[\it\ts étoiles fixes
font autant de foleils : car elles ont tous
les caracftetes du foleil ; favoir l'immobilité,
1,1 lumière propre , d-c. Foye^ Soleil.
5°. Qu'il ell très-probable que les étoiles
ne font pas plus petites que notre ioleil.
4"". Qu'il eft fort probable que ces éioiles
ne doivent point être dans une même fur-
facfc fphéiique du ciel ; car en ce cas elles
(eroient toutes à la même diflance du fo-
leil , &c difteieiiimcnt diftantcs eiitt'ellcs ^
E T O
comme elles nous le pTroifTent : or pourquoi
cecce rcgiilarité li'uiK' p irc , C>: ceitc irrégu-
larité Je l'autre î D'ailleurs pourquoi notre
foleil occuperoit-il le ce.uie de cette fphere
des étoiles ?
5°. De plus, il eft bien niturd de penfcr
que chaque étoile eft le centre d'un lyi'tème ,
éc a des planètes qui font leurs révolutions
autour d'elle de la même manière que notre
foleil ; c'eft-à-dire , qu'elle a des corps opa-
ques qu'elle éclaire, échauffe, & entretient
par la lumière : car pourquoi Ditn auroit-il
pl.icé tant de corps lumineux à de li grandes
dacances les uns des ancres, (ans qu'il y eût
autour d'eux quelques corps opaques qui en
reçiidcnt de la lumière & de la chaleur ?
Rien ne paroit allurément plus convenable
à la Sagelfe divine qui ne fait rien inutile-
ment. Au refte nous ne donnons ceci que
pour une légère conjedture. Koy. Plura-
lité DES Mondes. Les planètes imaginées
autour de certaines étoiles , pourroicnt fer-
vir à expliquer le mouvement particulier
qu'on remarque dans quelques-unes d'elles,
ëc qui pourroit être caulé par l'adtion de ces
planètes , lorfque la théorie de la prcceiTion
& de la nutation ( voye[ ces mots ) lie fuffit
pas pour l'expliquer. C'ell ainli que le foleil
elh tant loit peu dérangé par l'aCl-ion des
fept planètes , fur-tout de Jupiter & de Sa-
turne. Voy€[ mes recherches fur lejyfiéme du
monde, II partie, ch. iv.
Mouvement des étoiles. Les étoiles fixes ont
en géne'ral deux fortes de mouvemens appa-
rens : l'un qu'on appelle /rem/er, commun ,
ou mouvement journalier , ou mouvement du
premier mobile; c'eîl par ce mouvement
qu'elles paroilfenr emportées, avec la fphere
ou firmament auquel elles font attachées
autour de la terre ; d'orient en occident ,
dans l'efpice de vingt-quatre heures. Ce
mouvement apprirent vient du mouvement
réel de la terre autour de fon axe.
L'autre , qu'on appelle le fécond mouve-
ment, eft celui par lequel elles paroilfent fe
mouvoir fuivanc l'ordre des lignes , en
tournant autour des pôles de l'écliptique
avec tant de lenteur , qu'elles ne décrivent
pas plus d'un degré de leur cercle dans
refpace de 71 ou 72 ans , ou ; i fécondes
par an.
E T O 439
Quelques-uns ont imaginé , on ne fait fur
quel fondement , que quand elles feront
arrivées à la fin de leur cercle au point oij
elles l'ont commencé , les cieux demeure-
ront en repos , à moins que l'Etre qui leur
A donné ti'abord leur mouvement , ne leur
ordonne de faire un autre circuit.
Sur ce piéle monde doit finir après avoir
duré environ 50000 ans , fuivant Ptolo-
mée; Z5S16 fuivant Tichoj 1592.0 fuivant
Riccioli, & 24S00 fuivant CaiTlni. Voyc[
PKtcEssiON DES E()j!.riNox,:s. Mais cc Cal-
cul cil appuyé lur une chimère.
En comparant les obfervations des an-
ciens aftrunomes avec celles des modernes,
nous trouvons que les latitudes de la plu-
part des étoiles fixes (ont toujours fenlible-
ment les mêmes ; abftraétion faite de la
nutation prefque infcnfible de l'axe de la
terre_ ( V^oye-^ Nutation ) ; mais que leur
longitude augmente toujours de plus en
plus , à caufe de la précelTîon.
Ainli , par exemple , la longitude du
coeur du lion fut trouvée par Ptoloméc ,
l'an 158, de itlj'i en 1 115 les Perfans
obfcrverent qu'elle étoit lyd ^o'; en 1564
elle fut trouvée par Alphonfe de 20^ 40' ;
en 15 86 , par le prince de Heiïe, 24«1 11';
en 1 60 1 , par Ticho , 24<1 1 7' ; & en 1 690 ,
par Flamlleed , 25^ 5 1' 20" ; d'où il ell aifé
d'inférer le mouvement propre des étoiles ,
(uivant l'ordre des lignes, fur des cercles
parallèles à l'écliptique.
Ce fut Hipparque qui foupçonna le pre-
mier ce mouvement , en comparant les
oblervations de Timocharis & Ariflille ,
avec les lîennes. Ptolomée qui vécut 500
ans après Hipparque , le démo)ura par des
argumens inconteftables. f^oye^ Longi-
tude.
Tycho-Brahé prétend que l'accroiffe-
ment de longitude eft d'un degré 25' par
chaque liecle ; Copernic , d'un degré 2 /
40" 1 1"; Flamftted & Riccioli , d'un degré
25' 2c"; Bouillaud , d'un degré 24*54";
Hevelius, d'un degré 24' 46" 50'"; d'où il
réfulce , fuivant Flamlteed , que l'accroifTe-
ment n.nnuel de longitude des étoiles fixes
do.t être fixé à 5".
Cela pofé, il eft aifé de déterminer l'ac-
croificment de la longitude d'une étoile
pour une année quelconque donnée ; &
240 E T O
"■de - là la longitude d'une étoile pour une
année quelconque éranc donnée , il cft aifé
de trouver fa longitude pour toute autre
année : par exennp'.e la longitude de Sirius ,
dans les tables de M. Flamlleed pour l'an-
née 1690 , étant p'' 49' 1", on aura fa lon-
gitude pour l'année 1714, en multipliant
l'intervalle de temps , c'eft-à-dire , 54 ans
par 50" ; le produit qui eft 1700" , ou z8
20", ajoute à la longitude donnée, donnera
la longitude io<l 1 7' z 1".
Au refte la longitude des étoiles efl fujette
à une petite équation que j'ai donnée dans
mes Recherches fur k fyjléme du monde , II
part, page iSg , & je remarquerai à cette
occafion , qu'au bas de la table fuivante ,
page tgo du même ouvrage, pour la correc-
tion de l'obliquité de l'ccliptique , les mots
ajoutés & otés ont été mis par mégarde l'un
à la place de l'autre.
Les principaux phénomènes des étoiles
fixes qui viennent de leur mouvement com-
mun & de leur mouvement propre appa-
rens , outre leurs longitudes , font leurs
hauteurs , afcenfions droites , déclinaitons ,
occultations , culminations , lever & cou-
cher. Fuj'f^ Hauteur , Ascension, Dé-
clinaison, Occultation, &c.
J'oblèrvcrai feulement ici que la mé-
thode donnée au mot Ascension pour
trouver l'afcenfion droite , n'a proprement
lieu que pour le loleil ; ce qu'on appelle
dans cet article le colinus de la déclinaifon
de l'aftre , ell le cofinus de l'obliquité de
l'édiptique. Pour trouver l'afceniion droite
des étoiles en général , on peut fe fervir des
méthodes expliquées & détaillées dans les
inflitutions agronomiques de M. le Monnier,
pages 5 §3 £• ^Sj. Nous y renvoyons le
ledeur.
Le nombre des différentes étoiles qui for-
ment chaque conftellation , par exemple
le taureau , le bouvier , hercule , f-c. H'
peut voir fous le propre article de chaque
conftellation ; Taureau , Bouvier, Her-
cule , f-c.
Pour apprendre à connoître les diffé-
rentes étoiles fixes par le globe ; voye^
Globe.
' Voye'^ les élérnens d'yifrvnomie de Wolf ;
les diâionnaires d'Harris & dcChambers;
les mémoires de l'académie des fcietices ; les
E T O
injlitutions agronomiques de M. le ^îonnîer \
d'où nous avons tiré une grande partie de
cet article. {O)
§ ETOILE, mouvement des étoiles ,
( Ajironom. ) Les mouvemens généraux que
l'on vient d'expliquer , affedtent toutes les
étoiles , & le manifeftent au bout de p!u-
iieurs fiecles; m.ais il y a quelques étoiles
qui forment exception à ces règles , &c qui
ont eu un mouvement propre , un déran-
gement phyfique dont on ignore la caule ,
& qu'on tâche de déterminer par obfer-
vation.
On peut dire cependant qu'en général les
étoiles iont immobiles , & il n'y en a qu'un
petit nombre auxquelles on ait apperçu de
femblables dérangemens. Ce qui preuve
allez l'immobilité des étoiles , ce font les
alignemens obfervés autrefois , & qu'on
retrouve conftamment les mêmes. Ptol.
Alm. liv. VII , cliap. î ; Tycho. Frog}'m.
tom. I , pag. 2.34. Riccioli rapporte plus de
vingt-cinq exemples d'étoiles qui , prifes
trois à trois , paroiHentexaftcment en ligne
droite , AJlr. réf. pag. ioj ; telles font la
chèvre avec le pié précédent du cocher
&: akkbaran , les deux têtes des gémeaux
avec le col de l'hydre ; le badin auftral
de la balance , avec arfturus & la moyenne
de la queue de la grande ourle ; les deux
étoiles boréales de la tête du béUer , & la
luiiante au genou de perfée : celles qui
avoient autrefois cette polîtion rediligne ,
la confervent encore , du moins autant
qu'on peut en juger à la vue; ainli lesé(o/7eî
font à peu près fixes , & les dérangemens
dont il s'agit ici , ne tombent que fur un
petit nombre.
M. Halley , en exi'.minant les pofitions
des étoiles qui font dans le feptJeme Uvre
de X'Almagefie , pour en déduire la précef-
iion des équinoxes , apperçut que trois des
principales étoiles , aldebaran , l;rius &
arclurus , avoient changé de latitude en \>:.\
fcns contraire au changement de toutes les
autres , & contraire à ce qu'exige la dimi-
nution tic l'obliquité de l'ccliptique. Philof.
Ttûnf 1718 ipeg.SjS- Suivant M. Halley,
aldebaran devroit être aéluellement i j' plus
au nord , & il eft lo plus au fud que dans
Ptolémée, par rapport à l'édiptique; fuius
dcvioit être 10' plus au nord , is: il eft li
plus
E T O
plus au fïid ; arttiirus qui ilevroit avoir à
p^u piès la même latitude , tlt 5 3' plus au
midi ; l'épaule orientale d'orion eft ;iu con-
traire plus au nord d'un degré , que fuivant
le catalogue de Ptolomée. On ne peut pas
■ fciupçonncr des erreurs de copillcs dans ces
pofitions , parce que les déclinaisons rap-
portées dans d'autres endroits du livre s'ac-
cordent avec les longitudes inférées dans
le catalogue: on ne peut pas attribuer cette
différence à l'erreur des oblervations , parce
qu'on voit celles d'Arirtylle Se de Tymo-
charis d'accord avec celles d'Hipparque &
de Ptolémée.
M. Callîni , ayant comparé Içsobferva-
tions faites par M. Richer , en 1671 à
Cayenne , trouve qu'alors la latitude d'arc-
turus étoit de 50° 57*1 5"; or en 1738
M. Cailîni l'ohlerva de 30° 55' i(5" ; ainfi
dans un intervalle de 66 années , aréturus
s'cft rapproché de l'écliptique de deux mi-
nutes. Les obfervations de Tycho-Brahé
conrîtment cette détermination. M. le Mon-
nier a trouvé le mouvement de 1 en jj
ans , ce qui fait 1' 50" en 66 ans : ce mou-
vement ell encore prouvé par les obferva-
lions de M. CalTini de Tluiri, Mém. Acnd.
de Paris 175J, Il y a près d'arélurus une
petite étoile , marquée b dans nos cartes cé-
leftes , qui efl: très-propre à faire appercc-
voir le mouvement réel d'aréVurus. Leur po-
fition refpcdiive achangéconfidcrablement
depuis le temps de Flamileed , & le change-
ment ed: tout entier en latitude.
Le changement de latitude n'cft pas 11
fenilblcdansfuius, du moins par les obfer-
vations modernes ; car M. CalTîni ayant
calculé les obfervations de Tycho ,a tr.-ivé
la latitude pour ces temps là 39° j z' ic".
Flamlcecd la trouva de 59° 31' 8" pour
1690. Par les obfervations de M. Richer ,
faites en 1671 , M. Calfuii la trouve de
?9° 9'' Sf ' tandis que lui-même, vers
1758, l'a obfervée plus grande d'une mi-
nute, aulfi bien que AL de la Caille , qui
t-ïouve 59° 3z' 5S" 4- pour i7;o.Ainû iln'y
a guère qu'une minute d'augmentation de-
puis un hecle. Voy^^ Mém. Acad. de Paris
1758 , ptig. ii^j ; mais cette latitude auroit
dû diminuer de plus d'une minute , par l'ef-
fet général dans cet intervalle de temps.
Ainfi il y a un changement propre de plus
Tome XIII.
E T O 241
de deux minutes dans le vraidieu de firius ,
qui s'efl avancé vers le midi.
Il eft difficile de déterminer les variations
d'aldebaran , qui )ufqii'à préfent ont paru
fort irrégulieres , comme je l'ai fa-t vo!r ,
Mcm. de lyfS , p. 344; fa latitu.te que
nous trouvons de y" 19' o" , eft de 5" 29' f o"
dans le catalogue de Flamfteed. M. CalTini
trouve , par les obfervations de Tycho, que
cette latitude en i jSp , étoit de 5" 30' zj",
Mém. de 1738, pag. 540 ; elle piroit donc
avoir diminué: mais cette diminution de-
vant avoir lieu par la théorie générale , elle
n'indique pas de mouvement piopre. Cepen-
dant NL de la Caille m'a dit que d.tiis le
grand nombre de réduûior.s qu'il avoir fai-
tes de fes obfervations fur aldcbaran , il
avoir trouvé louvenr des irrégularités de i y
à zo , qu'il ne pouvoit attribuer qu'à des
variations particulières à cette étoile. Tycho-
Brahé s'étonnoit au<ïi de la grande différen-
ce qui fe trouve entre les latitudes d'alde-
baran, déduites des obfervations de T^ttI'^
charis, d'Hipparque & de Ptolémée. V. ce
que j'en ai dit dans les Mémoires de 1758
p. ^44 : il paroit que ces variations d'alde-
baran font très-irrcgulicres ; mais qu'elles
font petites aétuellemenr.
M. Caffini trouve auiTi des variations en
latitude dans rigel , l'épaule orientale d'o-
rion regulus , la chèvre & l'aigle ; la diffé-
rence de latitude entre la luifrnte de l'aigle ,
&: l'étoile C de la même conftellntion eft
plus grande de 3 6' qu'au temps de Ptolémée,
& de z ou 5' que luivant les obfervations
de Tycho.
M. CalTîni ayant examiné auffi , en 1738,
le mouvement des éoilcs en longitude , a
reconnu que depuis Fiamilieed , c'cft à-
dire , dans l'efpace de quarante- huit années,
la luifrnte de l'aigle s'étoit éloignée de 48"
en alcenfion droite de celle qui la précède,
& s'étoit approchée de 73" de celle qui la
fuit. Par les obfervations de Tycho , on
trouve ces différences de 4 14", & de -
pour 1 38 ans ; d'où il fuit que ces étoiles ,
ou du moins deux d'entt'elles , ont eir un
mouvement réel &C particulier en afcenfion
droite , Mém. Acad. de Paris 1738.
J'ai appris de AL Kxftner , fccrétaire de
l'académie de Gottingen , qu'il y avoit un
mémoire de feu M. Mayer , déjà lu dans les
H h
^4^ E T O
afTemblécs de cette fociété , fur le mouve-
ment propre de quelques étoiles , & je ne
doute pas qu'il n'y ait dans cet écrit des
chofes très-curieufes.
Nous ne pc uvons attribuer la caufe de
ces variations dans les étoiles qu'aux attrac-
tions des ditférens corps célcftes , les uns
fur les autres; mais il fe pallera bien des
fiecles avant qu'on en connoille la loi & la
mefure. Les étoiles de la première grandeur,
qui font probablement les plus proches de
nous, font celles où ces variations (ont plus
lènfibles ; mais je ne doute pas qu'il n'y en
ait de pareilles dans les autres étoiles : en
attendant , il me femble que ce doit être
une raifon pour les aftionomes d'employer,
quand ils le peuvent , les étoiles de la troiiîe-
me grandeur dans leurs recherches lur le
mouvement des planètes , au lieu des étoihs
les plus brillantes.
Parallaxe annuelle des étoiles fixes. Quoi-
qu'il (oit démontré actuellement que la
parallaxe annuelle eft iibfolumcnt infenlible
& comme nulle dans les étoiles fixes , j'ai
cru qu'il étoit nécefTaire d'en donr.er au
moins une courte explication , puilque la
qutftion a été agitée li fouvent , ik même
en 1760 ; je démontrerai d'une manière
plus limple qu'on ne l'a fait jufqu'ici la -loi
des variations qui devroient en réfulter. Soit
i' le iuleil , pi. d'AJlron. Suppl. des pi. fig.
J3. AB le diamètre du grand orbe que la
terre décrit chaque année , yi le point
où fe rrouvela terre au i janvier, -Ble point
où elle cR au i juillet, E une étoile qu'on
appcrçoit fur le rayon A E ■■, \a ligne /î B
écant dans le plan de l'écliptique , & l'orbe
de la terre étant conçu perpendiculaire au
plan de la figure , en forte qu'on ne le
■voie que fur fon épaifleur , 1 angle E AB
cft la latitude de Vétoile ; mais quand la
terre fera en C Vétoile étant en oppohtion
par rapport au foleil , elle paroura fur
le rayon B E Si ù latitude apparente
itra l'angle E^C; cette latitude EBC
tl\ plus grande que la latitude E A B
qui avoit lieu au temps de la conjonélion ,
& la différence eft l'ang'e A E B , donc la
moitié A E S tH la parallaxe annuelle en
latitude.
Si la défiance S E de \'>'tolk fixe eft
deux cent mille fois plus staiidc que la
E T O
diftance S" ^ du foleil à la terre , l'angle
A E S fera d'une féconde , &: la latitude
E A S d'une étoile en conjonftion fera
plus petite de 1' que la latitude E B C de
VétoHe obfcrvée dans fon oppodcion ; en
fuppofant que la latitude de l'étoile foit à
peu près de 90 degrés. Copernic , en dé-
montrant par pludeurs railons le mouve-
ment de la terre , ne diiïimula pas cette
objection, Cop, l.I.cap. 10. Pour que la
latitude des étoiles paroifle la même en
tout temps de l'année , malgré le mouve-
ment de la terre , il faut que la diftancc
des étoiles foit li grande , que l'oibite de
la terre n'y ait aucun rapport feniible ,
& que l'angle A E S foit comme infini-
ment petit ; mais , dit-il , je penfè qu'on
doit plutôt admettre cette grande dii-
tance des étoiles que la grande quantité
de mouvemens qui auroient lieu fi la terre
étoit immobile ; j'ai fait voir dans le
V^. livre de mon AJlronomit combien il fau-
droit admettre d'abfurdités, avec l'immo-
bilité de la terre; au lieu que la grande
dillance des étoiles eft un fait que rien ne
contredit , & qu'il elt très-aifé de conce-
voir.
Si l'étoile qui cft éloignée du foleil de la
quantité S E ,fig. tx , étoit fit uée au pcle
P de l'écliptique , & à la même diftance
S P -.= S E , fa parallaxe ablolue fcroit
S P A ; appelions p cette parallaxe ablo-
lue qui eft la plus grande de toutes , & cher-
chons quel icia fon effet dans d'autres pofi-
tions.
L'étoile étant en E fur le pl.ui E A B C
d'un cercle de latitude perpendiculaire à
l'cc'iptique, & la terre au point A, la
parallaxe de latitude S E A e(i égale à
p. fin. EAS, c'elV à-dire, égale à la
parallaxe ablolue multipliée par le lînus
de la latitude de l'étoile ; ce qui fe dé-
montre de la même manière que la for-
mule de l'art. lifS de mon Ajhonomie :
ainli la plus grande parallaxe en latitude ,
celle qui a pour baie le rayon S A de
Horbite terreftrc , cft égale à p fin. lar.
Cette parallaxe fait paroître l'étoile plus
près de l'écliptique , tk diminue fa latitude
quand ta terre eft en A , & quc l'étoile E cft
en conjonction avec le (uleil , au contraire ,
la latitude appareute eft la plus £,r.uide
E T O
an temps de l'oppoîkvon , (oit pour les Stoiks '
boréales, foit pour celles qui font au midi
de IVcliptique.
Si l'on conçoit la terre tourner dms Ton
orbite, dont A B c^ le diamètre Se dont le
plan eft (ira? perpendiculairement au plan
de la ligure Se :u plan du triangle E A B ,
on concevra Facilement que la terre étant
I 90'^ de points A de B , eile repondra per-
pendiculairement au pv.nt S , l'angle EA C
fera égal à ESC, c'eft à-dire , la latitude
apparence égale à la vraie; ainfi il n'y a
po-.nt de paralUxe en laticude quand l'étorlc
E eft en quidritiire , c'eft-à-dire , qu'elle
répond à 50° du loleil le long de l'cclipti-
que , trois mois après la conjondtion ou
roppofition.
Dans toute autre fituation de la terre ,
par exemple , lorfqu'elle répondra au point
i', la ligne S F lera le fmus de la diftance
de la terre an point de la quadrature , &
•S" F fera la bafe d,un angle, égal à l'angle
S E F , qui eft la pardlaxe de latitude ;
donc la parall ixe en latitude eft proportion-
nelle au lînus de la diftance à la quadra-
ture , ou au cofinus de l'élongation de
Vétoi/e au foleil. Si l'on appelle L la latitude
de ['cfoik, E fon élongation ou la longitude
de Vétoile moins celle du (oleil , on aura
la parallaxe en latitude pour un • moment
donné , p, fin. L. cof. E qui fera addi-
tive à la latitude vraie , tant que l'Ao/7e
fera plus près de l'oppolîtion que de la
coiijondtion. Qiiand on aura la plus gran-
de parallaxe en latitude qui eft p. fin. L ,
il fijfiîra de la multiplier par le cofinus
de l'élongation pour avoir la parallaxe
actuelle de latitude pour un moment quel-
conque.
La parallaxe de longitude fe déterminera
par les mêmes principes , & avec la même
facilité. Nous confidcrons d'abord une éroik
E , fig. 1^ , fituée dans le plan même de
l'écliptique ou de l'orbite de la terre
AFBG., foit ABCXa. ligne d'où l'on
compte les longitudes , l'angle ESC la
longitude de Véioile E vue du loleil 5 ; fi la ■
parallaxe A E S eft de 10", la longitude /
de Vétoile paroîtra plus petite de 10" dans la
première quadrature, la terre étant en A eft
plus grande de 10" dans la quadrature fui-
Tante , la terre étant en B. Si la parallaxe
E T 0 245
A F. s , qui a pour bafe le finus total A S ,
vient enfuitc à avoir pour bafe le finus D H,
elle duTiinuera dans la même proportion;
à jod de l'oppolition F le finus H D étant
la moitié deS A , la parallaxe ne fera plus
que 5" , en général clic croîtra comme le
le finus de la diftance à l'oppofition , ou
comme le iinus de l'élongation ; ainfi la pa-
rallaxe en longitude fera ;>. fin. E; fi donc
on décrit un demi cercle H I K , fig. i^,
dont le demi diamètre C K (bit de 10" , &
qu'on prenne l'arc I D égA a. l'élongation
de Vétoi/e, le Imus X D ou la portion C M
du rayon exprimera la parallaxe en longi-
tude ; cela fuppofe , comme je l'ai dit , que
Vétoile E foit ficuée dans le plan de l'éclip-
tique.
Si Vétoile , au lieu d'être dans le plan
de l'écliptique, étoit relevée au delfiis du
plan , il n'y auroit qu'à abaillcr de Vétoile
une perpendiculaire fur le plan , & choifir
le point E oii tombe la perpendiculaire ,
on dira du point E la même chofe , &
Vétoile fera fujette aux mêmes apparences
que le point E , quant à la longitude
rapportée fur l'écliptique; mais fi l'on veut
conlidérer l'effet de la parallaxe dans la
région de Vétoile , foit O , fig. t^ , le vraî
lieu àtVétoile qu'il faut concevoir relevé
au deflus de la figure ou du plan de l'é-
cliptique , & ré^ioniant perpendiculaire-
ment fur^ le point E où tombe la per-
pendiculaire O E , la diftance S E qui eft
la même qne dans la fig. i^ , eft plus
petite que la vraie diftance abfolue S O
de Vétoile dans le rapport du colînu^ de
la litirude^ ou de l'angle E S O au finus
total ; ainfi la parallaxe de Vétoile O pnfe
de droite à gauche ou d'occident en orient,
fera plus petite que la parallaxe du point E ;
mais elle fuivra les mêmjs proportions
dans fes accroilfemens : iî donc on ap-
pelle p la parallaxe abfolue de Vétoik
licuée en O , on aura pour la parallaxe
1 ■ 1 P-J}'i- E
en longitude ^^^ — ; quand Véioile pa-
roîcra en quadrature, fin. E fera égal au
rayon que nous prenons toujours pour
unité , & l'on aura la plus grande paral-
laxe en longitude ~-'-~ — ; ainfi la pa il-
eol. L, '
laxe aduelle pour une fituation donnée efl
Hh 2
244 ET O
égale à la plus grande parallaxe multipliée
par le fiiuis île l'élongation.
Au moyen des deux formules précéden-
tes, il eft aiféde dcmontr.-f que les étoiles
paroifl'ent décrire une ellipfe pai l'cftct de
la paralUxe. Soit C , fig. î£ , le vrai lieu
de l'étoile , vu du centre du fôleil , C O la
plus grande parallaxe en latitude p. fm. L ,
qui a lieu dens les (iligies , C H ou C K la
plus grande parallaxe en longitude melurée
lur un grand cercle égale à la parallaxe
abfolue qui a lieu dans les quadratures , le
point II à l'orient dins la première quadra-
ture, puifque trois mois après (a conjonc-
tion la long'tudede Vétoile ell la plus gran-
de. Dans les autres temps de l'année Vétoile
paroitra en un point F , fa parallaxe de
longitude étant égale z C K, Im. £ , & fa
parallaxe de latitude F M ow C G égale à
C O cof. E ; delà il fjit que le point /" eft
fur la circonférence d'une ellipfe dont C K
eft le grand axe , & C O le petit axe 5 car
la propriété de rdliplc el} que les abfcilfes
C M étant les fiiius de 150 , ^0° , Êc pour
le rayon C K , les ordonnées A E lont
les cofînus des mêmes arcs pour le rayon
CO.
Les deux ellipfes que l'on voit dans la
_^g. i6 , font celles qu'arclurus & firius
doivent paroïtrc décrire en vertu de la
parallaxe , en fuppofant que la parallaxe
abfolue àv chacune de ces étoiles foit égale
au demi- axe de Tellipfe qui la repréfente ,
la ligne horizontale S A eft paraâlele à l'é-
quateur, & ces ellipfes font difpofées de
manière à faire voir pour chaque mois de
l'année dans quelle proportion la différence
d'afcenfion droite tfî de déclinaifon entre
ces deux étoiles devroit paroître différente ,
fuivant les divers temps de l'année, en vertu
des lois de la parallaxe que nous avons ex-
pliquées.
Si une étoile étoit fîtuée au pôle même
de l'écliptique , la parallaxe de latitude
feroit toujours égale à la parallaxe abfolue ,
égale à l'angle A P S , jig. zz , &c l'ellipfe
de la parallaxe deviendroit un cercle. Dans
ce cas, la longitude appaicnte de Vétoile
feroit toujours égale à la longitude du foleil;
foit P Jig. 17 , le polt de l'écliptique ou
le pale du cercle A B CD que la terre dé ■
cric P a ou P i la valeur de la parallaxe
E T O
abfolue , la terre étant en A verra Vétoik
en a le plus près du point C de l'éclipti-
que où répond alors le lolcil , puifque la
latitude de Vétoile eft toujours la plus petite
quand elle efl: en conjondion ; de même
quand la terre fera en B , Vétoile paroitra
en l> , répondant toujours au point de l'é-
cliptique oppole à celui oii eft la terre,
& par ce moyen elle paroitra décrire le
petit cercle a l> c autour du pôle de l'éclipti-
que dans l'elpace d'un an ; c'eft ainlî que les
ellipfes de lajz». 1 6 , s'elargiroient & devien-
droient des cercles , (1 les latitudes de lîrius
Se d'arclurus augmcntoient jufqu'à devenir
de 9C°.
Tycho-Brahé obferva Vétoile polaire avec
foin en divers temps de l'année , & n'y
trouva aucune différence , Kep. Epit. ajlr.
^<)^ ; il étoit prouvé par- là que la parallaxe
annuelle de Vétoile polaire n'étoit pas de
30". Le P. Riccioli obferva enfuite des
hauteurs de lîrius trois mois avant & trois
mois après l'oppofition , & il n'y rem.ar-
qu'.i aucune altération , Almag. x , 415 }
mais quoiqu'il crût qu'une différence de
10" devoir être fenlible dans fes obfetva-
tions, il me paroît qu'elles n'étoient pas
aufli exaétcs qu'il le croyoit , car il y a
au moins iG" de différence entre les
hauteurs de firius au printemps & en au-
tomne.
M. Picard, dans fon Voyage d'Uroi:i~
bourg , p. 18 , en rapportant les obferva-
tions de la hauteur du pôle qu'il y fit en
1671 , dit que hors le temps auquel on peut
prendre les deux hauteurs méridiennes de
Vétoile polaire , il n'y a pas grande fiireté à
s'en fervir pour obferver la hauteur du
pôle , parce que d'une faiibn à l'autre cette
étoile louffre certaines variations que Tycho
n'avoir pas remarquées , & que j'obferve ,
dit-il , depuis environ dix ans ; quoique
l'eVo/ïe polaire , s'approche du pôle de 20"
chaque année, il arrive néanmoins, fui-
vant M. Picard, que vers le mois d'avril
la hauteur méridienne Si inférieure de cette
étoile devient moindre de quelques fécondes
qu'elle n'avoit paru au folftice d'hivtr pré-
cédent , au lieu qu'elle devroit être plus
grande de 5" ; qu'enfuite aux mois d'août
&.' de fèptembre fa hauteur méridienne fu-
pétieuie fe trouve à peu près telle qu'elle
E T O
avoit <*té ob(êrvée en hiver , & même
quelquefois plus grande , quoiqu'elle clùc
être diminuée de lo à 15 ; mais qu'enfin
vers la hn de l'année tout fe trouve coni-
penfé.
Qu'il me fbit permis de remarquer ici
par avance , à l'honneur de ce grand adro-
nome , que ces obfervations font confor-
mes , autant qu'elles pouvoient l'être , aux
Jjhénomenes de l'aberration découverte fi
ong-temps après , & obfervée Ci fcrupu-
leufement; car l'étoile polaire doit paroitre
plus bflflè de 1 9" au commencement d'a-
vril , lorfqu'elle parte au méridien dans la
partie inférieure de fon cercle , qu'au folf-
ticc d'hiver, & la hauteur fupérieure de
l'étoile polaire doit paroître de 19',' plus
grande au commencement de feptembre
qu'au folftice d'hiver , ce qui s'accorde
avec l'obitrvation de M. Picard; ainfice
célèbre obfïrvateur a eu la gloire de faire
la première découverte de raftrononiie
moderne lur les f'ro/7«^A-ej , & de jeter les
fondemens de toutes celles que l'on a faites
depuis.
Le dofteurHook , célèbre dans prefqie
tous les genres de littérature , & qui fe
regardoit lui-même comme le plus favant
homme de l'Angleterre , voulut aulTi avoir
l'honneur de déterminer ces variations ,
un attempt to prove tht motion of the earth
from objervations niade by Robert Hoo'<:.
London, iSj^. 4°. z8 pa^. Il avoit placé au
collège de Gresham une lunette de 36 pies ,
avec laquelle il avoit oblervé les dillances
au zénii de y du dragon , il trouva , dit-il ,
en 1669 cette étoile de 15" plus au nord le
é juillet que le 11 oétobre,& M. Flamfteed
en concluoit , aulTî bien que lui , la paral-
laxe annuelle ; & en effet ces obfervations
du docteur Hock font auflï exaélement
d'accord avec la théorie des parallaxes ,
que (1 on 'ts y eût ajuftées par avance , en
fuppofint que la parallaxe de y du dragon
écoit de ij".
Flamfteed , ayant obfervé lé'toik polaire
avec fon mural en 16S9, ik dans les an-
nées fuivantes , trouva que la déclmaifon
étoit plus petite de 40" au mois de juillet
qu'au mois de décembre ; ces obfervations
croient juftcs, mais elles ne prou voient
E T O 245
point la parallaxe annuelle , comme le fie
voir M.CalTlni , M/m. acnd. de Paris 1699.
Au refte , quoique Flamfteed crût recon-
roîtie l'effet de la parallaxe annuelle dans
les différences qu'il avoit obfcrvées, il avoit
quelques doutes lurfes obfervations, & il
louhaitoit que quelqu'un voulût faire conf-
truire un inftrument de 15 à 10 pies de
rayon fur un fondement inébranlable, poar
éclaircir une queftion qui fans cela , difoit-
il , pourroit être bien long temps indécifc.
M. CafTini crut trouver dans firius une pa-
rallaxe de 6" , Mém, acad. de Paris , 1717,
pag.%6£. Ce ne fut qu'en 171 j , que M,
Molincux , au moyen du fedeur fait par
M. Graham , trouva que cette parallaxe
n'avoit pas lieu.
Ce que M. Callîni avoit dit fur la paral-
laxe annuelle des étoiles, en réfultant les
conclulions. de Flamfteed , ne s'écendoit
qu'aux circonftances qu'il avoit eu delTein
d'examiner. M. Manhedi fe propofa en
1710, de donner les lois générales de cette
variation : en 1711 il en fit un corps d'ou-
vrage qui a paru en 1719 ; il y donne la
manière de calculer la parallaxe annuelle
des étotlcs en longitude, en latitude, en
afcenhcn droite & -en déclinailbn ; de
tracer les ellipfes qui fervent à la renré-
fenter ; de trouver l'effet que produit l'ex-
centricité de la terre & la figure elliptique
de ion oibe ; d'obferver l'effet de cette
parallaxe , foie fur la déclinaifon, foit fur
i'afcenfion droite , de choifir les circonf-
tances les plus favorables pour l'oblerver j
il rapporte les obfervations qu'il avoit faites
des différences d'afcenfion droite entre
ardurus & (irius , & il dit, page 74 , qu'el-
les ne s'accordent point avec la parallaxe ,
& qu'il lui femble qu'on doit chercher ail-
leurs la caufe des variations qu'il y avoit ob-
fervées.
La découverte de l'aberration des étoiles
fixes faite par M. Bradley , a fait voir que
les inégaht -s apperçues dans les étoiles ont
une caufe toute différente de la parallaxe ,
& cette caufe fa'isfait fi bien à toutes les
obfervations , qu'elle exclut abfolumenc
la par-.llaxe annuelle. Ainfi la queftion de
la parallaxe annuelle des étoiles fixes doic
être regardée comme réfolue : M. Bradley
penfe que îi elle" eût été rtulemen;: de
246 E T O
I , il l'aviroir apperçue dans le grand nom-
bre d'oblervacioiis qu'il avoir faites , fur-
tout de y du dragon , obfervations qui
s'accor.len: avec l'hypotiiefe de l'aberration
fans !:cnir compte d'aucune chofe pour la
parailaxe ; aulTi bien dans fes conjondions
que dans fes oppofitions au foleil.
Lorfqus M. Manfredi eut appris la dé-
ccjxiverte de l'aberration , il publia des
obfervations qu'il avoir faites , aidé^ de M.
Zanotti fur les différences d'afcendon
droite entre différentes étoiles , de Bono-
nienfi fcientiaru/n & artium injîinito atqaz
acadiinia commentarii . 1751. '«4 ■P-399-
II avoit obfcrvé que la plus grande difte-
rence dafcenlion droite avoit lieu quand
une des étoiles étoit en conjonclion & l'au-
tre en oppofuion, & la plus petite différence
fix mois après ; ce qui eil d'accord avec la
théorie de l'aberration. Les obfervations
données par M.Horrebow,Co;'cr/2/cu5 trium-
phans , Hufnicv, T717, y font contraires , &
me paroilfcnt abfolumcnc défectueufes.
Lorfque !fs obfervations de M. de la
Caille parurent , on crut s'appercevoir que
ks hauteurs méridiennes de finus indi-
quoient une parallaxe annuelle ; en effet on
voit que les dilbinccff au zénith obfcrvées
au cip avec un fréteur de fix pies , étoient
plus petites au mois de janvier d'environ
S" qu'au mois de juillet. Afir. Fund.p. Z75,
1^0 ; mais ces obfervations de firius ne
vont que de l'été 17 ji à l hiver fuivant ;
il peut y avoir eu quelque caufe locale qui
ait produit dans ces obfei varions _ des diffé-
rences de 8"; en efïét M. de la Caille aux
mois de juin & de juillet 1761 , 6c au mois
de janvier 1761 , fît un grand nombre
d'obfervations de firius à Paris , & je vois
dans fon Journal manufcrit légué à l'acadé-
mie de Paris , que la hauteur de fîrius
étoit Z4°4V 15" en hiver , & 24° 44 i^
ï en été : la différence n'etl que de i ï , &
elle eft contraire à l'effet de la parallaxe :
auffi Kl. de la Caille a écrit en marge de
CCS oblervations ces mots : U fcnidroit qite
les variations des rf'frncïions fujfcnt plus fortes
que de -^ , parce qu'en cfftit fi l'on fuppole
que la réfra(ftion ait augmenté en hiver un
peu plus que dans la table de M. de la
Caille on trouvera la même h.iuteur de ûrius
en hi-ver ik, en été.
E T O
Les obrervations faites en Angleterre,"
font également contraires à l'hypothefe de
la parallaxe annuelle de firius ; M. Revis
m'a fait voir à Londres au mois de marS
176?, une fuite de 4J hauteurs rrér.dien-
nes de fîrius , prifes au mura! de 8 pifs qui
cfl à l'obfervatoire royal de Greenw.ch ; ces
hauteurs ont été réduites au i"- janvier
1760 ; & l'on y a employé foutes les cor-
rettions néceffaires pour le changement des
réfracStions , f-'c. Ces obfervations ne s'écar-
tent jamais de plus de ;; ou 4 fécondes de
la moyenne , & les petites diffirences qu'on
y remarque ne m'ont paru avoir aucun
rapport avec la parallaxe annuelle. SiIp plus
brillante de toutes les étoiles n'a aicune pa-
rallaxe , il n'y a point d'appareiice qu'on en
découvre dans les autres étoiles qui font fans
doute beaucoup plus éloignées.
Méthode pour reconnoitre les étoiles & les
conftelhtions. L es noms qu'on a donnés aux
différentes conllellations font arbitraires ,
(?<: n'ont pref'que aucun rapport aux figures
que préfcntent aux yeux ces conftcUations ;
cependant comme on ne fauroit entendre
les livres d'affronomic , & faire ufage des
obfervations fans employer les noms qui
font reçus, il eft nécetfaire d'apprendre à
rapporter ces noms aux objets qu'ils expri-
ment j c'etl ce qu'on appelle connoitre les
étoiles t-' les con/Jellations.
Quelques-unes font fi aifées à reconnoi-
tre , qu'il fuffit d'en défignerla figure , pour
qu'un obfervateur feul & ifolé puiite les dif"
tingi'.er , mais elles font en petit nombre ;
aulTi les feules conftellations dontil foit p irlé
dans le livre de Job , dans Hjraere & dans
Héllode, font la grande ourle , le bouvier ,
orion , le gran<l chien , les hyades , les pléia-
des Se le fcorpion , parce que ce font véri-
tablement les plus faciles à recqnnoître , ôc
celles dont la fornie ef\ la plus frappante.
On voit dans la Ji^. 18. la forme de la
grande ourfe ; je fuppofe qu'on l'ait bien
reconnue , & j'indique ailleurs ( / '. Cons-
tellation ) le moyen d'y rapporter quel-
ques autres conftellations , mais commen-
çoiis par indiquer un moyen plus g.'neral 2c
plus cx«d de connoîtrc chaque étale en
particulier p"r Ion nom.
Il fera di.^Hcile peut-être d'en venir à
bout fans le feeours des cartes aftionomi-"
E T o
ques , ou A\m globe célefte ; cependant ,
avec de U patience , on pcuc le faire par le
moyen det catalogues; il luffit de calculer le
paflàge au mcrjdien de Véioi/e qu'on veut
connuitre avec [a hauteur , on dirigera un
quart de cercle fur une méndicnne tracée
comme on l'a dit , & mis à la liautcur calcu-
lée; alors le quart de cercle indiquera Vhoile
que Vi.>n cherche, & on la verra paroitre à
l'cxirém' té du rayon du quart de cercleà l'heu-
re du palfage au méridien de cette étoile.
Pour faciliter cette manière de reconnoî-
tre les étoiles à ceux qui ne voudroienr avoir
aucun calcul à faire , j'ai mis dans la table
fuivante Th'iure & la minute du pallage au
méridien des principales étoiles , pour le pre-
mier jour de chaque mois. J'ai choifi l'an-
née 1762 , moyenne entre deux biffextiles ,
mais la table ferx'ira pour toutes les autres
années , fans qu'il y ait plus de 1 minutes
d'erreur à craindre ; on peut mcme éviter
cette erreur de 1' ; en ajoutaiu i' à chaque
partage , quand on voudra l'avoir pour une
année qui précède ces billextiles , comme
lyji; , ly.')^ , 1767 , (-'c. & i pour les an-
nées billcxtiles ; au contraire il faudra ôter -
E T O 247
une minute des palîagcs au méridien calcu-
lés dans la table iuivante , pour les réduire
aux années qui fuivent lesbiirextilcs, telles
que 1761 , 1765 , &c. La table n'ex'gtra
aucun chargement pour les années moyen-
nes entre deux bi (Textiles , comme 1762,
1766 , 1770 , &c.
La dernière colonne de la table contient
l'heure du pallagedel'équinoxe au méridien,
à laquelle on ajoute l'aîcenfion droite d'une
étoile quelconque , convertie .en temps ,
pour avoir l'heure de fon palfage au méri-
dien. La hauteur méridienne de chaque
étoile fe trouve en tête de la colonne , & au-
dclfous du nom de l'étoile.
Exemple. Le i«r. janvier je veux connoî-
ire dans le ciel ['étoile appcUée yîr/z/j , ou le
grand chien , je vois dans la table fuivante
qu'elle palle au méridien le i^'^. janvier à
I li' 44 du foir , & que fa hauteur méri-
dienne pour Paris eft de 14° 46' ; je place
un quart de cercle dans le plan du mériilieii
II 11. 44', ik je le mets à la hauteur de
14° \, j'apperçois à l'inlUnt que ce quart
de cercle eft dirigé vers une belle étoile , $C
je juge que c'eft; lirius.
Heures du pûjjh^e au mérid.
des principales étoiles pour le t^'', jour
de chaque mois ,
avec leur hauteur mcn
d 11,1
'■/»• Paris.
1761.
MOIS.
Aliebaran
\la Chèvre
Î6' 54'
e a''Orij'i
39d 48 '_
-i>
lus.
Frjiyoï.
.47^40!
Requins.
54^ 18-
57-' lo'
X4J
4«'
Janvier.
9'' 13'
10 h 8'
loh 3{'
II]
144'
IX h 3(5'
15 il 4'
t e'vrier.
7 10
7 5<î
8 XI
9
3i
10 14
IX 5x
Mars.
5 ^l
6 8
<5 5?
44
8 35
" 3
Avril.
? ^l
4 15
4 40
51
6 43
9 10
Mai.
1 48
1 15
1 59
0
4 55
7 xo
Juin.
ij 41
0 IX
0 4;
58
X 50
5 17
Juillet.
XI 37
XX 14
XX 39
X3
50
0 4<S
l '5
yfOlU.
19 11
xo 14
xo 59
XI
50
XX 4X
I 14
Septemh.
17 11
|8 14
18 39
19
50
xo 42.
^3 9
Odohre.
15 50
16 X6
l<5 51
18
X
18 54
XI XI
Novcmh.
>; 53
14 30
14 5 5
\6
5
16 57
19 X5
D cemb.
11 59
IX x6
IX 51
_J'^
1
. 14 54 _
1(5 XI
CEfi.
^ rciurus.
jintarès.
la Lyre.
Fomahan
VaJJage de
51" 16'
18 h 11'
6li 57'
I5d 17'
79ci
Xjh
icd 17'
feij.au m.
Janvier.
I9h IJ-
xih 13'
3'' 54'
5I1 II*
Ftvner.
16 9
17 I
I9 II
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« 4?
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Mars.
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Septenib.
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3 45
5
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n 5;
Novcmh.
■LX 41
iJ 34
I 4J
4
I
8 16
9 55
Dccémb.
M 58
xo 50
13 40
I
JS^
6 II
7 X9
248 E T O
Il faut obferver que les temps marqués
dans la table précédente , font les temps
comptés aftronomiqiiement , c'efl- à-dire ,
d'un midi à l'autre pendant 2.4 heures ;
ainfi quand on voit dans la première co-
lonne que Vétoile aldebaran le 1 ei". juin eft
à 15I1 41', cela veut dire dans l'ufage ordi-
naire , le 1 iuin à I ili 41' du matni , parce
que le i*^''. de juin ne commence qu'à midi
de ce jour- là , fuivant les aftronomes , &
il ne finit fuivant eux , qu'à midi du lende-
main , lorfque dans la fociété on compte
déjà le 2 de juin.
La méthode indiquée ci-deflus pour re-
connoitre les étotlts par le moyen du cata-
logue eft fuffifante , mais elle eft longue ,
& exige peut-être trop d'aflujettiftement ,
fur- tout en hiver. J'ai donc cru devoir in-
diquer ailleurs quelques alignemens propres
à faire reconnoitre les principales conftel-
lations ; ce fera un petit fecours offert à la
curiofité de ceux qui font dépourvus de
globes , de planifpheres & d'inftrumens.
On doit être d'abord prévenu que ces ali-
gnemens ne fauroient avoir une exaélituilc
& une précifion bien rigoureufes ; mais
quand il ne s'agit que de reconnoître la
forme d'une conftellation , il fuffit que les
alignemens indiquent à peu près le lieu où
elle eft , pour qu'on ne prenne jamais une
conftellation pour l'autre. Voye'^ le mot
Constellation.
Après avoir appris à connoitre le pôle
du monde , on doit être curieux de dif-
tingueraufli le polcde l'écliptique, puisque
c'eft un des points les plus remarquables
dans le ciel. Le pôle boréal de l'écliptique
eft iîtué fur la ligne menée par les deux
fuivantes A 6c J^ de la grande ourfe , il fait
un triangle prefque équilatéral avec la lyre
Se a du cygne ; il eft auffi fur la ligne menée
par les deux précédentes du quarré de la
grande ourfe ^' par les gardes de la petite
ourle 5 trois degrés au-delà de Vétoik t du
dragon qui eft à peu près fur la même ligne
que les é:oiles t , e , s , ^ , « , du dragon ,
dont la direélion s'étend de cafTlopée à
aréturus. Enfin le pôle de l'écliptique fait un
triangle-reé^anglc & ifocclc avec V^ioile po-
laire & /3 de la petite curie , qui eft la pîus
yo:fine de \'êioilc polaire des deux dernières
E T O
de la petite ourfe , l'angle droit eft à l*e-
toile C.
Je penfe que pour mettre le leâreur à
portée d'eftimer en degrés les diftances des
étoiles , il fulït de rapporter ici en nombres
ronds les diftances de quelques-unes les plus
remarquables. La grande ourfe a xG degrés
de longueur depuis * jufqu'à »; la diagonale
d'orion , depuis rigel jufqu'à l'épaule orien-
tale eft de 19 degrés , les deux épaules {eue
diilantes de 7 degrés un deuxième. On peut
trouver un grand nombre de ces diftances
exaélement mefurées dans les livres de Ty-
cho , d'Hévelius & de Fkmfteed , mais on
s'en fert fort peu aélucUement. Il faut auffi
fe rappeller qu'on ne doit examiner ces dif-
tances que quand les étoiles font un peu
élevées : les conftellations paroiflent plus
grandes quand elles font voilmes de l'hori-
lon, par l'erreur d'un jugement involontaire,
que nous tâcherons d'expliquer à l'article
Lune.
Trouver l'heure par le moyen des étoiles.
Il y a plufieurs moyens d; trouver l'heure
qu'il eft , par le moyen des étoiles ; i °. en
obfcrvant l'heure de leur pallage au méri-
dien, fi l'on fait d'avance à quelle heure
elles y doivent palfer ; z°. en obfervant leur
lever & leur coucher , lorlqu'on a calculé
le temps vrai qui y répond j 5". en obfer-
vant leur hauteur , parce que leur hauteur
étant donnée , on peut trouver l'heure qu'il
elt , voye[ Thmps vrai ; 4°. en oblervant
le pallage d'une étoile dans le vertical d'une
autre étoile ; & c'eft cette méthode qu'il
s'agit maintenant d'expliquer. M. Picard
l'indiqua dans fa Connoiffance des temps ,
qu'il donna en 1679 pour la première fois ;
depuis ce temps-là julqu'en 1760 inclulî-
vement , elle y a toujours été employée
avec une figure deftinée à expliquer la mé-
thode.
Je fuppofe qu'on ohfèrve le moment où
une étoile pafîe perpendiculairement au-
delfous de Vétoile polaire , 6c qu'en y appli-
quant une petite correélion , on ait trouvé
combien elle étoit éloignée du méridien
dans l'inft:'.nt de l'i)bfetvacion. Si l'on con-
n.ûit l'heure de fon palîiige , on en con-
clura l'heure qu'il eft , par exemple , l'ex-
trémité de la queue de la grande ourfe ,
étant d'à-plcab au-delTjus de Vétoile po-
laire j
E T O
faire , on ajoutera une heure 5 5 minutes &
17 fécondes, avec le pallàge de 1 equinoxe
par le méridien , ou avec fa dillance de l'é-
quinoxe au foleil pour ce nionicnt-là, &
Se l'on aura l'heure qu'il tft.
Cette quantité eft exatflc pour 17J0; elle
augmente de trente-fept fécondes en dix
ans, & de dix-neuf fécondes , h l'on change
de latitude fur la terre de cinq degrés vers
le midi.
J'ai donné la démonftration de cette mé-
thode avec la table pour vingt é:oi/es cir-
compolaires , dans mon Ajhonomie , art.
1049.
Etoiles nouvelles ou changeantes . L'hiftoire
fait mention de pluhcurs eW/w remarqua-
bles & nouvelles qui ont paru , & difparu
enfuite totalement: nous en connoifllms en-
core aûuellement qui difparoîffent de temps
à autre , qui augmentent de grandeur &C
diminuent enfuite fenlîblemcnt. Il y en a
d'autres qui ont été décrites par les anciens
comme des étoiles remarquables , & qui ne
paroiflent plus , ou qui paroiflent conftam-
ment , n'ayant pas été décrites par les an-
ciens ; mais on peut attribuer une partie de
ces différences à leur inattention, ou à l'er-
reur du catalooue des anciens qui ne nous a
été confervé qu'avec beaucoup de fautes
dans VAlnuigeJle de Ptolémée,
Les plus anciens auteurs, tels qu'Homère,
Attalus & Geminus , ne comptoicnt que iîx
pléiades; Varron , Pline, Aratus, Hfppar-
que & Ptolémée , dans le tex're grec , les
mettent au nombre de fept , &; l'on préten-
du que la (epdeme avoit paru avant l'em-
brafcment de Troye ; mais cette différence
a pu venir de la difficulté de les diflinguer ,
&: de les compter à la vue fîmple.
L'hiftoire raconte plus précifément des
apparitions d'«o//e.ç nouvelles, i zj ansavant
J. C. au temps d'H:pparque. Voyez Pline
In: H , ch. 6: & au temps de l'empereur
Hadrien, 1 30 ans après J. C.
Foriunio Liceti , médecin célèbre , mort
à Padoue en i6y<5 , a compofé un traité de
twvis ajîris , où l'on peut trouver une ample
crudiiion fur les éioiUs nouvelles dont les
anciens ont parlé. Il rapporte que Cufpi-
nianus obferva une étoile nouvelle vers l'an
Tome XIII.
E T O 249
j 589 , près de l'aigle , qui parut auiïi bril-
lante que venus pendant trois fenu' nés, Hc
qui difparut enfuite : c'eft peut-êtrt: la mê-
me , dit M. Cairmi , qui fut appcrçue au
temps de l'empereur Honorius, que quel-
ques-uns rapportent à l'année ^89, £c d'au-
tres à 598,
Dans le neuvième fiecle, MafTahala Haly
& Aibuma^rar, aftronomes arabes , obfcr-
Iverent au 1 5e degré du fcorpion , une nou-
velle étoile fi brillante, que fa lumière éga-
loit la quatrième partie de celle de la lune j
elle parât pendant l'efpace de quatre mois.
Cyprianus Leovitius raconte qu'au temps
de l'empereur Othon , vers 965 , on vit une
nouvelle étoile entre céphée & calTîopée i Sc
l'an 1164, une autre étoile nouvelle vers le'
même endroit du ciel qui n'eut aucun mou-
vement.
La plus récente & la plus fameufe de tou-
tes les étoiles nouvelles, a été celle de 1571:
elle fut remarquée au commencement de
novembre, faiiant un rhombe parfait avec
les étoiles a. ,C , y , de la conîlellation de
calllopée. Tycho-Braché qui l'apperçut le
1 1 novembre , détermina fa longitude à 6"
J4" du taureau, avec ;^° 4;' de latitude
boréale, fon afcenlion droite 0° 26', fa dé-
clinailon éi°47'. Il a compofé fur cette
nouvelle étoile un excellent ouvrage intitulé:
De novnjlella a:ini i J7i, qui renferme beau-
coup d'autres recherches mtérefl'antes.Cettc
étoile parut dès le commïnceme'U fon écla-
tante , comme li tl'c fe fut formée touc-à-
coup avec tout ion éclat ; el'e flirpalfoic
firius , la plus brillante des étoiles, ik même
Jupiter périgée. Dès le mois de décembre
ij7i, elle commença à diminuer peu à
peu , jalqu'au mois de mars i 574 , qu'on
la perdit de vue. Elle n'avoir aucune pa-
rallaxe feni^ble, ni aucun mouvement pro-
pre apparent; d'où il eft aifé de conclure
qu'elle étoit beaucoup plus loin de nous que
faturne , la plus éloignée de toutes les pla-
nètes, fans quoi elle auroit eu une parallaxe
annuelle très-fennble.
La nouvelle eW/e du ferpentaire qui parut
le loodobre 1604 , fut auflî brilunte que
celle de 1 571 ; on ceiïa de la voir au mois
d'oftobre 160; ; fa longitude étoit de i 7*
li
î50 E T O
40' dans le fagittaire , avec i'» 5^' de lati- ||
tude leptcnnionalc. Kepler, de nova fldla
ferpaitan, , allure qu'elle n'avou aucune pa-
rallaxe , ni aucun mouvement par rapport
aux autres toUes ; d'où il parou qu e le étoit
aulTi-beaucoup au-deffus de la fpnere de
faturne ; car la parallaxe annuelle produite
par le mouvement de la terre , l'eut tait va-
rier en apparence de plulieurs degrés, li elle
eût été à la diftance de faturne.
La changeante de la baleine appellée ainfi
dans Bayer , fut apperçue le 1 5 août 1596 ,
par David Fabricius. Bouillaud , dans un
Traité imprimé à Paris en 1677 , trouve que
cette éio:le revient à la plus grande clarté
au bout de 53 5 ïo"", & M. Çaffim en
compte 5 54 ■• elle paroit de la féconde
orandeur pendant i'efpace de 15 jours, &
diminue enfuite jufqu'à difparoure totale-
ment. Hévélius rapporte qu'elle fut quatre
années entières fms paroître , depuis le mois
d'oftobre i6?i , julqu'au mois de décem-
bre 1676. Elle n'emploie pas touiours un
temps égal depuis le commencement de ton
apparition )ufqu''^ ^^ P'-^»^ grande clarté , m
depuis foH plus grand éclat , jufqu a la dil-
parition ; mais tantôt elle augmente plus
vite qu'elle ne diminue , &c tantôt elle s ac-
croît plus lentement. M. Caduu l'a trouvée
dans fon plus grand éclat au commence-
ment d'août 1705 , & elle paroifloit alors
de troifume grandeur , comme Fabricius
i'avoit jugée le 15 août 1^96. Elle avoit eu
dans cet efpace de 59080 jours , ri 7 révo-
lutions ; ainfi la période moyenne de les
variations doit être de 5 34 io"^s- Voyez M.
Calïini, Elcmens d' Agronomie , page 68;
M. Maraldi , Mém. acad. IJ19 ; Tranfacl.
Fhilof.n°.i34&c 3^6.
Il y a dans le cygne trois étoiles cton-
geantes: la première eft fituée proche Vètoile
y. , qui eft dans la poitrine ; elle fut décou-
Terte par Kepler en 1600 5 elle ne le trouve
point dans le catalogue des étoiles fixes de
Tycho , quoiqu'il en ait marqué plusieurs
qui font près d'elle , & qui ne font pas plus
remarquables. Bayer &c Janfon la regardent
comme nouvelle. Pendant 19 ans qu'elle
fut obfervée par Kepler , elle parut toujours
de la même grandeur , n'étant pas tout-à-
fek fi grande que -^ à la poiuine du cygne :
E T O
elle paroilToit encore, au témoignage de
Liccti , en 1 6i i , mais elle difparut enfuite.
M. Caflini l'obferva de nouveau en 16^5 :
elle augmenta pendant cinq années, julqu'à
ce qu'elle vint à égaler les éioiks de la troi-
fieme grandeur & diminua enfuite. Hévélius
l'obferva en 1 665 ; elle augmenta fans jamais
arriver à la troiiîeme grandeur : en 1 677, en
1681 & en 1715, elle n'étoit encore que
comme une étotk de la fixieme grandeur.
Voyez M. CafTini , Elémens d'Ajhonomie ^
p 6q : M. Maraldi , Mém acad. de Pans
iyiç,; Tranfacl. Fhilof.n°.Gs, 66, 67 &C
La féconde étoile changeante du cygiic
qui ne paroit plus aftuellement , fut dé-
couverte le 10 juin 1670, par le P. An-
thelme, chartreux i elle étoit de troiiîeme
grandeur : elle fe perdit bientôt^ entière-
ment : fa longitude étoit à 1° 5 5' *!" ^er-
feau , avec 47"^ i8' de latitude boréale i elle
pafloit par le méridien 17 fécondes avant
la luifante de l'aigle , fon alcenlion droite
étant de 195' , &C fa décUnaifon de 16
55'. Le P. Anthelmela revit le 17 mars
1671. M. Caffini y remarqua cette année-
là plufieurs variations , & depuis 1671 on
ne l'a plus retrouvée.
La plus remarquable des changeantes du
cygne , appellée X , & dont on obferve en-
core les variations , fut découverte en i 656
par M. Kirk ; elle étoit de cinquième gran-
deur : au mois de février 1687 il "e put
l'appercevoir , même avec une lunette.
Dans la fuite, M. Maraldi & M. CalTim
ayant obfervé pludeurs fois fes variations ,
trouvcrenr fa période de 405 jours. M. le
Gentil a trouvé par de nouvelles obier va-
rions 405 jours & Tï. Les temps de fon
plus grand éclat dans ces années-ci tom-
bent au 1 5 février 1761 , au 15 mars 1761,
r mai 1765, 13 juin 1764. ^ 5 i^dlet 1765,
1 fcptembrei766 , ii odtobre 1767 , ip
novembre 1768 , 50 décembre 1769, 9 fé-
vrier 1771 , lomars I77i > 2.9 avril i775»
9 juin 1774. 14 juillet 1775 . f7 août 1776.
yodobre 1777, i" novembre 177», i^
décembre I779 , 5 février 1781 , '6 mars
1781, 25- avril 17S5 , &c. Voy. Mcm. acad.
de Paris 1719 ^ ^7S9- , , .,
M CaflTini parle de plufieurs autres <f/o//fy>
ou qui font perdues , ou paroillent cliafir
E T O
gcanrcs ou nouvelles , ElSmens J'afiono-
fn;f , p. 7?. M. Maraldi en avoic obiervé
un grand nombre , Mém. acad, de Paris
1740. I.uhamcl, Hift. de l'acnd.pag. ^6^.
Cctce matière n'a été encore que peu dif-
cutée , quoiqu'elle mérite bien l'attention
des obicrvateurs curieux : le moyen le plus
fur de déjouvrir dans ce genre les moindres
variations , fèroit d'obferver de temps en
temps toutes les étoiles , ôc d'en drelTcr des
catalogues , auflî nombreux &: aulTi détail-
lés que celui de M. l'abbé de la Caille , dont
nous avons parlé cidelfus. Un jour vien-
dra peut-être où les fciences auront alPez
d'amateurs pour qu'on puilfe lufiire à de II
pénibles travaux.
Il y a dans plufieurs autres étoiles des
changemens de grandeur 8c de lumière.
h'étotk C de l'aigle , qui certainement au
temps de Bayer devoir être plus brillante
que y , puifqu'il lui a donné la première
place après la luifante de l'aigle , tft aétuel-
lement beaucoup plus petite que y , elle cft
à peine de quatrième grandeur : il paroît
auffi que la diftance entre a. 8c C ti\ plus
grande aéluellement qu'elle n'étoit autre-
fois ; enfortc que l'étoile C a changé de
lumière & de fituation.
L'e/o/7e précédente X^^^ jambe gauche du
fagittaire , qui dans Bayer eft de troifieme
grandeur, parut en 1671 de lalixieme: en
1676 elle étoit plus grande , & M. Hallcy
la marqua de troilicme grandeur : en 1691
M. Maraldi pouvoir à peine l'appercevoir :
en 1695 & 1694 , elle parut de quatrième
grandeur , Hi/f. académ. de Paris , p. 3 ^3. H
y a encore dans le fagittaire Se dans le fer-
pcntairc d'autres étoiles variables.
Le changement de couleur qu'on prétend
ctre danslirius j paroit encore une choie bien
/înguliere : M. Barker a remarqué , Tranf.
Phil. tjGo , pag, 4^5 , d'après les témoi-
gnages d'Aratus , de Séneque , d'Horace ,
de Ptolomécj que cette étoile étoit autrefois
très-rouge , quoiqu'elle foit aujourd'hui
«l'une blancheur décidée fans aucune teinte
de rouge ; cependant je n'ofcrois croire que
les preuves foient futfifantes pour admettre
un fait auffi extraordinaire.
Caufe du chcr.gement des étoiles. Il eft diffi-
cile de fe former une idée nette de la caufe
qui peut faire changer & difparoicrelçs e'/o/'-
E T O 251
les OU nous en montrer de nouvelles. Le P.
Riccioli , au tome II de (on Almagejle , p.
ij6 , eftimc qu'il y a des étoiles qui ne (ont
pas lumineufes dans toute leur étendue , &C
dont la partie obfcure peut le tourner vers
nous par un effet de la toute-puiflance de
Dieu.
Bouillaud , dans un ouvrage qui pnut
en 1667 , intitulé : Ifmm-lis Ballialdi ad
Ajtronotnos Monita duo , fuppofe auffi que
la changeante de la baleine a une partie
obfcure , avec un mouvement de rotation
autour de fon axe , par lequel fi partie
lumineufe & fa partie obfcure fe préfentenc
alternativement à nous.
M. de Maupertuis, dans fon Difcoursfur
les diverfes figures des ajlres, publié à Paris en
1751, ayant fait voir que le mouvement de
rotation d'un aftre fur fon axe peut produire
dans cet aftre un applatidement conlidéra-
blc , s'en fert pour expliquer le phénomène
dont il s'agit. " Les ùuiles fixes , dit-il ,
•» font des foleils comme le nôtre ; il eft
•> donc vraifemblable qu'elles ont, comme
» cet aftre , un mouvement de rotation fut
" leur axe ; les voilà donc , félon la rapidité
'> de leur mouvement , expofées à l'appîa-
» tilTement ; & pourquoi ne fe trouveroit-
" il pas de ces étoiles plates dans les cieux ,
•' fil'onpenfe fur-tout que nous ne favons
» par aucune obfervation quelle eft la hgu-
" re des étoiles fixes ; Si autour de quelque
'» étoile plate circule quelque grolfe planète
" fort excentrique, ou comète , dans une
" orbite inclinée au plan de l'équateur de
» Véteile , qu'arrivera-t-il ? La pefanteuc
" de l'étoile vers la planète, lorfqu'elle ap-
" prochera de fon périhélie , changera l'in-
" clinaifon de l'étoile plate , qui par-là nous
" paroîtra plus ou moins lumineufe. Telle
" étoile même que nous n'appercevions
" point , parce qu'elle nous prefentoit le
•» tranchant , paroîtra lorfqu'elle iious pré-
•» fcntera une partie de fon difque , & telle
" ero/7e qui paroifToit ne paroîtra plus. C'cft
" ainli qu'on peut rendre raifon du change-
>' ment de grandeur qu'on a obfcrvé dans
» quelques étoiles , & des étoiles qui ont paru
" & difparu. »
Ce feroit peut-être ici le lieu de pirler
des changemens de pofition qu'on a obfcr-
vés dans plufieurs étoiles , fur - tout dans
II i.
«52 E T O
celles de la première grandeur ; ces varia-
tions qui proviennent fans doute des attrac-
tions mutuelles de ditFérens fyRêmes, ou des
différentes planètes que nous ne voyons pas,
dérangent toutes les loix générales dont nous
avons parlé jufqu'ici. Voyez le xvi^ livre de
mon Agronomie , où il efl; parlé des autres
mouvemens des étoiles.
Etoiles doubles vu fingulieres. Dans les Ob-
fervations de M. Bianchini , imprimées à
Vérone en 1757 , par les foins de M Man-
fredi , on trouve , pjg. zoS , que Véioile
double appeliee ^ de la lyre , prefente des
phénomènes fort fmgulicrs : une des deux
étoiles dont elle cft compofée , paroît quel-
quefois fe divifer en deux i quelqiicfois elle
pavoîc environnée de deux autres petites
étoiles \ la féconde des deux étoiles diminue
quelquefois de grandeur , eniorte qu'on la
diftingaeàpeine.q'.'oiqi.ie l'air foit parfaite-
ment Térem. Cette obfervation , ajoute-t-il,
a été fa'te avec pkiiîeurs lunettes de Cam-
pagni & de Mar.-Antoinc Cellius , qui
avoient zz , Z3 & 15 palmes ( chaque pal-
me eft de 8 pouces i i, & l'on a toujours ob-
fervé à peu près la même cho(e.
M. Grifchow , aflironome de Berlin , étant
à Londres en 1748 , écrivoit à M. de l'Illc
qu'on avoir découvert en Angleterre une
nouvelle planète qui tournoit autour d'une
étoile fixe fituée auprès ou dans la lyre : c'elt
une planète, ajoute-t-il , que M. Bianchini
avoit cru appercevoir, mais dont il n'étoit
pas bien aduré , faute de lunettes allez par-
faites. D'aucies ont dit avoir vu \' étoile ^àù
la lyre environnée de cinq petites étoiles, au
moyen d'un grand télefcope de 1 2 pies ,
conflruit par M. Short, pour le dodteur Ste-
phens , qui appartient aéluellement à my-
lord duc de M.dbourough. Pour moi , je
n'ai rien oui dire de femblabie en Angleter-
re , je crois que des fingularités pareilles ont
befoin d'être bien conftatces pour obtenir
quelque confiance.
On a écrit que M. Calfmi avoit remar-
qué dans le dernier fiecle , que la première
étoile y du bélier étoic quelquefois double ,
ou divifée en deux parties , diftante l'une
de l'autre de l'intervalle du diamètre de
chacune , Gregori , liv. III. prop. 54. \\'d(.
pa<r. 4^0. On a dit aufTî que Vétoilc qui clt au
milieu de l'épcc d'oriou , Si quelques éioi~
E T O
les des pléiades paroiffent quelquefois tri-
ples & même quadruples ; mais ces phé^
nomenes Iniguliers n'ont pas été bien conf-
tatés.
A l'égard des étoiles doubles , elles ne
font pas rares. J'ai obfervé diftinélemenc
avec une lunette de 18 pies , que l'étoile y
à l'épaule de la vierge eft double , ou for-
mée de deux étoiles léparées l'une de l'autre
d'un intervalle d'environ 1" , prefque égal
au diamètre apparent que chacune -paroïc
avoir à caufe de l'irradiation.
L'étoile 0 du capricorne efl: auflî double ;
l'intervalle des deux étoiles eft tel , qu'avec
un inftrument de ilx pies on ne peut pren-
dre fa hauteur que dans le crépulcule, ou
en éclairant les fils , parce que quand l'une
elf cachée fous le fil , l'autre paroît , & on
ne fauroit diftinguer laquelle des deux eft
fous le fil.
L'étoile y 3. la. tête du bélier eft aufî;
compofée de deux étoiles coniîdérables ,
comme l'obferva le premier , à ce qu'il
paroît , Robert Hook. Voye^ Tranf. Phi-
lof. 11°. 4. La plus boréale des trois étoiles
au front du fcorpion, eft compofée de deux
étoiles , dont l'une eft double de l'autre en
grandeur (Si en lumière , comme l'obferva
M. CaiTîni en 1678. La tête précédente
des gémeaux eft aulTî double ; oncnpour-
roit citer probablement beaucoup d'autres
que je n'ai pas préfentes adtuellement. ( M.
DE LA Lande. )
Si l'on veut connoître les préjugés des
anciens au fujet àzs étoiles , c'eft-à-dire, lur
leur matière , leur caufe , leurs effets , £v.
on doit confulter la nouvelle Traduclion de
Pline le naturalifte & les (Euvres morales de
Plutarque , dans les articles où ils traitent
du ciel , des étoiles Se de l'aftrologie. On
pourra également lire ces mêmes articles
dans cet ouvrage. A l'égard^ des étoiles con-
fidérées comme objets phyllquesquiontfer-
vi d'hiéroglyphes ou d'emblèmes parmi les
anciens &C parmi les modernes , nous avons
extrait les notes fuivantes des Hiérogliph.s de
Pierius Valerian , i vol. in-folio.
\°. Les anciens Egyptiens défignoient
le Dieu de l'univers par une étoile , parce-
que rien ne démontre plus vilîblement
l'exiftence & la puillaiicc de Dieu que les
ailles.
E T O
2°. C'eft par la même raifbii qu'ils défi-
gnoient: le diea Pan, c'eft-à-diie , le tout,
pai une étoile.
5°. Le brillant & le merveilleux cours
des étoiles a Icrvi à déligner mcraphorique-
menc les hommes nobles , illuttres & cé-
lèbres. Ovide nomme Fabius iMaximus Si-
dus Fabixgentis. Cette métaphore a été em-
ployée dans Vancien &C dans le nouveau tcfla-
men\ L'étoile d'orient fignihe le mejjie. S. Éu-
cher dit que comme les étoiles hyades , en
fc levant , annoncent ou procurent la pluie
fur la terre pour la fertilifer , de mcme les
faints dodteurs par leurs inftrudions ferti-
lifent nos âmes.
4°. Les anciens attribuoicnt aux étoiles
les mêmes fonctions que nous attribuons
aux anges ; c'efl: pourquoi les étoiles & fur-
tout les comètes fervoient aux augures pour
prélager le boniieurou le malheur des prin-
ces iSc des états. La comète qui parut peu
après la mort de Jules-Céfar, fut regardée
comme un (ignc certain de lapothéole de ce
tyran. En confcqucnce les Romains firent
frapper des médailles à l'honneur de Jtiies-
Célar ; ils y mirent une étoile avec cette
infcription , Dhus Julius, Pendant la der-
liiere maladie d'Armand Julesde Richelieu ,
cardinal , il parut aufTî une comète qui at-
trifta beaucoup les vils adulateurs.
5°. Les anciens Egyptiens , les Grecs &
les Romains , défignoient la delHnce par
une étoile , parce qu'ils avoient la foiblelle
d'efprit de croire que le deftin de chacun
dcpendoit de l'afped: & de la difpofition
des adres lors de la nailTance , Se qu'en un
mot le ciel étoic un livre qui défignoit en ca-
ractères vifibles le fort de chaque homme
en particulier. Il n'y a plus en Europe que
les fous , les imbécilles & les non lettres qui
croient à l'influence des aftres.
6°, Les yttéens obfervoient un certain
jour de l'an le lever de l'étoile firius ; iî elle
paroilTôic obfcure , ils croyoient qu'elle
annonçait la perte.
7°. L'écriture faintc défignoit les nnges
par ces mots étoiles du ciel. Stella matutina
défigne la fainte Vierge.
b". Les étoiles fervoient auffi d'hiérogly-
phe pour marquer le temps qui eft réglé &
qui fc fuccede avec exacl:itude.
9°. Elles défignoiciit aulîî i'eliiric de re-
E T O 255
cherche , qui circule énormément pourfiiirc
des découvertes.
10''. Leb Romains déllgnoienc les dieux
lares ou les génies tutélaires , en un mot ,
la proteélion divine de Rome , par deux
étoiles , qui étoient placées fur les têtes de
Romukis & de Rémus , enfans alaiiés par
une louve dans une grotte ou caverne. On.
défignoit Caftor&; PoUux par deux étoiles.
1 1". Les étoiles gravées fur les tombeaux
défignoient encore parmi les anciens, qu'un
homme étoit mort , & que fon ame immor-
telle ctoit dans le fejour des bitnlicureux.
Souvent on mdiquoit le foleil par une étoile
à fix pointes.
11°. Hippocrate a obfervé que les ma-
lades qui croient voir tomber des étoiles, on
qui voient en l'air flotter des étincelles bril-
lantes , annoncent par ce délire que leur ma-
ladie eft ou morcelle ou du monis extrême-
ment grave & daiigereufe.
i}°. Enfin les anciens Egyptiens défig-
noient le crépufcule par l'ero/7ede venus , qui
précède fouvent le foleil.
Les étoiles ou l'aflérifque que l'on emploie
dans les livres, défignent les renvois cC les
notes.
Dans les armoiries les étoiles ont aujour-
d'hui parmi nous à peu près la même figni-
fication allégorique que les cornes des ani-.
maux dont on cciu'onne les éculTons.
L'on trouvera dans V Hiftoire générale des
voyages de ^L l'abbé Prévôt , les noms Çm-
guliers, les attributs que donnent aux étoi-
les le« diftérens peuples du monde, & les
raifons qui engagent les Chinois, ùc. à con-
facrerà l'honneur des aftres un culte parti-
culier. ( r. ^. Z. ).
Etoiles errantes , eft le nom qu'on
donne quelquefois aux planètes , pour les
diftingucr des étoiles fixes. Voye'^ Etoile
ù Planète (O)
Etoiles flamboyantes , eft le nom que
l'on a donné quelquefois aux comètes , à
caufe de la chevelure lumineufe dont elles
font prcfque toujours accompagnées. Voye[
Comète (O)
Etoile tombante , C Phyfique. ) On
donne ce nom à un petit globe de feti
qu'on voit quelquefois rouler dans TatmoH-
phere , & qui répand çà &c là une lumière
' aflcz vive. » Il combe auffi quelq^usfois
254 E T O
y> à terre ; & comme il a quelquefois rcf-
» femblance avec une étoile , on lui donne
S) le nom d'étoile tombante. Il paroîc ordi-
» nairemenc au printemps & dans l'au-
» comne. Lorfque cette étoile vient à tom-
" ber , & qu'on rencontre l'endroit où
j> elle cft , on remarque que la matière
» qui relie encore , eft vifqueufe comme
» de la colle , de couleur jaunâtre ; Se
»> que tout ce qui en ctoit combuftible,
» ou qui pouvoir répandre «de la lumière ,
w fe trouve entièrement confumé. On
j> peut imiter ces fortes d'étoiles , en mêlant
p> enfemble du camphre & du nitre avec
j) un peu de limon , que l'on arrofe avec
s> du vin ou de leau de vie. Lorfqu'on
» a formé de ce mélange une boule , &
» qu'on la jette dans l'air après y avoir
5. mis le feu , elle répand en brûlant une
jj lumière femblableà celle de l'étoile tom-
» bante ; 8c quand elle eft tornbée , il ne
7> refte plus qu'une matière vilqueufe, qui
» ne diffère pas de celle que laide ['étoile
3> après fa chute.
» Il flote çà & là dans l'air , du camphre
j. qui eft fort volatil ; il y a aulTî beau-
si coup de nitre & du limon fort délié ;
j> deforte que ces parties venant à fe ren-
« contrer , s'incorporent & forment une
5j longue traînée , qui n'a plus alors befoin
« que d'être allumée par l'une ou par
« l'autre de fes extrémités , à l'aide de
»i l'efFervefcence qui le fait par le mélange
jj de quelqu'autre matière qu'elle rencon-
» tre. Aulïi-tôt que cette traînée eft en
>j feu, & que la flamme pafle d'un bout
V à l'autre , la matière incombuftible fe
» raflémble ; elle devient beaucoup plus
». pefante que l'air , & tombe alors pour
» la plus grande partie à terre. La nature
?» emploie peut-être encore quelqu'autre
« matière pour produire ce phénomène ».
Muflchem. Ejfais de phyfiq. §. iGS^ , &cc.
( O ) F. Phénomène étf.ctri(;.ue.
Etoile de Mer , Jîe'.la marina, {Kijl,
nat. ) animal qui doit ce nom à fa figure.
Les étoiles de mer font découpées , ou plutôt
comme divifées en cinq parties qu'on peut
nommer rayons. La lurFace fupiricure des
étoiles de mer, ou celle ri laquelle les jam-
bes ne font pas attachées , eft couverte
par une peau très-dure: c'cft peut être
E T O
ce qui a déterminé Ariftote à les ranger
parmi les teftacées ou animaux à coquilles;
mais Pline donne avec plus de railbn à
cette peau le nom de callum durum , car
elle relîemblc par fa folidité à une efpece
de cuir ; elle eft hériffce de diverfes petites
éminences d'une matière beaucoup plus
dure , & qui rellcmble fort à celle des
os ou des coquilles. Cette peau f^jpérleure
eft différemment colorée dans di'erfes
étoiles : dans quelques unes, elle eft rouge ;
dans d'autres, violette ; dans d'autres , bleue.
Se jaunâtre dans d'autres ; Se enfin elle
eft Ibuvent de diverfes couleurs moyen-
nes entre celles-ci. Les mêmes couleurs
ne paroilTent pas fur la furface inférieure ,
qui eft prelque couverte par les jambes &C
par diverfes pointes qui bordent fes côtés ,
plus longues que celles de la furface fupé-
ricure.
On voit au milieu de l'étoile , lorfqu'on
la regarde par-delTous , une petite bouche
ou fuçoir dont elle fe fert pour tirer la
fubftance des coquillages , defqucls elle Ce
nourrit , comme Ariftote l'a fort bien
remarqué. Il auroit eu moins de raifbn
s'il avoir afTuré , comme il paroît par la
traduélion de Gafa , que les étoiles ont une
telle chaleur, qu'elles brûlent tout ce qu'elles
touchent : Rondelet , qui veut faire parler
Ariftote plus raifonnablement , dit que cela
doit s'entendre des chofes qu'elles ont
mangées , qu'elles digèrent très - vite,
Pline cependant a adopté le fentimenc
d'Ariftote dans le fens que Gafa l'a traduit;
car il dit exprellement , tam igneum fervorem
ejfe traduiit , parlant de l'étoile , ut omnia in
mari contacta adurat. Après quoi il parle
comme d'une chofe différente de la facilité
qu'elle a à digérer.
On a cru apparemment devoir leur
attribuer une chaleur femblable à celle
des aftres dont elles portent le nom. Quoi
qu'il en foit de cette chaleur imaginaire ,
il cft certain qu'elles mangent les coquilla-
ges , & qu'elles ont autour de leur fuçoir
cinq dents , ou plutôt cinq petites four-
chettes d'une efpece de matière olTeufe ,
par le moyen defquelles elles tiennent les
coquillages , pendant qu'elles les fucent :
peut-être que c'cfl: avec les mêmes poin-
tes qu'elles ouvrent leurs coquilles , lorf-
E T O
qu'elles font de deux pièces. Chaque
rayon de Véioile cft fourni d'un grand
nombre de jambes , dont le mcchanilme
eft ce qu'il y a de plus curieux dans cet
animal.
Le nombre des jambes efl: ii grand ,
qu'elles couvrenc le rayon prefque tout
entier du coté où elles lui font attachées.
Elles y font pofccs dans quatre rangs
différens : chacun dcfqucls tll d'environ
foixante-feize jambes ; & par con[équcm
l'eVo/'/e entière ell: pourvue de 1510 jambes,
nombre allez merveilleux , fans que Eellon
le poufsâr jufqu'à près de cinq mille. Tout
ce grand artirail de jambes ne fert cepen-
dant qu'à exécuter un mouvement tiès-
Icnt ; auffi font- elles fi molles, qu'elles ne
femblent guère mériter le nom de jambes.
A proprement parler , ce ne font que des
efpeces de cornes telles que celles de nos
limaçons de jardiiis , mais dont les étoiks
fe fervent pour marcher ; ce n'eft pas iim-
plement par leur peu de conliftance qu'elles
rellemblent à des cornes de lunaçons ,
elles ne leur font pas moins fcmblables
par leur couleur & leur figure : elles (ont
aulTî fouvent retirées comme les cornes
d'un limaçon ; c'eft feulement lorlque
l'étoile veut marcher , qu'on les voit dans
leur longueur , encore Véioile ne fait-elle
paroître alors qu'une partie de fes jam-
bes : mais dans le temps même que l'étoile,
ou plutôt leur relfort naturel les tient elles-
mêmes raccourcies , on apperçoit toujours
leur petit bout , qui eft un peu plus gros
que l'endroit qui eft immédiatement au
del'ous,
La méchanique que l'étoile emploie pour
marcher , ou plutôt pour allonger fes jam-
bes , doit nous paroître d'autant plus
curieufe , qu'on l'apperçoit clairement ;
chafe rare dans ces fortes d'opérations de
ta nature , dont les cauies nous font ordi-
nairement (i cachées , que nous pouvons
également les expliquer par des raifonne-
mens très-oppofés ; il n'en eft point , dis-
je , de même de la méchanique dont l'é-
toile fe fert pour allonger fes jambes. Il
eft aifé de la remarquer très-diftinélement ,
fi-tôt que l'on a mis à découvert les parties
intérieures d'un des rayons , en coupant fa
peau dure du côté de la fuxface fupéricure
E T O 255
de l'étoile , ou de la furface oppofce à celle
lur laquelle les jambes font iituées : l'inté-
rieur de l'étoile paroît alors divifé en deux
parties par une efpece de corps cartilagi-
neux , quoiqu'allez dur.
Le corps (emble compofc d'un grand
nombre de vertèbres , faites de telle façon
qu'il le trouve une coulifle au milieu du
corps qu'elles forment par leur aflcm-
blage. A chaque coté de cette coulillé ort
voit avec plailir deux rangs de petites
fphéroïdes elliptiques , ou de boules lon-
gues , d'une clarté , d'une tranfparencc
très-grande , longues de plus d'une ligne ,
mais moins grolles que longues ; il femble
que ce fuient autant de petites perles ran-
gées les unes auprès des autres. Entre
chaque vertèbre eft attachée une de ces
boules de part & d'autre de la coulide ,
mais à deux diftances inégales Ces petites
boules font formées par une membrane
mince , mais pourtant alfcz forte , donc
l'intérieur eft rem.pli d'eau ; enforte qu'il
n'y a que la lurface de la boule qui foie
membraucufe. Il n'eft pas diftîciie de dé-
couvrir que ces boules font faites pour
lervir à l'alongement des jambes de l'étoile.
On développe toute leur ingénieufe mécha-
nique, lorlqu'en preflanc avec le doigt quel-
qu'une de ces boules on les voit fe vuider ,
& qu'en même temps on oblerve que le*
jambes qui leur correfpondent fe gonflent.
Enfin lorfqii'on voit qu'après avoir ceftc
de prefler ces mêmes boules , elles fe rem-
plillent pendant que les jambes s'afFaiftent
& fe raccourcilfent à leur tour , qui ne
lent que tout ce que l'étoile a à faire pour
enfler (es jambes, c'eft de prellèr les boules.
Ces boules prellées fe déchargent de leur
eau dans les jambes , qu'elles gonflent &:
étendent aulfi-tôt : mais dès que l'étoile-
cefTe de pred'er les boules , le reflort natu-
rel des jambes qui les affaifle, les raccourcie
Se chaile l'eau dans les boules dont elle
étoit fortie. Ces jambes ainfi allongées ,
les étoiles s'en fervent pour marcher fur
les pierres Se fur le fable, foit qu'elles foienc
à Cec , foit que l'eau de la mer les couvre,
Mém. de l'acad. royale des Sciences , IJIO ,
p. 6^4 , in 8°. Art. de M. FormeY ,fecré-
taire de l'acad. roy. des Sciences & Relks-r,
Lares de Prujfe,
256 E T O
11 réfulte de ce décail , que l'étoile eft uu
inle£te de mer , divifé en plufieurs rayons ,
ayant au milieu du corps une petite bouche
ou fuçoir , autour duquel font cinq dents
ou fourchettes dures ëc comme ofleufes.
La furface lupcrieure de Yétoile de mer eft
revêtue d'un cuir calleux , diverfement
coloré. La furface inférieure & les rayons
font couverts des jambes, dont le mécanil-
mc efl: , comme on l'a dit ci-delîus , extrê-
mement curieux.
L'infede que Rondelet appelle yô/e// de
mer , &C celui que Gafner nomme lune de
mer , paroît être le même que la petite
étoile de mer à cinq rayons dont on vient
de parler ; mais il n'a point de jambes à
fes rayons. Les cinq rayons font eux-
mêmes les jambes. L'animal en accro-
che deux à l'endroit vers lequel il veut
s'avancer , & fe retire ou fe traîne fur
ces deux-là , tandis que le rayon qui leur
eft oppofé , fe recourbant en un feus con-
traire & s'appuyant fur le (able , pouHe le
corps de \' étoile vers le même endroit : alors
les deux autres rayons demeurent inutiles ;
mais ils ne le leroient plus , fi l'animal vou-
loit tourner à droite ou à gauche. On voit
par là comment il peut aller de tous côtés
avec une égale facilité , n'employant jamais
que trois jambes ou rayons , &laiilànt repo-
(er les deux autres.
Il y a plufieurs autres efpeces A'étoiles de
mer grandes & petites , qui rcftent à con-
noîrre aux naturalises , fur-tout celles de la
mer des Indes & du Sud. Les ciiiieux en
parent leurs cabinets , & les eftiment à
proportion de leur grodeur , de leur cou-
leur , du nombre & de la perfedtion de leurs
rayons.
Au refte les amateurs de cette petite
branche de la conchyliologie pourront fe
procurer l'ouvrage de Linckius (ur les étoiles
de mer. En voici le titre : Linckii ( Juh.
Henr. ) , dejiellis rmiri/iis liherfin^ulatis cum
olfirvaticm. ( Chriji. Gab. ) Fifcher \ accédant
Luydii , de Réaumur , & ( Dan, ) Kave //;
hoc argumentum opufcula. Lipf. 1755, fol.
cum tah. xiieis ^X. Art. de M. le Cher, DB
Jaucourt.
Etoile , {liijl. modem.) efl: auflTi une
rrarque qui cataétcrile les ordres 1 de la
E T O
jarretière & du bain, l^oye'i Jar.rs-
TIERE.
L'ordre de lVro/7e, ou de Notre-Dame de
l'étoile , eft un ordre de chevalerie inftitué
ou renouvelle par Jean , roi de France , en
l'année M Ji ; ainfi nommé à caule d'une
étoile qu'il portoit fur l'efiomac.
D'abord il n'y eut que trente chevaliers,
& de la noblelle la plus diftinguée; mais peu
à peu cet ordre tomba dans le mépris à
caufe de la quantité de gens qu'on y admic
fans aucune diftinâ:ion : c'cll pourquoi
Charles VII , qui en étoit grand-maître,
le quitta & le donna au chevalier du
guet de Paris &c à fes archers. Mais
d'autres traitent tout cela d'erreur , Se pré-
tendent que cet ordre fut inltitué par le
roi Robert en 1012 , en l'honneur de la
fainte Vierge , durant les guerres de Phi-
lippe-de-Valois ; &c que le roi Jean fon fils
le rétablit.
Le collier de l'ordre de l'étoile étoit d'or
à trois chaînes , entrelacées de rofes d'oc
émaïUéts alternativement de blanc Se de
rouge , ôc au bout pendoit une étoile d'or
à cinq rayons. Les chevaliers portoient le
manteau de damas blanc , Se les doublures
de damas incarnat ; la gonnelle ou cote
d'armes de même , fur le devant de laquelle
au coté gauche , étoit une étoile brodée eu
or. Les chevaliers étoient obligés de dire
tous les jours une couronne ou cinq dixai-
nes d'Ave Maria & cinq Pater, & quel-
ques prières pour le roi & pour fon état.
Ce qui prouve que cet ordre a été inftituc
par Robert, &: non parle roi Jean, c'cfl;
qu'on trouve une promotion de chevaliers
de l'étoile fous le premier , fous Philippe-
Angufte , & fous S. Louis. 2°. Il ne paroîc
pas que Charles VII ait avili , comme ou
prétend , l'ordre de l'étoile ; puifque trois
ans avant fa mort il le conféra au prince
de Navarre Calton de Foix (on gendre.
Il ell bien plus probable que Louis XI ,
ayant inftitué l'ordre de Saint Michel ,
les grands , comme il arrive ordinairc-
inent , afpirerent à en être décorés , &C
que celui de l'étoile tomba peu à peu dans
l'oubli. _
Juftiniani fait mention d'un autre o'-'ire
de l'c.'o/7c'à MciTinc en Sicile , qu'on amm-
moic aulîî l'or<ire du cruijfant. Il fut inftitué
eu
E T O
en l'annce i zCS par Charles d'Anjou , fieic
de S. Louis , roi des deux Siciles.
D'autres foucienurnt qu'il fut inftiiué en
1464 par René , duc d'Anjou , qui prit le
titre de roi de Sicile ; du moins il paroît
par les armes de ce prince , qu'il fie quel-
que changement dansle collier de cet ordre:
car au lieu de fleurs de lumière ou étoiles , il
ne portoît que deux chaînes , d'où pendoit
un croitlant avec le vieil mot frahçois Zoç,
qufen langage de rébus fignifîoit ic^ en
croijjlint , c'e!l-à-dire , honneur en croijfant
ou s'augmeiitant.
Cet ordre étant tombé dans l'obfcurité ,
fut relevé de nouveau pur le peuple de
Mellîne , fous le nom de noble académie des
chevaliers de l'étoile, dont ils réduiilrent l'an-
cien collier à une llmple étoile placée fur
une croix fourchue , & le nombre des che-
valiers à foixanre-deux. Ils prirent pour
devise , mvp.jlrant regibus cfira vinm , qu'ils
exprimèrent par les quatre lettres mitialcs,
M R
avec une eW/f au milieu * . /^. Crois-
A V
SANT. V. le diclion. de Trévoux &C Chambtrs.
(c;.)
Etoile, en Blafon , iîgnifîe la repréfen-
tation d'une étoile , dont on ciiargc fouvcnt
les pièces honorables d'un écullon. Elle d:f-
ftre de la mollette ou roue d'un éperon , en
ce qu'elle n'eft point percée comme la mol-
lette. Voyeii Mollette.
Elle c(t oithnairement compofée de cinq
rayons ou pointes : qunnd il y en a fîx ou
huit, comme parmi les Italiens & les Alle-
mands , il en faut faire miCntion en expli-
quant le blalon d'une atmoirie.
Sur les m..'(iailles, les étoiles (ont une mar-
que de ciinficration & de déification: on
les regarde comme des fymboles d'éternité.
Le P. Joubert dit qu'elles lignifient quel-
quefois les enfans des princes régnans , &
quelquefois les enfans morts & mis au
ranr, des dieux, l^'oy. Apothhose. Ménétr.
& Trév.
Etoile , c'cft, dans la Fortification , un
pent fort qui a quatre , cinq , ou (îx angles
fa:llans& autant de rentrans , Sc dont les
cotés fe flanquent obhquement les uns & les
putrcs. r. Fort de campagne-* I-oa».A
ÉTOILE. ( Q ) '^,
Tome XIII.
ETO 7^7
Etoile ou Pplotï ( Manège £• Ma-
rêchall. ) termes fynonymes dont nous nous
fcrvons pourdéfigncr un efpace plus ou moins
grand de poils blancs contournés en forme
d'épi , & placés au milieu du front un pcli
au-deffusdes yeux. On coiiÇoit que ces poils
blancs ne peuvent fe dilbnguer que fur des
chevaux de tout autre poil. Nous nommons
des chevaux dont le front e(l garni de cette
pelote , des chevaux marqués en tête , & cette
jîelote entre toujours dans le détail de leur
iîgnalement. Les chevaux blancs ne peuvent
être dits tels.
Souvent cette marque eft; artificielle Sc
faîte de la main du maquignon ; foit qu'il
fe trouve dans la néccflfité d'appareiller un
cheval qui eft marqué en têce avec un cheval
qui ne left pas , foit auiTi pour tromper les
ignorai^s qui regardent un cheval qui n'a
point d'éro/7e>. comme un cheval défeàiicux.
r. Zain.
Pour cet effet ils cherchent à faire une
plaie au milieu du front de l'animal. Les
uns y appliquent une écrevifîè rôtie &
brûlante : les autres percent le cuir avec
une haleine, & pratiquent ainfî lix trous
dans lefquels^ ils_ infinuent longitudinalc-
ment Se traniverialement des petites verges
de plomb , dont les extrémités relient en
dehors , & débordent de manière que ces
verges font placées en figure à'étoile. Ils paf-
fcnt enluite une corde de laine , ou un lien
quelconque fous ces fix pointes ; ils la croi-
fen: enlaire deîTus , & font autant de tours
qu'il en faut pour qae toute la place de la
pel-ote {oit couverte : après quoi ils arrêtent
ce lien par un nœud , & rabattent les extré-
mités des verges fur la peau. Quelques jours
après ils les retirent, & il en réfultc une
pla;equi occalionne la chute du poil , lequel
en renaiflant reparoit blanc. Foye:^ Poil,
(e)
Etoile , ( Arcificier. ) on appelle ainfî
un petit artifice lumineux d'un feu clair îk
brillant , comparable à la lumiei-e des étoiles.
Loifqu'il e.l adhérent à un fauciiron, on
l'appelle étoile a pet,
La manière de faire cette cfpece d'arti-
fice , peut erre beaucoup variée , tant
dans fa compofition , que dans fi forme ,
& produire cependant lou-ouis à peu près
K k
458 E T O
le même effet. Les uns les font en forme de
petites boules maffives : les autres en boules
de pâte , percées & enfilées comme des
grains d e chapelet : les autres en petits pa-
quets de poudre lèche , fimplement enve-
loppée de papier ou d'étoupe : d'autres enfin
en rouilles plates , de compofitions aulTi
feches , mais bien prelFécs & enfilées avec
des étoupilles. 1
Dofi de compofition pour les étoiles. Prenez I
quatre onces de poudre , deux onces de fal-
pêcre, autant de îoufre; deux tiers de limail-
le de fer , de camphre , d'ambre blanc ,
d'antimoine , & de (liblimé , de chacun de-
mi-once : on peut fuprimer ces iroisderniers
îngrédiens fi l'on veut. Après avoir réduit
toutes ces matières en poudre , on les trem-
pe dans de l'eau-de- vie , dans laquelle on a
fait dilfoudre un peu de gomme adragant
fur les cendres chaudes; lorfqu'on voit que
la gomme fe fond , on y jette les poudres
dont on vient de parler , pour en faire une
pâ;e , qu'on coupe enfiiite par petits mor-
ceaux , & qu'on perce au milieu avant
qu'elle foit (eche , pour les enfiler avec des
étoupilles.
Des hoiles a pet. Lorfqu'on veut que la
lumière des ('iMles finifle par le bruit d'un
coup , on prend un cartouche de cette
clpece deferpenteaux qu'on appelle lardons,
très-peu étranglé ; on le charge de la ma-
nière des étoi/cs dont on a parlé, à la hau-
teur d'un pouce ; enluiceon l'étrangle forte-
ment , de lorte qu'il n'y refte d'ouverture
que celle qui elt nécelTaire pour la commu-
nication du feu ; on remplie le refte du car-
touche de poudre grenée, laillant feulement
au-ilelTus autant de vu;de qu il en aut pour
le couvrir d'un tampon de papier, &: l'étran-
gler totalement par delTus. On met cet arti-
fice dans le pot de la futée , d'où érant chalTé
par la force de la poudre , il paroit une étoile
& finit par un pet.
Des étoiles à ferp:ntcaux. On étrangle un
cartouche de gros ftrpenteaux de neuf à dix
lignes de dinmetre, à la diftance d'un pouce
de fcs bouts ; & l'ayant introtluit lians fon
moule poir le charger , on a un culot dont
la tctine ell: alfez longue pour remplir exac-
tement levuide qu'on a la^lFé , ahn que la
partie qui doit contenir la matière du fer-
penteau , foie bien appuyée fur cette têtinc
E T O
pour y être chargée avec une baguette de
cuivre, comme les ferpenteaux ordinaires
& de la même matière de leur compo-
ficion.
Le ferpenteau étant chargé & étranglé
par Ion bout, on renverfe le cartouche pour
remplir la partie iiuéiieure, dans laquelle
entroit la tétine de la matière féche ou hu-
mide des étoiles fans l'étrangler. Mais aupa-
ravant il faut ouvrir avec un po.nçon un
ttûu de communication au ferpenteau dans
le fond de cette partie , qu'on amorce de
poudie avant que de mettre delfus la ma-
tière à étoile.
Cette partie étant remplie & foulée
comme il convient , on la laiHe ainfî pleipc
fans l'étrangler, l'arrêtant feulement par un
peu de pâte de poudre écrafée dans l'eau ,
pour l'amorcer & placer cet artifice dans un
pot de fufée volante (ur cette amorce. Traité
des feux d'artifice.
Étoile, ( Horlogerie, ) p'ece de la qua-
drature d'une montre , ou d'une pendule à
répétition. On lui a donné ce nom à ciufe
de fa figure , qui reflcmble à celle que l'on
donne ordinairement aux éro/'/fj. Elle a douze
dents. Fbye^ ion ufage à l'article RÉrtTi-
TION. (D
Etoile , ( Jard- ) on appelle ainfi plu-
fieurs allées d'un jardin , ou d'un parc , qui
viennent aboutir à un même centre , d'où
l'on jouit de differens points de vue. Il y a
des étoiles fimples & des doubles. Les fim^
plesfjnt formées de huit allées; les doubles
de douze ou de feize.
Etoile eft encore un petit oignon de fleur,
dont la tige eil: fort balle , & la fleur tantôt
blanche, & tantor'jaune : c'eft une elpece
d'ornithogalum. {K)
Étoile , nom d'un outil dont fe fervent
les Relieurs-Doreurs. On poufle les étoiles
après le bouquet & les coins ; on en met
plulîcurs entre les coins & le bouquet,
pour y fervir d'ornement. On dit pouffer les
coins & les étoiles. f^oye^YlRS A DORlR.
Étoile , ( Manuf. en foie. ) c'eft une des
pièces du moulin à mouliner les foies. Voye^^
l'article Soie.
Étoile , ( Géog. mod. ) petite ville du
Dauphiné.
r^TOILÉ , adj. terme de Chirurgie. On
donne ce nom à une efpccc de bandage
E T O
qui e{[ de deux fortes , le Jimple Se le
doul'le.
Le bandage étoile Jimple efl: pour les frac-
tures du fternum & des omoplates. Il fe fait
avec une bande roulée à un chef, longue
de quatre aunes , large de quatre travers
de doigt. Si c'eft pour les omoplates , on
applique d'abord le bout de la bande fous
l'une des aillelles ; on conduit le globe
par derrière lur 1 épaule de l'autre cocc ,
en pallànt (ur les vertèbres : enluite on
defcend par deffbus l'aillelle, pour revenir
en derrière croilcr entre les deux omopla-
tes , &: al]u|crtir le bout de la bande
fous l'aillelle , pour remonter de derrière
en devant (ur l'épaule , & continuer les
mêmes croifées & circonvolutions, en fai-
fant des doloires ; on finit par quelques
circulaires autour du corps. Qiund on
applique ce bandage pour le llernum , on
fait par devant les croifés , qui dans le
bandage pour les omoplates ie font par
derrière.
Le bandage étoile double s'applique à la
luxation des deux humérus à la fois , & à
la frafture des deux clavicules. Il (e fait
avec une bande roulée à un chef, longue
de hx à lept aunes , large de quati e travers
de doigt , qu'on applique d'abord par-de-
vant , & avec laquelle on fait quAtïc fpica ;
le premier fur le flernum , le fécond en-
tre les omoplates , & un fur chaque épaule :
enluire on finit autour du corps. Si c'efl:
pour les clavicules , on aflliiettit les deux
bras autour du corps. Le nom de ces ban-
dages vient de leur figure. {Y)
Etoile, ( Blafen. ) Une croix étvilée eft
celle qui a quatre rayons dilpofés en forme
de croix , allez larges au centre , mais qui
finirent en pointes. ?^oye;[ Croix.
Etoile, à la Monnaie, fe dit d'un flanc
qui recevant le coup de balancier , s'ouvre
ou le calTe par un défaut de recuite, l^oye^
Recuire.
ÉTOLE , f. f. ( HiJÎ. eccléf. ) ornement
facerdotal que les curés, dans l'églife ro-
maine, portent par-dtfllis le furplis , Se
qui eft , félon quelques-uns , une marque
de la fupériorité qu'ils ont chacun dans
leur paroillé. Le P. Thomaffin prétend au
contraire que Vétole paroic plus affeftée à
l'adminiftiation des facremens , qu'à raar- '
E T O 255
querla iurifdidion. ThomalT. Difcipl. eccl.
part. IV. liv. I, ch. xx.xvij.
Ce mot vient du grec roM>', qui fignific
une rohe longue ; & , en elfet , chez les an-
ciens Grecs & Romains , VctoLe écoit un
manteau commun même aux femmes, &
nous l'avons confondu avec Vorarium, qui
étoit une bande de linge dont fe lervoient
tous ceux qui vouioient être propres ,
pour arrêter la fueur autour du cou & du
vilage , & dont les empereurs failoienc
quelquefois des largeiles au peuple romain ,
comme le remarque \L Fleury. Mœurs des
Chréciens , tit. xlj.
L'éiole ainli changée de forme , eft au-
jourd'hui une longue bande de drap ou
d'étoffe précieufe , large de quatre doigts,
bordée ou gdonnée , Se terminée à chaque
bout par un demi- cercle d'étofte d'environ
un demi-pié de large, lur chacun defquels
eft une croix en broderie ou autrement.
Il y a auili une croix à l'endroit de Vétole
qui répond à la nuque du cou , & qui e(t
garni d'un linge blanc , ou d'une dentelle
de la longueur d'un pié ou environ. L'étole
fe paflé lur le cou , & pend également par
devant perpendiculairement à droite & à
gauche, tombant prelque jufqu'aux pies.
Il ce n'eft à la melfe , 011 les prêtres la
croifent lur l'eftomac , Se les diacres la
portent paUoe en écharpede l'épaule gau-
che (ous le bras droit.
h'éio/e des anciens étoit , comme nous
avons déjà dit , fort diftcrente de celles
d'aujourd'hui ; il paroit même que c'étoic
quelquefois un ornement fort riche , Sc
un habit de cérémonie que les rois don-
noient à ceux qu'ils vouioient honorer :
de là ces expreftfions de l'écriture , ftolam
gloriss induit eum. Les monarques d'orient
lont encore aujourd'hui dans l'ulage de
donner des veftes Se des pelidés fort ri-
ches aux prmccs Se aux amba (Fadeurs.
L'ufage ou le droit qu'ont les curés de
porter i'étole , n'eft pas uniforme par-tout.
Le premier concile de Milan ordonna aux
prêtres de n'adminiftrer les fiicremens qu'en
(iirplis Se en éiole ; ce que le cinquième de
la même ville, Se celui d'Aix en M'Sj,
enjoignirent même aux réguliers qui en-
tendent les confelTions. Les conftitutions
fynodales de Rouen , celles d'Eudes de
Kk z
î6o E T O
ParisjlesconcilesdeBudeen ii79,cleRouen
en I y8i , de Reims en 1583 , font aiïifterles
curés au lynode avecune étale. Le concile de
Cologne, en iiLo, ne uoiiiic i'eWe qu'aux
abbés , aux prieurs , aux archiprétres , aux
doyens. Le lynode de Nîmes ne donne pas
non plus à'éiole aux CBrés. En Flandres &
en Italie les pîêues prêchent toujours en
étole, S. Germain , patriarche de Coiiiian-
tinople j dans Tes explications niyltiques
des habits facerdotaux , dit que Véiole re-
préfente l'humanité de Jefus-Chrill teinte
de fonpn.ore fang. D'autres veulent qu'elle
foit une figure de la longue robe que por-
toit le giand-prêtre des Juifs. ThomafT.
Dtfcipl. de l'Eglife , partie IF , liv. 1 , chap.
xxxvij. (G)
Étole , .( HiJI- mod. ) ordre de cheva-
lerie inftitué par les rois d'Arragon. On
ignore le nom du prince qui en lut l'in!-
tituteur , le tcraps de fa création , aullî-
bîen que le motif de fon origine , & les
marques de fa diftincSlion ; en conieâure
feulement qu'elles confifroient principale-
ment en une étole ou manteau fort riche .
& que c'cfl; d<i-li que cet ordre a tiré (on
nom : les plus anciennes traces qu'on en
trouve , ne remontent pas plus haut qu'Al-
phonfc V, qui commença à ligner en 141e,
Juftiniani prétend que cet ordre a com-
mencé vers l'an 1331.
Etole d'Or, {Ordre militaire a Vcnife.)
ainfi nommé à cau(e d'une étale d'or que
îes chevaliers portent fur l'épaule gauche ,
Ë>C qui tom'ûe jurqu'aux genoux par devant
& par derrière , & large d'une palme &
demie. Perfonne n'efl: élevé à cet orJre ,
s'il n'cft patricien ou noble Vénitien. Jufti-
îiiani remarque qu'on ignore l'époque de
fon inftitution.
^ÉTONNEMENT, f. m. {Morale.^
c'eft la plus forte imprclTîon que puide
exciter dans l'amc un événement imprévu.
Selon la nature de l'événement , Vétonne-
ment dégénère en iurprile , ou ell: accom-
pagné de joie, de crainte, d'admiration,
de défelpoir.
11 fe dit aullî au phyfique de quelque
commotion inteûine , ainli que dans cet
exemple : j'eus la tête étonnée de ce coup ; 6c
dans celui-ci : cette pièce ejl étonnée , où il
4"gnific Ué'it auivn du feu alfcz forte pour
E T O
déterminer un corps à perdre la couleus
qu'il a , &: à commencer de prendre celle
qu'on fe propolo^t de lui donner.
Etonnemrnï dk Sa'Ot , ( Mar.ége ,
Marcchcll. ) fecoulTe , comm.otion que (ouf-
fre le pié en heurtant contre quelques
corps très-durs ; ce qui peut principale-
ment arriver lorfque , p.ir exemple , le
cheval, en éparanc vigcuicurement , ptteinc
de fes deux pies de derrière , enlemble ou
féparément , un mur qui le trouve à fa
portée Se derrière lui.
Cet événement n'eft très- fouvcnt d'au-
cune confequence; il en rclulte néanmoins
quelquefois des m.aladies très- graves. La
violence du heurt peut en effet occalion-
ner la rupture de fibres & des petirs vail-
feaux de communication du fator &; des
tégumens , ainii que des txpanhons apc-
névroriques du pié. Alors les humei.rs s'cx-
travalent , détruifent toujoiu-s de plus en
plus , par leur aliluence , toutes les con-
nexions. Ces mêmes humeurs croupies ,
perverties , & changées en pus , corro-
dent encore par leur acrimonie toutes les
parties ; elles forment des vuides , elles
donnent lieu à l'.es fulées , & fe frayent
enfin un jour à lu portion fupéritute du
fabot , c'cft-à-dire, à la couronne: c'eft
ce que nous appelions propiemcnt _/i-j/j?Zer
au poil.
Si nous avions été témoins du heurt dont
il s'agit , la caule maladive ne (croit point
du nombre de celles que nous ne (aifillôns
que diincilement , &; nous attribuerions fur
le chaiTip la claudication de j'animai à l'é-
branlement que le coup a fufcité ; mais
noL.s ne Ibmmes pas toujours certains de
trouver des éclaircillémens dans la hncé-
rité de ceux qui ont provoqué le mal , &
qui font plus ou moins ingénus , félon l'in-
térêc qu'ils ont de déguifer leur faute &C
leur imprudence : ainfi nous devons, au
défaut de leur aveu , rechercher des lignes
qui nous le dccclen:.
Il n'en cft point de véritablement univo-
qucs, car la claudication, l'augmentation
de la douleur , la dilîiculté de fe repofer
fur la partie , fa chaleur , l'engorgcmcnc
du tégument à la couronne , la Hevre , l'é-
ruption de la matière, capable de dellbu-
dcr l'ongle , fi l'en n'y remédie , font au-
E T O
tant de rymptomes non moins caraftcrif-
tiques dans une loule d'autres cas , que dans
celui donc il tft qiiellion. On peu: cepen-
dant , en icmoiuani: à ce qui a précédé , &
en examinant 11 une enclouure , ou des
fcymes iaignantes , ou l'encaftelure , ou des
chicots , ou des maladies qui peuvent être
fuivies de dépôts , ou une infinité d'autres
maux qui peuvent aHc6ler le piédc la même
manière, u'or.i point eu lieu ; décider avec
une lôrte de précilion , & être afluré de
la commotion & de Vâvnneir.ent.
Dès le moment du heurt , où il n'efi: que
quelques libres léfées , & qu'une légère j
quantité d'humeur extravalée , on y pare
ailemem en employant les remèdes con-
fort?.cifs& rcfolarits, tels que ceux qui ccm-
pofcnt l'emmieiku-e fuivante.
■> Prenez poudre de plantes aromaci-
>» ques , deux livres ; farines rélolutivcs ,
»> qui font celles de fève , d'orobe , de
« lupin & d'orge , demi-livre : faites bouiU
u lir le tout dans du gros vin , &c ajou-
» tez-y miel commun , lîx onces , pour
» l'emmiellure , que vous fixerez iur la
M folle. »
Ce cataplafme cependant ne fauroit rem-
plir toutes nos vues. U eft abfolumenc im-
portant de préveidr les efforts de la ma-
tière , qui pourroic fouffler au poil dans
l'inftant même où nous ne nous y atten-
drions pas ; & pour nous précautionner
contre ce: accident , nous appliquerons fur
la couronne l'emmiellure lépercufTive que
je vais décrire.
» Prenez feuilles de laitue , de morelle
»> & de plantain , une poignée ; de joa-
»• barbe , demi-poignée : faites bouillir le
» tout dans une égale quantité d'eau & de
» vinaigre : ajoutez-y de l'une des quatre
»> farines rél()luti\es , trois onces , & au-
î» tant de miel. »
fvlais les humeurs peuvent être exrrava-
fces de manière à former une coiledion &
à fuprurer : alors il faut promptement fon-
der , avec les rriquoifes , toute la circonfé-
rence & la partie inférieure de l'ongle, &
obfervcr non-!eulement le lieu où il y a le
plus de chsieur , mais celui qui nous paroît
le plus fenhbie, ahnd'y faire promptemen:
une ouverture avec le boutoir ou avec la
gouge , ouverture qui offrira une ifilie à la
E T O
t6i
matière , & qui nous fournira le moyen de
conduire nos médicament juiqu'au mal
même. Suppofons de plus que cette ma-
tière le foie déjà ouvcit une voie par la
ccirrolion du tiilu de la peau vers la cou-
ronne , nous n'en ouvrirons pas moins la
iûile , & cette contre-ouverture facilitera
la déterfion du vuide & des parties ulcé-
rées, puilqiie nous ne pourrons qu'y faire
parvenir plus ailément les injedions vulné-
raires que nous y adrefierons. On évitera ,
ainli que je l'ai dit, relativement aux plaies
fufcitces par les chicots , les enclouurts, a.c.
C Vvye:^ Enclouure ) , les remèdes gras ,
qui hâteroient la ruine des portions aponé-
vrotiques , qui s'exfolient fouvent enfuire
de la luppuration C l^oye^^ Filandre ) ; &
l'on n'emploira dans les panfemens que
l'ellence de térébenthine , les fpiritueux ,
la teinture de myrrhe &. d'aloés , ècc. Si
l'on apperçoit des chairs molles , on les
coniumera en pénétrant auffi profondé-
ment dans le pie qu'il fera pclïibie, avec
de l'alun en poudre, ou quelqu'autre cathé-
récique convenable; & en fuivaiic cette rou-
te , on pourra efpérer de voir bientôt une
cicatrice, foi: à la couronne, loi: à la fol!e,
qui n'aura pas moins de lolidité qu'en
avaient les parties détruites.
La faignée précédant ces traitemens ,
s'oppofera à l'augmentation du mal, favo-
rilera la réfolution de l'humeur (tagnante ,
ôi calmera l'inflammation.
Enfin il eft des cas où les progrès (ont,
tels , que la chute de l'ongle elt inévitable.
Je ne dirai point, avec M. de Soleyfel ,
qu'alors le cheval eft totalement perdu ;
mais je laiflerai agir la nature , Iur laquelle
je me repoferai du foin de cette chute & de
la régénération d'un nouveau pié. Deux
expériences m'ont appris qu'elle ne demande
qu'à être aidée dans cette opération ; ainli
j'uferai des médicamens doux ; je tempére-
rai la térébenthine dont je garnirai- tout le
pié , en y ajoutant des jaunes d'œufs &c de
l'huile rofat: mes panfemens en un mot fe-
ront tels, que les chairs qui font à découvert,
vC qui font d'abord très-vivLS , n'en feront:
point off^.'nrées ; & enfuite de la guérifon
on diltingucra avec peine le pié neuf de
celui qui n'aura été en proie à aucun ac&i-<
dent.
202 E T O
U feroit alfez difficile , au furplus , de
prefcriie ici & à ce: égard une méthode
confiante ; je ne pourrois détailler que des
règles générales , dont la variété des cir-
condances multiplie les exceptions. Quand
on connoît rimmcnfe étendue des difficul-
tés de l'art , on avoue aifément qu'on ne
peut rien ; on le dépouille de ces vaines idées
qui nous fuggere un amour-propre mal en-
tendu , pour s'en rapportera des praticiens
habiles, que le favoir & l'expérience placent
toujours en quelque Façon au delfus de tous
les évcnemens nouveaux Se inattendus qui
furviennent. Ce)
ETOLEAU. /''oye^ Etoquiau.
ETOQUIAU , r. m. ( Horlogerie. ) figni-
fie en général, parmi les ouvriers en fer ,
une petite cheville qu'on met dans plufieurs
cas à la circonférence d'une roue , pour
l'empîcher de tourner au-delà d'un certain
point; ainfi la cheville rivée à la circonfé-
rence du balancier , pour l'empêcher de
renverfer 5 s'appelle r«t>i^u/fl«. /'ojfij^ R£n-
VERSEMENT.
On donne encore ce nom à une petite
cheville rivée fur l'avant-derniere roue de
la fonnerie , Si qui fert à l'arrêter. Cette
roue le nomme la roue d'étoquiau, ^ oye[
Roue, Sojnerie, &c.
On appelle auffi du même nom toute
pièce d'une machine en fer , deftmée à en
arrêter ou contenir d'autres. Il y a des éto-
quiaux à coulille , & il v en a à patte. (T)
ETOUBLAGE , f. m. ( Junfp. ) droit
feigneurial énoncé dans une chaite d'Odon,
archevêque de Rouen , de l'an i i6i , qui fc
levoit fur les efteules , ternie qui lignifie
également le blé &c le chanvre. Ducangc en
fon glojjaire , au mot epouhlagium , croit que
ce droit conilftoit apparemment dans l'obli-
gation de la part des fujets du leigneur, de
ramafler pour lui , après la récolte , du
chanvre pour couvrir les mailons , ce qui
cjl adcz vraifemblable. (A)
ETOUFFE , adj. ( DocimaJÎ. ) fe dit d'un
eflai qui eft recouvert des fcories , parce
qu'on n'a pas eu foin de donnct, ou de
foutenir le feu dans un degré convenable ,
ou qu'on a donné froid mal \ propos : alors
il ne bout plus & ne fume plus , parce qu'il
n'a plus de communication avec l'air exté-
f\(:\.\ï i ti c'cft-là l'oiigine de fa déaominii-
E T O
tion. L'efTài eft fort fujet à devenir étouffé ^
quand il mêlé d'étain. On dit encore
dans le même fens , l'ejfui eft noyé. Voyez
ce mot. On remédie à ces deux inconvéniens
en donnant très chaud , &c mettant un peu
de poudre de charbon fur la couptlle. Voye^^
Essai. Article de M. db Villers.
Ejourf É , ( Jardinage. ) On dit un bois y
un arbre étoujfé , quand ils font entourés
d'autres arbres touffus qui leur nuifent.
* ETOUFFER , v. att. ( Gramm. ) Il fe
dit au fimple&au figuré. Au fimple , c'cll
fupprimer la communication avec l'air li-
bre ; ainft on dit éioujfér le feu dans un
fourneau : f étouffe dans cet endroit. Au figu-
ré j il faut étoujfer cette affaire , c'eft-à-dire ,
empêcher qu'elle n'ait des fuites en tranC-
pirant.
ETOUPAGE , f. m. terme de Chapelier ,
qui lignifie ce qui refte de l'étoffe après
avoir fabriqué les quatre capades qui doi-
vent former le chapeau ; & que ces ou-
vriers ménagent , après l'avoir reurré avec
la main , pour garnir les endroits de ces
capades qui ioni les plus foibles. Fby. Cha-
PE.\U.
ÉTOUPE , f. f. C'eft le nom que les
filalTîeres donnent à la moindre de toutes
les filalles , tant pour la qualité que pour
la beauté, f'^oye'^ l'article Corder ie.
Étoupe a étamer. Les chauderon-
niers nomment ainfi une efpece de gou-
pillon au bout duquel il y a de la filalTc,
dont ils fe fervent pour étendre l'étamure
ou étain fondu , dans les pièces de chaude-
ronnerie qu'ils étament. Voye:^_ Et amure
<S" Etamer,
ETOUPER , terme de Chapelier , qui
lignifie fortifier les endroits fuibles d'un chu-
peau avec la même étojfe dont on a fait les
capades. y'oye'^ Etoupage.
ETOUPIERES , f. f . ( Garderie. ) fem-
mes qui charpident de vieux cordages pour
en fiiire de l'étoupe.
ETOUPILLE, f. f. ( Art. milit. & Pyro-
technie. ) efpece de mèche compoléc de
trois fils de coton du plus fin , bien imbi-
bée d'eau-de-vie, ou de poulverin ou pou-
dre écra!"ce , qui lert dans l'artillerie Sc
dans les feux d'artifice.
Manière de faire l'étoupille. » On prend
» trois fils de mèche de cocon du plus hn ,
E T O
5r on obferve qu'il n'y ait ni nœuds ni
bourre. On les trempe dans de l'c:ui où
l'on aura fait fondre un peu de filpêtre ,
pour affermir Vétoupille. On roule &c dé-
roule cette petite meclie dans du poulve-
rin humedbé d'e .\u de vie ; après cela on
la met fécher fur une planche.
» Pour juger de la bonté de Véioupille ,
on en prend un bouc d'environ un pie de
longueur , & il faut que mettant le feu à
un bout , il fe porte en même temps à
l'autre : s'il n'agit que lentement , c'eft
une preuve que la mcche n'eft pas bien
imbibée de poulverin , ou qu'elle n'eft
pas icche.
" h'étoupillc fert à jeter des bombes fans
mettre le feu à la fulee. On en prend
deux bouts d'environ trente pouces de
longueur , que l'on attache en croix fur
la tête de la fulee , où l'on fait quatre
petites entailles ; ce qui forme irpt bouts
qui tombent dans la chambre du mor-
tier , que l'on charge de poudre feule-
ment , fins terre. On peut cependant fe
fcrvir d'un peu de fourrage pour arran-
ger la bombe. Lorfqu'on met le feu à la
lumière du mortier , il fe communique
à Vétoupille , qui le porte à la fulée. De
cette manière la bombe ne peut jamais
crever dans le mortier , puilque la fufce
ne prend feu que quand elle en eft (ortie.
Le fervice de la bombe eft bien plus
' prompt, puifqu'il faut beaucoup moins de
' temps pour charger le mortier , qu'avec
' les précautions ordinaires.
» On le lert auffi très- utilement de Véiou-
pille pour nrer le canon. On en prend un
bout , donc une partie s'introduit dans
■ la lumière , &: l'autre fe couche de la
' longueur d'un ou deux pouces fur la
' pièce. Au lieu d'amorcer comme à l'or-
• dinaire , on miCt le feu à Vétoupille , qui
' le porte avec tant de précipitation à la
■ charge , qu';l n'eft pas pofTible de fe ga-
■ rantir du boulet ; au lieu qu'en amorçant
> avec de la poudre , on apperçoit de loin
> le feu de la traînée , ce qui donne le temps
> d'avertir avant que le boulet parte : c'eft
> ce q i.e font les fentinelles que l'on pofc
• exprès pour crier bûs , lorfqu'ils voient
> mettre le feu au canon. D'ailleurs l'c^fow-
' j;iUc donne moins de fujc'tion que l'amor-
E T O 265
" ce , lorfqu'il pleut ou qu'il fait beaucoup
» de vent ".
ETOUPILLER , v. a. en terme d'artifi-
cier, c'eft garnir les artifices des étoupillcs
nécellaires pour la communication du feu ,
& l'attacher avec des épingles ou de la pâte
d'amorce. Diclionn. de Trév.
* ÉTOURDI , ad). ( Morale.) celui qui
agit fans confidérer les fuites de fon aôbion ;
ainfi Vétourdi eft fouvcnt expofé à tinir des
difcours inconddérés.
Il fe dit aullî au phyllque , de la perte
momentanée de la réflexion , pir quelque
coup reçu à la tèie : // tomba étourdi de ce
coup. On le trmfporce pir métaphore à une
impreftîon fubitement faite , qui ote pour
un m.oment à l'ame l'ufage de les facultés :
il fut étourdi de cette nouvef/e , de ce difco'irs.
ÈTOURDISSEMENT, f m. ( Md.)
C'eft le premier degré du vertige : ceux qui
en (ont affeétcs, fe fentent la tête lourde,
pefante ; fembknt voir tourner pour quel-
qu_^iiomens les objets nmbiam , &. (ont un
peiWhancelans fur leurs pies : fymptome?
qui fe difilpent promptement , mais qui
peuvent être plus ou moins fréquens.
Cette affecStion eft fouvcnt le commen-
cement du vertige complet ; elle eft quel-
quefois l'avanc- coureur do l'apoplexie , de
l'épilepfie: efe eft aniTi rrcs-communément
un fymprome de l'aiïedion hypocondria-
que , h.ftérique , des vapeurs. Kojej en
fon lieu l'article de chacune de ces maladies.
ÉTOURNEAU, flumus. f. m. {H.Jl.
nat. Ornith. ) oifeau dont le mâle pe(e trois
onces & demie , & la femelle feulement
trois onces. Cet oileau a neuf pouces de
longueur depuis la pointe du bec jufqu'au
bout des pattes , & huit pouces trois quarrs,
il on ne prend la longueur que jufqu'à l'ex-
trémité de la queue : l'envergure eft de
feize pouces. L'étourneau eft de la groheur
du merle , &: lui relTemble par la fig'jre du
corps : fon bec a un pouce tr^'s lignes de
longueur depuis la pointe jufqu'à langle de
la bouche ; il eft plus large &: plus aplati que
celui des merles & des grives. Le bec de
Vétourneau mâle eft d'un jaune plus pâle que
celui de la femelle : dnis l'un & dans l'au-
tre la Partie fupcrieure le trouve égale à U
>f:.
E T 0
204
p irue inférieure : la langue eft dure , ten-
d;neu(è & fourchue : lîns des yeux a une
couleur de noifene , orcepté la partie lu-
périenre , qui efl; blanchâcre : il y a une
membrane fous les paupières : les patres ont
une couleur de fafran , ou une couleur de
cKair ; les ongles font noirâtres ; le doigt
extérieur tient au doigt du milieu par fa pre-
iriiere phalange : les jambes font couvertes
de plumes en entier : la pointe des plumes
efl: jaunâcre dans celles du dos & du cou,
éc de couleur cendrée dans celles qui font
f&us la queue : quelquefois la pointe des
pkimes eft noire , avec une teinte de bleu ou
de pourpre , qui cha!ir,e à diiîérens afpeds.
On reconnoît le mâle par la couleur de
pourpre , qui eft plus apparente lur le dos ;
par la couleur du croupion , qui tiie plus
fur le verd j & par les taches du bas-ventre,
dont le nombre elt plus grand que dans la
femelle. Les grandes plumes des ailes font
brunes ; mais les bords de la troifieme &
de celles qui fuivcnt jufqu'à la dixième , &
à celles qui fe trouvent depuis la quin^me
jufqu'à la dernière , font d'un noit^lus
obfcur. Les petites plumes qui recouvrent
les grandes, font luifantes ; la pointe de
celles du dernier rang eft jaune : les petites
plumes du deiïbus de l'aile font de couleur
brune , excepté les bords , qui ont du jaune-
pâle : la queue a trois pouces de longueur ;
elle eft com.pofée de douze plumes qui font
brunes , à l'exception des bords , dont la
couleur eft jaunâtre. La lamelle niche dans
des trous d'arbres ; elle pond quatre ou cinq
«eufs , qui font d'un bleu- pâle mêlé de yerd.
Les étourncaux le nourrilTent de Icara-
bées , de petits vers , fcc. Ils vont en ban-
des; ils fe mêlent avec quelques efpeces de
grives , mais ils ne les fuivent pas iorl-
qu'elles paftènt en d'autres pays. On trouve
quelquefois des variétés dans les oifeaux
de cette efpece ; on en a vu en Angleterre
deux blancs , & un autre dont la tête
étoit noiie , & le refte du corps blanc.
JJérournecu apprend affcz bien à parler.
Willughby , Ornith. Voye^ Saksonnet ,
Oiseau. (/)
Etourneau , gris-étoorneau, {Manège,
Jtiaréch, ) nom d'une forte de poil qui , par
la rclllmblance de fi couleur avec celle
riu plumage de l'oifeau que l'on appelle
E T O
ainfi , nous a portés à accorder au cheval
qui en eft revêtu , cette mêm.e dénomina-
tion. Les chevaux ctourr.ecux , {êlon les
idées qui préoccupoient les anciens , rare-
ment ont les yeux bons ; à mefure que la
couleur de leur poil pafte , ils fe ralentiflent
îx ont peu de valeur. Ce poil , mêlé d'une
couleur jaunâtre , n'eft pas fî fort eftimé.
Voyii^ à l'article Potl , le cas que l'on doit
flrire de ces judicieufes obfcrvationj. (e)
E T R
- ÉTRANGE , adj. Il fe dit de tout ce
qui eft ou nous paroit contraire aux notions
que nous nous fômn-ies formées des cho-
fes , d'après des expériences bien ou mal
faites.
Ainfi quand nous difons d'un homme
qu'il eft écrange , nous entendons que fon
aftion n'a rien de commun avec celle que
nous croyonb qu'un homme fenié doit faire
en pareil cas : de- là vient que ce qui nous
(emb'e étrange dans un temps , celle quel-
quefois de nous le paroitre quand nous fem-
mes m.ieux inftruits. L'ne affaire étrange , eft
Celle qui nous offre un concours de circonf-
tances auquel on ne s'attend point , moins
pp.rce qu'elles font rares , que parce qu'elles
ont une apparence de contradiftion •; car fi
les circonftances étoient rares , l'affaire ,
nu lieu d'être étrange , feroit étonnante ,
iurprerante , iinguliere , de.
ÉTRANGER , f. m. ( Droit polit.)- céui
qui eft né (ousune autre domination & dans
un autre pays que le pays dans lequel il fe
trouve.
Les anciens Scythes immoloient & man-
geoicnt enfuite les étrangers qui avo.ent le
malheur d'aborder en Scyihie. Les Ro-
mains , dit Cicéron , ont autrcf.>is con-
fondu le mot d'ennemi avec celui d'étranger:
peregrinus antea dicliis hoftis. Quoique les
Cjtecs fuflent redevables à Cadmus , étran-
ger chez eux , des fcienccs qu'd leur apporta
de Phénicie , ils ne purent jamais fympa-
thifer avec les étrangers les plus eftimables ,
ta. ne rendirent point à ceux de cet ordre
qui s'établirent en (ùc;e , les honneurs
qu'ils nicritoieiit. Ils reprochèrent à AntiU
thenr
E T R
thene que fa mère n'écoit pas d'Athènes ;
& à Iphicr.ue, que la fienne étoitde Thrace:
mais les deux {jiuloiophes leur répondirent
que Umerc des dieux écoit venue de Phry-
gie Se des folicudes du mont Ida , & qu'elle
ne inilloic pas d ecre refpeftéc de toute la
terre. AulTi la rigueur tenue contre les étran-
gers par les républiques de Sparte l^ d'Athè-
nes , fut une 'Ils prmcipales caufcs de leur
peu de durée.
Alexandre au contraire ne (e montra
îamais plus digne du nom de grand , que
quand il fit déclarer par un édit que tous
les gens de b en ctoient parens les uns
des autres, de qu'il n'y avoir que les mé-
dians feuls que l'on devoir réputer étran-
gers.
Aujourd'hui que le commerce a Hé tout
l'univers , que la politique cft éclairée fur
fès inti-'rêts , que l'humanité s'étend à tous
les peuples , il n'tfl: point de louverain en
Europe qui ne penfe comme Alexandre.
On n'agite plus la qucftion, fi l'on doit per-
mettre aux étrangers laborieux & induf^
tricux, de s'établir dans notre pays, en fe
foumettant aux loix. Perlonne n'ignore que
rien ne contribue davantage à la grandeur ,
la puilTance &: la profpéntc d'un état, que
r&ccès libre qu'il accorde aux étrangers de
venir s'y Habituer , le foin qu'il prend de
les attirer , & de les fixer par tous les
moyens les plus propres à y réulTir. Les Pro-
vinccs-Unieî ont fait l'heurcufe expérience
de cette fage conduite.
D'ailleurs on citeroit peu d'endroits qui
re foient allez fertiles pour nourrir un plus
grand nombre d'habitans que ceux qu'il
contient , & alfcz fpacicux pour les loger.
Enfin s'il cd encore des états policés oij les
lois ne permettent pas à tous les étrangers
d'acquérir des biens-fonds dans le pays, de
tefter& de difpofer de leurs effets , même
en faveur des régnicoles , de telles loix doi-
vent paficr pour des reftes de ces fiecles bar-
bares , où les étrangers étoient prefque re-
gardés comme des ennemis. Article de M.
le Chevalier de JaucouRT.
Étranger, ( Jurifprudence. ) autre-
ment cubain. Voye'^ Aubain 6' RtGNi-
COLE.
Étranger , fe dit auflî de celui qui
Tome XJU,
E T R 265
n'eft pas de la famille. Le retrait ligna-
ger a lieu contre un acquéreur étranger,
pour ne pas lailler fottir les biens de 1*
tamille.
Étranger , ( D'-oit ) roy?^ ci-dev. au mot
Droit , à Cart. Droit f.trangfr , &: aux
diftércns articles du droit de chaque pays.
{A)
ÉTRANGLEMENT, f m. (iîyrfr.) On
entend par ce mot l'endroit d'une conduite
où le frottement cft lî confidérable , que
l'eau n'y pafle qu'avec peine. V. Suspen-
sion. ( X )
^ ÉTRANGLER , v. ad. c'eft ôter la
vie en comprimant le canal de la refpira-
tion : en ce fcns on ne peut étrangler i^\x\x\\
animal ■■, cependant on étrangle une fufée „
une manche & en général tout corps creux
dont on rétrécit la capacité en quelque
point de fa longueur.
Étrangler , en termes d' Artificiers , c'eft
rétrécir l'orifice d'un cartouche , en le fer-
rant d'une ficelle.
ETRANGUILLON , f. m. (Manège,
Maréch. ) maladie qui dans le cheval eft
précifément la même que celle que nous
connoillons, relativement à 1 homme , ious
le nom à'efjuinancie. Quelque grolTîere que
piroille cette expreiïion , adoptée par tous
les auteurs qui ont écrit fur l'hippiatrique ,
ainfi que par tous les maréchatix, elle ell:
néanmoins d'autant plus fignifica:"ve, qu'elle
préfente d'abovd l'idée du liege iSc des acci-
dens de cette maladie.
Je ne me perdrai point ici dans des divi-
fions femblables à celles que les médecins
ont faites de Vangine, fous le prétexte d'en
caraétérifer les dilijrentes efpeces. Les dif-
f rentes dénominations à'efijuinancie , de
kynancie , de parafjuinancie , & de paraky~
nancie , ne nous oftnroient que de vaines
dil^in6tions qui lero'ent pour nous d'une
rellource d'autant plus foible , que je ne
vois pas que la médecine du corps humiiii
en ait tiré de grands avantages, puifquc
Celle, Arélœc, Aëtius, & Hip^crate même,
leur ont prêcc des (eus divers. Ne nous atta-
chons donc ^'oint aux mots , ik. ne nous li-
vrons qu'à la recherche 6c à la connoilfance
des chofes.
On doit regarder Vctranguillon comme
266 E T R
une maladie inflammatoire , ou plutôt Com-
me une véritable inflammation ; des lors
«lie ne peut êtie que du genre des tumturs
chaudes , & par conlequent de la nature du
phlegmon , ou de la nature de lYiclypele.
Cette inflammation failit quelquefois toutes
les parties de la gorge en même temps ;
quelquefois aulTi elle n'afledte que quelques-
unes d'entr'cUer., L'engorgement u'a-t-il
lieu que dans les glandes jugulaires , dans
iesgraifles, & dans le tiflu cellulaire qui
garnit extérieurement les mulcles ? alors le
gonflement eft manifefte , & ïétranguillon
ell externe. L'inflammation au contraire
j-éfidc-t-elle dans les mufcles mêmes du
pharynx , du laiynx , de l'os hyoïde , de la
langue ? le gonflement eft moins apparent,
& Vétranguillon tft interne.
Dans les premiers cas, les accidens font
légers, la douleur n'eft: pas confidérable , la
ïefpiration n'efl: point gênée , la déglutition
eft hhre i & les parties affeélées étant d'ail-
leurs expofées i^ foumifes à l'action des
médicamens que l'on peut y appliquer fans
peine , l'engorgement a rarement des fuites
funeftes , & peut être plus facilement dilTi-
pé. Il n'en eft pas de même lotfque l'inflam-
mation eft intérieure . non feulement elle
«ft accompagnée de douleur, de hevre, d'un
violent battement de fl inc , d'une grande
rougeur dans les yeux , d'une excrétion
abondante de matière écumeufe , mais l'air,
ainfi que les alimens , ne peuvent que difti-
cilement enfler les voies ordinaires qui leur
font ouvertes ; &: fi le mal augmente , &
fe répand fur la membrane qui tapifte l'in-
térieur du larynx & du pliarynx, & fur les
glandes qu'elle renferme, Pobftacle devient
tel , que la refpiration & la déglutition font
totalement interceptées ; & ces fondtions
eftentielles étant entièrement fufpendues^,
l'animal eft dans le danger le plus prci-
iânt.
Notre imprudence eft communément la
caufe première de cette maladie. Lorf'que
nous expofons à un air froid un cheval qui
eft en fueur , nous donnons heu à une lup-
preflfion de la trarfpivation : or les liqueurs
qui furchargent la mafle , fe dépofent (ur
les parties les moins difpolées à rélifter à
IcitT abord j ôc les portions glaniukufes
E T R
de la grtfge naturellement aflez lâches , &
abreuvées d'une grande quantité d'humeur
mufqueufe , font le plus fréquemment le
lieu où elles fe fixent, i". Dès que nous
abreuvons un cheval auiï!-:ot après un exer-
cice violent, & que nous lui prélcntons une
eau vive & trop froide, ces mêmes parties
en fouftiant immédiatement PimprefTion,
la boiflon occafionne d'une part le reffcrre-
ment foudain de toutes les fibres de leurs
vailleaux , & par une fuite immanquable ,
celui des pores exhalans , & des orifices de
leurs tuyaux excrétoires. D'un autre côté ,
elle ne peut que procurer PépaiffilTement
de toutes les humeurs contenues dans ces
canaux, dont les parois font d'ailleurs aflez
fines &i aflez déliées pour que les corpufcules
frigorifiques agillent & s'exercent fur les li-
queurs qui y circulent. Ces premiers eff'ets ,
qui produifent dans l'homme une extinc-
tion de voix ou un enrouement , fe décla-
rent dans le cheval par une toux fourde , à
laquelle fouvrnt tous les accidens ne fe
bornent pas. Les liqueurs étant retenues &
arrêtées dans les vaifléaux , celles qui y
aftlueiit font effort contre leurs parois, tandis
qu'ils n'agiflent eux-mêmes que fur le liqui-
de qui les contraint : celui-ci prefle parleur
réaàion , gêné pat les humeurs en ftafe qui
s'oppofent à fon paflage , & pouflé ians
celle par le fluide qu'il précède , fe fait
bientôt jour dans les vaiflejux voifins. Tel
qui ne reçoit , pour ainfi dire , que les
globules fereufes , étant forcé , admet les
globules rouges ; & c'cft ainfi qu'accroît
l'engorgement , qui peut encore être
fui VI d'une grande ir.flamm.ition , vu
la diftenfion extraordinaire des folides ,
leur irritation , & la perte de leur fou-
plelTe, enfuite de la rigidité qu'ils ont ac-
quife.
Ces progrès ne furprennent point , lorf-
qu'on réfléchit qu'il s'agit ici des parties
garnies & parfemAs de nombre de vaifleaui
prépofés à la fcparation des humeurs , dont
l'excrétion empêchée & fu'penduè, doit
donner li'eu à ' de plus énormes ravages.
En effet , Pirritation des folides ne peut
que s'étendre & fe communiquer des nerfs
de la partie à tout le genre nerveux : il y
a donc des lors une augmentation de
Biouvcmem dans tout le fyfiêine des fibres
E T 11
ir (les vaiffeaiix. De plus , les liqueurs
arictées touc à coup par le relTerrement
des pores & des tuyaux excrétoires , refluent
en partie dans la malle , à laquelle elles
font c'trangeres ; elles l'iltcrciu incoiuef-
tablement , elles détruifciu l'équilibre qui
doit y régner. En fauc-il davantage pour
rendre la circulation irréguliere , vague &
précipitée dans toute fou étendue ; pour
produire enfin la fièvre , & en coiiléquence
la dépravation de lu plupart des fonc-
tions , dont l'excrétion parfaite défiend
toujours de la régularité du mouvement
circulaire ?
Un funcfte enchaînement de maux dé-
pendant les uns des autres , Se ne rccon-
noidant qu'une feule &: même caufe , quoi-
que légère , entraine donc fouvent la def-
trucliion «Je l'anéantillemenr total de la Tna-
cliine, lorlqu'on ne fe précautionne pas con-
tre les premiers accidens , ou lorlqu'on a la
témérité d'entreprendre d'y remédier fins
connoitre les loix de l'économie animale ,
Si fans égard aux principes d'une faine thé-
rapeutique.
Toutes les indications curatives fe rédui-
fent d'abord ici à favorifer la réfolution.
Pour cet erî-et on vuide les vailTeaux par
d'amples faignces à la jugulaire , que l'on
ne craindra pas de multiplier dans les efqui-
nancies graves. On prefcrira un régime dé-
layant, rafraîchilfant : l'animal fera tenu
au fon Se à l'eau blanche ; on lui donnera
des lavemens émoUiens régulièrement deux
ou trois fois par jour; Se la même décoftion
préparée pour ces lavemens , mêlée avec
fon eau blanche , fera une boidon des plus
falutaircs. Si la fièvre n'tft pas conlîdéra-
ble , on pourra lui adminiftrer quelques
légers diaphorétiques, à l'etfec de rétablir
la tranfpiration , Se de poulfcr en de-
hors , par cette voie , l'humeur furabon-
dante.
Les topiques dont nous uferons , feront ,
dans le cas d'une grande inflammation ,
des cataplafmes de plantes émoUientes ;
Se dans celui où elle ne feroit que foible
Se légère , Se où nous appercevnons plu-
tôt un fimple engorgement d'hunîcurs vif-
queules, des cataplafmes réfolutifs. Lors
mênje que le mal réfidera dans l'intérieur ,
E T R 267
on ne ccflèra pas les applications exté-
rieures ; elles agiront moins efficacement,
mais elles ne feront pas inutiles , puifque
les vailleaux de toutes ces parties commu-
niquent entr'cux , Se répondent les uns aux
autres.
Si la fquinancie ayant été négligée dès les
commencemcns, l'humeur forme extérieu-
rement un dépôt qui ne puifTe fe terminer
que par la fuppuration , on mettra en uiàgc
les cataplafmes maturatifs; on examinera
attentivement la tumeur , & on l'ouvrir»
avec le fer aulTi-tôt que l'on y appercevra de:
la fluéhuation. Il n'eft pas poffible de (bula-
gcrainli l'animal dans la circonftance où
le dépôt efl; interne ; tous les chemins pouc
y arrriver , Se pour reconnoitre précifémenc
le Ueu que nous devrions percer , nous fonc
interdits : mais les cataplafmes anodyns ,
fixés extérieurement , diminueront la ten-
fion Se la douleur. Nous hâterons la fuppu-
ration , en injeétant des liqueurs propres à
cet effet dans les nafeaux de l'animal , Sc
qui tiendront lieu des gargarifmes que l'on
prefcrit à l'homme ; comme lorfqu'd s'agira
de réioudre , nous injcélerons des liqueurs
rélolutives. Enfin la fuppuration étant faite
Se le dépôt abcédé , ce que nous reconnoî-
trons à la diminution de la fièvre , à l'ex-
crétion des matières mêmes , qui fiueionc
en plus ou moins grande quantité de la bou-
che du cheval , à une plus grande liberté de
fe mouvoir, &c. nous lui mettrons plufieurs
fois par jour des billots enveloppés d'un lin-
ge roulé en plulîeurs doubles , que nous au-
rons trempés dans du miel rofat.
Toute inflammation peut fe terminer par
là en gangrené, & l'efquinancie n'en eft pas
ex;mpie. On conçoit qu'alors le mal a été
porté à fon plus haut degré. Tous les acci-
dens font beaucoup plus violens. La fièvre ,
l'excrétion des rnatieres vifqueufes , qui pré-
cède la fécherellè de la langue Se l'aridité de
toute la bouche ; l'inflammation &la rou-
geur des yeux , qui femblenr fortir de leur
orbite i l'état inquiet de l'animal, l'impoilî-
bilité dans laquelle il eft d'avaler, fon op-
prenTion , tout annonce une difpofition pro-
chaine à la mortification. Qiiand elle efl:
formée, la plupart de ces fympcpmes redou-
tables s'évanouillent , le battement de flanc
LU
a68 E T R
cft appciifé , la douleur de la gorgc^ eft cal-
mée ,'la rougeur de l'oCil dillipéc , l'animal ,
en un mot , plus tranquille ; mais on ne doit
pas s'y tromper , l'abattement occafionne
plutôt ce calme & cette tranquillté faufle
& apparente que la diminution du mal.
Si l'on conlidcrc exademcnt le cheval dans
cet état , on verra que fes yeux font ternes
&larmoyans, que le battement de fes ar-
tères eft obfcur -, &: que du i'o.id du lîege de
la mal.îdie s'écbapptnt Hc Te détachent des
efpeccs de filandres blanchàties, qui ne
font autre chofe que des portions de la
membrane interne du larynx &c pharynx ,
qui s'exfolie: car la gtngrenc des parties
incernes , principalement de celles qui
font mcmbrancufes , eft fouvent blan-
che.
Ici le danger cft extrême. On procédera
à la cure par dts remèdes modérément
chauds, comme par des cordiaux tempérés:
on inieftera par les nafcaux du vin dans
lequel on aura délayé de la thériaque , ou
quelques autres l'queurs fpiritueules : on
appliquera extérieurement des cstaplafmes
faits avec des plantes réfolutives les plus for-
tes , & fur lefquels on aura fait fondre de
l'onguent ftyrax ; 5i l'on préviendra Vanéan-
tidement dans lequel la difficulté d'avaler
précipiteroit inévitablement l'animal, par
des lavemens nutritifs.
Qtiant à l'obOaclc qui prive l'animal de
la faculté de refpirer , on ne peut frayer un
paffagc à l'air , auquel la glotte n'en per-
met plus , qu'en faifant une ouvenure à la
trachée, c'cft-à-dire , en ayant recours à la
bronchotomie , opération que j'ai pratiquée
avec fuccès, Se que j'entrepris avec d'autant
plus de confiance , qu'elle a été première-
ment tentée fur les animaux ; car Avcnfoë' ,
parmi les Arabes, ne la recommanîTa fir
l'homme qu'après l'expérience qu'il en fit
lui-même fur une chèvre.
Il s'agidôic d'un cheval réduit dans un
état à m'ôter tout efpoir de le guérir , au
moins par le lecours des remèdes, l! avoit
wn battement de flanc des plus vifs: l'œil
appercevoit fcnliblement à l'infertion de
l'encolure dans le poitrail , une fréquence
& une intermittence marqu.'e dans la pul-
iation des caroûùcs. Les artères tempo: a-
E T R
les , ou du larmier , me firent fentir aufîî ce
que dans l'homme on appelle un pouls ca-
prifant. Les veines angulaires & iugulaires
étoitnt extrêmement gonflées ; le cheval
écoit comme hors d'haleine, & pouvoir à
peine le (outenir ; fes yeux étoient vifs,
enflammés , & , pour ainiî parler, hors des
orbites 5 les nafeaux fort ouverts ; fa langue
brûlante & livide, fortuit delà bouche; une
matière vilqueufe, gluante & verdâcrc en
découloit : il n'ava'oit aucune forte d'ali-
mens ; les plus liquides, dont quelque temps
auparavant une partie pafïoit dans le pha-
rynx , tandis que celle qui ne pouvoit pas
enfiler Cette voie naturelle, revenoit & fe
dégorgeoit parles nafeaux, n'outre- palToient
plus la cloifon du palais: rinflammation
étoit telle enfin , que celle de l'intérieur du
larynx fermant l'ouverture de la glotte ,
occahonnoit la difficulté de refpirer , pen-
dant que celle qui attaquoit les autres par-
ties , étoit la caufe unique de l'impoiTibiLté
de la déglutition.
Dans les maladies aiguës & compliquées,
il faut parer d'abord aux accidens les plus
pre(Tan$ ; des circonftances urgentes ne per-
mettent pas le choix du temps , & la nécef-
ficé Teule détermine. L'animal étoit prêt à
fuffoquer ; je ne penfii donc qu'à lui faci-
liter la liberté de la refpiration. Je m'armai
d'un biflouri , d'un fcapel , & je me munis
d'une canule de plomb que je fis fabriquer
(ur le champ ; j'en couvris l'entrée avec une
toile très- fine, & j'attachai aux anneaux
dont elle étoit garnie (ur les côtés du pavil-
lon, un lien , dans le dcflein de l'alliijcttir
dans la trachée.
Le cheval , pendant ces préparatifs, étoit
tombé ; je fus contraint de l'opérer à terre ;
je le pouvois d'autant plus ailément , que la
tête n'y repoloit point , & que cette opéra-
tion eft plus facile dans l'animal que dans
l'homme , e-.i ce que , 1°. l'étendue de fon
encolure prélente un plus grand efpace; &
p:J.rce qu'en fécond lieu , non- feulement le
diamètre du cinal que je voulois ouvrir eft
] Lis confidérablc , mais il eft moins en-
foncé ^ moins dirt.uu de l'enveloppe exté-
rieure.
La partie moyenne de l'encolure fut le
lieu qui n>c parut le plus convenable poui
E T R
mon opcrntion , attemlu qu'en ne m'aJref-
faiic pouK à la portion lupérieure , je m'é-
loignois de l'inflammacion , qui pouvoir
avoir gagné une partie delà trachée ; & que
plus près de la portion intérieure, je courois
rifque d'ouvrir des rameaux :rtériels & vei-
neux provenant des carotides tk des jugu-
laires , & qui par des variations fré(iuentes
font fouvent en nombre infini difperiees à
l'extérieur tie ce conduit.
J'employai enfuitc un aide , auquel j'or-
donnai de pincer conjointement avec moi ,
&C du côtcoppole , la peau , à laquelle je fis
une incihon de deux travers de doigts de
lonj;ucur. Je n'uitcrelfai que les cégumens ;
& le3 mufcles étant à découvert , je les fé-
parai feulement pour voir li trachce-arterc,
à laquelle je fis une ouveuure dans l'inter-
valle de deux de Tes anneaux , avec un Ica-
pel tranchant des deux cotés. L'air forti:
aulFi-tot impétneufement par cette nouvelle
irtue , Se cet eftort me prouve que la glotte
étoit piefqu'entieremcnt fermée , & que la
petite quantité de celui qui arrivoit dans les
poumons par l'infpiration , s'y raréfioit , te
ne pouvoïc plus s'en échapper. Le louiage-
ment que l'animal en rcllcntit , fut marqué.
Dès cette grande expiration , & au moyen
des mouvemens alternatifs qui la fuH'irent,
il fut moins inquiet , moins embarrallé. Ces
avantages me flaterent , & j'apportai toutes
les attentions necellaircs pour allurer le (ac-
cès de mon opération.
La fixation de la canule étoit: un point
important ; il falloir l'arrêter de manière
qu'elle ne put entrer ni lorcir toute entière
dans la trachée ; accident qui auroit été de
la dernière fatalité , foit par la difHculté de
l'en retirer , foit par les convulhons affreufes
qu'elle auroit inh^iiliblemenr excitéesparfon
imprclTîon fur une membrane d'ailleurs h
feniible, que la m.:>indre partie des alimens
qui fc détourne des voix ordinaires , & qui
s'y infinue , fufcite une toux qui ne celle
qu'autant que par cette même toux l'animal
parvient à l'expulfer.
Mîiis les liens que j'avois déjà attachés
aux anneaux , me devenoient inutiles ; la
forme & les mouvemens du cou du cheval ,
rendoient ma précaution inliiflilante. J'ima-
ginai donc d'oter leï bandelettes, de je pra-
tiquai deux points de fuaire , un de cha-
E T R 259
que côté , qui prît dans ces mêmes anneaux,
i^ dans les lèvres de la plaie faite au cuir.
La canule , ainfi afTurée , je procédai au pan-
fement , qui conlifta fimplement dans l'ap-
plication d'un emplâtre fenêtre , fait avec
de la poix , par conléquent très agglucina-
tif , que je plaçai , comme un contcntif &:
un defenlif cspable de garantir la plaie de
l'accès de l'air extérieur ; & je n'eus garde
de mettre en ufagc la charpie , dont quel-
ques filamens auroient pu s'mtrodu re dans
la trachée. Ce n'étoit point encore alTez, les
points de future maintenoient la canule de
façon à s'oppofer à fon entrée totale dans le
conduit , qu'elle tenoit ouvert ; mais fa fi-
tuation poavoit être changée par les didé-
rentes attitudes de la tète de l'animal , qui
étant mue en haut & en avant , auioit pu
la tirer hors du canal : aulTi prévins-je cet
inconvénient , en aflujer.nl'ant cette partie
par une mjrtingale atiach;i d'un ccté à i,iî
iurfaix qui enrouroit le corps du cheval , 6i
de l'autre à la muferole du licou; enforcc
qne je le contraignis à tenir fa tête dans une
pcluion prefque perpendiculaire. Je lui fis
enfuire une ample faignée à la jugulaire feu-
lement , dans l'intention d'évacuer ; & le
même foir j'en pratiquai une autre à la (al—
phtne , c'eft-à-dire à la veine du plat de
il cuille , dans la vue de lollicii.er une ré-
vu'hon.
La canule demeura cinq jours dans cet
état. Les principaux accidens dilp; rurenc
infenfblement ; ai je ne douce point que
cet amendement, qui fut v'fible deuxheuies
même af rcs que j'eus opéré , ne loit cù à ta
facilité que j'avois doni.é au cheval d'infpi-
rer & d'expirer, quoiqu'arnficiellemtnt :
l'anxiété, l'agitation , te enfin l'ancantilTe-
ment dans lequel il étoit , provenant fans
doute en partie de la contrainte & de la
difficulté de la refpiiation , contrainte qui
caufoit une intermilTïon de la circulation
dans les pouinom , & intermiilîon qui ne
pouvoit que retarder tk même empêcher la
marche (Se la progrefTion du fluide dans tout
le relie du corps , puifque route la malle fan-
gume eft néceiîaircment obligée de palier
par ce vilccre. --<d
L'animal futnéanmoins encore trois jours
après l'opération , lans recouvrer la faculté
X d'avaler des alimens d'auca::: elpece , Sc
5,-0
E T R
fan5 pouvoir rcfpucr par le larynx. Je pris
pendant cet intervalle de remps , le parti de
le lûiitcn'r par des 1 ivemens de lait , tantôt
pur , & tantôt coupé avec de l'eau dans la-
quelle je faito s bouillir une ou deux têtes de
mouton , julquà l'entière féparation de la
chair &: des os. L'cftet de ces kvemens ne
pouvoir être que (alutaire , puifqu'ilscto'ent
très-capables de tempérer l'ardeur des en-
trailles , & quune quantité de fucs nutritifs
s'introduifoit toujours dans le fang par la
voie des vailleaux ladtés qui partent des in-
teftnisj & que j'ai apper^us tiès-diftinde-
ment dans le cheval.
Telles étoient les rcfiburces légères dont
je prolîtois : j'en avois encore moins pour
placer des gargarifmes , cependant elftntiels
& néccdaires , dès qu'il falloir calmer l'ar-
deur & la fécliereUe des parties du goder ,
les détendre , diminuer l'efpece d'oblitéra-
tion de leurs orifices excréteurs , & rétablir
enfin le cours de ta circulation. J'injedai à
cet effet par la bouche & par les nafeaux
une décodion d'orge, dans laquelle je mct-
toisdu mielrofat& une petite dofe de Ici
de iaturne. L'injeClion par la bouche pouf-
foit la liqueur julqu'à la cloifon du palais ,
& jufque fur la bafe de la langue ; & celle
que i'adreflbis dans les nafeaux, s'étendoit
par les arricre-narines jufque lur les parties
enflammées de l'arrierc-houche , qu'elle bai-
gnoit & qu'elle détiempou. Je la. liai encore
dans la bouche de l'animal , des billots que
je renouvellois toutes les deux heures, &c
que j'avois entourés d'une éponge fortement
imbue de cette m^me décoftion. Mes vccux
furent remplis le quatrième jour^, les ali-
mens liquides commencèrent à paner,ce que
je reconnus en voyant defcendre la liqueur
injeâiée le long de rœfophage,dont la dila-
tation eft fenfibleà l'extérieur dans le temps
de la déglutition ; Si lorfque je bouchois la
canule , l'air expiré frappoit& échauftoit ma
main au moment où je la portois .à l'orihce
externe des nafeaux. Je retirai donc cet
inftrunrent, & je mis fur la plaie de la
trachce-arterc , qui , autant que j'en pus
juger, fut fermée dans l'efpace de trois jours,
un plumaceau trempé dans une décodion
vulnéraire 5c du miel rofat. J'eus la précau-
tion de le bien exprimer , dans la crainte
qu'il n'en enct'iic dans le çoiiduit , &c je cu»-
E T R
vris le tout d'un grand plumaceau garni de
baum.c d'arcéus , que je tentai d'alfujettir
par un large collier •■, mais le foir je trouvai
mon appareil dérangé, & la difficulté de le
maintenir me fit changer de méthode. Je
crus n'entrevoir aucun danger à procurer la
réunion des tégumens , j'y pratiquai un point
de futme qui fut futHiant ; car cette réunion
commcncoit à avoir lieu dans les angles. Je
chargeai la plaie d'un plumaceau enduit du
même baume, & j'appliquai pardef.us ce
plumaceau un emplâtre contentif: auffi le
fuccès répondit à mon attente ; il ne furyint
point d'emphyfeme, accident que j'avoisà
redouter , & la pbiie de la peau fut cicairi-
fée le fixieme jour, ce qui en fait en tout
onze depuis celui de l'opération.
J'ai dit que dès le quatrième les alimens
liquides commençoient à palTer. Je fis donc
piéfenter au cheval de l'eau-blanche avec le
Ton 5 il n'en but qu'une feule gorgée , & je
continuai toujours les lavemens , quoiqu'en-
fin il parvînt à boire plus aifement & plus
ccpieufcment de l'eau, dans laquelle je fis ■
mettre de la farine de froment : 'le tout pour
reparer la longue abftnience , & pour rap-
peller fes forces. Je ne celfai point encore les
gargarifmes; l'inflammation des parties in-
térieures avoir été (i conhderable , que ja
crus devoir prolonger &c réitérer fans ceilc
mes injcdions. Scelles étoient fi convena-
bles, qu'il furvint une forte de mortification
à toutes ces parties.
En effet, l'ardeur s'étanr calmée, le pouls
éto't concentré & confervoit Ion irrégula-
rité; les yeux , de vifs 5c ardens qu'ils étoient,
devinrent mornes 5c larmoyan"; ; la feniibi-
lité des parties affeebces paroifloit moindre,
ou plutôt le cheval fembloit moins touflrir,
mais il étoit dans un état d'abattement qui
ne me préfageoir rien que de funeft:e. J'ajou-
rai à mes injedions quelques gouttes d'eau-
de-vie , 5c la mortification que je foupçoii-
nois fe déclara parle fignc pathogomoni-
que ; car je vis fortir par la bouche une
humeur purulente, jointe à plulieurs petits
filamens blanchâtres , tels que ceux dont
j'ai parlé.
Après la chute de cette cfpeced'efcharre,
les parties affectées devinrent de nouveau
fenliblcs : j'en jugeai par la crainte & paX
E T Px.
la répugnance que l'animal avoit pour les
injections. Je luhftiruai le vin à l'cau-de-
vie , ce qui les rendit plus douces , & plus
appropiicfes à des parties vives & exulcérées.
Enhn au bout de vingt jours je le purgeai :
cinq jours après je réitérai la purgation ;
cnlortc que l'opération , les deux faignécs
qui lui fucccdcrent , les lavemens nourrif-
fms , le lait , le fon , la farine de froment,
l'eau blanche , les gargarifmes & les deux
breuvages purgatifs , hircnt les remèdes
qui procurèrent la gucrifon radicale d'ane
maladie qui difparut au bout d'un mois.
C'eft alTurément au tempérament de l'a-
nimal que doit ie rapporter la ccfT'ation de
la mortification, ainiî que l'exfoliation &
la cicatrilation des parties ulcérées. La na-
ture opère en général de grandes merveilles
dans les chevaux ; elle féconde mêrae les
intentions de ceux qui la contrarient fans
la connoitre , & qui ne favent ni la conful-
ter ni la luivre : car on peut dire haute-
ment, à la vue de l'ignorance des maré-
chaux , que lorfqu'ils fe vantent de quel-
ques fuccès , ils ne les doivent qu'aux (oins
qu'elle a eus de rectifier leurs procédés &c
leurs démarches. D'ailleurs l'expérience
nous démontre que dans cet animal les
f laies fe réuinlfent plus aifément que dans
homme ; la végétation , la régénération
des chairs ell plus prompte &i plus hcu-
reufc , elle eft même louvent trop abon-
dante ; les ulcères , les abcès ouverts y dé-
génèrent moins fréquemment en fiftules :
fon Cang eft donc mieux mélangé , il eft
plus fourni de parties gélatineufcs, douces
Ik baliamiques ; il circule avec plus de li-
berté , (e dépure plus parfaitement , eit
moins fujct à la dillolution & la déprava-
tion que le fang humain, perverti & lou-
vent accompofe par un mauvais régime «Se
par des excès.
Ces réflexions néanmoins ne prouvent
efTcntiellement rien contre l'analogie du
méchanifme du corps de l'homme & de
l'animal : el'e eft véritablement conftante.
S'éloigner de la route qui conduit à la gué-
rifon de l'un , & cherc!-ier de nouvel'es
voies pour la guérifon dt l'autre, c'cft s'cx-
pofer cl tomber dans des écarts continuels,
i-A fcience des maladies du corps humain
E T R 27,
préfente à lliippiatrique une abondante
moillon de découvertes & de richtlfes ; nous
devons les mettre à profit ; mais la Méde-
cine ne doit pas fe flatter de les polféder
toutes : l'hippiatrique cultivée à un certain
point , peut à fon tour devenir un trcibr
pour elle, (e)
ETRAQUE , f. f. ( M.:nnc. ) c'eft la
largeur d'un bordage. Etraque de gabord ,
première étrnque , c'eft la largeur du bor-
dage qui eft entaillé dans la quille. ( Z )
ETRAVE , f f. ( Marine. ) L'c'trtive eft
une ou pludcurs pièces de bois courbes
qu'on adcmble à la quille , ou plutôt au
ringeot par une empature , comme les pie-
ces de quille le font les unes avec les autres;
elle termine le vailfeau par l'avant. On la
fait ordinairement de deux pièces emparées
l'une à l'autre.
Les empatures de l'éirave ont de lon-
gueur au moins quatre fois l'cpaifl'eur de la
quille.
Comme les bordages & les préceintes de
l'avant vont ie terminer fur l'éirave , on y
fait une rablure pour les recevoir, l 'oyer
planche IV de Manne ,Jig. l, n°.j, la luua-
tion de Véiravc.
On a coutume de picter l'i-rr^re , c'eft-
a-dire , qu'on la divile en pies fuivant une
ligne perpendiculaire. Ces divihons font
très-commodes dans l'armement , pour
connoître le tirant d'eau des vaillèaux à
l'avant.
La largeur de \'étrave eft égale à la lar-
geur de la quille par le bas ; fon épaiffeur
en cet endroit eft auffi égale à l'épailTtur
de la quille , mais elle augmente en haut
de quatre lignes & demie par pouce de
largeur.
Pour avoir la hauteur de Vétrave , plu-
fîcurs conftru(ftturs prennent un quart de
la longueur de la quille > ou un peu m.oins;
d'autres un dixième ou un douzième de la
longueur totale du vaiireau.
Il vaut mieux établir la hauteur cie Vétra-
ve en additionnaPit la hauteur du creux , le
relèvement du premier pont en avant , la
dillance du premisr au fécond pont , de
«72 E T R
planche en planche, l'épailTcur du bordage
du fécond pont , la diftance du fecawd^
tioifieme pont , IVpaifTeur du bordage du
troifieme pont , la ton cure du barrot du
tioilîeme pont à l'endroit du coltis , &C deux
fois la hauteur du Icuillet des fabords de la
troifieme batterie.
Il tft clair que , comme Véirave doit
s'étendre de toute la hauteur du vailleau, la
iomme des différentes hauteurs que nous
venons de marquer , doit donner celle de
X'étrave ; mais ces hauteurs ne font point les
inêines pour les vailleaux de diff-rent rang ,
&: chaque conflrutleur les peut changer fui-
vant fes différentes vues. Mais en lui\fant
la méthode ci-de(Ius, il fera aiié de l'appli-
quer à tous vaiffeaux de différences gran-
deurs : voici cependant un exemple pour la
rendre plus fcnhbie fur un vaiffeau de cent
dix pièces de canon.
La hauteur du creux ed de 25 pies 5 p. 1.
Le relèvement du premier
po'it à l'avant eft . . . z 7
La hauteur du premier au
fécond pont doit être de (S 9
L'épaiflcur du bordage du
fécond pont 4
La hiuteur du fécond au
troifieme pont , de . . G 8
EpailTeur des bordages du
troifieme pont .... 5
La tonture du barrot du
troifieme pont à l'endroit
^u colcis , peut avoir en-
viron 8
Enfin deux fois la hauteur
du feuillet des Gbords de
la troifieme batterie . i, z
En additionnant toutes ces
fîimmes , la hauteur de
Véirjie réduite à la per-
j'cndiculaire fera de . 41 pies pp. 7I.
Il eft bon d'obferver que pour les frégates
qui n'ont qu'un pont , il f lUt additionner
lie creux , le relèvement du pont en avant ,
la hauteur du château d'avant , de planche
en planche , l'cpaiffeur du bordage de ce
château , &: le bouge du barrot du château
à l'cnjifoit du coltis; ce qui donnera la
E T R
hauteur de Vétrave pour ces fortes de bâci-
mcns.
A l'égard de l'échantillon de cette pièce,
c'eft-à-dire, fa grolTcur , on la règle fur la
grandeur du vailleau.
Dans un vaiffeau de 176 pies de long,
elle a d'épaiffeur fur le droit un pie cinq
pouces , Se de largeur lur le tour un pié
neuf pouces.
Dans un vaiffeau de i copiés de long,
elle a d'épaiffeur (ur le droit i pié z pouces
y lignes , & de largeur fur le tour un pic fir
pouces huit lignes.
Dans un vaidèau de 96 pies de long ,
fon épaiffeur dix pouces , la largeur un pié
deux pouces fix lignes.
La proportion entre ces trois grandeurs
eft aiPe à trouver. ( Z )
ETRAYERS, { Jurifp. ) fuivant des
extrait? des regiftres de la chambre des
compte», dont Bacquet fait mention en
fon Traité du droit d'aubaine , chap. iv , fonc
les b'ens demeures des aubains & épaves
( c'tft- à-dire , étrangers venus de fort loin )
qui font demeurans dans le royaume , &C
vont de vie à trépas fans hoirs naturels de
leur corps nés dans le royaume.
Ces mêmes extraits portent qaétrayert
Conz pareillem.ent les biens des bâtards qui
vont de vie à trépas n\ns hoirs naturels de
leur corps , & que tels biens appartiennent
au roi. ^oje^ ci-aprh Etrejures, qui a
quelque rapport à éirayer. {A)
El RE , f. m, ( Métaph. ) notion la plus
générale de toutes , qui renferme non- feu-
lement tout ce qui eft , a été , ou fera ,
mais encore tout ceque l'on conçoit comme
polTible. On peut donc définir Vare ce à
quoi l'exiftence ne répugne pas. Un arbre
qui porte fleurs &c fr'jits dans un jardin eft
un éire ; mais un arbre caché dans le noyau
ou dans le p'-pin n'en eft pas moins un, en
ce qu'il n'implique point qu'il vienne au
même état. Il en eft de même du triangle
tracé fur le papier , ou Iculement conçu
dans l'imagination.
Pour arriver à la notion de Yétre , il
fuffic donc de fuppofer unies des chofes qui
ne .font point en contradiftion entr'ellts ,
pourvu que ces choies ne ioient point
déterminées par d'autres , ou qu'elles ne fe
déterminent point réciproquement. C'cft
ce
E T R
ce qu'on appelle ï'tjfence par laquelle l'être
dl pollîble. ;^ojej^ Essence , Attriuut ,
Mode.
Etre feint , c'eft un cire auquel nous
fuppofuus que l'exilleiice ne répugne pas ,
quoiqu'elle lui répugne en elfec. Cela arrive,
par exemple , lorlque notre imagination
combine des parties qui (cmblcnt s'ajuller,
mais donc le roue ne pourroit néanmoins
fublifler. Un peintre peut joindre une tête
d'iiomme à un corps de cheval , & à des
pics de bouc ; mais un peu d'attention à la
dirproportion des organes , montre que leur
ademblage ne produiroit pas un //revivant.
Cependant comme on ne (âuroit abfolu-
ment démontrer l'impoffibilicé de ces éires,
on les lailTe dans la clalfe des êtres; &C il
faut les nommer ctres feints.
Etre imaginaire, c'eft une efpece de
repréfcntation qu'on fe fait des chofes pure-
ment abfcraites, & qui n'ont aucune exif-
tence réelle , ni même pollîble. L'idée de
l'tfpace 5c du temps font ordinairement de
ce genre. Les infiniment petits des mathéma-
ticiens font des Cires purement imaginaires ,
qui ne lailfcnt pas d'avoir une extrême uti-
lité dans l'art a'inventer. Une telle notion
imaginaire met à la place du vrai une efpe-
ce à'étre, qui le reprélente dans la recherche
de la vérité : c'eft un jeton dans le calcul ,
auquel il faut bien prendre garde de ne pas
donner une valeur intrinféque ,ou une exif-
tence réelle. A' oje^ Différentiel, Infini,
6c.
Etre externe , c'eft celui qui a une
relation quelconque avec un être donné.
Etre singulier , voje^ Individu.
Etre universel , c'eft celui qui n'a pas
toutes fes déterminations , mais qui ne
contient que d-l'ics qui font communes à
un certain nombre d individus ou d'efpeces.
Il y a desdegrésd'univerfalité qui vont en
augmentant à mefure qu'on diminue le
nombre des déterminations , & qui vont
en diminuant quand ks déterminations fe
multiplient. Les êtres uniwrfaux qui ne foiit
autre chofe que les genres &c les elpeces , fe
forment par abftraétion , lorlque nous ne
confiderons que les qualités communes à
certains êtres , pour en former une notion
fous laquelle ces êtres foient compris. La
fameufe queftion de l'exiftençe à parte rei
Tome XIIJ.
E T R . 275
des unîverfaux , qui a fait tant de bruit
autrefois, mérite à peine d'être indiquée
aujourd'hui. Pierre 5c Paul cxiftent ; mais
où exifte l'idée générale de l'iromme , ail-
leurs que dans le cerveau qui l'a cunçue î
F". Abstraction.
Etre actuel , c'eft celui qui exifte
avec toutes les déterminations individuel-
les ,& on l'appelle ainh par oppolicion au
fuivant.
Etre potentiel ou en puissance ,
c'eft celui qui n'exifte pas encore , mais qui
a ou peut avoir fa railon fuffilante dans des;
êtres cxiftans : c'eft ce qu'on appelle la
puijfmce prochaine. Mais quand \<:s êtres qui
renferment la raifon fuffilante de quelques
autres n'exiftent pas encore eux mêmes ,
la puiffiincedcs êtres qui en doivent rcfulter
cft dite éloignée ; & cela plus ou moins , à
proportion de l'éloignement on font de
l'exiftençe les //re^ qui renferment leur rai-
fin d'exiftcnce. L^ne lemence féconde à
laquelle il ne manque que le temps & la
culture, eft dans la puillance prochaine de
devenir la plante ou l'arbre qu'elle con-
tient ; mais les plantes de même efpece qui
viendront de la femence produite par la
plante qui eft encore cachée elle même dans
fa femence, ne font que dans une puillance
éloignée.
Etre positif , c'eft celui qui conlîfte
dans une réalité , &c non dans une priva-
tion. La vue , par exemple , la lumière ,
font des êtres pojitifs qui déliguent des cho-
ies réelles dans les fu]ets où ils le trouvent.
Etre privatif , c'eft celui qui n'ex-
prime qu'un défaut , & l'abfence de que'que
qualité réelle : tels font l'aveuglement , les
ténèbres, la mort. On transforme fouvent
par une notion imaginaire ces privations
tnêtres réels, & on leur donne gratuitement
des attributs politifs : cependant c'eft un
abus , & V être privatif n'ç'à. ancre chofe que
la négation de tout ce qui convient à Vêirt
pofitif.
Etre permanent , c'eft celui qui a
toutes fes déterminations elltnt: elles à la
fois. Un horloge eft un êire permanent , donc
toutes les parties exiftent enfcmble.
Etre successip , c'eft celui dont ks
) déterminations eflenciellcs font fucceftîves ;
JVI m
«74 . E T R
tel eft le mouvement , dont une dctermi-
Dation n'exiftc qu'après l'autre.
Être simple , coivIposé, fini, intini ,
NÉCESSAIRE , CONTINGENT , VRAI ; VOye^-
en les ariicks. Article de M. FoRMEX.
Etre moral, ( Droit nnt.) Les Arcj
moraux font certaines Ciodiiîcations atta-
chées aux choies , (bit elTentielkment par U
volonté divine , foit par inllitution humai-
ne pour le bûwheur & l'avant;ige des hom-
mes dans la fociété, autant qu'elle eft {ufcep-
tible d'ordre & de beauté , par oppolîtion i
la vie des bêtes.
Tous les t-tres moraux efTentiellement
attachés aux chofcs , peuvent être réduus
à deux , le droit &: l'obUgation : c'eft-là
du moins le fondement de toute moralité i
car on ne reconnoît rien de moral , iûit
dans les aftions , foit dans les perfonnes ,
qui ne vienne ou de ce qu'on a droit d'agir
d'une certaine manière ,, ou de ce que l'on
y eft obligé.
Les êtres moraux qui ont été produits par
J'inftitution divine , ne peuvent être anéan-
tis que par ie créa-teiif : CcUx qui procèdent
et la volonté des hommes , s'aboliilent par
un effet de la même volonté , far-s pourtant
que la fubftance phylique des ptrfonnes
itçoive en elle-même le moindre change-
ment. Par exemple , quand un gentil-
js.omme elt dégradé , il ne perd que les
idroics de la noble-Ile ; tout ce qu'il tenoit
de la nature fubiifte toujours en (on entier :
c'cft ce qu'exprime fi bien le beau mot de
J)cmétrius de l'haiere , lor(qu'on eut appris
à ce philolbphe que les Athéniens avoient
lenvcric fes (tatues; mais, répondit-il, ils
n'ont pas renfi-rje la rertuen conjidèration de
}n:}iid!e, ils me les avoient drcJfcLS. Articule de
.Ji. le Cheyaùcr DJi J AUCOUKT.
Etre SENsrriT ou Ami- , voje;^ Évi-
dence.
Etre suprême ; Dieu, première caufe ,
înceUigence par tlîcnce. ^ojei EviDhNCt.
ÉTRECIR UN Cheval , ( Manège &
Marcchcl. ) c'cft l'amener infcnfiblcment
fur un terrain moins éî«iidu j c'cft tn rcikr-
ler la pifte. ( c )
E T R
ÉtrÉcir , ( s'- ) aftion du cheval qui
diminue, en fe relTerrant lui-même, l'e(^-
pace fur lequel on l'exerce , Hc qui faufle
ainiî les lignes qu'il devroit dccrac. V.
Rétrécir ù Elargir, (e)
ÉTRENNES , f. f . ( HiJL anc. & mod. )
préfens que l'on fait le premier jour de l'an-
née. Nonius Marcellus en rapporte (bus les
Rcmjains l'origine à Tanus, roi acs Sabins,
qui régna dans Rome conjointement, avec
Romulus , &c qui ayant regardé comme un
bon augure le préfent qu'on lui (it le premier
jour de l'an de quelques branches coupées
dans un bois coniacre à S:renua^àii:{Xc de la
force , aurorifa cette coutume dans la fuite,
& donna à ces préfens le nom de JlreniP.
Quoi qu'il en foit, les Romains céicbroient
ce jour-là une fête de Janus, &c honoroient
en même temps Junon ; mais ils ne le paf-
(bient pas (ans travailler , afin de n'être
pas parefleux le re(te de l'année. Ils fe fai-
ibient réciproquement des préfens de figues,
de dattes, de palmier, de miel , pour té-
moigner à leurs amis qu'ils leur louhaitoient
une vie douce & agréable. Les cliens , c'eft-
à-dire , ceux c^ii étoient lous la proteclioii
des grands , porcoient ces fortes aétrer.ncs à
leurs patrons , ik y joignoient une petite
pièce d'argent. Sous l'empire a'Augufte , le
fénat, les chevaliers , 8c le peuple, lai pré-
fentoient des étrennes , & en fon ablence ils
les dépofoitnt au capitole. On cmployoit
le produit de ces pré cns à acheter des fta-
tues de quelques divinités, l'empereur ne
voulant point appliquer à fon profit les li-
béralités de fes (ujets: de fes fucceileurs , les
uns adoptèrent celte coutume , d'auties
l'abolirent, mais elle n'en eut pas moins lieu
entre les particuUers. Les premiers chrétiens
la défapprouverent , parce qu'elle avoir traie
aux cciémon'es du paganidr.e , iSc qu'on y
méloii des fuperftitions : mais depuis qu'elle
n'a plus eu pour but que d'êcie un témoi-
gnage d''eftime ou de vénération , l'églile a
celfe de la condamner. ^. An. (fcr)
Étrenne , ( Comm. ) fe dit , p^rmi les
marchands , de la première marchandifc
qu'ils vendent chaque jour, ils dilent en ce
{eus : voilà mon éircnne : cette étrenne me
portera bonheur. Dicl. c/j Comm, de Trév, &
Charnu, {G )
E T R
ïiTRENNER , v. n. parmi les cumuler-
ions fi- fur tout Us dhûilkurs , c'eft cnm-
menccr à vendre. Ne vouk[vous pas m'é-
trenner , je n'ai encore rien vendu. ( G )
liTREPER , ( Jurifprud. ) vieux mot
qui iîgnifioic extirper, arracher. ^''. Bcaii-
manoir , ch. xljx , Iviij , & les cf'ap. xxvj &
xxviij du premier livre des éiablijjemcns.
ETRESILLON, en ArchittBure , {.lece
de bois ferrée e!\rre deux do(!ès , pour
empêcher leboulcment des terres dans la
fouille des tranchées d'une fondation. On
nomme encore étr^fitlon , une pièce de
bois alTcmblée à tenon &C morcaife avec
deux crochets , qu'on mec dans les petites
rues , pour retenir à demeure des murs
qui bouclent & déverfeHr. Ces étrîfdlons ,
qu'on nomme auilî ctan^ons , fervent en-
core à retenir les pies droits & plate-bandes
des portes & des croifécs, lorfqu'on re-
prend par fons-cravre un mur de face,
ou qu'on remet vm poitrail à une mailon.
Ainfi étréfillonner , c'cfl: retenir les terres
& les bâtimens avec des dolfes 8c des
couches debout , &c des étréfiUons ai tra-
vers. (P)
ÉTRIER , f. m. ( Manège. ) efpece de
grand anneau de fer ou d'autre métal,
forgé & figuré par l'éperonnier , pour
être fufpendu par paire à chaque felle nu
moyen de deux ctvivieres ( l'cyf^ Etri-
viF.RES ) ; & pour fervir , l'un à préfenter
un appui au pie gauche du cavalier lorf-
qu'il monte en felle & qu'il met pié à
terre , & tous les deux enfemble à fou-
tenir Tes pics ; ce qui non feulement l'af-
fermir , mais le foulage d'une partie du
poids de fes jambes quand il eft à cheval.
On ne voit des vertiges d'aucune forte
d'appui pour les pies du cavalier , ni dans
les colonnes, ni dans les arcs, ni dans
les autres monumens de l'antiquité , fur
lefquels font repréfentés nombre de che-
vaux , dont toutes les parties des harnois
font néanmoins parfiiitement diil:in*ftes.
Nous ne trouvons encore ni dans les
auteurs grecs &i latins , ni dans les auteurs
anciens des dictionnaires & des vocabu-
laires , aucun terme qui délîgne l'inftru- j
ment dont nous nous fervons à cet égard , {
E T R 275
& qui fait parmi nous une portion de
l'équipage du cheval : or le filence de ces
mêmes auteurs , ainfi que celui des mar-
bres (Si des bronzes , nous a porté à con-
clure que les écriers ctoient totalement
inconnus dsns les fiecles reculés , &: que
les mots (lapes , Jlapia , fiapeda , hiftapia ,
n'ont été imagines que depuis que l'on eU
a fait ufage.
Xénophon , dans les leçons qu'il doniTC
pour monter à cheval , nous en offre une
preuve. Il confeille au cavaiiet de prendre
de la main droite la crinière 5f les rênes ,
de peur qu'en fautant il ne les tire avec
rudede ; & telle eft la méthode de nos pi-
queurslorlqni'ls fautent fur le cheval. Qiiand-
le cavalier, dit-il eft appéfinti par l'âge,
fon écuyer doit le mettre à cheval à la mo-
de des Perfes. Enfin il nous fait entendre
dans le même palTage , qu'il y avoit de
['on temps des écuyers qui drelToient les
chevaux , de manière qu'ils fe baifloicn*
devsnt leurs rnaîtres pour leur faciliter
l'aftion de les monter. Cette marque de
leur habileté , qu'il vante beaucoup, trou-
veroit de nos jours plus d'admirateurs dans
nos foires que l'ans nos manèges.
Raphaël Volateran , dans fa tradmftioii
en latin du traité de Xénophon , de re equef-
tri , nous développe la manière des écuyers
des Perfes , & les fecours qu'ils donnoient
à leurs maîtres ; ils en fouteiioient, dit-il ,
les pies avec leurs dos.
PoUux & Vcgece confirment encore no-
tre idée. Si quelqu'un , (elon le premier ,
veut montera cheval , il faut qu'il y monte,
ou plutôt qu'il y delcende , de deffus un
lieu élevé , afin qu'il ne fe blclfe point
lui-même en montant ; & il doit faire
attention de ne point étonner & gen-
darmer le cheval par l'eifurt de fon poids
&: par fa chute : fur quoi Camcrarius a
prétendu que le cheval , nud ou harnaché,
devoit être accoutumé à s'approcher du
montoir , foit qu'd fût de pierre , de bois ,
ou de quelqu'autre m.atiere felide. Quant
à Vé^ece , ( liv. I. de re miHtari ) il nou^
fait une defcription de l'ufîî^e que les
anciens faifoient des chevaux de bois qu'ils
plaçoient en été dans les champs , & en
hiver dans les maifons. Ces chevaux fer-
voient à exercer les jeunes gens à monter
M m i
2/6 E T R
achevai ; ilsy fautoient d'abord fans armes, ]
tantôt à droite , tantôt à gauche , & ils
s'accoutumoient cnlaite infenfiblement à
y fauter étant armés.
Les Romain'^ imitèrent les Grecs dans
l'un & l'autre de ces pomts. De femblables
chevaux de bois ctoienc propofés à la jeu-
nelTc qui s'exerço;: par les mêmes moyens,
ik qui parvenoit enfin à lauter avec autant
d'adreflè que de légèreté fur toutes fortes
de chevaux. A l'égard des montoirs , il y
en avoit à quantité de portes. Porchachi
dans fon livre imiaxle faner,ili antichi , rap-
porte un infcription dans laquelle le mon-
toir eft appelé fuppedûneum , 8c qu'il trouva
gravée fur un monument très-endomma-
gé en allant de Rome à Tivoli. La voici :
D'f. ped.facrum.
Ciurice dorJijWx & dunifera
Ut infuhare & defuUare
^ CcmmoJetur. Pub. Crajfus mulce
Suce Crajfœ btnt mtrtnti
iiuppedantum hoc , cum rifu pof.
La précautioH de conflruire des mon-
toirs aux différentes portes , & même , fi
l'on veut , d'efpaces en efpaces fur les
.chemins, n'obvioit pas cependant à l'in-
convénient qui réiuhoit de l-'obligation de
'jdefcendre & de remonter louvent à cheval
en voyage ou à l'année ; lans doute que
cette aftion étoit moins difficile pour les
Romams qui étoient en état d'avoir des
ccuyers : mais comment ceux qui n'en
avoient point, & que l'âge ou des infirmités
cmpôchoit nt d'y fauter , pouvoient - ils
fans aucune aide parvenir jufques fur leurs
chevaux î
Ménage en s'étayanr de l'autorité de
Vofluis , a foutenu que S. Jérôme elt le
premier auteur qui ait pailé des étiiers.
Il fait dire à ce faint , que lorlqu'il reçut
quelques lettres , il alloit montera cheval
& q'.i'il avoit déjà le pié dans l'étrier ,
i/i hijiapta : mais ce paflage ne le trouve
dans aucune de Ici épicres. Le P. de Mont-
faucon en contefte la réalité , ainli que
celle de l'épiiaphe d'un romain , dont le
pié s'étant engagé dans \'étiit:r , fut traîné
fi long -temps par Ion cheval qu'il en
mouiut. Sans doute que cette iulcnptioiij
E T R
que tour au moins il regarde comme mo-
derne , ainli que beaucoup de favans , eft
la même que celle qui fuit.
D. M.
Qiiifjuis leclurus accedis ,
Cave fi amas , at finon
Amas , penficula mifer qui
Sine amore vivit dulce exit
Niltil ; aji ego tant dulce
jinhtlans me incaute pzrdidi ,
Et amor fuit
E^uo dum afptâus formufijf.
Durmionce pueUje t^'irgunculx
Summa polvoria placera cuperem.
Cafu defiliens p^s hxfit Jiapi^
Traclus inferri.
In rem tuam mature propera
raie.
Le même P. de Montfaucon , après avoir
témoigné la furprife de ce que des fiecles ti
renommés ôc Ci vantés ont été privés d'ua
iecours aulTî utile , aufli néceHaire , &
auffi facile à imaginer , le flate d'en avoir
décou\'ert la raifon. " La felle n'étoit alors ,
» dit-il , » qu'une pièce d'étotfe qui pei>
" doit quelquefois des deux corés prefque
» jufqu'à terre. Elle étoit doublée tï ibii-
» vent bourrée. Il étoit difficile d'y at-
•> tacher des éiners qui tinllènt bien , foit
» pour monter à cheval , (oit pour s'y te-
" nir ferme & commodément. On n'avoic
•• pas encore l'art de f dre entrer du bois
•' dans la conftrudion des fclles : cela pa-
» roic dans toutes celles que nous voyons
» dans les monumcns. Ce n'cft que du
» temps de Théodole que l'on remarque
•> que les felles ont un pommeau , !k que
» ieloii toutes les apparences , le fond en
» étoit une petite machine de bois. C'ell
» depuis ce temps là qu'on a inventé les
" étriers , quoiqu'on ne fsche pas préci-
" iément le temps de leur origine •>
Il eft certain que l'époque ne nous en
eft pas connue ; tnais j'oblérverai que leur
forme varia fins doufe , félon le goût des
fiecles (Si dts pays où ils furent fabriqués.
L'avidité de nos ayeux pour les ornemens ,
leur fit bientôt perdre de vue la véritable
deftmation de ces parties du harnois de
monture. Une rofc en liligiamme , qu'on
pouvoit à peine difceiaei de deux pas »
E T R
Bc que la moindre éclabouffure eiifouilfoit;
des nervures d'une groll'eur difpropor-
tionnce pour porr»:i- fur un éirier la dc-
coration d'un cditice gothique que l'on
admiroic ; une mulcicude d'angles aigus ,
de cranchans , d'cnroulemens entaliës ,
formoieiu à leurs yeux une compolition
éleganre qui leur dcroboit les défeduoliccs
les plus lendbles.
La moins confidérable étoit un poids
fupetflu ; elle frappa nos prédécclTeurs ,
mais en élaguant pour y remédier , ils
coniervcrenc quelques oinemens , Se ils
fupprimertiit des parties d'où dépenJoit
la fùrete du cavalier. Nous les avons
rétablies: on découvre néanmoins encore
dans nos ouvrages de ce genre des rfRes
& des traces de ce mauvais goùr. Nous
employons , par exemple , beaucoup de
temps à former des moulures qui difpa-
roiflcnt aux yeux , ou que nous n'ap-
pcrcevons qu'à l'aide de la boue qui en
remplie & qui en garnit les creux ; nous
creufuns les angles rentrans quelquefois
même aux dépens de la foiidité ; nous
pratiquons enfin des arrêtes vives, auili
déplacées que nuidbles à la propreté.
Qiioi qu'il en loit , on doit diltmguer
dans l'é/r/cr , l'œil , le corps , la planche
& la gnlle.
L'œil n'ell: autre chofe que l'ouverture
dans laquelle la courroie ou l'étriviere qui
fulpend Vétrier ell pallee..
Le corps comprend toutes les parties de
l'anneau qui le forme , à l'exception de
celles fur lelquellcs le pié le trouve affis.
Celles-ci compofent la planche , c'eft-
à-dire , cette cfpece de quadre rond ,
ou Ovale, ou quarré long , ou d'autre forme
quelconque , dont le vuide eft rempli par
la grille ; & la grille eft cet entrelas de
TX'.gc de m.'me métal que Vétrier , def-
tinée à lervir d'appui aux pies du cava-
lier , ôc à empêcher qu'ils ne s'engagent
dans le quadre rélultant de la planche avec
laquelle elles font fortement loudées.
Il n'y a pas long-temps que nos rtriers
étoient fans grille. Des accidens pareils
à celui qu'éprouva l'amant infortune dont
j'ai rapporté l'épitaphe prétendue , nous
perluaderent de leur nécelîité : quelques
t'peroiinicrs cependant fe coacciiterent de
E T R 277
ramener contre le centre les parties de la
planche , qui forment l'avant &: l'arriére
de ï'ctrier ; mais ce moyen endommagea
d'un autre coté le Ibulier de la botte, &
rendit la tenue des éiriers beaucoup plus
difficile.
On en caraélérife afTez (buvent les dif-
férentes fortes , eu égad aux ditîc'rentes
figures qui nallfent de divers enlacemens
des grilles. Nous difons des étriers à cœur ,
àquarreaux, à trèfles, à armoiries, lorf-
que les grdles en lont formées par des
verges contournées en cœur , en trèfles ,
en quarreaux , ou lorfqu'elles reprcfen-
cent les armoiries de ceux à qui les cirkrs
appartiennent.
L'oeil doit être fitué au haut du corps,
2c tiré de la même pièce tle métal par la
forge. On le perce d'abord avec le poinçon,
pour faciliter l'entrée des bouts ronds &C
quarrés de la bigorne par le fecours de
laquelle on l'agrandit. Sa partie fupo-
rieure faite pour repofer (ur l'étriviere ,
doit être droite, cyhndrique , & polie
au moins dans toute la portion de fa fur-
face , qui doit porter Se appuyer fur le
cuir : elle doit être droite , parce que la
courroie naturellement plate ne fauroii
être pliée en deux fens (bus la traverie
qu'elle foutient , fans que les bords n'en
(oient plus tendus que le milieu , ou le
milieu plus que les bords. Il faut qu'elle
lent cylindrique , parce que cette foi me
eil la moins dilpoféc à couper ou à
écorcher ; ôc c'eft par cette même railon
qu'elle doit être polie : il eft de plus très-
important que les angles intérieurs (oient
vuidés à l'équerre pour loger ceux du cuir,
&c que les laces mtérieures loient arron-
dies & lillccs , puifque ce même cuir y
touche & frotte fortement conti'clles. Du
refte la traverfe ne peut avoir moins de
deux lignes de diamètre , autrement elle
feroir expolec à manquer de force ; &
moins d'un pouce Se quelques lignes de lon-
gueur dans œuvre, l'étriviere que l'œil doit
recevoir, ayant communément un pouce au
moins de largeur.
Il eft encore des éiriers dont l'œil eft une
partie iéparée & non forgée avec le corps ;
il lui eft (implement allemblé par tourillon.
Ctcte méthode eue lans doute lieu eu fa-
rj%
E T R.
vciii c!e ceux" qui chaulTenr leurs éirkrs faits
avcenrion ; p-uc-être cfpéroit-on que Viivi-
vicre corciue ou toLunée à contre fens fe
détordroit elle-mîiîie , ou revîendroit dans
fon fens naturel dans les inRans où le pié
ne chargeroit pas Vétrier : mais alors le
trou qui traverfe le corps dans le point
le plus fatig'ié , l'atFoiblit néce!ldiremeiit ;
en fécond lieu , le tourillon foible par fa
nature eft expofé à un frottement qui en
hâte bientôt la dedruiilion ; eniin le cava-
lier a le dcfagrcment pour peu qu'il n'appuie
que légèrement fur la planche , de voir
Vécrier tourner fans celle à fo!i pié , l'œil
préfenter fa carne à la jambe, & y porter
louvenr des atteintes douloureufis.
Le corps nous offre une efpece d'anfe
dont les bouts ferjiçnt allongés , & dont
l'œil ell le fjmmct ainfi que le point de
fufpenhon. Il faut que de l'un & de l'autre
côté de cet œil les bras de l'anfe (oient
égaux par leur forme , leur longueur , leur
largeur & leur épaifleur , & qu'ils foicnt
plies également. Nos épéronniers les arron-
difl'ent en jonc de trois lignes de diamètre
pour les fellcs de chaiTe , & de quatre
lignes pour les chaifes de poftc. L'anfe
cil plein cintre , 1?5 côtés font droits &
parallèles , le tour dans le même plan que
l'œil.
Communément de au bout des deux bras
au-de(lus des boutons , de même diamètre ,
qui les terminent , on foude la planche &
la grille.
La planche eft alors faite de deux demi-
cerceaux de verge de fer équarrie , fur
trois ou quatre lignes de hauteur & deux
& demi de largeur. Ils compofent enfem-
ble un cercle ou un ovale peu différent de
cercle , dont le grand diamètre ne remplit
pas l'entte-dcux des bras par lui-même ;
mais il fe trouve pour cet effet prolongé
de cinq ou fix lignes par les bouts de ces
cerceaux repliés , pour former un collet
avec la principale pièce de la grille fondée
avec eux & tnrr'eux deux. Il eft effenticl
dans cette conltruécion que les parties qui
forment la grille ioieiu fondées d'une même
chaude pour chaque côté. Si l'épéronnier
ufe de rivets pour allemblcrlcs portions de
la grille , il ne doit pas fe difïjenfer de les
ibùilct de lïïêmc ; il peut néanmpius en
E T R
afTembicr quelques pointes avec la planclie
par mortaife , pourvu que ce ne ioit pas
près du corps.
Le fer de la grille eft ordinairement
tiré fur lofange , & pofé fur les angles
aigus. L'angle d'où naît la furface où le
pie doit prendre fon sppui , fera néanmoins
ravalé , pour ne pas nuire à la femelle de
la botte. Il eft bon que le milieu de la grille
Ioit médiocrement bombé en contre- haut ,
la tenue de Vétrier en devient plus aifée.
Quant à la planche , elle fera horifontale ,
les bras du corps s'élèveront perpendiculai-
rement , leur plan la divifera également
par moitié ^ l'œil enfin (c trouvera dans ce
même plan & dans la dircélion du centre
de gravité du tour ; (ans ces conditions
Vétrier fe préfenteroit toujours défeétueu-
fement au cavalier , & il tendroit plutôt à
le fatiguer qu'à le foulager & à PatFermir.
L'étrier que nous appelions /trier qiiarré,
ne tire pas fa dénomination de la forme
quarrée de fa planche ; car elle pourroit
L^tre ronde ou ovale , & nous ne lui con-
(erverions pas moins ce nom. Il ne diffère
des autres étriers dont nous avons parlé ,
que parce que la planche eft tirée du corps
même , & non fondée à ce corps. Pour cet
efret les bras fe biffurqucnt à un pouce ou
deux au-delfus de la planche, chacun dans
un plan croiié, à celui du corps; & les quatre
verges qui réfultent de ces deux biffurca-
tions , équarries comme celles des planches
ordinaires , font repliées en dedans pour
imiter le collet de la planche foudée : à fix
lignes de-là elles font encore repliées d'é-
querre en dehors : à quinze ou feize lignes
de ce fécond angle, elles font encore repliées
d'équerre pour être abouties par foudure.
Tous ces plis font dpns le même plan. La
traverfe principale de !n grille eft aulFi refen-
due en fourche par les deux bouts. Ses
fourchons font foudés aux faces intérieures
des parties qui repréfentent les collets ,
c'eft-à-dire , qui (ont compriles entre le
premier i: It fécond retour d'équerre depuis
la bitîurcation du corps. Les autres pièces
de la grille (ont affcmblées par (budure
avec la traverlc & par mortahc dans la
planche.
La largeur de Vkriir , méfurée fur la grille
entre les deux bras du corps , doit furpa(r(;r
E T R
de quelques lignes feulement la plus grande
largeur de la femelle de la botte. A î'cpard
de la hr.uteur entre le cintre i!n: le milieu de
la grille , il faut qu'elle foit telle qu'elle ne
foit ni trop ni trop peu conlldcrable. Dans
k piemier cas le pié pourroit palier tout
entier au travers , & le talon teroit alors
lofHce d'un crochet , qu'un cavalier défar-
çonné dans cette conj«n6lure ne pcurroic
défaifir fans {ècours ; & dans le fécond , le
gié plusépjis à la boucle du loulier qu'ail-
kurs, pourroit auiTi s'engager, Cctt-e melure
ne peut donc c:rc dctermmée avec jullelie ;
nuis chacun peut aifémeiit rtconnoître û
les étricrs qu'on lui propoie lui conv;en-
nent. Il ne s'agit q.ie de les prélcnter à
fon p:é chauflc de là botte dans tou; les
(cns polTibles; & fi l'on fe lent pris & en-
gagé , on doit les rejeter comme des inftru-
mcns capables de cauier les accidens les plus
funeftes.
LV/r;er éb;iuché de près à la forge , doit
ê:re fini à la lime douce ; & cnfuite s'il eil:
de fer , étami' , argenté , ou doré , & enfin
bruni. S'd elb de quelque be:.u métal , il
n'eftquelHon que de le mettre en couleur
& de le brunir; car après cette dernière
opération , il donnera moins de prilè à la
boue , &c fera plus facilement m.un:er;u dans
l'état ae netteté qui doit en faire le principal
ornement.
Dans quelques p?.ys , comme en Italie &
principalem.ent en Efpagne , quelques per-
îonnes fe fervent à'éiriers figurés en cfpcce
de fabot , & formés par l'allé mblage de lix
bouts de planche de quelque bois fort & lé-
ger. Les deux latérales font prohlées pour
en recevoir une troiheme , qui cjmpole la
traverfe par laquelle le tout ell lulpendu.
Une quatrième recouvre le delTus du pié.
La cinquiem-e termine le fabot en avant ; &
le pié tout entier trouve fur l'inférieure ou
fur la fx'eme , une alTictte commiode. On
peut doubler de fourrure ces fortes À'éiriers,
qui peuvent avoir leur utilité malgré le peu
d'élégance de leur forme.
Les {èlliers appellent itriers [garnis , ceux
dont la planche cfl: rembourrée. Cette pré-
caution a fans doute éccfuggctée par! envie
de flater la délicatellc des perlônuts du
kxc.
E T R / 279
I Dans nos manég<s nous comprenons fous
le nom fcul de chapelH, les éerivieres &c les
é'.ricrs. V. ÉrRiviEK£S.
A]ufler les étriers ou lès mettre à fon point,
c'cft (ioimer à Tétriviere une longueur telle
que VétriiT foit à une hauteur mefurée , Se
que le pié du cavalier puiife porter &
s'appuyer horifontalemcnt fur la grille. V.
Uid.
Retroujj'.r les étriers , c'eft les fjfpendrc
en arrière oc. les élever de manière qu'il foit
impolTible à l'animal ir.quiet & toui mente
par les mouches , d'y engager un de fes pies
lorfqu'il Gaercivc à fe dcbaralfer des infectes
qui le piquent & qui le fatiguent. Voye^^
Etrivieres.
Tenir l'étrier. Cette cxprelTîon a deux
fens : nous l'employons pour ileligner l'ac-
tion de tenir Vétrier à l'effet d'aider à quel-
qu'un à monter en felle , & pour défigncr
l'adrclTe ik la fermeté du cavalier qui ne
laiile échapper ni l'un ni l'autre dans les
mouvcmens les plus rudes & les plus vio-
lens de l'animal. On tient dans le premier
cas l'étriviere droite avec la main gauche ,
la main droite étant occupée à ienir !c
chev,il par le montant de la têtière de la
bride. On doit faire attention de ne tirer
& de ne pefer fur i'étriviere , que lorfque
le cavalier a rais le pié à l'e'.r/tv oppcfe. A
meiurequ.il s'élève fur ce même e/r/cr gau-
ch.e , on augmente infenliblement l'.ippui
fur I'étriviere , de façon que les forces
réfultantcs d'une part du poids du cavalier ,
& de l'autre de la puilfance avec laquelle
l'aide s'emploie , foienc tellement propor-
tionnées que la fclle ne tourne point. Nom-
bre de palfrcniers mal- adroits & incapa-
les de connoitre les raifons de cet aCcord
Se de cette proportion néceffaires , devan-
cent l'aéVion du cavalier ; ils déplacent la
fclie au moyen de leur premier effort, &
l'attirent à eux ; le cavalier par fon poids
la ramené enfuite à lui ; & de ce frotte-
nient fur le dos de l'animal , d'où réfulte
pour lui un ftntiment fouvent défigréable,
naillent fréquemment les défordres d'un
cheval devenu par cette feule riifon difficile
au montoir. Il arrive de plus que très-
fouvent ces mêmes palfreniers , dans la
main gauche delquels réfide la grar.de force
donc as font doués , fcn: en quelqiie foie*
28o ^ E T R
contraints de roidir en mcme temps la main
droite , cirent de leur coté ou en arrière la
tête de l'animal, & l'obligent naturellement
eux-mêmes à tourner & à fe défendre. V.
MoNTOiR. Lorlqne le cavalier eft en Telle ,
l^aide doit prélentcr Véirier à Ton pié droit
dans un fcns où l'étrivicrc ne foie pas
tordue.
L'adreJJe de tenir l'étrierou les Str:ers , dans
le fécond fens dépend de la fermeté du ca-
valier , fes é, tiers étant parfaitement ajuftés
à fon point ; & cette fermeté ne conilfte
point , ainlî que pluiieurs ignorans l'ima-
ginent, dans la force de l'appui fur ces rnè"
mes étriers , & dans celle des cuifles & des
jarrets , mais dans l'ailance avec laquelle le
cavalier les laide , pour aind parler , badi-
ner à ion pié fins un déplacement notable ,
& dans ce grand équilibre & cette iuftelfe
qui caratlérifent toujours l'homme de
cheval.
Perdre les étriers , efl une exprefïîon qui
préfente une idée direcbement contraire
à celle que nous offre celle-ci. Loifque les
étriers ont écliappé aux pies du cavalier ,
nous difons qu'/7 ne les a pas tenus , ou qu'il
les a perdus ; ce qui lign;fîe une feule &
même chofe. Le trop de longueur des étriers
«ccr.fionne fouvenc celte perte , & plus
fouvent encore l'incertitude ; l'ébranle-
ment du corps du cavalier , & fon peu de
tenue.
Faire perdre Us étriers. Les fauts , les
contre temps d'un cheval peuvent taire per-
dre les e»7i.7.î. Faire perdre les étriers à fon
fidvcrfaire : celte périphrafe étci: u'itée en
mrlanc de ceux qui combatroient autrefois.
Xien n'étoic plus glorieux daiis un tournoi ,
lorfque d'un coup de lance on ébranloit li
fort fon ennemi , qu'd ctoic forcé de perdre
les étriers.
Peferfur les étrieirs : cet appui eft la plus
douce des aides confiées aux jambi.s du cava-
lier ; mais elle n'a d'eificacité q^i'autant
qu'elle crt employée fur un ciieval ienlible :
elle produit alors l'tiïet qui fuit l'approche
des gras de jambes fur un cheval monis hn:
celle-ci fe donne de la part du civalier ,
çn pliant infcnliblement & par degré les
genv)iix , jufqu'à ce que les gras de )ambes
i/pi.t'iU ulus ou moins prps du corps de l'ani-
E T R
mal, ou le touchent entièrement félon le
beioin. L'autre s'adminiftre au contraire
en étendant la jambe, & en etfaçant ou en
diminuant le pli léger que l'on oblerve dans
le genou de tout homme bien placé à cheval,
lorlqu'il n'agit point des jambes. Toutes les
deux opèrent iur le derrière de l'animal , &
le challent tn avant également. Le cavalier
ne peut s'étendre & pefer Iur les étriers, qu'il
n'en réfulte une légère prclTion de fes jam-
bes contre le corps du cheval ; & c'eft cette
prellion bien moindre que la première , qui
détermine le derrière en avant , quand elle
cil: effectuée fur les deux étriers à raifons
égales, & de côté quand elle n'a lieu que
fur un d'eux. On corç )it ians douce que
cette aide ne demande que l'cxtendon de
la caille & de la jambe , «Se non que le ca-
valier penche fon corps de coté , & foit par
confcquent totalement de travers. Q.ielque
générale que foit cetce manière dans les éle-
vés des maîtres les plus renommés, & dans
ces maîtres eux-mêmes, il eft confiant que
c'ell un défaut qui prive non feulement l'ac-
tioii du cavalier de la grâce qu'accompa-
gnent toujours l'aifance &: la facilité , mais
qui s'oppole encore à la libercé des mouve-
mens auxquels on foUicite l'animal , & que
l'on délire de lui imprimer.
Chauffer les éiriers. Pour les chaulTcr par-
faitement . on y doit mettre le pié , enlorte
qu'il dépalTc limplement d'environ un pouee
l'avant de la planche ; de plus , le pié doit
nécelTairemcnc porcer horifontalement fur
le milieu de la grille , f^ns appuyer plus
fortement fur le dedans que fur le dehors ,
eu fur le dehors que fur le dedans. Le vice
le plus commun eft d'enfoncer tellement
le pié , que le talon touche Se répond i
l'arriére de la planche : outre le fpeélacle
délagréable qu'oftre une pareille poiition,
il eft à craindre que le pié ne s'engage
enfin fi fort , que le cavalier ne pullfe l'en
tirer. Une féconde habitude non moins
rcpréhenlible & aulTi fréquente , eft celle
de peler infiniment plus fur un côté de
W'trier que fur l'au.re ; la jambe alors
paroit cftropiée : tn pefmt en eftec fur le
dehors , la cheville du piéfe trouve faul'ée
en dehors ; nous en avons un exemple dans
prelque tdus nos académiftes ; & en pelant
ilir le dedans , la cheville eft faufleo en
dedfUij
E T R
de(5ans. Si l'on faifuit plus d'attention à la
fituarion des élevés qui commencent , &
fi , confoimémcnu à des principes puilés
dans leur propre conformation , on leur
cnfeignoit les moyens de loiitenir,de re-
lever fins force la poincc des pies , Se de
les maintenir touioavs horizontalement ,
rous n'aurions pas ce reproche à leur faire.
Quilqucs tcuycrs , ou plutôt quelques per-
fonnes, qui ne doivent ce titre qu'à l'igno-
rance de ceux qui leur font la grâce de le
leur accorder , tombent dans le défaut op-
pofé au premier. L.^ pointe de leur pié n'ou-
ne-padc pas la planche ; elle ert au con-
traire fixée fur la grille , &; elle eft beau-
coup plus balle iS: plus près de teire que
le talon: i° par cette pol-iiion qui blcIIc
les yeux des rptd:ateurs, ils attirent W'irier
en arrière de la ligne perpendiculaire fur
laquelle il doit être : en fécond lieu Vétrier
porté en arrière , leurs jambes en font plus
rapprochées dn corps de l'animal qu'ils
cndurcillent , &: que leurs talons, relevés
& armés du fer étiraient ; ainfl elles font
fans celle en aélion fans que le cavalier
s'en apperçoivc, & infenlîblement le che-
val acquiert un degré d'inlenlîbilicé li con-
lid^rable , qu'il méconnoit les aides ^ &C
n'obéit plus qu'aux châtimens.
Mettre lepi'^ à l'étrier. Rien ne paroît plus
fimple que de mettre le pié à Vétner ; on
diroit à cet effet qu'il kifiit d'élever la cuilfc
&: la jambe , & d'enhier cet anneau : mais
cette adion demande beaucoup de précau-
tion. Je débuterai par les réflexions que me
fuggere la méthode de la plus grande partie
des maîtres: ils doivent excufer ma lîncé-
rité en faveur de l'utilité dont elle peut
être au public ; & h j'ai la témérité de les
condamner fur des points que le créât le
plus novice ne doic pas ignorer , je me
plais à croire que ces points ne leur ont
échappé que vu la contention de leur efprit
captive par les feules grandes difficultés
que nous avons à vaincre dans notre ait.
Pour procurer à l'écolier la f-acilicé de met-
tre le pié à Vétmr , ils commencent par
lui impofer une loi qui ne doit être pref
crite qu'aux portillons, ou à ceux qui mon-
tent à cheval en bottes fortes ; ils lui ordon-
nent en effet de faillr l'étriviere au-deflas
tle i'œjl de Vétrier avec U mai» droite ;
lome XIII,
E T R '281
l'élevé eft donc obligé de fe bailTer pour
fuivre le précepte ; dans ce même inftanc
fa main gauche, armée des rênes, de la g lulc
&c des crins , fe trouve élevée au-delliis de
fa tête ; Ion corps incliné forme une forte
de demi cercle , & c'eft dans cette fitua-
tion qu'on exige qu'il poite le pié à Vétrar ,
c'efl: à-dire, prclqueà la hauteur de !'a main.
On comprendra fans peine qu'une pareille
épreuve n'offre tout au moins rien de gra-
cieux à la vue , fans parler de l'effort que
le commençant fait dans l'idée de fe con-
former à un principe néceflàire pour favo-
nler l'entrée d'un foulier large & quarré
dans l'anneau que la main fcrt alors à
Hxer , mais qui dans les autres circonlfan-
ces ne doit point être adopté. Le pié une
fois dans Vétrier , ils lui commandent de
s'élever de terre fans aucune autre confi-
dération. Suppofons à présent que le cava-
lier près du cheval iSj vjs-à-vi$ de fon épaule
ait les rênes , la gaule dans la main , &
fe foit muni d'une fuftilante quantité de
crins ; j'imagine qu'en lui confeillant de
porter le pié droit en arrière , de fixer tout
fon poids fur ce pié , & de lever le pic
gauche , celui-ci parviendra très aifémenC
à la hauteur de Vétrier , qu'il enfilera fans
obftacle & fans contrainte , le corps de-
meurant dans une pofltion droite, la tête
étant élevée , Se le cavalier conlervant cet
état de torce & de liberté dont il ne doic
jamais forcir. J'irai plus loin , j'examinerai
comment ce: écolier a chauflé ce même
étrier ; fi Ion pié eft engagé trop avant,
je l'inlhuirai des inconvéniens qui en ré-
tiiltenr. Le premier ell de bleflèr, d'éton-
ner , ou de gendarmer le cheval, en appli-
quant la pointe contre fon ventre , ce qui
efl encore une des principales raifons de
la crainte & de l'averfion que les chevaux ,
& principalement les poulains , témoi-
gnent lorfqu'on veut les monter. Le fécond
eft de chaffer Vétrier 8c l'étriviere contre
le corps de l'animal : dès-lors le cavalier ne
peut rencontrer une afîiette pour aflurer
le poids de fon corps , qu'il ne peut élever
qu'autant que Vétrier eft fur une ligne per-
pendiculaire ; & fon pié repofant d'ailleurs
fui fa partie concave , & par conlequent
fur fa partie la plus foible, il ne peut per-
, dre Se quicier leae fans rifquer de comber
Ma
«82 E T R
en arrière Se de Ce renverfer. Le pie doit )
donc porter à plac fur l'écrier par fa portion la ■
plus large qui cft marquée par le commen-
cement des phalanges, f-'oye^ Monter a
Cheval. Je conviens qu'un tel ëcuyer
qui permet à Tes académifles de profiter
d'un montoir de pierre pour monter en
felle , ou tel autre qui loufïre qu'un pal-
frenier prête la main à fes élevés , éc y
Toutienne leur jambe gauche pour qu'ils
puilTent faurer & s'y jeter à la manière
des piqueurs & des maquignons , dédaignent
de femblables foins ; mains ces foins lont-ils
utiles &c néccflaires .' c'cfi; ce dont dépofc-
ront leurs propres difciples , par la grâce
avec laquelle ils profileront dujecoiirs des
éiriers lorsqu'ils en feront ufage en mon-
tant à cheval , & ce que nous laillons
d'ailleurs à décider à tous ceux qui , fans
partialité , tenteront la folution de cette de-
mande, (e}
É TRIER , C OJIéolog, ) un des quatre olTe-
lets de la caille du tambour, air.lî nom.nié
à caufe de ia. rcllemblance avec un énier.
Voye'^^ - en la figure dans Vefàle & du
Vernay.
On le divife en tête, en jaml^es on Bran-
ches , & en iafe. Sa èafe qui, à la manière
des anciens étricrs , n'cft point percée ,
bouche la fenêtre Ov'ale dans laquelle elle
cft comme enchâlTee. Sa t/ce cfl: jomte à l'os
orbiculaire. Les deux branches de cet olfe-
let ne font point partaitement égales ; la
{)ofl:érieure cft ordinairement un peu plus
ongue , plus courbe & plus grolîe •■, elles
font creulees toutes les deux par une rai-
nure qui fe continue fous la tète de Vétrier.
Sa fituation etl prefque horizontale ; fa tt-te
cft tournée du coté de la membrane du
tambour , & fa bafe eft attachée au fond
de la caifie.
L'efpace enfermé entre fa bafe & fes
branches, cft tapiflé d'un périofte très dé-
lié , & parfemé de vaillcaux , félon les
©bfervations de Ruyfch.
L'étrier eft couché , par rapport à la fi-
tuation de l'homme confidérée comme
étant debout. Sa tête eft en dehors , auprès
del'cxtrémiié de la jambe de l'enclume.
Sa bafe cft en dedans , & enchâlTéc dans la
fcoêtre ovale. La jambe longue cft couchée
E T R
en arrière , 8c la courte en devant , tou-
tes les deux dans un même plan. Parla on
connoîtra facilement fi un étrier eft du coté
droit ou du coté gauche.
Ingraffias ôc Colombus s'attribuent tous
deux la découverte de cet olîèlet ; mais
malgré leurs prétentions , cette découverte
paroît plutôt devoir être attribuée à Eufta-
chi , & la manière dont il s'exprirr.e eft
trop précife pour qu'on le foupçonnc d'en
impoler. » Je peux me rendre ce tcmoi-
" gnage , dit- il , qu'avant que qui que ce
" fût eut parlé de ['étrier , ni que qui que
» ce fût l'eut décrit , je le connoillois très-
» bien ; je l'avois fait voira plufieurs per-
" fonnesà Rome , & même je l'avois fait
» graver en cuivre ■>.
L'écrier n'a qu'un mufcle , décrit pre-
mièrement par Varole , mais d'une manière
très-défedueufe , puifqu'il ne décrit que
ce leul mulcle dans l'oreille interne. Cafie-
rius le trouva en léoi dans le cheval &
dans le chien , le reprcfenta d'après ces
animaux , &: le prit avec afiez de raifon
pour un ligament. En effet , dans l'homme
c'eft un m.ufcle tendineux , petit , court ,
palfablemcnt gros , & caché dans la petite
pyramide ofîeufe du fond de la caiflé. La
cavité qu'il occupe , touche de fort près le
conduit odeux de la portion dure du nerf
auditif. 11 fe termine par un tendon grêle ,
qui fort de la moitié olleufe par le petit
trou dont la pointe de la pyramide eft
percée. Ce tendon , en fortant du trou ,
fe tourne en devawt , Se s'attache au cou de
Vétrier , du côté de la jambe la plus grande
& la plus courbe de cet oflelet. Nous igno-
rons l'ufage de Vécner , ik vrailemblablc-
inent nous l'ignorerons toujours. Article de
M. le Chevalier DE J AUCOURT.
Étrier , terme de Chirurgie , bandage
dont on fe lert pour la laignée du pié. Il
fe fait avec une bande longue dune aune
&c demie ou environ , large de deux tra-
vers de doigt , roulée à un chef. Le chi-
rurgien qui eft aiïis , ou qui a un genou
en terre , après avoir réuni la plaie , &C
avoir pofé la comprellè , qu'il loui^ciit avec
le pouce de la main gauche , ii c'cft au
pié droit , prend le globe de la pan Je , dont
il lailfe pendre l'cxciémite de la longueur
d'iui pié : il pofe ce bout fur fon genou ,
E T R
8c rsituiettit pnr le talon du malade ; il con-
(lu'c alors le globe fur la comprclVe , pour
faire un circulaire de devant en arrière au-
tour de la partie infcricure de la jambe. On
vienc croifer (ur la comprelle ; on palle lous
la plante du pié,«!?c on revient fouslaniallcole
interne : on conduit le globe de la bjndc pof
tc'rieuremcnt, pour croifer le tendon d'Achil-
le i 5i quaiid on tft parvenu (ur la malléole
externe , on dopage It bout qui ctoit fous le
talon. On le relc\e fur la coniprcfle , &: on
le conduit fur la malléole externe, pour le
nouer avec l'autre extrémité de la bande.
Ce bandage rcpiéf.nte un éirkr, d'où lui
vient (on nom. Si la bande fe trouve trop
longue, on emploie le fupctflu à faire quel-
ques circonvolutions qui croulent les pre-
mières. Il faut nouer les deux bouts de la
bande antérieurement (ur le coup de pié ,
afin que le maUdt- ne (oit point incommodé
du nauJ en fe couchant fur le côté, com-
me il arriveroit , ii le nœud étoit fait fur la
malléole externe , comme quelques perlon-
nes le pratiquent. Il ne fiut pas négliger les
plus petites chofes , lorlqu'clies peuvent pro-
curer de Taifince aux malailcs. yoye^lepié
gauche de la figure l . Planche XXX. de Chi-
rurgie. ( Y )
Étrier , f m. {terme de Blafon.) meu-
ble d'armoiries , il reprcfente Vitrier qui
fcrc à monter à cheval.
L'ufage des citiers n'étoit point connu du
temps des anciens tournois &: des croifades ;
on (e fcrvoit alors de fautoirs qui étoient des
cordons couverts d'une riche étoffe.
De Noirefcntainc du BuilTon, en Cham-
pagne i de gueule à trois éttiers d'os. ( G. D.
L. T.)
Étrier , en Architc3ure, efpecedelien
de fer coudé quarrément en deux endroits,
qui fert à retenir par chaque bout une
chevetre de charpente alfemblée à tenon
dans la fohve d'enchevêtrure , & fur la-
quelle Vétrier eft attaché. Il ferc aurti à ar-
mer une poutre qui eft éclatée.
Etrier , ( Marine. ) C'clt un des chaî-
nons des cadenes de haubans , qu'on che-
ville fur une féconde précinte , afin de
renforcer ces cadenes. { Z )
Etriers , ( Marine.) Ce font de petites
cordes dont les bouts (bue joints enicaible
E T R 285
p.ir des cpifTurcs. On s'en (t-rt pour faire
couler une vergue ou quclqu'autre chofe au
haut des mâts, le \ov.\\ d'une corde. On s'en
fert aulTï dans les chaloupes , pour tenir
l'aviron au tolct. ( Z )
ÉTRIER E , f f . ( Manège ) pct't mor-
ceau de cuir d'environ un pan ^ d,.mi de
longueur , & dont la largeur cft d'environ
dix lignes , placé à chaque côté de la ftUe ,
à l'cftet de tenir les étriers fufpendus & lele-
vés en arrière. Il cft: (îxé par fon extrémité
fipérieure en arrière &: à côté dc.la birale de
fer qui fortifie l'arçon de derrière , ^ à en-
viron cinq doigts de la pointe de ce même
■ arçon. Il eft fendu dans fon milieu , & fon
exticmité inférieure eft terminée par un
bouton j qui n'eft autre chofe qu'un mor-
ceau de cuir plus épais , arrondi & percé ,
dans le trou duquel on fait paflèr cette
même extrémité ; après quoi on pratique
une légère fente ou une très-petite ouver-
ture à Vétricre que l'on replie par le bout ,
pour inhnuer ce bout dans la fente : 6: de
ce replis réfulte une forte de nœud qui re-
tient le bouton. Lorique l'on veut relever
ou retrouOer l'étrier , on palTe dms un des
bras de l'efpece d'anfe que nous offre (un
corps ( voye^ Etrier ), Vétriere , dont on
arrête enfuite l'extrémité inférieure , en l'en-
gageant p-r le bouton dan^l.» -,:ande fente
qui en occupe le milieu.
Il faut obfcrver ici , 1°. que le cuir d-nt
il s'agit doit êire cloué de manière qu^il
tombe perpendiculairement , & qu'il fuivc
la direétion des pointes de l'arçon dont il
dépend. Quelques iclliers dans les petites
villes le placent horifontalemeiat , & l'ar-
rêtent par ion milieu , après en avoir fendu
l'une des extrémités. Cette pratique eft ilé-
fec\:ueufe , en ce que d'une part l'étrier étant
rttrouffé , eft porté fi fort en arrière & en
haut , que le moindre heurt de l'animal
contre un corps dur , le blelîèroit eflèntiel-
lement ; &: que de l'autre les deux doubles
de cuir, dont les deux extrémités fe replient
pour embrader Terrier , font une frillie trop
conlidérable &c difforme. 2°. Il eft impor-
tant que les clous fervant à iîxer Vétriere ,
foient minces &c légers : parce que dans le
cas où , par l'imprudence d'un p dfremer ,
l'étrier étant fu(pendu , l'animal feroit ac-
croché dans la marche, & retenu par Tétri-
Nn 2
a84 E T R
viere ; on doit préférer que Vétrkre Ccdc
plutôt que rétriviere , dont le cheval pour-
roit emporter la boucle ; & d'ailleurs la fo-
lidité que l'on doit exiger , ne va pas jufqu'à
une ré(iilance telle qu'elle pourroit , dans
de femblables circonftances , obliger l'ani-
mal à un effort dont fes membres pour-
roicnt auffi fc reflentir.
On retrouffe les étriers pour prévenir des
accidens fâcheux, fouvent occafionnés par
la négligence d'un cavalier , qui , en def-
cendant de cheval , les laillè imprudem-
ment dans la polition où ils fe trouvent. Il
peut arriver en effet que l'animal tourmenté
&C inquiété par les irouches , & cherchant
à s'en délivrer , engage l'un de fes pies de
derrière dans l'étncr , & s'eftropie dans les
mouvemens qu'il fait pour le déb^jrralîer.
Qiielques cavaliers les relèvent fur la (elle ,
dont lis ne craignent pas fans doute de gâ-
ter le (Icge ; d'autres les retrouffent fur le
cou du cheval , fans redouter les contufions
qui réfulceroient du frottement de Tanimal
à l'endroit lur lequel ils repofent. Mais ou-
tre ces inconvéniens, ils ne font point allez
affurcs 3 & peuvent en retombant donner
lieu à celui dont j'ai d'abord parlé.
Il eft des perfonnes qui , eu éganl à l'u-
fage des étncres , les nomment troujfe.
étriers , porte- étriers, ( e )
ÉTRILLE , f. f. ( Mane'ge , MarécMl. )
inftrument de fer emmanché de bois , un
de ceux que le palfrcnier emploie poiir
panfer un chevaL
Uctrilte paffée plufieurs fois à poil & à
contre-poil avec vîtellè &: légèreté furtoutcs
les parties apparentes du corps du cheval ,
qui ne font pas douées d'une trop grande
fenfibilité , ou occupées par les racines des
crins, détache U boue , la craffe , la pouf-
iîere , ou toutes autres mal-propretés qui
terni ffenr le poil de cet animal , & nuifent
à fa fanté. Elle livre à l'effet de la broife ,
qu'elle précède dans le panfement , ce
qu'elle ne peut enlever ; & elle fert à net-
toyer ce fécond inftrument , chnqre fois
qu'on a brollc quelque partie. î'oy. Panser.
On donne en divers lieux d'.verfes formes
aux (iriLts. Celles que nombre d'éperon-
E T R
nîers François appellent du nom d'étrilk 3
la lyonnoife , femblent à tous égards méri-
ter la préférence. Nous en donnerons une
exaéte dcfcription , après avoir détaillé les
parties que l'on ddit diftinguer dans Vétrille.
en général , par comparailon à celle à la-
quelle je m'arrête : nous indiquerons les plus
uHtécs entre celles qui font connues.
Les parties de Vétrille font le coffre &
fes deux rebords , !e manche , fa foie empâ-
tée , & fa virole ; les rangs , leurs dents , &
leurs empatemens , le couteau de chaleur ,
les deux marteaux : enfin les rivets qui lieni
& unillent ces diverfes pièces , pour en com-
poier un tout folide.
Le coffre n'eft autre chofe qu'une efpecc
de gouttière rélultante du relèvement à
l'équerre des <leux extrémités oppofées d'un
plan quarré- long. Dans l'étrille à la lyon-
noife il préf;nte un quarré-long de tôle mé-
diocrement épailTe , dont la largeur eft de
iix à fept pouces, &la longueur eft de huit i
dix. Cette longueur fe trouve diminuée par
deux ourlets plats que fait l'ouvrier en re-
pliant deux fois fur elles-mêmes les deux
petites extrémités de ce quarré-long ; & ces
ourlets larges de deux lignes, & dont l'épail-
ftur doit fe trouver fur le dos de ['étrille ,
&c non en dedans , font ce que l'on nomme
les rebords du coffre. A l'égard des deux ex-
trémités de ce parallélogramme bien appla-
ni , elles forment les deux côtés égaux &
oppofés de ce même coffie , lorfqu'elles ont
été taillées en dents , & repliées à l'équerre
fur le plan de Vétrille y &L ces deux côtes
doivent avoir dix ou douze lignes de hau-
teur égale dans toute leur longueur.
Le manche eft dt buis , d'un pouce , (îx
ou dix lignes de diamètre , & long d'envi-
ron quatre ou cinq pouces. Il eft tourné cy-
Hndriquement , & ftrié dans tonte (à. cir-
conférence par de petites cannelures cfpa-
cées très-près les unes des autres , pour en
rendre la tenue dans la main plus ferme &
plus aifée , & il eft ravalé à l'cxcr.-mité pst
laquelle la foie doit y pénétrer , à cinq ou
fix lignes de diamètre , à l'eftet d'y recevoir
une viiole qu; en a deux ou trois de largeur,
& qui n'y tft pofée que pour la défendre
! contre l'tffort de cette- Ime , qui tend tou-
) jours. à le fendre, li eft de plus placé i aagte
E T R
iroh fur le milieu d'une des grandes extré-
mités , dans un plan qui feroit avec le dos
du cortrc un angle de vingt à vingt-cinq
degrés. Il tft fixé au moyen de la patte, qui
fe termine en une foie allez longue pour
l'enfiler dans le fens de fi longueur , & être
rivé au-delà. Cette patte forgée avec (k foie,
félon l'angle ci dcllus, Si arrêtée fur le dos
du coffre p.ir cinq rivets au moins , ne fert
pas moins à le fortifier qu'à l'emmancher :
auffi eft-elle refendue fur plat en deux lames
d'égale largeur, c'eft-à-dire, de cinq ou fix
lignes chacune, qui s'étendent en demi i"
avec lymmétries , l'une à droite & l'autre à
gauche. Leur union , d'où naît la foie , &
qui doit recevoir le principal rivet , doit être
longue & forte ; & leur épailfcur, (ufiîfante
à deux tiers de ligne par-tout ailleurs , doit
augmenter infenliblcment en approchant du
manche , & fe trouver de trois lignes au
moins fur quatre de largeur à la nailTance
de la foie, qui peut être beaucoup plus min-
ce, mais dont il eft important de liver exac-
tement l'extrémité.
Les deux parois verticales du coffre , &
quatre lames de fer également efpacées &C
polées de champ fur fon fond parallèlement
aux deux parois , compolent ce que nous
avons nommé les rangs. Trois de ces lames
font, ainli que celles qui font partie du
coffre , lupéneurement dentées , &c ajuftées
de manière que toutes leurs dents touche-
roient en même temps par leurs pointes, un
p!an fur lequel on repoleroit Véinllc. Celle
qui ne l'eft point , & qui conftitue le troi-
fieme rang , à compter dès le manche , eft
proprement ce que nous difons être le cou-
teau de chaleur. Son tranchant bien dreffé
ne doit pas atïcindrc au plan (ur lequel por
tent les dents; mais il faut qu'il en appro-
che également dans toute fa longueur : un
intervalle égal à leur profondeur d'une ligne
plus ou m i'ns . fuffif à cet effet. Chacun de
ces rangs eft fixé par deux rivets qui tra-
verftnt ie coffi'e , & deux empattemens qui
ont été tirés de leurs angles inférieurs par le
fecours de la forge. Ces empattemens font
ronds ; ils ont hx à fcpt lignes de diamètre,
& nous les comptons dans la longueur des
lames , qui de l'un à l'autre bout eft la même
que celle du coffre. Il eft bon d'obfervcrque
CCS quatre lames aiiili appliquées , doivent
E T R 285
être forgées de faç«n que tandis que leurs
empattemens font bien alTls , il y ait un
elpace d'environ deux lignes entre leur
bord inférieur & le fond du coffre , pour
laiffer un libre paffage à la craffc & à la
poulliere que le palfrenier tire du poil du
cheval , & dont il cherche à dcg.iger & à
nettoyer (on étrille, en frappant fur le pavé
ou contre quelqu'autre corps dur.
C'elt pour garantir fes rebords & fes
carnes des impreflions de ces coups , que
l'on place à fes deux petits cotés , entre les
deux rangs les plus diftans du manche , un
morceau de fer tiré fur quatre , de quatre
ou cinq lignes , long de trois ou quatre
pouces, retendu , félon fa longueur , juf-
qu'à cinq lignes près de fes extrémités , eiî
deux lames d'une égale épaifl'eur , & allez
leparécs pour recevoir éc pour admettre
celle du coffre à (on rebord. Ces morceaux
de fer forment les marteaux : la lame fupé-
rieure en eft coupée & raccourcie , pour
qu'elle ne recouvre que ce même rebord ;
& l'autre eft couchée entre les deux rangs ,
& fermement unie au coffre par deux ou
trois rivets. Les angles de ces marteaux (ont
abattus & arrondis comme toutes les carnes
del'inftrument, fans exception , & afin de
parer à tout ce qui pourroit blelfcr l'animai
en l'étrillant. Par cette même raifon les
dents qui rtpréfentent le fommet d'un trian-
gle ifocele affez allongé , ne font pas aiguè's
jufqu'iu point de piquer ; nulle d'entr'ellcs
ne s'élève au-deiTus des autres. Leur lon-
gueur doit être proportionnie à la fenfibi-
litc de l'animal auquel l'eVnT/e eft deftinée.
Elles doivent en palfant au travers du poil ,
atteindre à la peau , mais non la déchi-
rer. La lime à tiers point , dont on fc
Itrt pour les former , doit aulïî être te-
nue par l'ouvrier très-couchée fiix le plat
des lames , afin que leurs côtés & leurs
fonds dans l'intervalle qui les fépare ,
préfentent un tranchant tel que celui
du couteau de chaleur ; c'cft-à-dire, un
tranchant fin & droit , fans être affilé
ou en état de couper , & elles feronc
efpacées de pointe à pointe d une ligne tout
au plus.
Toute paille , cerbe , fnulfe ou mauvaifè
rivure , faux-ioint ou dent fendue , capable
d'r.ccivj>,ELr les ciiiis du cheval, ou le poit.
28(5 E T R
fonr des défeduofités nuifibles, & qui ten-
dent à donner atteinte au p!us bel ornement
de cet animal.
Entre les efpeces d'étrillés les plus ufitées ,
il en eft dans lefquelles on compte fept
rangs , le couteau de chaleur en occupant
le milieu : les rebords en font ronds , le
dos du cc-iTre voûté , & les rangs élevés fur
leurs empartemens , jufqu'à laifier fix ou
fept lignes d'efpace entr'eux &c le fond du
coffre. Leurs marteaux n'ont pas deux lignes
de grolfeur & de faillie , & ils font placés
entre le deuxième & troifieme rang. La
patte du manche eft enfin refendue en trois
lames_, dont les deux latérales ne peuvent
être confidérées que comme une forte d'en-
jolivement.
Il eft évident, i°. que ce feptieme rang
n'eft bon qu'à augmenter inutilement le
poids Se le volume de cet inftrument, z°.
L'efpace entre le fond & les rangs eft non-
feulement excclïîf , puifque quand il feroit
d'une feule ligne, cette ligne fuffiroit pour
empêcher l'i-.dhclion de la cralfe , & pour
en t-aciliicr l'cxpullion ; m,ais il eft encore
rceliement préjudiciable , parce que les
rangs peuvent être d'autant plus facilement
couches & détruits , que les tiges de leurs
empattemens font plus longues. }°. Les
marteaux étant auffi minces & aulTî courts,
ne méritent pas même ce nom ; Cnués entre
le fécond & le troifeme rang , ils ne fiu-
roient & par Itur pofition & par leur faillie
garantir les rebords & les carnes. 4°. Ces
rebords ronds n'ont nul avantage fur les
rebords plats, & n'exigent que plus de temps
de la part de l'ouvrier. Enfin la patte ne
contribuant pas à fortifier le coffre, ne rem
plit qu'une partie de fa deftination.
Il eft encore d'autres étrilles dans lef-
quelles les rangs font feulement dentés juf-
qu'à la moitié de leur longueur , tandis que
de l'autre moitié ils reprcfentent un cou-
teau de chaleur oppofé dans chaque rang ,
& répondent à la moitié dentée de l'autre.
Communément l'ouvrier forme les rangs
droits fur leurs bords fupcrieurs & inférieurs.
Ces rangs formés droits, il en taille en
dents la moitié ; mais foit par ignorance ,
foit par pareffe ou par intérêt , il s'épargne
le temps 5c h peine de rav.j.lcr le tianchant
E T R
' du refte , 8c dès-lors l'appui du couteau lir
le poil b'oppole à ce que les dents par\ .n-
nent à la peau. Je conviens qu'un ouvrjco:
plus intelligent ou de meilleure foi, peut,
en ravalant les tranchans , obvier à cette
défeituohté. Cette pratique nénnmoins ne
m'offre aucune ra;(on de préférence fur la
méthode que je conleille , car elle fera tou-
jours plus compliquée ; & d'ailleurs l'ex-
périence démontre qu'un couteau de cha-
leur occupant touie la longueur de l'étrille ,
n'eft pas moins efhcace que les fix moitiés
qui entrent dans cette dernière conftruélion.
Au furplus, & à l'égard des ouvriers qui
blanchificnr à la lime le dos du coffre , nous
dirons que ce foin eft allez déplacé relative-
ment à un femblable inftrument ; Se nous
ajouterons encore qu'il peut apporter un
obftacle à fa durée , l'imprcffion de la
forge , dont ils dépouillent le fer en limant,
étant un vernis utile qui l'auroit long-temps
défendu des atteintes de la rouille, (e)
ÉTRILLER un cheval, (Manège) V.
Etrille, Panser.
ÉTRIPER , ( Manège. ) mot bas , terme
profcrit , & qui ne devroit pas trouver une
place dans cet ouvrage ; c'eft par cette
raifon que je renvoie le leéteur qui en déli-
rera une explication , au diâionnaire de
Trévoux. ( e )
Etriper, (Cordcrie.) fe dit d'un cor-
dage dont les filamens s'échappent de tous
côtés.
ÉTRIVIERE, f f. ( Manège. ) courroie
de cuir par laquelle les étriers Jont fufpendus.
Telle tft la définition que nous trouvons
dans le dictionnaire de Trévoux.
On pourroit accufer les auteurs de ce
vocabulaire d'avoir ici mis très-mal à propos
en ulage une figure qu'ils connoiffent fous
le nom de pléonapne ; car fi le terme de
courroie préfente toujours 1 idée d'un cuir
coupé en bandes , il s'enfuit que cette ma-
nière de s'exprimer , courroie de cuir , eft
évidemment redondante. Il eft vrai que
deux lignes plus bas on lit dans le même
article cette obfervation très-im.portante ,
& très-digne d'être tranlmifc à !a poftérité
par la voie de leur ruvrage : A la pojle aux
dncs de Montrcjiu , il n'y a que des étriviercs
E T R
ie corde. Mais cette diftinâion d'étriviere de
carde & d'étriviere de cuir , fuggérce par des
notions acquîtes dans cette même polie ,
ne doit point autoiiler celle de courroie de
cuir ôc de courroie de corde ; ainh la redon-
dance n'en eft pas moins certaine.
Quoi qu'il en foit , les courroies que
nous employons communément à l'cftct de
fufpcndre & de fixer les étriers à mie hau-
teur convenable , & qui varie Iclon la taille
du cavalier , lont de la longueur d'environ
quatre pies & demi , &c leur largeur e!t
d'environ un pouce.
Plulîeurs peilonnes donnent au cuir
d'Angleterre la prjfjrcnce , 6i prétendent
que les étrivieres faites de ce cuir réllllent
beaucoup plus, & font mouis fujettes à
s'allonger. Je conviendrai de ce premier
fait d'autant moins ailément , qu'il eft dé-
menti par l'expénence. Le cuir d'Angle-
terre n'eft jamais à cet égard d'un aulTi
bon ufage que le cuir d'Hongrie rafé , padé
en alun , au fcl &C au fuif ; ëc II, quelques-
unes des lanières que l'on en tiré, paroif-
fent fulccptibles d'allongement , ce n'eft
qu'aux felliers que nous devons nous en
prendre. La plupart d'entr'eux fe conten-
tent en tftet de couper une feule loiigueur
de cuir dont ils forment une paire d'éin-
vicrcs. Celui qui a été enlevé du coté de la
croupe , a une force plus conlidérable que
celui qui a été pris du coté de la t3:e \ S<
de - là l'inégalité conftante des étrivieres.
Chacune d'elles doit donc être faite d'une
feule lanière coupée dans le cuir du dos &
de la croupe à coté l'une de l'autre , pour
être placée enfuice dans le même (eus ; &
comme Vétriviere du montoir , chargée du
poids entier du cavalier , (oit qu'il monte
à cheval , loit qu'il en dcfcende , ne peut ,
confcqucmment à ce fardeau, que fubir une
plus grande cxtenh'on , il eft bon de la
porter de temps en temps au hors-montoir,
& de lui lubftituer celle-ci : par ce moven
elles parviennent toutes les deux au période
dernier & polTible de leur allongement , Se
elles maiHtiennent dès lors les étriers à une
égale hauteur.
Du refte cette précaution n'cft n^'ccf-
(aire qu'autant que nou.^ perfr-érons dans
l'idée que l'on doit toujours & abfolument
monter à cheval & ea defcendre du cocé
E T R 287
gauche, car Ci , la raifon l'emportant fur
le préjugé , on prenoit le parti d'y monrer
& d'en delcendre indifféremment à gjuchc
&: à droite , elle deviendroit inutile , ô:
l'attention de varier cette aiîtion de manière
à charger les étrivieres également & aulïî
fouvent l'une que l'autre , lufîiroit incon-
teftablement. V. Exercices ù Mon-
toir.
A une de leurs extrémités , c'eft-à-dire ,
à celle qui naît du cuir pris dans la croupe ,
eft une boucle à ardillon fortement bredie.
On perce l'autre d'un nombre p'us ou
moins ccnfidérablc de trous. Pour cet
effet on marque avec le compas fur une de
ces lanières , la diftance de ces trous que
l'on pratique avec l'emporte - pisce. Cette
diftance n'eft point fixée , & l'ouvrier à
cet égard ne luit que fon caprice ; il doit
néanmoins confidérer que li tous les trous
font efpacés d'un pouce dans toute la lon-
gueur du cuir percé, il fera bien plus dif-
hcile au cavalier de rencontrer le point
jufte qui lui convient, que s'ils étoient faits
à un demi -pouce les uns des autres. La
première lanière étant percée , on l'étend
(er l'autre , de façon qu'elles (e répondent
exactement , loit dans leur largeur , foit
dans leur longueur; & l'on palle enfuite un
poinçon dans chacun des trous que l'on a
prauqués, pour marquer le lieu précis fur
lequel , relativement à la féconde , l'em-
porte pi-:ce doit agir.
Le porte-ciriviere eft une boucle quarréc
dépourvue d'ardillon , qui doit être placée
de chaque côté de la felle, le plus pièi qu'il
eft poffibledela pointe de devant de l'arçon,
&■ maintenue par une bonne chappe de fer
qui embralfe la bande , & qui eft elle- même
arrêtée par un fil de fer rivé de part Sc
d'autre. Ce fil de fer eft infiniment plus
fiable qu'un fimpleclou, qui joue & badine
après un certain temps dans l'ouverture
qu'il s'el^ frayée , & qui peut d'un côté
lailler échapper la chappe , & de l'autre
occafionner la ruine de l'arçon. Quant à la
pofîtion de la boucle contre la pointe de
devant de ce même arçon , elle favorile
l'adiette du cavalier, qui dès -lors n'eft
point rejeté trop en airiere, &: qui occupe
toujours le milieu de la felle ; &c cette bou-
cle que l'on a lublticuéc aux anciens pone-
288 E T R
étrivieres attachés fixement à l'arçon de
devant & à la bande , & qui bleilbient fou-
vent & l'homme Si l'animal , ne doit pas
être moins mobile que toutes celles qui lou-
tiennent les contre-langlots.
L'extrémité percée de Vétriviere qu'elle
doit recevoir , fera introduite , i°. dans un
bouton coulant que l'on fera gliller jufqu'à
l'autre bout ; i°. dans l'ccil de l'étrier ;
^°. dans le même bouton , afin que les deux
doubles de Vétriviere y loient inférés ;
4''. dans cette boucle , de façon qu'elle
revienne &: forte du coté du quartier. Cette
opération faite , le fellier bouclera & fixera
cetce lanière , en inlérant indifféremment
l'ardillon de la boucle bredie dans un des
irous percés , jufqu'a ce qu'un cavalier
quelconque le mette à fon point.
Je ne fais quel eft le motif qui a pu déter-
miner à bannir depuis peu les boutons
coulans : ils peuvent , j'en conviens , s'op-
pofer à la facilité d'accourcir ou d'allonger
Vétriviere ; mais cet obftacle eft-il fi conii-
dérable , qu'il doive en faire profcrire
l'ufage î
Le moyen de reconnoître la jufte hau-
teur à laquelle doit être placé l'étrier , eft
de le failîr avec une main , d'étendre l'au-
tre bras le long de Vétriviere , & de l'alon-
ger ou de la raccourcir julqu'à ce que cette
lanière & l'étrier fcient enfemble de la
. longueur de ce même bras ; c'eft-à-du'e ,
que l'extrémité des doigts portée d'une part
jufque fous le quartier , le dcflous de la
grille atteigne l'ailfellL- même du cavalier.
C'eft ainfi que comm.unément nous mettons
les étriers à notre point ; &C cette mefure tft
dans la iuftciTerequife , relativement à des
hommes bien proportionnés. Enfuite nous
faifons remonter la boucle de Vétriviere
très près de celle qui forme le porte-étri-
v/ere , afin qu'elle n'endommage pas par un
frottement continuel la pointe de l'arçon ,
le panneau , le quartier , & ne bleile point
l'animal Se le cavalier , dont elle pourroit ,
avec les trois doubles de cuir qui l'avoih-
rent , offenfer le genou. Nous rapprochons
. enfin de la traverle lupérieure de l'ccil de
l'étrier , le bouton coulant dcitiné à main-
tenir exactement l'union des deux doubles
fipparcns qui icfuUcnt de Vétriviere ainfi
E T R
Les étrivieres dont nous nous fervohs
dans nos manèges , ont environ cinq pics
(Si demi de longueur , & la même largcuc
que les autres ; elles iont paiîees dans un
anneau de fer lufpendu & attaché à une
chappe de cuir que l'on place & que l'on
accroche au pommeau de la felle. Ces étri-
vieres , les étriers , cet anneau & cette
chappe forment enlemble ce que nous nom-
mons précifement un chapelet. Chacun des
élevés auxquels nous permettons l'ulage des
étriers , en a un qu'il transporte d'une lelle
à l'autre , à melure qu'il change de cheval.
Q_uelqu'anciennc que foit la pratique du
chapelet dans les écoles , elle n'elf pas ians
inconvénient. En premier lieu , elle nous
aftraint à admettre toujours un pommeaa
dans la conftruétion des lelles à pi-juer.
z". L'anneau &; les boucles des éirivieres
qui defcendent , une de chaque coté , fur
le fiege &c lur les quartiers , le long de la
batte de devant , peuvent endommager &C
le lîege &c cette même batte. 5°. Il rélulte
de cette même boucle relevée le plus près
qu'il eft pofTiblc de l'anneau , ainlî que des
trois doubles de cuir qui régnent à l'endroit
où Vétriviere eft bouclée , un volume très-
capable de bledcr ou d'incommoder le
cavalier. Enfin , avec quelque précihon
qu'il ait ajufté & h\é les étriers à une
hauteur convenable lur une lelle , cette
precifion n'eft plus la même , eu égard aux
autres felles qu'il rencontre , parce que fî
la batte de devant le trouve plus balle ,
Vétrivitre eft trop longue ; comme li la batte
fe trouve trop élevée , Vétriviere eft trop
raccourcie.
Toutes ces confidérations m'ont déter-
miné à rechercher les moyens d'obvier à
ces points divers. Au lieu de hiire du pom-
meau un porte étrh'iere , je iufpends les
étrivieres à la bande , comme dans les lelles
ordinaires ; mais je fubftitue à la boucle
fins ardillon , c'cft-à-dirc, a.u porte-étnviere
connu & uiîie , une pl.n i ne ^':/ de fer d'en-
viron une ligne d'épailleur ; la longueur
eft de quatre pouces is: demi : à Ion extré-
mité lupérieure eft un œil demi-circulaire ,
& inférieurement elle eft entr'ouvene par
une châffe longue d'un pouce &C demi , Sc
large d'environ huit ou neuf lignes. Les
mojitans de cette châlVe doivent avoir au
moiiw
E T R
moins deux lignes de largeur. Cetre platine
cft engagée par fon Œil dans une cKappe
femblable à celle dont j'ai fait mention , &
qui eft également livée dans Va bande qu'elle
embralfe : aufTi la trnvcrfe droite de cet
œil doit-elle être arrondie , ainfi que la tra-
verfc inférieure de la platine ; fans cette
précaution , la première détruiroit inévita-
blement & avec le temps la chappe dans
laquelle ce nouveau porte-étrivicrc eft reçu ,
tandis que la féconde porteroit une vérita-
ble atteinte au crochet auquel elle donne
un appui. Ce crochet B peut être aulTî large
que la châlfe a d'ouverture. Il eft compoie
d'une platine de fer aulTî mince que l'autre,
ic il eft inférieurement terminé par un œil
demi-circulaire , dont la partie la plus bafle
doit être formée en jonc droit , au moins
de deux lignes & demie de diamètre , &
tellement allongée , qu'entre les deux an-
gles intérieures il y ait un intervalle de
qu.ntorze ou quinze lignes. Ces pièces doi-
vent être forgées fans foudure. Une cour-
roie d'environ deux pies &c demi de lon-
gueur eft ici fuffifante. On la palle d'abord
dans l'œil du crochet ; on en plie l'extré-
mité fur la tiaverfe droite & ronde qui en
forme la partie inférieure , & on la bredit
immédiatement au-dellous. On inlere en-
fuite fon autre extrémité dans l'ceil de
l'étrier , & dans une boucle à ardillon près
de laquelle elle eft ourdie , & qui fert à hxer
Vétriviere à un certain point , au moyen
de l'introduction de cet arddlon dans un
des trous percés à l'extrémité inférieure
de la lanière , qui dans la plus grande
portion de fon étendue eft limple , &
non à deux doubles. Dans cet état on
accroche les étrivieres aux porte- étriers ,
avec d'autant plus de facilité qu'ils font
très-mobiles , & qu'en foulevant les quar-
tiers de la felle on les apperçoit fur le
champ ; & pour que le crochet ne (e dé-
gage point tle la châlle qui le contient ,
il eft muni d'un petit reftort fixement
attaché par deux rivets près de la partie
fupérieure de fon œil , & qui s'élève en
s'eloigi/ant du montant , pour s'appliquer
à la pointe.
Par cette méthode on remédie à tous
les inconvéniens qui réfultent des chapelets
fufpendus au pommeau , ainfi que de ceu^c
Tomi XllJ,
E T R 285
f dont on fc fervoit autrefois , & qui cm-f
brailbient toui* la batte. Si l'on a atten,.
tion , dans la conftrudtion de ces nouveaux
pnrtc-ètrivieres , de les forger cxa6lenienc
d'une même longueur , & de les adapter
à toutes les felles du manège , il eft cer-
tain que les hnvkrcs décrochées aifémenc
en appliquant un doigt contre le relîort ,
qui dès lors eft rapproché du montant ,
feront tranfportées d'une felle à l'autre ,
f;ins que leur longueur puilfc jamais eii
être augmentée ou diminuée , pourvu
néanmoms qu'elles aient fubi l'extenfîon
dont elles font d'abord fufceptibles , Sc
que les pljtines des crochets foient toutes
égales. Ici nous fupprimons totalement les
boutons coulans , puilqu'ils ne feroienc
d'aucune utilité , vu la fîmplicité de chaque
étrivierc. On comprend fans doute que
cette invention peut avoir heu mdiftinc-
tément fur toutes fortes de telles ; elle a été
adoptée par une foule d'étrangers que l'u-
fage & l'habitude ne tyrannifent point ,
& qui ont fait fans peine céder l'un & l'au-
tre à l'avantage d'avoir toujours la même
paire à'écriviaes , fur quelque felle qu'ils
montent.
Dans les manèges où les élevés ne
peuvent monter à cheval que par le fecours
d'un étrier ( ^oye^ Etriers , ) on place
le chapelet au pommeau : les étrivieres &C
les deux étriers font enfemble du côté
gauche. Le palfrenier pefe lur la bitte,
pour obvier à ce que la felle ne tourne ;
& lorfqae le cavalier eft en felle , on en-
levé le chapelet. Quelquefois aulTî ce mê-
me chapelet eft inutile , en ce qu'il ne
lui refte qu'un féal étrier .& qu'une feulç
écriviere paffée dans l'anneau iulpendu à
la chappe de cuir. Cette manière de pré-
fenter aux difciples un appui pour qu'ils
puifTent s'élever jufques fur l'animal , ne
feroit nullement condamnable , fî l'on étoic
attentif à mefurer la hauteur de l'étrier à
la taille de chaque difciple ; mais le temps
qu'exigeroit cette précaution , engage à
pafler très-légérement fur ce point d'au-
tant plus important , qu'il ei\ impolïible
qu'un cavalier monte à cheval avec grâce,
Il l'étrier n'eft point à une hauteur pro-
portionnée. Je préférerai donc toujours à
cet égard ijne lîmplc courroie d'environ
490 E T R
cinq pies , non repliée , Se brédie à Ton t
extrémité inférée dans i'ad de l'étrier.
Cette courroie eft préfcntée de façon que
cette même extrémité touche du côté du
montoir en arrière de la batte , tandis
que le palfrenier , place au hors montoir ,
maintient le relte de la lanière fur le pom-
meau & en avant de cette même batte ;
& peut par la fimple aélion d'élever ou
d'abailier la main , élever ou abailfer l'é-
trier au gré & félon la volonté ik. le defir
du difciple.
Les étrmeres ne font point placées dans
les felles de porte , comme dans les autres.
Voye[ Porte - Étrivures. Voye^^ aujji
Selle. { e)
* ÉTROIT , adj. ( Gramni. ) terme re-
latif à la dimenfion d'un corps; c'eft le
corrélatif de large. Si cette dimenfion con-
fidérée dans un objet , relativement à ce
qu'elle eft dans un autre que nous prenons
pour mefure , ne nous paroît pas alfez
grande , nous diions qu'il eft étroit. Qiiel-
quefois c'eft l'ufage que nous-mêmes failons
de la chofe , qui nous la fait dire large ou
iiroite : nous fommcs alors un des termes
de la com-paraifon. Large eft le corrélatif
à' étroit. Les termes large Si étroit ne pré-
ientant rien d'ablolu , non plus qu'une in-
finité de termes fem.blables, ce qui eft large
pour l'un , eft étroit pour l'autre , & réci-
proquement. Etroit s'emploie au moral Se
au phyfique , Se l'on dit un canal étroit Sc
un ,efprit étroit.
Étroit , ad). ( Jurifpr. ) en cette ma-
llerc fignifie ce qui fe prend à la lettre Sc en
toute rigueur , comme droit étroit, l^^oye^
ci-devant Droit étroit.
On dit aufti qu'un juge a fait à' étroi-
tes inhibitions , pour dire des définfes fé-
yeres.
Etroit conjeil , ou confiH étroit , Voye[ au
mot Conseil Étroit. {A)
Etroit de boyau , {Manège. Maréchall.)
CxprelTion allez impropre , par laquelle on
a prétendu défigner un cheval qui manque
de corps , & dont le ventre s'élève du coté
du tram de derrière , à peu près comme
celui des lévriers. L'animul qui pèche a'iv.ii
dans la conformation , écoit anciennement
appelle e/lrac , cfclame.
Ce défauc eft dire-ttement oppoie à ccKù
E T R
des chevaux auxquels nous reprochons d'^-
voir un ventre de vache, C ^ )
ÉTRONÇONNER, ( Jardinage.) eft le
même q\î'èhotter , éiéter. Voye\ Eteter.
ÉTROPE , f. f. ( Manne. ) On donne ce
nom en général à des bouts de cordes épiC-
les , à l'extrémité defquels on a coutume de
mettre une colfe de fer ( efpece d'anneau )
pour accrocher quelque chofe.
Etkope , Gerseau , Herse de Pou-
lie , ( Marine. ) C'eft une corde qui eft
bandée autour d'un moufle ou arcafle de
poulie , tant pour la renforcer & empê-
cher qu'elle n'éclate , que pour futpen-
dre la poulie aux endroits où elle veut être
amarrée.
Étropes de MarchepiÉ ( Marine. ) Ce
font des anneaux de corde qui font le tour
de la vergue , au bout delquels & dans
une code partent les marchepiés. Ils ont
chacun un cep de mouton pour roidir ces
marchepiés , les failiflant vers le bout de
la vergue.
Etropes d'Affût > ( Marine. ) Ce font
des herlcs avec des colles , qui font pal-
fées au l?out de derrière du fond de l'af-
tùt d'un canon , ou l'on accroche les pa-
lans. ( Z )
ÉTROUSSE , f. f . ( Jurifpr. ) fignifie
adjudication faite en juftice. Ce terme n'eft
plus guère ufité que dans les provinces. On
dit Vétroujfe d'un bail judiciuire , Vétroujfs
des fruits , &c.
Eiroujfe eft aufn un droit feigneurial
dû à la leigneurie de Linieres en Bcrry ,
qui eft d'un certain nombre de deniers
plus ou moins conliàcrdble , félon l'état
Sc facultés des hab^tans. Ce droit fe paie
pour Vétroujfe &C rmilétrouffe. Voyez le
glojf. de M. de Lauriete , au mot étrouffc.
{A)
ETRUSQUES , ( »/?. d^s^ Arts. ) Nous
allons donner un extrait des lavantes oblcr-
vations que M. le comte de Caylus a inlc-
rées dans les deux premiers volumes , /V;-./".
de fès Recueils des antiijuiiés égyptiennes ,
étrufijues , grecques fi" romaines ; à Paris ,
chez Dedaint , i7)i , 7 vol. Ce judicieux
Sc profoNvl auteur convient qu'il eft tiès-
difticile de trouver des fccouis pour coiv
noître l'origine des Etruf^ues ou Tolcans ,
parce qu'aucun de kius lùltoriens n'cll
E T R
parvenu iufqu'à nous ; &c quoique ce peuple
fameux ie tùc rendu maître de prelque
roure l'Italie avant la fondation de Rome ,
la jaloulie des Romains a laifl'é avec peine
hiblirter quelques infcriinions , que nous ne
pouvons pas toujours expliquer , parce que
nous ignorons non-feulement le lond de
leur langue , mais encore la plupart ^des
lettres de leur alphabet: il paroit même
que les hiftonens romains ont aftedé de
ne point parler des Etrufques , &c que
nous ne pouvons découvrir leur goût &
quelques-uns des ufages de cet ancien
peuple , que par le moyen des peintures &
des gravures qui ont échappé à la main des
Romains.
Nous favons en gros par les écrits des
hiftoriens étrangers, que pendant pluficurs
fiecles les Etrujjucs furent très - puifl.ins
fur terre & fur mer : le commerce les en-
richit ; dans la fuite le luxe les énerva ou les
rendit alTez foibles pour devoir être fubju-
gués par les Gaulois & par les Romains,
après avoir cependant (butenu , pendant
deux fieclcs , des gueril^ continuelles : l'hif-
toire démontre, quoi qu'en difent les fophil-
tes du fiecle , que le luxe a amolli &: fait
bouleverfer l'empire des Egyptiens , des
Perfes , des Grecs & des Romains,
Les Etrufques infpirerent à leurs vain-
queurs leur fuperftition extrême & leur
goût pour les fpedacles. Les petites notions
que les Etrufques avoient iur la pliylique ,
les engagèrent à croire qu'ils étoient aflez
favans pour pénétrer dans les myfteres des
caufes premières ; en confequence ils s'oc-
cupèrent perpétuellement à tâcher de lire
dans l'avenir & le livre des deftinées , en
obfervant le vol & le chant des oifeaux , &
à confulter la volonté des dieux en obfer-
vant les allres ou les entrailles des viètimes.
Comme ce peuple aimoit excetTivement
les jeux , la mufique & les Ipeftaclcs , il
introduilît ces amufemens dans les cérémo-
nies de la religion . & le préjugé populaire
les ht enfuite conlldérer comm.e des parties
elfentielles du culte extérieur. Ce même
préjugé fubfifte encore dans une partie de
l'Italie.
hts Etrufques aimèrent les arts, ils les
cultivèrent avec fuccès:on prélume qu'ils
empruntèrent des Egyptiens la théorie ^
E T R 291
la pratique de leurs ufigcs : par exemple,
les figures allégoriques ou hiéroglyphiques ,
tels que font les griffons , les (phynx ,
les lions ailés , les pyramides , les infcrip-
tions fur les ftatues , & la forme roide des
figures qui paroilîent emmaillotées. Cepen-
dant comme l'on ne trouve chez les Etruf-
ques aucune momie ou animal embaumé,
les auteurs prcfument que ce peuple n'elt
pas une colonie Egyptienne. Il paroît par
les monumens que, dans les (lecles luivans,
les Etrufques ^nxcvix. àti ufages particuliers,
qui ne conferverent prefqu'aucun trait de
la manière ou du ftyle des anciens Egyptiens :
on voir dans les ouvrages de leurs fculp-
teurs , cifeleurs & peintres, le développe-
ment & la gradation fenfîbles du génie des
Etrufques.
Les auteurs obfervent que les femmes
furent admifes dans le collège des prêtres
Etrufques, à peu près comme les femmes fonc
aujourd'hui alTociées ou dépofitaires de»
myfteres les plus fecrcts de la religion fin-
gulieredu peuple Drufe, qui habite les plai-
nes enveloppées par la chaîne des montagnes
du Liban.
L'on fait que les Etrufques inventèrent
l'ordre tofcan dans le même temps que les
Grecs imaginèrent l'ordre dorique & l'or-
dre corinthien. Ce fait démontre le goûc
particulier que ce peuple avoit pour l'archi-
tefture.
On voit 1°. dans l'ouvrage qui a pour
titre , Thomœ DempJIeri de Etruria regali
libri 7 , primum editi à Thomas Coke , 2,
vol. in- fol. Florentin ijx^ ; z". dans les
Recueils de Buonarotti ; }". dans ceux de:
Gori ; 4". dans les Mémoires de l'académie
de Cortone , quantité de monumens qui
démontrent le bon goût que les Etrufques
avoient pour la fculpcure , l'architeéture ,
la peinture & pour la gravure. Pline le
nacuralifte , convient qu'il y avoit deux
raille (latues dans la ville Etrufque, nommée
Bolfcna , &c que l'on y voyoit une ftatue
colollale , qui avoit cinquante pies de haut,
Paufanias rapporte qu'Arimnus , roi de
Tolcane , eft le premier des fouverains
étrangers qui envoya fon magnifique trône
pour le mettre dans le merveilleux temple
que l'on avoit élevé à Olympe , à l'honneur
de Jupiter.
Oo 2
2^2 E T R
M. de Caylus obferve que les auteurs I
dont nous venons de parler , auroient dû |
nous donner dts détails (ur les belles formes
& fur les ornemcns agréables des vafes
écrufques ; mais il y lupplée en mettant fous
les yeux du ledteur (es obfervations & les
plans exads de quantité de monumens qu'il
a delTmés & graves en partie de la main
avec toute l'exaâiitude que Ton peut rai-
fonnablement efpérer. Ce philofophe artifte
fait admirer , dans les vafes étrufques , la
précifion dans la forme, la jufteire dans le
contour & dans la pofition des anfes . l'art
de groupper les figures , &de leur donner
de l'expreiTîon , ^c. M. de Caylus prouve
que les anciens Tolcans abondoient en
fculpteurs : il dit qu'il eft à préfumer qu'ils
avoient grand nombre de bons peintres ; il
cbierve que malgié leur fragilité , il eft
étonnant qu'il nous refte une fi grande
quantité de vafes étrufques qui conftatent
lamultiplicitédesmanufaflnresdel'Etrurie,
Ce favant convient qu'il eft vrai que nous
confondons iouvent les vafes étrufques avec
ceux de fabrique égyptienne, ou. plutôt
avec ceux de la fameufe fabrique grecque ,
établie dans l'ile de Samos : mais il ajoute
que l'on peut cependant diftinguer les valcs
étrufques par leur légèreté , par la délica-
telle de leurs ornemens , & par plufieurs
autres circonftances que nous indiquerons
plus bas. Nous ajoutons que pour ne point
s'y méprendre, il faut mettre en parallèle les
vafes ou du moins conlulter les ndelles gra-
vures de M. de Caylus.
L'hiftoire nous apprend que pendant plu-
fieurs fiecles , les manufactures de poterie
étrufjue ont joui dans l'univers d'une répu-
tation égale à celles que nous accordons à
la porcelaine de la Chine. L'on a trouvé
à Vollaterra , à Rome , ùc. pluheurs petites
montagnes formées par les débris des rebuts
des manufadures de poterie étrufque. M. de
Caylus obferve que fou vent l'on y voit
tes mêmes formes & les mêmes ornemens
répétés dans les compofitions ; mais cepen-
dant , en les confidérant , l'on voit en même
temps que les Etrufques (avoient bien varier
leurs 'inventions lorfqu'ils le vouloient.
L'on y reconnoît même les époques des
progrès de la perfeilion dans chaque hecle.
il paroit que les E.rufques dans leurs dcf-
E T R
fins , ont ét^ quelquefois imitateurs , mais
jamais il n'ont été de lerviles copiftcs des
Egyptiens & des Grecs : ils ont profité de
leurs lumières, fans jamais s'alTujettir à leur
goiit.
M. de Caylus préfume qu'à force de
recherches & d'ohfervations (ur les monu-
mens étrufques, on pourra peut-être un jour
parvenir à éclaircir la plupart des ufages
civils , militaires & religieux des Tofcans ,
fur-tout (I l'on compare les monumens avec
les anecdotes hiftoriques de ce peuple iin-
gulier
Les Tofcans, je veux dire les Etrufques ,
dans leurs tableaux , cherchoient , ainfî
que les (auvages de l'Amérique , à fe pro-
curer un afpeéb & une attitude terrible ;
ils ajuftoient lur leurs calques de grandes
oreilles , ils en hérilToient le lommet par
de longues pointes de fer , ou par le moyen
de grandes crêtes ou panaches : ils réuffif-
foient mieux que nos foldats, à fe procurer
un air d'ours en crilpant leurs mouftaches
&c en leur donnant la même tournure que
nous donnons à celles de nos chiens barbets ,
pour les rendre plus ridicules qu'épouvan-
tables.
Le goût & le caraftere particulier des
Etrufques eft plus frappant & plus varié
dans les pierres gravées qui leur lervoient
de cachet , que dans leurs autres ouvrages.
Comme ils aimoient à la folie Vltiaàe d'Ho-
mère , ils gravoient très-fouvent des fiijets
analogues , & repréfentoient très-(ouvent
Achille , Heôbor & Hercule ; les fatyres ,
les centaures , des aftrologues & des génies
ailés. Il paroît par leurs monumens qu'ils
aimoient excelTîvement les combats & la
chafîe à la courfe & au faucon. Les hifto-
riens nous apprennent qu'ils regardcienc
la mufique comme un préfent divin; c'elt
pourquoi dans leurs compofitions on voit
ordinairement des chalVeurs, des combat-
tans, des muficicns & des guerriers cou-
verts de cafques , de cuiralTes & de bottes
de fer. L'on allure que les Etrufques inven-
tèrent, 1°. les combats langlans des gladia-
teurs ; 2°. la danle ; J,^. les têtes à double
face ; telles que celles de Jaiius , pour déù-
gner allégoriquement le pallé & le prêtent ,
ou les diftercns âges & les diftérentes con-
iioiilanccs de l'homme ; l'on croit aulli
E T R
qu'ils inventèrent les cérémonies d'expia-
tion & de puritication , fur tout celles pour
fe purger des crimes horribles de beftialité ,
6'c. qui étoient adez communs p.irmi eux.
Ce même peuple reprélencoic prefque tou-
tes les divinités avec des ailes , pour mar-
quer leur adivité. Les Tofcans ornoient
leurs cruches , leuis foucoupes^ & les cor-
nes, qui leur fervoient , ainlî qu'à tous
les peuples , de talfes pour boire , en y
gravant l'image des dieux, des héros, f'c.
M. de Caylus obferve que l'on voit très-
rarement des joueurs de fiûte peints fur les
monumens des Etrufques. Dans les com-
menecmens, ils reprcfentoient leurs figures
à peu près comme celles des Egyptiens ,
c'eft-à dire , roides , avec les bras & les
jambes accollés, prefque fans mouvement.
Leurs draperies étoient fans plis , ou du
moins elles en avoient peu. La ^ tête de
leurs figures avoit les cheveux trèfles ; mais
dans la fuite , ils détachèrent les bras & les
jambes de leurs figures fondues en bronze ,
peintes ou fculpiécs ; en un mot , ils don-
nèrent du mouvement , de la force & de la
grâce à leurs compofitions. Les vafes des
Etrufques ont pour l'ordinaire le fond de
leur couleur uniforme , noire ou rouffe ;
ils font modelés à peu près avec autant de
foin que nos porcelaines des Indes. Les
Etruriens n'employoienc pour peindre Iturs
vafes que trois ou quatre couleurs rerrcu-
fes , mifes à plat comme celles des Chino-s,
fans dégradation de coloris : ils lavoient
compofer des émaux de différentes cou-
leurs , pour embellir leurs vafes de terre
cuite. Souvent ils emportoient certaines
parties du vernis ou d'émail avec des inftru-
mens particuliers , & ils ajoutoient enluite
le blanc , le rouge ou le noir pour tracci le
contour , ou pour dilHnguer leurs figures
& pour form^er des ornemens. Ordinaire-
ment, le vafe cft à'wr.e couleur noire , &
routes les figures & tous les ornemens font
ou totalement rouges ou de quelqu'autre
couleur , réhaulTée avec la craie blanche.
Quelquefois la tête , les mains , les pics ,
font incarnats i & les vaftes manteaux des
figures de leurs aftrologues font ou blancs
ou de quelqu'autre couleur. Au centre du
vafe , ils imprimoient une rofe ou une mar-
que de la fabritjue. L'on a trouvé dans
E T R 29J
Herculane quantité de grands &: de petits
tableaux de cette efpece , peints en mono-
chromes , c'eft-à-dire , en camayeux d'une
feule couleur , ou peints avec deux ou trois
couleurs: mais ces camayeux d'Merculane
furent peints par des Grecs. L'on y a en-
core trouvé plufieurs beaux vafes ètruf^ues
&c une grande table de marbre pour les
libations que dévoient faire les juges avant
que d'examiner les procès. Cette table
porte une infcription étmfjue , dont on
trouvera le détail & l'explication dans les
lettres que M. Seigneux de Correvon a fait
imprimer à Yverdun fur les découvertes
d'Herculanc.
Nous croyons que les perfonnes qui
aiment les beaux arts , liront avec plaifir ,
au fujet des Etrufques , les oblervations
fuivantes, que nous avons extraites du
tics-lavant ouvrage qui a pour titre , tUf-
toire de l' /Irt chc^^ les Aricicns , par M. J,
Winckelmann : à Amftsrdam, chez Harre-
velt , 1766, 2. vol. in-8°. Cet auteur ad-
miré par les vrais f^vans , -a confacré le
chapitre troilieme de ion premier volume ,
à nous démontrer par des faits , ce qu'é-
toit l'art chez les Etrufques & chez leurs
voifins. Il divile ce chapitre en trois Ccc-
tions: dans la première, il détaille les con-
noiflances néceflaires pour bien apprécier
l'art des Etrufjues. Dans la féconde led-ion,
il traite de l'art même chez ce peuple : il
détaille fes caraderes , leurs figues, & les
différentes époques de ce: art. La troiheme
fedlion ne rappelle que les faits qui inté-
rellènt l'arc des peuples voifins des Etruf-
ques.
Dans la première fe£tion qui concerne
les connoiflances néceff-ures pour bien ap-
précier l'art des Etrufques , M. Winckel-
mann examine dans l'article premier les
circoiiftances extérieures & les cau'.es des
caractères particuliers de l'art ttrufque\ dans
le lecond article il traite de l'image des dieux
(Se des héros îirufques ; enfin dans le troiiie-
me art'!cle , cet auteur indique les ouvrages
les plus remarquables de l'art de ce peuple
fingulier.
Dans l'article premier qui concerne
les caules extérieures qui ont contribué ou
nui aux progrès de l'art éirujque, M. Win-
ckelmann admet pour première caufe qui
294 E T R
^ f:,vorlfé l'art de ce peuple , i°. la liberté :
ilobferve très-judicienfement que la forrne
du gouvernement influe enentiellement (ur
les arts & fur les fciences de tous les peu-
ples : par exemple , la liberté dont jomt-
foienc les Etrujques en vivant même fous
leurs rois , permt à l'art & aux artiftes de
s'éfcver à la perfeftion , parce que les rois
Tofcans n'étoient pas des defpotes , le titre
de roi ne défignoit chez eux qu'un fimplc
général d'armée , ou bien un gouverneur
particulier qui éîoit élu annutUement par
ies états-généraux. Toute l'Etrurie étoit di-
vifée en douze provinces : elle croit parcon-
fequent un état arifcocratique , régi par dou-
ze chefs qui avoient au-delTus d'eux un fur-
veillant ou un cenfcur amovible, qui étoit
auffi élu par le corps total de la nation. Les
Etrufques étoient lî jaloux de leur liberté
& fi ennemis de la puilTance royale dcfpo-
tique & inamovible , qu'ils mépriferent &
devinrent les ennemis des Veïens , lorfque
au lieu d'un chcF annuel, ils élurent un roi.
Dans le iVe fiecle de la fondation de Rome,
ils étoient par la même raifon naturellement
ennemis des premiers habitans de Rome ,
& le peuple romain ne put empêcher les
Etrufques de s'allier avec fes voilîns , dans
la guerre marlîque , qu'en accordant aux
Tofcans le droit de citoyen romain.
La féconde caufe des progrès des arts chez
les Etrufques , fut le commerce fur terre &
fur mer. Paufxnias dit que ce peuple s'allia
d'abord avec les Phéniciens qui étoient pour
lors le peuple le plus ingénieux : les Etruf-
ques leur fournirent une flotte , pour com-
battre les Phocéens. Hérodote dit que les
Eirufques eurent plus d'intimité avec les
Carthaginois qu'avec les Grecs ;^ ils four-
nirent aux Carthaginois une armée navale
qui fu: battue par Hiéron , devant la ville
de Syracufe.
Les Etrufques eurent peu d'affinité avec
les Egyptiens , peuple excelTivement fom-
bre & mélancolique , qui dételloit la muli-
que & la pocfic, que les Etrujques aimoient
à la folie , parce qu'elle les guerilfoit en
partie de la petite dofe de triftelfe ou d'a-
trophie qui leur étoit naturelle. L'c tendue
du commerce des Etrufques réforma leurs
mœurs , & par la comparaifon des objets ,
E T R
il perfeftionna leurs talens naturels pout
les arts.
La troifieme caufe extérieure du progrès
des arts chez les Etrufques , fut la gloire &C
les récompenfes qui f :iit nécelTairement af-
fedé.'s dans les républiques aux pcrfonnes
qui fe diftinguent dans leur état par leurs
talens ou par leur vertu.
La caufe intérieure des progrès des Etruf-
ques dans les arts , fut leur génie ou leut
tempérament i il fut la fource du caractère
diftindtifde leurs ouvrages. M. Winckel-
mann obferve que les Etrufques n'atteigni-
rent cependant jamais dans les arts le point >.
de perfedion où parvinrent les Grecs, parce
que les Grecs étoient naturellement moins
bilieux que les Etrufques. Ariftote obferve
que les perfonnes mélancoliques font ordi-
nairement rêveufes , propres aux fortes mé-
ditations & aux recherches profondes: mais
de tels hommes ont toujours eu &c auront
éternellement des fcntimens outrés & excet
fifs. Le beau , c'cft-à-dire , les douces émo-
tions que caufent les formes les plus natu-
relles fur des âmes délicates & fenfibles,^ eft
pour eux fadeur , inilpidité , badinage d'en-
fant ; leur cœur , ainfi que les magafins de
poudre , ne s'acitc que par explollon géné-
rale : ils méprifent le beau , ils ne recher-
chent que le fublime. L'Etrurie ignorante
fut bientôt aulTi éclairée que les peuples
qu'elle frcquentoit ; mais comme la malTc
des lumières étoit alors très-peu conhdéra-
ble , l'Etrurie donna dans la fuperftition ,
ou plutôt, dans le moment où elle devint
pieufe , elle mérita d'être appellée la inere
de Lifuperption. Les Etrufques fe livrèrent
eniaite avec fureur à l'aftrologie judiciaire,
aux évocations des efprits , f- c. L'on ne doit
donc point être furpris lorfqn'on voit dans
Denis d'Halicarnalle, que l'an de la fonda-
tion de Rome, 359 , les prêtres Etrufques ,
qui protcgeoient les Tarquins détrônés ,
allèrent attaquer Rome , armés de fcrpens
vivans & de torches ardentes. Lc% Etrujques
inventèrent les comb.us fanglans des gla-
diateurs, ils les admirei-.t non-leulerncnt
dans les amphithéâtres , mais encore à la
fuite des encerremens.
I Le c uaderc des Etrufques eft peu altéré.
I Dans les liecles derniers , la Icde des Ma-
E T R
gcllans européens a pris naidaiicc dans la
Tofcane : j'ajoute que le vulgaire ne s'y
plaie qu'à lire actuellement les poëmes
pleins de magie , de pollcflîons du dia-
ble , de gigantomaclne , de métamorpho-
fes &C de prcltiges de charlatans de places ;
il n'écoute avec tranfport que la mufique
qui peint les tempêtes , l'cclair , le ton-
nerre , la fouvire 6c le fabbat. Enfin l'on
ne doit point être lurpris de ce que les
anciennes urnes lépuldales de la Tofcane
ne font chargées que de bas-reliefs , qui
repréfentent avec énergie des combats
fanglans , ou des devins en méditation ; &
de ce qu'au contraire , les urnes fépuU
cralcs romaines , travaillc^s par les Grecs,
ne repréfentent que des objets agréables
qui font allulion à la vie humaine ; tels
font les papillons , les colombes , les liè-
vres , les guirlandes de fleurs oc de fruits ,
les anaydes qui enlèvent le charmant Hyl-
lus , f-'f. Les Romains , plus gais que les
Etrufques , eurent au fujet de la mort des
idées fingiilieres: Scipion l'Africain exigea
que fes amis allalTent boire lur fon tombeau.
A Rome l'on danfoit ordinairement devant
le corps du mort que Ton portoit au bû-
cher ; par ce moyen on diftrayoit lei fpec-
tateurs du bruit dcfagrcable des pleureufcs
que Pon gageoit pour hurler harmonique-
ment au Ion de la flûte. M. Winckelmann
obferve enfin que les guerres perpétuelles &
malheureufcs des Etrufques contre les Ro-
mains, 6c fur-tout la décadence de leur
conrtirution politique , arrêtèrent les progrès
de l'art, & fe détruiiirent dans la fuite.
Après la mort d'Alexandre, que le peuple
nomme le Grand , toute l'Etrurie fut fubju-
guée par la république romaine , ik la lan-
gue étrufque fut transformée en langue la-
tine : en un mot , la langue étruj'que fe
perdit entièrement. Cet événement arriva
quelque temps après la mort d'/Elius Vultu-
rinus , dernier roi des Eciufijucs , qui fut
tué dans la bataille donnée près du lac Lu-
cumo , & dès-lors changée en province
romaine. L'an 489 de la fondation de
Rome , Marcus Elavius , général roinain ,
fe rendit m ii;re de la ville de Vollînium ,
que l'on nomme aujour t'hui Bofinas ; il
fît tranfporter de cette feule ville dans celle
de Rome , deux mille ftacues , à ce que rap-
E T R 295
porte Pline dans le XXXIV* livre. L'on
croit que peu à peu toutes les les autres villes
de la Tofcane fubirent le même fort. Dans
l'inftant de ces révolutions , les aits com-
mencèrent à tomber & à s'avilir, par le joug
que les Romains impofoient aux artiftes.
Nous ne connoillons le nom d'aucun des fa-
meux anciens artiftes E:rufques , Il ce n'efl
celui de Mmjhrchus , Iculpteur en pierre ,
que l'on dit père du grand philofophe,
nommé Pythagore.
Dans le fécond paragraphe , qui traite
des images des dieux & des héros Etrufques^
M. Winckelmann fe borne à publier quel-
ques obfervations utiles , & qui n'ont point
encore été faites. 1°. Il dit que les Etrufques
adoroient la plupart des divinités qui étoient
honorées d'un culte dans la Grèce , parce
que les Grecs & les Etrufques étoient une
colonie des Pélafges , à ce que croient
quelques auteurs : il y eut , par conféqucnt ,
une certaine affinité parmi ces deux peu-
ples. 1°. Les Etrufques , amfi que les Grecs ,
adoroient des figures bifarres, & qui étoient
particulières à chacun de ces peuples. Pau-
lanias décrit les figures divines extraordi-
naires qui furent repréfentées par les Grecs
fur le coffre de Cypielus. Avant Homère ,
le poè'te Pampho im.agina un Jupiter ,
couvert de fiente de cheval. Les Grecs
inventèrent encore un Jupiter à Pomyosy
c'ert-à-dire , Jupiter fous la forme d'une
mouche : la tête de la mouche formoit le
crâne & les cheveux de Jupiter ; le curps de
la mouche ctoit le vifage , & les ailes for-
moient la barbe.
^°. A l'égard des divinités particulières
des Etrufques , M. Winckelmann , dans ce
fécond paragraphe , obferve encore que les
Etrufques s'étoient fait des idées fublimes
& majeffueufes des dieux fupérieurs ; ils
donnoient des ailes à Jupiter , à Diane , à Tes
compagnes , & à Vénus ; mais ils repré-
lentoient Minerve avec des ailes aux épaules
& aux pies. Ils peignoicnt l'Amour , Profer-
pine &z les Furies , avec des ailes à la tête :
ils repréfentoient aulîi des chariots avec des
ailes. Les Grecs fuivoient le même ufage
allégorique (ur les médailles : Ceics étoit
repr.-fentée traînée par deux ferpens attelés
à un char ailé.
296 E T R
4°. Pline nous dit que les Etrufqiies ar-
moiencdu foudre la main de neuf divinités
qu'il ne nomme point. Les Grecs mcttoienc
quelquefois la 'fondre dans la main de neuf
divinités, qui font , Apollon, Mars, Bac-
chus, Vulcain, Hercule, Pan, Cybele ,
Pallas & l'Amour.
Les payfans Etrufques portoient des cha-
peaux blancs , abattus fur lés épaules , &C
iorfqu'ils vouloienc déligner Apollon , gar-
dant les troupeaux du roi Admete , ils le
repréfentoient avec ce grand chapeau. Les
Grecs repréfentoient de la même manière
Ariftée , fils d'Apollon.
Les premiers Etrufjucs portoient une
longue barbe , large , pointue & recourbée
en avant. Ce peuple reprefenta Mercure
avec une barbe de cette efpece : dans la
fuite , les Etrufques fe raferent la barbe ;
fouvent ils armèrent Mercure d'un fabrc
recourbé en faucille , femblabte à celui que
tient Saturne ou Pluton , rellemblant ii
celui que portèrent les Lyciens & les Cariens
dans l'armée de Xerxès. On voit , fur un
camée étrufque , un Mercure qui a la tête
couverte d'une tortue entière , qui lui fert
de chapeau. Dans les premiers temps , les
Etrufques marquoient les cheveux de leurs
ftatue's en écaille de poidbn , ou tournés en
coquille de limaçon. Ils rangeoient les plis
des hablllemens en ligne droite parallèle ,
comme quarrelés l'un fur l'autre. Les Etruf-
ques & les Grecs repréfentoient quelquefois
Junon martiale , tenant er.tre fes mains
une tenaille qui faifoit allufion à l'ordre de
bataille en tenaille. Cet ordre confiftoit à
ouvrir le centre de la ligne pour engager
l'ennemi à y entrer , enluite les deux corps
féparés ferroient l'ennemi des deux côtés.
Les Etrufques &C les Grecs repréfentoient
Vénus drapée , tenant une colombe ou une
fleur à la main. Us repréfentoient auffi les
trois Grâces' drapées : elles paroiflbicnt
danfer dans le même goût que les ftatues des
premiers Grecs,
Les arciftes Etrufques repréfentoient peu
de héros , &c tous de nation grecque : tels
font les cinq chefs qui marchèrent contre
Thebes , je veux dire , Adrallc , Thydée ,
Polynice , Patthénope Se Amphiaraiis. Les
ditiix de ce peuple gnc coiifciyé kiir nom
E T R
étrufque ; mais les héros conferverent chez
ce peuple leur nom grec , tiré de V Iliade ,
qui leur fervoit de houjiole.
Dans le troifieme paragraphe , qui traite
des principaux monumens de l'art étrufque,
notre auteur indique fimplcmcnt les objets ,
& décrit hiftoriquement leur exécution ,
leur matière & le tenips de leur produc-
tion. Dans la fection fuivante , il les exa-
mine en critique fcrupuleux : il fait voir
combien il eil difficile de dillinguer les
anciens ouvrages grecs des anciens ouvra-
ges etrufques , & les monumens faits en
Tofcanc dans le bon temps , de ceux du
fiecle éclairé où vivoient les plus fameux
artiftes Grecs. L'auteur indique , i°. les
petites figures etrufques de marbre , de
bronze , qui reprélénterent des animaux ,
des chimères ; i°. les ftatues de bronze de
grandeur naturelle , ou un peu moins
grandes , 6'c. Il fait à ce fujet plufieurs
obfervations utiles : par exemple , M. Win-
kelmann dit que les Etrufques , dans ur^e
ftatue qui repréfente un pontife , ont
rangé les cheveux fur le front en petites
boucles en forme de limaçon , tels qu'Us
font ordinairement fur les ftatuts égytien-
nes d'Hermès ; quatre longues trcfles de
cheveux tombent en ferpentant lur le de-
vant de chaque épaule ; les cheveux font
noués par derrière à une diftancc médio-
cre de la tête : au-delFous du ruban qui
les attache , cinq boucles jointes enfem-
ble prennent en quelque forte la forme
d'une bourfe à cheveux ; ces cheveux pa-
roUfent coupés à leur extrémité. La ll:a-
tae , qui ell antique , ell droite & roide
comme celles des Itatues égyptiennes. Sur
la tête d'une Diane étrufque antique , on
voit que l'ouverture de la bouche a fes
angles relevés , le menton eil rétréci , les
cheveux font comme dans la précédente
ftatue , annelés , trcllés & attachés par der-
rière affez loin de la tête ; elle porte un
diadème en forme de cercle ; il eft
fiirmonté de huit rofes rouges & réhauf-
fécs qui couronnent les cheveux ; la
draperie eft peinte en blanc ; la ch:.*-
mife ou le vêtement de delTous a de lar-
ges manches arrangées en plis frites ; le
manteau court a des plis applatis & paial-
kks , U en eft de même de l'habit : le
bwd
E T R
honl tlii manteau elt orné tlViiie petite ban-
de rouge Jorce , qui eft furmoiuée immé-
cliarcment d'une autre bande de couleur de
laque; au-dcllus de celle-ci eft unctroilîe-
*me bande de même couleur 6c largeur ,
chargée d'un lacis blanc qui reprélente de-
là broderie. Le bord de l'habit cil travaille
de la même façon : la courroie qui tient iur
l'épaule de carquois de la déelle , eft rouge
de même que fa chaullure.
M. Winclcclmann donne enfuite des dé-
tails fur un relief en bronze , en forme de
rotonde , qui a pu (ervir à orner le bord
d'un puits: l'on y voit , aind qu'à Athènes ,
les figures des douze grands dieux : Vul-
cain , Jupiter & Elculape , font repréfencés
fans barbe Iur ce monument ètrufque de
l'ancien temps, M. Winckelmann dit que
dans la fuite on aiinela la barbe en boulette,
on recourba l'extrémité en pointe , & qu'en-
fin les artiftes Etrufjues ne firent plus la
barbe pointue , ils la frilcrent d'une manière
plus large.
A l'égard des pif rres gravées des Etruf-
çiits , M. Winckelmann dit que la plupart
font en relief, taillées en efcarbot , perfo-
ices par le milieu pour les porter en amu-
lettes. Sur les anciennes gravures , les figu-
res humaines n'ont quelquefois que iix
têtes de longueur , & dans les plus ancien-
nes pierres gravées, les pies, les mains
font très-finis , & les infcriptions qui font
autour des figures, paroillent être pélaf-
gicnr.es, c'eft à-dire , approcher plus de
l'ancienne écriture grecque que de X'étruf-
que. Dans la fuite , les Eiruf.]ues marquè-
rent exactement les os & les mufcles de
leurs figures gravées : mais l'on y voit tou-
jours la dureté du ftyle ètrufque , foit qu'ils
gravallent furies cornalines, furies aga-
thes , &c.
Notre favant dit qu'il n'a pu découvrir
que deux médailles itrufques : elles paroif^
foient être les premiers elfais de ces peu-
ples dans l'art métallique. D'un coté l'on
voit un animal qui paroit être un cerf; de
l'autre côté , on vo:t deux figures qui tien-
nent un bâton ; les jambes y font indiquées
par deux lignes , terminées par un point
arronui qu: marque chaque pié ; le bras qui
ne tient rien eft une ligne à plomb un peu
courbée depuis l'épaule, il defceiid prefque
Tomt XllL
E T R 197
I jiifqu'iUix pics : les parties nan-^cllcs foi;t un
peu plus courtes ou elles ne !-• \<}\\t ordinai-
rement fur les p.erres i!k .\L.r l.-s mcilaillej
étrufques , où elles font ^;iflrutufemcnc
allongées, tant aux homgfeç qu'aux ani-
maux; le vifige de ces 'deux figures e(l
gravé comme la tête d'une mouche. La
féconde médaille a d'un coté une tête , lïc
de l'autre un cheval. En comparant par
ordre les gravures , & fur-tout les modèles
des monumens ctrufqucsc\\.\mA\<:[\.\Q M. Win-
ckelmann , h l'on examine ci.s deux mé-
dailles , (uivant le rang d'antiquité que leur
alTîgne M. Wmckclmann , on pourra fe
former une bonne notice des épv">ques de li
perfeélion de l'art chez les EirLJqucs.
Dans la (econde feélion , qui iraitc du
flyle, c'eft-à-dire, delà m-miere de deiîl-
ncr , graver , 6'c. des arciftes Etrufques ,
M. Winckelmann examine en particulier
les caradleres de l'art étnifque , le degré de
perfeétion de fes produ£bions , & ce qui
conllitue le ftyle eu ufque.
Dans le paragraphe premier de cette fé-
conde fcdlion , M. Winckelmann obfervc
en général fur le ftyle étrufquz, qu'il ne faut
pas croire qu'un monument eft étnifque ,
parce que l'on y a rcprélcnté certaines cou-
tumes , ou parce que les figures ont tel ha-
billement , ou un cafque de telle efpece :
le calque grec , l'jirc grec &C les petites
cho'es de cette efpece , ne décident pas
que le monument loit grec ou étrufjue. Sou-
vent les Etrufques ont mis fur leurs figures
des cafques grecs ou des armes grecques :
c'efl: la forme des figures principales jointes
aux accelloires de la figure qui démontre le
ftyle grec ou le ftyle étrufjue.
Dans le fécond paragraphe , M. Win-
ckelmann rappelle que le ftyle a beaucoup
varié chez les Etrufques, en pafti'.nt du ftyle
grolTier au parfait : il dit que plus les carac-
tères des infcriptions reftcmblcnt à l'écri-
ture &: à la langue romaine, plus les figures
font delTinées avec peu de foin &c travaillées
avec moins de goût. Il obferve enfin que
la décadence de l'art ne forme point alors
un ftyle particulier. Notre illuftre auteur ,
dont la mort fatale fera toujours une épo-
que remarquable pour les favans , ajoure
que l'on ne doit rcconr.oltre que trois efpe-
ces 4s ftyls parmi les Etrufques , ainli quij
2y8 E T R
parmi les Egyptiens , Sec. favoir , i°. le
ftyle ancien , z°. le ftyle fecondaire , 5". le
ftyle d'imitation , formé fur celui des Grecs,
Sec. Dans chaque (lyle on doit remarquer ,
ï°. le nud , 1". la draperie des figures ; mais
comme la draperie des artiftes étriifqucs ne
diffère pas beaucoup de celle des artiftes
grecs , il fe borne à terminer chaque ar-
ticle par de courtes oblervations fur la dra-
perie &c fur les ornemens de chaque efpece
de ftyle.
Dans l'article premier , qui concerne le
ftyle ancien ou antique des Etrufques ,
M. Winckelmann du que Ton reconnoit le
premier carai5lere du ftyle antique en ce que
le dellîn eft tracé en lignes droites ; l'atti-
tude des figures eft roide , leur aition eft
gênée. Le contour des figures ne s'élève &
lie s'abailfe point dans la proportion & avec
rondulation requifes , de forte qu'il ne don-
ne aucune idée de chair, ni de mufcles ; ce
qui eft caufe que les figures font minces ,
parallèles , femblab'es à une quenouille. Ce
ftyle manque donc de variété & de (ouplef-
fe. Les anciens Etrufques étoient grolTiers :
ils ignoroient la forme , la polltion & le jeu
des mufcles & des membres ; ils ne purent
acquérir la liberté du delfin que par une
longue expérience.
L'on reconnou le fécond cara£tere du
ftyle antique, c'eft- à-dire, du premier
ftyle , en ce que la bouche imparfaite des
teaits & de la beauté du vifage , diftingue
les premiers ouvrages fortis des mains des
Etrufques , comme elle diftingue les pre-
miers ouvrages qui ont été travaillés par les
mains des Grecs. La forme des premières
têtes des Etrufques A un ovale oblong qui
paroît rétréci , parce que le menton eft
terminé à l'égyptienne , c'eft- à- dire , en
pointe : les yeux font tout plats , ou tirés
en haut, c'eft à-dire, toujours obliquement
à l'os des yeux. Toutes les parties du corps
étoient des lignes droites qui portoient à
plomb fur la baie. Tous ces cara6lcres pa-
roiftent imités des figures faites par les Egyp-
tiens de la haute antiquité. Le premier qui
dciïina une figure de divinité en Egypte ,
Ja fit comme on le vient de dire , fes fuccef-
feurs le copièrent : les E/n;/^iifj l'imitèrent
aveuglément & fcrupuieufcmcnt, de crain-
te de pafTer pomnovateurs.
E T R
On trouve plufieurs petites ftatues du
premier ftyle é.rufque , ou l'on voit les bras
pendus fur les cotés , les jambes lices , fer-
rées ; une longie draperie , dont les plis
paroillent faits avec un peigne de fer ; les'
pies font droits ; les yeux creux , platement
ouverts & tirés en haut : le deflin y eft plat,
fans diftiniîtion des parties.
On diftingue le commencement du chan-
gement du premier ftyle , en ce que la dra-
perie couvre moins le corps des figures: les
Etrufques s'appliquèrent à delTlner le nui ,
à l'e;<ception des parties naturelles, qui
furent renfermées dans une bourle atta-
chée avec des rubans lur les hanches de la
figure.
Les premiers graveurs etrufques ne fa-
chant pas travailler avec le fer pointu en
crochet , ne fe fcivant que du rouet pour
creuier leurs pierres , ils les drapèrent am-
plement ; ils arrondilloient au contraire
tous les traits de leurs figures , ils les for-
mulent en boule , ne fâchant pas les faire
en ligne droite comme leurs fculpteurs.
M. Winckelmann croit que les ftatuaires
& les peintres grecs corrigèrent leur mau-
vais ftyie du temps de Phidias , & que la
révolution de l'art fut aulH fubite dans la
Grèce & dans l'Etrurie, que celle qui arriva
fous Augufte , fous Léon X & fous Louis
XIV. Ow peut à ce fujet confultcr les lages
Rèjhxions critiques fur la pocjie & fur la
peinture, par M. l'abbé du Bos , 2, vol. in 8°.
Le fécond ftyle de l'art chez les Etrufques
a pour marques caradtcriftiques , 1°. une
exprellion forte dans les traits des figures
$i dans les différentes parties du corps :
1°. cette expretTîon forte doit être jointe à
une attitude & à une aélion gênées , &
même quelquefois (înguliércment contour-
nées, forcées & outrées. A l'égard de la pre-
mière qualité , nous obfervons que les muf-
cles font tellement gonflés lur quelques
figures étrujques , qu'ils s'élèvent comme
des monticules 5 les os percent les chairs
avec tant de force , que ce ftyle en devient
d'une dureté infoutcnable ; les figures pa-
roiftent écorchées. Cependant cette expref-
hon trop forte des miufclcs des os, ne Ce
trouve pas dans tous les ouvrages de ce
ftyle ; au moins quant à la première partie,
qui concerne les mufcles, ils ne font prcf-
E T R
que pas indiqués fur les hgures divines des
étrujljues, qui font les fcuics llatues de mar-
bre qui font parvenues jufqu'à nous : il
faut néanmoins en excepter la coupe dure
des mufclesau gras de la jambe qui ei1; nèi-
fubtile fur toutes (orres d'ouvrages. On
peut pofer pour règle générale , que les
Grecs s'attachèrent plus à l'exprclTion des
mufclcs , & les Eirufjues à celle des os ;
par conféquent , li une pierre fine & bien
gravée repréfente une figure lur laquelle
quelques os paroillent trop marqués , on
doit êire tenté de la confidérer comme une
pierre étrufjm , quoique au refte elle pût
faire honneur à un arcifte grec.
Nous avons dit que le fécond caradérif-
tique du ftyle ctrufque eft de joindre , à une
exprelTion forte, des traits , une attitude &
une acbion gênées , forcées Se outrées. Nous
obfervons que la force ne regarde pas feu-
lement l'attitude , l'adion , l'exprefTion ,
mais encore le mouvement & le jeu de
toutes les parties. Le terme gêné le dit de
l'attitude & de l'adion les plus contraintes:
le gêné eft le contraire du naturel ; le forcé
eft l'oppofé de l'aifc , du gracieux & du
moelleux. Le gêné caradérife le plus ancien
ftyle i le forcé caradérife plus particulière-
ment le fécond ftyle étrufqae. Pour éviter
l'un de ces deux défauts , l'on tomba dans
l'autre ; & pour donner une forte expref-
fion aux parties , on donna aux figures des
attitudes & des adions qui favorifent ce
goût outré. AulTi l'on préféra une pohtion
forcée au repos doux &c tranquille des par-
ties : l'on exalta la fenfation à l'extrême ,
& l'on poutfa le gonflement des mulcles
jufqu'où il pouvoit être porté. Le fécond
ftyle étrufque peut donc être comparé à un
jeune homme mal éduqué , livré à la fou-
gue de fes defirs , au libertinage de fon
elprit , & à ces emportemens de jeunefle
qui le déterminent à des adions forcées. Le
ftyle grec du meilleur temps au contraire ,
peut être comparé à un adolefcent bien
fait , dont les palïîons ont été domptées
par les foins d'une heureufe éducation , &
dans qui l'inftrudion & la culture ont
donné une plus belle forme aux qualités
naturelles.
Le fécond ftyle des ètrufques a un grand
défaut : les fujecs différcns n'y font point
E T 11 299
caradérifés en particulier ; il n'a qu'un ton
i:<c une manière univcrlelle pour toutes les
hgures ; il cil maniéré : Apollon , Mars ,
Vénus , Hercule , Vulcain , fe relfemblenc
tous fur les ouvrages étrujqucs ; ils n'ont
aucune différence dans les dtihns , qui puilTe
fervir à les diftinguer. Les Tofcans d'au-
jourd'hui ont confervé même dans la litté-
rature le ton maniéré ; leur ftyle eft recher-
ché , apprêté ; il paroît maigre iSc lec lorf.
qu'on le nut en parallèle avec la grande
pureté & la cUrté de ladidion. Le ton ma-
niéré eft encore plus fenlible dans les pein-
tres tolcans les plus fameux : que l'on jette
les yeux iur les contorlions des anges quî
plantent dans le ciel les inftiumeiis de la
palTion , & dans les hgures du jugement
univcrfel de Michel-Ange Buonarotti , &C
l'on conviendra que l'on a eu railon dédira
de ce peintre , que celui qui a vu une de fes
figures les a toutes vues. Qiie l'on examine
les mouvemens violens de toutes les figures
employées dans la delcente de croix de
Daniel Volterre : en un mot , que l'on
réunllfe tous les ouvrages des peintres de
l'école tofcane , & qu'on les mette en pa-
rallèle avec les meilleurs artiftes de l'école
romaine , Raphaël , &c. qui ont puifé leurs
connoiftknces dans les mêmes fources , ôc
l'on fe convaincra que l'école romaine ap-
proche beaucoup du beau ftyle des Grecs ,
par l'aifance & par le ton gracieux qu'elle a
donné à fes figures,
M. Wnickelmann rapporte enfuitc les
preuves par monumcns , qui démontrent
que le fécond ftyle étrufque eft forcé &C
maniéré : il dit que le Mercure barbu de la
viUe Borghefe eft mufclé comme un Her-
cule : 1°. que dans les figures qui repréfen-
tent Tydée & Pelée , les clavicules du cou ,
les côtés , les cartilages du coude & de?
genoux , les articulations des mains & les
chevilles des pies, font indiqués avec au-
tant de faillant &: de force , que les gros »s
des bras & des jambes : toutes les figures
fouftrent une contradion également vio-
lente dans les mufcles , malgré l'âge , le
fexe , &c. L'attitude forcée le moiitre fur
l'autel rond du capitole ; les pies des dieux
placés en face font ferrés parallèlement ; les
pies de ceux qui font deffinés de profil,
ibac en ligae dwite , l'un derrière Tauçtei
300 E T R
les mains font mal deffinées & contraintes;
quand une figure tient quelque chofe avec
les deux premiers doigrs, les autres doigts
fc d:e(lcnt durement en avant : les téces
fbns dcflinces d'ajJtcs la nature la plus com-
mune.
Tivifiewe Jlyle des Etriifqucs , ou {lyle
d'imitation. Four diiiinguer avec le plus
grar.d détail dans les figures des Etrufqucs
le troilïcme ftyle , c*elt-à dire , ce qui a
été copié ou imité des belljs figures du
troifieme ftyle des Grecs , il faudroit faire
un traité particulier, M. Winckelmann fe
borne à dire qu'il iuflit de citer pour troi-
fieme ftyle des Etrufques , c'eft-à-dire ,
pour ftyle d'imitation des Grecs , Içs trois
laitues de bronze éiruf/ues , qui font dans
la galerie de Floience, ôc les quatre urnes
, d'albâtre de Vollatcrra , qui font dans la
vigne d'Albani , &c.
Notre auteur termine cette féconde Ccc-
tion en faifant quelques obfervations parti-
culières fur la draperie étiufque : il dit que le
manteau des figures en marbre n'eft point
jeté librement ; mais il eft ferré & toujours
rangé en plis parallèles , qui touchent à
plomb ou qui s'étendent à travers la figure
qui le porte.
Les manches des vêtemens des femmes ,
c'eft-à dire , les chemifettesou les vêtemens
dedeftbus, font quelquefois très finement
pliftées , comme celles des rochers des prê-
tres Italiens 5 ou comme le papier de nos
lanternes qui font rondes &: pliantes.
Les cheveux de la plupart des figures,
tant d'hommes que de femmes , (ont ,
comme nous l'avons dit , tellement arran-
i^és & partagés , que ceux qui defcendent
liu fommet de la tête , font noués par der-
rière ; les autres tombent par treftès en
devant fur les épaules , fuivant la coutume
antique de plufieurs nations , telle que les
Egyptiens , les Grecs , &;c.
Comme la troifieme feétion de M. Win-
ckelmann traite uniquement de l'art parmi
les nations limitrophes des Etruf.jues , tels
que les Samnites , les Vollques &i les Cam-
paniens , nous renvoyons le leéleur aux arti-
cles particuliers de cet ouvrage qui concer-
nent ces mêmes peuples.
Nous devons léulement obfervcr que
notre auteur nous appiend dans Cvttc Icw-
E T R
tion , 1°. que les Etrufgues fubjuguerent
dans un temps toute l'Italie , &; lur-tout la
Campanie; z°. que les plus beaux vafes anti-
ques etrufques étoient ceux d'Arezzo ; 2,°.
que le royaume de Naples , la Campanie,
& fur-tout Noie, ont fourni abondam-
ment des vafes éirajques à la plupart des
cabinets : il ajoute cependant qu'en bonne
règle on devroit tâcher , s'il étoit polTiblc,
àe défigner les vales vraiment etrufques
des vafes travaillés par les Campaniens.
4°. Il ajoute que ces vafes ont depuis
un pouce jufqu'à la hauteur de trois ou
quatre palmes ; la plupart des vafes de
Noie ont été trouvés dans des fépulcres ,
quelques-uns ont fervi dans les facrihces ,
dans les bains ; c[uelques autres ont pu
être la récompenle ou le prix dans les jeux
publics ; les autres enfin ne fervoient que
d'ornement : ce fait fe démontre en ce
qu'ils n'ont jamais eu de fonds.
M. W^inckelmanii ajoute qu'un connoil-
feur qui fait juger de l'élégance du dclîln ,
& apprécier les compolitions de main de
maître, & qui de plus fait comment on
couche les couleurs fur les ouvrages de
terre cuite , trouvera dans les delicateflcs
& dans le fini de ces vafes , une excellcate
preuve de la grande habileté des artiftcs
Etrufques qui les ont produits. Il n'eft point
de delTîn plus difficile à exécuter , parce
qu'il faut une promptitude extrême & une
juftefte étonnante ; l'on ne peut pas corriger
les défauts. Les vafes de terre peints font
la merveille de l'art des anciens. Des têtes ,
& quelquefois des figures entières efquillècs
d'un trait de plume dans les premières
études de Raphaël , décèlent aux yeux
d'un connoiflcurla rrain d'un grand maître,
autant ou plus que (es tableaux achevés.
Les anciens Etrufques connoilfoient , à ce
que dit M. de Caylus , l'ufage des ponlîfs,
oa deifins piqués , &: les delïîns découpés
fur une feuille de cuivre, ^'oye^l'article
Vase.
M. Winckelmann dit que nous avons
grand nombre de pierres gravées , aflcz
de petites figures c.rufqucs ; mais nous
n'avons pas allez de grandes ftatues de
cette nation pour fervir de fondement à
un (yftême raifonné de leur art. Les
Etrufques avoienc leur carrière de marbre
ET R .
près Ac Luna que nous nommons à prcffent
Carrara : elle étoic une de leurs douze villes
capitales. Les Samnites , les Vollques &: les
CampaniciîS n'ayant point de marbre bleu
dans leur pays , fuient obligés de faire leurs
vafes en rcrre cuite ou en bronze ; les pre-
miers fe font cadcs ; l'on a fondu les fé-
conds : c'eft la caufe de la rareté des vafes
de cette nation. Comme le ftyle étrufque
lelVemble à l'ancien ftylc grec , le ledleur
fera bien de relire cet article avant que
d'examiner l'art chez les Grecs. Notre auteur
prouve dans le chapitre V, où il traite de
l'art chez les Romains, qu'il y a apparence
que dans les temps les plus reculés, les Grecs
in-iitcrent l'art des Etrufques , qu'ils en adop-
tèrent beaucoup de choies, & en particu-
lier Ics rites facrés; mais dans les temps pof-
térieurs, lorfque l'art florifloit chez les Grecs,
on peut croire que les artiftes Etrufques peu
nombreux, furent dilciples, & copièrent les
Grecs.
Les htrufjues peignoient toujours les
Faunes avec une queue de cheval, quelque-
fois avec les pies de cheval , d'autres fois
avec les pies humains.
La Tofcaiie , c'eft-à-dire , le pays particu-
lier habité par les anciens Ettuf.jues , a pro-
duit abondamment dans tous les temps de
vrais grands hommes dans tous les genres.
On peut , à ce fuiet , confulter les vies des
grands hommes Tolcans, & les mémoires
des ditlérentes académies qui font établies
dans la Tofcane. Nous ne devons pas oublier
dans ce petit recueil d'anecdotes, concer-
nant les Etrufques , que Plutarque nous
appiend que les Tofcans envoyèrent des
colonies qui formèrent des établifiemens
durs l'île de Lemnos, d'Imbros, & furie
promontoire de Thenarus , où ils rendirent
de fi grands fervicesaux Spartiates , dans la
guerre qu'ils foutenoient contre les Ilotes ,
que les Lacédémoniens leur accordèrent le
droit de bourgeoise dans leur ville ; mais
enfuitefurun foupçon d'infidélité, les Spar-
tiates les firent tous emprilonner. Les fem-
mes de ces malheureux allèrent les voir dans
leurs cachots , changèrent d'habits avec eux,
èv s'expoferent toutes à la mort pour fauver
leurs maris : les Tofcans, en fortant de pri-
foa , alkicnt le nwttie à la lête dts trpiipïs
E T R 501
des Ilotes , mais les Spartiates, craignant
leur relTentiment, leur rendirent leurs fem-
mes & leurs biens. La magnanimité fuprê-
mc n'eft pas rare dans les perfonnes de
tout fexe parmi les républicains. Les fouve-
rains qui , refpcdant les loix anciennes,
fuvent lailîer au peuple la portion de la
liberté qui leur eft nécellaire , n'ont pas
befoin de m.enaces & de chaînes pour con-
ferver leurs fujecs , & de places fortes fur les
frontières pour garantir leurs états. Le
génie , la valeur ^c la vertu , font les enfans
de la liberté.
Si l'on veut faire des recherches plus
particulières au fujet des Etrufques , on doit
confuker les ouvrages d'Hérodote , de
Paulanias , de Tite-Livc , de Pline !e na-
turalifte, Plutarque, Denis d'Halicarnaflc,
Appien : Arnobe , contra gentes ; Cicéroii
de Diviiialione ; VHifoire univerflie des An~
glois , tom. Xjy. Dempfteri Etruria ; Govi
MufûPum Eituf:um\ G.illcriû Gmliiniiir.ea ;
Future antiche d'Hcrcolano ; Mufvo C.ipitu-
lino ; \cs antiquités expliquées de Montfau-
con ; la dejcnption des pierres gravées du
cabinet de Stufc'i ; le recueil des amiquitts
Egyptiennes, Etrufques, &c. par M. le
Comte de Caylus ; & les mémoires de l'acad.
des infcriptions de Paris. {V. A. L.)
ÉTRUSQUE , ( Académie ) Hift. mod.
fociété de favans qui s'aflemblent à Cortone,
ville de Tûfcane. Elle ne fut fondée que
pendant l'automne de 1717, par quelques
gentilshommes qui cultivoient les belles-
lettres iSc l'étude des antiquités. Pour favo-
r!(cr le même genre d'études , ils firent ac-
quilkion du beau cabinet de l'abbé Onofrio
Baldelli , <Sc y ajoutèrent une ample biblio-
thèque. Ils ouvrirent ce double tréfor ar.
public, dans un appartement du palais de
ion alttfTe royale, qui eft à Cortone. Les
académiciens ont pris le nom à' Etrufques ,
qui convient au but de leur ctabliflement ,
puifqu'ils s'appliquent principalement à
raflembler ce qu'on peut déterrer des mo-
numcns des Umbres , des Télafgcs, & des
Etrufques, qui habitoient l'ancienne Etrurie.
Leur fymbole eft auffi relatif à ce but , c'eft
un trépiépyihiqueavecunfrptntautvur, Sc
le mot ou la devife , ohfcurâ de re lucida
pango , piis d; Lucncc , Sc qui fait alla-
302 E T R
lîon à l'explication des antiquite's , que Ce
propofent ces académiciens. Ils s'adl-mblent
tous les mois , & Font des difcours fur des
matières d'érudition. La poéfic cft exclue
de leurs alfemblées , parce qu'ils croient
qu'elle détourne l'efprit de la recherche de
la vérité. Un grand nombre de favans & de
beaux efprits de toute l'Italie , principale-
meiit parmi la noblelTe , s'eit empreflë à
entrer dans ce corps, dont le nombre cil
maintenant fixé à cent. Plulîeurs étrangers
ont déliré d'y être agrégés. Le célèbre Buo-
narotti fut choifi pour préiîdent perpétuel ;
cependant ils ont une dignité particulière
qu'ils renouvellent tous les ans fous le nom
de Lucumon , qui étoit le titre des chefs des
douze anciennes républiques étrujques. Bi-
blioth. italiq. tom. IV & V.{G)
ETTINGEN , ( Géogr. mod. ) village du
cercle de Franconie en Allemagne : elle eft
llcuée fur le Mein,
E T U
ÉTUAILLES , f. f. ( Fontainesjalantes. )
e'efi: ainlî qu'on appelle des magahns où l'on
dépofc le fcl en grain.
ÉTUDE , f f . ( Arts & Sciences. ) terme
générique qui défigne toute occupation à
quelque cho^e qu'on aime avec ardeur ;
mais nous prenons ici ce mot dans le fens
ordinaire , pour la forte application de
Tefprit , foit à plufieurs fciences en général,
loit à quelqu'une en particulier.
Je n'encouragerai point les hommes ^
fè dévouer à l'étude des fciences en le"*-
citanfles rois & les empereurs qui menôient
à coté d'eux dans leurs cliius de triomphe ,
les gens de lettres & les lavans. Je ne leur
citerai point Phraotès traitant avec Apol-
lonius comme avec fon fupérieur. Julien
defcendant de fon trône pour aller em-
brafler le philofophe Maxime , ?,'c. ces
exemples font trop rares (!k trop Imguliers
pour en faire un fujet de triomphe : il
faut vanter Vétude par elle-même & pour
tlle-même.
h'éiudc cfl: par elle-même de toutes les
occupations celle qui procure à ceux qui
s'y attachent, les plaifirs les plus attrayans,
les plus doux ôc les plus honnêtes de la
E T U
vie ; plaifirs uniques, propres en tour temps,
à tout âge & en tous lieux. Les lettres ,
dit l'homme du monde qui en a le mieux
connu la valeur , n'cmbarra'Tent jamais
dans la vie ; elles forment la icunefle ,
fervent dans l'âge mur , & réjouillènt dans
la vieillefl'e ; elles confolent dans l'adver-
lité , & elles réhaulfent le luftre de la for-
tune dans la profpérité ; elles nous entre-
tiennent la nuit & le jour ; elles nous amu-
fent à la ville , nous_ occupent à la campa-
gne , &c nous délaflent dans les voyages ;
Studia adule fcentiam alunt Cicér.
fro Archia.
Elles font la relïource la plus fùre contre
l'ennui , ce mal affreux & indéfiniiTable ,
qui dévore les hommes au milieu des
dignités & des grandeurs de la cour. V,
Ennui.
Je fais de Vétude mon divertilTement &
ma con(olation , diloit Pline , & je ne fais
rien de h fâcheux qu'elle n'adoucilTe. Dans
ce trouble que me caufe lindifpofition de
ma femme , la maladie de mes gens , la
mort même de quelques-uns , je ne trouve
d'autre remède que Vétude. Véritablement ,
ajoute-t-il, elle me fait mieux co.mprendre
toute la grandeur du mal , mais elle me
le fait auiîi lupportcr avec moins d'amer-
tume.
Elle orne i'efprit de vérités agréables ,
utiles ou nécellaires ; elle élevé l'ame par
la beauté de la véritable gloire , elle ap-
prend à connoître les hommes tels qu'ils
font , en les failant voir tels qu'ils ont été ,
& tels qu'ils devroient être ; elle infpire du
zèle & de l'amour pour la patrie ; elle nous
rend plus humains , plus généreux , plus
juftes , parce qu'elle nous rend plus éclai-
rés fur nos devoirs , & fur les liens de l'hu-
manité :
C'eft par l'étude que nous fommes
Contemporains de tous les hommes ,
Et citiiyens de tous les lieux.
Enfin c'eft elle qui donne à notre fiecle
les lumières & les connoiflances de tous
ceux qui l'ont précédé : (emblables à ces
vaideaux detHnes aux voyages de long
cours , qui iemblent nous approcher des
pays les plus éloignés , en nous communi-
E T U
quant leurs prodiidions & leurs richeffes.
Mais quand l'on ne rcgarderoit ['étude
que comme une oifiveté tranquille , c'cft
du moms celle qui plaira le plus aux gens
d'cfprit , & je la nomnicrois volontiers
l'vifiveté laborieujc d'un homme fage. On fait
la rcponfe du duc de Vivone à Louis XIV.
Ce prince lui demandoit un jour à quoi
lui fervoit de lire : " Sire , lui répondit le
» duc , qui avoit de l'embonpoint &C de
i> belles couleurs , la ledurc fait à mon ef-
») prit ce que vos perdrix font à mes joues.»
S'il fe trouve encore aujourd'hui des dé-
tradteiirs des fciences , & des cenleurs de
l'amour pour \' étude, c'eil qu'il ell facile
d'être plaifant , fans avoir raiton , & qu'il
eft beaucoup plus aifé de blâmer ce qui
cil louable , que de l'imiter ; cependant ,
grâces au ciel , nous ne fommes plus dans
ces temps barbares où l'on lailloit ['élude
à la robe , par mépris pour la robe & pour
l'étude.
Il ne faut pas toutefois qu'en chcrilTant
l'étude , nous nous abandonnions aveuglé-
ment à l'impétuofité d'apprendre & de con-
noitre ; ['étude a fes règles , aulTî bien que
les autres exercices , & elle ne fauroit réuf-
fir , fi l'on ne s'y conduit avec méthode.
Mais il n'ell pas polTible de donner ici des
inftrudtions particulières à cet égard : le
nombte de traités qu'on a publiés fur la
dlreftion des études dans chaque fcience ,
va prefqu'à l'intîni ; Ik s'il y a bien plus de
dodeurs que de dodes , il fe trouve auffi
beaucoup plus de maîtres qui nous cnfei-
gnent la rnéthode d'étudier utilement, qu'il
ne fe rencontre de gens qui aient eux-mê-
iT-es pratiqué les préceptes qu'ils donnent
aux autres. En général , un beau naturel &
l'application alTidue furmontent les plus
grandes difiicukés.
Il y a fans doute dans l'étude des éicmens
de toutes les fciences , des peines & des
embarras à vaincre ; mais on en vient à
bout avec un peu de temps , de foins & de
patience , & pour lors on cueille les rôles
fans épines. L'on dit qu'on voyoit autrefois
dans un temple de l'île de Scio , une
Diane de marbre dont le vifage paroilToit
trifte à ceux qui entroient dans le temple ,
& gai à ceux qui en fortoient. Uétude
fait naturellemeuc ce miracle vrai ou pré-
E TU 305
tendu de l'art. Quelque aullere qu'elle nous
paroilfe dans les commenccmens , elle a
de tels charmes enfuite , que nous ne nous
féparons jamais d'elle fans un fentiment
de joie & de fatisfadlion qu'elle laide dans
noire a me.
Il eft vrai que cette joie fecrette dont
une ame ftudieufe eft touchée , peut fe
goûter diverlement , ielon le caraftere dif-
t-érent des hommes , & félon l'objet qui les
attache ; car il importe beaucoup que ['étu-
de roule fur des fujcts capables d'attacher.
Il y a des hommes qui pillent leur vie à
['étude de chofes de (1 mince valeur , qu'il
n'ell pas furprenant s'ils n'en recueillent ni
gloire ni contentement. Céfar demanda
à des étrangers qu'il voyoit paiTîonnés pour
des finges , iî les femmes de leurs pays
n'avoicnt point d'enfans. L'on peut de-
mander pareillement à ceux qui n'étudient
que des bagatelles , s'ils n'ont nulle con-
noillance de chofes qui méritent mieux leur
application. U faut portjr la vue de l'efpric
fur des études qui le récréent , l'écendc=nt ,
& le fortifient , parce qu'elles récompcn-
fent tôt ou tard du temps que l'on y a
employé.
Une autre chofe très-importante , c'eft
de commencer de bonne heure d'entrer
dans cette noble carrière. Je fais qu'il
n'y a point de temps dans la vie auquel il
ne foit louable d'acquérir de la fcience ,
comme difoit Séncque : je fais que Caton
l'ancien étoit fort âgé lorfqu'il fe mit à
['étude du grec ; mais malgré de tels exem-
ples , il me paroît que d'entreprendre à
la tin de fes jours d'acquérir l'habitude
& le goût de ['étude , c'elî fe mettre dans
un petit charriot pour apprendre à miir-
cher , lorfqu'on a perdu l'ufage de fes
jambes.
On ne peut guère s'arrêter dans l'étude
des fciences fans décheoir : les mufes ne
font cas que de ceux qui les aiment avec
paiTïon. Archimede craignit plus de voir
effacer les dodes figures qu'il traçoit fur
le fable , que de perdre la vie à la prife
de Syracufe ; mais cette ardeur fi louable
Se fi nécelfaire n'empêche pas la nécefTité
des diftraftions & du dclalfement : au(Ti
peut-on fe délafTcr (îans la variété de l'étu-
de ; elle le joue avec les chofes faciles , de
;04
E T U
la peine que d'autres plus férieufes lui ont '
caufée. Les objets diftcrens ont le pou-
voir de réparer les forets de l'ame , & de
remettre en vigueur un efprit fatigué.
Ce changement n'empêche pas que l'on
n'ait toujours un principal objet à'étude
auquel on rapporte principalement fes
veilles.
Je confeillerois donc de ne pas fe jetter
dans l'excès dangereux des études étran-
gères , qui pourroient confumer les heures
que l'on doit à Vctude de fa profelîion.
Songez principalement , vous dirai-je , à
orner la Sparte dont vous avez fait choix ;
il efi: bon de voir les belles villes du mon-
de a mais U ne faut être citoyen que d'une
leule.
Ne prenez point de dégoût de votre étu-
de , parce que d'autres vous y (urpafTent. A
inoms que d'avoir l'ambition auffi déréglée
que Célar , on peut fe contenter de n'être
pas des derniers : d'adleurs les échelons in-
férieurs font des degrés pour .parvenir à ne
plus hauts.
Souvenez- vous fur tout de ne pas regar-
der l'étude comme une occupation ftérile ;
mais rapportez au contraire les fcicnces
qui font l'objet de votre attachement ,
à la pi.rfcélion des facultés de votre ame ,
& au bien de votre patrie. Le gain de
notre étude doit conlifter à devenir meil-
leurs, plus heureux & plus fages. Les Egyp-
tiens appelloient les bibliothèques /e trejor
iies remèdes de l'ame : l'eftet naturel que
l'étude doit produire , eft la guérilon de les I
maladies.
Enfin vous aurez fur les autres hommes
de grands avantages , & vous leur feiez
toujours fupérieur , fi en cultivant votre
clprit dès la plus tendre enfance par Véiude
des (ciences qui peuvent le perfeârionner ,
vous imitez Flclvidius Prifcus, dont Tacite
nous a frit un fi beau portrait. Ce grand
homme , dit - il , très - jeune encore , &
déjà connu par fes talens , fe jetta dans
des études proi'ondes ; non , comme tant
d'autres , pour marquer d'un titre pom-
peux une vie inutile & défœuvrée , mais
à delTem de porter dans les emplois une
fermeté lupcrieurc aux événemens. Elles
lui apprirent à rega«der ce qui eft hon-
nêcç; comme l'unique bien i ce qui eft
E T U
honteux , comme l'unique mal ; Bc tout
ce qui eft étranger à l'ame , comme in-
diffèrent. Article de M. le chevalier DE
Jaucourt.
Éxuins , ( Littérature. ) On défigne
par ce mot les exercices littéraires ulî-
tés dans l'inftruélion de la jeuneffe ;
études grammaticales , études de droit ,
études de médecine , f-f. faire de bonnes
études.
L'objet des études a été fortdiiféient cher
les differens peuples & dans les diffcrens
ficelés. Il n'eft pas de mon fujet de faire
ici l'hiftoire de ces variétés , on peut voir
iur cela le traité des études de M. Fleury. Les
études ordinaires embraffent aujourd'hui la
grammaire Hc fes dépendances , la poéfie ,
la rhétorique , toutes les parties de la phi-
lofiiphie , &'c.
Au refte , je me borne à expo(er ici mes
réflexions fur le choix & Iur la méthode
des études qui conviennent le mieux à nos
uiages & à nos bcfbins ; & comme le latin
fait le principal & prefque Punique objet de
l'inftirution vulgaire , je m'attacherai plus
particulièrement à dilcuter la conduite des
études latmcs.
Plufieurs favans , grammairiens & philo-
fcphesont travaillé dans ces derniers temps
à perfeélionner le fyftême des études ; Lo-
cke, entr'autres , parmi les Anglois ; parmi
nous NL Lefebvre , M. Fleury , M. Rollin ,
M. du Marfais , M. Pluche , & plufieurs
autres encore , fe font exercés en ce genre.
Prelque tous ont marqué dans le déraU ce
qui fe peur faire en cela de plus utile , &
ils paroillent convenir à l'égard du latin ,
qu'd vaut mieux s'attacher aujourd'hui , le
borner même à l'intelligence de cette laii-
gue , que d'afpirer à des compolitions peu
néceffaires , & dont la plupart des étudians
ne font pas capables. Cette thefe, dont j'en-
treprends la defenfe , eft déjà bien établie
par les auteurs que j'ai cités, & par plufieurs
autres également fivans.
Un ancien maître de l'univerfité de Paris,
qui en 1666 publia une traduétion des
captifs lie Plaure , s'énonce bien politive-
ment^ fur ce fujet dans la préface qu'il
a mife à ce petit ouvrage. " l\)urquoi ,
» dit -il , finrc perdre aux écoliers un
» temps qui eft fi précieux , & qu'ils
j» pouxroicuc
E T U
u pourroicnr employer lî utilement dans
» la ledlure des plus riches ouvrages de
>• l'antiquité ? Ne vaudroit - il pas
.. mieux occuper les encans dans les col-
» leges , à apprendre l'hiftoire , & la chro-
» nologie , la géographie , un peu de
i> géométrie & d'arithmétique , de fur-
» tout la pureté du latin & du François ,
« que de les amuler de tant de régies &
« inllruûions de grammaire ? . . . U tant
» commencer à leur apprendre le latin
» par l'uiige même du latin , comme ils
»• apprennent le trançois , &c cet ufage
w conlifte à leur faire lire , traduire &
>» apprendre les plus beaux endroits des
»> auteurs latins , afin que t'accouiumant
» à les entendre parler , ils apprennent
» eux - mêmes à parler leur langage. >>
C'eft ainh que tant de femmes , (ans étude
de grammaire , apprennent à bien parler
leur langue , par le moyen limple & tacile
de la converfation &c de la ledure ; &
c'eft de même encore que la plupart des
voyageurs apprennent les langues étran-
gères.
Un autre maître de l'univerfité qui avoit
profedé aux Grallîns , publia une lettre fut
la même matière en 1707 : j'en rapporte-
rai un article qui vient à mon lujet. " Pour
" fàvoir l'allemand , l'italien , l'efpagnol ,
>' le bas-J?recon , l'on va demeurer un ou
» deux ans dans les pays où ces langues
« font en ufage , &c on les apprend par le
» feul commerce avec ceux qui les parlent:
" Qiii empêche d'apprendre auiïî le latin
" de la même manière : & li ce n'eft par
w l'ufage du difcours & de la parole , ce
» fera du moins par l'uiage de la le6ture ,
» qui fera certainement beaucoup plus fur
» & plus exaél que celui du difcours. C'eft
»< ainlî qu'en ufoient nos pères, il y a qua-
» tre ou cinq cents ans. "
M. RoUin , traité des études , pag. n8,
préfère aulTi pour les commençans l'expli-
cation des auteurs à la pratique de la com-
pofit!on , & cela parce que les thèmes ,
comme , il le dit , " ne font propres qu'à
» tourmenter les écoliers par un travail
" pénible & peu utile , &c à leur infpirer
»> du dégoiàt pour une étude qui ne leur
« attire ordinairement de la part des maî-
w très que des réprimandes & des châci-
Tome XIII.
E T U 30Î
" mens ; car , pourfuit-il , les fautes qu'ils
" font dans leurs thèmes étant très - fré-
" quentcs & prefqu'inévitables , les correc-
" tions le deviennent aulTî : au lieu que
" 1 explication des auteurs & la tradudion ,
" où ils ne produilent rien d'eux-mêmes,
" & ne font que fe prêter au maître , leur
!• épargnent beaucoup de temps , de peines
" Se de punitions. >»
M. le Febvre eft encore plus décidé là-
dellus : voici comme il s'explique dans û
méthode , pag. 2.0. " Je me gardai bien ,
•> dit- il , de fuivre la manière que l'on
" fuit ordinairement , qui eft de commen-
>' cer par la compolition. Je me fuis tou-
" jours étonné de voir pratiquer une telle
» méthode pour inftruire les enfans dans
» la connoilïance de la langue latine ; cac
" cette langue , après tout , eft comme
" les autres langues : cependant qui a jamais
" oui dire qu'on commence l'hébreu ,
>• l'arabe , l'efpagnol , 6c. par la compo-
" fition ? Un homme qui délibère là-def-
» fus , n'a pas grand commerce avec la
" faine raifon. »
En effet , comment pouvoir compofer
avant que d'avoir fait piovidon des maté-
riaux que l'on doit employer ? On com-
mence par le plus difficile; on préiente pour
amorce à des enfans de lept à huit ans , Its
difficultés les plus compliquées du latin , &
l'on exige qu'ils fallcnt des compolitions en
cette langue , tandis qu'ils ne font pas capa-
bles de faire la moindre lettre en françois
furies fujets les plus ordinaires & les plus
coiinus.
Quoi qu'il en foit , M. le Febvre fuivit
uniquement la méthode iimple d'expliquer
les auteurs , dans l'inftruiîlion qu'il donna
lui-même à fon fils ; il le mit à l'explication
vers l'âge de dix ans , & il le fit continuer
de la même manière jufqu'à la quatorzième
année , temps auquel mourut cet enfant
célèbre , qui entendoit alors courammcnc
les auteurs grecs &C latins les plus difficiles :
le tout fans avoir donné un feul inftant à la
ftruûure des thèmes , qui du refte n'en-
troient point dans le plan de M. le Febvre,
comme il eft aifé de voir par une réflexion
qu'il ajoute à la fin de fa méthode : " Où
" pouvoient aller , dit- il , de fi beaux ôc
» lie il heureux com.n.-ncemens 1 Que
^c6 ETU
» n'fcût - on point fait , fi cet enfant fût |
» parvenu )u(qu'à la vingtième année de |
» fon âge ! combien aurions - nous lu
» (i'iiiftoires grecques & latines , com-
» bien de beaux auteurs de morale , com-
» bien de tragédies, combien d'orateurs!
» car enfin le plus fort de la befogne étoit
». fait. .. -ri
Il ne dit pas, comme on voit , un Icul
mot des thèmes i il ne parle^ pas non plus
de former fon fils à la compofition latine , à
la poéfie , à la rhétorique. Peu curieux des
produftions de fon élevé , il ne lui deman-
de , il ne lui fouhaite que du progrès dans la
ledure des anciens , tk il fe tient parfaite-
ment allure du refte : bien diiférent de la
plupart des parens &: des maîtres , qui veu-
lent voir des fruits dans les eiifans , lorfqu'on
n'y doit pas encore trouver des fleurs. Mais
en cela moins éclairés que M. le Febvre ,
ils s'mquiétent hors de faiion , parce qu'ils
ne voient pas , comme lui , que la compo-
fition n'ert proprement qu'un jeu pour
ceux qui font confommés dans l'intelligence
des auteurs , & qui fc font comme trans-
formés en eux par la ledture alTidue de
leurs ouvrages. C'eft ce qui parut bien
dans mademoifclle le Fcbvrc , fi connue
dans la fuite fous le nom de madame Dacier:
on fait qu'elle fut inftruite , comme fon
frère , fans avoir fait aucun thème ; ce-
pendant quelle gloire ne s'eft - elle pas ac-
quife dans la littérature grecque & latine?
Au refte , approfondiffons encore plus
cette matière importante , & comparons
les deux méthodes , pour en juger par leurs
produits.
L'exercice littéraire des meilleurs collè-
ges , depuis fept à huit ans jufqu'à feize
& davantage , confifte principalement à
fe former à la compofition du latin ; je
veux dire à lier bien ou mal en profe , &
en vers , quelques centaines de phrafes
latines : habitude du refte qui n'eft prcf-
que d'aucun ufage dans le cours de la vie.
Outre que telle eft la léchercfl'e & la diffi-
culté de ces opérations ftériles , qu'avec
une application confiante de huit ou dix
ans de la part des écolieis 5c des maîtres ,
à peine eft - il un tiers des difciples qui
parviennent à s'y rendre habiles ; je dis
jnêoae paxini ceux q_ui achèvent leur car-
ETU
riere : car je ne parle point ici d'une infi-
nité d'autres qui fe rebutent au milieu de la
courfe , & pour qui la dépenfe déjà faite fe
trouve abfokiment perdue.
En un mot , rien de plus ordinaire que
de voir de bons efprits cultivés avec foin,
qui , après s'être fatigués dans la compo-
lition latine depuis lix à lept ans jufqu'à
quinze ou feize , ne fauroicnt enfuite pro-
duire aucun fruit réel d'un travail fi long
& fi pénible ; au lieu qu'on peut défier
tous les adverfaires de la méthode propo-
fée , de trouver un feul difciple conduit
par des maîtres capables , qui ait mis en-
vain le même temps à l'explication des
auteurs , Se aux autres exercices que nous
marquerons plus bas. Auffi pluheurs maî-
tres des penfions & des collèges reconnoif-
fent-ils de bonne foi le vuide Se la vanité de
leur méthode , & ils gémilfent en fecret de
fe voir allervis malgré eux à des pratiques
déraifônnables qu'ils ne font pas toujours
libres de changer.
Tout ce qu'il y a de plus éblouiftant &
de plus fon en faveur de la méthode ufitée
pour le latin , c'eft que ceux qui ont le
bonheur d'y réuffir & d'y briller , doivent
faire pour cela de grands etforts d'applica-
tion & de génie ; & qu'ainfi l'on efpére ,
avec quelque fondement , qu'ils acquerront
par-là plus de capacité pour l'éloquence
& la poéfie latine ; mais nous l'avons déjà
dit , & rien de plus vrai : ceux qui fe diftin-
guent dans la méthode régnante , ne font
pas le tiers du total. Quand il fcroit donc
bien confiant qu'ils dulfent faire quelque
chofe de plus par cett» voie , convien-
droit-il de négliger une méthode qui eft à
la portée de tous les efprits , pour s'entêter
d'une autre toute femèe d'épines , & qui
n'eft faite que pour le petit nombre , dans
l'cfpérance que ceux qui vaincront la diffi-
culté , deviendront un jour de bons latinif-
tcs ? En un mot , cft-il jufte de facrifier
la meilleure partie des étudians , 5c de leur
faire perdre le temps & les frais de leur
éducation , pour procurer à quelques fujets
la perfeétion d'un talent qui eft le plus
fouvent inutile, tk qui n'eft prefque jamais
néceftaire ?
Mais que diront nos antagoniftes , fi
nous foutenons avec M» le Febvre , que
E T U
le moyen le plus efficace pour arriver \ la
perfeiftion de l'éloquence latine, eft pré-
cifemeiu la méthode que nous confeillons ,
je veux dire la letbure confiante , l'explica-
tion & la tradudion perpétuelle des auteurs
de U bonne latinité ? On ignore abfolu-
ment , dit ce grammairien célèbre , la
véritable route qui mené à la gloire lit-
téraire ; route qui n'ell: autre que Vétudc
cxade des anciens auteurs. C'eft , dit-il
encore , cette pratique Ci féconde qui a
produit les Budés , les Scaligers , les Tur-
nebes, les PalTerats , & tant d'autres grands
hommes : yiam illam ptani ignorant quâ
majores nofiros ad ceternx famx claritudt-
ncm pervemjfe videmus. Qucenam illa fi for-
tafsè rogas , vir clarijfi«ie ! Nulla ceriè a!ia
âuàm vecerum fcriptorum acturata kclio. Ea
Budccos & Scaligeros ; ea Turnehos , Pnf-
feracos , & tôt ingentm nomina edidit. Epijl-
xlij. ad D. Sarran.
Schorus , auteur allemand , qui écrivoit
il y a deux fiecles , fur la manière d'ap-
prendre le latin , étoit bien dans les mêmes
fentimens. " Rie-n , dit-il , de plus contraire
» à la perfedion des études latines , que
V l'ufage où l'on eft de négliger l'imita-
M tion des auteurs , & de conduire les
M enfans au latin plutôt par des compoli-
« tions de collège , que par la lefture
w affidue des anciens » : Neque vero guic-
quam pernitiofiàs accidere fludiis linguœ latin ce
poteji , quàrn quod negleûâ vmni imitatione ,
pueri à fais maciflris magis quam à Romanis
ipfis latinitattm difcere cogantur. Antonii
Scliori libro de ratione docendae & dijcendae
Unguas latines , page 5 4.
AulTî la métliodc qu'indiquent ces fa-
vans , étoit proprement la feule ufîtée
pour apprendre le latin , lorfque cette lan-
gue étoit fi répandue en Europe , qu'elle y
étoit prefque vulgaire : au temps , par
exemple , de Charlemagne & de S. Louis ,
que faifoit - on pour lors autre chofe , que
lire ou expliquer les auteurs ? N'eft-cc pas
de là qu'ell venu le mot de kâeur , pour
àhe prufejfeur ? & n'eft-ce pas enfin ce
qu'il faut entendre par le prceleclio des
anciens latinilles ? terme qu'ils emploient
perpétuellement pour défigner le principal
exercice de leurs écoles , & qui ne peut
/igniHer autre chofe que l'explication des
E T U 507
j livres claffiques. i^''oye'^ les coHojues a'E-
rafme.
D'ailleurs , il n'y avoir anciennement
que cette voie pour devenir latiniftc : les
didionnaires françois-latins n'ont paru que
depuis environ deux cents ans ; avant ce
temps là il n'écoit pas polfible de faire ce
qu'on appelle un thème , &i il n'y avoir pas
d'autre exercice de latinité que la ledurc
ou l'explication des auteurs. Ce fut pour-
tant , comme dit M. le Febvre , ce fut
cette méthode fi fimple qui produifit Icg
Budés , les Turiiebes , les Scaligers. Ajou-
tons que ce fur cette méthode qui produiût
madame Dacier,
Quoi qu'il en foit , il eft vifible qu'on
doit plus attendre d'une inftru6lion gram-
maticale fuivie & raifonnée , oij les diffi-
cultés le développest à mefure qu'on les
trouve dans les livres , que d'un fatras de
règles ifolées , le plus fouvent faufles & mal
conçues ; & qui , bien que décorées du beau
nom de principes ^ ne font au vrai que les
exceptions des règles générales , ou , iî
l'on veut , les caprices d'une fyntaxe mal
développée.
Au refte , l'exercice de l'application eft
tout-à-fait indépendant des difficultés com-
pliquées dont on régale des enfans qui
commencent. En effet , ces difficultés fe
trouvent rarement dans les auteurs ; elles
ne font, pour ainll dire, que dans l'ima-
gination &c dans les recueils de ces pré-
tendus méthodiftes , qui loin de chercher
le latin , comme autrefois , dans les ou-
vrages des anciens , fe font frayés une
route à cette langue , par de nouveaux
détours où ils brufquent toutes les dif-
ficultés du françois ; route fcabreufe &
comme impratiquable , en ce que les tours ,
les exprelTîons & les figures des deux lan-
gues ne s'accordant prelque jamais en tout ,
il a fallu , pour aller du françois au latin ,
imaginer une efpece de mcchanique fon-
dée fur des milliers de règles ; mais règles
embrouillées , & plus fouvent impénétra-
bles à des enfans , jufqu'à ce que le béné-
fice des années & le fcntiment que donne
un long ufage , produifent à la fin dans
quelques-uns une melure d'intelligence Se
d'habileté que l'on attribue faullemenc à
î la pratique de ces règles.
Qqx
3o« E T U ^
Cependant il eft des obfcrvatîoni Ia.i-
fonnables que l'on doit faire fur le fyftênie
grammatical , Se qui réduites pour les
commençans à une douzaine au plus , for-
ment des règles confiantes pour fixer les
rapports les plus communs de concordance
& de régime ; & ces règles fondamenta-
les , clairement expliquées , font à la portée
des enfans de fept à huit ans. Celles qui
font plus obfcures , & dont l'ufage eft
plus rare , ne doivent être préfentées aux
étudians que lorlqu'ds font au courant des
auteurs latins. D'ailleurs , la plupart de
ces règles n'ont été occalionnées que par
l'ignorance où l'on eft , tant des vrais prin-
cipes du latin , que de certaines exprelîions
abrégées qui font particulières à cette lan-
gue ; & qui une fois bien approfondies,
comme elles le font dans Sanftius , Port-
royal & ailleurs, ne préfement plus de
vraie difficulté , & rendent même inuti-
les tant de règles qu'on a faites fur ces
irrégularités apparentes. La brièveté qu'e-
xige un article de dictionnaire , ne per-
met pas de m'étendre ici là deflus ; mais
je compte y revenir dans quelque autre
occafion.
J'ajoute que Tun des grands avantages
de cette nouvelle inftitution , c'eft qu'elle
épargneroit bien des châtimens aux en-
fans ; article délicat dont on ne parle
guère , mais qui mérite autant ou plus
qu'un autre d'être bien difcuté. Je trouve
donc qu'il y a lur cela de Pinjuftice du
côté des parens & du coté des maîtres ;
ie veux dire trop de moUelTc de la part
des uns , ôc trop de dureté de la part des
autres.
Hn effet , les maîtres de la méthode
vulgaire , bornés pour la plupart à quelque
connoiflancc du latin , & entêtés folle-
ment de la composition des thèmes , ne
cefTent de tourmenter leurs élevés , pour
les pouffer de force à ce travail accablant ;
travail qui ne paroît inventé que pour con-
trifter la jeuneffe , & dont il ne réfultc
prcfqu'aucun fruit. Premier excès qu'il faut
éviter avec foin.
Les parens, d'un autre côté , bien qu'in-
quiets, impatiens même fur les progrès
«le leurs enfans , n'approuvent pas pour
l'ordinaire qu'on les mené par la voie des
E T U
punitions. Envain le fage nous afTure que
l'inl^ru6lion appuyée de la punition , fiiit
naître la lagelle ; & que l'enfant , livré à fes
caprices , devient la honte de la merc
( Prov. xxjx. i6.~)-i que celui qui ne châtie
pas fon fils , le hait véritablement ( ibtd. )
xiij. 2.4. ) ; que celui qui l'aime , ell attentif
à le corriger , pour en avoir un jour de la
fatisfadlion. Eccléfiajii'j. xxx. 1.
En vain il nous avertit que (1 on fe fa-
miliarité avec un enfant , qu'on ait pour
lui de la foiblefl'e & des complaifances ,
il deviendra comme un cheval fo igueux ,
& fera trembler fes parens ; qu'il faut par
conféquent le tenir foumis dans le premier
âge , le châtier à propos tant qu'il eft jeu-
ne , de peur qu'il ne fe roidiffe jufqu'à
l'indépendance , &c qu'il ne caufe un jour
de grands chagrins. IMil. xxx. 8. g. 10. 2 1.
2 2.. En vain S. Paul recommande aux pères
d'élever leurs enfans dans la dilcipline ôC
dans la crainte du leigneur. Ephef. vj. 4.
Ces oracles divins ne font plus écoutés :
les parens , aujourd'hui plus éclairés que la
fagefle même , rejettent bien loin ces
maximes ; & prefque tous aveugles &c mon-
dains , ils voient avec beaucoup plus de
plaillr les agrémens & l'embonpoint de
leurs enfans , que le progrès qu'ils pour-
roient faire dans les habiiudes vertueules.
Cependant la pratique de l'éducatioa
févere eft trop bien établie &i par les
palfages déjà cités , & par les deux traits
qui fuivent , pour être regardée comme
un fimple confcil. Il eft dit au Dcuiérc-
nome , xxj. l8. &c. que s'il fe trouve un tîls
indocile Se mutin , qui , au mépris de les
parens , vive dans l'indépendance & dans
la débauche , il doit êcre lapidé par le
peuple, comme un mauvais lujet dont il
faut délivrer la terre. On voit d'un autre
coté que le grand prêtre Héli, pour n'avoir
pas arrêté les défordres de fes fils , attira
fur lui & fur fa famille les plus terribles
punitions du ciel. Liv. I. des Rois , ch. ij^
U eft donc certain que la moUelVe dans
l'éducation peut devenir criminelle \ qu'il
faut par conféquent une forte de vigi-
lance & de févérité pour contenir les en-
fans , & pour les rendre dociles «Se \.\ho-
rieux : c'eft un mal , j'en conviens , mais
; c'eft un mal inévitable. L'expérience coa-
E T U
firme en cela les maximes de la fagelTe ;
elle fait voir que les cliâtimeiis font quel-
quefois nccellaires , & qu'eni les rejettan:
tout à fait on ne forme guère que des
fujets inutiles & vicieux.
Quoi qu'il en foit , le meilleur , l'uni-
que tempérament qui fe prélente contre
l'inconvénient des punitions , ceft la fa-
cilité de la méthode que je propofe ; mé-
thode qui , avec une application médiocre
de la part des écoliers , produit toujours
un avancement raifonnable , (ans beau-
c<Hip de rigueur de la part des maîtres.
U s'en faut bien qu'on en puifle dire au-
tant de la compolition latine ; elle fup-
pofe beaucoup de talent & beaucoup d'ap-
plication , & c'efl la caufe malheureufe ,
mais la caufe néceflaire , de tant de châ-
timens qu'on inflige aux jeunes latiniftes,
& que les maîtres ne pourront jamais lup-
primer , tant qu'ils demeureront fidèles à
cette méthode.
11 eft donc à fouharter qu'on change le
Çyfième des études ; qu'au lieu d'exiger des
enfans avec rigueur des compofitions diHi-
ciles Se rebutantes , inaccefïibles au grand
nombre , on ne leur demande que des
opérations faciles, & en conicquence ra-
rement fuivies des corrections & du dégoût.
D'ailleurs la jeunefle palle rapidement ; &:
ce qu'il faut favoir pour entrer dans le
mon.le , eft d'une grande étendue. Ceft
pour cette railon qu'il faut faifir au plus
vite le bon Si l'utile de chaque chofe , &
elulcr fur tout le reftc ; ainfi le premier
âge doit être employé par préférence à
faire acquilition des connoillances les pins
ncceiranes. Qu'eft-ce en etlct que l'éduca-
tion , Il ce n'eft l'apprentillage de ce qu'il
faut favoir Se pratiquer dans le commerce
de la %'ie ? or peut on remplir ce grand
objet , en bornant l'inftiuction de la jeu-
iielleau travail des tliêmes & des vers?
On lait que tout cela n'eft dans la fuite
d'aucun utage, 5c que le fruit qui refte de
tant d'années à'études , fe réduit à peine à
l'intelligence du latin : je dis à peine , &
Je ne dis pas adèz. Il n'eft guère de lati-
ïiifte qui n'avoue de bonne foi que le
talent qu'il avoit acquis au co.kge pour
compofer en profe & en vers , ne lui fai-
foi: point entendre coui'amnicnt les livres
E T U 309
qu'il n'avoit pas encore étudies. Chacun,
dis-je , avoue qu'après fes brillantes com-
pohtions , Horace , Virgile , Ovide , Tite-
Live &c Tacite , Cicéron &C Tribonien , ont
(ouvent mis en défaut toute la latinité. Il
fîiUoit donc s'attacher moins à faire des
vers inutiles , qu'à bien pénétrer ces auteurs
par la lecture àc par la tradudtion ; ce
qui peut donner tout à la fois ces deux
degrés également néccflaires & fulHfans ,
intelligence facile du latin , éloquence âc
compoluion françoife.
Pour entrer dans le détail d'une inftruc-
tion plus utile , plus facile , & plus luivie,
je crois qu'il f^ut mettre les enfans fort
jeunes à \'A, £ , C : on peut commencer
dès l'âge de trois ans ; & pourvu qu'on
leur fade de ce premier exercice un amu-
lemcnr plutôt qu'un travail , & qu'on leur
montre les lettres fuivant les nouvelles
dénominations déjà connues par plufieurs
ouvrages , ils liront enluite couramment
& de bonne heure , tant en français qu'en
latin : on fera bien d'y joindre le giec &C
le manufcrit. Du refte , trois ou quatre
ans feront bien employés à fortifier l'enfant
fur toure forte de leéture , &C ce fera une
g andc avance pour la l^ine des érudes , oii
il impone de lire aifément tout ce qui fe
préfente. Ceft un premier fondement pref-
que toujours négligé ; il en réfulte que les
progrès enfuitc font beaucoup plus lents ,
plus diiliciles. Je voudrois donc mettre
beaucoup de foin dans les premiers temps,
pour obtenir une le(Sture ailée , & une
prononciation forte Se diftindte ; car c'eft-
là , fi je ne me trompe , l'un des meilleur»
fruits de l'éducation. Quoi qu'il en (oit ,
fi l'on donne aux enfans , comme livre de
lecture, les rudimens latins-françois , ils
feront aftez au fait à frx ans pour expliquer
d'abord le catéchifme hiftoriq le , puis les
colloques familiers , les hiftoires choiiies ,
l'appendix du P. Jouvency , &c.
Le maître aura foin , dans les premiers
temps , de rendre fon explication fort lit-
térale , il fera fentir la railon des cas Sc
les autres variétés de grammaire, prenant
tous les jours quelques phrafcs de l'auteur,
pour y montrer l'application des règles-.
On explique de même , à proportion de
r?.ge & des progrès des enjfans , tout ce.
3IO E T U
qui eft relatif à l'hiftoire & à la géogra-
phie , les expielTîons hgurécs , ùc. à quoi
on les rend atcemifs par diverfes interro-
gations. Ainfi la principale occupation des
étudians durant les premières années , doit
être d'expliquer des auteurs faciles , avec
l'attention fi bien recommandée par M.
Pluche , de répéter plufieurs fois la même
leçon , tant de latin en françois que de
françois en latin : après même qu'on a vu un
livre d'un bout à l'autre , & non par lam-
beaux , comme c'eft la coutume , il cft
bon de recommencer fur nouveaux frais,
& de revoir le même auteur en entier. On
fent bien qu'il ne faut pas fulvre pour cela
l'ufage établi dans les collèges , d'expli-
qué dans le même jour trois ou quatre au-
teurs de latinité ; ufage qui accommode
fans doute le libraire , & peut-être le pro-
feffeur , mais qui nuit véritablement au
progrés des enfans , lefquels embarraflés
& furchargés de livres , n'en étudient au-
cun comme il faut ; outre qu'ils les per-
dent , les vendent & les déchirent , & conf-
tituent des parens ( quelquefois indigens )
en frais pour en avoir d'autres.
Au lurplus , je confciUe fort , contre
l'avis de M. Pluche , d'expliquer d'abord à
la lettre , & conféquemment de faire la
conftruction , laquelle ell , comme je crois,
très - unie , pour ne pas dire mdifpenfablc
^ l'égara des commençans.
Quant à l'exercice de la mémoire , je
pe demanderois par cœur aux enfans que
jes prières & le petit ca:échirme , avec les
déclinailons & conjugaifuns latines & fran-
çoifes : mais je leur ferois lire tous les jours ,
I voix haute & diftinde , des morceaux
choihs de l'hiftoire , & je les accoutume-
rois à XTpéter fur le champ ce qu'ils au-
roient compris & retenu; quand ils feroient
^(lez forts , je leur ferois mettre le tout
par écrit. Du refte , je les appliquerois de
ponne heure à l'écriture , vers l'âge de hx
pns au plus tard ; & des qu'ils fauroient un
peu manier la plume , je leur ferois copier
plufieurs fois tout ce qu'il y a d'irrégulier
dans les noms & dans les verbes , des pré-
térits & lupins , des mots ifolés , £'(.•. En-
fuite à melurc qu'ils acquerroient l'expé-
dition de l'écriture , je leur ferois éciire
(^Yeç foin la plupart des chofes qu'on leur
E T U
fait apprendre , comm.e les maximes choî»
fies , le catéchifme, la fyiuaxe , & la mé-
thode , les vers du P. Bu (fier pour l'hif-
toire & la géographie , & enfin les plus
beaux endroits des auteurs. Ainfi j'exigerois
d'eux beaucoup d'écriture nette & lifible,
mais je ne leur demanderois guère de le-
çons , perfuadé qu'elles font prefque inu-
tiles , & qu'elles ne lailTent rien de bien
durable dans la mémoire.
Par cette pratique habituelle & continuée
fans interruption pendant toutes les études ,
on s'affureroit aifément du travail des éco-
liers , qui reculent prefque toujours pour
apprendre par coeur , & dont on ne fau-
roit empêcher ni découvrir la négligence
à cet égard , à moins qu'on ne mette à
cela un temps confidérable , qu'on peut
employer plus utilement. D'ailleurs , bien
que l'écriture exige autant d'application
que l'exercice de la mémoire , elle eft néan-
moins plus fatisfaifante & plus à la por-
tée de tous les fujets ; elle eft en même
temps plus utile dans le commerce de la
vie , &c fur-tout elle fuppofe la réfidence
& l'aillduiié ; en un mot , elle fixe le corps
& l'eipric , & donne infenfiblement le goût
des livres & du cabinet : au lieu que le tra-
vail des leçons ne donne le plus fouvent que
de l'ennui.
Outre l'explication des bons auteurs ,
& la répétition du texte latin , faite ,
comme on l'a dit , fur l'explication fran-
çoife , on occupera nos jeunes latiniftes à
traduire de la profe & des vers ; mais
au lieu de prendre , fuivant la coutume ,
des morceaux détachés de l'explication
journalière , je penfe qu'il vaut mieux tra-
duire un livre de fuite , en poullant tou-
jours l'explication qui doit aller beaucoup
plus vire. Le brouillon & la copie de l'é-
colitr feront écrits pofément , avec de
l'eTpace entre les lignes , pour corriger ;
opéricion importante , qui eft autant du
maître que du difciple , & à laquelle il faut
être fidèle. La verfion fera donc corrigée
avec foin , tant pour l'orthographe que
pour le françois ; après quoi elle fera
mile au r.et fur un cahier propre & bien
entretenu.
Ces pratiques formeront peu à peu les
enfans , non- feulement aux cours de notre
E T U
langue , mais encore plus à l'ccrhure, ac-
quilition précieufe , qui eft propre à cous
les états & à tous les âges.
U feroic à fouhaiccr qu'on en fît un exer-
cice cladîquc , & qu'on y aftachûc des prix
à la fin de l'année. J'ajouterai fur cela ,
qu'au lieu de longs barbouillages qu'on exige
en penfions y il vaudroit mieux demander
chaque fois u!i morceau d'écriture correcte,
&, s'il fe peur , élégante.
A l'égard du grec , l'application qu'on y
donne cft le plus fouvenc infrudtueuie , fur-
tour dans les collèges , où l'on exige des
thèmes avec la poficion des accens : on
pourroit'employer beaucoup mieux le temps
qu'on perd à tout cela ; c'eft pourquoi j'en
voudrois décharger la jeunefl'e , perfuadc
qu'il fuffit à des écoliers de lire le grec aifé-
ment , & d'acquérir l'intelligence originale
des mots trançois qui en font dérivés. Si
cependant on ctoit à portée de fuivre le
plan du P. Giraudeau , on fc procureroic
par fa méthode une intelligence raifonnatle
des auteurs grecs j le tout fans fè fatiguer
& fans nuire aux autres études.
Mais travail pour travail , il vaudroit
encore mieux étudier quelque langue mo-
derne , comme l'italien , l'efpagnol , ou
plutôt l'anglois , qui eft plus utile &: plus à
la mode : la grammaire angloife efl courte
êc facile ; on fe met au fait en peu d'heures.
A la vérité la prononciation n'eft pas ailée ,
non-feulement par la faute des Anglois ,
qui laiflent leur orthographe dans une im-
pcrfeétion , une inconléquence qu'on par-
donncroic à peine à un peuple ignorant ,
mais encore par la négligence de ceux qui
ont fait leurs grammaires & leurs didion-
naires , & qui n'ont pas indiqué , comme
ils le pouvoient, la valeur actuelle de leurs
lettres, dans une infinité de mots oii cette
valeur eft différente de l'ufage ordinaire,
M King , maî.re de langues à Paris , re-
médie aujourd'hui à ce défaut ; il montre
l'anglois avec be.iucoup de méthode , & il
en facilite extrêmement la ledure &c la pro-
nonciation.
Au refte , un avantage que nous avons
pour l'anglois , & qui nous manque pour le
grec , c'eft que la moitié des mots qui conf-
lituent la langue moderne , lont pris du
fiançois eu du latin ; prefque tous les au-
E T U 511
très font pris de l'allemand. De plus , nous
fommes tous les jours à portée de convcrfcr
avec des Anglois naturels , de de nous avan-
cer par - là dans la connoilTance de leur
langue. La gazette d'Angleterre , qu'on
trouve à Pans en plufieurs endroits , eft;
encore un moyen pour faciliter la même
étude. Comme cette feuille eft amufante ,
& qu'elle roule fur des fujets connus d'ail-
leurs , pour peu qu'on entende une partie ,
on devhie aifémcnt le refte ; & cette lec-
ture donne peu à peu l'intelligence que l'on
cherche.
La fingularité de cette étude. Se la facilite
du progrès , mettroient de l'émulation par-
mi les jeunes gens , à qui avanceroit davan-
tage ; de bientôt les plus habiles ferviroienc
de guides aux autres. Je conclus enfin que ,
toutes chofes égales, on apprendroit plus
d'anglois en un an que de grec en trois
ans ; c'eft pourquoi comme nous avons plus
à traiter avec l'Angleterre qu'avec la Grèce ,
que d'ailleurs il n'y a pas moins à profiter
d'un côté que de l'autre , après le françois
& le latin , je confeiUerois aux jeunes gens
de donner quelques momens à l'anglois.
J'ajoute que notre cmpreffcment pour
cette langue adouciroit peut-être nos fiers
rivaux , qui prendroient pour nous , en
conféquence , des fentimens plus équita-
bles : ce qui peut avoir fou utilité dans l'oc-
c a lion.
Du refte , il cft des exercices encore
plus utiles au grand nombre , & qui doi-
vent faire partie de l'éducation ; tels font
le dclTîn , le calcul «Se l'écriture , la géo-
métrie élémentaire , la géographie , la mu-
fiquc , ôic. Il ne faut fur cela tout au plus
que deux leçons par femaine ; on y em-
ploie fouvcnt le temps des récréations , Sc
l'on en fait fur-tout la principale occupation
des fêtes & des congés. Si l'on eft hdele à
cette pratique depuis l'âge de huit à neuf
ans jufqu'à la fin de l'éducation , on fera
marcher le tout à la fois , fans nu.rc à
['étude des langues% Sc l'on aura le plaifir
touchant de voir bien des fujets réuftîr à
tout. C'eft une fatisfaélion que j'ai eu moi-
même alTez fouvent. AulTî je fouriens que
tous ces exercices font moins difficiles 6C.
moins rebiwans aue des thèmes , & qu'Us
attirent aux écoliers beaucoup moins de
punition de la part des maîtres.
Depuis l'âge de douze ans jufqu'à quinze
& feize , on luivra le fyflcme d'études cxpofé
ci-dcflus ; mais alors les enfans prépareront
eux-mêmes l'explication. Pour cela on leur
fournira tous les iecours , traductions ,
commentaires , &c. L'ufage contraire m'a
toujours paru déraifonnable ; il eft en effet
bien étrange que des maîtres qui fe pro-
curent toutes fortes de facilités pour entrer
dans les livres , s'ubftinent à refufcr les
mêmes fecours à de jeunes écoliers. Au
furplus , ces enfans feront occupés à diverfes
compohtions françoiles &: latines : fur quoi
l'une des m.ei Heures chofes à faire en ce
genre, eft de donner des morceaux d'auteurs
à traduire en françois ; donnant enfuite
tantôt la verfion même à remettre en latin ,
tantôt des thèmes d'imitation fur des fujets
femblables. On pourra les appliquer éga-
lement à d'autres compohtions latines ,
pourvu que tout fe fafTe dans les circonf-
tances & avec les précautions qui con-
viennent. Je ne puis m'empêcher de placer
ici quelques réflexions que fait fur cela
M. Pluche , tome yi du Speclack de la Na-
ture , p. i%£.
" S'il eft , dit-il , de la dernière abfurdité
" d'exiger des enfans de compofer en profe
?> dans une langue qu'ils ne favent pas , &
." dont aucune règle ne peut leur donner
» le goût , il n'eft pas moins abfurde d'exi-
»> ger de toute une troupe , qu'elle fe
«> mette à méditer des heures entières
>> pour faire huit ou dix vers , fans en
»> fentir la ftruiSture ni l'agrément : il vau-
» droit mieux pour eux avoir écrit une
M petite lettre d'un ftyle ailé , dans leur
»> propre langue , que de s'être fatigué pour
f> produire à coup siàr de mauvais vers , foit
»> en latin , foit en grec.
" Il eft îenilblc que plufieurs courront
M les mêmes riiques dans le travail des
w amplifications &c des pièces d'é!oquen(^e ,
»> oïl il faut que l'efprit fourniffe tout de
»> lui-même , le fonds ^ le ftyle : peu y
»« xéufTlffent ; s'il s'en trouve fix dans cent ,
»> quelle vraifemblance y a-til à exiger
»> des autres de l'mvention , de l'ordon-
». nancc , du raifonnement , des images ,
>/ 4ps mouvcmens , & de l'élocjueiiçe ?
E T U
" C'cft demander un beau chant a. ceux
" qui n'ont ni muiique ni gofîer Lorf^
» qu'une heureufe facilité de concevoir &C
>> de s'énoncer encourage le travail des
» jeunes gens , & infpire plus île hardieflc
•> au maître , je voudiois principalement
" infiller fur ce qui a l'air de délibération
" ou de raifonnement ; j'aurois fort à cœur
" d'aifujettir un beau naturel à ce goût
" d'analyfe, à cet efprit méthodique &C aifé,
» qui eft recherché & applaudi dans toutes
» les conditions , puifqu'il n'y a aucun
» état où il ne faille parler fur le champ ,
" expofer un projet , difcuter des incon-
" véniens , &: rendre compte de ce qu'on a
" vu , &:c. "
Quoi qu'il en foit , il eft certain que des
enfans bien dirigés par la nouvelle méthode,
auront va dans leur cours d'études quatre
fois plus de latin qu'on n'en peut voir par
la méthode vulgaire. En effet , l'explica-
tion devenant alors le principal exercice
claffiquc , on pourra expédier dans chaque
féance au moins quarante lignes d'auteur ,
profe ou vers ; & toujours , comme on l'a
dit , en répétant de latin en françois , puis
de françois en latin , l'explication faite par
le maître ou par un écolier bien préparé :
travail également efficace pour entendre le
latin , & pour s'énoncer en cette langue.
Car il eft vifible qu'après s'être exercé cha-
que jour pendant huit ou dix ans d'huma-
nités à traduire du françois en latin , &
Cela de vive voix & par écrit , on acquerra
mieux encore qu'à préfent la facilité de
parler latin dans les claifes fupérieures ,
luppofé qu'on ne fit pas aulTi-bien d'y parler
françois. Ce travail enfin , continué depuis
fix ans jufqu'à quinze ou feize , donnera
moyen de voir ôc d'entendre prelquc tous les
auteurs claffiques , les plus beaux traités de
Cicéron , plufieurs de fcs oraifons , Virgile
& Horace en entier ; de même que les in!-
tituts de .Tuftinien , le catéchifme du concile
de Trente , (Jcc.
En effet , loin de borner l'inftruélioii
des humanilles à quelques notions d'hiftoire
& de mythologie , inftitution futile , qui
ne donne guère de facilité pour aller plus
loin , on ouvrira de bonne heure le fanc-
tuaire des Iciences & des ans à la jeunefle :
§C cVft dans cette vue, qu'on joindra aux
Uvres
E T U
livres de cl:^(Tc plulieiirs trniccs dogmati-
ques , dont la connoilTaiice eft iiéceiraire à
de jeunes littérateurs ; mais de plus , oji leur
fera coiinoitre , par une lc6lure adiduc , les
auteurs qui ont le mie.ix écrit en wnrc lan-
gue, poètes, orateurs, h.lV^riens, artiftes,
pliilolophes ; ceux qui ont le m eux traite la
morale , le droit , la politique , ikc. En
même temps , on entretiendra , comme on
a dit , & cela dans touie la fuite des éludes,
l'arithmitique 5c la géométrie, le deffin ,
l'écriture , &:c.
Il eft vrai que pour produire tant de
bons effets , il ne faudroit pas que les en-
fans falTent diftraits , comme aujourdiiui ,
par des fêtes & des congés perpéiuels , qui
ihterrompent à chaque inltant les exercices
&c les éludes: il ne faudroit pas non plus
qu'ils fulfent détournés par des repréfenta-
tions de théâtre; rien ne dérange plus les
maîtres & les difciples, & rien par confé-
quent de plus contraire à l'avancement des
écoliers , lors même qu'ils n'ont d'autre
étude à fuivre que celle du latin. Ce feroit
bien pis encore dans le fyftême que je pro-
pofe.
Du refte , on pourroit accoutumer les
jiiunes gens à paroitre en public , mais tou-
jours par des exercices plus faciles , & qui
f.ifTent le produit des études courantes. Il
faffiroit pour cela de faire expl'quer des
auteurs latins , de faire déclamer des pièces
d'éloquence <Sc de poéiie françoife ; i<. l'on
parviendroit au même but, par des démonf-
trations publiques fur la fphere , l'arithmé-
tique , la géométrie , &c.
Je ne dois pas oublier ici que le goût de
moUelTe & de parure, qui gagne à préfent
tous les cfprits , eft une nouvelle raifon
pour faciliter le fyftême des études , & pour
en oter les embarras & les épines. Ce goût
ilominant , (i contraire à l'auftérité chré-
tiejme , enlevé un temps infini aux travaux
littéraires , & nuit par confcquent aux
progrès des en fans. Un ufage à délirer dans
l'éducation , ce feroit de les tenir fort am-
plement pour les habits i mais fur-tout
( qu'on pardonne ces détails à mon expé-
rience ) de les mettre en perruque ou en
cheveux courts , & des plus courts , jufqu'à
l'âge de quinze ans. Par-là on gagneroit un
temps conlidérable , & l'on éviteroit plu-
Toriii XJIJ,
E T U 315
fieurs încor.vcniens , à l'avantage des en-
fans & de ceux qui les gouvcrrcnt : ceux ci
alors , moins détournés pour le fupcrflu ,
d"nncroicnt tous leurs foins à la culture
nécellrre du corps &C de l'efprit ; ce qui
doit être le but des parens &: d s maîtres.
Qiioi qu'il en foit, les demie res années
d'humanités , employées tant à des le6lures
utiles Se fuivies , qu'à des compolitions
choilies & bien travaillées , formeroient
une continuité de rhétorique dans un goût
nouveau ; rhétorique dont on écarteroit
avec foin tout ce qui s'y trouve ordinaire-
ment d'inutile Se d'épineux. Pour cela , on
feroit compofer le plus fouvent dans la
langue maternelle ; & loin d'exercer les
jeunes rhéteurs fur des fuiets vagues , in-
connus, ou indiffercns , on n'en choifu-oit
jamais qui ne leur fuflent connus & pro-
portionnés. Je ne voudrois pas même don-
ner de verfions , fi ce n'eft tout au plus
pour les prix, fans les expliquer en p'eine
clalfe; & cela parce que la traduftion fran-
çoife étant moins un exercice de latinité
qu'un premier ellai d'éloquence, déjà bien
capable d'arrêter les plus habiles û on
laille des obfcurités dans le texte latin , on
amortit mal à propos la verve Si. le génie de
l'écolier, lequel a befoin de toute Ca vigueur
& de tout fon feu pour traduire d'une ma-
nière fatisfai faute.
Je ne demandcrois donc à de jeunes
rhétoricicns que des traductions plus ou
moins libres , des lettres , des extraits , des
récits , des mémoires , & autres produc-
tions femblables, qui doivent faire toute
la rhétorique d'un écolier ; produûions
après tout qui (ont plus à la portée des
jeunes gens , 6c plus intéreffantes pour le
commun des hom.mes , que les difcours
boufis qu'on imagine pour faire parler
Hedor &: Achille, Alexandre & Porus,
Annibal &Sc!pion, Céfar & Pompée , Se
les autres héros de l'hiftoire ou de la fable.
Au refte , c'eft une erreur de croire que
la rhétorique foit elfentiellement Si uni-
quement l'art de perfuader. Il eft vrai que
la pcrfuafion elt un des grands effets de
l'éloquence ; mais il n'eft pas moins vrai
que la rhétorique eft également l'art d'inl-
truire , d'expofer , narrer, difcuter ; en
I un mot, l'art de traiter un fujet quelcou-
«- f "
314 E T U
que d'une manière tout à la fois élégante &
fclide. N'y a-t-il point d'éloquence dans les
récits de l'hiftoire, dans les defcriptions
de:, p, êtes , dans les mémoires de nos aca-
dém'es , &cc. ? K. Éloquence , Élocu-
TION.
Quoi qu'il en foit , l'éloquence n'tft
point un art ifolé , indépendant , & diftin-
gué des autres arts ; c'cft le complément &
le dernier frujt des arts & des connoilTan-
ces acquifis par la réflexion , par la lec-
ture , par la fréquentation des favans , &
fur- tout par un grand exercice de la compo-
fition ; mais c'cll moins le fruit des pré-
ceptes , que celui de 1 imitation & du len-
timent , de l'ufage & du goût : c'efl: pour-
quoi les compofitions françoifes , les ledtu-
res perpétuelles , & les autres opérations
qu'on a marquées tcant plus inftrudiives ,
plus lummeuies que ['étude unique & vul-
gaire du latin, feront toujours plus agréa-
bles & plus fécondes , toujours enhn plus
efficaces pour atteindre au vrai but de la
rhétorique.
Qiiant à la philofophie , on la regarde
pour l'ordinaire comme une fcience inde-
pciidante &. diftinfte de toute autre ; &
Von Ce perfujde qu'elle confifte dans une
ccnnoinânce raifoni.ée de telle & telle
matière : m.ais cette opinion , pour être alfez
commune , n'en eft pas m.oins faufl'e. La
philofophie n'cft proprement que l'habi-
tude de réfléchir & deraifonner . ou fi l'on
veut, la facilité d'approfondir & de trai-
ter les arcs & les fcienccs. F) Philoso-
THIE.
Suivant cette idée fimple de U vraie phi-
lofophie , elle peut , elle doit même fe
commencer dès les premières leçons de
grammaire , & ie continuer dans tout le
relie des études. Ain(î le devoir & l'habileté
du maître confiftenr à cultiver toujours
plus l'intelligence que la mémoire ; à for-
mer les dilciples à cet efprii de difcuflion
& d'examen qui caracSténfe l'homme phi-
lofcphe ; & à leur donner , par la itéiure
des bons livres , & par les autres exercices ,
des i:otions exadtes & fulfifantes pour
entrer d'eux-mêmes enfuite dans la carrière
des fciences ôc des arts. Il faut en un
E T U
mot fendre de bonne heure , identifier ,
s'il eft pofTible , la philofophie avec les
humanités.
Cependant malgré cette habitude antici-
pée de réflexion &c de raifonnem.ent , il eft
toujours fenfé qu'il faut faire un cours de
philofophie ; mais il feroit à foi'.haiter pour
les écoliers &: pour les maîtres, que ce cours
fût imprime. La diéVée, autrefois nécefï.iire,
eft devenue , depuis l'impreffon , une opé-
ration ridicule. En effet , il feroit beaucoup
plus commode d'avoir une philofophie bien
méditée, & qu'on put étudier à fon aife dans
un livre , que de ù fatiguer à écrire de mé-
diocres cahiers toujours pleins de fautes Se
de lacunes.
Nous nous fèrvons avec fruit de la même
bible, de la vulgate qui eft commune à tous
les catholiques ; on pourroit avoir de m.ême
fur les fciences des traités uniformes , com-
polés par des hommes capables , & qui
travailleroient de concert à nous donner un
corps de doârine aulTi parfait qu'il eff pof-
lible ; le tout avec l'agrémei-t & lous la di-
re dl.on des fupérieurs. Pour lors , le temps
qui fe perd à dicter s'emploieroit utilement
à expliquer Si à interroger: & par ce moyen
une leulc claffe de deux heures & demie tous
les jours , hors les dimanches &: fêies , fuf-
firoit pour avancer raifonnablemcnt ; ce qui
donncroit aux maîtres & aux difciples le
temps de préparer leurs leçons, & de varier
leurs études.
Il y a plus à retrancher dans la logique ,
qu'on n'y fauroit ajouter ; il me lemble
qu'on en peut dire à peu près autant de la
métaphylique. La morale eft trop négligée;
on pourroit l'étendre & l'approfondir da-
vantage. A l'égal d de la phylique , il en
faudroit aulï: beaucor.p élaguer ; négligtr ce
qui n'eft que de conttiiion & de curiolité ,
pour fe livrer aux rccheiches utiles & ten-
dantes à l'économie. Elledcvroit embraller,
je ne dirai pis i'aritlim.étique & les élémens
de géométrie, qui doivent venir longtemps
auparavant , mvs l'anatomie , le calen-
drier, la gnomoirque, 6f. le tout accom-
pagné des figures convenables pour l'intel-
ligence des matières.
On expoferoit les qucflions clairement
& comme hiftoriquemcnt , donnant pour
E T U
«ertain ce qnî eft conftamment reconnu
pour tel par !ts meilleurs philofiiphcs ; le
tout appuyé des preuves & des rcponfes aux
difficultés. Tout ce qui n'auroit pas certain
caradere d'évidence & de certitude , feroit
donné llmplement comme douteux ou com-
me probable. Au refte , loin de faire fon
capital (le la dilpute , 5c de perdre le temps
à réfuter les diveis fcntimens des philofo-
phes, on ne difputeroit jamais furies véri-
tés connues, parce que ccscontroverfes font
toujours dcrailonnables & fouvent mf-mc
dangercufîs, A quoi bon fbutenir thefe fur
l'exirtence de Dieu , fur fcs attributs , iur la
liberté de l'homme , la fpir'tualite de l'ame,
la réalité des corps , ùc. N'avcns-r.ous pas
fur tout cela des points fixes auxquels on
doit s'en tenir comme à des vérités premiè-
res ? Ces qucftions devroient être cxpolées
nettement dans un cours de philofophie ,
où l'on raiTembleroit tout ce qui s'eft dit
là delTus de plus ff)lide,m.nis où elles feroient
traitées d'une maiiiere pohtivc , fans qu'il y
eijt d'exercice réglé pour les attaquer ni pour
les défendre, comme il n'en eft point
pour difputer fur les propofitions de géo-
métrie.
Il eft encore bien des queftions futiles
que l'on ne devroit pas même agiter. Le
premier homme a-t-il eu la philofûpbie
infufe : La logique elVclIe un arc ou une
fcicnce ? Y a-tildes idées fauïTcs ? A-t-on
l'idée de l'impoITible ? Peut-il y avoir deux
infinis de même efpece ? Enfin l'univerfel
à parte rei , le futur contingent, le malum
<;uà malum , la divifibilité du continu, 6'c.
font des queftions également inutiles , &
qui ne méritent guère l'attention d'un bon
cfpiit.
Un cours bien purgé de ces chimères
fcholaftiques , mais fourni de toutes les
notions intéreifantes Iur l'hiftoire naturelle ,
fur la méchanique , & fur les arts utiles ,
fur les mœurs & fur les loix , fe trouvc-
roit à la portée des moindres étudians ;
& pour lors , avec le fcul fecours du livre
& du profelTeur , ils profiteroient de tout
ce qu'il y a de bon dans la faine philo-
fophie ; le tout flîns fe fatiguer dans la
repétition machinale des argum.ens , & fans
faire la dépenfe ni l'étalage des ihcfcs , :
E T U 515
qui , à le bien prcndiL-, fervent mowis à
découvrir la vérité qu'à fomenter l'cfpric
de parti , de contenfion, & de chicane.
Comme le but des foiirenans eft plutôt
de faire parade de leur huJe & de leur
facilite, que de chercher des lumières dans
une dilpute éclairée , ils fe font un paint
d'honneur de ne jam.ais démordre de leurs
afifertions ; &r moins occupés des ''ntérêts de
la vérité que du foin de rcpoulkr leu^s atfail-
lans , ils emploient tout l'art de la Icliolaf-
tique &: toutes les rc'Tources de Itur génie ,
pour éluder les meilleures objedions , Sc
pour trouver des faux-fuyans dont ils ne
manquent guère au befpin ; ce qui entre-
tient les efprits dans une difpofition vicieu-
fe , incompatible avec l'nmour du vrai ,
& par confcquent nuiiîbic au progrès des
fciences.
Je ne voudrois donc que peu ou point
de thefes : j'aimerois mieux des examens
fréquens Iur les divers traités qu'on fait
apprendre ; examens réitérés, par exemple,
tous les trois mois , avec l'attention de
répéter dans les derniers ce qu'on auroic
vu dans les précédens : ce feroit un moyen
plus efficace que les thefes , pour tenir les
écoliers en haleine , & pour prévenir leur
négligence. En effet , les thefes ne venant
que de temps à autre , quelquefois au bouc
de plufieurs années , il n'eft pas rare qu'on
s'endorme fur fon étude , & cela parce
qu'on ne voit rien quîpreflè : on fe promet
toujours de tiavailler dans la fuite i mais
comme on n'eft pas prefTé , & que l'on
voit encore bi^n du temps devant foi ,
la parefte le plus fouvent l'emporte ; in-
fenfiblemenc le temps coule , la tache
augmente , & à la. fin on Ce cire comme on
peut.
Les exame!is fréquens dont je viens de
parler ferviroientà réveiller les jeunes gens.
Ce feroit là comme le prélude des exa-
mens généraux & décififs que l'on fait
fubir aux candidats , & qui fonû toujours
plus redoutables pour eux que l'cpieuve
des thefes. Au furplus , il conviendroic
pour le bien de la chofe , Se pour ne point
déconcerter les fujets mal à propos, de
s'en tenir aux traites aduels donc on feroit
l'objet de leurs études , de les examiner
fur cela feul , & le livre à la main^ians
Rr 2
3i6 E T U
chercher des difficultés éloignées non con- '
tenues dans l'ouvrage dont il s'agit. Q_ae
ces traités fulTent bien complets & bien tra-
vaillés, comme on le fappofe , ils conticn-
droient tout ce que l'on peut fouhaiter (ur
chaque matière ; & c'eft pourquoi un élevé
poflédant bien Ton livre , & répondant déf-
ias pertinemment , devroit toujours être
cenfé capable, & comme tel admis fans
difficulté. , , . ,■ j
U règne fur cela un abus bien digne de
réfoime. Un examinateur à tort & à travers
propofe des queftions inutiles , des di-fficul-
tés de espace que l'étudiant n'a jamais
vues , & fur lefquelles on le mer aifément
en défaut. Ce qu'il y a de plus fâcheux en-
core & de pais affligeant , c'eft que les hom-
mes n'eftimant d'ordinaire que leurspropres
opinions , & traitant prefque tout le refte
d'ignorance ou d'abfurdité , l'examinateur
rapporte tout à fa manière de penfer , il en
fait en quelque forte un premier principe ,
ëc la commune mcfure de la dodrine & du
mérite. Malheur au répondant qui a fucé
des opinions contraires ; fouvent avec bien
àc l'étude &du talent il ne viendra pas à
bout de contenter fon juge. On fait^ que
Newton & Nicole s'étant piéfentés à l'exa-
men furent tous les deux refufés ; & cela
chacun dans un genre où il égaloit dès
lors ce qu'il y avoit de plus célèbre en
Europe, .
Il vaut donc mieux qu un diiciple ait la
tâche connue ôc déterminée ; & que rem-
pliiTant cette tâche , il puifTe être tranquille
& sûr du fuccès i avantage qu'on n'a pas à
préfcnt.
Quoi qu'il en foit , ceux qui dans Udu-
caticn propoféc quitteroient leurs éludes
vers l'âge de quatorze ans , ne fe trouve-
roient pas , comme aujourd'hui , dans un
vuidc affreux de toutes les connoillances
qui peuvent former d'utiles citoyens : ils
feroient dès lors au faît de l'écriture &c du
calcul , de la géographie , & de l'hiftoire ,
e.'c. A l'égard du litin , ils entendroient lut-
fifammcnt les auteurs claffiques ; &: les tra-
dudtions perpétuelles qu'ils auroient faites
de vive voix & par écrit, pendant bien
des années , leur auroient déjà donné du
ftyle &c du goût pour écrire en françois.
D'adleurs ils connoîtroicnt par une fré-
E T U
quente lc£l:ure nos hiftoriens & nos poètes {
& ils auroient même , pour U plupart, une
heureufe habitude de réflexion & de raifori-
nement , capable de leur donner une entrée
facile aux langues étrangères & aux fciences
les plus relevées. Ainfi quand ils n'auroicnc
pas beaucoup d'acquis pour la compoficion
latine , ils ne laifferoient pas d'en être au
point où doivent être des enfans deftinés à
des emplois difficiles : au lieu que dans
l'éducation préfente , fi l'on ne réuffit pas
dans les thèmes & les vers , on ne réuffic
dans rien ; & dès là , quelque génie qu'on
ait d'aii'eurs , on palTe le plus fouvent pour
un fujet inepte \ ce qui peut influer lur le
refte de la vie.
A l'égard de ceux qui fuivroient jufqu'au
bout le nouveau plan d'éducation , il eft
vifible qu'ils feroient de bonne heure au
point de capacité néceffaire pour être adm;s
enfuite parmi les gens polis & lettrés, puif-
qu'à l'âge de dix-fept ou dix-huit ans ils
auroient, outre les étymologies grecques ,
une profonde intelligence du latin , &: beau-
coup de facilité pour la compofition fraii-
çoife; ils auroient de plus l'écriture élégante
& l'arithmétique , la géométrie , le deffin ,
&c la philofophie : le tout joint à un grand
ufage de notre littérature. Les gens qui
brillent le plus de nos jours avoient-lls plus
d'acquis à pareil âge ? Combien d'illuftrcs
au contraire qui font parvenus plus tard à
ce néceffaire honnête & fuffifant , malgré
l'application conftanîe qu'ils ont donnée à
leurs études !
Quel peut donc enfin , 5c quel doit être
le but de la réforme propofée ? C'eft de
rendre facile & peu coûteufc , non-feule-
ment la littérature latine & françoife ,
mais encore pluheurs auties exercices au-
tant ou plus utiles, &C qu'il eft prcfquc
impoiTible de lier avec la pratique ordinairej
c'eft d'éviter aux p^rens la perte aftligeante
de ce que leur coûte une éducation man-
quée ; 6c c'eft enfin d'épargner aux enfans
les châtimens & le dégoût , qui font
prefque intéparables de l'inftitution vul-
gaire.
Du refte , je l'ai dit ci-devant, & je
crois pouvoir le répéter ici , l'éducation
doit être l'apprentilfage de ce qu'il faut
E T U
favoir & pratiquer dans le commerce de la 1
fociéié. Qu'on jugea préfent de l éducation
commune ; & qu'on nous dife li les enfans, !
au fortir du collège , ont les notions raifon- |
nablcs que doit avoir un homme inftruit
ic lettré. Qu'on fallc attention d'autre part
que des enfans amenés , comme on l'a dit ,
au point d'entendre aifémcnc Cicéron, Vir-
gile & Tribonicn , & de les traduire avec
luie lorte de goût , au point de polléder ,
par une lecture artidue , les auteurs qui ont
le mieux écrit en notre langue, &: de ma-
nier avec facilité le calcul , le deirui , l'écri-
ture ,&c. que ces enfans , dis-je , auroient
alors une aptitude générale à tous les em-
plois, ik qu'ils pourroient choilir par con-
Icqueut dans les diverles profcdions , ce qui
i'accordeioit le mieux à leurs intérêts ou à
leurs pcnchans.
Un autre avantage important , c'eft
qu'on épargneroïc par cette voie plu-
sieurs années à la jeunefle ; attendu que
les iujets, toutes chofes égaies, feroicnt
alors plus formés &: plus capables à quinze
& feize ans , qu'ils ne fauuroient l'être à
vingt par l'inftitution latine ufitée de nos
jours.
Je ne puis diflîmuler mon étonnement
de ce que tant d'acatlémies que nous avons
dans le royaume, au lieu d'examiner les
divers projets d'éducation , & d'txpoler
cniuite au public ce qu'il y a fur cela de
plus exact !k de plus vrai , lailTent à de
iimples particuliers le foin d'un pareil exa-
men , & ne prennent pas la moindre part
à une queitioa iutéraiie qui reflbrtit à leur
tribunal.
Ce fetoit ici le lieu d'entrer dans quelque
détail fur les inllrudtions & les études rela-
tives aux mœurs : mais cet article qui feroit
long , ne convient qu'à un traité complet
fur l'éducation i Se ce n'cft pas de quoi il
s'agit à preienc ; nous en pourrons dire
quelque choie dans la luite en parlant des
mccurs. Du refte , nous avons là-dcflus
un ouvrage de M. de Saint - Pierre que
je crois fort fjpérieur à tout ce qui s'eft
écrie dans le même genre ; il eft intitulé ,
Trajet pour perfeâionner l'éducation : je ne
puis mieux faire que d'y renvoyer les
îeûeurs. J'ajouterai feulement la citation
fuivante.
E T U 317
" Les légiflateurs de Laccdémone 6: de
.. la Chine , ont prelque été les feuls qui
» n'aient pas cru devoir fe repofer fur
1. l'ignorance des pères ou des maîtres ,
„ d'un foin qui leur a paru l'objet le plus
.) important du pouvoir légiil.itif. Ils ont
.. fixé dans leurs loix le plan d'une éduca-
" tion détaillée, qui put inltruire à fond les
» particuliers fur ce qui faifoit ici-bas leur
.) bonheur; & Us ont exécuté ce que , dans
.. la théorie même , on croit encore impof-
•) (ible, la formjtion d'un peuple philofo-
» phe. L'hiftoire ne nous permet point de
.) douter que ces deux états n'aient été très-
)) féconds en hommes vertueux. Théorie des
1) fentimens agréables , p. i^Z. >> Cet article
eji de M. Faigu ET , m titre de peiijion à
Paris. L'auteur de l'art. Collège ne peut ,
il l'ofe dire , que fe féliciter beaucoup de voir
tout ce qu'il a avancé , il y a trois ans, dans
ce dernier article , appuyé aujourd'hui fi
folidement & J'ans rejlnâion par les réjlexions
Ù l'expérience d'un homme de mérite , qui
s'occupe depuis long- temps Ù avec j'ucch de
l'inflruâion de la jeunijfe. V^oy. aufjl Classe ,
Éducation , l-'c.
Études militaires. On peut voir au
mot École militaire quelles doivent
être ces études. Nous ajouterons ici les
reflexions fuivantes , que M. Lebloni
nous a communiquées , & qu'il avoir déjà
données au public dans le mercure d'août
I7H-
Plan des différentes matières qu on doit
enfeigner dans une école de inathc.n.itique mi-
litaire. Une école de mathématique infti-
tuée pour un régiment ou pour de jeunes
officiers, doit avoir pour objet de les
Inllruire par règles & par principes des
parties de cette fcience nécellaires à l'art
militaire.
Elle doit différer, à bien des égards,
d'une école dcftinée à former de fimples
géomètres & des phyficiens. Dans celle-ci ,
le profelfdur doit travailler à mettre fes
élevés en état de s'élever aux fpéculations
les plus fublimes de la haute géométrie.
Dans celle-là , il faut qu'il fe borne aux
objets qui ont un rapport immédiat à la
Ccicnct militaire ; qu'il s'applique à les
rendre d'un accès facile aux jeunes offi-
ciers , & à faire enforce qu'Us puilTent rem-
3i8 E T U
pl'.r d;-ns le befoin , avec intelligence &
diftir.âion , les fondions d'ingénieur &
d'artilleur.
C'eft dans cet efpric que l'on a rédigé le
plan que l'on va expofer. Les diflérentes
matières qu'on y propofe d'enfeigner , ren-
ferment affez exactement les véritables élé-
mens de l'art de la guerre. On croit qu'il
efi: important de les fixer , parce qu'un
profcdcur , dont le goiit fe portcroit vers
des ob)tts plus brillans , mais moins utiles
aux militaires , pourroit s'y livrer tk négli-
ger les connoiflances dont ils ont le plus de
befoin. Cet inconvénient , auquel on ne
fait peut-être pas affez d'attention , eft
pourtant très-conlldérabîe ; & l'on ne peut
y remédier qu'en réglant l'ordre & la ma-
tière des leçons , relativement au but ou à
i'obiet de l'établillement de l'école,
Un plan de cette efpece , qui , outre le
détail des matieies que le profefTcur doit
cnfeigner , contiendroit encore Pénuméra-
tion des livres les plus propres à mettre
entre les mains des militaires , pour leur
faire acquérir les connoiffances dont ils ont
befoin fur chacune de ces matières , pour-
roit être d'une grande utilité. Les jeunes
gentilshommes répandus dans les provin-
ces , dans les régimens & dans les Ueux où
il n'y a point d'école de mathématique ,
pourroient , en étudiant fucceffivcment &
avec ordre les difFérens ouvrages indiqués
dans ce plan , fe former eux-mêmes dans
la fcience de la guerre & dans les parties
des mathématiques, dont elle exige la con-
roifTance,
On eft fort éloigné de creire que le plan
qu'on propofe , réponde entièrement à ces
vues : on le donne comme un ellai qu'on
pourra perfcftionner dans la luite , fi l'on
trouve qu'il puifle mériter quelque atten-
tion. On le foum.et aux obfervations & aux
réflexions des pcrfonnes également inftrui-
tesdc la géométrie & de l'art militaire, qui
voudront bien l'examiner. On l'a divifé en
dix articles , qu'on peut regarder comme
autant de claffes particulières,
article premier. Comme l'arithmétique
fcrt d'introdudtion à la géométrie & aux
autres parties des mathématiques, & qu'elle
eft cgalem.enr utile dans la vie c.vile Hz mi-
iitairc ^ on en donnera les premiers élé-
E T U
mens , c*eft-à-dire , les quatre premières
règles. On y ajoutera les principales appli-
cations qui peuvent f:rvirà en rendre l'ufa-
ge familier. On traitera aufTi de la règle de
trois ou de proportion.
On aura foin de faire entrer les com-
mençans dans l'elprit de ces diverfts opéra-
tions & de les leur faire démontrer , pour
qu'ils contractent l'IiabituJe de ne rien faire
par routine , ou fans en favoir l^raifon,
z. Après l'explication des premières
règles de l'arithmétique , en traitera de la
g?ométrie : & comme un traité trop étendu
pourroil lalîer aifément l'attention des jeu-
nes ofticiers , peu accoutumes aux travaux
qui demandent quelque contention d'cfprit,
on le bornera d'abord aux chofes les plus
faciles & les plus propres à les familiarifer
avec ce nouveau genre d'étude , & à les
mettre en état de pafler à la fortification.
L'abrégé de la géométrie de l'officier , ou
l'équivalent , peut fuffire pour remplir cet
objet,
5 .On commencera la fortificaticn par l'ex-
plication de fes règles & de fes principes :
on ne parlera d'abord que de la régulière.
L'on donnera tout ce qui appartient à l'en-
ceinte des places de guerre, & la conftruc-
tion de leurs diftérens dehors.
On aura foin de joindre aux plans des
ouvr.iges de la fortification , les coupes ou
profils , pris de difFérens fens , ptiur ne rien
omettre de tout ce qui peut contribuer à en
donner des idées précifes & cxaétes.
L'expl'cation fuivie de la troifieme édi-
tion du livre iutitulé : FJémens de fortifica-
tion , £v. depuis le commencement jufqu'au
chapitre ou à l'article «les fyftcmes de for-
tification cxclufivement, peut remplir l'ob-
jet qu'on propolc ici,
4. A la fuite de cette première partie de
la fortification , on donnera quelque tein-
ture du lavis des plans. Cette occupation ,
utile à plufieurs égards , peut rendre l'étude
de la fortification plus agréable & plus in-
térefiante; mais on aura foin de faire obfer-
ver aux jeunes ollîciers , que ce n'eftpomt
par des plans bien lavés que les perfonnes
inftruitcs jugent du mérite & de l'habileté
de ceux qui les préfentent , mais par des
E T U
fyplicatîons nettes 5c précifes fur la forme ,
l'emplacement , la coiiftriidlion , les ufipcs
& propriétés des dirt^reiis ouvrages marques
fur ces plans. C'eft pourquoi on les excitera
à s'occuper plus féncufcment de la théoiie
de la fortification que du lavis des plans ,
qu'on peut regarder comme une efpecc de
déladêment des autres émdcs qui deman-
dent plus d'attention,
;. Après les préliminaires de géométrie
& de for/ihcation , on reviendra à cette
première fcience, q'ie l'on lera en état alors
de traiter avec pUis d'étendue. On donnera
d'abord tout l'clfentiel des élémens , & en-
fuite la géométrie- pratique dans un grand
détail. On ne négligera nen pour mettre les
commençans en état d'exécuter toutes les
diftérentes opérations qui fe font fur le
terrain , foit pour le tracé des figures ,
foit pour lever des plans , des cartes ,
fiv.
La géométrie élémentaire & pratique de
M. Sauveur , que l'on vient d'imprimer ,
peut fervir à remplir ces dilFérens objets.
Les élémens de cet auteur , quoique très-
courts j contiennent néanmoins toutes les
principales propolîtions qui fervent de bafe
aux différences parties des mathématiques.
Il a fu réunir en em.ble le mérite de la clarté,
de la facilité & de la brièveté. A l'égard de
la géométrie pratique , on y trouve tous les
détails nécelfaires pour travailler lur le papier
& fur le terrain. Par ces différentes railons ,
on croit cet ouvrage très- propre à une école
de l'elpece dont il s'agit. Lorfou'il fera bien
entendu , on paflera aux méchaniques &c à
l'hydraulique.
6. On ne propofe -pas de donner des
traites bien éten^lus de ces deux matières;
il (virtua , pour la première , de fe borner
à l'cxpi cation Se aux ufïges des machines
fîirples & descompof'cs qui peuvent s'éten-
dre .iifément. A l'égard de l'hydraulique ,
on donnera les principes pour com.prendre
les effets des machines ordinaires mifes en
mouvement par l'aift'on des liquides & des
fluide^ ; tels font les moulins à eau, à vent,
les pompes, &c. On enQ;ignera auiîî à
mef'rer la dépcnf; des eaux jaiililfantes , la
quant'téque peuvent donner les courans,
lus rivières, à évaluer la force de leur adion
E T U 519
contre les obftades qu'on peut leur oppofcr.
C.V.
Il fera auffi très-convenable de donner
la théorie du mouvement des corps pcfans,
pour expliquer celle du fuiet des bombes ,
qu'un officier ne doit guère ignorer. L'abré-
gé de méchanique de M. Trabbaui a prefque
toute l'étendue nécelfaire pour remplir ces
différens objets. l! s'agira feulement d'en
appliquer les principes à la réfolution des
problêmes les plus propr-^s à en faire voir
l'utilité &: à en faciliter l'ufige & l'intelli-
gence. La première partie du nouvel ouvra-
ge du mêxTie auteur intitulé , h mouve-
ment des corps terrejîres confidéré dans les
machines, &c. peut fervir de fupplément ,
à cet égard , à fon abrégé de méchani-
que.
Si quelqu'un doutoit de l'utilité de ces
connoi (lances pour un officier , on lui ré-
pondroit qu'à la vérité elles (ont moins
ind'.fpenfables que la géométrie & les for-
tifications , mais que cependant il peut (c
trouver, & qu'il fe trouve en effet plufieurs
circonflances à la guerre , où l'on en
éprouve la néccffité. Il s'agira par exem-
ple de mouvoir des fardeaux très-pefans ,
de mettre du canon en batterie , de le rele-
ver loriqu'il eft tombé ou que fon affût tft
brifé , de le tranfporter dans des lieux éle-
vés par des pafiages diflSciles, où les mulets
& les chevaux ne peuvent être d'aucun
ufage , &c.
Pour l'hydraulique , elle peut fervir à
pratiquer des inondations aux environs
d'une place, d'un camp ou d'un retranche-
ment, pour les rendre moins acceflibles ; I
faigner des rivières , des ruiffeaux , à dé-
tourner leur cours , à donner aux ouvrages
qu'on oppofe à leur adrion les dimenfions
néceffaires pour qu'Us puident rélifter à leur
imprcfïîon , & enfin à beaucoup d'autres
chofes que l'ufage de l'art de la guerre peut
faire rencontrer fouvent.
Les parties des mathématiques qu'on
de traiter dans les articles précé-
dens , peuvent être regardées comme les
feules néceflaires dars une ccole compofée
d'officiers. Lorfqu'elles ferojit bien enten-
dues, il ne s'agira plus que d'en faire l'ap-
plication aux différentes branches de l'arc
propofe
320 ETU
militaire auxquelles elles fervent de fonde-
ment.
La fortification irréguliere ^ayant été
omife d'abord à caufe de fa difficulté ,^ on
y reviendra après les méchaniques & l'hy-
draulique.
On expliquera auparavant les différens
fyftêmes de fortification propofés par les
ingénieurs les plus célèbres. On en exami-
nera les avantages & les défauts , & l'on
fera entrer les commençans dans les vues
des inventeurs de ces fyftêmes. On tâchera
par là de les accoutumer à raifonner par
principes fur la fortification : c'eft prelque
le feul avantage qu'on puilfe tirer de iVrwa'e
de ces différentes conftru étions.
Pour la fortification irrégilliere , on la
traitera avec toute l'étendue qu'elle mérite
par fon importance : on expliquera fort en
détail fes règles générales & part'culieres ;
&c , pour les rendre plus fenlibles , on les
appliquera à diverfes enceintes auxquelles
on fuppofera les différentes irrégularités qui
peuvent fe rencontrer le plus ordinairement.
On examinera les fortifications de nos
meilleures places, pour faire voir la manière
dont ces règles s'y trouvent obfervées , &
pour faire juger de la pofition des dehors
dans les terrams irréguliers.
On ne peut guère indiquer de livres où
l'on trouve tous ces objets traites ou dJfcu-
tés comme il convicndroit qu'ils le fuflènt.
Mais l'on pourra s'en former des idées
affez exaétes , en joignant , fi l'on veut ,
zux élémens de fortification , dont on a déjà
parlé, \o. fortification (V'Ozanam , le premier
& le fécond volume des travaux de Mars ,
par Alain ManelTon Malet ; V architecture
militaire moderne , par Sébaftien Fernan-
dès de Ntedrano ; ce que dit M. Rozard
de la fortification irrégubere dans fon
traité de la nouvelle friification françoif ;
l'architeclure militaire , par le chevalier de
Saint-Julien ; le parfait ingénieur français ,
Sec.
On traitera aulTi de la fortification des
camps, de la conftruétion des Ugnes, &
des retranchemens , de celle des redoutes ,
fortins , &c. qu'on fait fouvent en cam-
pagne.
ETU
On fera tracer tous ces différens ouvrages
fur le terrain , &C l'on donnera la manière
d'en déterminer la grandeur relativement
aux ufages auxquels ils peuvent être dcftinés,
&c au nombre de troupes qu'ils doivent con-
tenir.
8. Comme la fcicnce de l'artillerie eft
une des plus effentieiles à l'art militaire , Sc
qu'elle influe également dans la guerre des
lièges & dans celle de campagne, on don-
nera un précis de tout ce qu'elle a de plus
intéreffant pour tous les officiers.
Les Mémoires d'artillerie de M. de Saint-
Remi font l'ouvrage le plus complet & le
plus étendu fur cette matière ; mais com-
me ils font remplis de beaucoup de détails
peu importans & peu nécedaires à la plu-
part des officiers, on fe comcntera de don-
ner un extrait de ce qu'ils contiennent de
plus généralement utile ; ou bien l'on .fe
fervira du premier volume des élémens dt la
guerre des fieges , qui traite des armes en
ufage dans les armées , depuis l'invention
• de la poudre à canon.
9. Après l'artillerie , on donnera tout ce
qui concerne le détail de l'attaque & de
la défenfe des places. On peut fe feiv'r pour
cet effet du fécond & du troiheme volume
desElémens de la guerre des fieges , que nous
venons de citer ; du traité de M. le maré-
chal de Vauban fur la même matière , & de
l'Ingénieur de campagne , par M. de Clairac.
On trouve dans ce dernier ouvrage beau-
coup de règles , d'obfervations , & d'exem-
les fur l'attaque & la défenfe des petits
lieux , comme bourgs , villages , châteaux,
ikc. qui peuvent être d'un grand ufage à
tous les officiers à qui l'attaque ou la détenlc
de ces fortes de portes eft ordinairement
confiée.
10. On traite aulTi de la caftramétation ;
on donnera les règles générales qui doivent
toujours s'obferverdans l'arrangement ou la
difpohtion des camps. On pourra fe fervir
pour cet effet de {' Ejfai fur la cafframéiatioi,
imprimé chez Jombert en 1748. On termi-
nera ce cours d'étude par un abrégé de tac-
tique , & un précis des ordonnances ou ré-
glemcns militaires.
On ne peut indiquer d'autre livre , pour
fervir de bafe aux leçons de tadique , que
l'Art de la guerre, par M. le maréchal de
Puyfegur,
E T U
Puyrégiir. Il eft vraifcmblaMe qu? Cftce
maciere ne fera p;s craicce d'abord d'une
manière aulFi parfaite qu'on pourroit !c
délirer , mais il eft très-importaiu Je l'ef-
faycr ; car en failant des efforts pour la
rendre intcrcll-mte , on pourra diff oler in-
frnfiblement les elprits à ce gciire d'étude ,
& parvenir à en donner le goût.
Lorfqu'il fe trouvera plulieurs régimens
dans un même lieu , les officiers de ces
régimens feront invif/s d'alTirter aux leçons
de ta<5hique, & ils pourront y communiquer
leurs réflexions ou leurs obfcrvacions fur
l'exécution des différentes évolutions Se
m uiœuvres enfeignées dans l'ouvr ige de
l'illuftre auteur que nous venons de citer.
C'eft un moyen très- propre à exciter l'ému-
lation des jeunes officiers ; à les engager à
réfléchir fur les opérations militaires , & à
en étudier les règles & les principes ; 8c ce
(ont ces dilférens avantages qui doivent
réiulter d'une école établie pour les former
dans la fcicnce de la guerre.
On pourra , dans le cours des leçons de
taétique , faire ulsge du Commentaire fur
Polybe , par M. le chevalier de Folard i
mais on choilîra les endroits où cet auteur
donne des préceptes fur les différentes ac-
tions des armées , & l'on ne le fuivra point
dans les digrelTions & les p.iragraphes moins
importans, qui fe trouvent dans fon ouvra-
ge , dont l'examen ou la dXcuiTaon dem an-
deroit trop de temps. Le prokffeur aura
(oin d'indiquer à ceux qui voudront s'occu-
per de cette matière , les autres livres dont
la ledure peut être la plus utile ; tels font
les Mémoires de Montécuculi , de M. de Fcu-
qu^eres ; /<' Parfait capitaine , par M. le duc
de Rohan ; les Réjlexions militaires , par
IVl. le marquis de Santa-Cruz ; \'Art de la
guerre, par Vautier , M. de Quincy ; \' Exer-
cice de l'infanterie , par M. Botté , &c,
A l'égard des réglemens militaires ,' on
fe fervira pour les expliquer , de l'abrégé
conienu dans la troiliemc édition du livre
mtitulé : Elémens de l'art militaire , par M.
d'Héricourt : on aura foin d'y ajouter les
ordonnances & les inftrudVions poftérieures
à cette édition. Cette matière eft extrême-
ment importante à tous les officiers , tant
pour connoïtre les droits attribués à leurs
différens grades , qne pour la régularité du
Tome XIII.
521
E T U
fervîce &: I obfervation de la police mili-
taire. (Q)
Étude , ( Jurif. ) c'eft ainfi qu'on ap-
pelle l'endroit où les clercs d'un procureur
ou un procureur même travaille , tient fes
facs & (es p ipiers. On dit , utie grande étude ,
une bonne étude , &cc.
Etude , terme' de Peinture. On a vu
jufqu'à préfenr que prefque tous les termes
employés diiis l'art de peinture , ont deux
fign'Hcations ; oc cela n'eft pas étonnant.
La langue d'une nation eft formée avant
que les arts y foienr arrivés à un certain
degré de perfe(fl:ion. Ceux qui les premiers
pratiquent ces arts , commencent par fe
fervir des mots dont la lignification eft
générale ; mais à rnefure que l'art fe per-
fectionne , il crée fa langue , & adapte à
des fignifications particulières une partie
des mots généraux ; tnhn il en invente.
C'eft alors que plus les arts font méchani-
ques , plus ils ont befoin de termes nou-
veaux , & plus ils en créent , parce que
leur ufige confîfte dans une plus grande
quantité d'idées qui leur font particulières.
L'arc poétique a peu de mots qui lui foienc
conficrés ; des idées générales peuvent
exprimer ce qui conftitue les ouvrages qu'il
produit. La feule partie de cet art qu'on
peut appeller méckanique , comprend la rne-
fure des vers , & les formes différentes
qu'on leur donne ; & celle-là feule aulTî a
des mors qui ne peuvent être en ufage que
pour elle , comme rime , fonnet , rondeau,
&c. La peinture en a davantage , parce
que la partie méchanique en eft plus éten-
due : cependant el'e tient encore tellement
aux idées univerfelles , qae le nombre des
mots qui lui font propres eft affez borné.
Peut-être pourroit - on mettre la mulique v
au troifieme rang , &c. mais pour ne
pas m'écarter de mon fujet , le mot étude ,
dans l'art don: il eft queftion , fignifie prer
miérement l'exercice^ raifoîiné de toutes les
parties de l'art } enluite il lignifie le réful-
tat de cet exercice des différentes parties de
la peinture ; c'eft-à-dire , qu'on appelle
études , les ellais que le peintre fait en
excrç int fon ^t.
Dans la première fignifîcation , ce mot
comprend tout ce qui conftitue l'art de I3
peinture. Il faut que l'artiftequi s'y dcftine,
S $
512 E T U
ou qui le profefle , ne néglige l'étude d'au-
cune de fes parties ; & l'on pourroit , au-
torifé par la fignification peu bornée de
ce feul mot , former un traité complet de
peinture ; mais le projet de cet ouvrage ,
& l'ordre plus commode qu'on y garde ,
s'y oppofent. Ainli je renvoie le ledleur ,
pour le détail des connoillances qui doivent
être un objet à'éiude pour les peintres , aux
articles de peinture répandus dans ce dic-
tionnaire : cependant pour que celui - ci
ne renvoie pas totalement vuides ceux
qui le conlulteront , je dirai ce que l'on
ne fauroit trop recommander à ceux qui
fe deftinent aux beaux-arts , & fur- tout à
la peinture.
La plus parflaite étude eft celle de la natu-
re : mais il faut qu'elle foit éclairée par de
fugcs avis , ou par les lumières d'une raifon
conféquente & réfléchie. La nature offre
dans le phyiîque Se dans le moral les beau-
tés (Si les défiiuts , les vertus & les vices. U
s'agit de fonder iur ce mélange des princi-
pes qui décident le choix qu'on doit faire;
& l'on doit s'attacher à les rendre fi folides,
qu'ils ne laiHent dans refpric de l'artifte
éclairé , & dans le cœur de l'homme ver-
tueux, aucune indécilion fur la route qu'ils
doivent tenir. Pour ce qui eft de la fécon-
de lignification du mot étude , il eft encore
général à certains égards; &c fi l'on appelle
ainfi tous les eftais que font les peintres
pour s'exercer , ils les diftinguent cepen-
dant par d'autres noms : par exemple, s'ils
s'exercent fur la figure entière , ils num-
iTient cet eftai académie ; ainfi le mot étude
eft employé aflez ordinairement pour les
parties diiféren.tes dcffinces ou peintes. On
oit : une étude de tête , de mr.itis , de pies , de
draperie , de payfage ; & l'on nomme efquijje
le projet d'un tableau , foit qu'il foit trncé ,
celïiné , ou peint : on appelle ébauche ce
même projet dont l'exécution n'eftque com-
mencée , & généralement tout ouvrage de
peinture qui n'eft pas achevé. Cet article eft
lie M. JVateiet.
ÉTUDIANS FN Droit , ( Jurifprud. )
font ceux qui prennent les leçons d'un
proftlfeur , fur le droit civil & le cano-
nique , ou fur l'un de ces deux droits feu-
lement.
Voye[ hcoLES de droit , & aux mots
E T U
Bachelier. , Docteur en droit , Droit ,
Faculté de droit , Licencié, Profes-
seur EN droit. {A)
ETUI , f. m. efpece de boîte qui fert à
mettre , à porter , &c à conferver quelque
chofe. Il y a de grands étuis pour les cha-
peaux , les uns de bois & les autres de carton.
Les étuis à cure-dents , à aiguilles & à épin-
gles, font de petits cylindres , creufés en
dedans , avec un couvercle , dans lefquels
onenferme ces petits uftenfiles de propreté
ou de couture.
Il s'en fait d'or , d'argent , ou piqués de
clous de ces deux métaux : & d'autres enco-
re de bois , d'yvoire , ou de carton couvert
de cuir.
Les différentes efpeces à'étuis font en fi
grand nombre , qu'il feroit impolTible de les
décrire toutes.
ÉTUVE , f f. en Architecture , c'eft la
pièce de l'appartement du bain échauffée
par des poêles. Les anciens appelloient
hypocau/î^'s , les fourneaux fouterrains qui
fervoient à échauffer leurs bains, f^'oyc^
Bains.
Palladio parle de la coutume que les
anciens avoient d'échauffer leurs apparte-
mens par des tuyaux non apperçus , qui
partant d'un m.ême foyer , palloient à tra-
vers des murs , & portoient la chaleur dans
les différentes pièces d'un bâtiment : on ne
fait trop fi c'étoit un ulage ordinaire chez
eux, ou feulement une curiofité; mais quel-
ques auteurs prétendent que cette manière
de pratiquer les étuves étoit bien au-deffus
de celle d'Allemagne, pour le piofitiS: pour
l'ufage. ( P )
Etuve d'office , voye^ Office. ( P)
Étuve , ( Chapelier. ) lieu fermé que
l'on échauffe afin d'y faire fécher quelque
cliofe.
Les chapeliers font f.-cher leurs cha-
peaux dans des étuves , à deux reptiles
différentes ; favo'r, la première fois , après
qu ils ont été drcifés & mis en forme en
fortant de la foulerie ; & la féconde , après
qu'ils les ont tirés de la teinture, f^oyei
Chapeau.
Étuve, ct Confifirie , eft un uftenfile
en forme de petit cabinet , où il y a ,
par étage , diveifcs tablettes de même fil
E T U
d'archal, pour foiitenir ce qu'on y veut faire
fécher.
ÉruVE , en lerm: de Raffinerie enfucre,
eft une pièce de fonce de trois pics de long
fur deux de large , vuide lur une furface
& par un bouc : on la rcnverfe , ce bouc
fans bords tourne du côté de la cheminée.
Elle elt fcel'ée fur des grillons ou (upporcs
de fer , au-deOiis des grillons où l'on faic
le feu. U y a plufieurs de ces étuves dans
une raffinerie , diftinces à communiquer
de la chaleur dans les greniers où elle eft
nécellaire. Celle qui fert à échauffer Véiuve
où l'on flic lécher les pains, efl: couverte
de plufieurs lits de tôle, pour rallentir la
chaleur qoi fcroic exceiTive , feulement aux
environs du foyer. F. Sucre & Raffi-
nerie.
Étuve , s'entend encore , en terme de
Raffinerie de Jucre , de l'endroit où l'on
mec écuver le fucre en pains j c'ell une
cfpece de chambre à peu près qiiarrée , où
il y a des fohves d'étage en étag<; , à deux
pies l'une de l'autre. Ces folives font cou-
vertes de lattes attachées par les deux
bouts à la diftance environ de quatre pou-
ces : il n'y a que celles du milieu qui ne
tiennent point fur les folives , parce qu'il
eft plus flicile d'arranger les pains dans les
coins de Vétuve. A mekire que l'on emplie
les écages , on place , en venant des deux
côtés , au milieu , oii l'on laide un cfpace
vuide de fepc à huit pouces , qui fert à laire
monter la chaleur jufqu'au haut de Vétuve,
afin que les pains foienc tous étuvés dans
le même temps. Il faut faire un feu cou-
jours égal. Si dans les premiers jours on en
faifoit , il feroit à craindre que l'eau du
pain ne combâc dans la pâte ; ce qui le
feroic fouler , & donneroic beaucoup de
peine à refaire : fi on en faic trop , une
grande quantité de pains rougironc au lieu
de Islanchir.
ÉTUVEE , f f. en terme de Cuijîne ,
eft le nom qu'on donne à une forte de
préparation de poiiîon , que l'on faic cuire
dans de bon vin , avec oignons , cham-
pignons & épices ; le cour enfemble fur
un grand feu dont on fait monter la flamme
dans la cafîerole poilîonniere , ou autre
uftenfile donc on fe fert pour lors, afin
de brûler le vin.
E T U 525
ETUVER , en terme de Cirier, c'eft met-
tre dans un lit des cierges nouvellement
jetés , afin de concentrer la chaleur &c de
la réduire au degré néceffaire , pour rece-
voir les imprelTions qu'il faut donner à la
cire.
E T Y
ÉTYMOLOGIE , f f ( lit. ) c'eft l'o-
rigine d'un mot. Le mot dont vient un
autre mot s'appelle primitif, Se celui qui
vient du primitif s'appelle dérivé. On donne
quelquefois au primitif même le nom d'e-
tymologie; ainlî l'on dit que parer eft l'e-
tymologie de père.
Les mots n'ont point avec ce qu'ils
expriment un rapport néceffaire ; ce n'eft
pas même en vertu d'une convention for-
melle & fixée invariablement entre les
hommes , que certains fons réveillent dans
notre efprit certaines idéeî. Cette liaifoii
cit l'effet d'une habitude formée dans l'en-
fance à force d'entendre répéter les mêmes
ions dans des circonftances à peu près
femblables : elle s'établit dans l'clprit des
peuples , fans qu'ils y penfent ; elle peut
s'efïàcer par l'effet d'une autre habitude
qui fc formera aufli lourdement & par les
mêmes moyens. Les circonllances dont la
répétition a déterminé dans l'efprit de
chaque individu le lens d'un mot, ne
font jamais exademenc les mêmes pour
deux hommes , elles font encore plus diffé-
rentes pour deux générations. Ainliàcon-
fidérer une langue indépendamment de fes
rapports avec les autres langues , elle a dans
elle-même un principe de variation. La
prononciation s'altère en pa(T;int des pè-
res aux cnfans ; les acceptions des termes
fe multiplient , fe remplacent les unes les
autres ; de nouvelles idées viennent ac-
croître les richelTes de l'efprit humain ■■, il
faut détourner la fignification primitive
des mots par des métaphores ; la fixer à
certains points de vue particuliers , par
des inflexions grammaticales ; réunir plu-
fieurs mots anciens , pour exprimer les
nouvelles combinailons d'idées. Ces fortes
de mots n'encrent pas toujours dans l'ufage
ordinaire : pour les comprendre , il eft
nécellaire de les analyfer , île remonver
Ss i
324 E T Y
des compofés ou dérives aux mots (împles
ou radicaux . & des acceprions métaphori-
ques au fens prim.iuf. Les Grecs qui ne con-
noilloienc guère que leur langue , & donc
la langue , par l'abondance de tes inflexions
grammaticales , & par fa facilité à com-
pofer des mots , fe prêcoit à tous les bcfoins
de leur génie , fe livrèrent de bonne heure
à ce genre de recherches , &c lui donnèrent
le nom d'étymo/ogie, c'eft-à-dire , connoif-
fance de vrai ftns des mots ; car STy^uoi'
Tt7? xs^sof fignihe le viai fens d'un mot ,
d'ê Tu/^of j vrai.
Lorique les Latins étudièrent leur langue,
à l'exemple des Grecs , ils s'apperçurent
bientôt qu'ils la dévoient preique toute
entière à ceux ci. Le travail ne le borna
plus à analyfer les mots d'une feule langue,
à remonter du dérivé à la racine , on ap-
prit à chercher les origines de fa langue
dans des langues plus anciennes , à décom-
pofer non plus les mots , mais les langues :
on les vit fe fuccéder(3<: fe mêler, comme
les peuples qui les parlent. Les recherches
s'étendirent dans un champimmenfe; mais
quoiqu'elles devindent fouvent indifférentes
pour la connoilTance du vrai fens des mots ,
on gaida l'ancien nom à'etymologie. Aujour-
d'hui les fa vans donnent ce nom à toutes
les recherches fur l'origine de mots ■■, Gc
c'eft dans ce fens que nous l'emploierons
dans cet article.
L'hilloire nous a tranfmis quclquesery/no-
logies , comme 'celles des noms des villes
ou des lieux auxquels les fondateurs ou les
navigateurs ont donné , loir leur propre
nom , fort quelque autre relatif aux cir-
conftances de la fondation ou de la dé-
couvcite. A la réferve du petit nombre
d'éiymo/o^ies de ce genre , qu'on peut
regarder comme certaines , & dont la cer-
titude purement teilimoniale liC dépend
F as des règles de l'art étymologique ,
origine d'un mot eft en général un fait
à deviner , un fait ignoré , auquel op
ne peut arriver que par des conjedtures ,
en partant de quelques faits connus. Le
mot eft donné ; il faut chercher dans l'im-
menfe variété de^ langues , les diftercns
mots dont il peut tirer fon origine. La
relTcmbLince du Ion, l'analogie du fens; j
Hiiftoire des peuples qui ont fucceilivcmciu ;
E T Y
occupé la même contrée , ou qui y ont
entretenu un grand commerce , font les
premières lueurs qu'on luit : on trouve
enfin un mot alTez lemblable à celui dont
on cherche Vétymologie. Ce n'eft encore
qu'une luppofition qui peut être vraie ou
taufle : pour s'afiurcr de la vérité , on
examine plus attentivement cette reirem-
blance ; on fuit les altérations graduelles
qui ont conduit fucceffivement du primitif
au dérivé ; on pelé le plus ou le moins
de facilité du changement de certaines
lettres en d'autres ; on difcute les rapports
entre les concepts de l'efprit & les analo-
gies délicates qui ont pu guider les hommes
dans l'application d'tui même 'Ion à des
idées très différentes ; on compare le mot
à toutes les circonftances de l'énigme :
fouvent il ne foutienc pas cette épreuve ,
5c on en cherche un autre ; quelquefois
C & c'eft la pierre de touche des éiymo-
logks , comme de toutes les vérités de
fait ) toutes les circonftances s'accordent
parfaitement avec la fuppofition qu'on a
faite ; l'accord de chacune en particulier
forme une probabilité , cette probabilité
augmente dans une progrclTîon rapide ,
à meiure qu il s'y joint de nouvelles vrai-
femblances ; & bientôt , par l'appui mu-
tuel que celles-ci fe prêtent , la fuppofi-
tion n'eft plus une , & acquiert la cer-
titude d'un fait. La force de chique vrai-
iemblance en particulier, &' leur réunion,
font donc l'unique principe de la certitude
des étymologies , comme de tout autre fait,
& le fondement de la diftinétion entre les
étymologies polTibles , probables , & cer-
taines. Il fuit de là que l'art étymologique
eft , comme tout art conjeâural , com-
pofe de deux patries , l'art de former les
conjeclures ou les luppolîtions , & i art
de les vérifier ; ou en d'autres termes
l'invention &i la cririquc : les lources de
la première, les règles de la féconde , (ont
la divilion naturelle de cet article ; car
nous n'y compren'hons point les recher-
ches qu'on peut faire fur les caufes pri-
mitives de l'inftitution des mots , fur l'o-
rigine & les progrès du langage , fur les
rapports des mjts avec l'org.ine qui les
prononce , & les idées qu'ils expriment.
La coruioiflince philo.'ophique des langues
E T Y
cft une fcience crcs-vafte , une mine riche
de vérités nouvelles £c intcrellantcs. Les
étymv'o^iesnc font que des faics parriculitrs
fur iefquels elle appuie quelquefois des
principes généraux ; ceux-ci , à la vérité ,
rendent à leur tour la recherche des èty-
mol>gies plus facile & plus sûre ; mais fi
cet article devoit renfermer tput ce qui
peut fouiiiir aux étymologiftes des con-
jectures ou des moyens de les vériher ,
il faudroit qu'il traitât de toutes les fciences.
Nous renvoyons donc fur ces matières
aux ariL:ks GRAMMAIRE , Interjec-
tion , Langue, Analogue, Mé-
lange, Origine f* Analyse des
Langues, Métaphore, Onoma-
topée , Orthographe , Signe , ùc.
Nous ajouterons leulement , fur l'utilité
des recherches étymologiques , quelques
réflexions propres à délabufer du mc^,n-is
que quelques perlonnes aftcdlcnc pour ce
genre d'étude.
Sources des conjeâures étymologiques. En
matière d'éiymologic , comme en toute au-
tre matière , l'invention n'a point de règles
bien déterminées. Dans les recherches où
les objets (e préfentent à nous , où il ne
faut que regarder & voir , dans celles aulli
qu'on peut loumettre à la rigueur des dé-
n.onftrations , il eft poifible de prelcriie à
l'cl prit une marche invariable qui le mené
furement à la vérité : mais toutes les fois
qu'on ne s'en tient pas à obferver iiniple-
mcnt ou à déduire des conféquences de
pnncipes connus , il faut deviner; c'eft à-
dire , qu'il faut, dans le champ imraenfe
des fuppoficions poflîbles , en faifir une
au hafard , puis une féconde , 5c plufieurs
lucceffivement , jufqu'à ce qu'on ait ren-
contré l'unique vraie. C eft ce qui feroic
impolTïble , ii la gradation qui fe trouve
dans la liaifon de tous les êtres , & la loi
de continuité génfraiemenr oblervce dans
la nature , n'étabhlloient entre certains
faits , & un certain ordre d'autres faits
propres à leur (èrvir de caufes , une efpece
de voifinage qui diminue beaucoup l'em-
barras du choix , en préfcntanc à l'efprit
une étendue moins vague, & en le rame-
nant d'abord du porfible au \ raifemblable ;
l'analogie lui trace des routes où il marche
d'an pas plus sur : des caufes déjà connues
ETY 3:5
indiquent des caufes femblables pour des
ertets lemblables. Ainlî une mémoire vade
& remplie , autant qu'il eft poifible , de
toutes les connoilTànccs relatives à l'objet
dont on s'occupe , un efprit exercé à ob-
lerver dans tous les changemens qui le
frappent , l'enchaînement des ertets & des
caufes , & à en tirer des analogies ; fur-
tout l'habitude de le Uvrcr à la médita-
tion , ou , pour mieux dire peur-être , à
cette rêverie nonchalante dans laquelle
l'amc lemble renoncer au droit d'appellcr
(es penlécs , pour les voir en quelque forte
paflcr toutes devant elle , & pour contem-
pler , dans ceite confufion apparente , une
foule de tableaux & d'alfeinblages inatten-
dus , produits par la fludluation rapide des
idées , que des liens auffi imperceptibles
que multipliés amènent à la fuite les unes
des autres ; voilà , non les règles de l'in-
vention , mais les difpofitions néceffaires à
quiconque veut inventer , dans quelque
genre que ce foit ; & nous n'avons plus ici
qu'à en faire l'application aux recherches
étymologiques , en indiquant les rapports
les plus frappans , Se les principales analo-
gies qui peuvent fervir de fondement à des
conjeélures vraifemblables.
i"^. Il eft naturel de ne pas chercher
d'abord loin de (oi ce qu'on peut trouver
fous la main. L'examen attentif du mot
même dont on cherche Vcij.-nolo^ic , & de
tout ce qu'il emprunte , fi j'oie ainli parler,
de l'analogie propre de fa langue , eft donc
le premier pas à faire. Si c'eit un dérivé ,
il faut le rappeller à fa racine , en le dé-
pouillant de cet appareil de terminaifons ôc
d'inflexions grammaticales qui le déguifent;
li c'eft un compolé , il faut en féparer les
différentes parties : ainfi la connoillance
profonde de la langue donc on veucéclair-
cir les origines, de fa grammaire, de fou
analogie, eft le préliminaire le plus indif-
peniable pour cette étude.
i°. Souvent le réfultac de cette décom-
pofition le termine à des mots abfolurnenc
hors d'ufage ; il ne faut pas perdre , pour
cela, l'elpérance de les éclaircir , fans re-
courir à une langue étrangère : la langue
même dont on s'occupe s'eft altérée avec
le temps ; l'étude des révolutions qu'elle a
effuyées lera voir dans les monumciis des
326 E T Y
fiecles pafTés ces mêmes mots dont l'ufage
s'eft perdu , & dont on a confeivé les dé-
rivés ; la lefture des anciennes chartes &c
des vieux glollaires en découvrira beau-
coup ; les dialedes ou patois ufités dans les
difterentes provinces , qui n'ont pas fubi
autant de variations que la langue polie ,
ou qui du moins n'ont pas fubi les mêmes ,
en contiennent aulTî un grand nombre :
c'eft là qu'il faut chercher.
3'^. Qiielquefois les changemens arrivés
dans la prononciation effacent dans les dé-
rivés prelque tous les vertiges de fa racine.
L'étude de l'ancien langage &: des dialec-
tes , fournira auffi des exemples des varia-
tions les plus communes de la prononcia-
tion ; & ces exemples autonferont à fup-
pofer des variations pareilles dans d'autres
cas. L'orthographe , qui fe conferve lorf-
que la prononciation change , devient un
témoin ailtz fur de l'ancien état de la lan-
gue , & indique aux étymologirtes la filia-
tion des mots , lorfque la prononciation la
leur déguife.
4°. Le problême devient plus compliqué,
lorfque les variations dans le (ens concou-
rent avec les changemens de la prononcia-
tion. Toutes fortes de tropes & de méta-
phores détournent la figtiification des mots ;
le fens figuré iait oublier peu à peu le fens
propre , & devient quelquefois à fon tour
le fondement d'une nouvelle figure ; enforte
qu'à la longue le mot ne conlerve plus
aucun rapport avec (a première figtiifica-
tion. Pour retrouver la trace de ces chan-
gemens entés les uns fur les autres , il
faut connoître les fondcmens les plus ordi-
naires des tropes & des métaphores ; il
faut étudier les diiTérents points de vue
fous lefquels les hommes ont enviQgé les
différents objets , les rapports , les analo-
gies entre les idées , qui rendent les figu-
res plus naturelles ou plus juftes. En gé-
néral , l'exemple du préfent cft ce qui peut
le mieux diriger nos con'jetlures lur le
pafle : les métaphores que produifent à
chaque initant fous nos yeux les enfans ,
les gens groiïîers , Se rp.ême les gens d'ef-
prit , ont du fc préfenter à nos pères ; car
le befoin donne de l'efpric à tout le monde :
or une grande partie de ces métaphores,
devenues habituelles dans nos langues ,
E T Y
font l'ouvrage du befoin où les hommes
fe font trouvés de faire connoître les idées
intelleduelles & morales , en fe fervant
des noms des objets fenfibles : c'eft par
cette railbn , & parce que la néceirité n'eft
pas délicate , que le peu de jurtelfe des mé-
taphores n'autorifc pas toujours à les re-
jeter des conjeétures éiymologiques. Il y a
des exemples de ces fens détournés , très-
^ifaires en apparence , & qui font indubi-
tables.
j°. Il n'y a aucune langue dans l'état
aéluel des chofes qui ne foit formée du
mélange ou de l'altération de langues plus
anciennes , dans leiquellcs on doit retrou-
ver une grande partie des racines de la
langue nouvelle : lorlqu'on a pouffé audî
loin qu'il ert poiTible , fans fortir de celle-
ci , la décompofition & la filiation des
mots , c'eft à ces langues étrangères qu'il
faut recourir. Lorfqu'on fiit les principales
langues des peuples voifins , ou qui ont
occupé autrefois le même pays , on n'a
pas de peine à découvrir quelles lont celles
d'oii dérive immédiatement une langue
donnée , parce qu'il cft impolTîble qu'il ne
s'y trouve une très - grande quantité de
mots communs à celle-ci , & Ci peu dégui-
fés que la dérivation n'en peut être con-
teftéc : c'eft ainfi qu'il n'eft pas ncceffaire
d'être verfé dans l'art étymologique , pour
favoir que le françois «^ les autres langues
modernes du midi de l'Europe fe font for-
mées par la corruption du latin mêlé avec
le langage des nations qui ont détruit l'em-
pire romain. Cette connoiffance grolTîere ,
où mené la connoiftànce purement hiftori-
que des invalions fucceiïives du pays, par
differens peuples , indiquent fuffifamment
aux étymologiftcs dans quelles langues ils
doivent chercher les origines de celle qu'ils
étudient.
6". Lorfqu'on veut tirer les mots d'une
langue moderne , d'une ancienne , les mots
françois , par exemple , du latin , il cft
très-bon d'étudier cette langue, non feule-
ment dans fa pureté Se dans les ouvrages
des bons auteurs , mais encore dans les
tours les plus corrompus , dans le langigc
du plus bas peuple & des provinces. Les
peifonnes éle-- ces avec foin (Se inftruitcs de
la pureté du langage , s'attachent ordinai-
E T Y
rement à parler chaque langue , fans la
mêler avec d'autres : c'eft le peuple grof-
iicr qui a le plus contribué à la formation
des nouveaux langages ; c'eft lui qui ne
parlant que pour le bcfoin de fe faire en-
tendre , néglige toutes les loix de l'analo-
gie , ne fe retufe à l'ufagc d'aucun mot ,
lous prétexte qu'il eft étranger , dès que
l'habitude le lui a rendu familier ; c'eft de
lui que le nouvel habitant eft forcé, par les
nécelTltés de la vie & du commerce , d'a-
dopter un plus grand nombre de mots ;
entin c'eft toujours par le bas peuple que
commence ce langage mitoyen qui s'établit
nécedairement entre deux nations rappro-
chées , par un commerce quelconque ,
parce que de part & d'autre , perfoniie ne
voulant le donner la peine d'apprendre
une langue étrangère , chacun de Ion côté
en adopte un peu , îk cède un peu de la
fienne.
7°. Lorfque de cette langue primitive
plufieurs fe font formées à la fois dans
dirtercns pays , l'étude de ces différentes
langues, de leurs dialeûes, des variations
qu'elles ont éprouvées , la comparaifon de
la manière différente dont elles ont altéré les
mêmes inflexions , ou les mêmes fons de
la langue mère , en fe les rendant propres ;
celle des direftions oppofées , fi j'oie
ainfi parler , fuivant lefquelles elles ont
détourné le fens des mêmes exprcffions ;
la luitc de cette comparaifon , dans tout
le cours de leur progrès , & dans leurs
différentes époques , lerviront beaucoup à
donner des vues pour les origines de cha-
cune d'entre elles : ainfi l'italien & le
gafcon qui viennent du latin , comme le
François , prcfentent fouvent le mot inter-
médiaire entre un mot françois & un mot
latin , dont le palTage eut paru trop brufque
Si trop peu vraifemblable , fi on eût voulu
tirer immédiatement l'un de l'autre , foit
qjc le mot ne foit effe6tivement devenu
françois que parce qu'il a été emprunté
de l'italien ou du gafcon , ce qui eft très-
frcqiient , foit qu'autrefois ces trois langues
aient été moins différentes qu'elles ne le font
aujourd'hui.
8°. ÇVaand plufieurs langues ont été
parlées dans le même pays & dans le même
temps , les tradudions réciproques de l'une
E T Y 327
à l'autre fournidènt aux étymologiftcs une
foule de conjeétures précieufes. Ainfi pen-
dant que notre langue Se les autres langues
modernes fe formoient , tous les aélcs
s'ccrivoicnt en latin ; & dans ceux qui
ont été confervés , le mot latin nous in-
dique très-fouvent l'origine du mot fran-
çois , que les altérations fuccefïîves de la
prononciation nous auroient dérobée ;
c'eft cette voie qui nous a appris que
inéiicr vient de minijîeriutn ; marguillier ,
de mjtricularius , ôcc. Le diétionnairc de
Ménage eft rempli de ces fortes d'erj/no-
/ogics , & le gloftaire de Ducange en eft
une lource inépuifable. Ces mêmes tra-
duétions ont l'avantage de nous procurer
des exemples conftatés d'altérations très-
confidérables dans la prononciation des
mots, & de différences tres-fingulieres entre
le dérivé & le primitif, qui font fur-touc
très fréquentes dans les noms clés laints j
& ces exemples peuvent autorifer à former
des conjediures auxquelles , fans eux , on
n'auroit ofé fe livrer. M. Freret a fait
ufage de ces tradudions d'une langue à
une autre , dans (H diffcrtation fur le mot
cuiiiim , où , pour prouver que cette ter-
miaalfon celtique lignihe une ville , &c non
pas Uiie montagne , il allègue que les Bre-
tons du pays de Galles ont traduit ce mot
dans le nom de plufieurs villes , par le mot
de cr.l'r , & les Saxons par le mot de
biirgh , qui lignifient inconteftablemeift
ville : il cite en particulier la ville de Dum-
harton , en gallois , Caërbriton ; &C celle
à! Edimbourg , appellée par les anciens Bre-
tons Dun-eden , & par les Gallois d'aujour-
d'hui Caër-eden.
9°. Indépendamment de ce que chaque
langue tient de celles qui ont concouru à fa
première formation , il n'en eft aucune qui
n'acquière journellement des mots nou-
veaux , qu'elle emprunte de Tes voifins Se
de tous les peuples avec lefquels elle a quel-
que commerce, C'eft fur-tout lorfqu'une
nation reçoit d'une autre quelque connoif-
fance ou quelque art nouveau , qu'elle en
adopte en même temps les termes. Le nom
de boujfole nous eft venu des Italiens , avec
l'ufage de cet inftrument. Un grand nom-
bre de termes de l'art de la Verrerie font
italiens , parce que cet art nous eft venu
328 E T Y
de Venife. La minéralogie eft pleine de
mots allemands. Les Grecs ayant été les
premiers inventeurs des arts & des fciences ,
& le refte de l'Europe les ayant reçus
d'eux , c'ell à cette caufe qu'on doit rap-
porter l'ufsge gsnéral parmi toutes les
nations européennes , de donner des norns
^recs à prc'que tous les objets fcientilî-
ques. Un étymologifte doit donc encore
connoîtrc cette l'ource , & diriger les con-
jectures d'après toutes ces obicrvations ,
& d'apiès l'hiftoire de chaque art en par-
ticulier.
1 0°. Tous les peuples de la terre Ce font
mêlés en tant de manières diftérentes , &
le mélange des langues ell une luite (i né-
ceflaire du mélange des peuples , qu'il cft
impoffible de limiter le champ ouvert aux
conjedlures des écymologiftes. Par exem-
ple , on vaudra , du petit nombre de lan-
gues doi^une langue s'efl: formée immé-
diatement , remonter à des langues plus
anciennes ; fouvent même quelques-unes
de ces langues fe font totalement perdues ;
le celtique , dont notre langue françoife
a pris pluficurs racines, ell dans ce cas;
on en r.i.lfemblera les veftiges épars dans
l'irlandois , le gallois, le bas-breton , dans
les incicns iioms des lieux de la Gaule , t:>c.
le faxon , le gothique , & les diftércns dia-
leûes anciens & modernes de la langue
germanique , nous rendront en partie la
Iftnguc des Francs. On examinera foigneu-
fement ce qui s'eft confervé de la langue
des premiers maîires du pays , dans quel-
ques cantons particuliers , comme la baife
Bretagne , la Bifcaye , l'Epire , dont l'â-
preté du fol & la bravoure des habitans
ont écarté les conquérans porcer'.cuis.
L'hiftoire indiquera les invaiions faites
dans les temps les plus reculés , les colonies
établies fur les cotes par les étrangers , les
d;fférentes nations que le commerce ou la
nécefïiie de chercher un afyle , a conduits
fucceiVivemenr dans une contrée. On lait
que le commerce des Phéniciens s'eft éten-
du fur toutes les côtes de la Méditerranée ,
dans un temps où les autres peuples étoient
encore b^irbares ; qu'ils y ont établi un
très- grand nombre de colonies; que Car-
thage , une de ces colonies , a dominé fur
une partie de l'Afj:i<jue , ôc s'eft fournis
E T Y
I presque toute l'Efpagne méridionale. On
peut donc chercher d:ins le phénicien ou
i'hebreu un grand nombre de mots grecs,
latins , efpagnols , 6c. On pourra , par la
même raifon , fappofer que les Phoc;ens
établis à Marfeille , ont porté dans la Gaule
méridionale plufieurs mots grecs. Au dé-
faut même de l'hiftoire , on peut quelque-
fois f 'nder fes fiippodtions fur les mélan-
ges de peuples plus anciens que les hiftoires
mêmes. Les courfcs connues des Goths &
des autres nations fcptentrienales d'un
bout de l'Europe "à l'autre ; celles des
Giulois (S: des Cim.mériens dans des ikcles
plus cloigp.és : celles des Scythes en Alie ,
donnent droit de (oupçonner des migra-
tions femblables , dont les dates trop recu-
lées feront reftées inconnues , p.^rce qu'il
n'y avoir point alors de nations policées
pour en conferver la mém.oire , & par con-
féquent le mélange de toutes les nations
de l'Europe & de leurs langues , qui a dii
en réfuker. Ce foupçon , tout vague qu'il
eft 5 peut être confirmé par des étymolo^ies
qui en luppoferont la réalité , Il d'ailleurs
elles portent avec elles un caradtere mar-
qué de vraifemblance -, & dès- lors on fera
autorité à recourir encore à des fuppod-
tions femblables , pour trouver d'autres
écymologies. À' [jiiKytiv , traite le lait , com-
pofé de l'a privatif & de la racine //sa , lait;
mulgeo &c mulcee en latin , fe rapportent
manifeftement à la racine milk ou mulk ,
qui hgnifie lait dans toutes les langues du
Nord j cependant cette racine n'txiftc
(eule ni en grec ni en latin. Les mots
(lycm , fuéd. Jlar , ang. stfn'f , gr. Jle/L? ,
latin , ne font-ils pas évidemment la même
racine , ainfi que le mot w-iVit , la lune ,
d'où menfts en latin ; & les mots moon ,
ang. maan , dan. mond , allem. ? Des é.y-
>7wlogies fi bien vérifiées , m'indiquent des
rapports étonnans entre les langues pol es
des Grecs & des Romains , ^' les langues
grollicres des peuples du Nord. Je me prête-
rai donc , quoiqu'avec îéleive , aux étymo-
logies , d'ailleurs probables , qu'on for.dera
fur ces mélanges anciens des natioiiS , tk de
leurs langages.
II". La connoifTance générale des lan-
gues , dont on peut tirer des fecours pour
cclaiicir les origines d'un^- langue donnée ,
montre
E T Y
montre plutôt aux ctymologiftes l'cfpace
où ils peuvent cteiidrc leurs conic6lures ,
qu'elle ne peut fervir à les diriger ; il faut
que ceux-ci tirent de l'examen du mot
même dont ils cherchent l'origine , des
circonftances ou des analogies fur le(quel-
les ils puilfent s'appuyer. Le fens ell le
premier guide qui fe préfente : l.i connoif-
iance détaillée de la chofe exprimée par
le mot , & de fes circonftances principa-
les , peut ouvrir des vues. Par exemple ,
û c'eft un lieu , fa fifuation fur une mon-
ngiie ou dans une vallée : fi c'eft une ri-
vière , fa rapidité , fa profondeur ; fi c'eft
un inftrument , fon ufage ou Ca forme ;
fi c'eft une couleur , le nom des objets
les plus communs , les plus vifibles aux-
quels elle appartient ; fi c'eft une qualité ,
une notion abftrairc , un être en un mot,
qui ne tombe pas fous Its fens , il faudra
éiuitier la manière dont les hommes lont
parvenus à s'en former l'idée , & quels
font les objets fenfibles dont ils ont pu
le fervir pour faire naître la même idée
dans l'efprit des autres hommes , par voie
de comparaifon ou autrement. La Théorie
philofophique de l'origine du langage Se
de fes progrès , des caufes de l'impofi-
tion primitive des noms , eft la lumière
la plus lùre qu'on pu (Te confulter ; elle
montre autant de {ources aux étymolo-
giftes , qu'elle établit de réiultats géné-
raux , & qu'elle décrit de pas de l'cfprit
humain dans l'invention des langues. Si
Ton vouloit entrer ici dans les détails ,
chaque objet fourniroit des indications
particulières qui dépendent de fa nature ,
de celui de nos fens par lequel il a été
connu 5 de la manière dont il a frappé les
hommes , <Sc de fes rapports avec les autres
objets , foit réels , foit imaginaires. Il eft
donc inutile de s'appefantir fur une ma-
tière qu'on pourroic à peine effleurer ;
Vartick Origine des Langues , auquel
nous renvoyons , ne pourra même renfer-
mer que les principes les plus généraux :
les détails & l'application ne peuveiit être
le fruit que d'un examen attentif de cha-
que objet en particulier. L'exemple des
éiymo'.ogies déjà connues , & l'analogie qui
en réfulte , font le fecours le plus général
dont on puifle s'aider dans cette forte de
Tome XIII.
E T Y 529
conjeftures , comme dans coûte' les autres ,
& nous en avons dcja parlé. Ce fera encore
une chofe très - utile de fc fuppofer foi-
même à la place de ceux qui ont eu à don-
ner des noms aux objets , pourvu qu'or»
fe mette bien à leur place , qu'on oublie de
bonne foi tout ce qu'ils ne dévoient pas
favoir , ou connoitrc par foi- même, avec
la difficulté , toutes les rtfTources & les
adrelfes du befoin : pour la vaincre l'on for-
mera des conjeilures vraifemblables fur les
idées qu'ont voulu exprimer les premiers
nomenclateurs , & l'on cherchera dans les
langues anciennes les mots qui répondent à
ces idées.
I i°. Je ne fais fi en matière de conjec-
tures étymologiques , les analogies fondées
fur la fignification des mots , font préféra-
bles à celles qui ne font tirées que du fon.
Le fon parok appartenir diredement à la
fubftance m.ême du mot ; mais la vérité
eft que l'un fins l'autre n'cft rien , &
qu'ainfi l'un & l'autre rapport doivent être
perpétuellement combinés dans toutes nos
recherches. Quoi qu'il en foit , non feu-
lement la reftemblance des fons , mais en-
core-des rapports plus ou moins éloignés,
fervent à guider lei étymologiftes du dérivé
à fon primitif. Duis ce genre rien peut-
être ne peut borner les indudions , &
tout peut leur ft-rvir de fondement , de-
puis la reffemblancc totale , qui , lorf-
qu'elle concourt avec le fens, établit l'iden-
tité des racines jusqu'aux refiemblances
les plus légères ; on peut ajouter , jufqu'aa.
caratbere particulier de certaines différen-
ces. Les fons fe diftingucnt en voyelles & ett
conformes , Se les voyelles font lueves ou lon-
gues. La reftemblance dans les fons fuffit
pour fuppofer des étymologics , fans aucun
égard à la quantité , qui varie (ouvcnt
dans la même langue d'une géiiération à
l'autre , ou d'une ville à une ville voifine :
il feroic fuperflu d'en citer des exemples.
Lors même que les fons ne font pas entiè-
rement les mêmes , fi les confonnes fe ref-
femblent , on n'aura pas beaucoup d'égard
à la diftérencc des voyelles ; efFecStivement
l'expérience nous prouve qu'elles font beau-
coup plus fujettes à varier que les confon-
nes : Ainfi les Anglois , en écrivant grâce
comme nous , prononcent gréce. Les grecs
Te
33» . ET Y
modernes prononcent ita &c epfilon , ce que
les anciens prononçoicnt ha ôc upfilon :
ce que les latins prononçoicnt^ ou , nous
le prononçons u. On ne s'ariète pas mê-
me lorfiu'il y a quelque différence entre
les confonnes , pourvu qu'il reftc entr'cl-
les quelqu'analogie & que les confonnes
correfpondantes dans le dérivé & dans le
primitif, fe forment par des mouvcmens
fembbbles des organes ; enforte que la
prononciation , en devenant plus forte ou
plus foible , puilTe changer aifément l'une
6c l'autre. D'après les obfcrvations faites
fur les changemens habituels de certaines
confonnes en d'autres , les grammairiens
les ont rangées par clalTcs , relatives aux
différens organes qui fervent à les for-
mer : ainfi \c p , \c b Hc Vin font rangés
dans la clalTe des lettres labiales , parce
qu'on les prononce avec les lèvres. ( J^oye^
au mot Lettres , quelques confidérations
fur le rapport des lettres avec les organes. )
Toutes les fois donc que le changement
ne fe fait que d'une confonne à une autre
confonne , l'altération du dérivé n'eft point
encore allez grande pour faire méconnoî-
tre le primitif. On étend même ce princi-
pe plus loin ; car il fuffit que le change-
ment d'une confonne en une autre (oit
prouvé par un grand nombre d'exemples ,
pour qu'on fe permette de le fuppofer ; 5c
véritablement on a toujours droit d'établir
une fuppofition dont les faits prouvent la
poffibilité.
1 5°. En même temps que la flicili té qu'ont
les lettres à fe transformer les unes dans
les autres , donnent aux étymologiftcs une
liberté illimitée de conjedlurer , fans égard
a la quantité proibdique des fyllabes , au
fon des voyelles , & prefque fans égard
aux confonnes même , il eft cependant
vrai que toutes ces chofes , fans en ex-
cepter la quantité , fervent quelquefois à
indiquer des conjeâures heureui'es. Une
fyllabe longue ( je prends exprès pour
exemple la quantité , parce que qui prouve
le plus prouve le moins ) : une fyllabe lon-
gue autorife fouvent à fuppofer la contrac-
rion de deux voyelles, & même le retran-
chement d'une confonne intermédiaire.
Je cherche Vétymologie tle pinu.^ ; 5c comme
la première fyllabe de pinus eft longue , je
E T Y
fuis porté à penfer qu'elle efl: formée des
deux premières du mot picinus , dérivé de
pix ; ôc qui (eroit effettivement le nom
du pin , fi on avoit voulu le dérinir par la
principale de fes productions. Je fais que
l'.r , le c , le g- , toutes les lettres guttu-
rales , fe retranchent fouvent en latin ,
lorfqu'elles font placées entre deux voyel-
les ; & qu'alors les deux fyllabes fe con-
fondent en une feule , qui re(\e longue :
maxilla , axilla , vexillum , texda , mala , ala,
vélum , tela.
14°. Ce n'eft pas que ces fyllabes con-
traélées & réduites à une feule fyllabe
longue , ne puiffent , en palïant dans une
autre langue , ou même par le fcul laps
de temps , devenir brèves ; auffi ces fortes
d'indudlions fur la quanrité des fyllabes ,
fur l'identité des voyelles , fur l'analogie
des conlonnes , ne peuvent guère être
d'ufage que lorfqu'il s'agit d'une dériva-
tion immédiate, Lorfque les degrés de fi-
liation fe multiplient, les degrés d'altéia-
tion fe multiplient aulTî à un tel point ,
que le mot n'eft fouvent plus reconnoif-
fable. En vain prétendroit - on exclure les
transformations de lettres en d'autres let-
tres trcs-éloignées. Il n'y a qu'à fuppofer
un plus grand nombre d'altérations inter-
médiaires, & deux lettres qui ne pouvoient
fe fubftituer immédiatement l'une à l'au-
tre , le rapprocheront par le moyen d'une
troiiieme. Qi-i'y a-t-il de plus éloigne qu'un
b &c une f? cependant le 3 a fouvent pris la
place de P/confonne ou du digamma éoli-
que. Le digamma éolique dans un très-
grand nombre de mots , adoptés par les la-
tins , a été fubftitué à l'cfprit rude des grecs ,
qui n'eft autre chofe que notre h , &C quel-
quefois même à l'elprit doux ; témoin
i e-iuifos , vefper , iTp , ver , &c. De fon coté
l'/a été fubftituéc dans beaucoup d'autres
mots latins , à l'cfprit rude des grecs ; u'fsp,
fuper, i^, fex, v( , fus , tkc, La même afpi-
ration a donc pu fe changer inlitféremment
en A & en /. Qii'on jette les yeux fur le
Vocabulaire hapologi.jue de l'abbé Châte-
lain , imprimé à la tête du Dicl/onr.aire de
Ménage , & l'on fc convaincra par les pro-
digieux changemens qu'ont fubi les noms
des fainrs depuis un petit nombre de fîe-
clcs , qu'il n'y a aucune étymo'ogk , quel-
E T Y
que bifarre qu'elle paroilfe , qu'on ne
pullFc JLirtificr par des exmples avérés;
& que par cecce voie on peut , au moyen
des variations inLcrmcdiaires , miuiplices
à volonté , démontrer la polîîbilité d'un
changement d'un Ion quelconque , en tout
autre fon donné. En ctlet , il y a peu de
dérivation aulTi étonnante au premier coup
d'œil , que celle de juur tirée de dies ; Sc
il y en a peu d'uulTÎ certaine. Qu'on ré-
iléchillc de plus que la variété des méta-
phores entées les unes fur les autres , a
produit des bifarreries peut-être plus gran-
des , & propres à iulLrier par conléquent
des étymulogtes aulîi éloignées par rapport
au fens , que les autres le lont par rap-
port au Ton. Il faut donc a^■ouer que tout
a pu fe changer en tout , & qu'on n'a
droit de regarder aucune fuppohtion éty-
mologique comme ahfolument impoiTIble.
Mais que faut-il conclure de-là î qu'on
peut le livrer avec tant de favans hommes
à l'arbitraire des conjectures , tk bâtir fur
des fondemens aulTi ruineux de vaftcs
fyftêmes d'érudition ; ou bien qu'on doit
regarder l'étude des étymologies comme un
jeu puérile , bon feulement pour amufer
des cnfans ? Il faut prendre un Julie milieu.
Il ell bien vrai qu'à mc(ure qu'on luit
l'origine des mots , en remont&nt de degré
en degré, les altérations fe multiplient , toit
dans la prononciation , foit dans les fons ,
parce que, excepté les feules inflexions
grammaticales , chaque pallage eft une alté-
ration dans l'un S<. dans l'autre ; par confé-
quent la liberté de conjetturer s'étend en
même raifon. Mais cette liberté , qu'eil-
elle î finon l'effet d'une incertitude qui
augmente toujours. Cela peut-il empêcher
qu'on ne puiile difcuter de plus près les
dérivations les plus immédiates , & même
quelques autres étymologies qui compenfent
par l'accumulation d'un plus grand nombre
de probabilités , la diftance plus grande
entre le primitif & le dérivé, & le peu de
rellcmblince entre l'un & l'autre , foit
dans le fens , foit dans la prononciation.
Il faut donc, non pas renoncer à rien favoir
dans ce genre , mais feulement le réloudre
à beaucoup ignorer. Il faut , puifqu'il y a '
dis étymologies certaines, d'autres lîmple-
ment probables , ^ quelques-unes évidenxT
ET Y 551
ment faufTes , étudier les caraAercs qui
diftingucnt les unes des autres ■ pour appren-
dre , linon à ne fe tromper jamais , du
moins à fe tromper rarement. Dans cette
vue nous allons propofer quelques règles
de critiques , d'après lefquelles on pourra
vérilier (es propres conje6lures & celles des
autres. Cette vérihcation cft la féconde
partie & le complément de l'art étymolo-
gique.
Principes de critiques pour apprécier la.
certitude des étymologies. La marche de la
critique cil l'inveife , à quelques égards »
de celle de l'invention : toute occupée de
créer , de multiplier les lyftêmes & les
hypothefes , celle-ci abandonne l'efprir à
tout fon eiïôr , & lui ouvre la fphere im-
menfe des polTibles ; celle là au contraire
ne paroit s'étudier qu'à détruire , à écarter
fuccelïivement la plus grande partie des
fuppofuions & des pollibilités -, à rétrécir
la carrière , à fermer preiquc toutes les
routes, & à les réduire , autant qu'il le
peut , au point unique de la certitude & de
la vérité. Ce n'efl: pas à dire pour cela qu'il
faille féparer dans le cours de nos recher-
ches ces deux opérations, comme nous les
avons léparéesici , pour ranger nos idées
lous un ordre plus facile : malgré leur
oppofition apparente , elles doivent tou-
jours marcher enicmble dans l'exercice de
la méditation ; & bien loin que la critique ,
en modérant fans ceffe l'ellnr de l'elprit ,
diminue fa fécondité , elle l'empêche au
contraire d'u'er fes forces , & de perdre
un temps utile à pourfuivre des chimères :
elle rapproche continuellement les fuppo-
fuions des faits ; elle analyfe les exemples ,
pour réduire les pollibilités & les analogies
trop générales qu'on en tire , à des in-
dudions particulières, & bornées à certai-
nes circonftances : elle balance les probabi-
lités & les rapports éloignés , par d *.t pro-
babilités plus grandes & des rapports plus
ptochains. Q_uand elle ne peut les oppoler
les uns aux autres , elle les apprécie ; où la
raifon de nier l.ii manque, elle établit la
raifon de douter. Enfin elle fe rend très-
didicile iar les caractères du vrai , au rifque
de le rejeter quelquefois , pour ne pas rif.
quer d'admettre le faux avec lui. Le fon-
dement de toute la critique eft un principe
.Te i
332 E T Y
bien fimple , que toute vt'r'té s'accorde
avec tout ce qui eft vrai ; & que récipro-
quement ce qui s'accorde avec toutes les
vérités , eft vrai : de-B il fuit qu'r.ne hy-
pothcle, imaginée pour expliquer un effet ,
en ell la véritable caufe , toutes les fois
qu'elle explique toutes les circonllances de
l'effet , dans quelque détail qu'on analyfe
ces circonftances , ôc qu'on développe les
corollaires de l'hypothele. On lent aifé-
ment que l'eiprit humain ne pouvant con-
noître qu'une très petite partie de la chaîne
qui lie tous les êtres , ne voyant de chaque
effet qu'un petit nombre de circonffarces
fiappantes , Se ne pouvant fuivre une hy-
pothefe que dans les conféquences les
moins éloignées, le principe ne peut jamais
recevoir cette application complétée & uni-
\erftllej qui nous donne: Oit une certittrdedu
même genre que celle des mathématiques.
Le hafard apu tellement combiner un certain
nombre de circonftances d'un effet , qu'elles
correlpondent parfaitement avec la luppo-
fition d'une cauie qui ne fera pourtant pas
la vraie. Ainli l'accord d'un certain nombre
de circonftances produit une piobabilité ,
toujours contrebalancée par la polïibilité
du contraire dans un certain rapport , &
l'objet de la critique eft de hxer ce rapport.
Il eft vrai que l'augmentation du nombre
des circonftances augmente la probabilité
de la caufe (uppofée , & diminue la pro-
babilité du halard contiaire , dans une
progrelïîon tellement rapide , qu'il ne faut
pas beaucoup de termes pour mettre l'ef
prit dans un repos auftî parfait que le pour-
roit faire la certitude mathématique elle-
même. Cela pofé , voyons ce que fait le
critique fur une conjeélure ou fur une
hypochefe donnée. D'abord il la compare
avec le fait conlidéré , autant qu'il eft
poffible , dans toutes fes circonftances , &
dans fes rapports avec d'autres faits. S'il
fe trouve une feule civconftance incom-
patible avec rhypothefe , comme il arrive
le plus (cuvent , l'examen eft fini : fi au
contraire la fuppolîtion répond à toutes
les circonftances , il iaut pcfer celles - ci
en particulier , difcuter le plus ou le moins
de facilité avec laquelle chacune fe prête-
loit à la fuppofition d'autres caules; eftimcr
ciiacime des y raifemblances qui en réfulLeut,
E T Y
& les compter , pour en former la proba-
bilité totale. La recherche des étymologies
a , comme toutes les autres , fes règles de
critique particulières , relatives à l'objet
dont elle s'occupe -, & fondées fur fa nature.
Plus on étudie chaque matière , plus on
voit que certaines claHes d'effets fe piêtent
plus ou moins à certaines claffès des caufes ;
il s'établit des obfervations générales , d'a-
près lelquelks on exclut tout d'un coup
certaines luppofitions , & l'on donne plus
ou moins de valeur à certaines probabili-
tés. Ces obfervations & ces règles peuvent
fans doute fe multiplier à l'infini ; il y en
auroit même de particulières à chaque lan-
gue & à chaque ordre de mots ; il feroit
impolîible de les renfermer toutes dans cet
article , & nous nous contenterons de quel-
ques principes d'une application générale ,
qui pourront mettre lur la voie : le bon
fens , la connoilfance de l'hiftoirc &C des
langues , indiqueront allez les différentes
règles relatives à chaque langue en par-
ticulier.
1°. Il faut rejeter toute e/j'772o/oo'/V, qu'on
ne rend vrailemblable qu'à force de lup-
pofitions multipliées. Toute fuppolîtion
enferme un degré d'incertitude , un rifqus
quelconque ; & la multiplicité de ces rifqucs
détruit route allurance railonnable. Si donc
on propofe une éiymologie dans laquelle le
primitif foit tellement éloigné du dérivé ,
foit pour le lens , foit pour le fon , qu'il
fiiille (uppofer entre l'un & l'autre plufieurs
changemens intermédiaires , la vérification
la plus lùre qu'on en puift'e faire fera l'exa-
men de chacun de ces changemens. L'e/y-
mo/ogie eft bonne , (i la chame de ces alté-
rations eft une luite de faits connus directe-
ment , ou prouvés par des induétions vrai-
femblables ; elle eft mauvaile , h l'intervalle
n'eft rempli que par un tifl'u de fuppofitions
gratuites.Ainfiquoique/owrIoitaulîî éloigné
de dies dans la prononciation , quûlfû/:a l'eft
à'equus; l'une de ces ctymolugies eft ridicule,
& l'autre eft certaine. Quelle en eft la
différence ? Il n'y a entre juur &C dies que
l'italien ^/o;-«o qui fe prononce dgiurtio , Sc
le latin diumui , tous mots connus & ulités ;
au lieu (\\it fnnacus, anacus , aquus, pour dire
cheval , n'ont jamais exiftéque dans l'imagi-
nation de Ménage. Cet auteur eft. un excm-
E T Y
pie frappant des abfurdités dans lefquelles 1
on tombe en adoptant fans choix ce que
fuggére la malheureufe facilité de fuppofer
tout ce qui efl: polTiblc : car il eft trcs-vrai
qu'il ne fait aucune fuppolition dont la
poiïibilité ne foit juftitîee par des exem-
ples. Mais nous avons prouve qu'en mul-
tipliant à volonté les altérations intermé-
diaires , foit dans le fon , foit dans la ligni-
fication , il elf aifé de dériver un mot quel-
conque de tout autre mot donné : c'eft
le moyen d'expliquer tout , & dès lors
de ne rien expliquer ; c'ell le moyen
aullî de juftifier tous les mépris de l'igno-
rance.
1°. Il y a des fuppofitions qu'il faut
rejeter , parce qu'elles n'expliquent rien ;
il y en a d'autres qu'on doit rejeter , parce
qu'elles expliquent trop. Une étymologie ,
tirée d'une langue étrangère, n'eft pas ad-
midîble, fiellerend raifon d'une terminaifon
propre à la langue du mot qu'on veut éclair-
cir ; toutes les vraifemblances dont on vou-
droit l'appuyer, ne prouveroient rien, parce
qu'elles prouveroienr trop : ainfi avant de
chercher l'origine d'un mot dans une langue
étrangère , il faut l'avoir décompofé , l'avoir
dépouillé de toutes fes inflexions grammati-
, cales, & réduit à fes élémens les plus lim-
ples. Rien n'eft plus ingénieux que la con-
jecture de Bochart fur le nom à'infula Bri-
tannica , qu'd dérive de l'hébreu Baratanac ,
pays de l'étain , & qu'il (uppofe avoir été
donné à cette ille par les marchands phéni-
ciens ou carthaginois,quiailoient y chercher
ce métal. Notre règle détruit cette étymolo-
gie : Britannicus eft un ad jediif dérivé , où
la grammaire latine ne connoît de radical
que le met britan. Il en eft de même de la
terminaifon celtique magum , que Bochart
fait encore venir de l'hébreu mohun , fans
confidérer qi'e la terminaifon um ou us
( car magus eft aulTi commun que magum )
eft évidem.ment une addition faite par les
Latins , pour déchner la racine celtique
mag. La plupart des étymologiftes hébraï-
fans ont été plus fujets que les autres à cette
faute ; & il faut avouer qu'elle elt (ouvent
difficile à éviter , fur tout lorfqu'il s'agit de
ces langues dont l'analogie eft fort compli-
quée & riche en inflexions grammaticales.
"Tei eu le grec , où les augmens & les ler-
ET Y 3n
minaifons déguifcnt quelquefois entière-
ment la racine. Qui rcconnoirroit , par
exemple , dans le mot n (ji-iz-iva le verbe à. ■Tna
dont il eft cependant le participe trcs-
régulicr ? S'il y avoit un mot hébreu
hemmen,C[m fignifiàt comme »y.uiv<ii, arrangé
enjoint, il faudioit rejeter cette origine
pour s'en tenir à la dérivation grammaticale.
J'ai appuyé fur cette efpecc d'écueil , pour
faire Icntir ce qu'on doit pcnfer de ceux
qui écrivent des volumes d'étymologies , &
qui ne connoiOcnt les langues que par un
coup d'œil rapide jette fur quelques didion-
naires.
5°. Une étymologie probable exclut celles
qui ne font que polTibles. Par cette raifon ,
c'eft une règle de critique prefque fans
exception , que toute étymologie étran-
gère doit être écartée , lorique la décom-
pofition du mot dans fa propre langue
répond exaftement à l'idée c[u'il exprime :
ainù celui qui , guidé par l'analogie de
parabole , paralogijme , &c. chercheroic
dans la prépofition grecque 'Trcifo, l'ori-
gini de parafol & parapluie , ,1e rendroic
ridicule,
4°. Cette étymologie devroit être encore
rebutée par une autre règle prefque tou-
jours fure , quoiqu'elle ne foit pas entiè-
rement générale : c'eft qu'un mot n'eft
jamais compofé de deux langues différen-
tes , à moins que le mot étranger ne foit
naturalifé par un long ufage avant la com-
poiltion i enforte que ce mot n'ait befoiii
que d'être prononcé pour être entendu :
ceux même qui compolent arbitrairement
des mots fcientifiques , ^s'aflujettilTent à
cette règle , guidés par la feule analogie , ft
ce n'eft lorsqu'ils joignent à beaucoup de
pédanterie beaucoup d'ignorance ; ce qui
arrive quelquefois : c'eft pour cela que notre
règle a quelques exceptions.
5°. Ce fera une très - bonne loi à s'impo-
fer , fi l'on veut s'épargner bien des con-
jedlures frivoles , de ne s'arrêter qu'à des
! iuppofirions appuyées fur un certain nombre
d'induttions , qui leur donnent déjà un
commencement de probabilité , & les tirent
de la clalfe trop étendue des (Impies poffi-
bles : ainfi quoiqu'il foit vrai en général
que tous les peuples & toutes les langues.
Ce fojit mêlés en. mille manières , & dan$
534 . ETY
cics temps inconnus , on ne doit pas le
prêter volondcrs à faire venir Je l'hcbreu
ou de Tarabe le nom d'un village des envi-
rons de Paris. La diftance des temps ôc des
lieux eft toujours une raifon de douter ; &
il eft fage de ne h-anchir cet intervalle ,
qu'en s'aidant de quelques connoillances
pofitives & hiiloriques des anciennesmigra-
tions des peuples , de leurs conquêtes, du
commerce qu'ils ont entretenu les uns chez
les autres ; & au défaut de ces connoillan-
ces , il faut au moins s'appuyer fur des
étywologics déjà connues , allez certaines,
& en alfez grand nombre pour établir un
mélange des deux langues. D'après ces
. principes , il n'y a aucune difhculté à re-
monter du françois au latin , du tudefque
au celtique , du latin au grec. J'admettrai
plus aifément une éiymologie orientale d'un
mot efpagnol , que d'un mot françois ,
parce que je fais que les Phéniciens &
iur-tout les Carthaginois , ont eu beau-
coup d'établillem.ens en Efpagne ; qu'a-
près h prife de Jérufalem fous Vefpa-
lîen , un grand nombre de Juifs furent
transportés en Lulitanie , & que depuis
toute cette contrée a été polfédée par les
Arabes,
6". On puifera dans cette connoilTance
détaillée des migrations des peuples , d'ex-
cellences règles de critique , pour juger
des étymolooies tirées de leurs langues , &
apprécier leur vraifemblance: les unes feront
fondées fur le local des établillemens du
peuple ancien ; par,exemple , les hymologies
phéniciennes des noms de lieu feront plus
recevables , s'il s'agit d'une côte ou d'une
ville maritime , que fi cette ville étoit
fiutuée dans l'intérieur des terres : unee'y-
inologie arabe conviendra dans les plaines
& dans les parties méridionales de l'Efpa-
gne ; on préférera pour des lieux voiiîns
des Pyrénées , des étymologies latines ou
bafqucs.
7". La date du mélange des deux peu-
ples , & du temps où les langues anciennes
ont été remplacées par de nouvelles, ne
fera pas moins utile ; on ne tirera point
d'une racine celtique le nom d'une ville
bâtie , ou d'un art inventé fous les rois
/rancs.
S", On pourra encore comparer cetcç
ETY
date à la quantité d'altération que le pri-
mitif aura du louffrir pjur produire le
dérivé ; carlesmots , toutes chofes d'ailleurs
égales , ont reçu d'autant plus d'altération
qu'ils ont été tranfmis par un plus grand
nombre de générations , & fur tout que
les langues ont efluyé plus de révolu-
tions dans cet intervalle. Un mot oriental
qui aura palîé dans l'elpagnol par l'arabe ,
fera bien moins éloigné de fa racine que
celui qui fera venu des anciens Cartha-
ginois.
9°. La nature de la migration , la
forme , la proportion , & la durée du.
mélange qui en a réfulté , peuvent aulTî
rendre probables ou improbables pluficurs
conjeélures ; une conquête aura apporté
bien plus de mots dans un pays , lors-
qu'elle aura été accompagnée de tranf-
plantation d'habirans ; une poflerfion du-
rable , plus qu'une conquête pailagere ;
plus lorfque le conquérant a donné les loix
aux vaincus , que lorfqu'il les a laides
vivre fclon leurs ufages : une conquête
en général , plus qu'un ilinple commerce.
C'elt en partie à ces caufes combinées
avec les révolutions poftéiieures , qu'il
faut attribuer les différentes proportions
dans le mélange du latin avec les langues
qu'on parle dans les différentes contrées
foumifes autrefois aux Romains ; propor-
tions d'après lelquclles les étymologies tirées
de cette langue auront , tout le refte égal ,
plus ou moins de probabilité ; dans le
mélange , certaines clafl'es d'objets gar-
deront les noms que leur donne le
conquérant ; d'autres , celui de la langue
des vaincus ; !k tout cela dépendra de la
forme du gouvernement , de la diftnbu-
tion , de l-'autorité & de la dépendance
entre les deux peuples ; des idées qui
doivent être plus ou moins familières aux
uns ou aux autres , fuivant leur état , &C
les mœurs que leur donne cet état,
10°, Lorfqu'il n'y a eu entre deux peu-
ples qu'une hmple liailon lans qu'ils fe
foient mélanges, les mots qui pa'Jent d'une
langue dans l'autre font le plus ordinaire-
ment relatifs à l'objet de cette liailon. La
religion, chrétienne a étendu la connoil-
fance du latin dans toutes les parties de
\ l'Europe , 014 les urmes dfs Romains n'a-
E T Y
voient pu pénétrer. Un peuple adopte plus
volontiers un mot nouveau avec une idée
nouvelle , qu'il n'abandonne les noms des
objets anciens , auxquels il eft accoutume.
Une étymologie latine d'un mot polonois
ou irlandois , recevra donc un nouveau
degré de probabilité , fi ce mot eft relatif
au cul;e , aux myfteres , & aux autres
objets de la religion. Par la même railon ,
s'il y a quelques mots auxquels on doive
fe permettre d'afligner une origine phé-
nicienne ou hébraïque , ce (ont les noms
de certains objets relatifs aux premiers arts
& au commerce ; il n'eft pas étonnant que
ces peuples , qui les premiers ont com-
mercé fur toutes les cotes de la Méditer-
•ranée , & qui ont fondé un grand nombre
de colonies dans toutes les iilcs de la Grèce,
y aient porté les noms des cliolés igno-
rées des peuples lauvages chez Iclquels ils
trahquo'.ent, & lur-tout les termes de com-
merce. Il y aura même quelques-uns de
ces mots que le commerce aura fliit padcr
des Grecs à tous les Européens , & de
ceux-ci à toutes les autres nations. Tel
eft le motdeyâc, qui iîgnilîe proprement
en hébreu une étoffe grojfiere , propre à
emballer les marchanddes. De tous les
mots qui ne dérivent pas immédiatement
de la nature , c'cft peut-être le plus uni-
vevfellement répandu dans toutes les lan-
gues. Notre mot à' arrhes , arrhabon , eft
encore purement hcbrcu , & nous eft venu
par la même voie. Les termes de com-
merce parmi nous font portugais , hol-
landois , anglois , &c. fuivant la date de
chaque branche de commerce , &: le lieu
de (on origine.
1 1°. On peut en généralifant cette der-
nière obfervation , établir un nouveau
moyen d'eftimer la vraifemblance des fup-
politions étymologiques , fondée fur le
mélange des nations & de leurs langages,
c'eft d'examiner quelle étoit au temps du
mélange la proportion des idées des deux
peuples ; les objets qui leur étoient fami-
liers , leur manière de vivre, leurs arts,
& le degré de connoiflance auquel ils
étoient parvenus. Dans les progrès géné-
raux de l'efprit humain , toutes les nations
partent du même point , marchent au
même but , fuivenc à peu près la même
route, mais d'un pas très-inégal. Nous
prouverons à Yarckle Langues , que les
langues dans tous les temps font à p-^n
près la mefure des idées aûhielles ilu peu-
ple qui les parle ; & fans entrer dans un
grand détail , il eft aifé de fentir qu'on
n'invente des noms qu'à mefure qu'on a
des idées à exprimer. Lorfque des peuples
inégalement avancés dans leurs progrès
fe mêlent , cette inégalité influe à plu-
lieurs titres fur la langue nouvelle qui (e
forme du mélange. La langue du peuple
policé plus riche , fournit au mélange dans
une plus grande proportion , & le teint ,
pour ainfi dire , plus fortement de fr cou-
leur : elle peut Icule donner les noms de
toutes les idées qui manquoient au peuple
fauvage, Eniin l'avantage que les lumières
de l'elprit d'^mnent au peuple policé , le
dédain qu'elles lui in'.pircnt pour tout ce
qu'il pourroit emprunter des barbares , le
goût de l'imitation que l'admiration faic
naître dans ceux-ci, changent encore la
proportion du mélange en faveur de la
langue policée , & contrebalancent fou-
vent toutes les autres circonftances favo-
rables à la langue barbare , celle même
de la difproportion du nombre entre les
anciens & les nouveaux habitans. S'il n'y
a qu'un des deux peuples qui fâche écrire,
cela feul donne à fa langue le plus pro-
digieux avantage ; parce que rien ne hxe
plus les imprelfions dans la mémoire , que
l'écricure. Pour appliquer cette conlidé-
ration générale , il faut la détailler ; il faut
comparer les nations aux nations lous les
ditrerens points de vue que nous offre
leur hiftoire , apprécier les nuances de la
policefte & de la barbarie. La barbarie
des Gaulois n'étoit pas la même que celle
des Germains , & celle-ci n'étoit pas la
barbarie des fiuvages d'Amérique ; la po-
litefTe des anciens Tyriens , des Grecs ,
des Européens modernes , forme une
gradation aufli fendble ; les Mexicains bar-
bares , en comparaifon des Efpagnols ( je
ne parle que par rapport aux lumières
de l'efprit ) , étoient policés par rapport
aux Caraïbes. Or , l'inégalité d'influence
des deux peuples dans le m.élange des lin-
gues , n'eft pas toujours relative \ l'mé-
galité réelle des progrès , au nombre des
5î6 ETY
pas de refprit humain , & à la durée des
iiecles interpofés entre un progrés & un
autre progrès ; parce que l'utilité des dé-
couvertes , & fur-tout leur effet imprévu
fur les mœurs, les idées, la manière de
vivre , la conilitution des nations & la ba-
lance de leurs forces , n'eft en rien propor-
tionnée à la difficulté de ces découvertes ,
à la profondeur qu'il faut percer pour ar-
river à la mine,& au temps néceflàire pour y
parvenir : qu'on en juge par la poudre &
l'imprimerie. Il faut donc fuivre lacompa-
railon des notions dans un détail plus grand
encore , y faire entrer la ctinnoilfance de
leurs arts refpedtifs , des progrès de leur élo-
quence j de leur philoiophie , i-x. voir quelle
forte d'idées elles ont pu fe prêter les unes
aux autres , diriger & apprécier fes conjec-
tures d'après toutes ces connoidances , &c
en former autant de règles de critique par-
ticulières.
11°. On veut quelquefois donnera un
mot d'une langue moderne , comme le
françois , une origine tirée d'une langue
ancienne , comme le latin , qui , pendant
que la nouvelle fe formoit , étoit parlée
éc écrite dans le même pays en qualité de
langue favante. Or il faut bien prendre
j^artle de prendre pour des mots latins ,
les mots nouveaux , auxquels on ajoutoit
des terminaiions de cette langue ; (bit
qu'il n'y eût véritablement aucun mot
latin correfpondant , foit plutôt que ce
mot fût ignoré des écrivains du temps.
Faute d'avoir fait cette légère attention ,
Ménage a dérivé marcaffm de marcaflinus ,
& il a perpétuellement alîigné pour origine
à des mots françois de prérendus mots
latins , inconnus lorfque la langue latine
écoit vivante , & qui ne font que ces mê-
mes mots françois latinifés par des ignorans:
ce qui eft en fait d'étymologie , un cercle
vicieux.
1 5°. Comme l'examen attentif de la
chofe dont on veut expliquer le nom ,
de fes qualités , foit abfolues , foit rela-
tives , eft; une des plus riches fources de
l'invention , il eft aufTi un des moyens
les plus fiirs pour juger certaiiies éiymo-
logies : comment fera-t on venir le nom
d'uije ville , d'un mot qui hgnifie pont ,
(s'il n'y a point de rivière ? M. Frerct a
E T Y
employé ce moyen avec le plus grand fuc-
cès dans fa dilîertalion fur Véty mologie de
la terminaifon celtique dunum , où il réfute
l'opinion commune qui fait venir cette ter-
minai'on d'un prétendu mot celtique & tu-
defque , qu'on veut qui fignifie montagne.
Il produit une longue énumération des lieux,
dont le v.'.jm ancien fe teiminoit ainfi . Tours
s'appeloit autrefois Cœfnrodunum; Leyde,
LugdLiiium Batavorum ; Tours & Leyde font
(uués dans des plaines. Plufieurs lieux fe
font appelles Uxdlodunum , & uxel figni-
fioit aulïi montagne ; ce feroit un pléo-
nalme. Le mot de Noviodunum , très com-
mun , fe trouve donné à des lieux fitués
dans des vallées ; ce feroit une contradic-
tion.
14°. C'eft cet examen attentif de la
chofe qui peut feul éclairer fur les rapports
& les analogies que les hommes ont dit
faifir entre les différentes idées , fur la
jutlelfe des métaphores & des tropes , par
lefquels on a fait fervir les noms anciens à
défîgner des objets nouveaux. Il faut l'a-
vouer , c'ell peut-être par cet endroit que
l'art étymologique eft le plus fufceptible
d'incertitude. Très - (ouvent le défaut de
jufteflé & d'analogie ne donne pas droit de
rejeter les étymolvgies fondées fur des mé-
taphores ; je crois l'avoir dit plus haut,
en traitant de l'invention : il y en a fur-
tout deux raifons ; l'une eft: le \erfement
d'un mot, fi j'ofe ainfi parler, d'une idée
principale fur l'acceffoire ; la nouvelle
extenilon de ce mot a d'autres idées , uni-
quement fondée fur le fens acceffoire fans
égard au primitif, comm.e quand on dit
un cheval ferré d'argent ; Sc les nouvelles
métaphores entées fur ce nouveau fens ,
puis les unes fur les autres , au point de
préfentcr un fens entièrement contradic-
toire avec le fens propre. L'autre raifon
qui a introduit dans les langues des méta-
phores peu juftes , eft l'embarras où les
hommes fe font trouvés pour nommer cer-
tains objets qui ne frappoient en rien le
fens de l'ouie, & qui n'avoient , avec les
autres objets de la nature , que des rapports
trcs-éloignés. La nécefTité eff leur txculc.
Qijanr à la première de ces deux e(peces de
métaphores (i éloignées du fens primitif- , j'ai
déjà donné la feule règle de critique fur
laquelle
E T Y
laquelle on puiiïè compter ; c'eft de ne les
admettre que dans le feul cas où tous les
chnngemens interniédiaires (ont connus ;
elle refTerrc nos juge mens dans desliniites
bien étroites , mais il faut bien les rcilerrer
dins les limites de la certitude. Pour ce
qui regarde les m'^'caphores , produites par
la néceflTué , cette nccelTîté même nous
procurera un fecours pour les vérifier : en
effet , plus elle a été réelle !k prellante ,
plus elle s'cft fait fentir à tousles hommes,
plus elle a marqué toutes les langues de la
même empreinte. Le rapprochement des
tours femblablcs dans plufieurs langues
très ditFérentes, devient alors une preuve
que cette fliçon détournée d'eivvifager
l'objet, étoit auffi nécelTaire pour pouvoir
lui doimer un nomj qu'elle (emble bizarre
au premier coup d'œil. Voici un exemple
alTez fingulier , qui juftihera notre règle.
Rien ne paro'it d'abord plus étonnant que
de voir le nom de piipilla , petite fille , di-
minutif de /Jw/Ji?, donné à la prunelle de
l'œil. Cette étymologie devient indubitable
par le rapprochement du grec nôfn , qui a
aulTî ces deux fens , & de l'hébreu bath-
ghnaïn , la prunelle , &: mot pour mot la
Jille de l'œil : à plus forte raifon ce rappro-
chement eft-il utile pour donner un plus
grand degré de probabilité aux étymologîes,
fondées fur des métaphores moins éloi-
gnées. La tendrede maternelle efl peut-être
le premier fentiment que les hommes aient
eu à exprimer ; & l'exprelTîon en (enible
indiquée par !e mot de mama ou ama , le
plus ancien mot de toutes les langues. Il ne
Icroit pas extraordinaire que le mot latin
amaie en tirât fon origine. Ce fentiment
devient plus vraifemblable, quand on voit
en hébreu le même mot amma , mère , for-
mer le verbe aman , amavit ; & il cft pref-
que porté jufq u'à l'évidence , quand on voit
dans la même langue rekhem utérus , for-
mer le verbe rahkam , vehementer amavit.
1 j°. L'altération fuppofée dans ks fons ,
forme feule une grande partie de l'art éty-
mologique, & mérite aulfi quelques confi-
dératio'.is particulières. Nous avons déjà dit
f 8°.) que l'altération du dérivé augmentoit
à mt-lure que le temps l'éloignoit du pri-
mitif, & nous avons ajouté , toutes chofes
d'ailleurs égales , parce que la quantité dc
Tome XIII.
E T Y 537
cette altération dépend aulTî du cours que
ce mot a dans le public. Il s'uie , pour ainll
dire , en palT^mt dans un plus grand nom-
bre de bouches , fur-tout dans la bouche
du peuple , & la rapidité de cette circula-
tion équivaut à une plus longue durée ; les
noms des fauits Se les noms de baptême les
plus communs en font un exemple ; les
mots qui reviennent le plus touvent dans
les langues , tels que les verbes être, faire,
vouloir, aller, & tous ceux qui fervent à
lier les autres mots dans le dfcours, fonc
lujets à dc plus grandes altérations ; ce
(ont ceux qui ont le plus befoin d'être fixés
par la langue écrite. Le mot inclinaijort
dans notre langue , & le mot inclination ,
viennent tous deux du latin inclinatio. Mais
le premier qui a gardé le fens phyiique efl
plus ancien dans la langue ; il a parte par
la bouche des arpenteurs, des marins , &cc.
Le mot inclination nous efl venu par les
philofbphes Tcholaftiques , & a foufferc
moins d'altérations On doit donc fe prêter
plus ou moins à l'altération fuppofée d'un
mot,fulvant qu'il efl plus ancien dans la
langue , que la langue étoit plus ou moins
formée, étoit fur- tout ou n'étoit pas fixée
par l'écriture lorfqu'd y a été introduit ',
enfin fuivant qu'il exprime des idées d'un
ufagc plus ou moins familier, plus ou moins
populaire.
16". C'cft par le même principe que le
temps & la fréquence de l'ufage d'un mot
fe compenfent mutuellement pour l'altéret
dans le même degré. C'eft principalement
la pente générale que tous les mots, ont
à s'adoucir ou à s'abréger qui les altère.
Et la caufe de cette pente ell la commodité
de l'organe qui les prononce. Cette caufe
agit fur tous les hommes : elle agit d'une
manière infenfible , & d'autant plus que le
mot eft plus répété. Son aétion continue ,
& la marche des altérations qu'elle a pro-
duites , a dû être & a été obfervéc. Une
fois connue , elle devient une pierre de
touche fùre pour juger d'une foule de con-
jeékures étymologiques ; les mots adoucis
ou abrégés par l'euphonie ne retournent pas
plus à leur première prononciation que les
eaux ne remontent vers leur fource. Au
lieu d'ol'tinere , l'euphonie a fait prononcer
ootinere ; mais jamais à la prononciation du
V V
338 E T Y
mot optare , on ne fubllicuera celle J'o5-
tare. Ainfi dans notre bngue , ce qui fe
prononçoit comme exp'oits , tend de jour
en jour à fe prononcer comme fucch ; mais
une éiymologie où l'on feroit palTer un mot
de cette dernière prononciation à la pre-
mière ne feroit pas recevable,
17°. Si de ce point de vue général on
veut defcendre dans les détails , & confi-
dérer les différentes fuites d'altérations
dans tous les langages que l'euphonie pro-
duifoit en même temps , & en quelque
forte parallèlement les unes aux autres
dans toutes les contrées de la terre ; Çi l'on
veut fixer aulTî les yeux fur les différentes
époques de ces changemens , on fera fur-
pris de leur irrégularité apparente. On
verra que chaque langue & dans chaque
langue chaqvie dialefte , chaque peuple ,
chaque fîecle , changent conftamment cer-
taines lettres en d'autres lettres, & fe re-
fufent à d'autres changemens aufTî conf-
tamment ufîté^ chez leurs voifins. On con-
clura qu'il n'y a à cet égard aucune règle
générale. Plufieurs favaiis , & ceux en par-
ticulier qui ont fait leur étude des langues
orientales , ont , il eft vrai , pofé pour
principe que les lettres diflinguées dans la
grammaire hébraïque &: rangées par dalles
fous le titre de lettres des mêmes organes ,
fe changent réciproquement entr'elles, &
peuvent fe fubftituer indifféremment les
unes aux autres dans la même clafTe ; ils
ont affirmé la même chofe des voyelles , Se
en ont difpofé arbitrairement , fans doute
parce que le changement des voyelles eft
plus fréquent dans toutes les langues que
celui des confonnes , mais peut - être
aufïî parce qu'en hébreu les voyelles ne
font point écrites. Toutes ces obfervations
ne font qu'un fyftcme , une conclufion géné-
rale de quelques faits particuliers, démentie
par d'autres faits en plus grand nombre.
Quelque variable que (oit le Ion des voyelles,
leurs changemens font aulTI conlhans dans
le même temps & dans le même lieu que
ceux des confonnes ; les Grecs ont changé
le fon ancien de \'n Se de l'« en / ; les
Anglois donnent , fuivant des règles conf-
tantes , à notre a l'ancien fon de Vkéùi
des Grecs : les voyelles font , comme les
confonnes, partie de la prononciatigji dans
E T Y
toutes les langues ; & dans aucune langue
la prononciation n'cft arbitraire , parce
qu'en tous lieux , on parle pour être en-
tendu. Les Italiens, fans égard aux divifions
de l'alphabet hébreu qui met Viod au rang
des lettres du palais , & Ï'I au rang des
lettres de la langue , changent 1'/ précédé
d'une confonne en i tréma ou mouillé
foible qui fe prononce comme Viod des
Hébreux : platea , pia'^a , blanc , biaaco.
Les Portugais , dans les mêmes circonf-
tances changent conftamment cet /en r ,
branco. Les François ont changé ce mouillé
foible ou i en confonne des Latins , en
notre 7 confonne , & les Efpagnols en une
afpiration gutturale. Ne cherchons donc
poiiit à ramener à une loi fixe des varia-
tions multipliées à l'infini donc les caufes
nous échappent : étudions-en feulement la
fuccefTîon comme on étudie les faits hif-
toriques. Leur variété connue , fixée à
certaines langues , ramenée à certaines
dates , fuivant l'ordre des lieux & des
temps , deviendra une fuite de pièges ten-
dus à des fuppolîtions trop vagues , &
fondées fur la fimple polTibilité d'un chan-
gement quelconque. On comparera ces
fuppofitions au lieu & au temps , & l'on
n'écoutera point celui qui , pour jullitîer
dans une étymologk italienne un change-
ment de Vl latin précédé d'une confonne
enr, allégueroit l'exemple des Portugais
& l'affinité de ces deux fons. La multi-
tude des règles de critique qu'on peut for-
mer fur ce plan , & d'après les détails que
fournira l'étude des grammaires , des dia-
leétes & des révolutions de chaque langue,
eft le plus sûr moyen pour donner à l'art
étymologique toute la foliditc donc il eft
fufcepcible ; parce qu'en général, la meil-
leure méthode pour alTurer les réfultats
de tout art conjeétural , c'eft d'éprouver
toutes fes fuppolicions en les rapprochant
fans celfe d'un ordre ccrcain de faits très-
nombreux &C très variés.
1 8°. Tous les changemens que fouffre la
prononciation ne viennent pas de l'eupjio-
nie. Lorfqu'un mot , pour être ttanlmis
de génération en génération , palTe d'un
homme à l'autre , il faut qu'il foit entendu
avant ti'ctre rcp;ité ; & s'il eft mal entendu,
il fera mal répété : voili deux organes Se
E T Y
deux fources d'altérati.^n. Je ne voudrois
pas décider que la différence entre ces
deux forces d'altérations puille être faci-
lement apperçue. Cela dépend de favoir
à quel pouit la fenllbilité de notre oreille
cft aidée par l'habitude où nous fommcs
de former certains ions , & de nous fixer
à ceux qie la difpulition de nos organes
rend plus faciles ( voye?. Oreille): quoi
qu'il en foit , j'inf?ierai ici une réflexion
qui , dans le cas où cette différence pourrnic
ctie apperçue , Icrviroit à dillinguer un
mot venu d'une langue ancienne ou étran-
gère d'avec un mot qui n'auroit iubi que
ces changcmens infenliblcs que fouffre une
langue d'une génération à l'autre , & par
le feul progrès des temps. Dans ce dernier
cas c'eft l'euphonie feule qui caufe toutes
les altérations. Un enfant nait au milieu
de fi famille & de gens qui lavent leur
langue. Il eft forcé de s'étudier à parler
comme eux. S'il entend, s'il répète mal,
il ne fera point compris , ou bien on lui
fera connoitre fon erreur , & à la longue
il fe corrigera. C'eft au contraire , l'er-
reur de l'oreille qui domine & qui altère
le plus la prononciation , lorfqu'une nation
adopte un mot qui lui eff étranger, &
lorlque deux peuples diffcréns confondent
leurs langages en fe mêlant. Celui qui
ayant entendu un mot étranger le répète
mal , ne trouve point dans ceux qui l'é-
cinitent de contradicteur légitime , ik il n'a
aucune raiion pour fe corriger.
I o°. Il réfulce de tout ce que nous avons
dit dans le cours de cet article, qu'une
étymologie cft une fuppolicion ; qu'elle ne
reçoit un caraârere de vérité & de certi-
tude que de fa comparaifon avec les faits
connus ; du nombre des circonftances de
ces faits qu'elle explique : des probabilités
qui en nailfent , & que la critique apprécie.
Toute circonstance expliquée , tout rap-
port entre le dérivé ik. le primitif fuppofé ,
produit une probabilité, aucun n'eft exclus ;
la probabilité augmente avec le nombre
des rapports , & parvient rapidement à la
certitude. Lefens, le fon, les confonnes ,
les voyelles , la quantité , fe prêtent une
force réciproque. Tous les rapports ne don-
nent pas une égale probabilité. Une éty-
mologie qui donneroii d'un mot une délî-
ET Y 3J9
nition exadle , l'emporteroit fur celle qui
n'auroit avec lui qu'un rapport métapho-
rique. Des rapports fuppolcs d'après des
exemples , cèdent à des rapports fondés
lur des faits connus ; les exemples indéter-
minés, aux exemples pris des mêmes langues
& des mêmes fiecles. Plus on remonte de
degrés dans la filiation des étymologies ,
plus le primitif cft loin du dérive ; plus
toutes les relîemblances s'altèrent , plus
les rapports deviennent v igues & fe rédui-
Cent à de (impies poffibilitès ; plus les fup-
politions font multipliées , ch.icunc efl:
une iburce d'inci riitude ; il faut donc fc
faire une loi de ne s'en permettre qu'une
à la fois, & par conféquent de ne remonter
de chaque mot qu'à fon étymologie immé-
diate ; ou bien il faut qu'une fuite de faits
inconteftables rempliffe l'inceivalle entre
l'un &C l'autre , & di;penfr de toute fup-
pofition. Il eft bon en général de ne (c
permettre que des fuppolitlons déjà ren-
dues vraifemblables par quelques induc-
tions. On doit vérifier parl'hifloire des con-
quêtes ôc des migrations des peuples , du
commerce , des arts , de l'efpiit humain en
général, & du progrès de chaque natoii
en particulier , les étymnlogies qu'on èta'jlic
fur les mélanges des peuples &c des lan-
gues ; par des exemples connus , celles
qu'on tire des changemens du fens , au
moyen des mècaphores ; par la connoif-
(ance hiftorique & grammaticale de la
prononciation de chaque langue & de (es
révolutions , celles qu'on fonde furies alté-
rations de la prononciation : comparer
toutes les éiymnbgks fupp ifées , foit avec
la chofe nommée, fa nature , fes rapports
5: fon analogie avec les difïerens êtres ,
foit avec la chronologie dcs al érations
luccellives , & l'ordre invariable des pro-
grès de l'euphonie. Rejerter enfin toute
étymol git contredite par un feul fait , &
n'admettre comme certaines que celles qui
feront appayécs fur un très grand nombre
de probabilités réun es.
20''. Je finis ce tableau raccourci de tout
l'art étymologique p r la plus générale des
règles , qui les renferme toutes ; celle de
dou:er beaucoup. On n'a point à craindre
que ce doute produile une incertitude uni-
verfelle ; il y a , même dans le genre éty-
Vv i
540 E T Y
mologique , des chofes évidentes à leur i
manière ; des dérivations lî naturelles ,
qui portent un air de vcrité fi frappant ,
que peu de gens s'y refuient. A l'égard de
celles qui n'ont pas ces caradteres, ne vaut-
il pas beaucoup mieux s'arrêter en deçà
des bornes de la certitude , que d'aller au
delà î Le grand objet de l'art étymologique
ïi'eft pas de rendre raifon de l'origine de
tous les mots fans exception , &c j'oie dire
que ce feroit un but allez frivole. Cet art cft
principalement recommandable en ce qu'il
fournit à la philofophie des matériaux &
des obfervations pour élever le grand édi-
fice de la théorie générale des langues : or,
pour cela , il importe bien plus d'employer
des obfervations certaines, que d'en accu-
muler un grand nombre. J'ajoute qu'il
feroit aulTi impolTible qu'inutile de connoître
Véiymologie de tous les mots: nous avons
vu combien l'incertitude augmente dès
qu'on eft parvenu à la troifieme ou qua-
iriemiC étyinologie, combien on eft obligé
d'entaffer de fuppofitions , combien les
poflibilirés deviennent vagues ; que feroit-
ce fi l'on vouloit remonter au delà î &
combien cependant ne ferions - nous pas
loin encore de la première impofition des
noms ; Qu'on réflccliiirc à la multitude de
hafards qui ont fouvcnt préfidé à cette
impofition ; combien de noms tirés de
circonftances étrangères à la chofe , qui
n'ont duré qu'un inftant , & dont il n'a
refté aucun veftige. En voici un exemple :
«n prince s'étonnoit en traverfant les falles
du palais, de la quajiîité de marchands qu'il
Voyoit. Ce qu'd y a de plus finguher , lui
dit quelqu'un de fa fuite , c't?i qu'on ne
peut rien demander à ces gens-là , qu'ils
ne vous le foumident fur le champ, la chofe
Ti'eût-elle jamais exifté. Le prince rit ; on
le pria d'en faire l'ellai : il s'approcha d'une
fcoutique, & dit : madame vendez- vous
des desfaUnilas ? La marchande ,
fans demander l'explication d'un mot qu'elle
entendoit pour la première fois , lui dit :
oui , monfeigneur , & lui montrant des
prétintaillcs & des garnitures de robes de
femme : voilà ce que vous demandez ; c'eft
cela même qu'on appelle des falbalas. Ce
mot fut répété, & ht fortune. Combien
de mots doivent leur origine à des circonf-
E T Y
tances auflî légères, & auiïî propres à mettre
en défaut toute la fagacité des étymologiftesî
Concluons de tout ce que nous avons dit ,
qu'il y a des étymologies certaines , qu'il y en
a de probables , & qu'on peut toujours évi-
ter l'erreur , pourvu qu'on fe réfolve à beau-
coup ignorer.
Mous n'avons plus, pour finir cet article,
qu'à y joindre quelques réflexions lur l'uti-
lité des recherches étymologiques , pour les
difculper du reproche de frivolité qu'on leur
fait fouvent.
Depuis qu'on connoît l'enchaînement
général qui unit toutes les vérités ; depuis
que la philofophie ou plutôt la raifijn , par
fes progrès , a fait dans les fciences , ce
qu'avoient fait autrefois les conquêtes des
Romains parmi les nat'oni ; qu'elle a réuni
toutes les parties du monde littéraire , &
renverfé les barrières qui diviloient les
gens de lettres en autant de petites répu-
bliques érrangeies les unes aux autres , que
leurs études avoient d'objets diftéiens : je
ne faurois croire qu'aucune force de re-
cherches ait grand beloin ci'apologie: quoi-
qu'il en (oie , le développement des piin-
cipaux ufages de l'crude étymologique ne
peut être inutile ni déplacé à la fuite de cet
article.
L'application la plus médiate de l'art
étym.ologique , eft la recherche des origines
d'une langue en part'culier : le rélultat de
ce travail , poufte auffi loin qu'd peut l'être
fans tomber dans des conicélures trop
arbitraires , eft ure partie elTentielle de
l'analyfe d'une langue , c'eft- à-dire , delà
connoiffance complète du iyftême de cette
langue , de fes tlémens radicaux , de la
combinaifon dont ils font fufceptibles , f-'c.
Le fruit de cette analyle eft la facilité de
comparer les langues entr'elles fous toutes
fortes de rapports, grammatical, philo-
fophique , hiltoriquc , 6'c. ( voye^ au mot
Langue , les deux articles Analyse 6"
Comparaison des Langues ). On fent
ailément combien ces préliminaires font
indifpenfables pour faifir en grand & fous
fou vrai point de vue la théorie générale
de la parole, & la marche de l'tfpriC
humain dans la formation & les progrès
du langage ; théorie qui, comme toute autre,
a befoin pour n'être pas un roman , d'ctrc
E T Y
contînuellenient rapprochée des faits. Cette
théorie eft la fouict; d'où découlent les
règles de cette grammaire générale qui
gouverne toutes les langues , à laquelle
toutes les nations s'aflliicttiflent en croyant
ne fuivre que les caprices de l'ufage , Se
dont enfin L-s grammaires de toutes nos
langues ne font que des applications par-
tielles & incomplètes ( f-^oye^ Grammaire
GÉNÉRALE ). L'hiftoire philofophique de
l'efprit humain en général , & des idées des
hommes , dont les langues font tout à la
fois l'exprelTion (?c la mefurc , eft encore
un fruit précieux de cette théorie. Tout
l 'article Langues , auquel je renvoie , fera
un développement de cette vérité , & je
n'anticiperai point ici fur cet article. Je
ne donnerai qu'un exemple des fervicesque
l'étude tics langues Se des mots , confidérée
fous ce point de vue , peut rendre à la faine
philofophie , en détruifant des erreurs in-
vétérées.
On lait combien de fyftêmes ont été
fabriques fur la nature & l'origine de nos
ccnnoilfances ; l'entêtement avec lequel
on a foutenu que toutes nos idées étoient
innées ; & la multituile innombrable de
CCS êtres imaginaires dont nos fcholaftiqi'es
avoient rempli l'univers , en prêtant une
réalité à toutes les abflradlions de leur
cfprit : virtualités , formalités , degrés
métaphyiîques , entités , quiddités , &c. &c.
(■•c. Rien , je parle d'après Locke , n'eft
plus piopre à en détromper , qu'un examen
fuivi de la manière dont les hommes font
parvenus à donner des noms à ces forces
d'idées abilraites ou fpiricuelles , & m-cmc
à fc donner de nouvelles idées par le moyen
de ces noms. On les voit partir des premiè-
res iïBges des objets qui frappent les
fens , (Se s'élever par degrés jufqu'aux idées
des êtres invifibles & aux abftraftions les
plus générales : on voit les échelons fur
lefquels ils fe font appuyés -, les métaphores
& les analogies qui les ont aidés , fur-tout
les combinaifons qu'ils ont faites des fignes
déjà inventés , & l'artifice de ce calcul des
mots par lequel ils ont formé , compofé ,
analyfé toutes fortes d'abdradions inac-
ceffibles au fens Se à l'imagination , pré-
ciféme"t comme les nombres exprimés
par plulieurs cbJïFrcs fur lefquels cependant
E T Y 341
le calculateur s'exerce avec facilité. Or de
quel ufige n'eft pas dans ces recherches
délicates l'art étymologique , l'art de fuivre
les expreflions dans tous leurs pafTages d'une
(Ignihcation à l'autre , & de découvrir la
liaifon fecrette des idées qui a facilité ce
palT!îge ? On me dira que la faine mctaphy-
iique Si l'ob'ervation alïîdue des opérations
de notre efprit doit fuffire feule pour con-
vaincre tout homme fans préjugé , que les
idées , même des êtres fpirituels , viennent
toutes des fens : on aura raifon ; mais cette
vérité n'eftelle pas mife en quelque forte
fous les yeux d'une manière bien plus
frappante, & n'acquiert - elle pas toute
l'évidence d'un point de fait , par Vétymo-
logic fi connue des mots fpirhus , animus ,
■Tf-jiC i-'.cL , rouakh , Sec. pirji'e , dsJibévatioti y
intelligence , Sec. Il feroit fuperflu de s'éten-
dre ici fur les étymologies de ce genre ,
qu'on pourroit accumuler ; mais je crois
qu'd ell très-difficile qu'on s'en occupe un
peu d'après ce point de vue : en cfter , l'efpric
humain , en f; repliant ainh fur lui-même
pour étudier fa m-a-che , ne peut -il pas
retrouver dans les tours fingidiers que les
premiers hommes ont imaginés pour expli-
quer des idées nouvelles en partant des
objets connus , bien des analogies très-
fines & trcs-juftcs entre pluficurs idées,
bien des rapports de toute efpecc que la
nccclTîté toujours ingénieule avoit laifis ,
Se que la parcffe avoir depuis oubliés î
N'y peut-il pas voir fouvent la gradation
qu'il a fuivie dans le paffige d'une idée à
une autre , dans l'invention de quelques
arts? Se par-là cette étude ne devient-tlle
pas une branche intcrelT-inte de la métaphy-
fique expérimentale ? Si ces détails fiir les
langues Se les mots dont l'art étymologique
s'occupe , font des ;.;r.'.ins de fable , il efc
précieux de les ramaiTer , puifque ce font
des grains de fiible que l'efprit humain a
jettes dans fa route , Se qui peuvent feuls
nous indiquer la trace de fes pas. ( Voye^^
Origine des Langues. ) Indépendam-
ment de ces vues cuticules & philofophi-
ques , l'étude dont nous parlons , peut
devenir d'une application uluelle , & prê-
ter à la logique des fecours pour appuyer
nos raifonnemens fur des fondemcns Ibli-
des. Locke j Se depuis M. 1 abbé de Con-
342 ET Y
diUac , ont montré que le langage efl: véri-
tablement une efpece de calcul , don: la
grammaire , & même la logique en grande
j5-u-rie , ne lont que les règles ; mais ce
calcul efl bien plus compliqué que celui
des nombres , fujet à bien plus d'erreurs Se
de difficultés. Une des principales ell
l'efpece d'impoiTibilité où les hommes ie
trouvent de fixer exaftement le fens des
figues auxquels ils n'ont appris à lier des
idéeî que par une habitude formée dans
l'enfance , à force d'entendre répéter les
mêmes fons dans des circontlances fem-
bj,ables , mais qui ne le font jamais entiè-
rement ; enlorte que ni deux hommes ,
ni peut-être le même homme , dans des
temps differcns , n'attachent précifément
au même mot la même idée. Les méta-
phores multipliées par le befoin Se par une
efpece de luxe d^imagination , qui s'eit
auffi dans ce genre créé de faMX befoins,
ont compliqué de plus en plus les détours
de ce labyrinthe immenlc , où l'homme
introduit , fi j'ofe ainfi parler , avant que
Tes yeux fullcnt ouverts , miconnoît fa
route à chaque pas. Cependant tout l'ar-
tifice de ce calcul ingénieux dont Ariftote
nous a donné les règles , tout l'art du fyl-
logifme eft fondé fur l'ulage des mots dans
le même lens ; l'emploi d'un m jme m,ot
dans deux fens ditféiens fait de tout rai-
fonnement un fophifme ; Se ce genre de
fophiime , peut-être le plus commun de
tous, eft une des fources Its plus ordinai-
res de nos erreurs. Le moyen le plus fur ,
ou plutôt le leul de nous détromper , &c
peut-être de parvenir un jour à ne rien
afiirmcr de faux , feroit de n'employer
dans no: inductions aucun terme , dont le
fens ne fut exaélement connu &c déhni.
Je ne prétens affurément pas qu'on ne
puifle donner une bonne définition d'un
mot, fans connoître fon étymolu^ic; mais
du moins efl-il certain qu'il huit connoiire
avec précilion l.i marche Se l'embranche-
ment de fcs diftéientes acceptions. Qu'on
me permette quelques réflexions à ce
fujet.
J'ai cru voir deux défituts régnans dans
la plupart des dcnnitions répandues dans
les meilleurs ouvrages philolophiques. J'en
pouftois citer des exemples tirés des au-
E T Y
teur: les plus eftimés & les plus edimi-
blés, fans fortir même de l'Encyclopédie.
L'un confifte à donner pour la définition
d'un mot l'énonciation d'une feule de fes
acceptions particulières : l'autre défaut cit
celui de ces définitions dans lefquelles ,
pour vouloir y comprendre toutes les ac-
ceptions du mot , il arrive qu'on n'y com-
prend dans le fait aucun des carafteres
qui dillinguent la chofe de toute autre, & que
par conléquent on ne définit rien.
Le premier défaut eft très-commun, fur-
tout quand il s'agit de ces mots qui expri-
ment les idées abftraites les plus familières ,
& dont les acceptions (e multiplient d'au-
tant plus par l'ufage fréquent de la con-
verfation , qu'ils ne répondent à aucun
objet phyfique & déterminé qui puifle
ramener conftamment l'efprit à un fens
précis. Il n'eft pas étonnant qu'on s'anête
à celle de ces acceptions dont on eft le
plus frappé dans l'inftant o.i l'on écrit , ou
bien la plus favorable au lyftême qu'on a
entrepris de prouver. Accoutume , par
exemple , à entendre louer Y imagination ,
comme la qualité la plus brillante du
génie ; lai fi d'admiration pour la nou-
veauté , la grandeur , la multitude , & la
corrcfpondance des reflorts dont fera
compoiée la machine d'un beau pcëme ;
un homme dira , j'appelle imagination cet
efprit inventeur qui fait créer, dilpofer,
faire mouvoir les parties Se l'enfemble d'un
grand tout. Il n'eft pas douteux que fi dans
toute la luite de fes railonnemens , l'auteur
n'emploie jamais dans un autre lens le mot
imagination ( ce qui eft rare ) , l'on n'aura
rien à lui reprocher contre l'exaftitudc de
fes conclufions : mais qu'on y prenne
garde , un philofophe n'eft point ai^to ilé
à définir arbitrairement les mots. Il parle
à des hommes pour les inftruire ; il dcic
leur parler dans leur propre langue , Sc
s'affujettir à des conventions déjà faites ,
dont il n'eft que le témoin , ^' non le juge.
Une définition doit donc fixer le lens que
les hommes ont attaché à une exprelTîon ,
Se non lui en donner un nouveau. En eftec
un autre jouira aufïi du droit de borner la
définition du même mot à des acceptions
toutes différentes de celles auxquelles le
premier s'etoit tî.xc ; dans la vue de rame-
E T Y
ncr davantage ce mot à Ton origine , il
croira V rtulïîr , en l'appliquant au raient
Je préftruLT toutes Tes idées fous des ima-
ges feniiblcs , d'entallcr les métaphores &
les comparailons. Un troiliem-e appellera
imagination cette, mémoire vive des fenfa-
tions , cette rcpréfentation fidelle des ob-
jets abfens , qui nous les rend avec fjrce ,
qui nous tient lieu de leur réalité , quel-
quefois même avec avantage , parce qu'elle
rallemble fous un feul point de vue tous les
charmes que la nature ne nous préfente
que fuccelTîvement. Ces derniers pourront
encore raifonner trèi-bien, en s'attachant
conllamment au fens qu'ils auront choifi;
mais il efl: évident qu'ils parleront tous
trois une langue différente , & qu'aucun
des trois n'aura fixé toutes les idées qu'exci-
té le mot imagination dans l'efprit des fran-
çois qui l'entendent , mais feulement l'idée
momentanée qu'il a plu à chacun d'eux d'y
attacher.
Le fécond défaut eft né du défîr d'éviter
le premier. Quelques auteurs ont bien
fenti qu'une définition arbitraire ne répon-
doit pas au problênie propofé , & qu'il
falloir chercher le fens que les hommes
attachent à un mot dans les diiférentes
occahons où ils l'emploient. Or , pour y
parvenir , voici le procédé qu'on a fuivi
le plus communément. On a rallemble
toutes les phrafcs où l'on s'eft rappelle
d'avoir vu le mot qu'on vouloit définir i
on en a tiré les dilïerens f;.ns dont il étoit
fufceptible , & on a tâché d'en faire une
énumération exaéle. On a cherché enfuite
à exprimer , avec le plus de précifion qu'on
a pu , ce qu'il y a de commun dans toutes
ces acceptions différentes que l'ufage don-
ne au même mot : c'ell: ce qu'on a appelle
le fens le plus général du mot ; & fans pen-
fer que le mot n'a jamais eu ni pu avoir
dans aucune occaflon ce prétendu lens , on
a cru en avoir donné la définition exatle.
Je ne citerai point ici plufieurs définitions
où l'ai trouvé ce défaut : je ferois obligé de
juftifier ma critique ; & cela {croit peut-
être long. Un homme d'efprit , même en
fuivant une méthode propre à l'égarer , ne
s'égare que jufqu'à un certain point ; l'ha-
bitude de la jullelTè le ramené toujours à
certaines vérités capitales de la matière j
E T Y 345
l'erreur n'eft pas complette , & devient
plus dirt^icile à développer. Les auteurs que
j'aurois à citer font dans ce cas ; & j'aims
mieux , pour rendre le défaut de leur mé-
thode plus lenhble , le porter à l'excrcm.e j
& c'eff ce que je vais faire dans l'exemple
fuivant.
Qii'on fe repréfente la foule des accep-
tions du mot eÇprit , depuis fon fens pri-
mitif y/>/mwj , haleine , jufqu'à ceux qu'en
lui donne dans la chimie , dans la littéra-
ture , dans la jurifprudence , efprits acides,
efprit de Montagne , ejprit des loix , t'-'c.
qu'on elfaie d'extraire de toutes ces accep-
tions une idée qui foit commune à toutes ,
on verra s'évanouir tous les caraderes qui
diftinguenc l'efprit , dans quelque fens qu'on
le prenne , de toute autre choie. Il ne
reliera pas même l'ulée vague de fubiilité ;
car ce mot n'a aucun fens , lorfqu'il s'agit
d'une fubrtance immatérielle ; & il n'a
jamais été appliqué à l'efprit dans le lens
de talent , que d'une manière métaphori-
que. Mais quand on pourroit dire que l'ef-
piit dans le lens le plus général eit une chofe
fubtile , avec combien d'êtres cette qualifi-
cation ne lui feroit - elle pas commune ?
& feroit- ce là une définition qui doit con-
venir au défini , & ne convenir qu'à lui ?
Je fris bien, que les dilparares de cette mul-
titude d'acceptions différentes font un peu
plus grandes , à prendre le mot dans toute
l'étendue que lui donnent les dei^x langues
latine & françoife ; mais on m'avouera que
fi le latin fût refté langue vivante , rien
n'auroit empêché que le mot fpintus n'eût
reçu tous les lens que nous donnons au-
jourd'hui au mot (fprit. J'ai voulu rappro-
cher les deux extrémités de la chaîne ,
- pour rendre le contralle plus frappant : il
le feroit moins , h nous n'en confidérions
qu'une partie ; mais il feroit toujours réel.
A fe renfermer même dans la langue fran-
çoife feule , la multitude & l'incompatibi-
lité des acceptions du mot efprit , font
telles , que perlonne , je crois , n'a été
tenté de les comprendre ainli toutes dans
une feule définition , & de définir l'efprit
en général. Mais le vice de cette méthode
' n'eft pas moins réel , lorfqu'il n'eft pas alfez
,1 fenfible pour empêcher qti'on ne la fjive :
j à mefure que le nombre Se la diverhté des
344 . E T Y
accepciens diminue , rabfurHit!^ s'afFoiWic ;
^ quand elle difparoit , il relte encore
l'erreur. J'ofe dire que prelque toutes les
définitions où l'on annonce qu'on va d-^h-
nir les chofes dans le fens !e plus général ,
ont ce défaut , & ne définillent véritable-
ment rien, parce que leurs auteurs, en vou-
lant renfermer toutes ks acceptions d'un
mot 5 ont entrepris une choie impolTi'ole:
je veux dire, de lafTcmblcr fous une feule
idée générale , des idées très-différentes en-
tr 'elles , & qu'un même mot n'a jamais pu
déligner que fucccluvement , en cellant en
quelque forte d'être le même mot.
Ce n'eft point ici le lieu de fixer les cas
où cette méthode eft nécefl'aire , & ceux où
l'on pourroit s'en padcr , ni de développer
l'uf;4gc dont eile pourroit être , pour com-
parer les mots encr'eux. Voye:^ Mots &
Synonymes.
On trouveroit des moyens d'éviter ces
deux défauts ordinaires aux définitions ,
dans l'étude hiftoriquc de la génération des
termes & de leurs révolutions : il faudroit
obferver la manière- ilont les hommes ont
fuccellîvcmcnt augmenté , rtdérré , mo-
difié , changé totalement les idées qu'ils
ont attachées à chaque mot ; le (ens propre
de la racine primitive , autant qu'il eft
polTîble d'y rtnionter ; les métaphores qui
lui ont fuccédé ; les nouvelles métaphores
entées fouvenr fur ces premières , fans
aucun rapport au fens primitif. On diroit :
" tel mot , dans un temps , a reçu cette
»> fignification ; la génération fuivante y
M a ajouté cet autre lens ; les hommes
»> l'ont enfuite employé à défigner telle
»> idée ; ils y ont été conduits par analo-
5» gie;- cette fignification eft le fens pro-
» pre ; cet autre eft un fens détourne ,
j» mais néanmoins en ufage. » On diftin-
gueroit dans cette généalogie d'idées un
certain nombre d'époques -.fpiritusjfouffle ,
efprit , principe de la vie i efprit , fuh/iancc
penfcmte ; efprit , talent Je penfer , iùtc. cha-
cune de ces époques donneroit lieu à une
définition particulière ; on auroit du moins
toujours une idée précife de ce qu'on doit
définir ; on n'embralTeroit point à la fois
tous les fens d'un mot ; 6': en même temps
on n'en exclurioit arbitrairement aucun ,
on cxpoferoit cous ceux qui font reçus \ ôc
E T Y
fans fc faire le Iég;flateur du langage , on
lui donneroit toute la netteté dont il eft fuf-
ceptihle , & dont nous avons befoin pour
raifonner jufte.
Sans doute , la méthode que je viens de
tracer eft fouvtnt mife en ufage, fur- tout
lorfque l'incompatibilité des fens d'un mê-
me mot eft trop frappante ; mais , pour
l'appliquer dans tous les cas , & avec toute
la rineire dont il eft fufceptible , on ne
pourra guère fe diipenfer de confulter les
mêmes analogies , qui fervent de guides dans
les recherches étymologiques. Quoi qu il en
foit , je crois qu'elle doit être générale , &C
que le fccours des étymologiesy eft utile dans
tous les cas.
Au refte , ce fecours devient d'une né-
celTîté abfolue , lorfqu'il faut connoîtrc
exaétcment , non pas le fens qu'un mot a
dû ou doit avoir, mais celui qu'd a eu dans
l'efprit de tel auteur , dans tel temps ,
dans tel fiecle : ceux qui obfcrvent la mar-
che de l'efprit humain dans l'hiftoire des
anciennes opinions , &c plus encore ceux
qui , comme les théologiens , font o!iligés
d'appuyer des dogmes refpcdtables fur les
expreiïïons des livres révélés , ou fur les
textes des auteurs témoiiîs de la doctrine
de leur hecle , doivent marcher flms cefle
le flambeau de Vétyrnolorie à la main , s'ils
ne veulent tomibcr dans mille erreurs. Si
l'on part de nos idées aéluelles fur la ma-
tière & fes trois dimenfic-.ns ; fi l'on ou-
blie que le mot qui répond à celui de ma-
tière , maieria , v'h» , (ignifioit proprement
du boix , 6c par métapliore , dans le fens
philosophique , les matériaux demi une choie
eft faite , ce fonds d'être qui fubfifte parmi
les changemetis continuels des formes , en
un mot ce que nous appelions aujourd'hui
fubjiance , on fera (ouvent porté mal à pro-
pos à charger les anciens philofophes d'avoir
nié la fpiritualité de l'ame , c'eft-à-dire,
d'avoir mal répondu à une qi'eftion que
beaucoup d'er;tr'eux ne fe font jamais
faite. Prelque toutes les expreiTîons phi-
lofophiques oiu changé de lignification ; &
toutes les fois qu'il faut établir une vérité
fur le témoignage d'un auteur , il eft indif-
penfable de commencer par examiner la
force de fes expreiTîons .. non dans l'efprit
de nos contemporains & dans le notre ,
mais
E T Y
maïs dans le fien &c dans celui des hommes
de Ton (îccle. Cet examen fondé (i fouvent
fur la coiinoillancc des éiymologies, faic une
des parties les plus ellènriellcs de la cri-
tique : nous exhortons à lire , à ce fujet ,
l'Art cmiijue (iu célèbre Leclerc ; ce favant
homme a recueilli dans cet ouvrage plu-
sieurs exemples d'erreurs très-importantes ,
& donne en même temps des règles pour les
éviter.
Je n'ai point encore parlé de l'ufage !é
plus ordinaire que les favans aient fait jul-
qu'ici de l'art étymologique, & des grandes
lumières qu'ils ont cru en tirer , pour l'é-
claircinément de l'hiftoire ancienne. Je ne
me iairterai point emporter à lenr enthou-
fiafrne : j'inviterai même ceux qui pour-
roient y être plus portés que moi , à lire
la Diinoiifiration évangèli'^ue , de M. Huet ;
l' Explication de la Mythologii , par La-
vaur ; les longs Commentaires que Tévê-
que Cumberland & le célèbre Fourmont
ont donnés fur le fragment de Sanchonia-
thon ; ï'Hijloire du de!, de M. Pluche ,
les ouvrages du P, Pezron fur les Celtes ,
\' Atlantique de Rudbeck , &c. Il fera très-
curieux de comparer les différentes expli-
cations que tous ces auteurs ont données
de la mythologie i<. de l'hiftoire des anciens
hctos. L'un voit tous les patriarches de
l'ancien teftament , & leur hiftoire fuivie ,
où l'autre ne voit (]ue des héros Suédois oa
Celtes ; un troilleme des leçons d'aftro-
nomie & de labourage , &:c. Tous préfen-
tent des fyftcmes allez bien liés , à peu près
également vrailémblables , &: tous ont la
même chofe à expliquer. On fentira pro-
bablement , avant d'avoir tini cette lectu-
re , combien il ell frivole de prétendre éta-
blir des faits fur des étymologics purement
arbitraires , & dont la certitude feroit éva-
luée tiCo-favorablem.ent en la rcdi.ifant à
de iîmples polTîbilités. Ajoutons qu'on y
verra en même temps que li ces auteurs
s'étoient abdreints à la févérité des règles
que nous avons données , ils fe feroiem
épr.rgné bien des volumes. Après cet aéle
d'impartialité , j'ai droit d'appuyer fur l'uti-
lité dont peuvent être les étymolcgies , pour
l'c-cîairciirement de l'ancienne hiftoire &
de la fable. Axi^nt l'invention de l'écriture ,
&; depuis , dans les pays qui font reftcs
Tome XI IL
ET Y 345
barbares , les traces des révolutions s'ef-
facent en peu de temps ; & il n'en reitc
d'autres velliges que les noms impofés aux
montagnes , aux rivières , (-c. par les an-
ciens habitans du pays , & qui le ibnc
confervés dans la langue des conquéians.
Les mélanges des langues fervent à indi-
quer les mélanges des peuples , leurs cour-
fcs, leurs tranfplantations , leurs naviga-
tions . les colonies qu'ils ont portées dans
des climats éloignés. En matière de con-
jcébures , il n'y a point de cercle vicieux,
parce que la force des probabilités con-
hrte dans leur concert ; toutes donnent &c
reçoivent mutuellement : -ainfi les î-tymo-
Ingics confirment les conjeélures hiftori-
ques , comme nous avons vu que les con-
jedhircs hiftoriqucs confirment les étymo~
lugies : par la même raifon celles-ci em-
pruntent & répandent une lumière réci-
proque fur l'origine & la migration des
arts , dont les nations ont fouvent adopté
les termes avec les manœuvres qu'ils expri-
ment. La décompohtion des langues mo-
dernes peut encore nous rendre , julqu'à
un certain point , des langues perdues ,
&i nous guider dans l'interprétation d'an-
ciens monumens , que leur obfcurité , fans
cela , nous rendroit entièrement inutiles.
Ces foibles lueurs font précieufes , fur-touc
lorfqu'elles fijnt feules : mais il faut l'a-
vouer ; fi elles peuvent fervir à indiquer
certains tvénemens à grande maffe , com-
me les migrations Se les mélanges de quel-
ques peuples , elles font trop vagues pour
fervir à établir aucun fait circonflancié.
En général , des conjeârures iur des noms
me parollfent un fondement bien foible
pour affeoir quelque ailertion pofitive; &:
i) je voulois faire ufage de' ï'étymofogie ,
pour éclaircir les anciennes fables Se le
commencement de Thifloire des nations,
ce feroit bien moins pour élever que
pour détruire : loin de chercher à iden->
tifier, à force'de fuppofltions , les dieux
des différcns peuples , pour les ramener
ou à l'hirtoirc corrompue , ou à des (yf^
tèmcs railbnnés d'idolâtrie , foit aftrono-
mique , foit allégorique , la diverlué des
noms des dieux de Virgile & d'Homère ,
quoique les perfbnnages foient calques les
uiii lui- les autres , nie feroit penfer que
345 E T Y
la plus grande partie de ces dieux latins
ii'avoieiK dans l'origine rien de commun
avec les dieux grecs ; que tous les peuples
aflignoient aux différens effets qui frap-
poient le plus leurs lens , des êtres pour
les produire & y préfider; qu'on partageoit
entre ces êtres fantaftiques l'empire de la
nature arbitrairement , comme on par-
tageoit l'ar.née entre pluiieurs mois ; qu'on
leur donnoiî des noms relatifs à leurs fonc-
tions , &: tirés de la langue du pays , parce
qu'on n'en favoit pas d'autre ; que par cette
railon le dieu qui préiidoit à la navigation
s'appeloic Ncftunus , comme la détllè qui
prcfidoit aux fruits s'appelloit Pomona ;
que chaque peuple failoit fes dieux à part
éc pour ion ulage, comme Ion calendrier;
que fi dans la fuite on a cru pouvoir tra-
duire les noms de ces dieux les uns par les
autres , comme ceux des mois , & identifier
le Neptune des Latins avec le Pofcidon
<les Grecs , cela vient de la perfuafion cù
chacun étoit de la réalité des fiens , !k
de la facilité avec laquelle on fe prêtoit à
cette croyance réciproque , par l'efpece
de courtoilie que la fuperdition d'un peu-
ple avoit , en ce temps là , pour celle d'un
autre : enfin j'attribuerois en partie à ces
tradudiions & à ces confufions de dieux ,
l'accumulation d'une foule d'aventures
contradiftoires fur la tête d'une feule divi-
nité ; ce qui a dû compliquer de plus en
plus la mythologie , jufqu'à ce que les
poètes l'aient fixée dans des temps pof-
térieurs.
A l'égard de l'hiftoire ancienne, j'exa-
minetois les connoillances que les diffé-
rentes nations prétendent avoir fur l'ori-
gine du monde ; j'ctudierois le fens des
noms qu'elles donnent dans leurs récits aux
premiers hommes , &: à ceux dont elles
rempliffent les premières générations ; je
vcrrois dans la tradition des germains,
que Theut fut pcre de Mannus ; ce qui ne
veut dire autre cliofe finon que Dieu créa
l'homme ; dans le fragment de Sanchonia-
thon , je verrois, après l'air ténébreux &
le cahos , l'efprit produire l'amour ; puis
naître fuccelTivement les êtres intelligens ,
les aftres , les hommes immortels i & enfin
d'un certain vent de la nuit , ^vn Se Pro-
îogonos y c'cft-à dire , mot pour mot ^ /c
E T Y
temps ( que l'on repréfente pourtant comme
un homme ) , & le premier homme; en-
fuite plufieurs générations , qui déiignenc
autant d'époques des inventions fucccifives
des premiers arts. Les noms donnés aux
chefs de ces générations font ordinaire-
ment relatifs à ces arts, le chajfcur , le pé-
cheur , le bihijfeur \ ôc tous ont invente les
arts dont ils portent le nom. A travers
toute la confufion de ce fragment, j'entre-
vois bien que le prétendu Sanchcniathon
n'a fait que compiler d'anciennes tradi-
tions qu'il n'a pas toujours entendues :
mais dans quelque fource qu'il ait puilé ,
peut on jamais reconnoître^ans fon frag-
ment un récit hiftoriqiie :- Ces noms , dont
le fens eft toujours allujetti à l'ordre fyfté-
matique de l'invention des arts, ou iden-
tique avec la chofc même qu'on raconte ,
comme celui de Pro.-ogonos , préfentent
fenfiblement le caractère d'un ht.miine qui
dit ce que lui ou d'autres ont imaginé &:
cru vraiflcmblable , & répugnent à celui
d'un témoin qui rend compie de ce qu'il
a vu ou de ce qu'il a entendu dire à d'au-
tres témoins. Les noms répondent aux ca-
raâeres dans les comédies , & r.on dans
la focicté : la tradition des Germ.ains eft
dans le même cas; on peut juger par là ce
qu'on doit penfer des auteurs qui ont ofé
préférer ces traditions informes, à la narra-
tion fimple & circonftanciée de la Genefe.
Les anciens expliquoient prefque tou-
jours les noms des villes par le nom de
leur fondateur ; mais cette façon de nom-
mer les villes eft-ellc réellement bien com-
mune :- ôc beaucoup de villes ont elles eu un
fondateur ? N'eft-il pas arri\é quelquefois
qu'on ait imaginé le fondateur Se Ion nom
d'après le nom de la ville , pour remplir le
vuidc que l'hiftoire laifl'e toujours dans les
premiers temps d'un peuple ; L'éiyinolegie
peut,dans certaines occafions , éclaircir ce
doute. Lcshiftoriensgrecsattribueiit la fon-
dation de NiniveàNinus; &c l'hiftoire de ce
prince , ainli que fa femme Sémiramis , eft
allez bien circonftanciée , quoiqu'un peu ro-
manefque. Cependant 2^/Vj/Ve , en hébreu,
langue prefque ablvlument la m.cme que
le chaldécn , Ninereh , eft le participe p?flîf
du verbe ruivah , habiter ; & fuivant cette
eVj mekgic , ce nom figniÉcroit hcbaction, &
E T Y
\\ auroît été afîez naturel pour une ville,
fur-tout dans les premiers temps , où les
peuples bornés à leur territoire , ne don-
noiciit guère un nom à la ville, que pour
la dirtinguer de la campagne. Si cette
étymologie eft vraie , tant que ce mot a
été entendu , c'eft-à-dire , jufqu'au temps
de la domination perlanne , on n'a pas
dû lui chercher d'autre origine , & l'hif-
toire de Ninus n'aura été imaginée que
poftérieurcment à cette époque. Les liifto-
riens grecs qui nous l'ont racontée , n'ont
ccric eiietftivement que long-temps après;
& le foupçon que nous avons formé s'ac-
corde d'ailleurs très-bien avec les livres
facrés , qui donnent AfTur pour fonda-
teur à la ville de Ninive. Quoiqu'il en Toit
de la vérité abfolue de cette idée , il fera
toujours vrai qu'en général le nom d'une
ville a, dans la langue qu'on y parle , un (eus
naturelle vraifemblab'e. On eli: en droit de
fufpeéter l'extftence du prince qu'on pré-
rend lui avoir donné (on nom , uir-tout lî
cette exiftence n'eft connue que par des
auteurs qui n'ont jamais lu la langue du
pays.
On voit affez jufqu'oii & comment on
peut taire ufage des étymologies, pouréclair-
cir les obfcurités de l'hifloire.
Si , après ce que nous avons dit pour
montrer l'utilité de cette étude , quelqu'un
la méprifoit encore , nous lui citerions
l'exemple des Leclerc , des Leibnitz , &
de l'illuflre Freret , un des favans qui ont
fu le mieux appliquer la philorophieà l'é-
rudition. Nous exhortons audi à lire les
JMémoires tle M. Falconnet , fur les étymo-
logies de la langue françaife ( Mémoires de
l'acndémie des Belks-Lettres , tome XX ) ,
^: fur-tout les deux Mémoires que M. le
Pyéfident de Broffes a lus à la même aca-
démie , fur les étymologies; titre trop mo-
dèle , puifqu'il s'y agit principalement
des grands objets de la théorie générale
des langues , (Se des raifons fuffifantes de
l'art de la parole. Comme l'auteur a bien
voulu nous les communiquer , nous en
cullîons profité plus fouvent , s'il ne
fut pas entré dans notre plan de ren-
voyer la plus grande partie des vues pro-
fondes & philofophiques dont ils font
remplis , aux art. Langues , Lettres ,
ET Y 547
OnOMATOPIiE , MÉTAPHORE , £c. / oj.
ces mots.
Nous conclurons donc cet article , en
difant , avec Quintilien : r,e (juis igitur tcm
parva jhjlidiat elcmcnta , , . quia interiorave-
lut facri hujus adeuntibus apparebit multa
rerum fubtilitcs , quce no/i modo acuere ingé-
nia , fed exercere altijjhnam quoqui erudiiiù~
nem po[fit.
^ ÉTYMOLOGIQUE C Art ) , Littérat.
c'eit l'art de remonter à la lource des mots ,
de débrouiller la dérivaifon , l'altération,
& le dégui!cment de ces mêmes mots , de
lesdépouillerde ce qui, pour ainll dire, leur
eft étranger , de découvrir les changemcns
qui leur font arrivés , &c par ce moyen
de les ramener à la fimplicité de leur ori-
gine.
Il eft vrai que les changemens fc les alté-
rations que les mots ont fouffcrfs font /î
fouvent arrives par caprice ou par hafard ,
qu'il eft aile de prendre une conjecture
bizarre pour une analogie régulière. D'ail-
leurs il eft difficile de retourner dans les
fiecles paflés , pour fuivre les variations
& les viciiTîtudes des langues. Avouons
encore , que la plupart des favaîis qui s'atta-
chent à l'étude étymologique oni le maiiieur
de fe former des fyftêmes, fuivant lefquels
ils interprètent , d'après leur delTein par-
ticulier , les mêmes mots , conformément
au fens qui eft le plus favorable à leurs hypo-
theles.
Cependant malgré ces inconvéniens, l'arc
étymologique ne doit point palier pour un
objet frivole , ni pour une cntrepiile tou-
jours vaine .5i infruclueufe. Quelque incer-
tain qu'on fuppofe cet art, il a , comme
les autres , fes principes & fes règles. Il
fait une partie de la littérature dont l'étude
peut être quelquefois un fecours pour
éclaircir l'origine des nations , leurs migra-
tions , leur commerce, &c d'autres points
également obfcurs par leur antiquité.
De plus , on ne fauroit débrouiller la
formation des mots qui fait le fonde-
ment de l'att , fi l'on n'en examine les
relations avec le caraélere de l'eiprit des
peuples & la dilpofïtion de leurs organes ,
objet , fans doute , digne de l'eîprit philo-
fophique.
Concluons que l'art étymologique ne peut
X 2
348 E T Y ^
êcrc méprifé , ni par rapport à fori obiet ,
qui fe trouve lié avec la connoiflancc de
l'homme , ni par rapport aux conjeaures
qu'il partage avec cane d'autres arts nécellai-
resàlavie.
Enfin il n'efi: pas impoffible , au milieu de
l'incertitude & de la fécherelTe de l'étude
étymologique , à!y porter cet efprit philofo-
phique qui doit dominer partout , & qui elt
le fil de tous les labyrinthes. Voyeur article
Étymologie Article de M. le chevalier de
Jaucourt,
E U E V
EU , ( Gramm. ) Il y a quelques obfer-
vations à faire fur ces deux lettres , qui
fe trouvent l'une auprès de l'autre dans
récriture.
1°. Eu, quoiqu'écrit par deux caraderes ,
n'indique qu'un Ion iimple dans les deux
fyllabes du mot heureux , dit M. j'abbé de
Dangeau, Opuf. p. io;Jk de même dans
flu ,peu,&cc.&c en grec i'uyia , fertile.
.Nb/2 me car minibus vin cet , nec thracius
Orpheus.
Virg. ecl. jv. v. 55.
où la mefurc du vers fait voir C{\x0rpheus
ji'eft que de deux fyllabes.
La grammaire générale de Port-royal a
remarqué il y a long-temps , que eu ejl un
fon jimple , quoique nous l'écrivions avec deux
voyelles , chap. i. Car , qui fait la voyelle,
c'eft la fimplicité du fon , & non la ma-
nière de déligner le fon par une ou par
plufieurs lettres. Les Italiens déhgnent
le fon ou par le fimple caraâure u ; ce
qui n'empêche pas que ou ne loit égale-
ment un Ion fimple , foit en italien , loit
en françois.
Dans la diphtongue au contraire on en-
tend le fon particulier de chaque voyelle ,
quoique ces deux (bns foient énoncés par
une feule émiffion de voix , a i , e-i , i-é,
pitié ; u-i , nuit , bruit , fruit : au lieu que
dans feu vous n'entendez ni l'e ni ['u ;
vous entendez un ion particulier , tout-à-
fait différent de l'un & de l'autre : & ce
qui a fait écrire ce fon par des caraéleres,
c'cft qu'il cft formé par une difpotion
E V A
d'organes à peu près femblable à celle qui
forme l'e& à celle qui forme \'u.
i°. Eu , participe paffif du verbe avoir.
On a écrit heu , à'habiius ; on a auiïi écrit
fimplement u, comme on écrit a, il a:
enfin on écrit communément eu , ce qui
a donné lieu de prononcer e-u ; mais cette
manière de prononcer n'a jamais été géné-
rale. M. de Callieres , de l'académie fran-
çoife , fecrétaire du cabinet du feu roi
Louis XIV , dans fon Traité du bon & du
mauvais ufage des manières de parler , die
qu'il y a bien des couniîans & quantité de
dames qui ài(ent /ai eu, qui ell: ; dit-il,
un mot d'une feule fyllabe , qui doit fe
prononcer comme s'il n'y avoit qu'un u.
Pour moi je crois que puifque l'e dans eu
ne iert qu'à groflir le mot dans l'écriture ,
on feroit fort bien de le lupprimer , &
d'écrire u , comme on écrit il y a, à , 6 ;
ôc comme nos pères écrivoient lîmplemen:
/, & nonj^, ibi, Villehardouin , page 4,
maint conjcili ot , c'eft-à-dire , y eut; &C p,
6"} , mult i ot.
5°. Eu s'écrit par au dans auvre , faiir ,
bauf, œuf. On écrit communément ail , &
l'on prononce sud; & c'ell: ainfi que M.
l'abbé Girard l'écrit.
4°. Dans nos provinces méridionales ,
communément les perfonnes qui , au lieu
de leur idiome , parlent françois , difenc
j'ai veu , fai creu , poiirveu , fur , &c. au
lieu de dire vu, cru , pourvu , fur , Ikc. ce
qui me fait croire qu'on a prononcé autre-
fois j'ai veu ; &: c'eft ainfi qu'on le trouve
écrit dans Villehardouin & dans Vigenere.
Mais aujourd hui qu'on prononce vu , crû ,
&c.le prote de Poitiers même &: M. Rcftaut
ont abandonné la grammaire de M. l'abbé
Régnier , & écrivent fimplement échu , mû ,
fu , vu , voulu , bu , pourvu , &c. Gramm. de
M. Reftauc , Jixieme édit. pag z^8 & Xj^.
[F)
Eu , ( Géogr. mod. ) ville de la haute
Normandie , en France ; elle elt ficuée
dans un vallon, fur la Brêle. Xo^^g'. z^. , 5,5.
lat. 50 ,3- , 5«-
ÉVACUANT, adj. { Thérapeutique Jf
Mat. méd. ') Le mot d'évacuant pris dans (on
fens le plus général , convient à tout médi-
cament , ou à tout autre agent artificjcl par
I le fccours duquel on procure i'cxpuUîon de
E V A
(Juelqu'humeur ou de quelqu'excrément
hors du corps humain.
Les évacuans Ce divifent en chirurgicaux
& en phiirmaceutiqucs. La claiTe des pre-
miers comprend la Uignéc , les di\er(es
fcarifications , les fanglues , les vélicatoi-
res, les cautères , les lerons , la paracen-
thelc , l'ouverture des abcès, &c.
Les évacuans pharmaceutiques , qui font
plus connus lous ce nom que les précé-
dens , font des médicamens qui challent
hors du corps divers excrémens ramallés
de leurs relervoirs particuliers , Se qui pro-
voquent , augmentent ou entretiennent les
excrétions.
Ces ei'/2cu(7/7j prennent difFérens noms.relon
qu'ils artcccentditîérenscouloirs. On appelle
vonucif/ceux qui agillent fur l'ellomac ,
ëc décerminent (on évacuation par la bou-
che ; purgatifs , ceux qui pouilent les ma-
tières par en-bas ; fudorijiques 6c diaphoré-
tiques , ceux qui excitent les fueuts ou la
tranfpiration ; diurétiques , ceux qui aug-
mentent l'écoulement des urines ; expeâo-
rans , ceux qui provoquent les crachats;
falivans , ceux qui provoquent le Ûu\ de
bouche on l'excrétion de la (alive , errhins,
ceux qui déterminent une évacuation fé-
reu'.e par les narines. Voyelles articles par-
ticuliers.
Les anciens diviloicnt ces derniers éva-
cuans en généraux & en particuliers. Les gé-
néraux, di(oient-ils , évacuent efficacement
une région particulière , & par communi-
cation tout le relte du corps ; ils en re-
coiinoilîoient trois de cette tC^^ectt , les
vomitifs , les purgatifs , & les fudorifiques.
Les particuliers éioxcni ceux qu'ils préten-
doient n'évacuer qu'une certaine partie ;
ainti les diurétiques étoient cenfés déchar-
ger la partie convexe du foie, les errhins
le cerveau , ùc. Mais cette divifion étoit
Vaine & abfolument mal-entendue; car il
n'clt aucui/e évacuation qui ne puilTe être
r-^-rdée comme générale dans un certain
fens. La dépiétion des vaifléaux , & fur-
tom une détermination d'humeur vers un
couloir quelconque (détermination qui
conflitu; dans la plupart des cas l'effet le
plus intérellant des évacuations ) , pouvant
procurer des changemtns gir.éraux dans le
lyflême entier des vaifTïaux & fur toute
E V A 549
la malfe des humeurs , tandis que récipro-
quement l'évacuation de l'eftomac , des
intcftins , «Se même celle de la peau , peu-
vent ne pas s'ctendre au delà de l'alFeétion
particulière de ces parties , du moins par
rapport à la matière évacuée, & fans avoir
égard à leurs aétions ornaniques , que les
anciens ne failoient pas entrer en conll-
dération.
La divifîon la plus générale des médi-
camens, elf celle qui les diftingue en éva-
cuûiis 6c en aliérans ; ceux-ci différent des
premiers , que nous venons de définir , en
ce qu'ils n'agiirent que d'une façon bien
moins fenhble , (bit fur les folides , ioic
fur les fluides , qu'ils font cenfés affeftcr
de pluiieurs différentes façons. Fbjei^ Al-
térant.
C'ell principalement à propos des éra-
cuaiis que les médecins fe font occupes de
cette grande queflion de théorie thérapeu-
tique ; lavoir l'explication de cette pro-
priété des divers médicamens , qui leur fait
afle<Ster certains organes plutôt que d'au-
tres, qui rend le tartre Ifibié , vomitif;
le fel de Clauber , purgatif; le nitre ,
diurétique ; l'aikali volatil , ludorifiqne , &
le mercure, ialivant , iSt. Voye[ïi\kï>icA-
MENT.
Quelles (ont les affeélrions , les fymptô-
mes , les lignes qui indiquent ou qui con-
tre-indiquent les évacuans ? Comment raut-
il préparer les ditférens fujeLS,(is: dans les
difrérens cas , à l'adminiftrarion des éva-
cuans ? Ces problêmes thérapeutiques
ne peuvent (e réfoudre d'une manière
générale, f-^oyei^ les articles particuliers ,
lur-tout Vomitif , Purgatif , iuco-
RiriQUE. ( /îr )
EVACUER UNE Place ou un Pays ,
c^eft , dans L'Art militaire , en faire retirer
les troupes qu'on y avoir établies.
Le terme d'évacuer s'emploie ordinaire-
ment pour une efpece de retraite volon-
taire , faite en vertu d'une capitulation ou
de quelque traité de paix, f Q )
EVALUATION , f f ( Gramm. ) prix
que l'on met à quelque chofe , fuivant fa
valeur. On fait à la monnoie {'évaluation
des efpeces , à proportion de leur poids 6c
de leur titre. On fait fnire par des arbitres
l'évaluation des in..rchaudifes. En hydrauU-.
350 E V A
que on appelle l'évaluation des eaux , le pro- I
^uit de leur dcoenle. V. Dépense. |
EVAGES. V. EvATES. |
EVALUER , V. adb, eftimer une cliofe
fon iufte prix.
Evaluer , ( Architecl. ) c'eft en général
dans l'eftimation des ouvrages , en régler
le prix par compenfation , eu égard à la
matière , à la forme , & même à des alté-
rations , qui ayant été faites par ordre , ne
font plus en exifcence. (P}
EVANGELISER , ( Jurifp. ) vieux
termes du palais , qui fignihoit vérifier un
procès ou un fac , pour s'alTurer s'il écoit
complet. Cette vcrincation s'appelloitainfi
évangile. Ces aicprellions , toutes impropres
qu'elles font , avoient été adoptées par les
anciennes ordonnances: celle de Louis Xil
du mois de mars 1498 , art.Qg. veut que
les greffiers rendent aux parties leurs facs
& produftions , après avoir grofibyé la
fentence ; ou s'il en ell appelle , les clorre
& évangtlifir. On aurait dû dire les évangé-
lifer &■ les clorre , parce que la vérification
du fac fe faifoi: avant de les clorre.
C'étoit afin que les parties ne puifent rien
retirer de leurs productions , ni y ajouter }
& que le juge d'appel vit fur quelles pièces
on avoit juge en première inftance. Fran-
çois I , par ion ordonnance donnée à Ys-
fur-Thille au mois d'o6tobre 15,5, ch. xviij.
art. 1^. réitéra la même injonction aux
greffiers , de faire porter les procès dont
il avoit été appelle , clos , évangélifés Sc
fcellés , le plus diligemment que faire fe
pourroit , par un feul melfager , Ci faire fe
pouvoir. Préfentement cette évangclifi-
tion ou vérification ne fe fait plus ; on rend
aux parties leurs produdtions , (ans les véri-
fier ni les clorre. Il eft vrai qu'autrefois ,
avant de conclure un procès en la cour ,
on faifoit la collation ou vérification des
pièces ; mais depuis long-ternps pour plus
prompte expédition , on reçoit le procès
ôc on admet les parties à conclure, comme-
en procès par écrit : on ajoute ieulement
à la fin de l'appointement des concludons ,
ces mc't , fùuf à faire collation , c'eft-à ■
dite , fauf à vérifier fi les productions prin-
cipales font compltres. Il y a encore quel-
ques provinces où l'on fe ferc de ce terme
■ fysti^^iifcr j pour dire vérifier , rendre au-
E V A
thentique. Par exemple , en Limofîn or
appelle évangélijer un teflamenc olographe ,
lorfqu'il eft dépofé chez un notaire , &
rendu folennel. Fbye^ ci-après Evangile
6' Evangéliste. {A)
EVANGELISTE , f. m. ( Hift. littér. )
On nomme ainfi dans les académies ou
compagnies littéraires^ , celui des académi-
ciens fur qui tombe le fort pour être té-
moin & infpedteur du fcrutin , pour y
tenir la place d'un officier ablent ; ainfî
il peu: y avoir plufieurs évangélijies à un
fcrutin.
EvangÉlistes , adj. mafc. plur. ( Hijf.
eccléf. & théolog. ) terme particulièrement
confacré pour déhgner les auteurs facrés
que Dieu a choifîs & infpirés pour écrire
l'évangile ou l'hiftoire de Notre Seigneur
Jefus-Chrift , & qui font S. Matthieu ,
S. Marc, S. Luc, & S. Jean. K^. Evan-
gile.
Ce moteft conpofé d'ei^,/^e/7e,&;d'rtj'7 s'aam,
j'anonce une nouvelle ; c'eft-à-dire , porteur
de bonnes nouvelles. C'tfl dans ce fens que
Cicéron dit à Atticus : O Jaaves epijiohs tuas
uno tempore mihi datas duas : quitus evange-
lia çuiZ reddam nefcio , dd'iri quidem plané
fiiteor.
Dans la primitive églile on donnoit aufTî
le nom à'évangelifie à ceux qui annonçoient
l'évangile aux peuples , étant choifi pour
cette fonftion par les apôtres , qui ne pou-
Yoient pas par eux-mèm.cs publier le chnf-
tianifme partout le mo;:de. Mais ctiévan-
géli/tes n'écoient point attachés à un trou-
peau particulier , comme les évêques ou
les pafleurs ordinaires; ils alloient par-touC
où les envoyoient les apôtres , & rcvc-
noient vers eux quand ils s'étoient acquittes
de leur commilllon : aulfi ctoit-çe une
fonélion extraordinaire qui a ctllé avec
celle des apôtres , à moins qu'on ne veuille
leur comparer nos millionnaires, f^. Mis-
sionnaires.
Quelques interprètes penfent que c'efl
! dans ce fens que le diacre S. Philippe eft
) appelle évangélijlc dans les adesdes apôtres,
ch. .xxj. 8. & que S. Paul écrivant à
Timothc'e , lui recommande ( ch. jv. v. 5. )
de remplir les fondions à'évangétijie. Le
même apôtre , dans fon cpître aux Ephé-
liens ( L-A.jV. i'. il.), mec les evangélijhs
E V A
après les apôtres & les prophètes. M. de
Tillcmonc a employé le mot éfangélijîc dans
le mêmes lens. " Beaucoup de ceux qui
w embraiïerciu alors la foi , die cet aureiir ,
» remplis de l'amour d'une fainte philofo-
» phie , commencèrent à diftribacr leurs
1» biens aux pauvres , & enfuitc allèrent
» en diiïércnres contrées faire l'oftice
H dHévangélijhs , prêcher Jefus - Chrill; à
» ceux qui n'en avoient pas encore entendu
» parler , & leur donner des livres facrcs
rr des évangiles , &c. " (G)
EvANGÉLisTES , ( Jiififp. ) fuivant l'an-
cien ftyle du palais , font ceux qui vérifient
un procès ou un fac , pour connoitre fi les
produebions font complètes , & li l'on n'y
a rien ajouté ou retranché. Les notaires-
fecrétaires du roi près les cours de parle-
ment , étoient ainfi autrefois nommés évan-
gélijîes, à caufe qu'ils évangclifoient & véri-
fioient les procès , tant ceux qui étoient
apportes en la cour , que ceux qui fe mec-
toient fur le bureau , en les conférant ou
collationnant avec le procès ou extrait du
rapporteur. Ils font ainfi appelles dans le
(lyle du parlement de Touloule , par Ga-
briel Cayron , liv. ly. tit. x. page 6yo. On
donne préfentement ce nom aux confeil-
1ers qui font la fonftion d'afniHns près du
rapporteur , pour vérifier s'il dit vrai. On
nomme quelquefois deux rapporteurs pour
une même affaire , & en ce cas le fécond
cft appelle évangélijîe. Quand on rapporte
un procès dans toutes les règles, il y a
deux confeillcrs-afnrtans aux cotés du rap-
porteur , dont l'un tient l'inventaire &
Paurre les pièces ; & après que le rappor-
teur a expote les faits & les moyens , l'un
lit les ciaufes des pièces produire , l'autre
les inductions qui en foîit tirées. Dans les
procès qui ont été vus des petits commif-
faires , les commiffaires tiennent lieu
à'cvangélijlcs à l'égird du rapporteur , at-
tendu qu'ils ont déjà vu les pièces. On
apf>tlle auffi évangtiijlcs à la chambre des
comptes , les deux confeillers-maitres qui
font chargés , l'un de fuivre le compte
précédent , l'autre de vérifier les acquits
pendant qu'un confeiiler-auditeur rapporte
un compte. V. Evangile & Evanc£li-
SER. {a')
LVANGILE , f. m, ( Tkéol. ) du grec
E V A 351
ivityyîht-jVjheureufe nouvelle. C'eft le nom
que ies chrétiens donnent aux livres canoni-
ques cia nouveau Teftament , qui contien-
nent Ihiftoire de la vie, des miracles, de la
mort j de la réfurreélion &C de la dodT;rine de
J. C. qui a rapporté aux liommes i'hcureujk
nouvelle de leur réconciliation avec Dieu.
Les cglifcs grecque & latine , & les fo-
ciéiés proteftantes , ne reconnoilîènt que
quatre évangiles canoniques ; lavoir ceux de
S. Matthieu, de S, Marc, de S. Luc , &c
de S, Jean.
S. Mattlaieu écrivit le premier Yévangile
vers l'an 41 de l'ère chrétienne , en hcbtcu
ou en fyriaque , qui étoit la langue vul-
gaire, alors en ufage dans la Palelhne : on
croit que ce fut à la prière des juifs nou-
vellement convertis à la foi. S. Epipliane
ajoute que ce fut par un ordre particulier
des apôtres. Le texte original de S. Mat-
thieu fut traduit en grec de très-bénne
heure. Qiielques auteurs ecclchartiques attri-
buent cette verfion à S, Jacques, d'autres
à S. Jean: ce qu'il y a de certain, c'eft
qu'elle eft très-ancienne. La \erfion latine
ne l'eft guère moins ; elle cft exaéte &
fidèle , mais le nom de fon auteur eft in-
connu. Le texte hébreu fc confervoit en-
core du temps de S. Epiphane & de S. Jé-
rôme, & quelques favans ont prétendu
qu'il s'eft confervé parmi les Syriens ; ce-
pendant en comparant le lyriaque qui fub-
îifte aujourd'hui avec le grec , il eft ai(é de
fe convaincre que le premier n'eft qu'une
tradu(âion de celui-ci , comme le prouve
M. Mille àa.ns {.zs prolégomènes , page iz^J
,1.
fuiv.
Quelques-uns ont conjeduréqueS.Marc
écrivit fon évangile en latin , parce qu'il le
compofa à Rome fur ce qu'il avoit appris
de S. Pierre , & pour fatisfaire aux dcfîrs
des chrétiens de cette églife : ce fut vers
l'an 44 de Jefus Chrift. Cependant S. Au-
guftin & S. Jérôme atteftent que tous les
évangiles , à l'exception de celui de S. Mat-
thieu , avoient été écrits primitivement
en grec : & d'ailleurs du temps de S. Marc
la langue grecque n'étoit pas moins fami-
lière à Rome que la latine. Au refte la dif-
pute feroit bientôt terminée , s'il étoit fur
que les cahiers de Yévangile de S. Marc
qu'on confervc à Prague , & Véyangilc iu-
352 E V A
tier de cet apôtre , qu'on gaiJe précieufe-
ment à Veniie , font l'original écrit de la
main de S. Marc ; car le P. Dom l'einard
de Ivloncfaucon , dans le journal de Ton
voyage d'Italie, cknp. jv.page /^§ & fuiv.
attefte qu'après avoir (bigneulement exa-
miné ce dernier manuicric , il a reconnu
qu'il étoit écrit en caradlercs latins. Au
relie , comme ce n'efl qu'en 15^5 que
l'empereurCliavles IV ayant trouvé à Aqui-
Ice l'original de S. Marc écrit , difoit-on ,
de (Il main , en Icpt cahiers , il en détacha
deux qu'il envoya à Prague ; & que l'ori-
ginal de Vcnife n'eft conlcrvé dans cette
république que depuis l'an 142-0, ainii que
M. Foncanini'C') l'a prouvé dans une lettre
au P. de Montfaucon , iniérée dans le
même journal; ces prétendus orginaux ne
décident rien contre l'antiquité & l'authen-
ticité du texte grec , reconnue & atteilée
paÉ|ps anciens pères.
STLuc étoit originaire d'Antioclie ( où
il fut converti par S. Paul ) , & par U dès
l'enfance exercé à parler &: à écrire en
grec , que le règne de Scleucides avoit
rendu la langue dominante dans fa patrie.
Il s'attacha h. S. Paul , qu'il fuivit dans Tes
voyages; ce qui a fait pen fer à Tertullien
que S. Paul étoit le véritable auteur de
l'évangile qui porte le nom de S. Luc ; & à
S. Grégoire de Nazianze , que S. Luc l'écri-
vit , fe confiant fur le fecoars de S. Paul.
D'autres ont prétendu qu'il l'écrivit (bus la
direélion de S. Pierre. Mais on n'a aucune
preuve pofîrive de toutes ces alîèrtions ; &
S. Luc n'inimue nulle part que ces apôtres
l'aient porté à écrire, ni qu'ils lui aient
diélé fon évangile. Eilius &: Grotius croient
que S. Luc écrivit fon évangile ^•ers l'an G\
de Jefus-Chrilt : l'opinion la plus i'uivie &
la mieux appuyée ; eft qu'il l'écrivit en grec
en faveur des églifes de Macédoine &
d'Achaïe , vers la i^^ année de l'ère chré-
tienne. Son ftyle eO: plus pur & plus correél
que celui des autres évangélillts, quoiqu'on
y rencontre des tours de phrafe qui tien-
nent du fyriaque , fa langue maternelle , &
jnême au génie de la langue latine , (1 l'on
E V A
en croit Grotius dans fes prolégomènes fur
cet évangflifte.
Les critiques ne font pas d'accord fur l'an-
née précile ni fur le lieu où S. Jean compofa
fon évangile.^ Plulîcurs ont avancé que ce
fut à Ephcfe, après fon retour d'exil dans
l'ille de Pathmos , une des Sporades dans
la mer Egée : d'auires (outiennent que ce
fut à Path.mos même. Piufieurs manufcrits
grecs portent qu'il l'écrivit trente-deux
ans après l'alcenlion de Jefus-Chrill ; d'au-
tres dilent trente, & d'autres difent trente
un ans : les uns en lîxent l'époque (ous
l'empire de Domitien , les autres (bus ce-
lui de Trajan. L'opinion la p'us commune
eft que ['évangile de S. Jean fut écri*; ap.ès
fon retour de Pathmos , vers l'an 98 de
Je(us-Chrin: , la première année de Trajan ,
foixante- cinq ans après l'afcenfion du fau-
veur , & que l'évangélifte étoit alors âgé
d'envir(5n quatre-vingt-quinze ans. Qiioi
qu'il en fuit, aux initances de fes difciples,
des évèqucs & des égliles d'Aide , il fe dé-
termina à écrire fon évangile , pour l'oppo-
fer aux héréfies naillantes de Cerinthe &:
d'Ebion , qui nioient la divinité du verbe ;
à l'incréJulicé des Juifs , & aux idées des
Platoniciens & des Stoïciens : quoique M.
le Clerc &: d'autres modernes croient qu'il
avoit emprunté de Platon ce qu'il dit du
verbe di\'in ; mais fa doctrine fur ce point
eft bien différente de celle des Platoniciens.
yoyei^ Platoniciens.
S. Jean avoit écrit fon évangile en grec,
& on le confcrvoit encore original dans
l'églile d'Ephele au feptieme lîecle , au
moins au quatrième , ainfi que l'attelle
Pierre d'Alexandrie. Les Hébreux le tra-
duidrent bientôt en hébreu , c'eil-à-dire,
en fyriaque , & la verllon latine remonte
aulTî juiqu'à l'antiquité la plus reculée.
La canonicité de ces quatre évangiles eft
démontrée par le loin & la vigilance avec
lefquelles les églifes apoftoliqucs en ont
confervé des exemplaires origin.nix ou des
copies authentiques ; par les décidons de
ditfércns conciles, & notamment de celui
de Trente ; par le concours unanime des
C * ) On prend ici des aftcs aiithentiqiie<, du XI V XV & XVI Ceçlç , poiir une lettre de M. Fontaiiiiii
■ qui a founij ces ai\es au P. Mojitfaucoii.
perçs
E V A
pères & Jcs auteurs eccléliaftique? , à n'en
point reconnoure d'autres , & enfin par la
confelTion même des fedes (cp.uérs de
l'egl.fe romaine. Les Sociniens même les
reconnoillcnt , quoiqu'ils tentent d'en alté-
rer le fens par des interprétations arbi-
traires & forcées. Fct)*:^ Sociniens.
Les hérétiques , fur-tout dans les temps
les plus reculés , ne fe font pas contentés
de rejeter tous ou quelques-uns de ces
évangiles, oii fi trouvoit la réfutation de
leurs erreurs ; mais ils en ont encore fup-
pofé de faux & d'apocryphes , qui fufient
favorables à leurs prétenlions. Au catalo-
gue de ces évangiles apocryphes, nous join-
drons fur chacun d'eux une obfervation
abréG"e , mais fuffîfante pour en donner
une iJéc au commun des lecteurs.
Ent!» ces évangiles apocryphes & fans
autorité , dont les uns lont venus iufiu'à
nous , & les autres font entièrement per-
dus , on compte :
1°. \J évangile félon les Hébreux,
Z°. L'évangile félon les Nazaréens.
5°. L'évangile des douze apôtres.
4°. L'évangile de S. Pierre.
Les critiques conjedturent que ces qua-
tre évangiles ne font que le même (ous
différens titres, c'ell- à-dire , l'évangile de
S. Mathieu , qui fut corrompu de bonne
heure par les Nazaréens hérétiques ; ce qui
porta les catholiques à abandonner aulTî de
bonne heure l'original hébreu ou fyriaqiie
de S. Mathieu , pour s'en tenir à la vcriion
grecque , qu'on regardolt comme moins
fufpecle , ou moins fufceptible de faliifi-
cation.
5°. L'évangile félon les Egyptiens.
6°. L'évangile de la naiflance de la fainte
Vierge .■ on l'a en latin.
7°. L'évangile de S. Jacques , qu'on a en
grec Se en latin , fous le titre de protévaa-
gile de S. Jacques.
8°. L'évangile de l'enfance de Jcfus : on
l'a en grec & en arabe.
9°. L'évangile de S. Thomas : c'eft le
même que le préccient.
1 0°. L'évangile de Nico Jême : on l'a en
latin.
1 1°. L'évangile éternel.
ri'. L'évangile de S. André.
1 5°. L'évangile de S. liaicheiemi.
Tome XIII.
E V A
14**. L'évangile d'Ape'lcs.
i;''. L'évangile de Balihde.
i6°. L'évangile de Cérinthe.
I j°. L'éva'igile des Ebionites.
35J
L'évangile des Encratites , ou de
L'évangile d'Eve.
Tatien.
19°
zo". L'évangile des Gnodiques.
zi°. L'évangile de S. Marcion : c'eft le
même que celui qui eft attribué à S. Paul.
iz°. L'évangile de S. Paul: le même que
celui de Marcion.
Z5°. Les petites & les grandes interro-
gritiuns de Marie.
14°. Le livre de la naiffance de Jcfus ;
qu'on croit avoir été le même que le pro-,
tévangile de S. Jacques.
if°. L'évangile de S. Jean , autrement le
livre du trépas de la fiinte Vierge.
16°. L'évangile de S. Mathias.
i7°. L'évangile de la perfection.
z8°. L'évangile des Simonlens.
29". L'évangile félon les Syriens.
50''. L'évangile félon Tatien: le même
que celui des Encratites, y. Encratites.
3 1°. L'évangile de Thadée, ou de S. Jude.
3 1°. L'évangile de Valentin : c'eft le
même que l'évangile de la vérité.
33°. L'évangile de vie , ou l'évangile dil
Dieu vivant.
34°. L'évangile de S. Philippe.
3 5°. L'évar.gile de S. Barnabe.
36°. L'évangile de S. Jacques le majeur.'
37". L'évangile de Judas d'Ifcariote.
38°. L'évangile de la vérité , q«i eft le
même que celui de Valentin.
? 'j°. Les faux évangiles de Leucius , de
Seleucus , de Lucianus, d'Hefychius.
Tel eft le catalogue des évangiles apocry-
phes , que M. Fabricius nous a donné dans
fon ouvrage intitulé : Codex- apocryphus novi
Tejlamenti. Il s'agit maintenant d'en tracer
une notice abrégée d'après ce favant écri-
vain & d'après le P. Calmet, dans fa diflèr-
tation fur les éva-igilcs apocryphes.
\. Les quatre premiers évangiles apo-
cryphes , f ivotr l'év'ingile fclon les Hébreux,
l'évangile des Na-:^aréens , l'évangile des dou^e
' rpôtres , 5i Vévangile de S. Pierre , paroiffènc
I n'avoir été que l'évangile même de S. Mat-
thieu ; mais altéré par diverfesparticulari •
' tes qu'y avoient inféré les chrétiens hébraï-
Yy
354 E V A
fans & qu'ils difoieiit avoir apprifes de la
bouehe des apôtres , ou des premiers fidè-
les. Les Ebionicfcs le corrompirent encore
par lies additions &c des retranchemens fa-
vorables à leurs erreurs. Dès le temps
d'Origene, cet évangile aind interpolé ne
pafloitplus pour authentique , & Eufcbe le
compte parmi les ouvrages Inppofcs. Quel-
ques pères en ont cité des pallages, qui ne
le trouvent ni dans le texte grec de S. Ma-
thieu , ni dans le lat n de la vulgate: par
exemple, S. Jérôme fur l'cpître aux Ephe-
liens , en rapporte cette ientenct : Ne
foy e[ jamais dans lu joie , Jinon lorfque vous
voyei^ votre frère dans la chanté: S. Clément
d'Akxandrie { Strcrr.at.lib. I.) en cite ces
paroles : Ctlui qui admirera rcgutray & celui
qui régnera fe repof.ra. Origene fur S. Jean
fait dire à Jefus-Chnil , fuivant \' évangile
des Hébreux : Ma mère , le S. Efprit m'a
pris par un de mes cheveux , 6" m'a tranfpvrté
fur la hautt montagne du Thabor, S. Jérôme ,
iiv. III. contre Pelage , ch.j. rapporte qu'on
lifoit dans le même évangile , que la
mère de Jefus &c fes frères lui diloicnt :
yoilà Jean qui baptife peur la rémifjion des
péchés 1 allons nous faire bapiifer par lut. Mais
Jcfus leur répondit : Quel mal ai- je fait pour
me faire baptifer par lui , fi ce n'eji que cela
mime que je viens de dire tie fait un péehé
d'ignorance. D. Calmet rapporte encore
dans le corps de fon commentaire , un allez
bon nombre d'autres pallages tirés de cet
évangile , que les chrétiens hébraïlans nom-
moient auiTi ['évangile des apôtres , préten-
dant l'avoir leçu du collège des apôtres.
On l'appelloit auffi {'évangile des Nazaréens,
parce qu'il étoit entre les mains des pre-
miers chrétiens nommés "Nazaréens , de
Nazareth, patrie de Jcfus-Chrift. Ce nom
qui n'avoif d'abord t'en d'injurieux , le
devint enfuite parmi les chrétiens mêmes ,
qui l'applquerent à une Itde opiniâtre-
ment attachée aux cérémonies de la îoi ,
qu'clU- croyoit abfolument nécellaircs au
falt't. L'évangile de S. Pierre étoit à l'ufage
des Docetes , hérétiques du ij hecle , qui
prétindoient que Jefus-Chrift n'étoit né ,
n'a\oit fouftert , & n'étoit mort qu'en ap-
parence. Foye:^^ Docetes &: Nazaréens.
QiK.ques ptres font auffi mention d'un
ouvrage adopté par Héradéon , ami de
E V A
Valcntin, & intitulé: £a prédication de
S. Pierre , qui paroït avoir été le même que
l'évangile de S. Pierre. Il ne nous reltc des ■•
quatre évangiles dont nous venons de parler,
que des fragmens cités par les pcres & les •
interf)retcs. Le corps de ces ouvrages ne
fublifte plus depuis très-long temps.
IL L'évangileflon les Egyptiens palfe pour
le plus ancien des évangiles purement apo-
cryphes. Son exjftence eft atteftée par
S. Clément , pape , ep.ii. %. iz. S. Clément
d'Alexandrie >Jiromat. lib. III. S. Epiphane,
herixj\ 6!i. S. Jérôme, proœm. in Matth. 5c
d'autres écrivains eccléliaftiques. M. Grabe
juge qu'il fut éciit par les chrétiens d'E-
gypte , avant que S. Luc eût écrit le fien i
6c qu'il a en vue l'ouvrage des Egyptiens ,
lorfqu'à la tête de Ion évangile il dit que
plufieurs avant lui avoient tenté d'écrire
î'hilloire des commencemens du chriftia-
nifme. M. Mille prétend qu'il a été com-
pofé en firveur des Efléniens qui , félon lui ,
furent les premiers & les plus parfaits chré-J
tiens de l'Egypte. Quoiqu'il en foit , voici'
quelques traits finguliers de cet ouvrage.
S. Clément , pape , cite de cet évangile ,
qu'un certain homme ayant demandé à
Jefus-Chrift quand le monde devoit finir,
le Sauveur lui répondit : Lorfque deux tie
feront qu'un ; quand ce qui eft au-dehors Jera
au-dedans , & lorfque l'hort.mc & la femme ne.
feront ni mâle m femdle. S. Clément d'Ale-
xandrie ajoute ; Et lorfque vous foulerei aux
pies les habits de votre nudité. Au rapport de
ce dernier auteur ( Jîromat. hb. III. ) on
lifoit dans le même évangi'e , que Salonag
ayant demandé à Jefus Chrift : Juj'qu'à
quand les hommes mourrojit-ils î Jefus lui
répondit ; Tant que vous autres femmes pro-
duire! d^s enfans. J'ai donc bien fait de n'avoir
point d'enfans , répliqua Salomé ? Mais le
Sauveur lui dit : NourriJ/e^ vous de toutes
fortes d'herbes , à l'excep. ion de celle qui efi
amere. Clément d'Alexandrie en cire en-
core ces paroles : Je fuis venu pour détruire
les auvres de la femme , c'elbàdire, l'amour
& la génération. Maximes , dont les héré-
tiques des premiers temps , ennemis du
mariage , & livrés aux excès les plus déna-
turés , ne maiiquoient pas d'abufcr. Cet
évangile eft abfolument perdu , à l'exception
des fragmens qu'on vient de lue.
E V A
ÎII. Uévangife de ta naijfance âe la Vierge.
On en connoîc jufquW crois; &.' nous en
avons encore deux entiers. Le principal eft
Xcproiévangik Am\\i\\i à S. Jacques le mi-
neur j év êque de Jcrufalcm. On l'a en grec
& en latin. Le fécond eft l'évangile de la
nativité de la Vierge, qu'on a en latin , &C qui
n'cft qu'un abrège du protévangile. Le troi-
iîenic ne le trouve plus. Mais S. Epiphane
( hicref. a6. n. iz.) en cire un trait fabuleux
& irès-remarquable : c'eft que Zacharie ,
père de Jean- Raptifte , étant dans le tem-
ple oii il otfroit l'encens , vit un homme
qui fe prelenca devant lui avec la forme
d'ui! âne. Etant forti du temple , il s'écria :
M.:l':e'jr.ux que vous êtes , qucji-ce que vous
adoie:^ ? Mais li figure qu'il avoit vue lui
ferma la buuche , <J: l'empêcha d'en dire
davantage. Apièsla nailîance de Jcan-Bap-
tirte, Zacharie ayant recouvre l'ulage de la
parole , publia cette vilion ; & les juifs
pour l'en punir , le firent mourir dans le
temple. C'eft peut-être une pareille rêverie
qui a fait penfer à quelques païens , que les
juifs adoroienc une tête d'âne ; comme le
rapporte Tacite, liB. V. htft. Voye^ cette
conjcfture développée par M. Morm , qui
cite le trait rapporté par S. Epiphane , dans
les Mi.m. de l'acad. des infcriptions , tom. I.
p. l^Z. & Juiv. Au refte , ces faux évangiles
dont le protévangile paroit être l'original ,
font très-anciens , puifqu'ils (ont cités com-
me apocryphts par les pères des premiers
liecies , &: que TercuUien & Origene y font
quelquefois allulion.
IV. L'évangile de l'enfance de Tefus a été
fort connu des anciens. C'eft un recueil des
miracles qu'on (uppofe opères par Jefus-
Chrift depuis la plus tendre enfance , dans
(on voyage en Egypte , & après fon retour
à Nazareth jufqu'à l'âge de douze ans. Nous
l'avons en arabe, avec une verlion latine
d'Henri Sikius. M.Coteiier ena aulTi donné
un fragment en grec. Voici quelques échan-
tillons des fables & des abfurdités que con-
tient ce faux évangile. On y rappoitc la
nailîance de Jcfus-Chiift , avec ces circonf^
tances : que Joieph ayant couru à Beth-
léem chercher une fage femme , & étant
revenu avec elle à la caverne où Marie
s'étoit retirée , il la trouva accouchée , &
l'enfant enveloppé de langes & couché dans
EVA 35?
la crèche: que la f<ge- femme , qui étoic
lépreufe, ayant touché l'enfant, fur aulTî.
tôt guérie de la lèpre : que l'enfant fut cir--
concis dans la caverne, &: fon prépuce con-
fervé par la même femme dans un vafc
d'albâtre , avec des onguens précieux ; ôc
que c'eft ce même vafe qui fut acheté par
Marie la pécherefl'e , qui oignit les pies du
Sauveur. On ajoute que Jelus fut prélenté
au temple, accompagné d'anges qui l'cii-
vironnoient comme autant de gardes : que
les mages étant venu à Eethlétm , fuivanc
la prédiftion de Zuroaftie , Marie leur
donna une des bandes avec lefquelles elle
enveloppoit le petit Jcfus ; & que cette
bande ayant été jetée dans le feu , en fut
tirée entière & fans avoir été endommagée.
Suivent la fuite de la fiinte famille & (on
fc|our en Egypte. Ceféjour dure trois ans,
tic eft lignalé pal une foule de miracles qui
ne (ont écrits nulle part ailleurs ; tels que
ceux-ci : une jeune époulce qui étoit deve-
nue muette , recouvra la parole en embraf-
faiit le petit Jefus : un jeune homme change
en mulet , reprit fi première forme : deux
voleurs nommés Titus & Dumacus , ayant
lailfé pafTer Jofeph & Marie fans leur faire
de mal , Jefus-Chrift leur prédit que l'un
& l'autre lero't attaché en croix avec lui.
De retour à Beth éem , il opère bien d'au-
tres prodiges. Deux époules d'un même
mari avoienc chacune un enfant malade :
l'une s'adrefla à Mar,e, en obtint une ban-
delette de Jefus , l'appliqua iur fon fils , &
le guérit. L'enfant de la rivale mourut :
grande jaloulie entr'elles. La mère de l'en-
fant mort jette le fils de l'autre dans un four
chaud ; mais il n'en relient aucun mal: elle
le précipite enfuite dans un puits , ^: on l'en
retire fain &c fauf Qiielqucs jours après, cette
mégère tombe elle-même dans ce puits, &
y périt. Une femme avoit un enfant nommé
Judas , pofTédé du démon ; c'eft Judas Ifca-
riote : on l'apporta près de Jefus, à qui le
pofledé mordit le coté , & fut guéri ; c'eft
ce même coté qui fut percé de la lance à la
palTîoii. Un jour, des enfans jouant avec
Jefus, fiifoient de petits animaux d'argile
ou de terre : Jcfus en failoit comme eux j
mais il les animoit , enforte qu'ils mar-
choient , buvoicnt & mangeoient. Ce mi-
racle eft rapporté dansl'alcorauj/wra^ 6'^,
Yy i
356 E V A
éc dans le livre intitulé : Tolelos Jcfu. Jofeph
alloic avec Jcfus par les mailons de la vilie,
travaillant de fon métier de charpentier ou
menuiiîcr ; tout ce qui fe trouvoit trop
long ou trop coure , Jefus raccourciiroi*
ou l'allongeoit fuivant le bcfoin. Jefus
s'étant mêle avec des enfans qui jcuoient ,
les changea en boucs , puis les remit en
leur premier état. Un jour de (abhac Jefus
iît une petite fontaine avec de la terre , cc
rnit fur (es bords douze petits moineaux de
même matière. On avertit Ananie que Jefus
violoit le fabbat ; il accourut , & vit , avec
étonne ment , que les petits moineaux de
terre s'cnvoloienr. Le tîls d'Ananie ayant
voulu détruire la fontaine, l'eau difparut ,
6c Jefus lui dit que fa vie diiparoîtroit de
même : aufTi-tôt il fécha & mourut. On y
raconte encore qu'un maitie d'école de
Jérufalem ayant fouhaité d'avoir Jeîus pour
difciple ; Jefus lui fit diverfcs qucftrons
qu^ l'embarafi'erent , & lui prouvèrent que
fon difciple en favoit mhniment plus que
lui : enfuite Jefus récita feul l'alphabet ; le
maître iwtetdit l'ayant voulu happer , fa
main devint aride , &c il mourut fur le
cham.p. Enfin Jefus âgé de douze ans , pa-
loît au temple au milieu des dodeurs , qu'il
étonna par fes queftions 6i fes réponlés ,
non-feulement fur la loi , mais encore for
la philofophie , l'aftronomie , & lur toutes
fortes de fciences. Jofepli & Marie le ra-
mènent à Nazareth , où il demeure jufqu'à
l'âge de trente ans , cachant fes miracles
6c étudiant la loi. Tel eft le précis des prin-
cipales chofes contenues dans le texte ara-
be, traduit par Sikius. Le fragment grec ,
traduit par M. CoteHer, diffère un peu quant
à l'ordre des miracles & quant aux circonl-
tances; mais il renferme encore plus d'im-
pertinences , & des contes plus ridicules.
V. L'évangile de NKoaéme n'a pas été
connu des anciens , pas même de Paul
Orofe & de Grégoire de Tours , qui ne
■le citent jamais fous ce titre , quoiqu'ils
citent les aâes de Pilate , avec lefqucls
Vévangik de Nicodéine a beaucoup de con-
formité. De-là M. Fabricius , de apocryph.
nov. Tfftcm. p. xi£. confeélurc avec beau-
coup de vraillcmblance , que ce ibnt les
Angloisqui ont forgé Vévanplede Nicodcme
|cl que ujus l'avons , fui-tout depuis qu'ils
E V A
ont voulu faire palTcr Nicodême pour leur
premier apôtre, tn effet le latin dans le-
quel cet ouvrage tit écrit eft très-barbare ,
èc de la plus balle latinité. Il rapporte tome
l'hiO.oire du procès, de la condamnation ,
de la mort & de la réfurredion de Jefus-
Chrift , avec mille circonl^nces fabuleufes;
& il finit par ces term.es : " Au nom de la
" très-fainte Trinité ; fin du récit des chofes
» qui ont été faites par notre Sauveur Jefus-
» Cluift , & qui a été trouvé par le grand
» Théodofe , empereur , dans le prétoire
» de Pila:e , & dans les écrits pubHcs. Fait
" l'an xix de Tibère , le xvij d'F4érode , roi
» de Galilée , le 8 des calendes d'avril , le
" 15 mars de la ccij olympiade, fous les
" princes des juifs, Anne & Caïphe. Tout
» cela a été écrit en hébreu par Niço-
» dême. •>
"V L h'évnngHc éternel eft encore plus mo-
derne : c'eft la production d'un religieux
mendiant du xiij fiecle ; elle fut condam-
née par Alexandre IV & brûlée , mais k-
crétement, de peur de caufcr du fcand.-\ie
aux frères. Cet auteur qui avoir tiré fon
titic (le l'apocalypfe , où il cfl dit, cknp. xiv.
G, eu un an^e porte Vcvan^ile éicrr.ei 6i le
publie dans toute la terre ëc à tous les peu-
ples du monde , prétcndoit que Vévnnr.ilc
de Jefus-Chrift , tel que nous l'avons, leioit
aboli ou du moins abrégé , comme la loi
de Moïfc l'a été par Vévnngile , quant à fes
cérémonies & à les loix judicielles.
Vn. L'évangile de S. André n'eft connu
que par le décret du pape Gélafe , qui l'a
relégué parmi les livres apocryphes.
VIIL L'évangile de S. Barthekmi fut aulTï
condamné par le pape Gélale. Saint Jé-
rôme & Bede en font mention. D. Calmet
penfe que ce n'étoit autre chofe que \'é-
vançile de S. Mathieu, qui , félon Eufcbe
& quelques autres, avoir été porié dans
les Indes par S. Barthelemi , où Panr.xnus
le trouva & le rapporta à Alexandrie. Mais
fi c'eut été ['évangile pur & non altéré de
S. Mathieu , le pape Gélafe l'auroit-il con-
damné î
IX. L'évangile d'Jpeli/s eft connu dans
S. Jérôme 6: dans Bede , non comme un
! évangile nouveau , compolé exprès par cet
héréfiarque, mais, comme quelqu'un des
anciens évangiles qu'il avoic coiiompu à la.
E V A
fantaîfie , pour fouccnir & accréditer fes
erreurs.
X. L'évangile de Bafilide écoit en effet
nn ouvrage compofé par ce chef de fccte ,
& intitulé de la forte par un homme qui
f ropofoit , fans détour , fes vidons & fes
erreurs , fans vouloir les mettre à l'abri de
quelque grand nom , comme faifoient les
autres héréciques , qui fuppofoient des évan-
giles fous le nom dos apôtres. M. Fabricius
conjedurc que cet évangile de Bafilide n'é-
toit autre chofe qu'une efpece de commen-
taire fait par cet héréliarque fur les quatre
évangilts, ôc dilhibué en vini:;t-quatre livres,
dont on a quelques fragmens dans le fpici-
lége de M. Grabe. Bafilide fe vantoit d'avoir
appris fa doftrine de Glaucias , interprète
de S. Pierre , &c la donnoit par confequent
avec confiance comme la doéirine même
du chef des apôtres.
XI. L'évangile de Cérintke efl: , félon S.
Epiphanc, hiXref. ^z. un de ceux qui avoienc
été écrits par les premiers chrétiens avan:
que Sainr Luc écrivît le iîen. Le même
père femble dire ailleurs , que Cérinthe fe
fervoit de {'évangile de S. Mathieu , altéré
fans doute relativement à les erreurs. Et
dans un autre endroit , il rapporte que les
Alogiens attribuoient à ce novateur IV-
vangile de S. Jean. Mais l'erreur écoit grof-
fiere , puifquc S. Jean n'écrivit fon évan-
gile que pour combattre l'hcrélîc de Ce.
rinthe. Il ne no'js refte plus rien de IV-
vangile de ce dernier, fbje^ Alogiens.
XII. L'évangile des Ehionites éioxi Vévan-
gik de S. Mathieu , auffi altéré en plulieurs
endroits , pour favorifer leur dogme con-
traire à la divinité de J. C. par exemple
celui-ci , qu'après avoir été baptifé par Jeaii-
Baptifte , Jefas-Chrift étant forti de l'eau ,
le Saint-Efprit parut fur lui & entra en lui
fous la forme d'une colombe ; alors onouit
une vo X du Cicl qui diloit : Vous êtes mon
fils bien aimé , en qui j'ai mis ma complai-
sance : & encore , je vous ai engendré aujuur-
d''hui. Il nous r: lie encore quelques autres
fragmens peu coniidérablcs de cet évangile,
cités par S. Epiphane , hxref.^0. chap. xv.
a". iG. 6' zi. Voyei Ebionites.
XIII. L'évangile des Encratiques n'étOit
que les quatre évangiles fondus en un feul
E V A 357
' par Tatîcn ; & félon Théodoret , hcrraic.
f:l>uL iib. J. cap. XX. les catholiques des pro-
vinces de Syrie & de Cilicie s'en fervoicnt
aufïî bien que les Encratices. Au rcfte il
n'étoit pas reconnu par l'égliié pour authen-
tique. Fojt^Encratites.
XIV. L'évangile d'Eve étoit en ufage
parmi les Gnoltiques , & contenoit beau-
coup d'obfcénitcs , dont on peut voir le
détail dans S. Epiphane , hcerej'. %6. n, Z.J.
5. 5. & lî. Voyci Gnostiques.
XV. L'évangile des Gno/liqucs étoit moins
un livre particulier , qu'une collection de
tous les évangiles faux & erronnés , cora-
pofés avant eux ou par eux-mêmes : tels que
les évangiles d'Eve , de Valentin, d'Apdiés ,
de BûfUide , de l'enfance de Jcjus , &CZ.
XVI. L' évangile de Marcion n'étoit que
l'évangile de S. Luc , tronqué & altéré (ui-
vant la fintaifie de Marcion & de fes (tc~
tateurs. On a des exemples de ces a'itéra-
tions dans TertuUien , dans S. Epiphane ; &
D. Calmet les a remarquées exattemcnc
dans fbn commentaire lur les évangiles.
Voyei Marcionites.
XVII. L'évangile de S. Paul tfï moins un
livre réel & apocryphe, qu'une faliihcation
de titre de la façon des Marcionites , qui
attribuoient à S. Paul l'évangile de S. Luc.
L'erreur au refte eut été peu importante ,
s'ils n'euffent corrompu dans des matières
elTentielles l'évangile même de S. Luc , le
feul qu'ils admettoient , mais dchguré à
leur manière.
XVIÏI. Les Interrogations de Marie. Les
Gnoftiques avoient deux livres de ce nom ;
l'un intitulé , lis grandes interrogations de
Marie , l'autre , les petites interrogations de
Marie. Ces deux ouvrages étoient également
un tiflu d'infamie§^ écrites par ces fanati-
qu8S, dont b culte confiftoit principale-
ment en impuretés monftrueufes.
XIX. Le livre de la naiffance du Sauveur
éroit un ouvrage apocryphe que le pape
Gélafe condamna lous un même titre ,
avec celui delà Vierge & de la fage- femme,
Dom Calmet conjedture que c'étoit à peu
près le même que le protévangile de S. Jac-
ques, où l'on raconte la nailîance du Sau-
veur , & l'épreuve que la fage-femme vou-
lut faire de l'intégrité de Marie après l'en-
fantsment.
558
E V A
XX. L'Evangile de S. Jeun , ou le livre du
trépas de la Vierge , eft condamné dans le
décret de GéUilc , & ie trouve encore en
grec dans quelques bibliothèques : quel-
ques manufcrits 1 attribuent à S. Jacques ,
frère du Seigneur , & d'autre à S. Jean
l'évangélifte.
XXI. L' Evangile de S. Mathias eft connu
par les pères qui n'tn ont ciré que le nom : |
on a aulTi des aiSles apocryphes de S. Ma- |
thias , & des traditions ou maximes qu'on
croit extraites du faux évangile qui couroit
autrefois fous ie nom. de cet apôtre , &
dont plufieurs anciens hérétiques , entr'au-
trcs les Carpocratiens , abufoient pour au-
torifer leurs erreurs. F". Carpocratiens.
XXII. L'Evangile de la perfeciivn ; ou-
vrage oblcene , production des Gn.oftiques ,
qui avoient le front de fe donner ce nom ,
qui à la lettre iignifie un homme parfait,
quoiqu'ils fuOent , par leurs déréglemens ,
les plus abominables de tous les hommes.
XXIII. L'Evjngile des Simoniens , ou des
difciples de Simon le magicien , étoit dil-
tribué en quatre livres ou tomes remplis
d'erreurs &: a'extravagancts imaginées par
ces hérétiques qui combattoient la création,
la providence, le mariage, la génération ,
la loi , & les prophètes. C'eft tout ce qu'on
en fait par les conftitutions apoftohques,
liv. VI. ck. xvij , fi par la préface des canons
arabiques du concile de Nicée , lome II.
concil. p. ^SS. Voyei Simoniens,
XXIV. L' Evangile jelon les Syriens , dont
l'exiltence a été atteftéc par S. Jérôme & par
Eufebe, étoit probablement le même que
l'évangile des Nararéens , ou ['évangile hébreu
de S. Mathieu , dont fe fervoient les chré-
tiens de Syrie &c des provinces voilines ; &
nous avons déjà remarqué que ces deux
évangiles n'étoient pasientiérement purs &
fans altération.
XXV. L'Evangile de Tarien étoit une ef-
pece de concorde des quatre «T.7/ig^//£j. Ta-
tien, qui , après avoir été difciple de S. Juf-
tin , étoit tombé dans l'erreur, avoir re-
tranché les généalogies & tout ce qui prou-
voit que Jefus-Chrift étoit né de la ligne de
D^ivid félon la chair : cette altération ne fe
trouvant pas dans ['harmonie ou concorde qui
porte le nom de Tatien, dans les bibliothè-
ques despcreSj momie que ce n'cft point
E V A
le véritable évangile de Tarien , mais l'har-
monie d'Ammonius d'Alexandrie. Tatien
écrivit fon évangile en grec, & il eft perdu.
Théodoret en parle hiXretic.fabular. Lib. I.
c. XX. ■
XXVI. L'Evangile de Tnadée ou de S.
Jude , fe trouve condamné dans le décret du
Gélafe : M. Fabricius doute qu'il ait jamais
exiftc ; & Pon n'en connoit aucun exem-
plaire.
XXVII. L'Evangile de Valentin ou des
Valentiniens , qui l'appelloienc ['évangile de
vérité , étoit un recueil de tous leurs dogmes,
ou plutôt de leurs iir pertinences. Voici
comme il débutoit : l'anie , ou la penfée ,
d'une grandeur indejlruâièle , ou imiéfeâi-
ble par fon élévation , fouhaite le falut aux
ind'rjiruclibles qui font parmi les prudens , les
pfychiçues , ou les animaux , les charnels &
les mondains : je vais vous parler de chofes
ineffables , fecretes , & qui font élevées au def-
fus des deux, qui ne peuvent être entendues ni
par les principautés , ni par les puiffances , ni
par les fujets , ni par aucun autre que par
l'entendement immuable, &CC. Tout le leftc
étoit du même ton emphatique. S. Epipha-
ne nous a détaillé les rêveries des Valenti-
niens , hceref. ^i. leur chef prétendoit tenir
fa doécrine de Theudas , ami de S. Paul.
Voye^^ Valentiniens.
XXVIII. L' Evangile de vie on ['évangile
vivant , étoit à l'ui'age des Manichéens , fur
le témoignage de Photius , cod, 8^. Voye^
Manichéens.
XXIX. L'Evangile de S. Philippe : les
Manichéens s'en fervoient encore. Les
Gnoftique.s en avoient aulTî un fous le même
titre. S. Epiphane , k^vrcf zG. n°. i^. en
rapporte ce fragment , où l'on entrevoit
les abominations de ces h/rétiques : le Set'
gneur m'a découvert ce que l'ame devait dire
iorfqu'clle Jeroii arrivée dans le ciel, fr ce
qu'elle devait répondre à chacune des vertus
cékjlcs. Je me Juis reconnue & recueillie ; Ù
je n'ai point engendré d'enjans au prince de
ce monde , au démon ; mais j'ai extirpé fes
racines : j'ai réuni les m: nbres enfeinble :
je connais qui vous êtes , étant moi-même du
nombre des chojùs cékjtes ; ayant dit ces
chofes , on la laijjè pajjer : quejî elle a engendre
des enjitns , on ta reiieit jufqu'à ce que fes
enfans foieiit revenus à dlç 6' quelle les ait
E V A
retirés des corps qu'ils animent fur la terre.
Voyei Gkostiques.
XXX. L'Evangile de S. Barnabe. Tout
ce qu'on en fait , c'tft qu'iui ouvrage com-
pofé fous ce titre , apparemment par d.es
hérétiques, eft mis au nombre des livres
apocryphes , & condamné comme tel par
le pape Gélafe.
XXXI. L'Evangile Je S. Jacques le Ma-
jeur. Il fut , dit-on , découvert en Elpapiie,
en 1595 , iur u:ie montagne du royaume
de Grenade , avec dix-huit livres écrits fur
des plaques de plomb , dont quelques-unes
étoient de cet apôtre ; entre autres une
melle des apôtres avec fon cérémonial, une
hilloire évangélique. Le pape Innocent XI.
condamna tous ces faux écrits en 1681.
XXXII. L'Evangile de Judas Ifcariote
avoit été compolé par les Caïnites , pour
foutenir leur impiétés. Ils reconnoilîoicnt un
premier principe , ou une vertu fupérieure
à celle du créateur , & difoient que Caïn ,
les Sodomitcs , Coré, & Judas Ilcariote
lui-même, qui fèul entre les apôtres avoit
connu ce myftere d'niiquité , avoient com-
battu en faveur de ce premier principe ,
contre la vertu du créateur. On voit qu'ils
n'éto'cnt pas délicats fur le choix de leurs
p;itriarches. Ge faux évangile , dont les an-
ciens ont beaucoup parlé, eft abfolument
perdu, l'oye^ Caïnites.
XXXIII. L'Evangile de la vérité , eft le
même que celui de Valentin ou de fes
diiciples , dont nous avons parlé plus haut.
XXXIV. Les faux Evangiles de Lucius ,
I.ucianus , Séléucus , & He^ychius , font ou
de limples corruptions des vrais évangiles,
ou quelques-uns des évangiles apocryphes
dont nous venons de rendre compte. M.
Grabe, dans fes notes fur S. Irené, liv. I ,
chap. XV! j. dit qu'il a trouvé dans la biblio-
thtque du collège de Chrift , à Oxford , un
exemplaire du faux cvangile de Lucius ; &
il en rapporte un fragment , qui contient
l'hiftoirc du maure d'école de Jérufalem ,
narrée dans l'évangik de i'enfance de Jefus,
Fbye^ ci-deftus , article ly.
Nous ne pouvons mieux terminer ce
détail emprunté &: abrégé de la difterra-
lion de Dora Cal met , fur les évangiles apo-
EVA 559
cryphes , que par une réflexion qui eft
toute à l'avantage des quatre évangiles que
l'églilc catholique , & même les ftttes chré-
tiennes, reconnoilTent pour authentiques.
Outre que ceux-ci ont pour tux le té-
moignage uniforme & confiant d'une fo-
ciété , toujours fubliftante depuis plus de
dixlept iîecles, intcrelfee à difccrner &
à confervcr les monumcns qui contiennent
le dépôt de fa créance & de là morale ,
& qu'elle n'a jamais manqué de réclamer
contre l'introduction des fiiux évangiles ,
foit en les condamnant & les excluant de
fon canon , foit en les combattant par la
plume des pcres , foit en montrant Li nou-
' veauté de leur origine , foit en remarquant
les caradeies de luppolnion qui les diftin-
guent des livres divinement infpirés , foit
enfin en montrant l'oppofition qui règne
entre fa do61:iine & les erreurs des évangi-
les apocryphes : il fuffit de jeter de bon-
ne foi les yeux fur les uns & fur les autres,
pour fe convaincre que la fagcfle & la
vérité ont prélidé à la compofition des
livres famts admis par l'églife , tandis que
les faux évangiles font évidemment l'ou-
vrage dufanacifme & du menfonge. Les
myiteres contenus dans les évangiles au-
thentiques font à la vérité au delfus de la
raifon , mais ils ne font ni extravagans ni
indignes de la majefté de Dieu , comme
les rêveries qu'on rencontre dans les évan'
giles apocryphes. Les miracles racontés par
nos évangeliftes ont tous une fin boime ,
louable , & fainte , & moins encore la
fanté des corps' que la fàinteté des âmes ,
la conveifîon des pécheurs , la manifi.fta-
tion de la vérité. Les prodiges imaginés
par les falfîficateurs ne fcmbltnt faits que
pour l'oftentation : les circonftances pué-
riles & ridicules dont ils font accompagnés,
fuffilent pour les décrediter. Enfin , la
doétrine des mœurs eft fî belle , (i pure ,
fl fainte dans les écrits des apôtres, qu'elle
eft l'objet de l'admiration de ceux mêmes
qui la pratiquent le moins ; & la morale
des faux évangc-nftes eft marquée au coin
de la débauche & de l'infamie. Ce paral-
lèle feul fuftiroit à tout efprit fcnfé , pour
décider , quand nous n'aurions pas d'ail-
leurs une certitude de traditions & de
témoignages les plus refpedablcs , pour
;6o
E V A
conftater l'origine & l'auchcnticité de nos
évangiles (G)
Evangile , ( Hijf. eccléf.) eft auffi le nom
que les Grecs donnent à leur livre d'office ,
où font contenus, félon l'ordre de leur ca-
lendrier & de leur année eccléfiaftique , les
évangiles qu'ils lilent dans leurs cglifes , dont
le premier eft l'évangile de S. Jean qu'ils li-
fenr de fuite, à la referve de trois jours ,
qu'ils prennent d'un autre évangile , & ils
commencent cette le£l:ure le dimanclie de
Pâques , lifant ce jour là : in principio erat
rerbum , 8c ainfi de fuite. Ils commencent
le lendemain de la Pentecôte ['évangile de
S. Mathieu qu'ils continuent , à la réferve
de quelques jours cju'ils prennent d'un autre
évangélifte ; c'eft ce qu'on peut voir traité
affez au long par Allatius, dans fa I. Dif-
fertaùon des livres ecctéfiafliques qui font en
ufage chei^ les Grecs. Chambers. {G )
* Evangiles , adjeâ:. pris fubftantiv.
( Mythol. ) fêtes que les Epliéfiens célé-
tiroient en l'honneur d'un berger qui leur
avoit indiqué les carrières d'où l'on tira
les marbres qui furent employés à la conf-
truftion du temple de Diane ; ce berger
s'appeloit Pixodore. On changea fon nom
en celui de l'Evangelifle ; on lui faifoit
tous les mois des facriiîces ; on alloit en
proceffion à la carrière. On dit que ce
far le com.hat de deux béliers qui donna
lieu à la découverte de Pixodore : l'un
de ces deux béliers ayant évité la rencontre
de fon adverfaire , celui-ci alla fi rude-
ment donner de la tête contre une pomte
de rocher qui lortoit de terre , que cette
pointe en fut briféc ; le berger ayant con-
îldéré l'éclat du rocher , trouva que c'ctoit
du marbre. Au refte , on appelloit ailleurs
évangiles ou évangélies, toutes les fêtes qu'on
céljbroit à l'occafion de quelque bonne nou-
velle ; dans ces fêtes , on faiioit des iacrifi-
ces aux dieux ; on donnoit des repas à fes
amis , & l'on réuniffoit toutes les fortes de
divertiiïemens.
Évangile, { Jurifprud.) dans l'ancien
flyle du palais, fignifioit la vérification que
les greffiers font des procès qu'ds reçoi-
vent , pour s'alTurer fi toutes les pièces y
font. Le terme à'évangik a été aintî employé
abufr.Lment dans ce fens , pour exprimer
Wiîç çhofe fur la vérité de laquelle on devoir
E V A
compter comme fur une parole de l'évangile^
L'ordonnance de Charles IX , du mois de
janvier i J75 , art. 4. à la fin , enjoint aux
greffiers de donner tous les facs des procès
criminels , informations, enquêtes, Vau-
tres chofes femblables , aux melfagers ,
jurés , & reçus au parlement ; &: ajoute que
pour l'évangile , leldits greffiers auront fepc
lous 6 deniers tournois feulement ; & U
cour , par fon arrêt de vérification , ordon-
na que lefdits greffiers , ou leurs commis ,
feroient tenus de clorre & de corder tout
à l'entour les facs , & les fceller en forte
qu'ils ne puilfent être ouverts , dont ils fe-
ront payés par les parties, pour les clorre ,
évangélifer, corder & fceller, à raifon
de 6 fous parifis pour chaque procès ; ainfi
à'évangik on a fait évangélifer ; on a aulTî
tiré de là le mot évangélijie. Voyei_ ci-
devant EVANGÉLISER & ÉvANGÉLISTE.
ÉVANOUIR , V. n. ( Algèbre. ) On dit
que l'on fait évanouir une inconnue d'une
équation, quand on la fait difparoître de
cette équation , en y fubftituant la valeur
de cette inconnue. V. Équation.
Quand il y a plufieurs inconnues dans un
problème, une des difficultés de la folution
conlifte à faire évanouir les inconnues , qui
empêchent de reconnoitre la nature & le
degré de ce problème. ( £ )
Avant que de parler des opérations par
îefquelles on fait ci''î:;ou/r les inconnues , il
eft nécellaire de dire un mot de celle par
laquelle on fait évanouir les fradiions. Rien
n'eft plus iïmple ; on réduit toutes les frac-
tions au même dénominateur ( Voyet
Fraction ) ; on donne ce même dénomi-
nateur aux quantités non fraclionnairesqui
peuvent fe trouver dans l'équation , enfuite
on fupprime ce dénominateur , ce qui eft
permis , puifque des quantités qui font éga-
les étant divifées par une même , font éga-
les enrr'ellcs. Par exemple , foit
^- ah.{c.f) .
- , on aura ,-7 TT T
+ -+-.
b '-i
■G-n
•f-
^ h )
■x h=:^ k C—kf
a hf-\-^c ~ xj + X
l'oy. Rkduction , Construction , 6'c.
Il eft bon aulïl de dire un mot de l'opé-
ration
(
E V A
ration par laquelle on fait évanouir les
radicaux , lorlquils ne font que du fécond
degré. Par exemple, h on a -f- j/ ^" = a:' ,
on aura x' — a = ï/a:,&:(x' — a)^ =
X ; de même lî on a a -f- l^ x = x' — f-
V' y,oi\ aura d'abord (a ' — a -\~ V" y ) '
=^ -V , équation qu'on peut changer en
celle-ci (! jf* — ^ ) ' -+- y -+-1 V^T
on voit évidemment que par cette méthode
on fera dilpacoitre à chaque opération
au moins un radical , & qu'ainli on les
fera lucceirivement difparoître tous. A l'é-
gard du cas où il y a pluheurs radicaux de
différente elpece , nous en parlerons plus
bas. ( O )
Cela pofc , fi l'on a deux équations ,
& dans chacune de ces équations une
quantité inconnue d'une dimenlion , on
peut faire évanouir l'une de ces deux in-
connues , en faifant une égalité de fès
différentes valeurs tirés de chaque équa-
tion ; par exemple , fi l'on a d'une part
a H- X = b H- y , & d'une autre part
c x-\- dy ^=. àfg\ de la première équation
on tirera jc = i -f- y — a , & l'on dé-
duira de la féconde x = -â^S-^ — L ^ ^e qui
donnera cette équation b -f- y — a =
^ -^ ~ -^ y J a \ (\ f
- , Q ou Jvr elt évanouie.
Si la quantité qu'il s'agit de faire éva-
nouir eft d'une dimcnlion dans une des
équations , & qu'elle en ait plulîeurs dans
l'autre , il faut fubftituer dans cette au-
tre équation la valeur de cette inconnue ,
prife dans la première : par exemple , fi
l'on avoir xyy= a' & x^ -^y^ = bby
~~~ aax , on tireroit de la première équa-
cette valeur
non js- =•=--- ; & mettant
a'
la fe
econde equa- |
y' = b b y
en la place de x dans la
tion, elle deviendroit '^
~ , ou :«• ne paroit plus.
Quand il arrive que dans aucune des
deux équations , la quantité inconnue n'eft
d'une feule dimenfion , il faut trouver dans
chaque équation la valeur de la plus grande
puillance de cette inconnue , & li ces
Tome XIII,
E V A 35j
piiîltances ne font pas les mêmes , on mul-
tipliera l'équation qui contient la plus
petite puillance de cette inconnue par la
quantité que l'on fe propole dç faire éva-
nouir , ou par fon quarré ou fon cube,
&■€. jufqu'à ce que cette quantité ait la
même puilTànce qu'elle a dans l'autre équa-
tion : après quoi l'on fait une équation des
valeurs de ces puiflances ; d'où réfulte une
nouvelle équation , dans laquelle la plus
haute puillance de la quantité que l'on
veut faire évanouir , eft diminuée de quel-
que degré , & en répétant une pareille
opération , l'on fera évanouir enfin cette
quantité : par exemple , Çi x x •\- a x:
^byy ,1k axy — c xx = J^, & qu'il
s'agilîe de faire évanouir x , la première
équation donnera x x z=Èjy -•. a x ; Hc
a. Xy -d j
la féconde produira x x = — — — - ; d'où
c
naîtra cette équation b y y —— a x =
~ , dans laquelle x eft réduite à
une dimenfion ; on peut par conféquent la
faire évanouir , en fuivant la méthode que
l'on a déjà expliquée.
Pareillement, fi y =xyy -f abXy
& yy = XX — » xy -\- ce , pour faire
évanouir y , on multipliera la dernière
équation par y , qui deviendra alors jy? — ■
y XX — A-y ' -f- ccy , de même dimenfion
que la première; ainirJc-yy—{-ii:>i'=yA-^
— X y * — f- ce y , où y eft réduite à deux
dimenfions. Enfaite par le moyen de cette
dernière équation & de la plus fimple des
équations données jy^ = x x — x y -{■ ce,
on pourra faire eVa/jou/r entièrement y , en
obfcrvant ce qui a été dit ci-dcflus.
S'il y a plufieurs équations & autant de
quantités inconnues , alors pour faire éva-
nouir une quantité inconnue , il faut aller
par degrés. Suppofons que les équations
ax=yx, -|-j = î , S Jf=j-4- 5 7,
ôc que l'on veuille faire évanouir :j , de la
première équation ax =y ^, on tireur =
^ ; & fubftituant cette valeur de x dans
a
la fecoude ou la troificme équation , ou
= y -f- 5 ^ ; d'où l'on peut enfin faire
évanouir [, comme ci- deftus.
Z z
aura les équations — -
562 E V A
QLundli quantité inconnue a plufîeurs t
dimenlions , il ei\ quelquefois fort cmbar-
ralTant de la chalïer ; mais les exemplet
fuivans , que l'on peut regarder comme
autant de règles , diminueront beaucoup
le travail.
1°. X éraiit évanouie des équations a x x
-{- 1> X -i- c = G , Se fx X + g X -\- h
= 0 il vient ah — b g — i c f.^ ah +
bh — cg X èf+agg + cfJXc==o.
1°. La même inconnue x étant éva-
nouie des équations ax'-i-bxx-^cx-k-d
= o , & fx X -}- g x ■\- h= o , on en tire
ah — l> g — T. cf X a h k -i- b h — cg —
TJrX fh+ ck— dg X agg + cff
•+-1 egh-\-6 gg-^ djfX df= o.
3". Lci équations a x* —\- b x^ -\- c x x
— f- dz-\-e = o,&ifxx-]-gx-\-h=^o,
dont on fera évanouir x , donneront a h
— b g — i c fx ik' -\ b h — cg — 1 </■ /
'Xh fh h-\- ag g— h c ) j X c h h — g g h-\-
eg g — le f'g+ jagh-h bgg — dffx
S/h-higAh-hj bgh — dfg'-i-effX
e/y — tg — lah X efg^^o , fie.
P?.r exemple , pour fiiire évanouir x , ou
pour la chalTcr des équations x x —\- 5 x
— 5yy = o> (?i 5 -r AT — ixj,- -{-4=0,
on lubit. tuera re'pecftivcment dans la pre-
mière règle , pour ks quantités a , b , c ,
^ f> g^- ^■> 1*^5 quantités i , 5 , — 5 j j ,
& 5 > "~~ 1 y , H— 4 , en obiervant très-
exactement de mettre , comme il convient,
les fignes -}• &: — 5 ce qui donnera 4+10
y + 1 8 y V X 4+10 — by^ X ij +
Ayy — ^7 yyx - 3 yj'= o, ou \g
4 40 j + 2.7 y y -f ?9o — 90 y^ +
ép y* = o.
De même , pour chaffer y des équations
y^ —-xyy — 3 x=o,&cyy + xy
XX -f" 3 = o on n'a qu'à fiibftiruer dans
la féconde règle , pour les qu-.ntitcs a , b ,
Cy '^^ fn g ) h les quantités fuivantcs i, —
X ,0,— ^ X ; I , A-, - XX + 3 ; & il
vient ^ — a; JT -f xxX*) G x x ■\- x'*
— 5 j: + :r' -f r^ r X 3 x + .r^ + ;
X a; X X -T + f; A- — î .v 5 — *^ — 3 ;e x
E V A
— 5 a: = 0 ; effaçant enfuite ce qui fe
détruit , & multipliant , on a 17 — i8a;x
+ l X* — 9.Ï* +**> -f- 3 *■*. — i&
j;' j 4" li ** =0. Enfin ordonnant les
termes , l'équation devient x^ -f »S x*
— 45 jT .ï -f 2.7 = o.
Ces règles , qui fe trouvent dans l'cr/V/%.
mctiqae univivfelk de AI, Newton , peuvent
être appliquées & portées à des degrés
quelconques ; mais alors le calcul devient
très-pcnible , quoiqu'il y ait eu quelques
perfonnes qui le foient donné la peine de
chercher une règle générale , pour chaffer
d'une équation des quantités inconnues
élevées à des degrés quelconques. Mais
l'application de la règle générale aux cas
particuliers eft fouvent beaucvup plus em-
barrailante , qu'U ne le feroit de faire
évanouir les inconnrlcs par la méthode
ordinaire.
M. Neuwton n'a point démontré com-
ment il a découvert ces règles , parce
qu'elles font une conféquence très - fimple
de ce qui a été dit , par exemple , on
a dans le premier cas a: a: -j- — -f- — = o ,
&j:ar+"— -J--7r-=o, par conféquenC
bx ? ç ^.1,: \_ h 1» V 1.
■7 T ~ — T "^ ~f '• "^ °" ' °" ""^^ ^
= TT'r~ > & fi l'on met cette valeur de
X dans l'équation a x x -f b x +c = o,
^ axh h-ra,c f h + ji f' f*
on trouvera
o b h - h e
bf-as X bf-^,
bf-
- 4" «^ = O ; & après avoir dé-
livré cette équation de fradions , & l'avoir
réduite à Tes plus lîmples termes , elle
deviendra a h
Xbg cfXah
bk
cgXbf+agg-\-cffXc=o. Les
deux autres règles le découvriront de la mê-
me manière ; mais le travail croîtra à pro-
portion des degrés des inconues. { E)
A ces méthodes , pour faire évanouir les
inconnues, nous ajouterons les obfervations
fuivantcs.
Si l'on a , par exemple , y^ = xyy
+ abx&: y' =qxxA- fxy -h c' ,c'eft-
à-dirc , deux équations 011 y monte an
même degré ; on aura d'abord xyy~i~
E V A
aix'=iqx X ■\- fxy -f- c' ; équation où
y ne monte plus qu'au fccond degré , &
,, V 1, • i; X X •{• fx V + cl -a h y
d OU 1 on tire y y = — ; ■ ~
X . ,
y q X X + fxy^ + c\ ^ ah xy
8c y =
= q XX ■\- fxy -f- c' ^=xyy\- al>x;on
aura donc les deux équations ,
xy y -i- ab X =^ q xx -{- fy x -f- c* ,
xyy H- abx =^ ~ ;
qui ne montent plus qu'au fécond degré ,
&C qu'on abailTera à un degré plus bas , par
la méchode employée ci-deifus pour abaif-
fer les deux équations données du troifieme
degré à deux autres du fécond. Cet exem-
ple bien entendu & bien médité fufHra
pour enfeigner à réfoudre tous les autres ;
car en général ayant deux équation eu y
du degré m , ou qu'on peut mettre tou-
tes deux au degré m , Ci on veut faire éva-
nouir y , on tirera d'abord de la compa-
railon des deux équations données une
équation du degré m i , d'où l'on ti-
rera une valeur de y "' - ' en y »i - 1 ; &■
cette valeur dey '« - ' étant fubftituéc dans
l'une des deux équations primitives , on
aura une nouvelle équation en y m- i_
• Ainiî , au lieu des deux équations primi-
tives en ^ "' > on en aura deux en y "^ - i ,
fur lefquelles on opérera de même , & ainli
défaite.
Lorfqu'on fera arrivé à deux équations
oii y ne fera plus qu'au fécond degré , on
peut , par la méthode précédente , abaiffer
encore ces équations à deux du premier, &
alors le problème n'aura aucune difficulté ;
ou bien on peut refondre ces équations du
fécond degré par la méthode ordinaire
■( Voyii Equation , ) comparer enfuite
les valeurs de y qui en réfulteront ,
oter enfin les radicaux du fécond degré
par la méthode expliquée plus hai't ;"&
il n'y aura plus qu'uiie inconnue fans radi-
caux.
On peut encore s'y prendre de li manière
fuivante , pour faiie en c^éwèxxX évanouir y
de deux équations q.Klconqnes ; on remar-
quera que les deux éj^uations doivent avoir
E V A jSj
un divifeur commun ; on fuppofera donc
qu'elles en ait un ; on divilera la plu
haute équation par la féconde , la féconde
par le rcfle, le premier rtlle par le fécond ,
6'c. fuivant les règles communes pour trou-
ver le plus grand divifeur commun de deux
quantités ( Voye-^^ Diviseur , ) jufqu'à ce
qu'on arrive à un reCe qui ne contienr.t plus
de y , on fera ce relie = o , & on aura
l'équation cherchée où il n'y aiu-a plus
qu'une inconnue. Ce relie fuppofé égal
à zéro , donnera pour divifeur commun
aux deux équations , l'équation linéaire
ou du premier degré en y, qui dans ce
cas aura été le divifeur de la dernière
opération.
Quand il y a plus de deux inconnues,
par exemple , -r , y , \ -, &cc. on réduic
d'abord les inconnues à une . de moins ;
on fait évanouir x ou y , ôcc. en traitant
[ & les autres comme une confiante ; en-
fuite on réduit les inconnues reftantes à une
de moins, & ainfi du refte. Cela n'a aucune
difficulté.
Dès qu'on fait réduire toutes les in-
connues à une feule , i! n'y a plus de
difficulté pour fait évanouir les rad'csvx
quelconques , par exemple , foit 1/ x — H
y y -j- a.= a, & X -+- '\^ y + b^= C:,0\\
fera V^ x-= ■^, ou x = ^' , "s/ y -f rt =:
r, ouy -f- rt = r», V y~i-b = q,ony -{'
b = q , ôc on aura les équations fuivan-
tes; A = ?;,y-f- at' ,Y + b = ç' ,z •}•
t^=a, X ■\- q:^=c , delquelles on fera éva-
nouir , t , ^, q , ce qui les réduira à des
équations fans radicaux , où il n'y aura
plus que X & y. Voyei Radicale , Racine ,
Extraction , 6'c.
Au refte il y a bien des cas ou l'on peut
par de fimples élévations de puiflîinces faire
évanouir les radicaux ; ainli la méthode
précédente n'cft que pour les cas dans lef-
quels ces élévations de puilfances ne fuffi-
roient pas , ou dcmanderoient trop de dex-
térité pour être employées d'une manière
convenable, ( O )
ÉVANOUISSEMENT des inconnues ,
Z z z
364 E V A
de frayions , des radicaux , en algèbre , Voy.
l'art. Evanouir.
Evanouissement, f. m. {Médecine.)
fcibltlFe qui falfu la :ête & le cœur d'un
animal , qui (ufpend tous fes mouvemens ,
&C lui dérobe les objets lenfibles. Ce mot
répond à r/jcAuj-/; A'Hippocrate, & préfente
abfolumcnt ia même idée. Uévanouiffement
a fes degrés ; les deux extrêmes font la dé-
faillance & la fyncope. f^oyei Syncope Ê'
DÉFAILLANCE.
Les évanouijfemens font beaucoup plus
rares parmi les brutes , que dans l'efpace
humaine ; la tête > dans les brutes a moins
de fympathie avec le cceur. La Ncvrogia-
phie comp.irée de VVillis expliqueroit aife-
ment ce phénomène; mais elle ne s'accorde
pas avec les obfervations de Lancify , dans
fon traité de corde &■ aneiryfmatibus , prop.
4y & fuiv. Il futSt d'admettre que les nerfs
cardiaques différent dans l'bomme & dans
les autres animaux , comme M. de Sénac
l'inilnue , dans fon traité du cceur , tome I , p.
t%6. Il eft dangereux de croire avec Wdlis ,
chap. xxij , de fa defcripiioii des nerfs , que
ces variétés de l'origine des nerfs cardia-
ques conftituent les différences de l'efprit
dans l'homme , le linge , & les autres qua-
drupèdes.
Tout ce qui corrompt & qui épuife le fang
ou les efprits animaux ; tout ce qui trou-
ble les fondtions du cerveau , ou les mou-
vemens du cœur , peut anéantir , pour quel-
que temps , les fenfations èi les forces de
l'animal.
Les caufcs les plus ordinaires de Yéva-
nouijjement de la part des fluides , font une
diminution fubite & confidérablc de la
maffe du fang , par de grandes hémorrha-
gies j des évacuations abondantes , par les
Tueurs ou par les felles ; la laréfadion du
fang , par des bains chauds , par des eny-
vrans , par des fu iorifiques ; une trop
grande quantité de ce fluide , qui fe porte
vers la tête ou le cœur , &: dont ces orga-
nes ne peuvent fc débarrallèr , comme
dans les fujcts pléthoriques , dans ceux
qui arrêtent imprudemment une évacuation
critique , ou qui , après s'être échauffés ,
boivent à la glace , & prennent des bains
frais ; la dégénération du f^ng , & peut-être
des e/prits j que pruduifen: Its mcxliires
E V A
venîmeuffs , les poifons , les narcotiques,
le fcorbut , la cachexie, les pâles couleurs,
les fièvres intermittentes , les hevres pour-
prées & pi-'ftillenticlles , 6'c. le défaut des
efprits , dont quelque obftacle empêche
la fecrétion , ou l'influx vers le cœur ; les
exercices violens , le manque de nourri-
ture , les pallions vives , les études péni-
bles , l'ufige immodéré des plailîrs , & leur
extrême vivacité ; une fituation perpen-
diculaire ou trop renverfée , pour jeter
les malades dans des défaillances , en em-
pêchant le fang de monter dans les caro-
tide , ou de revenir par les jugulaires,
Lowcr croit que la férofité qui (e fépare
du plexus-choroïde , au lieu d'être reçue
dans l'entonnoir , peut , quand la tête eft
trop panchée en arrière , tomber dans le
quatrième ventricule , & preffer la moelle
allongée : mais on ne peut foutenir ce
lyllêm>: , à moins de fuppolèr la rupture
des vaifleaux lymphatiques , qui partant
du plexus - choroïde , von: fe terminer
à la grande pituitaire , vailfeaux que
Cuwper a décrits dans l'appendice de iow
anatomie,
Charles Plfon dit que la fluxion de la
férolité du cerveau fiir le nerf de \a.fixieme
paire implanté dans le cœur , eft la caufe
de la plus funefte de toutes les fyncopes ,
qui détruit l'homme dans un inftant. Il
faut remarquer que la huitième paire du cer-
veau , ou la paire vague , elt la même que
celle qui eft déflgnée par la lixieme paire
de Charles Pifon. Galien ne rcconnoiffoit
que lept paires de nerfs du cerveau ; Vefal
en a connu dix , & a confervé le nombre de
fept : Sp!gel en a"fait huit , en ajoutant les
nerfs olfadifs ; mais la fixieme paire dans
ces diverles énumcrations , étoit toujours
la paire vague , & c'eft du côté gauche de
cette paire que part le ncrvulus cordis à'CÙl
par Vefd.
Les caufes de V évanoui (fement , qui atta-
quent les parties folides , font les abcès de
la moelle allongée, ou des nerfs du cerveau;
les bleffures de la moelle épiniere , des
nerfs , des ten Ions ; les vertiges , les affec-
tions hyfteriques & hyp Kon Iriaquos , les
douleurs extrêmes ; les blellures du cœur ,
fes ulcères , fes abcès, fes inflammaiions»
fes vices de conformation ; la gr.ùfle dont
E V A
ileft furchargé quelquefois vers fa bafe;
l'hydropylie au péricarde , & fon acihélion
au cœur (qui peut bien n ctrc pas aiilli dan-
gereufe qu'on croit , cumiù- M. Dionis l'a
nbfervé dans la diffirtationfurlamonfubite;)
les anevrylnies de l'aorte &c de l'arcere pul-
monaire, les olTifications , les polypes , les
tumeurs extérieures qui relferrent les gros
vailloaux \ les varices , dans les perionnes
qui ont trop d'embompoint.
On peut appeller évanouijfcmens jympathi-
ques , ceux que produilent les abcès des
principaux vilcercs , les cpanchemens de
ïang dans le bas ventre ou dan» d'autres
cavités , les hydropilies , l'évacuation pré-
cipitée des eaux des hydropiques , aintî que
des matières purulentes dans les abcès ou-
vert ; les vices dans l'cftomac qui rejette
les alimens , ou qui ne les digère pas bien;
les matières vermineules , qui irritent les
tuniques de l'eftomac ; les excrétions du
bas ventre fupprimées , les membres fplia-
celés, la repercullion du venin darcreux ou
de la petite vérole vers l'intérieur du corps ;
les odeurs fortes , mais encore plus les
fuaves , dans les hyllériques ; tout ce qui
arrête Icrs mouvemens du diaphragme &
des mufcles intercoftaux , les embarras
conhdérables du poumon. Cette dernière
clalle renferme les défauts de la dilatation ,
les dilatations & les contritions violentes ,
qu'excitent dans les poumons un air trop
raréhé , un air excellivement dénie , ou
froid & humide ; les vapeurs qu'exhalent
des fourre'.rain méphitiques , ou des lieux
inacceffibles depuis long- temps à l'air cxté-
tieur.
Il feroit aifé de rendre cette énumération
plus longue Muais il faut négliger toutes les
caufes que l'rbiervation ne peut faire con-
Jioître , commi lacon.vullion 5i la paralyiie
des gros vailTeaux, 6c. M. Michelotti, p. 6.
de la préface de fon traité de jèparanone
fiuidorum , dit que fans le fecours des ma-
th'"mat:ques on ne peut difcerncr les caufes
obfcures de Vévanouijjement. Pour réloudre
les problèmes qui ont rapport à ces caufes ,
il ne faut quelquefois employer que les
notions les plus (impies i mais prefque
toujours il faulroit avoir une analyfe fort
fjpéneure à l'anal: fe connue , qui abré-
geât des calculs qu'un trop grand nombre
E V A 555
d'inconnues rend impratiquables , ou ad-
mtCCre de nouveaux principes méchani-
ques qui diminuaflent le nombre de ces
inconnues.
Si l'on fuppofoit daiis les vailTeaux fan-
guins une certaine inflexibilité qui rendit
leur diamettre conftant , la même quantité
de fmg qui eiit confervé plus long-temps
la vie & les forces de l'animal dans la flexi-
bilité de l'état naturel , ne peut le garantir
alors d'un épu!fem(>nt total tk. d'une lan-
gueur mortelle. Telle eft la (ubftance d'une
propofition qae Bcllini a donn.-e (ans dé-
monftration dans le traité de miffiontjàngui-
nis , qui fait pirtie des opufcules adtelTes
à Pitcairn. Il eft évident que dans cette
fuppohtion le fmg pallcroit avec bien plus
de facilité dans les veines que dans les
vaillcaux feciètoires , dont les plis , la
longueur ?C la flexibilité lui oppoleroient
une réhilance beaucoup plu> grande; donc
toutes les fecrétions feroient fort iimi nuées,
& par conféquent celle des efprics animaux
ne feroit plus alfez abondante pour entre-
tenir la circulation. Je crois que fembla-
bles propoiitions ne prouvent pas plus l'uti-
lité des mathématiques dans la médecine ,
que la luppatation des jours critiques dans
les maladies , ne prouve le befoiu de l'ari-
thmétique.
Les palTions & l'imagination ont beau-
coup de force fur les pcrfonnesd'un tempé-
rament délicat ; ce pouvoir ell inexplicable,
aulïî bien que l'obfervation finguliere de
Juncker , qui allure que \'évaaouiJfi:ment
eft plus prompt & plus décidé quand l'hom-
me fuccombe à la crainte de l'avenir , que
quand il eft frappé d'un mal prélent. Peut-
être Juncker a fait cette comparaison pour
favorifer le fyftême de Stahl , qui expli-
que avec une facilité fufpetlre plufieurs
bizarreries apparentes dans les caules de la
fyncope.
Dans {'éfunoufjjfèment profonul ou dans
la fyncope les aneres ne battent point ,
la refpiratinii eft oblcure ou infcnhble ;
ce qui le d:ftingue de l'apoplexie ; on ne
voir point de mouvemens convulhfs con-
fiiérablesj, comme dans l'épdeplie ; les
fartes pallions hyftériques en différent
auffi , non- leulement par le pouls , mais
i encore par la rougeur du vifage , par uji
566 E V A
fcntimcnt de fi;fFocacion qui prend le go-
fier , 6 c.
On explique ordinairement le vertige &
le tintement d'orei!!e , qui précèdent Vi.'a-
nouijfement , par la preffion des artères voi-
fînes fur les nerfs optiques Se acouftiques ;
mais on a beaucoup de peine à concevoir
comment ces artères peuvent preiïer les
nerfs , lorfqu'elles (ont épuifées après de
grandes hémorrhagies : l'expt^riencc de Ba-
glivi paroît venir au fecours. Cet auteur ob-
fèrvant la circuliticn du fang dans la gre-
nouille, remarqua que lorfque l'animal étoit
près d'expirer , le mouvement progrelTif du
fàng le rallentilToir , & fe dhîngeoit en un
mouvement confus des molécules du fluide
vers les bords du vaiffeau. Cette expérience
fait connoitre que l'aftoibliflement du cœur
augmente la preflîon latérale dans les artè-
res capillaires.
Le poids de l'eftomac & des inteftins
produit un tiraillement incommode , quand
rantagonifme des mufclcs du bas ventre &
du diaphragme celle , de même que la pe-
fanteur des extrémités fatigue les mulclts
qui y lo!it attachés , lorfqu'ils ne fe font
plus équilibre. Un pouls petit , rare & in-
termittent , découvre l'atonie des artères ,
la langueur des forces vitales , & la gran-
deur des obllacles qui retardent la circula-
tion. L'aphon.ie précède quelquefois la perte
des autres fond-ions , fans doute à caufe
de la fympathie des nerfs récurrens avec
les nerfs cardiaques. Le refroidiflement &
la pâleur des extrémités viennent de l'affaif-
fement des membranes des vailTeaux capil-
laires, qui ne font plus frappées d'un fang
chaud & adtif. La refpiration eft inlenii-
ble , parce que le mouvement du diaphrag-
me & des mufcles intercoftaux eft fuipendu.
Carlius Aurelianus , morhorum acutorum ,
lib. II , cap, xxxij , vcrf. fincm , Se Wa!.rus ,
ont obfervé des mouvemens irréguliers &
convulfifs dans les lèvres. On doit regarder
ces légères convuKîons d'un coté de la
bouche , comme l'effet de la paralyfie des
mufcles du côté oppofc. La matière de
la fucur de de la tranfpiration infeniîble,
condenfée par le froid , le rallemble en
petites gouttes gluanccs , qui s'échappent
à travers les pores de la peau , en plus
grande abondance aux endioits où le tilTu
E V A
de la peau efl plus dédiée ; aux tempes , au
cou , vers le cartillage xyphoïde. Qiiand
Véfanouijfement eft mortel par fa durée , ou
à la fuite d'une longue maladie , le cou fe
tourne ; & la couleur du vifage tirant fur
le verd , annonce le commencem.ent de la
putrétadtion des humeurs. Que fi le malade
revient d'un l'ong évanowjfement , il pouffe
de profond foupirs : ce mouvement automa-
tique fcft néceflkire pour ranimer la circula-
tion du fang.
Hippocrate nous apprend , aphorifme xlj
du deuxième livre , que ceux qui s'évanouif-
fent fréquemment , fortement & fans caufe
manifefe , meurent fubitement. Il fauc
bien prendre garde à ces trois conditions,
comme Galien le prouve par divers exem-
ples dans Con commentaire fur cet aphorXme.
Ou voit la raifon de cet aphorifme dans le
détail des caufcs de {'évanouiffement. On voit
aulTi pourquoi des perlonnes qui s'éva-
nouiiTent fréquemment , tombent enluite
dans des fîevres inflammatoires. Aretée
a obfervé que des gens qui ont été atta-
qués de fyncope , ont quelquefois des
légères inflammations , la langue feche }
qu'ils ne peuvent fuer; qu'ils font engour-
dis, & foutfrent une efpece de contradion :
ceux - là , dit - il , tombent dans la con-
fcmption.
Une perte de (ang exceffive après un
accouchement laborieux & des efforts ira-
prudens , la fuppreiïîon des vuidanges , jet-
tent fouvent dans des défaillances mortel-
les. Il y a peu à efpérer , quand la iyncope
fuccede à la fuffocation hyftérique ; il y a
moins de d/?nger lorfqu'cUe l'accompagne.
De fréquentes défaillances font de trcs-
m^auvais augure au commencement des
maladies aiguës &: des fièvres rnalignes ,
ou lorfqu'elles tendent à la crile qui les
termine ; cependant les malades ne font
pas alors ablolumcnt défefpérés. Les plus
terribles fyncopes font celles qu'occafîon-
nent une ardeur & une douleur iniuppor-
tables dans les petites véroles , au temps
de la fuppuration : un violent accès de
colère ; un émétique dans un homme déjà
affoibli ■■, l'érolion de l'cllomac par les
vers , dans les enfans ; l'irritation du pou-
mon par la fumée du charbon , ou par un
air infcdé ;, le reflux des gangrènes feches
E V A
& humides ; le virus cancéreux. On a va
des fyncopes qui ont duré jufqu'à trente-
fix heures , fans qu'elles aient é;é fuivics de
la mort. Les défaillances dans les maladies
chroniques , font moins dangereufcs que
dans L'j maladies aiguës ou dans les Hïvies
maligiicrs. En gincral l'habitude diminue le
danger , & l'examen de lacaule doit réglci
le prognoltic.
Arctée a fort bien remarqué que le trai-
tement de la lyncope étoit fort difficile , &
demandoit une extrême prudence de la part
du médecin.
Dans les évanouijfcmens légers on fe con-
tente de jeter de l'eau fraîche fur le viL.ge ;
on frotte les lèvres de fel commun ; on ap-
plique fur la langue du poivre ou du ici vo-
latil ; ou approche des narines du vinaigre
fort , de l'eau de la reine d'Hongrie ; on
emploie les ftemutatoites , & on relâche
les habits lorfqu'ds font trop ferres. Il n'tll
p;s inutile de frotter les paiipicrcs avec
quelques gouttes d'une eau fpiritueufe ;
d'appliquer fur la poitrine &C fur les autres
p-uties , des linges trempés dansquelqu'eau
fortifiante. Si ces iecours font inefficaces ;
il faut fecouer le malade , l'irriter par des
fridions , des impreflïons dculoureufes , pté-
férables aux forts fpiritueux. il faut crain-
dre pourtant l'effet d'une grande agitation
dans des corps cpnifés, La première im-
preflîon du chaud &: du froid , elh auffi
avantageufe que l'application continue peut
êtte nuifible. Des noyés ont été rappel-
les à la vie par la chaleur du foleil , du
lit , des bains. On étend quelquefois le
corps fur le pavéftoid ; on fait tomber de
fort haut & par jets , de l'eau froide fur les
membres.
Un officier qui avoir couru la porte plu-
fieurs jours de fuite pendant les grandes cha-
leurs , arriva à Montpellier , & en defcen-
dant de cheval , tomba dans un évanouijfc-
mc'it qui rélifta à tous les remèdes ordinai-
res. M. Gauteron, l'auteur des mémoires fur
l evaporation des liquides pendant le froid , im-
primés avec ceux de l'académie royale des
fciences , année IJOQ , fut appelle , & lui
fiuva la vie en le faifant plonger dans un
bain d'eau glacée.
On fe fert encore de lavemens acres , Se
avec de la fumée de tabac ; mais un peuc
E V A 557
les négliger tant qu'il refic des (Igncs de vie ,
& il ne faut y avoir recours que l' évanoui [jc-
rient n'ait dure au moins un quart d'heure.
Rivière recommande la vapeur du pain
chaud fortant du font. Les fyncopes hypo-
condriaques & hiftiriques demandent des
remèdes fœtides , tels que le caftortum , le
fagapénum , t'.-c. La teinture de fuccin eft
unie dans les défaillances produites par l'a-
gitation des nerfs.
C'cft une maxime générale , qu'il ne faut
j-imais (àigner dans Yévanouijfment aduel.
On peut s'en écarter quelquefois , pourvu
que le corps ne foit pas engourdi par le
froid , & que le pouls ne foit pas entière-
ment éteint ; lorfque le poumon a été
relFcrré tout à coup par le froid , ou dilaté
par une violente raréfaétion , dans la plé-
thore, dans certaines épilepCies , dans des
afïeétions hyltériques ; miis ce remède ne
doit^^tre tenté qu'avec une extrême cir-
confpedion , & lorfque tous les autres font
inutiles.
Qiiand les malades ont recouvré l'ufage
de la déglutition , il faut leur faire avaler un
trait d'excellent vin vieux , ou d'une eau
aromatique & fpiritueufe , telle que l'eau de
cannelle , mélilîè , &e.
Dans la fupprefïïon des règles ou des
vuidanges , il faut employer fagement les
emménagogues , & ne pas ufer de Itimu-
lans trop torts , crainte de fiiffiaquer la
înaladei& dans les maladies aiguës il faut
cv:ter ce qui <lérangeroit l'opération de la
nature , qu'excitant des purgations ou d'au-
tres excrétions. Il finit fe défier de la vertu
cordiale qu'on donne à l'or , aux pierres
procieufes , au béfoard oriental. Un verre
de bon vin prévient les défaillances que la
faignée produit dai;s les pcrfmnes trop
fenlibles. Qiiand le m.ilade elt parfaite-
ment remis , 11 faut employer des remèdes
qui réfûlvent le fing difpofé à fe coaguler,
qui pourroit caufer des fièvres inflamma-
toires.
Il faut arrêter l'évacuation des eaux des
hydropiques , quand ils rombent en défail-
lance. Il faut aulfi rt (terrer le ventre à
meiure que les eaux s'éeoulent quand orï
fait la paracentaife dans le bas ventre : il
faut détourner du fommeil d'abord après-
les défaillances. La faignée : elt indilpenfi^
z62, E V A
ble , quand le cccar & les gros vaiHeaux
font cmbnrraries par le pléthore. Dans les
corps atfoiblis par les évacuations , il faut
dirpfofer le malade dans une htuation ho-
rizontale ; le repos , de légères fridions ;
une nourriture aifce à digérer , animée
par un peu de vin , fuffifent pour le réta-
blir. Dans les épuifemens il fauf prendre
des bouillons de veau préparés au bani-ma-
rie , avec la rapure de corne de cerf; des
tranches de citron , un peu de macis , &
une partie de vin. Le vin vieux & le cho-
colat font de bons reftaurans. Lorfque le
fang eft difpofé à former des concrétions ,
on peut faire ufage de bouillons de vipère ,
de l'infufion de la racine d'efquine dans
du petit lait , &c. De petites faignées dans
le commencement , une vie fage & réglée,
un exercice modéré , conviennent dans le
cas des varices Se des anévryfmes. Les ané-
viyfmes & les vices du coeur n'ont que
des remèdes paillatifs , quoique Lower
donne la recette d'un cataplat'me , dont
l'application dilTîpa les fyptomes que pro-
duifoienc , dit-il , des vers engendrés dans
le péricarde , & qui rongeoient le cœur.
Dans les défaillances qui accompagnent les
fièvres putrides & malignes , on donnera
les abforbans , les teftacées , les cordiaux
légers , les eaux de chandon béni , de fcor-
dium. On tiendra les couloirs de l'urine &
de la tranfpiration ouverts , le ventre libre :
on aura recours aux véficatoires & aux aro-
mates tempérés. On peut donner féparé-
ment dans les fièvres colliquativcs , les aci-
des de citron , d'orange , de limon , de vi-
naigre de les abforbans ; les anodyns même
font quelquefois nécelTaires. M. Chirac a
fort vanté les émétiques & les purgatifs ,
îndifpenfablcs dans beaucoup de cas ; mor-
tels dans les épuifemens, plénitudes de fang,
maladies du cœur, 6,'c.
On connoic les remèdes du fcorbut ,
des poilons , des hémorrhagies. Pour cal-
mer le défordre que les paillons excitent ,
il faut joindre à la faignée , des boitions
chau.k-s ik délayantes. Dans les brelUires
des membranes , des nerfs & des tendons ,
il faut dilater les membranes par de gran-
des incihons , couper les tendons &c les
nerfs , ou y éteindre le fentiment. Un au-
teur très- célèbre ordonne la faignée dans
E V A
les malailies hypocondriaques ; 11 veut en-
core qvie dans certaines épilepfies , dans des
maux hyftériques , on ailocie avec la fai-
gnée les remédies" qui donnent dcS lecouffes
aux nerfs. L'application de cette règle pa-
roît très-délicate , & demande beaucoup de
fagacité. Dans les fuper-purgations U faut
donner le laudanum & du vin aromatifé
chaud , pendant le jour , de la thériaque à
l'entrée de la nuit. Il ferait dengereux de
fuivre des pratiques fingulieres. Si. d'imiter,
par exemple , dans toutes les tyncopes qui
viennent de la fuppreltlon des menllrues ,
Foreftus& Faber , qui nous affurent qu'une
fyncope de cette efpcce tut guérie par un
vomitif.
Aretée a cru que dans les maladies du
cœur l'ame s'épuroit , fe fortiHoit , & pou-
voit lire- dans l'avenir ; mais tans porter
la crédulité h loin , on peut trouver un
fuiet de fpéculation fort valte dans la dif-
férente imprelfion que \' évanoui ffement fait
far les hommes. Il eft des perfonnes que
le fentiment de leur défaillance glace d'ef-
froi , d'autres qui s'y livrent avec une
efpece de douceur. Montagne étoit de ces
derniers , comme il nous l'apprend liv. II.
de fes ejfais , ch. vj. Il ell donc des hom-
mes qui ne frémilTent pas à la vue de leur
deftruction j M. Addiflon a pourtant fup-
pofé le contraire dans ces vers admirables
de Ton Caton :
filience thisfecret drent and\inwardkorror,
Offcilling into nought ? if^hy f/irinks tke joui
Back on h^r felf , andjlartles at dejîruclion. ?
'Tis ché Di vinity that Jiirs within us ,
'Tis Heaven itfeif, that point out an hcrcafter.
And intimâtes éternity to Man.
Mais comment pouvons-nous craindre de
tomber dansle néant {offallinginto nowght,)
h nous avons une conviction intime de notre
immortalité C and intimâtes éternity to man)?
Il me p.uoit qu'il eft inutile de chercher de
nouvelles preuves de l'immortalité de l'ame,
quand on ne doute point que ce ne toit une
vérité révélée.
Je remarquerai en finitlîmt , que M.
Haller dans le commentaire qu'il a fait tur
le metliodus difcendi mi.dicinam de Boerhaave,
{i l'article de la Pathologie , indique un
traité
E V A
traité de Lipothymid , 01.1 Je la défaillance, |
par J. Evelyn , imprime avec l'oiu rage de
cet auteur fur les médailles anciennes S>c
modernes. Mais M. Haller a écé trompé ;
c'eft une digrelTion (ur la phyiionomie ,
qui fait partie du livre anglois d'Evelyn ,
imprimé à Londres , infot. en 1697. Cet
article ejl de M B.iRTHÈs , docleur en Mé-
decine de la faculté de MvntpeUicr.
f- E VANTES , f. f. C H,f[. aie. ) c'ctoit
des prêaeires de Baccluis : on les nommoit
ainfi , parce qu'en cclebiant les Orgies elles
coutoient comme fi elles avoient perdu
le fens , en criant Evan, Evan , ohé Evan.
/f^ojf^ Bacchanales.
Ce mot vient de Eyrtc, qui cft un nom
deBacchus. ^'ovt';[ Surnoms de Dieu.
EVAPORATION , f. f . C Fkyf.q. pan.
Acrologie. ) Quoiqu'il y ait peu de mots
qui aient chez les auteurs des acceptions plus
variées que celui-ci , on peut cependant
dire en général , qu'on lui donne principa-
lement deux fignifications. Qiielqucfois il
fe prend pour l'opération particulière , par
laquelle on expofe les coi-ns à une chaleur
plus ou moins forte, pour les priver en tout
ou en partie de leur humidité. On lui donne
cette lignification dans ces manières de par-
ler : X'évnporation ces dijfulutions des fels doit
être conduite lentement , fi l'un leut obtenir de
beaux cryjtaux. L'évaporation fe fait par le
moyen dufiu. L'évaporation , conliiérée dans
ce fens, appartientà laChimic.
Le même mot fe prend foiivent pour
le padîige ou l'élévation de certains corps
dans l'atmolphere. Dans ce fens on peut
dire , l'évaporation de l'eau a lieu dcns les ge-
lées les plus firtts. C'eft: fous ce point de
vue que nous devons confidérer l'évapora-
tion dans cet article. Commençons par en
donner une idée aulTi claire qu'il nous fera
polTible.
Presque tous les corps liquides & la
plupart des folides expofés à l'air , par l'ac-
tion de ce jBuide feule , ou aidée d'une
chaleur modérée, s'élèvent peu à peu dans
l'atmofphere , les uns totalement , d'autres
leulement en partie : ce paflage , ou cette
élévation totale ou partiale des corps dans
l'atmofphere , les phy.'kiens l'appellent
évnporation. Les corps élevés dans l'air par
l'évaporation , s'y fouticnnent dans un tel
Tome XIII.
E V A 369.
état , qu'ils font abfolumf nt invifiblts ,
jufqu'ù ce que par quelque changement
arrivé dans l'atmofphere , leurs particules
fe réunilfent en de petites maflès qui
troublent fenfiblement la tranfparence de
l'air: par exemple, l'air cft ( comme nous
le ferons voir dans la fuite ) en tout temps
plein d'eau qui s'y eft élevée par évapora^
tion , &c y demeure invifible jufqu'à ce que
de nouvelles circenftances réunilfcnc fes
molécules difperfées , en de petites malles
qui troublent fenfiblement la tranfparence.
C'eft ce qui dillingne l'évaporation de l'élé-
vation dans l'atmolphere de certains corps
perits &C légers , tels que la poulTicre, qui ne
s'y élèvent & ne s'y foutiennent que par
l'impulhon méchanique de l'air agité , qui
conferve dans l'air leur même volume , leur
opacité, & retombent dès que l'air ceflc
d'crre agité.
L'élévation de certains corps daias l'at-
mofphere , produite par un degré de cha-
leur fulTilant pour les décompoler , ou par
l'uftion même , a un plus grand rapport
avec l'évaporation. Les particules élevées
par ces moyens dans l'air , font de la
même nature que celles qui s'y élèvent
par l'évaporation ; elles s'y foutiennent auflî
dans un tel état de diviiîon , ^qu'elles font
parfaitement invifîbles. Par exemple , le
foufre en brûlant fe décompofe ; l'acide
vitriolique & le principe inflammable dont
il étoit compofé ( voye?^ Soutre ) , dé-
gagés l'un de l'autre , s'élèvent dans l'at-
mofphere & y deviennent invifîbles. Par la
calcination , les métaux imparfaits fe décom-
pofent ; leur principe inflammable s'élevc
dans ratmofphcre. Les matières animale ou
végétales , privées de leurs parties volati-
les , libres & de l'eau furabondante , gc-
pofées au degré de feu nécelVaire pour
les analyfer , fe décompolenti & par cette
décompofition, il Ce dégage des principes
volatiles , propres à s'élever Se fe foute-
nir dans l'atmofphere. Par ces exemples il
eil: clair que l'évaporation ne diffère point
elTentiellement de l'élévation des particu-
les volatiles dégagées par l'application d'une
chaleur fuffilante , pour décompofer les
corps , ou par l'uftion ; que ces opéra-
rions ne font que difpofer les corps à l'é-
lévation de certaines de leur parties j qu'au
A a a
570 E V A
reftc les particules qui s'élcvent dans l'air
par cette voie , font de la même nature ,
& s'y foutiennent de même que celles
qui s'y élèvent par évaporation : cependant
l'ufage a voulu qu'on n'appeilât point éva-
poration , l'élévation des particules détachées
par ces opérations qui décompofent les
corps ; il a reftreint la lignification de ce mot
à l'élévation des parties volatiles libres & dé-
gagées de principes qui puilfent les fixer, &
qui pour s'élever dans l'atmofpherc ou ne
demandent aucune chaleur attificielle , ou
demandent feulement une chaleur modérée,
qui n'excède guère celle de l'eau bouillante.
Ce que j'ai dit jufqu'ici me paroît fuffilant
pour donner «une idée exatte de ce qu'on
entend par évaporation. Entrons aduelle-
mens en matière , & confidérons première-
ment quels font les corps fufceptibles d'e-
yaporation , & quelle cft la nature des par-
ticules qui s'élèvent par cette voie dans
ratmofphere.
Parmi les corps fufceptibles A'évapora-
iion , les liquides tiennent fans doute le
premier rang ; la plupart de ces corps expofés
à l'air libre , s'évaporent fans le fecours
d'aucune chaleur étrangère, & même dans
les plus fortes gelées : mais il y en a auffi
qui ne font iulceptibles A'évaporation ^
qu'autant qu'ils font expofés à une chaleur
plus ou moins forte. Ainfi , par exemple ,
les huiles graOès expolées à l'air libre à
l'abri des rayons du foleil , ne fouffrent pas
une évaporation. fenfible: mais expofées à la
chaleur de l'eau bouillante, elles s'évapo-
rent , & de plus acquièrent par une ébuUi-
rion continuée , la propriété de s'évaporer
fans le fecours d'une chaleur étrangère ;
propriété qu'elles acquièrent de même en
rancillant. L'huile de tartre pardéfaillance ,
& la plupart des aux mères expofées à l'air
libre , attirent l'humidité de l'air , bien
loin de s'évaporer : mais une chaleur plus
ou moins forte , & qui n'excède pas le
degré de l'eau bouillante , les fait évaporer.
L'acide vitriolique eft auffi fujet à l'eW/;o-
ration ; mais il demande pour s'évaporer
une chaleur d'autant plus forte , qu'il ell
plus concentré : de forte que quand il eft
bien concentré , il faut pour l'élever dans
l'atmofphere un degré de chaleur , qui va
preique à faire rougir le vailleau dans le-
E V A
quel il cft contenu. Les liqueurs qui s'éva-
porent avec le plus de rapidité font princi-
palement l'eau pure , les vins , l'efprit de
vin , l'éther vitriolique & piteux , l'efprit
volatil de fel ammoniac , l'acide nitreux
fumant , l'acide fulphurcux ; le dernier eft
fi volatil , que fuivant le témoignage de
Sîalh ( ohf. & animad. ccc. §. 37. ) cxpolé à
l'air libre , il s'évapore vingt fois plus vite
qu'une égale quantité d'elprit de vin le
mieux reétifié : cet acide paroit s'évaporer
plus rapidement que tous les liquides que
je viens de nommer ; les autres , à peu
près iuivant l'ordre dans lequel je les ai
placés. M. Mairan a prouvé par des expé-
riences que l'efprit de vin s'évapore huit fois
plus rapidement que l'eau, t^oye^^fa dijf.fur
la glace.
Les corps (olides , tirés des animaux &
des végétaux , lont auffi , pour la plupart,
fujets à {'évaporation ; & même plulieurs
matières minérales n'en lont pas exemptes.
Ainfi la terre qu'on appelle proprement
humus , eft fufceptible A'évaporation. La
foude , les fels neutres à bafe-filine , à
bafe-terreufe , à ba(e-métallique , perdent
auffi par ['évaporation ; mais je doute qu'ils
puilfent perdre par cette voie autre chofe
que leur eau de cryftallifation ; & je penfe
que nous devons encore lulpendre notre
jugement fur ce qu'avancenc quelques au-
teurs , que le fublimé corrofif, la lune
cornée, & les autres fels neutres qui peu-
vent fe fublimcr dans les vailTcaux fermés ,
peuvent auffi s'élever Se fe foutcnir dans
l'atmofphere fans fe décompofer. Le mer-
cure & l'arfenic des boutiques , ou , pour
parler avec plus d"exa(ftitude , la chaux du
régule d'arfenic , le minéral fingulier de
nature en même temps acide& vitriolique,
paroilfent auffii devoir trouver place parmi
les corps fufceptibles a'évaporation.
L'eau , l'air , le principe inflammable &
des molécules de nature terreufe, font en
général les matières qui s'élexent dans l'at-
mofphere par Vévaporation. Fai(ons en par-
ticulier quelques réflexions lur chacune de
CCS matières.
Il y a long-temps que les phyficiens ont
remarqué que l'eau failoit la matière prin-
cipale de Vévaporation. Pour !e convaincre
de cette vérité, il a fatti de remarquer i^ue
E V A
les corps liquides ou humides étoîent les
plus lufceptiblcs A'évaporation , & que les
particules qui s'éleveiu par cette voie de
prelque tous les corps , même fol ides ,
reçues & amallces dans des vaillcaux con-
venables , fe préfentoient (bus une forme
liquide. Or l'eau étant la bafe de tous les
liquides de la nature , il ctoit facile d'en
déduire que les corps pcrdoient principa-
lement de l'eau par Vévaporation. Il n'y a
pas plu»; de diftïculté par rapport à l'air:
ce fluide étant contenu abondamment dans
toute lorce d'eau , il efl: clair qu'il doit
s'éL'ver 3.\'tc elle dans ratmofpliere. Nous
verrons dans la (uitc , que cet air rendu élaC
tique par la chaleur , contribue à accélérer
Vévaporation de l'eau.
Par Vévaporation il s'élève aufïî dans l'at-
mofphere des molécules de nature terreufe :
mais ces molécules font par elles-mêmes
incapables de s'élever dans l'air; elles n'ac-
quièrent cette propriété , qu'autant qu'elles
contrarient une union intime avec des mo-
lécules d'eau. Ainll , par exemple , les ter-
res pures , animales ou végétales, bien loin
d'être fulceptibles a'évaporation , réfiftent
au contraire à la plus grande violence du
feu : ces mêmes terres combinées avec l'eau ,
dans les huiles , les Tels acides , les Tels al-
kalis volatils, deviennent propres à s'élever
avec elle dans l'atmofphere.
Ce que je vient de dire des molécules
terreufcs , fe peut appliquer au principe
inflammable. Les molécules de ce corps
principe font à la vérité très -déliée, &
s'élèvent dans l'air avec une extrême faci-
lité , lor(qu'elles font libres Se dégagées :
mais il ei\ tellement fixé dans tous les
corps , où il n'eft pas combiné avec l'eau ,
qu'il ne s'y trouve jamais libre & propre à
s'élever dans l'atmofphere par une évapora-
tion proprement dite ; on le trouvera , au
contraire, conftammentcombinéavec l'eau
dans tous les corpi , d'où il peut s'élever
dans l'air par cette voie. Mais quoique le
principe inflammable ne s'élève point feul
dans l'atmoiphere par une évaporation pro-
prement dite ; cependant combiné d'une
certaine manière avec les molécules ter-
reufes & l'eau , il rend ces corps fufcepti-
bles d'une evuporaf/o/z beaucoup plus rapide.
C'ell une vérité connue des chimiftss , &
E V A 57»
I qu'il feroit: aifé de prouver par un grand
nombre d'exemples ; je me contenterai
d'allcgucrceluidel'acidefulphureux volatil.
L'acide vitrioliquc eft moins volatil que les
autres; il s'évapore même plus difticile-
ment que l'eau , quoiqu'il ne fou pas con-
centré : combinez cet acide d'une certaine
manière avec le principe inflammable , il
en réfulte l'acide fulphureux volatil , dont
Vévaporation eft , comme nous l'avons dit
plus haut, vingt fois plus rapide que celle
de l'efprit de vin.
Ce que je viens d'avancer que le prin-
cipe inflammable ne s'élève point feul dans
l'atmoiphere par Vévaporation , paroîtra
peut-être fujetà une difficulté. On pourra
m'objeâer que plufieurs métaux imparfaits
expofés à l'air libre , fe rouillent , ou ce
qui revient au même , perdent leur prin-
cipe inflammable fans le fecours d'aucune
chaleur étrangère ■■, & qu'au moins dans ce
cas , le principe inflammabla peut s'élever
dans l'atmofphere feid & par une véritable:
évaporation : mais il n'eft pas diflSicile de
répondre à cette difficulté. Pour la réfou-
dre il fuffit de remarquer que dans ce cas
le principe inflammable ne s'élève pas dans
l'atmofphere par une iimple évaporation ;
mais qu'avant de s'y élever, il fouftre une
opération préliminaire , une calcinatioii
qu'on appelle par voie humine. y. Rouille.
L'eau que l'air dépofe fur les métaux , aidée
peut-être de l'acide univerfel , répandu
dans l'air , les attaque infenfiblement , les
décompofe ; & dégageant le principe in-
flammable de la terre qui le fixoit , elle le
rend propre à s'élever avec elle dans l'at-
mofphere.
Si les réflexions de ce que je viens de
faire fur les terres' pures & le principe in-
flammable font juftes ; fi ces corps princi-
pes ne s'élèvent dans l'atmofpheie par
Vévaporation proprement dite , qu'autant
que l'eau fe trouve combinée avec eux ; ne
fommes-nous pas en droit d'en conclure
que l'eau doit être regardée , pour ainfi
dire , comme la bafe ou le fondement de
toute évaporation ? 0\\ doit feulement en
excepter celle du mercure ; encore pour-
roit-on foupçonner , avec le célèbre. M.
Rouelle ( Voye^fes cahiers , ann. IJ4'J. ) ,
que l'eau qui fe trouve unie à ce fluide ,
A a a i
57« E V A
contribue beaucoup à le rendre évaporabie ;
& que ce n'cft qu'en lui enlevant cette
eau , qu'on peut par des opérations aflez
fim'ûles , Se qui n'altèrent pas fa nature ,
lui donner un degré de fixité , tel qu'il
réfifte pendant long-temps à un feu aflez
violent.
De quelle manière , par quel mcchanifme
fîngulier , les particules dont nous venons
de parler , peuvent- elles s'clever dans l'at-
mofpherc iS; s'y fourenir î Ces particules &
celles du fluide dans lequel elles s'élèvent ,
fe refufant par leur extrcrriC ténuité aux
fens &c aux expériences , les phyficiens ont
tâché de répondre à cette queftion par des
hypothefes : mais ces hypothefes , quoique
très-ingénieufes , paroilJènt toutes avoir le
défaux général de ces fortes de lyftêmes ,
d'être gratuites de de s'cloigner de la na-
ture. Nous allons donner une idée auITi
exa£le qu'il nous fera polîîble , de ces dif-
férentes fuppoluions , & marquer en même
temps les difficultés qu'elles paroiflent fouf-
frir. L'Encyclopéde étant deftiné de tranf-
mettre à la poftirité les connoiflances , ou ,
lî l'on veut , les idées de ce fiecle , je me crois
auîn obligé de tranfcrire ici ce que j'ai
donné fur cette matière , dans un mé-
moire qui doit être imprimé à la fin des
mémoires de l'académie des (ciences , pour
l'année 1751
Les corps lu fceptiblesd'f»'<2por(7r/o/2 s'éva-
porent d'autant plus rapidement , qu'ils
font plus échauffés. C'eft lans doute cette
obfervation toute limple qui a donné lieu
a l'hypothefe la plus généralement adop-
tée , fur le méchanifmc de Vévaporation.
On a fuppofé que les molécules d'eau étant
raréfiées par la chaleur , ou , ce qui revient
au même , par l'adhéfion des particules
ignées , leur pefanteur fpécifique diminuoit
à tel point , que les molécules , devenues
plus légères que l'air , pouvoient s'élever
dans ce fluiije , jufqu'n ce qu'elles fuflcnt
parvenues à une couche de l'atmolphere ,
dont la peianteur fpécifique Rit égale à la
leur. Les vapeurs , dit s'Gravefande ( Elém.
àc Phyf- priant, édit. § ^S43 ) ' ^'^l^^'^"' e/2
l'air ti- font foutenues à dijfi-rentts hnutturs -,
fuiront la dijfcrence de leur co/ijiiiution , aiiffi
tien que de celle de l'air; Se à cette occalion
îl cite le parag. 1477 , ou il dit ; Si onfup'
E V A
pofe que ce fluide & le folide font de tnimi gra-
vite fpécifique , ce corps ne montera ni ne def-
cendra , mais reffcra Jufpendu dans lejiuide i
la hauteur ou on l'cura mis.
Les paroles de cet hom.m-C refpeftabic
que je viens de rapporter , fufliront pour
donner une idée précife de ce fentiment.
Tâchons de faire voir, en peu de mots,
qu'il eft contraire à l'obfervation. Je de-
manderai premièrement aux ph\fic;ens qui
adoptent cette opinion , quel degré de cha-
leur ils croient néceflaire pour raréfier les
molécules d'eau , au point qu'elles devien-
nent fpécifiqucment plus légères que Uair.
S'ils confultent les oblervations , ils feront
obugés de fixer ce degré beaucoup au def-
fous du terme de la glace , puifque la glace
s'évapore même dans les froids les plus ri-
goureux. f^oye[ la diff. fur la glace de M. de
Mairan , p-3o8. Or je ne crois pas que
perfonne puilfe , de bonne foi , regarder
ce degré de chaleur comme capable de
rendre le volume des molécules d'eau huit
cent fois plus grand ; & pour peu qu'on
y réflcchiflè , on s'apperccvra bientôt qu'il
i'ercit très-aifé de prouver le contraire. Il
eft vrai que M. Mullchenbroek a tâché de
faire voir par un calcul, que la chaleur du
terme de la glace étoit capable de raré-
fier les molécules d'eau , julqu'à les ren-
dre fpécifiqucment plus légères que l'air.
Voici fon railonnement. » Nous avons vu
» que la vapeur de l'eau bouillante eft
» 14000 fois plus rare que l'eau même: or
» la chaleur de cette vapeur eft alors au
" thermomètre de 1 1 i degrés. La chaleur
» de l'été en.plcn midi de 90 degrés ; par
» coniéquent la vapeur de l'eau ainfi
» échauffée , fera alors 5945 fois plus rare
» que l'eau ; & fi l'on fuppofe que la cha-
« leur du thermomètre eft de 51 degrés,
« il faudra que la vapeur foit de 2 1 1 5 fois
» plus rare que l'eau : or l'air n'tft d'ordi-
>> naire que 600 , 700 ou 800 fois plus
" rare que l'eau , Se par conféqucnt la
" vapeur fera encore plus rare que l'air.
" Mais il gelé lorfque le thermomètre eft
" au 51 degré; par coniéquent la vapeur
" pourra ibriir de l'eau Se de la glace en
>' hiver , Se s'élever cnfuite dans l'air. »
Ejjais de phifiquc , p. J^g. Mais il eft clair
^ue le célèbre phyficica s'eft trompé daa*
E V A
cet endroit ; 5c fans m'arrêter à combattre
le fond de Ton calcul , je me contenrcrai
de faire oblerver , que li au lieu de ther-
momètre de Farenheit , qui met le terme
de la glace au 52 degré , il s'ctoit fcrvi du
thermomètre de M. de Reaumur , qui met
le même terme au zéro , il auroit conclu
du même calcul , que la chalu^du terme de
la glace ctoit incapable de raréfier les mo-
lécules d'eau en aucune manière.
D'ailleurs , quand bien même on accor-
dcroit pour un moment la polTîbilitc de
cette ruppolîtion , il n'en feroit pas plus
difficile de faire voir que la nature n'eft
point d'accord avec ce fentiment : en eftct ,
cette opinion exclut toute idée d'unifor-
mité dans la répartition des vapeurs iur
toute l'étendue de l'atmofphere. Elle fup-
pofe nécenairement qu'en été , dans les
grandes chaleurs , les particules d'eau très-
raréfiées devroient s'élever fort haut , &
abandonner la partie de l'atmofphere qui
avoifine la terre ; qu'au contraire en hiver ,
ces mêmes particules condenfées & plus
pefantes , devroient fe trouver en beau-
coup plus grande quantité proche de la
terre , qu'en été : or tout le contraire a
lieu , comme je l'ai prouvé dans le mé-
moire que j'ai déjà cité. Ces remarques me
paroilTent (uffifanres pour faire voir que il
les molécules d'eau s'élèvent dans l'air, ce
n'eft pas parce qu'elles deviennent fpccih-
quement plus légères que celles de ce
fluide , & qu'on ne doit pas croire que les
particules , en s'élevant ëc fe foutenanrc
dans l'atmofphere , fuivent les mêmes loix
qu'un corps folide répandu dans ce fluide.
Je ne m'arrêterai pas davantage à com-
battre cette opinion , croyant qu'il feroit
inutile de s'attacher à entaffer un grand
nombre d'argumens contre ces fortes de
fiippofitions , que les phyllciens négligent
de plus en plus , & que leurs auteurs même
défendent avec peu de chaleur.
M. Hambcrger a fenti le défaut de vraif-
femblance de l'hypothefe que nous venons
èc combattre ; & l'ayant réfutée folide-
ment dans fes élémens de phyfique , ôc
dans fa belle diiïertation fur les caufes de
l'élévation des vapeurs il lui fubflitue une
autre" hypothefe qui lui paroic plus con-
forme aiix obfcrvations , mais qui exami-
E V A 575
née fuivant les loix de la faine phyiîqic ,
me iemble fouffrir pour le moins autant
de difficultés que la première. " Si nous
» fuppofons , dit-il , p. 57 de la DiJJerta-
" non que nous venons de citer, que la
» molécule fufceptible à'évaporaiion , tan-
" dis qu'elle eft encore contigue au corps
" dont elle s'etlorce de s'éloigner , eft en-
» vironnée dans fa furface intérieure de
» particules ignées, & par fa partie fupé-
" rieure contigue à l'air , dans cette fup-
" pnluion , le feu & l'air étant de fluides
" plus légers que la molécule , lui adhére-
" ront ; donc ils agiront fur elle , mais
» inégalement. L'air agira avec plus de
" force que le feu , à caufe de la dilference
» qui fe trouve entre les gravités fpécifi-
" ques de ces deux fluides : par confé-
» quent la molécule fufceptible à'évnpora~~
>' tion tendra vers les deux parties oppo-
» lées , par une rcacftion inégale, c'cR-à-
" dire , avec plus de force vers le ha^u que
" vers le bas. " C'eft ainli qu'il expliquait
leméchaniime du palTage d'une molécule
évaporable dans l'air , mais cette explica-
tion me paroit fujete à des ()bic6tions
auxquelles il feroit difficile de fatisfiire. En
eftet , M. Hamberger fuppofe qu'une mo-
lécule qui eft à la furface d'un corps éva-
porable , de l'eau , par exemple , s'élève
dans l'air parce qu'elle adhère plus à l'air,
qui eft fupérieur, qu'aux particules ignées
qui la ceignent inférieurement ; mais dans
cette explication ; il fait entièrement abf-
rradion de la cohéfion des molécule d'eau
einr'eile : or quels corps pourra- ton de
bonne foi fuppofer fe toucher & avoir une
force de cohéfion , fi l'on refufe de recon-
noître que les molécules d'eau allemblées
en malfe fe touchent &: s'attirent récipro-
quement par une force de cohéfion > V^oye^
Cohésion
M. Hamberger paroit lui-même recon-
noître tacitement le peu de vraifemblance
de certe explication , puifque dans l'édition
de I7J0 de fes Elémens de Phyfique , que
j'ai entre les mains: il n'avance plus que
cette élévation des particules évaporables
fbit due à leur adhcfion, plus grande à l'air
qui eft au deflus qu'aux molécules ignées
qui les ceignent inférieurement. Il fe cop.-
tcntc de dire en général , q^ue les molccu»
374 E V A
les ignées paffknc des corps chauds dans
l'air , plus froid que les corps , elles entrai-
nenc avec elles les particules évaporables.
Mais malgré cette modification , l'hypo-
thefe n'en ell: pas plus d'accord avec les
obfervations. Si on luppofe avec M. Ham-
bcrger , que Vévaporattun fe fiiic par le pal-
fage des particules ignées des corps éva-
porables, dans l'air plus froid que ces corps,
il s'enfuivra nécelfairement qu'il n-'y aura
point A'èvaporation toutes les fois que les
corps qui en font fufceptibles feront auffi
froids ou plus ftoids que l'air ; ce qui eft
évidemment contraire à l'obfervation.
Dans l'ouvrage que nous venons de citer ,
M. Haroberger fait encore une addition
plus elléntielle à fa première hypothefe ;
il y avance que les particules évaporables
qui font à la fuperficie des corps , padent
dans l'air par voie de diilôlution , modojo-
lutionis ( Elément de Phyfiquc , §. 477. ) &C
à cette occafion , il cite le paragraphe 241
où il fe propofe d'expliquer le méchanilme
de la diOblution , & où il détermine la
manière dont les particules du corps dilfous
s'arrangent dans les interftices des molécules
du dilfolvant. M. Hamberger n'ell pas le
feul qui ait dit que Vévûporation. fe j-aifoit
par une efpecc de di(ToIution : plufieurs
phyficiens ayant adopté, comme lui , une
hypothefe fur la diffolution , ont cru ex-
pliquer le m,échanifme de Vèvaporation , en
difant qu'il étoit lemblable à celui de la
diflblution. Pour combattre les fyftêmes
de ces auteurs fur Vèvaporation , il faudroit
donc commencer par examiner les diffé-
rentes hypothefes qu'ils ont adoptées fur
le méchanifme de la diifolution ; mais cet
examen appartient proprement à la chi-
mie , Si fera fait par M. Venel à ['article
Menstrue , beaucoup mieux que je ne
pourrais le faire. Je me contenterai de dire
ici , qu'il me paroît que julqu'à prelent les
phyficiens ne nous ont donné fur ce fujet
que de pures fuppolitions , &C que c'eft
une chofe généralement reçue des chi-
miftes éclairés , juges compétens dans cette
matière , que ces hypothefes des phyli-
ciens fon très- éloignées d'être d'accord
avec les phénomènes de la dilfolution.
Après avoir expliqué la manière dont
les particules évaporables fe détachent de
E V A
la fuperficie des corps , & paflent dans
l'air. M, Hamberger le fert d'une nouvelle
fuppofition , pour expliquer le méchanilme
par lequel les molécules s'élèvent dans
i'atmolphere : il penfe que l'air eft échauffé
par les vapeurs ; que cet air chaigé de
vapeurs , devenu plus chaud , & par confe-
quent plus rare & plus léger que l'air envi-
ronnant , s'élève nécelîairement , & par
fon mouvement entraîne avec lui les
vapeurs ? mais cette feconie partie de fon
hypothefe a encore le défaut de fuppofcr
que les molécules évaporales ne s'élevenc
dans l'atmofphere qu'autant que les corps
defquels elles fe décachent font plus chauds
que l'air environnant ; ce qui eft , comme
nous l'avons déjà remarqué , contraire à
l'obfervation journalière.
Après cet examen des principales hypo-
thefes que les phyficiens nous ont données
fur Vèvaporation , je crois comme je l'ai
déjà dit , devoir rendre compte de ce
que j'ai donné moi - même fur cette ma-
tière. C'eft ce que je vais faire en tranf-
crivant une partie de mon mémoire , pour
en expliquer clairement ledellein : je com-
mence par quelques remarques fur le mot
dijfolulion.
" Le mot dijfolution eft employé par les
chimiftes, pour fignifier des chofes très-
differentcs, Qiielquefois ils s'en lervent
pour exprimer l'aéHon du diflolvant fur le
corps qui s'y dillout. C'eft dans ce fens
qu'Us difent que la dijfolution du fel dans
l'eau fe fait par l'action des molécules d'eau,
qui , comme autant de. coins , s'injinuent entre
les molécules du fel, ou parce gue les molécules
d'eau ont une affinité particulieve avec les par-
ticules du fel. Dans d'autre circonftances ,
ils fe fervent du mol dijfolution , pour figni-
fier le mélange fiiigulicr qui rélùltc de la
fufpenfion du corps diflous dans le diflol-
vant. On attache cette idée au mot drjfo-
lut-ion , lorfqu'on dit : la dijfolution du
cuivre dans l'huile de vitriol eji bleue. C'eft
dans ce dernier fcns que j'emploierai ordi-
nairement le mot dijfolution dans ce mé-
moire. S'il m'arrive de lui donner la pre-
mière fignification , j'aurai foin de le
diterminer par les termes qui l'accompa-
gneront.
" Nous n'avons jufqu'ici aucune con-
E V A
noKfance certaine fur le mcclianirme de
la didolution , conddérée comme l'actiun
du diflolvaiu. Les meilleurs chimiftcs pré-
tendent que la nature du mélange imgulier
du dillolvant , & du corps diflous qui conl-
titue l'état de dillolution , ell mieux con-
nue, iSc qu'il conlifle dans l'union intime
des dernières molécules de ces deux corps.
Mais comme cette conlîdcration n'clt point
ellenticlle à mon objet , je ne m'arrêterai
point à examiner les expériences qui fcm-
blent démontrer la vérité de ce fewti-
mcnt. Il me lullira de remarquer que ce
mélange (mgutier , qui conftitue l'état de
dillolution , ell caradïérifé par une pro-
priété leniible à laquelle on peut le recon-
noîtte.
» Cette qualité fenfible , c'eft la tranf-
parence. Ainfi , de l'aveu de tous les chi-
milles, lorfqu'un corps folide ou fluide ell
fufpendu dans un fluide , de forte que du
mélange de fes deux corps, il en rélulte un
fluide homogène & tranlparent , alors on
peut dire que les deux corps 'ont mêlés
dans l'état d'une véritable didolution. Si
au contraire un corps lolide divifé en mo-
lécules très - lubtiles , eft fulpendu dans
un fluide tranfparcnt , de forte que du
mélange de ces deux corps , il réfulte un
tout hétérogène opaque , alors on peut
alfurcr qu'il n'y a point de véritable dillo-
lution , & que le corps lolide eft fufpendu
dans le liuide , dans l'état que les chimilles
appellent état de fimpk divijion mécanique.
De même fî'deux fluides lonc mêlés en-
femble , de forte que leur molécules ,
quoique trèsfubiiles , ne foient cepen-
dant pas 11 intimement unies, qu'elles ne
confervent encore leur propriétés parti-
culières , le fluide qui réfulte du mélange
de ces deux fluides , n'eft point homogè-
ne. Les réfraéUons diiTérentcs que la lu-
mière foufl-re en le tiaverfant , le rendent
opaque , quoique compole de deux flui-
des tranfparens ; & dans ce cas , il n'y a
point de véritable dilTolution ; ces deux
fluides font mêlés dans l'état de fimple di-
vilion méchanique •>.
" Après ce que je viens de dire fur la
diiïolution , on concevra aifémcnt le dcf-
fcin de ce mémoire. Le voici en peu de
mors. Pcifonnc n'ignore que l'eau peut fe
E V A 575
cliarger de fel , Se le foutenir dans l'état
de véritable dilfolution. On fait de plus
que le mélange d'eau & de fel a certaines
propriétés particulières , que , par exem-
ple , une cartaine quantité d'eau à un de-
gré de chaleur donné , ne peut tenir en
dillolution qu'une quantité de fel déter-
minée ; qu'étant foulé de fel à un degré
de chaleur donné , elle en pourroit diifou-
dre de nouveau , fi on l'échautFoir d'avan-
tage ; qu'au contraire, fi elle venoit à le
ret-roidir, elle laidèroit néceiïairement pré-
cipiter une partie du fel qu'elle tenoit en
dillolution. Appliquez au mélange d'air &
d'eau, qui conllitue notre atmofphere,
ce que je viens de dire fur les dillblu-
tions des fels dans l'eau , c'eft-là le princi-
pal objet de la première partie de ce mé-
moire. Je me propofe donc de faire voir
que l'air de notre atmofphere contient
toujours de l'eau dans l'état de véritable
dillolution ; qu'une quantité d'air déter-
minée à un degré de chaleur donné, ne
peut tenir en dillolution qu'une certaine
quantité d'eau ; qu'étant foulé d'eau à un
degré de chaleur donné, il en pourroic
dilloudre de nouvelle , fi on l'échautToit
davantage ; qu'au contraire , fi étant fou-
lé d'eau à un degré de chaleur donne , il
vient à le refroidir, il laide nécellaire-
ment précipiter une partie de l'eau qu'il
tenoit en dilfolution.'»
^ Article premier. L'eau foujfre dans
l'air une véritable dijfolution, " Cette pro-
pohtion peut facilement fe démontrer pas
une expérience connue de tout le monde.i
mais à laquelle on n'avoit pas fait toute
l'attentton qu'elle méiite. Il s'agit feule-
ment de mettre un jour d'été de la glace
dans un verre bien fec. Le verre s'obfcur-
cit bien-tot après ; fes parois extérieure
fe couvrent d'une infinité de petites bulles
d'eau. L'eau qui , dans cette expérience,
s'attache en très-grande quantité au parois
du verre, fe trouvoit donc l'ufpendue dans
l'air qui l'envitoniioit , de comme elle ne
troubloit point fa tranfparcncc , cette ex-
périence réulTilTant par le temps le plus
ferein, il eft clair qu'elle y étoit contenue
dans l'état d'une véritable difT^lurion. Ce
font les premi-res réflexions que j'ai faites,
fur cette expérience , qui m'onc conduic
576 E V A ^
de conféquencc en conféquence , à tou-
tes les propofitions que je tâcherai d'éta-
blir dans ce mémoire ».
ART. II. Cette diffolutioti a les mêmes
propriétés que la dijfolutioa de la plupart des
fels dans l'eau, " L'air échauffé à un degré
de chaleur donné , ne peut tenir en dillb-
Kuion qu'une quantité d'eau déterminée.
Si étant chargé de cette quantité d'eau ,
il vient à fe refroidir , il laifle précipiter
une partie de l'eau qu'il tenoit en diffo-
lution {a'). Si au contraire il s'échauffe
il en peut refondre davantage. L'expérience
qui fuit me paroit démontrer évidemment
la vérité de ce que je viens d'avancer ".
" Vers le commencement du mois
d'août de l'année dernière , le temps étant
fort ferein , je pris une bouteille ronde
de verre blanc : je la bouchai exattement -,
elle ne contenoit que de l'air , dont la cha-
leur étoit ce jour là au vingtième degré du
thermomètre de M. de Reaumur ; je laiffai
cette bouteille (ur ma fenêtre , & quel-
ques jours après j'obfervai le matin , que
le froid de la nuit ayant fair defccndre
mon thermomètre au quinzième degré , ce
froid avoit déjà fait précipiter une partie
de l'eau dilloute dans l'air renfermé dans
ma bouteille. Cette eau étoit ramaffée en
petites goutelettes , à la partie lupérieure,
jui étant la plus expolée , devoir fe re-
rcidir la première. Après cette première
obfervation , je tranfportai ma bouteille
fur la plate- forme de notre obfervatoire j
je l'y fixai fur le porte-lunette de la ma-
chine paralladique ; je mis au même en-
droit un thermomètre ; vilitant ma bou-
teille tous les matins, j'obfervai qu'au 1 5^
degré, il fe formoit une petite rofée dans
l'intérieur & la partie lupérieure de la bon
teille-, & que cette rofée étoit d'autant
plus confidérable , que le froid de la nuit
?,
E V A
avoir fait defcendxe le thermomètre plus
bas ; enfin vers le fixieme degré , la rofée
qui fe formoit dans l'inrérieur de la bou-
teille étoit fi confidérable , que j'ai cru
pouvoir en conclure , qu'une grande partie
du poids de l'air , au moins en été , doit
être attribuée à l'eau qu'il tient en diflb-
lution. Lorfque la chaleur étoit aflez forte,
l'air contenu dans la bouteille dillolvoic
dans le jour l'eau qui s'écoit précipitée pen-
dant la nuit ".
" Voici une autre expérience qui, dans
le fond , ne diffère point de la précédente ,
Se qui demande beaucoup moins de temps.
Je prends un jour d'été un globe de verre
blanc ( i5 ) ; je bouche exadement fon ou-
verture ( c ) ; examinant ce globe avec
toute l'attention poflible , on n'y peut pas
découvrir une feule goutelette d'eau. Ce
globe étant ainii préparé , je le place fur
un grand gobelet plein d'eau refroidie
prefqu'au terme de la glace ; de manière
qu'une partie du globe foit contigue à l'eau
après avoir laiilé les chofes dans cet état
pendant trois on quatre minutes, je retire
le globe , & ayant elluyé la partie mouil-
lée , qui croit contigue à l'eau , on la
trouve couverte intérieurement de petites
gouttes d'eau : cette eau fe redilTout à me-
lure que le globe fe réchauffe ; enfuite
laillîmt échauffer l'eau contenue dans le
gobelet , & y expofant le globe à diver-
fes repriies , on obferve que moins l'eau
du gobelet eil froide , moins eft grande la
quantité d'eau qui fe précipite, & qu'en-
fin au deffus d'un certain degré , il ne fe
précipite plus rien. Dans cette expérience ,
je nicts feulement une partie du globe dans
l'eau froide, ahn de concentrer dans un petit
efpace l'eau qui fe précipite: lî on plon-
geoir le globe tout entier dans l'eau froide,
l'eau qui fe précipiteroit ne fcroit pas
(.;) " l'emp'oie c<aiis ce mémoire les mots rn-Vipir.-r, prccipi-ctlnn danj le ftfns des chimiftïS ,
r.our {"ignifier le F'^luge de l'état de véritable liiflolution d'un corps d.iiis un meiutiue i ] ctat de
iimple divifici. mcclV.mique. „ Des corps qui de l'ctct de diUb-'utiop ont raflt â celui de divilioi. me-
chaniqiie, les uns tombent au fond de la liqueur, d'autres le jama^ent a i.i lurface i d autres y reitent
""Ti) "le me fers de globes t^ut neufs , afin qu'en ne puif'e p-s foupçonner qu'on y ait mis de l'eau.
Plus ce gK.be eH gr.iiid , plus le luccts de cette expJrienre eft nniuteile , la furiace des globes
n\'.ugnier.twit p.Ts dans la n-^me railon que );; quantité ù'iir qu'ils coniifiir.ent. _
k Ce ) ".le mets picinitieinent fur l'ouverture un morceau de carte, eniuite pKilieiirs couches de
cire fondue ; par dtitus la cire, je inetb du lut cidin.i.ie b-.en étendu 8: b;eii lecKe l^ns autu.^e
crevajle : enfin je couvre le tout d'un linge enduit d'un lut fait avec le blanc d'œui U U chaux.
E V A
en afTez grande quantité pour être bien
fenliblement étendue fur toute la furface
intérieure du globe.
» On pourroit penfer que , quoique je
ne me ferve que de globes tout neufs ,
l'air auroit cependant pu y porter des par-
ticules d'eau qui , caMidues fur toute la
lîirface du globe , ne s'appercevroienc pas ,
& ne deviendroient lenlïbles dans cette
expérience , que parce que l'inégalité de
chaleur des parois du globe les fcroit fe
rarr.aircr dans l'endroit le plus froid. Cette
idée pourroit faire douter fi rcxpériencc
dont il s'agit eft efFeClrivement démonf-
trative ; c'elt pourquoi j'ai cru qu'il ne
(èroit pas inutile de prévenir cette objec-
tion par l'expérience qui luit. J'ai pris un
globe de verre, bouché comme je l'ai dit
ci-defTus : dans l'expérience dont il s'agit ,
l'eau refroidie au huitiems degré , produi-
sit une précipitation bien fcn!;blc fur la
partie du globe qui lui étoit concigue.
Au dixième degré, il ne fe failoit aucune
précipitation : l'eau étant froide à ce degré,
j'ai expofé ce globe au foleil. Il eft certain
que dans ce dernier cas , la chaleur des
parties du globe qui étoit hors de l'eau ,
furpalfoit plus la chaleur de la partie du
globe , qui étoit contigue à l'eau , que
lûifque le globe étoit dans la chambre ,
& que l'eau étoit froide au huitième degré:
Cependant il ne fe faifoit aucune précipi-
tation ; d'où il réfuke que l'inégalité de
chaleur des différentes parties du globe ,
ne fuffit pas pour produire cet etfet 5 que
par conféquent les gouttelettes d'eau , qui
dans cette expérience fe précipitent fur
la partie du globe contigue à l'eau froide ,
n'étoient point auparavant étendues fur
toute la lurface intérieure du globe; & en
un mot , que cette expérience démontre
effectivement ce que nous avions deffein de
prouver.
'» Nous avons démontré dans l'article
précédent , que l'eau fe foutient dans l'air ,
dans l'état d'une véritable dilfolution (a).
Maintenant fi l'on pefe attentivement tou-
E V A 577
I tes les circonflances des deux expériences
que je viens de rapporter , on fera obligé
de convenir qu'elles démontrent tout ce que
nous avons avancé au commencement de
cet article. Nous devons encore remarquer,
que de mc.me que les fels en fe cryftallilant,
retiennent ime partie de l'eau qui les tenoic
en dilTolution ; ainfi l'eau qui fe précipite,
retient une partie de l'air qui la tenoit eu
dilTolution : de même que plulîeurs fels
privés de leur eau de cryftallifuion , la re-
prennent s'ils font expofés à l'air ; ainfî
l'eau dépouillée , s'il eft permis de parler
ainh , de Ion air de cryftailifation , la re-
prend bientôt après : d'où il fuit qu'il y a
une parfaite analogie entre la dilTolution
des fels dans l'eau , & celle de l'eau dans
l'air ; de forte que le phyfîcien , qui pourra
développer le méchanifme de la diftolution
des fels dans l'eau , expliquera en même
temps le méchanifme de l'élévation & de
la fufpenîion de l'eau. dans l'air, & don- ,
liera pour ainfi dire , la clé de l'explication
entière & exaétc de la formation de plu-
fîeurs météores ».
Quoique les deux articles de mon mémoî-
re,que je viens de tranfcrire, paroiffentfuffi-
ians pour établir ce que je m'étois propofé;
lavoir , que l'eau fe foutient dans l'air dans
l'état de difîolution, & que cette difTolution
a les mêmes propriétés que celle des fels
dans l'eau : je crois cependant qu'il ne fera
pas inutile d'ajouter le troifieme article ,
fur la manière de déterminer les caufes qui
font varier la quantité d'eau que l'air tient
en difiblution , parce que les expériences
rapportées dans cet article , confirment en-
core cette théorie.
Article III. Mû nier s de déterminer les
caufes qui font varier la quantité d'eau qut
l'air libre tient en dijfolution."- L'air de notre
atmofphere ne contient pas toujours la
même quantité d'eau en diflolution : deux
caufes principales , le vent & la chaleur
la font varier très-con!idérablement. Avant
de pafler au détail des obfervations que
j'ai faites fur ce fujet , je dois prémiere-
j, ''5 Outre l'eau véritablement dilToiite, l'air contient fouvent de l'eau furabondante qui trouble
la traiilpaj-ence , Se forme les Buée« k les brouiliaids. On voit bien qu'il ne s'agit ici que de la
première. ^ o ^»
Tome XI II R b b
378 E V A
nient expliquer ce que j'entends par degré i
de faturaiioii.de l'air ; décrire l'expérience
dont je me fers pour la déterminer , & re-
connoîcre le plus ou le moins d'eau que
l'air rient en diirolution.
Nous avons démontré plus haut que l'air
peut ditToudre d'autant plus d'eau , qu'il
eft plus chaud. Cela pufé , on conçoit aifé-
ment qu'il y a en tout temps un certain
degré de feu auquel l'air feioit (oulc d'eau.
J'appelle ce degré , degré de faturation de
l'air. Suppofons , pour m.e rendre plus clair,
que le 18 d'août l'air de l'atmofphere tienne
en tliiïolution une quantité d'eau telle qu'il
en feroit foule au dixième degré : ce jour-
là pourroit être refroidi jufqu à ce degré ,
fans qu'il fe pré ipirât aucune partie de
l'eau qu'il tient en dillolution : refroidi à
ce degré , il ne pourroit dilToudre de nou-
velle eau ; refioidi au delîous de ce degré ,
il lâcheroit ncceflairement une partie de
l'eau
qu il tenoit en
dilTol
ution ; & il en
laifleroit précipiter une quantité d'autant
plus grande , que le froid feroit plus fort :
idans ce cas le dixième degré fera appelle le
degré de faturation de l'air. Il eft clair que
plus le degré de faturation eft élevé , plus
l'air tient d'eau en dilTokition ; d'où il fuit
qu'en obfervant chaque jour le degré de
faturation de l'air ; examinant en même
temps les circonftances du temps , on peut
aifémcni parvenir à la connoillince des cau-
fcs qui font varier la quantité d'eau que
l'air tient en dillolution. Voici l'expérience
facile dont je me fers pour déterminer le
degré de fiituration de l'air , fuppofé que
le degré foie au delTus du terme de la glace.
Je prends de l'eau refroidie , au point de
faire précipiter fenfiblement l'eau que l'air
tient en diffolution fur les parois extérieu-
res du vailTeau dans lequel elle eft conte-
nue. Je mecs de cette eau dans un grand
▼eire bien fec , y plongeant la boule d'un
thermomètre , afin d'obferver fon degré de
E V A
chaleur ( 3 ) : je la lailTe échauffer d'un
demi-degré , après quoi je la tranfporte
dans un autre verre. Si à ce nouveau degré
l'eau diffoute dans l'air fe précipite encore
fur les parois extérieures du verre , je con-
tinue de laiffer échaufler l'eau de demi-
degré en demi-degré , jufqu'à ce que j'ai
faih le degré au-deflus duquel il ne fe pré-
cipite plus rien. Ce degré eft le degré de
faturation de l'air. Par exemple, lefoirdu
5 octobre 175 ij la chaleur de l'air étant
au treizième degré , l'eau qu'il tenoit en
diffolution commençoit à fe précipiter fur
le verre refroidi au cinquième degré &
demi : au deffus de ce degré la furface
extérieure du verre reftoitfeche ; au délions
de ce degré , l'eau qui fe précipitoit de l'air
fur le verre , étoit d'autant plus confidéra-
ble 5 que le verre étoit plus froid. Il eft
clair que ce jour- là le degré de faturation
de l'air étoit un peu au deffus du cinquiè-
me degré & demi , puifqiie refroidi à ce
degré , il commençoit à laifler précipiter
une partie de l'eau qu'il tenoit en diflblu-
tion. On peut donc, au moyen de cette
expérience , déterminer en différens temps
le degré de faturation de l'air, & ainli re-
connoître les caules qui font varier la quan-
tité d'eau qu'il tient en dillolution. »
Je ne dois point oublier ici de parler
d'une objeftion qui m'a été propofée par
un habile phyficien , & qui au premier
coup d'oeil paroît renverfer la théorie que
je viens de tâcher d'étabhr. Voici l'objec-
tioH. Suivant les expériences de quelques
phyficiens , l'eau s'évapore dans le vuide ;
elle peut donc s'élever fans le iecours de
l'air , fans y être foutenue , comme je l'ai
dit dans l'état de diffolution. Mais lî le
phyficien avoit fait attention que l'eau
contient une quantité immenfe d'air dont
on ne peut la purger entièrement , &
qu'elle ne peut s'évaporer flins que l'air
qu'elle contient fe développe , il auroit
aifément remarqué que cette objeftion ren-
C û D „ Qiioiqu'au moyen de cette expérience on ne puiiTc déterminer le plus ou moins d'eau
«ue l'air tient en difl'olution , que pour les temps où le depre' de l.ituration ell au delTus du terme
«le fa glace, je crois cependant que perfonne ue me conteftera_ que les concJullons que j'en tire,
ne puillent auffi i'appliquer aux temps où ce degré eft .lu délions du terme de la glace.
(/>) " Pour fiiire cette expéiience -ivec facilité & exactitude, on doit le lervir de thermomètre
à efprit de vin, dont là boule ix. le tuvau ibienc auili. petite qu'il ell polliblc. i,*» cî;urniOjU*Uei
dout je lue i'eis , iout gradués ijur i cchelic de .M. de Kéitumur.
E V A
ferme un paradoxe , & qu'il eft impoiïiWe
qu'un efpace contenant de l'eau qui s'éva-
pore , rclte parfaicemen: vuide d'air.
Julqu'ici nous avons examiné quels font
les corps fufceptiblcs à'cvaporation , qu'elle
cft la n.iture des particules qui s'elevent
daîis l'air par cette voie , par quelles fup-
poiltionb les phyliciens avoient taché d'ex-
pl.quer le méchanifme de Vévaporation \
enhn dans h partie du mémoire que je
viens de tranlcrire , j'ai coiilidéré l'état
dans lequel l'eau évaporée le crouvoit fui-
pendue en l'air ; & j'ai tâché de faire voir
qu'elle y étoit fufpenduc dans l'état de
dillolution , & que cette dilîolution avoic
les mêmes propriétés que celle de la plu-
part des lels dans l'eau. Pour achever ce
qui concerne cette matière , il nous refte
feulement à parler des caules qui accélèrent
ou retardent Vévaporauon , & à rechercher
l'utilité générale de cette propriété lingu-
liere de la plus grande partie des corps ,
par laquelle ils peuvent s'élever dans l'at-
mofphere.
Perfonne n'ignore que la chaleur eft la
caufe qui accélère le plus Vévaporauon:^ ainfi
les corps fufceptibles à'évaporation , expo-
fcs au foleil ou à l'attion du feu, s'évapo-
rent d'autant plus rapidement, qu'ils font
plus échauffés. Ces corps ne peuvent être
échauffes, fans conimuniquer leur chaleur
à l'air environnant. Cet air étant échauffé.
Ton degré de chaleur devient plus éloigne
de fon degré de faturation ; il acquiert
donc par-là plus d'activité à diffoudre les
partxules évaporables , & à s'en charger.
Remarquons encore avec M. Hamberger ,
que l'air contigu aux corps évaporables ,
lorfqu'il ell échauffé par l'adion du feu ,
devient plus rare & plus léger , s'élève &
fe renouvelle continuellement; & que ce
renouvellement continuel de l'air ne con-
tribue pas peu à accélérer Vévaporation.
L'air contenu en grande quantité & fous
une forme non élaftique dans l'intérieur
des corps fufceptibles à'évaporation , eft
encore un agent qui , mis eu atlion par la
chaleur , contribue à accélérer Vévaporation :
t^'pft ce qu'on obferve tous les jours dans
leolipyle. Ce vafe à demi- plein d'eau étant
iriii fur le feu jufqu'à ce que l'eau bouille ,
l'air contenu dans cette eau recouvrant par
E V A 379
la chaleur , fon élafticité , s'en dégage ,
s'échappe, avec rapidité, par l'ouverture
étroite de ce vaiffeau , & entraine peu à
peu toute l'eau dans laquelle il étoit con-
tenu. Dans ce cas il eft vifible que l'air
extérieur ne peut point agir fur l'eaa con-
tenue dans l'éolipyle , & que Vévaporation
de cette eau eft entièrement due au déve-
loppement de l'air qui y étoit contenu.
V. EOLIPYLE.
Le vent naturel ou artificiel accélère
aufla Vévaporation ; ce qui paroit dépendre
principalement du renouvellement conti-
nuel de l'air qui environne les corps.
Indépendamment de la chaleur & du
vent , diverfes circonftances de l'atmof-
phere peuvent encore augmenter ou dimi-
nuer la rapidité de Vévaporation. Par rap-
port à ces circonftances de l'atmofphere ,
qui font favorables du contraires à Vévapo-
ration , nous pouvons établir, d'apiès l'ob-
fervation de cette règle générale , que plus
le degré de chaleur de l'air eft au-dellus de
fon degré de fituratiisn ; plus Vévaporation.
eft rapide. Cela pofé , pour déterminer les
circonftances dans lesquelles Vévaporation
eft plus ou moins rapide , il fuflira d'obfer-
ver dans quelles circonftances le degré de
chaleur de l'air eft plus éloigné de fon degré
de faturation.
Pendant la nuit le degré de chaleur de
l'air eft ordinairement de beaucoup plus
près du degré de faturation , que dans le
jour ; quelquefois même l'air fe refroidie
pendant la nuit jufqu'au degré Je faturation
ou au-delà, comme je l'ai fait voir dans la
féconde partie de mon mémoire : aufïi
obferve-t-on que Vévaporation eft beaucoup
moins rapide pendant la nuit que dans le
jour. Il y a encore une autre caufe qui con-
court à rendre Vévaporation plus lente
dans la nuit que pendant le jour ; c'cft que
dans la nuit l'air eft ordinairement moins
agité.
La rapidité de Vévaporation fjuffre en-
core beaucoup de variétés , fuivant la di-
rection du vent. Le vent du nord eft celui
par lequel le degré de chaleur de l'air eft le
plus éloigné de fon degré de fafjration.
C'eft aulli par le vent que Vévaporation eft la
plus rapide; au moins puis-jc l'afturer avec
certitude, du bas Languedoc, où je l'qi
I5bb i
3So E V A
obrervé, Sc il cft vraiiremblable que ce
doit être la même choie dans prefque toute
rEurope. Après le nord vient le nord-oueft ,
qu'on appelle ici magiftral , en Italie maef-
tro ; c'eft le plus falutairc , & celui qui
règne le plus dans le bas Languedoc. Lorf-
qu'il fouffle dans ce pays , Tair y eft un peu
plus chargée d'eau que le vent de nord ;
mais il eft encore très ficcatif , c'eft-à-dire,
favorable à Vèvaporûtion. Le fud-eft, qui
vient direûemcnt de la mer, eft le vent par
lequel le degré de chaleur de l'air eft le plus
près de fon degré de laturation ; auffi \'éva-
poration eft-elle moinb rapide lorfqu'il fouf-
fle , que par- tout autre vent.
On voit par ce que nous venons de dire ,
^u'il n'y a point d'uniformité dans Vévapo-
ration ; que fuivant les difFérens états de
l'atmofphere , elle eft plus ou moins rapi-
de , Quelquefois nulle ; & que même il
arrive certaines nuits que l'air fe refroidif-
fant au-delà du degré de iaturation , les
corps évaporablcs augmentent du poids de
l'eau que l'air dépofe far eux. La conrtitu-
tion de l'air étant donc aulTi variable , il
ji'eft pas poiTible de déterminer la quantité
d'eau qui peut s'élever dans l'atmofphere
dans l'efpace d'un jour , ni même pendant
nne année. M. Mudchenbroeck a déter-
jTiinc fur fes obfervations faites à Lcydc ,
ôc fur celles de M. Sedileau , faites en Fran-
ce, qu'année moyenne , l'eau contenue dans
un baffin quarré de plomb, diminuoità peu
près de i8 pouces de hauteur ; & que par
conféquent {'évaporât ion alloit à cette quan-
tité ; mais ce n'eft qu'un à peu près , Vcva-
foration étant d'un tiers plus confidérable
certaines années que d'autres , comme il
paroît par les obfervations de M. Sedileau.
d^oye[ l'Ejfai de phyfiijue , page 775. Voye^
ftvjï Fleuve , Pluie , ôcc.
Tous les animaux , tous les végétaux , une
f artie des minéraux , la terre qu'on appelle
proprement humus , qui , formée des débris
des animaux &c des végétaux , fournit en
même temps la matière prochaine de ces
corps; enfin l'eau: toutes ces fubftances
font, comme nous l'avons dit plus haut,
fufceptihles à'îvnporation. Cette multitude
înmcnfe de corps auxquels s'étend cette
propriété , nous fait afte?, comprendre qu'elle
flj'partient en quelque manière à l'écoiwmic
E V A
générale de notre globe : & , en effet , c'eft
au moyen de cette propriété que l'eau , qui
fait la bafe de tous les corps vivans , eft
reportée 5: diftribuée fans cède fur toute la
furface de la terre , contre fa pente natu-
relle , qui la porte à fe ramafter toute en-
tière dans les endroits de la terre qui lont
les moins éloignés de fon centre : par elle
les matières animales & végétales , parve-
nues par la pourriture au dernier dtgré de
leur réiolution , s'élèvent dans l'atmolphere,
pour être reportées enfuite à la i<erre , &c
fervir à la conftruftion de nouveaux êtres.
C'eft en confidérant cette circulation admi-
rable, qu'on peut prendre , avec quelques
phyficiens , une idée auffi grande que juftc
de l'utilité première &c pour ainfi dire cof-
mique du fluide qui environne notre globe.
FmilTbns en appliquant à ce fluide la penfée
de Virgile fur l'ame du monde :
Sàlicet hue reddi deinde ac refoluta referri
Omnia iiec morti ejfe locum.
Géorg. Ub. IV.
Cet article cjl de M, lE Roi , docteur en
médecine de la faculté de Montpellier , 6' de la
fociéié royale des fciences de la même ville.
ÉVAPORATIOK , ( Chimie. ) L'évapcration
eft un moyen chimique dont l'ulage eft
très-étendu ; il conhfte à diffiper par le
moyen du feu , en tout ou en partie , un
liquide expofé à l'air libre, & qui tient en
dillolution une fubftance , laquelle n'cft ni
volatile , ni alte'rable au dtgré de feu qui
opère la d'ffipation de ce liquide.
On a recours à Vévaporation pour opérer
la féparation dont nous venons de parler ,
toutes les fois qu'on ne fe met point en
peine du liquide relevé par le feu : lorfqu'on
veut le retenir au contraire dans une vue
pliilofophique , médicinale ou économique,
comme dans l'examen chimique d'un liqui-
de compofe , dans la préparation des lîrops
aromatiques &: alkali-volatils , & dans la
concentration d'une teinture , on doit avoir
recours à la diftillation. J'oyci Distilla-
tion. Auffi n'eft-ce proprement que l'eau
que l'on f^pare de divcrfes fubftances inoins
volatiles , dans les cas où Vévtiporation eft la
plus eiTiployée,
E V A
Uévaporation a fur la diftillacion cet avan-
tage fingulier , qu'elle opère la fcpai-atiou
qu'on fe propofc , en beaucoup moins de
temps que la diflillacion ne l'opère , foit
que l'air contribue matériellement à cet
effet , Toit qu'il dépende uniquement de
la liberté qu'ont les vapeurs de (c raréfier
dans l'air libre jufqu'à la dilTîpation abfolue,
c'eft-à-dîre , jufqu'à la dcltrudion de toute
liaifon ai^grcgative ( voyez k riot Chimie ,
par ex. ) > ainfi on doit mettre en oeuvre ce
moyen limple & abrégé , toutes les tois
qu'une des circonltances énoncées ci-dcllus
ne s'oppofe point à ion emploi.
Le de?.ré de feu étant égal, une évapora-
ùon efl: d'autant plus rapide , que le liquide
à évaporer cft expofé à l'air libre (ous une
plus grande furface , & au contraire.
On dilTipe par l'évaporation l'eau furabon-
dante à la diflolution d'un fel ; &: une partie
de l'eau de la diflolution , pour difpofer ce
fcl à la cryftalUfation. f^oye^ Sel & Crys-
TALLisATioN. La cuitc des iirops , celle
des robs , des gelées , des éleduaires , Sec.
la préparation des extraits des végétaux , la
deilîccation du lait , &c. s'évaporent par
Vivaporacron.
Qiioique le degré de feu auquel on cxé-
"cute ces diverfes opérations , foit affez lé-
ger , puifqu'il ne peut excéder la chaleur
dont cil fulcepcible l'eau bouillante chargée
de diverfes matières, cependant l'eau bouil-
lante, & même l'eau agitée moins fenlible-
ment par un degré de chaleur inférieur ,
attaque la compohtion intérieure de plu-
fieurs fubftances , & fur- tout de certains
fels & de certains extraits. F'. Extrait,
voye^ au[fi Sel. Il faut dans ces cas exé-
cuter Vévjporation a une foible chaleur.
On a communément recours au bain-
marie dans ces occafions ; &: ce fecours eft
non feulement très-commode à cet égard,
mais il devient mjéme quelquefois ntcef-
fairc lorfqu'on cft obligé de fe fervir de
va:tTeaux de terre ou de verre , qu'on n'ex-
pofc au feu nud qu'avec beaucoup de rif-
que. On eft dans le cas de fe fervir indif-
penfablement de vaifleaux de terre ou de
verre , lorfque les matières à traiter s'alté-
reroient en aitaquani les vailTeaux de métal.
Les dilTolutions de fel qu'on veut diijjofer à
la crylUUifatioH psr \'eyr.poratiçii j le trai-
E V A 381
tent toujours dans des vaiiTeaux de terre
ou de verre, l^'oye:^ Vaisseaux , voye^
Sel.
On exécute des évnporaiions dans toute
la latitude du feu chimique , qui s'étend
depuis le degré le plus foible ( voye[ Feu )
jufqu'à l'ébuUition des liquides compofés ,
qui font les fujets ordinaires des évapora-
lions , c'eft-à-dire , des difîblutions plus ou
moins rapprochées de divers i'els , des dé-
codions de végétaux ou de fubftances ani-
males , &c. l/évaporation qui s'opère par la
feule chaleur de l'atmofphere , eft connue
dans l'art (bus le nom à'évaporatioa injaifl-
blc. Notre célèbre M. Rouelle a employé
Vévaporaiion infcnhble avec un très-grand
avantage dans fes travaux lui les fels. Voycj^
Sel , yoyeT^ Cristallisation. Elle n'dt
praticable que fur ces fubllances ; tous les
autres coOTpo/e.s {olubles dans l'eau, éprou-
veroient dans les mêmes circonftanccs un
mouvement inteftin qui les dénatureroit.
Voye\^ l-ERMENTAnON.
Les loix de manuel , félon lefquelles il
feint hâter , retarder ou fufpcndre X'évapora-
tion , (e dcduileiic des dlirérentes vues qu'on
fe p.'opofe en l'employant , & fe trouvent
dans les articles particuliers où il s'agit de
produits chimiques ou pharmaceutiques
obtenus par ce moyen. V, Cr.ystallisa-
TioN , Extrait , SiRor, Rob, Gelée,
&c. {h)
EVAPORER, V. aa. {DocimaJ}.) ou
faire fumer une coupelle , fe dit de la deffic-
cation qu'on lui donne en la mettant ren-
verfée fous la mouffle une heure avant que
d'y mettre le régule , (i elle eft faite de cen-
dres de bois, parce qu'il y refte prefque
toujours une petite portion d'alkali qui
attire l'humidité de l'air. Celles qui font
faites de cendres d'os d'animaux , ne veu-
lent pas être recuites pendant fi long-temps,
parce qu'elles ne retiennent pas l'humi-
dité auffi fortement ; elles ne contlenneru:
que celle qui fe répand affez uniformé-
ment dans tous les corps environnés de
l'atmofphere , qu'elles prennent à la vérité
en ailcz grande quantité par leur qualité
d'ablorhans. On peut coiiftater la prcfence
de l'humidité dans les coupelles , par la
diftillation ; mais ce n'eft pas pour la leur
enlever feulement qu'oa les évapore , c'cit
382 E V A
encore pour dliïîper quelqu'.-s portions de
p'nlogiltiquequi peut y être , foit de la part
dts hqucuismucilagineufes, avec lelquelles
on pelote la cen<!4rée pour l'humeiSter , ou
de petites molécules de charbon que la
calcination n'aura pu détruire : ainlî faute
d'évaporer la coupelle, il peut arriver ou que
le plomb foit enlevé par des petites gout-
tes par Texpanlion des vapeurs aqueufes
lortant avec impétuolité de la coupelle ,
ou réiluit par le phlogirtique qu'il y trouve ;
ce qui occa donnant une effervelccnce &
un bourfoufflement , fait fendre la cou-
pelle. Quand les vapeurs font en petite
quantité , le plomb ne fait que fe tré-
mouller & changer de place ; cnlorte qu'il
fe répand quelquefois. Foye:f Coupelle &
Affinage, au mot Essai, Cet article cJî de
M. DE VllLIBRS.
* EVASER , V. ad. ( Art. méchaniq. )
c'eft agrandir l'ouverture, enforte que l'ori-
fice de la chofe évafée foit plus étendu que
ion fond. On n'évafe que ce qui étoit déjà
ouvert.
Evaser, "Evase, ( Jardin. ) On dit
qu'un arbre eft trop évafé , quand il a trop
de circonférence : on le dit de même d'une
fleur. (K)
EVATHS ou ÉVAGES , f. m. ( Hift.
anc. ) c'étoit une branche ou divifîon des
druides , ancien philofophes celtiques. V.
Uruides.
Strabon divife les philofophes bretons &
gaulois en trois feftes , les bardes , les évates,
les druides. Il ajoute que les bardes étoient
poètes (5i muliciens ; les évates , prêtres Se
naturaliftes; & les druides , moraliftes aullî
bien que naturaHftes : mais Marcellin, Yof-
fius , ik Hornius les réduifent tous à deux
feéles , favoir , les bardes & les druides. En-
fin Ccfar , liv. VI, les renferme tous fous le
nom de druides.
Les ivatcs ou vates de Strabon font pro-
bablement ceux que d'autres auteurs , &
particulièrement Ammien Marcellin appelle
euhages ; mais 1\1. Boucke , dans ion H/f-
loire de Prwence , liv. I , chap. ij , les dif-
tingue. "Les vaies , dit-il, étoient ceux
>» qui prenoient foin des facrifices & des
»> autres cérémonies de la religion : &
» les cubages p.ifloienc leur temps à la
»> ):^;eherchc ôç à la.comemplation des myf- j
E V A
.. myfteres de la nature, V. Eubages »;
Chainbers. { G ")
EVAUX, (Géogr. moderne.') ville du
Bourbonnois, en france. Long, zo , 10 ;
lat. 46", 25.
* EUBOULIE,f f. {MythoO déellc du
bon conled : elle aveit un temple à Rome.
Son nom eft formé de iv , bien &c de Cùvk;i ,
confeil.
Eue
EUCHARISTIE , f f. C Thélog. ) du
gtec i-jy^afiiicL, aâion de grâces ; facrcmenc
de la loi nouvelle , ainh nommé parce que
Jclus-Chrift, en l'inftituant dans la dernière
cenc, prit du pain , & rendant grâces à fou
père , bénit ce pain , le rompit, le difiribua
à fes apôtres, en leur difant , ceci ej) mon
corps ; Se que c'efl: le principal moyen par
lequel les chrétiens rendent grâces à Dieu ,
par Jefus-ChrilL
On l'appelle âuŒicenedu Seigneur , parce
qu'il fut inftitué dans la dernière cène ;
communion , parce que c'eft le lien d'unité
du corps de Jefus - Chrift & de l'églife ;
faint facrement , &C parmi les Grecs , les
faints myjîeres par excellence , parce que
c'crt le prmcipal des fignes des chofcs facrées
établi par Jefus-Chrift ; viatique , parce qu'il
eft particulièrement nécedaire pour forti-
fier les fidèles dans le paftage de cette vie
à l'autre. Les Grecs l'appellent fynaxe oit
eulegie , parce que c'eft le lien de l'aftcm-i
blée du peuple , & la lource des bénédic-
tions de Dieu fur les chrétiens. Fbyt^CoM-
ML^NiON , Sacrement , Mystère , Via-
tique , &c.
Les théologiens catholiques définilTcnt
Veucharifîie, un facrement de la loi nouvelle ,
qui , fous les efpeces ou apparences du pain
& du vin , contient réellement , véritable-
ment , &c fubftanticllement le corps iSc le
fang de Notre-Seigneur Jelus Chrift , pouï
être la nourriture Ipirituelle de nos âmes ,
en y entretenant la vie de grâce. Us la
confidcrent aulTî comme un facrifice pro-
prement dit, dans lequel Jelus-Chrilt eft
orfert à Dieu fon père , par le miniftere des
prêtres, & renouvelle, d'une manière non ,
fanglante , le (acrifice fanglant qu'il fie
de fa vie fur l'arbre de la croix , pour la.
rédemption du genre humain. Par ce
E U C
Hicrifice de la nouvelle loi , les mérites
tle k mor: Se pairion de Je(iiJ-Chri(t
fonr appliques aux fidèles ; & on l'otfie
dans l'églilc c^rholique , pour les vivans
& pour les morts. Foye-^ Sacrement &
Sacrifice.
La matière de ce facrement eft le pain
de froment & le vin ; la difcipline de l'é-
glife Litine eft de confacrer avec du pain
azyme ou fans levain : celle de Tcglife grec-
que tftdcfe fervir de pain levé ; l'un Se
l'autre eft indiifcrcnt pour la validité du
facrement. C'cft un précepte de tradition
ecckiîaftique , de mêler un peu d'eau dans
le vin ; la pratique en elt conllance parmi
les Grecs (Sl' les Latins ; & elle eft confir-
mée par S. Cyprien & par les aunes pères.
Ce mélange figure l'union des fidèles avec
Jcfus-Chrill.
La forme de ce facremeut font ces pa-
roles de JeiusChrift , pour le pain , ceci eji
mon corps ; pour le vin , ceci ejî le calice de
monfi^ng ; ou c'e/J mon fang ; paroles que
le prêtre prononce , non pas en Ton propre
nom, mais au nom de Jcfus-Chrift; & p.^r
la vertu defquelles le pain & le vin fjnt
tranlluhrtantiés , ou changés au corps &
au (ang de Jefus-Chrift. yoye\ Transsubs-
tantiation.
Les évêques &: les prêtres ont toujours été
les feuls miniftres ou confécrateurs de Veu-
cfiarijlis ; mais anciennement les diacres la
dillribuoient aux fidèles , Se ils pourroient
encore aujourd'hui la dilpenfer par ordre
de l'évcque.
Depuis l'inftitution de Veuckarifie , les
chiétiens ont , de tout temps , célébré ce
myftere dans leurs allemblées religieufes ,
dans Icfquelles les évêques ou les prêtres
bénilToient du pain & du vin , &: le dillri-
buoient aux alTîllans , comme étant devenu
par la confécration le vrai corps &c le vrai
fang de Jcfus-Chrift. De là le refpefl: qu'ils
ont eu pour Veucharijiie , & l'adoration
qu'ils lui ont rendue , comme on peut s'en
convaincre par les prières qui , dans toutes
les liturgies , fuivenr les paroles de la
confécration , & qui font autant d'aâies
ou de témoignages d'adoration , & de mo-
numens de la foi des peuples. Les cathécu-
mencs de les pénitcns n'alTiHioient point à
la confécration de VeuchanJIie , & ne par-
E U C 3S3
ticipoient point à Ca réception. Jufjn'au
douzième fiecle , les fidèles la recevoient
fous les deux efpeces du pain &c du vin ,
tant dans l'églife latine que dans l'églifc
grecque. Cette dernière a retenu fon ancien
ufige ; mais l'églile latine a adopté celui
de n'adminiflrer Veucharijiie aux fimples
fidèles , que fous l'efpece du pain. Le
retranchement de la coupe , ou de l'ef-
pece du vin , a occalionné les guerres les
plus finglantes en Bohême dans le quin-
zième ficelé j & l'on en agita le réfablif-
fement au concile de Trente ; mais en- '
fin la dilcipline prcfente de l'églife , à
cet égard , a prévalu. Voye^ Hussites &
Tamborites,
La préfence réelle de Jefus-Chrift dans
Veucharifiie , a été premièrement attaquée
dans le neuvième fiecle . par Jean Scot ,
dit Erigene ou l'Hibernois , qui avoit été
précepteur de Charles le Chauve. Cet écri-
vain j que les protefïans ont voulu faire
palfcr pour un grand génie , n'étoit qu'un
fcholaltique très-obfcur dans les expiel-
fions , & dont l'ou\"rage fur Veucharijiie ,
connu à peine de trois ou quatre de fes con-
temporains , fèroit demeuré dans un éternel
oubli , Il les calviniftes ne l'en euffent tiié,
pour fe prévaloir de (on autorité ; mais au
fond, elle n'eft pas en elle-même d'un
grand poids ; & laftyle embrouillé de cet
auteur ne décide pas une comroverfc fi
importante.
Bérenger , archidiacre d'Angers , excita
un peu plus de rumeur dans le onzième
liecle. Il nia ouvertement la préfence réelle
& la tranffubftantiation : On tint , tant
en France qu'en Italie , divers conciles où
il fut cité ; il y comparut , fut convaincu
d'erreurs ; il les rétraéta & y retomba : en-
fin , après différentes variations, il mourut
catholique en 1088 , h l'on en croit Clavius,
l'auteur de la chronique de S. Martin , Hil-
debert du Mans , «Si Baidric , évoque de Dol,
auteurs contemporains de Bérenger. loye^
BÉRENGARIFNS.
Dans le feixieme fiecle , les proteftans
ont attaqué Veucharifiie ; mais tous ne s'y
lont pas pris de la même manière. Suther
& fes feélateurs , en reconnoilTant la pré-
fence réelle de Jefus-Chrift dans Veucha-
rifiie , ont rejeté la tranflubllanciatioa, fùur
384 E U C
tenant q^ie la Aibftance du pain & du vîn
dtmeureroit avec le corps &: le fang de
Jefus-Cluift. f^oyei Consubstantiation
6" Lmpanation.
Zsingle au contraire a enfeigné que \'eu-
ckarijlie n'ctoit que la figure du corps & du
fang de Jcfus- Chrift , à laquelle ou donnoic
le nom des chcfcs dont elle eft la figure.
ï^oyei ZuiNCLiENs.
Enfin Calvin a répondu que Veucharijiie
renferme feulement la vertu du corps & du
fimg de Jefus-Chrift , & qu'on ne le reçoit
dans ce facrementque par la foi , & d'une
manière toute fpirituelle : les Anglicans
ont adopté cette dernière doâirine ; & l'on
peut voir , dans la belle hilloire des varia-
tions, écrite par M. Ecluet , quel parta-
ge ces diverles opinions ont occalionné
parmi les protefcans. Voyei^ Calvinisme 6'
Calvinistes.
A entendre Calvin , les premiers feâra-
teurs & les miniftres caîviniftes , le dogme
de la préfencc réelle univerfellement éta-
bli dans l'églife romaine , n'étoit rien moins
qu'une idolâtrie manifefte & luflïfante pour
autorlfer le ichilme qui en a fcparé une
grande partie de rAlîemagne & tout le
r;ord de l'Europe ; & cependant , par une
inconiequence évidente , ce même Calvhi
& fcs fedateurs n'ont pas fait de diffi-
culté de communiquer , en m.atiere de re-
ligion , avec l:s Luthériens , qui font pro-
fefîïcn de croire la prélence réelle. Voye:^
Luthériens.
Jamais difpute n'a été agitée avec plus de
chaleur que celle de la préfence réelle. Ja-
mais queftion n'a été plus enveloppée de
fubtilités de la part des novateurs, ni mieux
& plus profondément dilcutée de celle des
catholiques. Nous allons donner un précis
des principales raifons de part & d'autre.
Les catholiques prouvent la vérité de la
préfence réelle par deux voies ■■, l'une qu'ils
appellent £?e Jifcujjion , l'autre, qu'ils appel-
lent de prefcn'ption.
La voie de difcunîon confifte à prouver
la vérité de la préfence réelle , par les textes
de l'écriture qui regardent la promelfe de
X'euchariflie , Ton inltiturion , Ik l'ufage de
ce facremenc : ct ux qui corxernent la pro-
melle , font ces paroles de Jefus-Chrift,
en S. Jean , c/tap. VI. verf. 5^. ^; fuiv. fi
E U C
vous ne mange-^ la chair du fils de C homme , &
ne buve'^fon fang , vous n.'aure[ point ma vit
en vous : ma chair ejl véritablement viande ,
& mon fang efl véritablement breuvage. Celui
qui mange ma chair & qui boit mon fang de~
meure en mvi S" moi en lui. Les paroles de
l'inftitution font celles-ci , en S. Math,
chap. XXV L verf. z6. S. Marc, chap. XIV.
verf. XI. S. Luc, chap. XXII, verf. ij./re-
ne^ £' mange^ , ceci ejl mon corps ; pre-
nez £" buve'^ , ceci ejî mon jang ou U calice de
monfang. Enfin les textes , ou il s'agit de
l'ufage de Veuchari/lie, fe trouvent dans la
première épitre de S. Paul aux Corinthiens,
chap. XX, verf. i 6. Le calice que nous bénif-
fons n'cjî-il pas la communication du fang de
Jtfus- Chrifl ! & le pain que nous rompons n'ejl-
il pas la participation du corps du Seigneur ?
& dans le chap. fuiv. verf. 27. après avoir
rapporté les paroles de l'inftiiution , l'apôtre
ajoute : ainfi quiconque aura mangé ce pain
ou bu le calice du Ssisneur indisnement , fera
Il r '
coupable de la profanation du corps S' du Jang
du Seigneur,
Ces textes , difent les Catholiques , ne
peuvent s'entendre que littéralement & dans
le fens propre. C'eft ainli que les Caphar-
naïtes , & les apôtres même , entendirent
les paroles de la promelfe ; & Jefus-Chrift
ne dit pas un mot pour les détromper fur
le fond de la chofe , quoiqu'ils fe trom-
partent fur la manière dont Jefus-Chrift
devoir donner fon corps à manger & fon
fang à boire : ils penfoicnt en effet qu'il
en fcroit de la chair & du fang de Jeius-
Chnff comme des aUmens orduiaires , &
qu'ils les rccevrolent dans leur forme natu-
relle (S: phyfique ; idée qui fait horreur &
qui les révolta. Mais Jefus-Chrift fins leur
expliquer la manière facramentclle dont il
leur ilonncroit fa chair pour viande , & fon
fang pour breuvage , n'en promet pas moins
qu'il leur donnera l'un iSc l'autre réellement ;
&C les caîviniftes conviennent que dans ces
paffiges il s'agit du vrai corps & du vrai
fang de Jcfns-Chrift.
Le pain & le vin ne font ni Hgnes natu-
rels ni f)gnes arbitraires du coips & du
fang de Jefus-Chrift ; & les paroles de l'inf-
titution fcroier.t vuides de fens , fi fans
avoir préparé l'eipvit de fcs tlilciplcs , le
Sauveur eut employé une métaphore aulfi
extraordii\i;re
E U C
ntraorJinairc pour leur dire qu'il leur
donnoit le pain Ck le vin comme il?^ fiqnes
ou lies hgures de loii corps & de ion f.jng.
Enhii les paroles qui concerntiu l'ulage
de Veuchanjïic ne font pas moins preciles ,
il n'y eft mention ni de fymbolcs , ni de
fignes , ni de hgures , mais ihi corps
& du lang de Jefus-Chrift , & de k prota-
narion de l'un & de l'autre, quand on reçoit
indignement \'cu:harij}ic.
D'ailleurs, ajoutent - ils , comment les
pères , pendant neuf lîecles entiers , ont-
ils entendu ces paroles , non pas dans les
écries polémiques , ou dans des ouvrages
de controvcrfe , mais dans leurs catccheies
ou inftru'flions aux catéchumènes , dans
leur; fermons & leurs homélies au peuple ?
Comment , pendant le même e!p:ice de
temps, les Hdcles ont -ils entendu ces
textes? Que croyoient-ih? Que penfoient-
ils î lorfque dans la célébration fréquente
des lains mviieres , le prêcre ou le diacre
leur prélentant VeuchatiJUe , diiant , corpus
Chrijii , voilà OU ceci efl le corps de Jejus-
Chriji , ils répondoient amen, il efl-, vrai,
fi , comme le fuppofent les calviniltes , les
uns & les autres ne croyoient pas la pré-
sence ré;llc , 1» langage des pcres & celui
du peuple n'étoic qu'un langage évidem-
ment fau:c& illufoire. Les palpeurs, comme
le remarque très-biîn l'auteur de la perpé-
tuité de la foi , auroient fans celfe employé
des exprelTîons qui énoncent précilcment
& formellement la prcfencc réelle de Jc-
f.'.s Chrift dans X'cuchariflie , pour n'enfei-
gner qu'une préfencc tigurée & métapho-
rique ; Se les peuples , de leur côté , inti-
mement convaincusque Jefus-Chrill: n'étoit
pas réellement ptélent dans Veucharifiie ,
auroient conçu leur profelTion de foi dans
des termes qui énonçoient formellement la
réalité de (a préfence. Cette double ablur-
dité cft inconcevable dans la pratique.
La voie de prefcription condfteà prou-
ver, que depuis la niiffance de l'églife ,
julqu'au temps où l'érenger a commencé à
dogmatifer , l'égli'I- grecque & ladne ont
conllammenc 5c unanimement profelfé la
loi de la préfence réelle , & l'ont encore
profeflée depuis Béreng;r julqu'à Calvin ,
& depuis Calvin jufqu'à nous : c'eft ce
qu'ont démontré nos controvcrhftes par k
E U G 585
tradition non interrompue des pères de
l'églife , par les décifions des conciles ,
par toutes les liturgies des églifes d'orient
& d'occident , par la confeillon même des
fedbes qui fe font féparées de l'églife, telles
que les Nclloriens , les Eutychiens , &c.
ils ont amené les calvinille'; ;\ ce point. On
connoit l'époque de la naiflance de votre
erreur fur la prcf.Mice réelle : vous l'avez
empruntée des Vaudois , des Petrobru-
ficns , des Ilenriciens ; vous remontez juû
qu'à Bérengcr , ou tout au plus , jufqu'à
Jean Scot. Vous êtes donc venu troubler
l'églife dans fa polléfTion. Et quels titres
avez-vous pour la combattre ? Voy. Hen-
RICIEHS , &c.
Les proteftans répondent , 1°. que les
preuves tirées de l'Ecriture ne (ont pasdé-
cilives; & que les textes allégués par les
catholiques peuvent auOî bien fe prendre
dans un fens métaphorique , que ceux-ci :
Genef. chap. XLVI. verC i. les fipt vacket
grajjes 6" Us fcpt épis pleins font fcpt années
d'abondance : & dans Daniel , chap. XXII,
verf. z8. ce prophète expliquant à Nabu-
chodonofor ce que fignifioit la ftatue colof-
iale qu'il avoir vue en fonge , il lui dit,
vous êtes la tête if or ; ou ce que Jelus-Chrift
dit dans la parabole de l'ivraie ; en S. Matt.
chap. XXIII : Celui qui fenie le bon grain ,
c'ejî le Fils de l'homme ; le champ , c'efi le
monde ; la bonne femence , ce font tes en fans
du royaume ; l'ivraie , ce font les néchans \
l'ennemi qui l'afemée , efî le diable ; la moif-
fon , efl la consommation des fiecles ; les moif-
fonneurs font les anges ; & S. Paul , en par-
lant de la pierre d'où coulèrent des fourccs
d'eau pour défàlcérer les Ifraélires dans le
délcrt , dit dans la première épître aux
Corinthiens , chap. X. verf 4. or la pierre
étoit le Chrij}, Toutes ces exprelTîons , ajou- ,
tent-ils , font évidemment métaphoriques :
donc, &c.
On leur réplique , avec fondement , que
la difpariré eft des plus fenfibles, & elle fc
tire de la nature des circonftances , de la
difpofition des efprits , & des règles du
langage , établies & reçues parmi tous le<;
hommes fenfés. Pharaon & Nabuchodo-
nofor demandoient l'explication d'un (ongtt
le premier dcmandoit à Jofeph ce que
lîgnifioient ces fept vaches gralfes & ces
C c c
386 E U C
fept épis pleins qu'il avoir vus pendant Ion
fommeil ; il ne pouvoir donc prendre que
dans un fens de lignification Se de figure
la réponfe de Jofeph. Il en eft de même
dcNabuchodonolor, par rapporta Daniel;
ce monarque auroit perdu le fens commun ,
s'il eiir imaginé qu'il étoit réellement la
tête d'or de la ftatue qu'il avoir vue en
fonge : mais il comprit d'abord que cette
tête pouvoir bien être une figure de fa
propre perfonne & de (on em»pire ; comme
les autres portions de la mcme ftatue ,
compofées 'es unes d'argent , les autres
d'airain ; celles-ci de fer , celles-là d'argile,
croient des fymboles de différens autres
princes Se de leurs monarchies. Jefus-Chrift
propofuit & expliquoit une parabole donr
le corps éroit allégorique , & qui renfer-
moir nécelTairemenr un fens d'application.
Perfonne ne pouvoir s'y méprendre : en-
fin S. Paul développoit aux fidèles une
figure de l'ancien Teftamem. Les cfprirs
éroienr fuffifammenr difpofés à ne pas
prendre le ligne pour la chofe fîgnifiée:
mais il n'en eft pas ainfi de ces paroles
que Jefus-Chrift adrefta à fes aporrcs : Ced
efl mon corps , ceci ejl mon Jung. Le pain &
le vin ne ionr pas lignes naturels du corps
& du fang ; &c i\ Jefus-Chrift en eût fait
alors des lignes d'inftitution ou de conven-
tion , les règles ordinaires du langage &
du bon fens ne lui eulTent pas permis de
fubftiruer à l'aurre un de ces rermes qui
n'auroienr eu qu'un rapport arbirraire ou
d'inftirution ; gar exemple , on ne dit pas
que du lierre loir du vin , parce qu'il de-
vienr ligne de vin à vendre , par la con-
venrion & l'inftiturion des hommes ; on
ne dir point qu'une branche d'olivier eft la
paix , parce que , en conléquence des
idées convenues , elle eft le ligne delà paix.
Les aporres n'éroienr nullement prévenus ;
Jefus - Chrift n'avoit préparé leurs efprits
par aucune expofition ou convention pré-
liminaire : ils dévoient donc néceffairement
entendre les paroles dans le iens auquel il
les prononçoit ; c'eft-à-dire , dans le fens
propre & littéral. Ces raifons qui font
fimples & à la portée de tout le monde ,
n'ont pas paru telles à un écrivain , qui,
après avoir vécu long-rcmps parmi les ca-
tholiques, & ^cnfé comme eux, s'eft depuis
E U C
retiré chez les anglicans , dont il a époufc
prefque toutes les erreurs. Il qualihe le
livre de la Pcrpéiuiié de la foi , qui contient
cesrailonncmens& beaucoup d'autres fem-
blables , de Triomphe de la diakâique fur la
raifon. C'eft au lecteur à juger de la jufteiïe
de cette application.
II. A la chaîne de tradition qu'on leur
oppofe , les proteftans objeftent qu'il n'y
a point ou prelquc point de père qui n'ai;
dépofé en faveur du fens figuratif &: méta-
phorique , 6c qui n'ait dir que Veucharijlie
même après la confécrarion , eft figure ,
Jigne , antitype , fymbole , pain , & vin. Mais
toures ces chicanes que les calviniftes ont
rebartues en mille manières , fe dérruifent
aifcmenr par ccrre feule folution ; que
Veucharifîie étant compofée de deux parties ,
l'une extérieure & fenlible , l'autre inté-
rieure &: intelligible , il n'eft pas étonnant
que les pères le fervenr fouvenr d'cxpref-
lions qui ne conviennenr à ce facrement
que félon ce qu'il a d'exrérieur ; comir.e
on dit une infinité de choies des hommes ,
qui ne leur conviennenr que félon leurs
vêremens. Ainfi Veucharijlie éranr rour à la
fois , quoique lous différens rapporrs , figure
& vcriré , image & réalké , les pères ne
laiiTenr pas de donner aux fymboles , mêm-e
après la confécrarion , les noms de pain Se
de vin , Se ceux d'image Se défigure ; puif-
que d'un côté les noms fuivanr ordinaire-
menr l'apparence cxréricure & fenlible ,
la nature du langage reçu parmi les hom-
mes nous porreà ne les pas changer, lorf-
que ces apparences ne fonr pas changées;
& que de l'autre , par les mors d'image Sc
défigure , ils n'enrendenr poinr une image
& une figure vuide , mais une figure 6c
une image qui conriennenr réellcmcnr ce
qu'elles reprélenrent. En effet , quand les
pères s'expliquent fur la partie intérieure
Se intelligible de Veucharijiie , c'eft-à-dire ,
fur l'efl'ence & la nature du facremenc , ils
s'expriment d'une manière li nette Si lî
précife , qu'ils ne laiflent aucun lieu de
douter qu'ils n'aient admis la préfence
réelle. Ils cnfeignent , par exemple , que
.) les fymboles ayant été confaciés & faits
.» euchaviftic par les prières que le Verbe
» de Dieu nous a enfeignées , font la chair
» & le fang de ce même Jeius-Chrift qui
E U C
a été fait homme pour l'amour de nous.
S.JuJUn, ij apologie. Que l'agneau Je
Dieu qui efface les péchés du monde ,
ell préfeiic (ur la table facrce , qu'il eft
immolé par les piètres (ans cHudou de
fang , & que nous prenons véritable •
ment Ton précieux corps &c Coxi précieux
fang. Gelajc Jj Cyyqus , d'apt'is le pre-
mier concile de Ntcée. Que Jedis-Chrirt
ayant dit du pain, ceci elt mon corps ;
qui olera en douter désormais ? & lui-
même ayant dit , ceci eft mon fang ;
qui oleroit en entrer en doute , en di-
fiuif que ce n't'à. pas fou lang ? Il a au-
trefois changé l'eau en vin en Cana de
Galilée ; pourquoi ne méritera t-il pas
d'être cru , quand il change le vin en
(on fang ? S. Cyrille de Jérufakin , cat. jv.
Que par la parole de Dieu&: l'oraiion ,
le pani eft changé tout d'un coup au
corps du Verbe par le Verbe , félon ce
qui a été dit par le Verbe même : ceci
eft mon corps. S, Grég. de Nyff. orat.
catech. Que le créateur & le maitre de
la nature , qui produit du pain de la
terre , fait enfuite (on propre corps de ce
pain ; parce qu'il le peut & l'a promis :
celui qui de l'eau a fait du vin , fait
auffi du vin , fon fang. S. Gauderxe , évc-
quc de Brefcta , in Exod. tract, ij. Que le
S. Efprit fait que le pain commun pro-
pofé fur la table, devient le propre corps
que Jefus-Chrift a pris dans fon incar-
nation. S. IJldore de Damicte , ép. cjx.
Qiie l'euchariftie eft le corps & le lang
du Sergneur , même pour ceux qui le
mangeant indignement , mangent Se
boivent leur jugement. S. Augufi. liv. V
du baptême contre les Donadftes , chap.
viij. Que nous croyons que le corps qui
eft devant nous , n'eft pas le corps d'un
homme commun & femblable à nous ,
& le fang de même ; mais que nous le
recevons comme ayant été fait le propre
corps & le propre lang du Verbe qui
vivifie toutes chofes. S. Cyrille d'Ale-
xandrie, cxplicat. du ij de fes anathem.
Que le prêcre invifible (7, C. ) change
par une puilfance fecrete les créatures
vifibles en la fubftance de fon corps oc
de fon fang , en difant : Prenez &: man-
gez , ceci eft mon corps, S. Eucher ou
E U C 387
•' s. Ccfaire , Iiomél. v. fur la pâque. Que
" le S. Efprit étant invifiblement prefcnc
>• par le bon pUifir du Père ic la volonté
» du Fils, fait cette divine opération ; Sc
" par la, main du prêtre , il confacre ,
" change , ik fait les dons propofés C c'eft-
» à-dire, la pain & le vin ), le corps ôc
'• fang de Tefus-Chrift. Germain ,patriar-
0 cke de Conjl/intinople , dans fa théorie des
" myfteres. Que le pain & le vin ne font
» point figures du corps & du fang de
" Jefus - Chrift , mais que c'eft le corps
" même déifié de Jefus - Chrift ; Notre-
" Seigneur ne nous ayant pas dit , ceci
» eft la figure de mon corps , mais ceci
" eft mon corps ; & n'ayant pas dit de
" même , ceci eft la figure de mon fang ,
" mais ceci eft mon lang. S. Jean de Da-
<> mas, de la foi orthod. lib. IV. chap. xjv.-i
U ne feroit pas difficile d'accumuler de pa-
reils palTiges des pères , des conciles , des
auteurs ecclcfiaftiques , & des théologiens ,
juiqu'au xvj ficelé, pour former une fuite
de tradition conrtante, & de montrer que
tous ont penfé que les fymboles lont chan-
gés, tranfmués , tranfélémentés , tranlfubf-
tantiés au corps & au fang de Jefus-Chrift.
Dire après cela que ces pcres & ces écri-
vains n'ont parlé q'ie par métaphore , ou ,
comme l'auteur que nous avons cité ci-
delTus , qu'il n'y a aucun de ces pafl.iges fur
lequel on ne puide difputer ; c'eft phitôc
aimer la difpure , que fe propofer la re-
cherche de la vérité , & contefter qu'il falle
clair en plein jour. La doétrinc & le lan-
gage des percs fur la préfence réelle , ne
peuvent paroître équivoques qu'à des ef-
prits prévenus & déterminés à trouver des
figures dans les difcours les plus (impl'S.
Les miniftrcs calviniftes ne l'ont que trop
bien fenti ; S>c pour éluder le poids d'une
pareille autorité , ils ont imaginé différcns
iyftêmes qui tendent tous à prouver que la
créance de la préfence réelle n'a pas été la
foi de la primiàve églife & de l'antiquité.
Les uns , comme Blondel dans (on éclair-
ciftcment fur Yetnhariflte , ont fait naître
l'opinion de la tranfîubftantiation long-
temps après Bérenger : les autres , comme
Aubertin , le miniftre de la Roque , &M.
Bafnage , ont remonté jufqu'au vij fiecle,
où ils ont prétendu que contre la foi des fix;
Ceci
588 E U C
premiers fiecles , Anaftafe , religieux du
mont Sinaï , avoit enfeignc le premier que
ce que nous recevons dans Veucharifiie n'eft
pas l'antitype , mais le corps de Jefus-
Chrift ; que cette innovation fut cmbraflée
pu Germain , patriarche de Conftantino-
ple en 710 , par S. Jean de Damas en 740 ,
par les pères du ij concile de Nicée en 787 ,
par Niccphore , patriarche de Conftaritino-
ple en 806 ; que le même langage pafla
d'orient en occident , comme il paroîtpar
les livres que Charlcmagne fit faire au con-
cile de Francfort eu 794. Pour fentir l'ab-
fardicé de ce fyftcme , il fufîit de fc rap-
peller que depuis S. Ignace le m.artyr &
S. Judin , tous les pères giecs dont nous
avons ciré quelques-uns , avoienc enfeigné
conftamm.en'; que Vcuc'iarijiie étoic le vrai
corps & le vrai lang de Jefus-Chrift ; que
l'orient éroit plein des ouvrages de ces
pères, & des liturgies de S. Bafile & de
S. Chry!ofl:ome , où la préfence réelle eft
fi clairement énoncée. Anaftafe le Sinaïte
n'a donc riîn innové en tenant précifcment
le mêm e langage que les auteurs qui l'avoicnc
précédé.
Qiiant à l'occident , Aubcrtin oubliant
qu'il a aitribué à un concile nombreux &
célèbre , tel que celui de Francfort , l'in-
troduction du dogme de la préfence réelle,
lui donne une origme encore plus récente.
Il prétend que Paichafe Ratbert , d'abord
moine , puis abbé de Corbie , dans un traité
A\lcorpsiù' dufir.gdu Seigneur, qu'il compoia
vers l'an 85 i,& dédia à Charles le-Chauve
en 844 , rejeta le fens de la figure, admis juf-
qu'à lors par tous les fidèles , & y fubftitua
celui de la réalité , fruit de fon imagina-
tion ; que cette nouveauté prit fi rapide-
ment en moins de deux fiecles, que lori-
que Bérenger voulut revenir au fens de la
figure, on lui oppofa comme immémorial
le confentcment de toute l'églife décidée
pour le fens de la réalité. Mais 1°. puif-
qu'il s'agiiToit de conftater l'antiquité de
l'un ou l'aurre de ces deux Icntimens ,
Bérenger qui vivoit au xj. fiecle étoitil
fi éloigné du neuvième & lî peu inftruit,
qu'il ne put reclamer contre l'innovation
de Pafchdfe Ratbert ,& même la démon-
trer ? Dans tous les conciles où il a com-
paru , s'cft-il jamais défendu autrement que
Eue
par des fubtilités métaphyfiques ; a-t-il
jamais allégué le fait de Ratbert à Lan-
franc & à les autres adverfaires , qui lui
oppofoieni perpétuellement l'antiquité ?
C'eût été un moyen aulTi court qu'il ctcit
fimple ; pour décider cette importante
queftion.
1°. Suppofons pour un moment que
Bérenger ne fût pas inftruit , ou ne vou-
lut pas ufer de tous fes avantages ; le fyf-
tême d'Aubertin & des miniftres n'en eil
pas moins abfurde : car le changement
qu'ils luppofcnt , introduit par Ratbert
dans la créance de l'églile univerfelle fur
Veucharifiie , s'eft fait brufquement &
tout à coup , ou infenlîblement & par
degrés. Or ces deux fuppofitions font éga-
lement faudes. En premier lieu , il faut
bien peu connoître les hommes , leur»,
pallions , leur caractère, leur attachement
à leurs opinions en matière de religion ,
pouravanccrqu'un particulier fansautoricé ,
tel qu'un fimple religieux , puifîe tout à
coup & pour ainfi parler , du jour au len-
demain , changer la créance publique de
tout l'univers pendant neuf fiecles (ur un
point de la dernière conféquence, & d'un
ufage aulTi général , aufll journalier pour
le peuple que pour les favans , fans que les
premiers fc foulevent , fans que les autres,
reclament , fans que les évêques & les paf-
teurs s'oppofent au torrent de l'erreur. C'eft
une prétention contraire à l'expérience de
tous les fiecles. Combien de fang répandu
dans l'orient pour la dilpuie des images ,
infiniment moins importante ? & que de
guerres & de carnages dans le xvj. lîecle:
lorfque les luthériens & les calviniftes
ont voulu faire prédominer leurs opinions 1
Les hommes du fiecle de Ratbert auroient
été d'une efpece bien finguliere , & tota-
lement difTérente du caraftere des hommes
qui les ont précédés & qui les ont fuivis»
Encore une fois, il faut ne les point con-
noître, pour avajiccr qu'ils le laillcnt trou-
bler plus tranquillement dans la pollef-
fion de leurs opinions , que dans celle de
leurs biens. Dans l'hypothefe des calvi-
niftes , Pafchafe Ratbert étoit un novateur
décidé; ^cependant ce novateur aura été
protégé des princes , cru des peuples fur
fa parole , chéri des évêques avec lefqucU
E U C
51 a aflîfté à pluficurs conciles , refpedlé des
fàvans qui (cront demeurés en lilence dé-
vaiK lui. Luther 6c Calvin qui , félon les
miniftres, ramenoienc au monde la vérité,
£c qui ont été accueillis bien ditFércment,
auroient été bien embarnillés eux-mcmcs
à nous e\pli(]uer ce prodige.
Rcrte doi'.c à dire que le fcntimcnt de
Pafchale , combattu d'abord par quelques
perfonnes , (fduifît infenfiblcment & par
dégrés la multitude à la faveur des ténè-
bres du r.. (^eclc , qu'on a appelle un iîecle
de plomb & de fer. Mais d'abord ces adver-
faircs de Pafchafe qu'on fait foimer fi
haut , fe rcduilenc à ce Jean Scot dont
nous avons déjà parlé , à un Heribald ,
auteur très-oblcur , à un anonyme , à
Raban Maur , tk. à Ratramne ou lier-
tramne ; & ces trois derniers qui ont
reconnu la préfence réelle aulTi expreflé-
ment que l'aichaie , ne dilputoient avec
lui que fur quelques conféquence de
Viuchari/iie , fur une erreur de fait , fur
quelque mots mal-entendus de part&: d'au-
tres , qui ne touchoienr point au fond de
1,1 qneftion : tandis que Pafchafe avoit
pour lui Hincmar, archevêque de Reims ;
Prudence , évéquc de Troyes ; Flore ,
diacre de Lyon ; Loup, abbé de Ferrieres ,
Chiiilian Drumart , Walfridus ; les prélats
ks plus célèbres , ôc les auteurs les plus
accrédités de ce temps là. Ce neuvième
Iîecle , que les calviniftes prennent tant
de plailir à rabailfer , a été encore plus
fécond en grands homme inftruits de la
véritable dodlrine de l'églife , & capables
de la défendre. On y compte en Allemagne
S. Unny : archevêque de Hambourg ,
apôae du Danemarck & de la Norwege ;
Adilbert, un de les luccelfcurs ; Brunon ,
archevêque de Cologne ; VViUelme, arche-
vêque de Mayence ; Francon ôi Burchard ,
cvêqaes de Wormes ; S. Udalric , évêque
d'.\ugsbourg ; S, Adalbert , archevêque
de Prague; qui porta la foi dans la Hongrie,
la Prulle , & la Litliaanie ; S. Bonifiée &
S. Brunon , qui la prêchèrent aux RulTicns.
En Angleterre on trouve S. Dunftan ,
archevêque de Cantorberi ; Etelvode ,
évêque de vVinchcfter ; & Ofwuld , cvc-
que de VVorcefter : en Italie , les papes
tuenne VIII j Léon VII, Matinj Agapcc
E U C 389
II , & un grand nombre de favans évêques :
en France, ^Etienne , évêque d'Aurun ■
Fulbert, évêque de Chartres; S, Mayeul,
S. Odon, S. OJilon, premiers abbes de
Clugny: enEfpagne, Gennadius , évêque
de Zamore ; Attilan , évêque d'Allurie ;
Rulninde , évêque de Compoftelle ; 6c
cela fous le règne d'empereurs & de prin-
ces zélés pour la foi. Or foutenîr que tann
de grands hommes , dont la plupart avoient
vécu dans le neuvième ficelé , <îc pouvoient
avoir été témoins , ou avoir cr.nnu les
témoins de l'innovation introduite par
Rrdbert, l'aient favorifée dans l'efprit des
peuples , c'cd ie jouer de la crédulité deS'
le-vtcurs.
Une dernière confidération qui démon-
tre que les protertans font venus troubler
l'église catholique dans fa pollèlfion ; c'eft
que fi cette dernière eût innové au jx liecle
dans la foi (ur Veucharijiie , les grecs qui fe
font féparés d'elle vers ce temps là , n'euf-
fent pas manqué de lui reprocher fa défec-
tion. Or c'eft ce qu'ils n'ont jamais fait :
car peu de temps après que Léon IX eue
condamné l'héréfie de Bercnger , Michel
Cerularius, patriarche de Conflantincple,
publia plufieurs écrits , où il n'oublia rien
de ce qui pouvoir rendre odieufe l'cgH.^e
latine ; il l'attaque entr'autres avec cha-
leur lur la queftion des azymes , qui ne
fait rien au fond du myftere . & allègue
la divcrfité des fentimens des deux églifes
fjr ce pouir , comme un des principaux mo-
tifs du ichifme , fans dire un mot fur la pré-
fence réelle.
Dans le concile de Florence, où l'on
traita de la réunion des grecs , l'empereur
de Conilantincple & les évêques fcs fujets
agitèrent touces les queitions fur Icfquelles
on é:oit divifé , &: en particulier celle qui
regardoit les paroles de la confécration i
mais il ne fut pas mention de celle de la
tranlfubrtantiation , ni de la préfence réelle.
Les grecs & les latins étoient donc dans
cette perfuafion commune , que dans l'une
& l'autre égljfeil ne s'étoit introduir aucune
innovation lur cet article car dans la dif-
pofition où étoient alors les efprks depuia-
plus de trois cents ans , (i cette innova-
tion eut commencé chez les grecs à Anaf-.
tafe le Sùiaïte , ou cixez les latim à Pafchafe-
590 E U C
RatbcrC, ils n'auroieiu pas manqué de Ce
la reprocher réciproquement. Dira-c-on
que pour le bien de la paix & pour étouffer
dans fa naillance quelque fede ennemie
du dogme de la prélence réelle , les deux
cgliles convinrent de concert de ce point :
mais en premier lieu , la réunion , moins
conclue que projetée à Florence , ne fut pas
durable , <S>: Marc d'Ephefe , Cabafdas &
les autres évêqucs grecs qui rompirent les
premiers l'accord , loin de combattre la
prélence réelle, la foutiennent ouvertement
dans leurs écrits , comme en conviennent
les plus éclairés d'entre les proreftans ; &
cntr'aurres Guillaume Forbe , évêque
d'Edimbourg , dans le chap. jv, du liv I ,
de fes conjideratjones cequce & pacificae coii-
trovcrfitirum kodiernarum de fiicramcnto eu-
chariJiiiV. En fécond lieu , pour peu que
l'cglife grecque eût pu former quelqu'ac-
cnfation à ctx. égard contre l'églifc romaine,
pouvoit-el!e failîr une occafioa plus favo-
rable pour acquérir de nouveaux iléfenfeurs
à cette imputation , que la naillance de
l'héréfie des lacramcntaires. En vain ces
derniers s'efforcèrent en 1570 d'extorquer
de .Térémie , patriarche de Conftantinople ,
quelque témoignage favorable à leur erreur.
Il leur répondit nettement " On rapporte
w fur ce point plufieurs chofes de vous ,
» que nous ne pouvons approuver en au-
" cune forte. La dodrine de la fainte églife
j> ell; donc , que dans la lacrée cène ,
« après la confécration &: bénédiélion , le
» pain eft changé & pallé au corps même
« de Jefus-Chrirt , &; le vin en fon fang ,
j) par la vertu du Saint-Elpric : & enfuite ,
j» le propre & véritable corps de Jelus-
5> Chrift eft contenu (ous les elpeces du
.) pain levé ». La même clii^fe efl: atteftée
par Galpard Pcuter hiftorien & médecin
célèbre ; par Sandis , anglois, dans Jon
miroir de l'Europe, chap. xxij ; par Grotius ,
dans l'examen de l'apoloi;ie de Rivet : mais ce
que la bonne foi de Jérémie avoit refufé aux
théologiens de la confeilîon d'Augsbourg ,
l'avarice d'un de fes fucceffeurs , Cyrille
Lucar , l'acorde aux largell'es d'un ambaf-
fadeur d'Angleterre ou de Hollande à la
Porte. Il ofi hiirc publier une proleiLion de
foi , conl-orme aux erreurs des proteftans
fur la prékjice réelle. Cette pièce fut con-
Eue
damnée dans un fynode tenu à Conftanti-
nople en 1638 , pas Cyrille de Berée, fuc-
celleur de Lucar , & dans un autre tenu
en 1641, fous Parthenius , iuccelleur de
Cyrille de Berée. L'églife grecque a encore
donné de nouvelles preuves de la confor-
mité de fa foi avec l'égliie latine , fur la
prélence réelle de Jefus-Chrift dans Veu-
charijiie, par les conciles tenus à Jérulalem
& à Bethléem ; le premier en i 668 , &C
l'autre en iGjx. Les actes en (ont dépofés
dans la bibliothèque de S. Germain-des-
Prés ; &C imprimés dans les deux premiers
volumes du grand ouvrage de i'abbé Renau-
dot , nititulé de la perpétuité de la foi , ou
l'on trouve aullî tous les témoignages des
maronites, des arméniens, des Is riens ,
des cophtes , des jacobites, des nelloriens ,
des rudes ; en un mot de toutes les fec-
tes qui le font féparées de l'églife ro-
maine , ou qui font encore en différend
fur quelques points avec l'églife grecque ,
qu'elles reconnoillent néanmoins pour leur
tige-
Les favans s'appercevront aifement que
nous n'avons fait qu'abréger ici & propofcr
en gros les principaux argumens de nos
comro verdîtes , & les difficultés les plus
Ipicieufes des proteftans. Le but de cette
analyfe efl; de figgérer cette réflexion à
ceux de nos lecteurs qui n'ont jamais appro-
fondi cette matière. U s'agit ici d'un myf-
tere : qu'en a t-on cru dans tous les temps
(Se dans la fociété établie par Jelus-Chrill ,
pour régler les lentimens des chrétiens en
matière de religion ? Alors la chofe fc
réduit h. une pure quellion de fait , aiféc
à décider par les monumens que nous
venons d'indiquer : car fi l'on veut rendre
la raifon feule arbitre du fond de cette
difpute , nous convenons qu'elle eft un
abime de ditiicultés , & nous- n'écrivons
ni pour les renouveller , ni pour les mul-
tiplier. Vûje^ Rellarmin , les cardinaux du
Perron , de Richelieu ; M. de Vallem-
bourg , M. lio({i\cz , Hijl. des variât. Expo-
Jliiuri de la foi. Avert. & injl. pafi. Arnauld,
Nicole , Pclifion , & la perpétuité de la foi.
EUCHITES, f m. pi. Euchita; , { Hift.
eccUf ^anciens hérétiques ainfi nommés
du gtecêVvi,', prière , parce qu'ils fjuie-
Eue
noïeiu que la prière feule étoit ruffifantc j
pour fc fauvfi' ; fe fondant fur ce pa!lnj',e
mal enceiitiu -de S. Paul aux Thellalaïu-
cieiis, chap. v. veif, ij.Jine iritcrmiffiune
vraie , priez fans relâche : en conféqucnce
& pour vat]ucr à cet exercice condnucl de
l'oraifon , ils bâcidoient dans les places pu-
bliques desmaifons, qu'ils appelloitnr jJo-
rûtûires. Les Euchitcs rejetoient les iacre-
niens de baptême , d'ordre , & de mariage :
&C fuivoient les erreurs des Mallaliens
dont on 'eur donnoit quelquefois le nom,
auHi bien que celui à'trnhoijfiajles. On les
condamna au concile d'Ephèle tenu en 43 1 ,
S. Cyrille d'Alexandrie, dans une de
fes lettres, reprend vivement certains moi-
nes d'Egypte , qui fous prétexte de (e li-
vrer tout entiers à la contemplation &
à la prière, menoicnt une vie oilive &
fcan.laleufe. On eftmie encore aujourd'hui
beaucoup dans les fe6les d'orient ces hom-
mes d'oraifon , & on les élevé fouvent aux
plus importans emplois. Chambcrs. ( G )
EUCHOLOGE , f. m. cuchologhim ( Hifl.
eccltf. <-'■' Liturgie ) d'un mot grec , qui li-
gnihe à la lettre un difiours pour prier ;
formé d'iv'/ji ,, prière , &c de Koyof , dijcours.
L'euthologe c[\ un des principaux livres
des grecs où font renfermées les prières
& les b-^niditilions dont ils fe fervent dans
l'avlminirtration des facremens , dans la
collation des ordres , & dans leur liturgies
ou méfies : c'ell proprement leur rituel ,
&C l'on y trouve tout ce qui a rapport à
leurs cérémonies.
M. Simon a remarqué dans quelques-
uns de fes ouvrages > qu'on fit à Rome fous
le pontificat d'Urbain VIII, une affcmblée
de plulleurs théologiens catholiques fa-
meux,pour examiner cet euchologe ou rituel.
Le P. Morin qui y fut prélent , en parle
aufïî quelquefois dans fon livre des ordi-
nations. La plupart des théologiens fe ré-
glant fur les opinions des dodleurs fcho-
lartiques , voulurent qu'on réformât ce ri-
tuel grec fur celui de l'églile romaine ,
comme s'il eût contenu quelques héréfies ,
ou plutôt des chofes qui rendoient nulles
l'adminiftration des facremens. Luc Holf-
icnius , Léon Allatius , le P. Morin &
quelques autres qui étoient lavans dans
cette matière remontrèrent que cet tu-
E U C 391
chologe croit conforme à la pratique de
régl;(c grecque , avant le fchifme de Pho-
tius ; & qu'ainli on pouvoit le con-
damner , (ans condamner en même
temps toute l'ancienne églifc orientale.
Leur avis prévalut. Cet euchologe a éic im-
primé pluheurs foisi Venife en grec , &
l'on en trouve aulli commimément des
exemplaires manulcrits dans les bibliothè-
ques. Mais la meilleure édition & la plus
écendue , elt celle que le P. Goar a publiée
en grec (Se en latin, à Paris, avec quel-
ques augmentations & d'excellentes notes*
Chambcrs. ( <? )
EL'CINA , Voyei Navarre.
E U D
EUDES, fils de Robert le Fort, xxix«
roi de France , ( Hijl. de France. ) par-
vint au trône par fes vertus politiques
& guerrières : ion père qui mourut les
armes à la main , en combattant contre
les Normands, lui laidà d'illuftre'; exemples
à fuivre. La défenfe de Paris affiégce par
ce peuple, qui refl'embloit moins à une
nation qu'à un ellàin de brigands , avoir
tourné vers Eudes tous les regards des
François , & lui avoit concilié tous les
cœurs : fa taille étoit noble & majeftaeufe :
Ion accès facile &C populaire , la figure
gracieufe & intérelTante perpétuoient l'en-
thouiiafme national, excité par fes pre-
miers exploits militaires. Les (eigneurs de
Neullrie , qui dans ce fiecle fécond en
orages , fentoient le befoin d'un chef qui
iut combatte & gouverner , le procla-
mèrent roi , dans un parlement tenu à
Compiegne. Le peuple n'eut point de parc
à cette életlion , on avoit celle de l'ap-
peller aux alîemblées nationales , où jamais
il ne joua un rôle bien intérelfant.
Eudes, reconnu roi dans la Neuftrie &
dans l'Aquitaine, ufa de la plus grande
modération , & c'étoit le plus fur moyen
de faire perdre le fouvenir de fon uiurpa-
tion. U déclara que Louis le Bègue l'ayant
nommé tuteur de Charles jle Simple , il
ne pouvoit & ne vouloit prendre les rênes
du gouvernement que pour les remettre
au jeune prince quand fon âge lui per-
mettroit de les diriger. Plufieurs chro-
nologiftes fondés fur cette déclaration , ne
l'ont point compté au nombre des roi$
39^ E U G ^
de France. Ils ne peuvent concerter qu il
n'en ait pris le titre ; mais ils prétendent
*iaedans ce fiecle , les (eigneurs s inti-
?uloicnt feigneurs des terres & domaines de
leurs pupilles. , , i
Eudes avoir un rival redoutable dans
Arnoul le Bitardion prétend qu il alla le
trouver à Worms . & que la il lui remu
la couronne & les autres marques de la
dirnité royale , l'aGurant qu'il ne vouloit
les tenir que de lui : fuivanc ce lentiment,
cette démarche lui en fi: un allie &c un
ami : fon pouvoir fut long- temps chance-
lant : l'héritage de Charlemagne etoit alors
difputé par cinq princes rivaux , qui ne
pouvant s'exclure , mettoient leur gloire
à le déchirer. Rodolphe ctcndoit la domi-
nation fur la Bourgogne & la Savoie ;
Arnould régnoit en Allemagne , Louis ,
fils de Bofon , tcnoit fous fa puillance le
Dauphiné & le Lyonnois ; Eudes tenoïc
le refte de la France , que ravageoient
toujours les Normands ;ce prince les vain-
quit par tout où il put les combattre : ce
héros en fit fur-tout un horrible carnage
dans la forêt de Montfaucon ; mais fes
affaires l'ayant forcé de tourner d'un autre
côté , ils fe vcngcren: cruellement de cette
défaire , ils prirent Meaux , & en tédui-
firenr les habitans en efclavage ; ils mar-
chèrent enflure vers Paris , dont ils for-
nierent le fiege : Eudes s'avança pour la
délivrer , la réputation de fa valeur Jeta
la crainte parmi ces barbares qui , quoique
beaucoup fupérieurs par le nombre n'ofe-
rciit hazarder le combat : ils renoncèrent
à leur entreprilé pour fe répandre dans
la Bretagne Se le Cotentin ; tandis qu'Eudes
réprimoit les courfes des Normands , les
feigneurs qui l'avoient élu tournèrent un
regard de pitié fur Charles le Simple ,
leur roi , dont ils avoient in|uftement trahi
la caufe : le monarque qu'ils avoient oublié
juCiu'alors, fut tiré de l'obfcurité & pro-
clamé par leur fuffrage , plus puillant que
le droit de la naitlancc dans ce temps
d'anarchie & de difcordes. Cette révolu-
tion augmenta les calamités publiques
les deux princes rivau:; déf-cnditent leur
caufe par les armes : dès qu'Eudes parut ,
il vainquit fans combattre : telle éioit l'o-
pim\>n de fa v.aleur , qu'elle diffipa les
E U C
partifar\s de Charles: ce prince alla mendier
un afyle chez le roi de Germanie , qui
feignit de prendre fa défenfe & qui le
trahit.
Eudes auCCi habile à négocier qu'à com-
batte , fe rendit au concile de Worms ,
convoqué par Arnould pour appailer les
troubles : tout ce qui fut arrêté dans cette
aflémblée rcfta fans exécution. Foulques ,
archevêque de Reims , fut plus heureux
dans fes négociations. Ce fut ce prélat
qui eut la gloire de rétablir le calme dans
le royaume , il engagea les deux princes
rivaux à confentir à un traité de partage.
Charles fut reconnu roi de France , Eudes
en polîeda cette partie , qui eft entre la.
Seine & les Pyrénées : il ne fe faifoit
point de partage <;u'on ne fit en même
temps un très-grand nombre de niécontcns.
De nouvelles guerres étoient prêtes de fe
rallumer. La mort à' Eudes arrivée en S96 ,
en fufpendit pour quelques inftants les
ravages. Il régnoit depuis l'an 88S.CiW-i^-)
EUDOXIENS , f.m. pi. {Hift. ecdéf)
branche ou divifiondes Ariens aind nom-
mée de fon chefEudoxe, patriarche pre-
mièrement d'Antioche, puis de Conrtan-
tinople , oii il favorifa l'Arianifme de^tout
fon pouvoir auprès des empereurs Conf-
tancc & Valens.
Les Ei/Jo.v/e/!5fuivoientles mêmes erreurs
que les Aétiens & les Eunomiens , fou-
tenant , comme eux , que le fils de Dieu
avoir été crée de rien , & qu'il avoir une
volonté diftinftc & différente de celle de
fon père. Voye^ AÉtiensS'Euno-
MIENS. (G)
EUDROME , ( Mufiq. des anc. ) nom
de l'air que iouoient les hautbois aux jeux
fthéniens ; inftitucs dans Argos en l'hon-
neur de Jupiter. Hiirax , Argien , ctoit
l'inventeur de cet air. ( 5 )
EVE
EVÈCHÉ , f. m. ( HiJÎ. cccléf. ?.'^ Jurif.
eft l'églife ou le bénéfice d'un évcque )
CCS fortes de bénéfices font féculiers & du
nombre de ceu;: que l'on appelle confifto-
riaux : ils ont dignité &: jnrifdiLtion fpiri-
tucUe annexées .
Quelquefois
EVE
Qiielqiicfois par le terme A'^véchf on eii-
cen 1 le fif^ge d'un évêque , c'f(Kn-ctirc->, le
lieu où eft Ion églife : quelquefois on en-
tend (înguliérement la dignité d cvcque ;
ma s on dit plus régulièrement en ce fcns
épif.opat.
Evc.hc (Ignifie auffi le diocefc ou territoire
fournis à la jurifdidion fpirituelle d'un évê-
que.
Entîn on Te fcrt Guelquefois du terme
A'évéché , pour exprimer la demeure de
l'évèque ou pilais épifcopal.
Les évéchés font les premiers &c les plus
anciens de tous les offices & bénéfices
cccléiiaftiques.
L'inftiturion des premiers cvfchés cft
prcfque aullî ancienne que la nailfance de
l'églife.
Le plus ancien eft celui de Jérufalem , oir
S.Pierre fut cinq ans, depuis l'an 54 de
Notre- Seigneur , & où il mit en Hi place
S. Jacques le mnicur.
Le fécond qui fut établi , fut celui d'An-
tioche , où S. Pierre demeura fep: ans , puis
y mit Evodius.
Le troiheme , dans l'ordre des temps ,
eft celui de Rome , dont S. Pierre ieta, les
fonjemens Tan 4J de Jefus-Chrift.
Ainlî Jérufîlem & Antioche ont été
fuccefïix'ement le premier évêché en dignité
ou princip?d liege de l'églife ; mais Rome
eft enfuite devenue la capitale de la chré-
tienté, r
Uévfché de Limoges fut fondé par S.Mar-
tial vers l'an 80 ( a )
S. Clément , pape , envoya vers l'an 04
des cvêques en plufîeurs lieux , comme à
Evreux , à Beiuvais ; il envoya S. Denis à
Paris , & S. Nicaife à Rouen.
Les évéchés fe multiplièrent ainlî peu à
peu dans tout le monde chrétien ; mais les
éreârions des nouveaux évéchés devinrent
fur-tout plus communes dans le xij fecle ,
& dans le fuivant ; cnr au commencement
du xiij (îecle , ils étoient en fi grand nombre
du coté de Conftantinople , que le pape
écrivant en 1106 au patriarche de cette
EVE 59,
ville, lui permit de conférer plufieurs évé^
chés à une même perfonne.
La pluralité des évéchés a cependant tou-
jours été défendue par les canons , de mê-
me que la pluralité des bénéfices en géné-
ral ; mais on a été ingénieux \a.n^ tous
les temps a trouver des prétextes de dif-
penfes , pour polféder plu'îeurs évéchés
enfemble, owwnévéché avec des i'.bbayes.
Ebroin , évêque de Poiiiers , fut le pre-
mier en S50 , qui. pofTMa un évcché & une
abbaye enfe.mble : les chofcs ont été pouf-
fées bien plus loin : car le cardinal Maza-
rin , évêque de Metz, poffédoit en même
temps treize abbayes ; & quant à la plura-
lité des ^-V/j/im , Janus Pinnonius , un des
plus habiles difciples du fameux profcfleur
Guarini de Vérone , étoit à fon décès , évê-
que de cinq villes {b) \ le cardinal de
Joyeufe étoit tout à la fois archevêque de
Touloufe, de Rouen , & de Narbonne ; &
il y a encore en Allemagne des princes ec-
cléfiaftiques qui ont jufqu'à quatre évéchés,
& plufieurs abbayes.
L'étendue de chaque évé:hé n'éroit point
d'abord limitée ; ce fut le pape Denis qui
en fit la divifion en l'année 308.
Dans les premiers fiecles de l'égiiTe,
chaque évêque étoit indépendant de'^ autres;
il n'y avoir ni métropolitains, ni fuffragans;
il n'y avoit d'abord dans chaque province
qu'un évéché , jufqu'à ce que le nombre des
chrétiens s'étant beaucoup accru , on érigea
plufieurs évéchés dans une même province
civile , lefquels compoferent enfemble une
province eccléfiaftique.
Le concile de Nicée , tenu en ; 1 f , attri-
bua à l'évêque de la métropole ou capitale
de la province une fupériorité fur les autres
évêques comprovinciaux ; d'où eft venu la
diftniélion des évéchés métropolitains , que
l'on a nommés archevêchés , d'avec les au-
tres évéchés de la même province , qu'on
appelle fuffrogûns , acaufè q'ie les titulaires
de ces évéchés ont droit de fufFrage dans le
finode métropolitain , ou plutôt parce
qu'anciennement ils allîftoient à 1 eledion
C a) l.es plus judicieux criti<^ues prccendent c.ue l'creflion des évccliés lit doit ^cre placée que daat
le (■'"oilieme fir\lc.
C 6 ) 11 ctcit évcquî , non ds cint! villes : inais de cinq cglilès , ville de Honcrie.
Ton^e XIII. ■ D d d
394 EVE
du métropolitain , quMs confirmoiem fon ■
élc61:ion , & le coiifacroient.
Les métropoles font ordinairement les
feules églîfes qui aient des fuftragans ; il y a
cependant quelques evcchés qui ont pour fuf-
fiagans des évêques in partibus , que l'on
donne à l'évêque diocéfain pour Taider dans
fes fondions.
Il y a aufii quelques évéchés qui ne (ont
fuftragans d'aucun archevêché , mais font
fournis immédiatement au fafnt fiege ,
comme celui de Québec en Canada.^
Enfin il y a des pays qui ne font d'aucun
tviché, tels que la Martinique , la Guade-
loupe , la Cayenne , Marigalande , Samt-
Domingue, & autres iles françon'es de
l'Amérique , qui font admùniftrées pour le
fpiriuuel par plufieurs religieux de divers
corps , qui en font les palleurs , & qui pren-
nent leurs pouvoirs du hege ou de l'arche-
vêque de Saint- Domnigiie, ville fituée dans
la partie qui ell aux Efpagnols.
Le même concde de Nicée dont on a déjà
parlé , porte encore que l'on doit obferver
les anciennes coutumes établies dans l'Egyp-
te, la Lybie , & la Pentapole ; enforte que
l'évêque d'Alexandrie ait l'autorité lur tou-
tes ces provir.ces. Ce degré de jurifdiiStion
attribué à certains évéchés fur plufieurs pro-
vinces, eft ce que l'on a z^'gtWé patriarchat
oa primciie. _
L'autorité des conciles provinciaux lufh-
foit, fuivant l'ancien dioit, pour l'érection
des cvéchcs & des mécropoles , mais depuis
long-temps on n'en érige plus fans l'autorité
du pape. Il faut aulTi entendre les parues
intéreflées : favoir les évêques dont on veut
dcmembrcr le diocefe , le métropolitain au-
quel on veut donner un nouveau fuffragani,
le clergé &c le peuple du nouveau dioceie
que l'on veut former, le roi , & les autres
feigneurs temporels. Ces nouveaux établif-
femens ne fe peuvent faire en France fans
lettres patentes du roi , dûment enregif-
irces.
Lorfqu'un pays eft ruiné par la guerre ,
EVE
ou autre calamité , on unit quelquefois IV-
vécké de ce pays à un autre, ou bien on tranf-
fere le fiege de Vévéché dans une autre ville :
ce qui doit le faire avec les m.èmes forma-
lités qu'une nouvelle érection.
Il y a en France dix-huit archevêchés
métropolitains, & cent treize éw'ckes cfii
font leurs iuffragans. Ces éréchés ne font
pas partagés également entre les métropo-
litains i car depuis long- temps , pour l'crcc-
tion des métropoles, on a eu égard à la di-
gnité des villes , plutôt qu'au nombre d'iVr-
chés fuffragans : il n'y a cependant point
d'archevêché qui n'ait plufieurs évéckés fuf-
fragans.
Les évéchés étoienc autrefois remplis par
éleétion. Préfentement en France , c'efc le
roi qui y nomme.
Un évêque ne doit point , fans caufe légi-
time , être transféré d'un évêché à un autre.
Foje:^^ BÉNÉFICES CoNsiSTORiAUX, Con-
cordat , Élection , Hveciue, Nomina-
tion,Royale , Pragmatique. (-(4)
ÉvEci-iLS Alternatifs, font ceux, que
l'on confère tour-à-tour à des catholiques
&: à des luthériens. Il y en a en Allemagne.
Qiiand l'évêque eft catholique , fon grand-
vicaire eft proteftant ; & vice verfa {a) ,
quand l'évêque eft proteftant , fon grand-
vicaire eft catholique, h'évécké d'Ofnabruk
eft du norribre de ces évéchés alternatifs. {A)
Éveché Diocésain, vo^ye^ÉvEQUEDio-
CfcSAIN.
ÉVECHÉ JN F ART I BUS , voyeici-après
ÉVEQ_UE IN PaRTIEUS,
Éveché Métropolitain ; voyej^ Ar-
chevêque , &■ ci après Éveque Métropo-
litain , Métropole, Métropolitain.
ÉvECKÉs SÉCULARISÉS , font ceux qui
ne font plus en titre de bénéfices , (Se font
poffédés par des laïcs ; ceux de xMagdt bourg
,^- de Bremen en Allemagne l'ont été , &
ne font plus confidérés que comme des prin-
cipautés féculieres qui appartiennent à des
roint inqu.ajs , Il V a v.n coniiltonelutncrien auquel .h adreH^^^^^ .^ ^ ^^. f^périeurs «-
ioitqu'.l y a unpi.uc. or la ma.lon de 1^';"'^^\'\' '-^ P-^i^uef^s mcme il v àu..cvéque avec titre de
tholiques p(,u)-.avou- ion, oe cequ. ..garde la 'cl g on^ Saucr« foaC\ioiiS cpïlcopaksi c'tA quelque^»
vicaiie-at.oltoh_q.uc, qui lait iticidiiuucuijlcbViUtcs «autres loui-yw i- t
EVE
proteftans. Tableau de l'Empire -germaniq.
fage S^. {A )
ÉvrcHÉ SuFFRAGANT, cfl celui qui cft
fournis à une métropole, ^oye^ ce qui a
été dit ci devant fur les tvHcnÉs en géné-
ral, & ci - après EVEQ.UE MÉTUOPOti-
TAIN , MÉTROPOLE , MÉTROPOLITAIN.
iA)
ÉvECHÉ Vacant , cft celui qui n'cft
point remp.i de fait, ou qui de droit efl:
cenfé ne le pis être. Il eft vacant de fait par
la mort de l'évâque; il eft vacant de droit
par les mêmes ca'jfes qui font vaquer les au-
tres bénéfices, l^'^oye^ Régale, Siège Va-
cant. {A)
EVECTION , r. f. {yljlron. ) efl un ter-
me que les anciens allronomes ont employé
pour déligner ce qu'ils appelloient la libra-
tion de la lune. Voye\^ Libration.
Dans la nouvelle aftronomie , quelques
aftronomes ont employé ce mot pour dé(î-
gner une des principales équations du mou-
vement de la lune qui ell: proportionnelle
au lînus du iloublede la diftance de la lune
au foleil , moins l'anomalie de la lune. Cette
équation eft de r degré 2.0 minutes , félon
quelques auteurs ; félon d'autres , de 1° 1 6',
i'"" iS', &c. Sa quantité n'elt pas encore
exactement déterminée , ni par la théorie,
ni par les obfervations ; mais après l'équa-
tion du centre , elle eft la plus grande de
toutes les équations de la lune , fans en ex-
cepter la variation , qui n'eft qu'environ la
moitié de celle-ci. V. Variation.
M. Mayer, dans fts nouvelles tables de la
lune , publiées dans le fécond volume des
mémoires de l'académie de Gottingen , s'eft
fervi du terme à'évcclioa pour dé/îgner
l'équation dont il s'aj'.it. C'eft Véveclion qui
fait varier l'équation du centre dans les ta-
bles newtonniennes de la lune , de plus de
deux degrés& demi. K Equation & Lune.
(0)
_ § EVECTION , f f". ( Aflron. ) fecomie
inégalité de la lune, produite par l'attrac-
tion du foleil & donc la quantité eft de
i<i 10 ^4". Certe équation que Ptolomée
appehuic ^rpaV vj<nv, balancement de l'épicy-
clc , eft appellée dans Copernic profiaphœ-
E V E 395
I refis fecundi vel minoris epicydi ; dans Ty-
co , projlaphivrefts excentricitatis , ou chan-
gement de l'excentricité ; dans lioudlaud ,
éveclion , parce qu'elle porte le calcul à une
plus grande exaditude queTanc-cnne équa-
tion de ;a , connue dès le temps d'Hlppar-
que. Jufqu^au temps de Ptolémée on s'.-toic
borné à oblerver dcsécl'pfs de lune, parce
que ces obferv'ations étoienr les pins remar-
quables & les plus ficiles à faire ; l'inéga-
lisé de yd étoit la feule qui put s'y faire re-
marquer, puilque le dérangement qui vient
des lituations du foleil , par rapport à la
Kuie , ne peut fe faire remarquer dans des
obfervations où cette fituation eft toujours
la même. Mais Ptolomée ayant obfervé des
diftances de la lune au foleil dans d'autres
lituations de la lune, apperçut qu'il avoit,
une autre inégalité fort fenfible , & que
cette équation revenoit tous les quin7;e
jours , non pas de 5°, mais de 7^-j , lorf-
que la lune étoit en quadrature & en mêms
temps dansfes moyennes dift-ances: Aima-
gefte , liv. V, ckap.^ ; il fuppofe en con-fé-
quence que l'épicycle de la lune cft porté
dans un cercle excentrique , & qu'il eft plus
près de nous dans les quadratures que les
fyzygies.
Horeccius donna pour Véveclion une liy-
pothefe différente qui a été la première
occa(ion ou le premier fondement de la
théorie de Nev^^ton f.Tr les mouvemens ds
la lune ; certe hypothefe fut connue en
i<î7} ; alors Flamfteed calcula de nouvel-
les tables lunaires fur les principes & Ç\\r
les nombres donnés par Horoccius , & as
tables furent publiées par Wallis dans les
(ouvres pojlhumes d'Horoccius en 1678,
Cette hipothefe confifte à faire varier
l'excentricité de l'orbite elliptique de la
lune , & à faire tourner le centre del'ei.
lipfe dans un petit cercle , le foyer reftanc
immobile, enforte que la ligne des abfide.î
ou le grand axe de l'ellipfe qui pafle toul
jours par le foyer & par le centre , iu\t
fujette à un balancement alternatif, qui
dépend de la lîtuation du foleil par' rap-
port à l'apogée de la lune. Cette théorie
a quelque rapport avec l'hypothefe d'Ar-
zachel , aftronome arabe du xie fiecle
qui fuppofoit dans l'orbite du foleil un Hrin'
b'able mouvement, Kepler dans la préfkc»
D d d i
39S EVE
de fes Ephémérides pour i6i8 , avoît auflî
indiqué une variation dans l'excentricité de
Toi bue Ir.naire.
Flnmfteed publia encore des tables de la
lune en 1 68 1 , dans lelquelles il faifoit ufage
de i'hypothefe de Horoccius, & M. le Mon-
nier , dans les Injiitutions agronomiques , en
1 746 , en a donné une troisième cditicn. Les
tables de M. Halley ainfi que la théorie de
Newton , d'après laquelle on a calculé dif-
fértntes tiiblcs de la lune , font fondées fur
le même principe pour le calcul de l'équa-
tion du centre & de Véveclion.
M, Euler eft le premier qui ait fait voir
dans fa thécfie de la lune , qu'on pouvoit
calculer Vèveclton d'une manière très-limple,
fans iuppoier une excentricité variable & un
balancement dans l'apogée ; j'ai fait voir
dans mon ajironvmie ■ art. 1440 , que la mié-
thode d'Horoccius revient au même que la
formule de M. Euier, & qu'il fufiit peur
calculer l'évcâion dans un temps quelcon-
que, de multiplier 1° io' 3 3" par le (inusdu
double de la diftance moyenne de la lune
au folcil, moins l'anomalie moyenne de la
lune; la thtorie & les obfervations ont
obligé M. Mayer à y ajouter une équation
de 56" multipliée par le finus de quatre fois
.la diftance moyenne , nioins deux fois l'ano-
malie , & cette équation qui a un figne con-
traire à celui de Vénclion entre dans une
même table.
Pour donner une idée de la manière dont
l'attradtion folaire produit cette inégalité
appellée éveciion dans le mouvement de ta
lune , il fiffira de faire voir que l'excentri-
cité de l'orbite lunaire doit être plus grande
lorfque la ligne des ablides de la lune con-
court avec la ligne des fyzygies, ou lorfque
la lune étant nouvelle ou pleine fe trouve
en même temps apogée ou périgée. La force
du foleil dérange la lune , parce que le foleil
attire la lune plus ou moins qu'il n'attire la
terre , c'eft la différence des deux attradlions
qui fait toute l'mégalité. Or la différence
d'attraftion fait la différence des diftances;
cette différence eft la plus grande quand la
lune eft apogée , &: la plus petite quand elle
eft périgée ; aind quand la ligne des ablîdes
de la lune concourt avec la l)t;ne des fyzy-
gies , la force centrale abfoïuc de la terre
EVE
fur la lune qui eft la plus foiblc dans la fy-
zygie apogée , reçoit la plus grande dimi-
nution , & \x force centrale qui eft la plus
conl;dérable dans la fyzygie périgée, y re-
çoit la moindre diminution : dont la diffé-
rence entre la force centrale apogée fera
alors la plus grande; dont la différence des
diftances de la lune dans Ton apogée & dans
fon périgée augmentera ; ce qui produira
l'augmentation d'excentricité qui a lieu dans
I'hypothefe d'Horoccius , &: qui eft expri-
mée fous une autre forme par Véveclion dont
nous avons parlé. Au refte le calcul rigou-
reux des équations de la lune , produite par
l'atti-adtion du foleil, eft li compliquée ,
qu'il faut abfolument le voir dans les ou-
vrages des géomètres qui en ont traité ex-
preftément, tels que \i. d'Alembert , M.
Euler , M. Clairault. ( M. de za Lan-
de. )
^*ÉvECTioNs, evccliones , ( Hi/l. anc.)
c'étoit une permiffion écrite de l'empereur ,
ou des gouverneurs , ou des premiers offi-
ciers , fur laquelle on pouvoit courir la pof-
te , fans bourfc délier. On prélcntoit cette
pcrmiflîon à toutes les ftations. Si le che-
min conduifoit au lieu de la rélîdence d'un
gouverneur , il falloit avoir l'attention d'al-
ler chez cet officier faire ratifier (a permif-
fion , qui marquoit & la durée du voyage,
& le nombre des chevaux accordés au voya-
geur. Il y eut un temps où les gouverneurs
m.êmics avoient befoin d'un billet de fran-
chife foufHgné de l'empereur , ou du préfet
du prétoire, ou de l'officier appelle dans le
palais magifler ojjiciorum,
EVEILLER, v. ai5l:. c'eft interrompre le
fommeil.
* ÉVÉNEMENT , f. m. C Gramm. ) ter-
me par lequel on défigne , ou la produdion,
ou la fîn , ou quelque circonftance remar-
quable & déterminée dans la dfirée de tou-
tes les chofes contingentes. Mais peut-être
ce terme eft-il un des radicaux de la lan-
gue ; & fcrvant à délînir les autres termes ,
ne fe peut- il définir lui-même? Voye^l' ar-
ticle Dictionnaire. Foyei^ aujjï à l'article
ENCYCLOPF.niF , la manière de rixet la no-
tion des termes ladicaux.
EViNEMENS , cvcntus , ( Médecine, )
E V E _ _
ce terme eft employé pour ngnitier la un
d'une rmladie , l'i^ue qu'elle a , bonne ou
inauvaile.
Rien n'eft plus nccefTaire , & ne peut
faire plus d'honneui à un nacdecin praticien,
que de favoir prédire quel lera l'événement
dsns une maladie ; car il trtcontinucllcmer.t
expofé à être interrogé à ce fujet : Profper
Alpin a donné une excellente dottrine fur
l',u t de prévoir & d'annoncer les cvenemens
des maladies , dans ion livre dt prcefagkndd
ri:d Ù morte.
La vie eft une manière d'être de'terminée
du corps humain ; la maladie eft aufïi un
état déterminé de ce corps , différent de
celui qui conftitue la fanté , & contraire à
la vie : la maladie tend à la mort : il fe fait
par la condition , qui établit la maladie , un
changement dans le corps , tel qu'il eft en
conféquence abfolument différent de l'état
de faute ; ainli le corps n'cft pas difpofë
dans la maladie , comme il eft en fanté. Le
médecin compare les forces de la vie , telle
qu'elle exifte encore après l'étabUirement
de la maladie , avec celle de la maladie
même ; & il juge par cette comparailun ii
la caulc: de la maladie fera fupéricure à celle
de la vie ou non, c'eft-à-dire , fi la maladie
ft- terminera par la mort ou par le retour de
la fanté , ou par une autre maladie , ou par
la feule confeivation de la vie , (ans elpé-
rance de fanté : les fignes par lefquels le
médecin connoît ce qui doit arriver dans les
maladies , Se la manière dont elles doivent
fe terminer, font appelles /;rog-/2o/?/i:j. Voye:^
Signe, Prognostic. {d)
ÉVEHT , f m. ( Comm.\ au fujet de l'au-
nage des étoffes de laine , fîgnifie ce qui eft
donné par les auneurs au delà de la jufte
mefure ; ce qui va à un pouce fur chaque
aune. Le règlement des manufadures du
mois d'août 1669, veut que les auneurs
mcfurent les étoffes bois à bois & fans évent.
Voyei PoucE-ÉVENT. Dicllonn. de Coinm, de
Trév. & de Chamb. ( G )
Event , eft , dans l'artillerie , une ouver-
ture ronde ou longue , qui fe trouve dans
les pièces de canon & autres armes à feu ,
après que l'on en a fait l'épreuve avec la
poudre , & qu'elles fe trouvent défedtueu-
fcs. Il y a des évents qui ae paroiflenc quel-
EVE 597
qucfois que comme la trace d'un cheveu,
&: p.'.r où néanmoins l'air fuinrciSc la fumée
fort. On rebute ces pièces , ôc on leur cafle
les anfes. J^oye^ Epreuve. ( Q)
* ÉvENTS , tcr/nc de Fonderie , font des
tuyaux de cire adhérans à la figure , & qui
étant renfermés dans le moule de potée, &:
fondus par la cuilTon , a;:Ul que les cires de
la figure , laiflènt dans le moule de potée
des canaux qui fervent à lailfer une ilîlis
libre à l'air renfermé dans l'efpacc qu'occu-
poient les cires , qui , fans cette précaution,
étant comprimé par la defcente du métal,
romproit à la fin le moule , ou fe jeteroit
fur quelque partie de la figure.
Events , en terme de Fondeur en faille ,
font de petits canaux vuides , par où l'air
contenu dans les moules, peut fortir à me-
fure que le métal fondu en prend la place i
ils font formés par dts verges de laiton
qui laiifent leur empreinte dans les mou-
les ou avec la brauche. Fcjc^ Fondeur
en sable.
E VENTS, enferme de F^njfLr.crie ; ce lonc
des conduits ménagés d-r.ns les fourneaux ,
au milieu , derrière les ch:ind:eres , & fur
les coins , pour donner ifiue aux i'umées ,
& pafîer dans les cheminées.
EVENTAIL , inftrument qui fert à agi-
t»ï l'air & à le porter contre le vifâge ,
pour le rafraîchir dans les temps chauds.
La coutum.equi i'eft inttoduitede nos jours
parmi les femmes , de porter des éventails ,
eft venue de l'orient, où la chaleur du cli-
mat rend l'ufage de cet inftrument & des
parafols prefqu'indifpenfable. Il n'y a pas
long-temps que les femmes européennes
portoient des évc/uails de peau pour fe ra-
fraîchir l'été i elles en portent aujour-
d'hui auffi-bicn en hiver qu'en été, maip
c'eft feulement pcUr leur fervir de conte-
nance.
En Orient on fe fert de grands éventails
de plumes pour (e garantir du chaud ôc
des mouches. En Italie & en Efpagne ,
on a de grands éventails quarrés , fuf-
pentlus au milieu des appanemcns , par-
ticulièrement au defllis des tables à man-
ger , qui , par le mouvement qu'on leur
donne & qu'ils confervent long-temps
à cauic de leur fufpenfion p;rpendicu;>;-
398 ^ E V E
Lîire, rafraîchi ni-nt l'air en cnaflant les
mocches.
Chez les Grecs on donne un éventail aux
diacres dans la cérémonie de leur ordina-
tion ; parce que dans leglife grecque , c'eft
une fonécion des diacres que de challèr avec
un éventail les mouches qui incommodent
le prêtre durant la melTe,
Vicquefort, dans fa tradud:ion de l'am-
balTade de Garcias , de Figueroa , appelle
éventails certaines cheminées que les Per-
fans pratiquent pour donner de l'air &
du vent à leurs apparcemens , (ans quoi
les chaleurs ne feroicnt pas fupportables.
Voye[-cn la defcription dans cet auteur ,
Préfentement ce qu'on appelle en Fran-
ce , & prefque par toute l'Europe , un éve.i-
tail, eft une peau très- mince , ou un mor-
ceau de papier , de taffetas, ou d'autre étof-
fe légère , taillée en demi-cercle, Se mon-
tée fur plufieurs petits bâtons & morceaux
de diverfes m.atiercs , comme de bois ,
d'ivoire , d'écaillé de tortue , de baleine , ou
de rofeau.
Les éventails fe font à double ou à limple
papier.
Quand le papier cfl: fimple , Içs flèches
de la montuit ie collent du côté le moii;s
orné de peinture ; Jorfqu'il efl: double ,
on les coud entre les deux papiers, dfja
collés enfemble , par le moyen d'une ef-
pece de longue aiguille de laiton , qu'on
appelle une fonde. Avant de placer les flè-
ches, ce qu'on appelle monter un éventail ,
on en plie le papier, enforte que le pliage
s'en fafle alternativement en dedans & en
dehors.
Ayez pour cet effet une planchette bien
unie , faite eti demi cercle , un p:u plus
grand que le papier d'éventail; que du centre
il en parte vingt rayons égaux , & creufés
delà profondeur de demi-ligne; prenez
alors l'éventail, &c le pofez fur la planchette?;
le milieu d'en bas appliqué fur le centre de
la planchette ; fixez-le avec un petit clou ;
puis l'ariètnnt de mianiere qu'il ne puille
vaciller , foit avec c[i;(.!q'.!e chofe de lourd
mis par en haut furies bords, foit avec
pne main ; de l'autre preffez avec un liard
OU un jeton le papier dans route ù 'on-
EVE
gueur , aux endroits où il correfpond aux
raies creufées à la planche ; quand ces tra-
ces feront faites , déclouez & retournez
l'éventail la peinture en defliis ; marquez les
plis tracés , & en pratiquez d'autres en-
tr'eux, jufqu'à ce qu'il y en ait le nombre
qui vous convient : ce pliage fait, déployez
le papier , Se ouvrez un peu les deux papiers
de l'éventail à l'endroit du centre ; ayez
une fonde de cuivre plate , arrondie par
le bout , & large d'une ligne ou deux ;
tâtonnez & coulez cette fonde jufqu'en
haut , entre chaque pli formé où vous avez
à placer les brins de bois de l'éventail : cela
fait, coupez entièrement la gorge du papier
fait en demi-cercle ; puis étalant les brins
de votre bois , préîentez-cn chacun au
conduit formé par la fonde entre les deux
papiers ; quand ils feront tous diftribués ,
collez le papier de l'éventail fur les deux
m_a!tres brins ; fermez-le ; rognez tout
ce qui excède les deux bâtons , & le
laiffez ainfi fermé jufqu'à ce que ce qui
eft collé foit lec , après quoi l'éventail fe
borJe.
Les flèches (e trouvent prifcs alTez foli-
dement dans chaque pli , qui a environ
un demi-pouce de large • ces flèches qu'on
nomme allez communément les bâtons de
l'éventail, font toutes réunies par le bout
d'en bas , & enfilées dans une petite broclie
de métal , que l'on rive des deux côtés : elles
font très- minces , & ont quatre à cinq
lignes de largeur jufqu'à l'endroit où elles
font collées au papier; au delà, elles ne
font larges au plus que d'une lîgne , & pref-
qu'aulll longues que le papier même : les
deux flèches des extrémités font beaucoup
plus larges que les deux autres , & font
collées fur le papier qu'elles couvrent en-
tièrement , quand l'éventail eft fermé : le
nombre des flèches ou brides ne va guère
au delà de vingt-deux : les montures des
éventails fe font par les maîtres tabletiers ,
mais ce font les cventailhftes qui les plient
& qui les montent.
Les éventails m.édiocres font ceux dont
il fe fait la plus grande confommation :
on les peint ordinairement fur des fonds
argentés avec des feuilles d'argent fin ,
battu & préparé par les batteurs d'or : on
en fait peu fur des fonds dorés, l'or fin
EVE
étant trop cher , &: le faux trop vilain.
Pour appriquer les feuilles d'argent fur le
papier , aulli-bien que pour faire des ployés,
oiirefert de ce que IcscvanrailliftesappeUenc
{implement la drogue , de la compofition
de laquelle ils func un grand myftcrc, quoi-
qu'il fcmble néanmoins qu'elle ne foit com-
pilée que de gomme, de fucre candi &
d'un peu de miel , fondus dans de l'eau
commune , mêlée d'un peu d'eau de vie :
on met la drogue avec une petite éponge;
&c lorfque les feuilles d'aigent font pla-
cées dellus , on les appuie légèrement avec
le prefloir , qui n'eft qu'une pelote de
linge fin, rcinplic de coton : fi l'on em-
ploie des feuilles d'or, on les applique de
même.
Lorlque la drogue eft bien féchc , on
porte les feuilles aux batteurs , qui font ou
des relieurs ou des papetiers , qui les bat-
tent fur la pierre avec le marteau ; ce qui
brunit l'or & l'argent , & leur donne au-
tant d'éclat que li le brunitibir y avoit
pallé.
Eventail , en terme d'orfivre en grojjs-
ric , tft un tillu d'ofier en forme d'écran,
qu'on met au devant du vifage , & au
milieu duquel on a pratiqué une efpece de
petite fenître , pour pouvoir examiner de
près l'état où cil: la foudure , & le degré
de chaleur qui lui ell ncccOaire.
Eventail , ( Jardinage. ) eft un rideau
de charmille qui couvre, qui mafque quel-
qu'objet. On dit , un arbre en éventail. (K)
Éventail , terme d'émailleur ; c'eft une
petite platine de fet-blanc ou de cuivre ,
de fept ou huit pouces de diamètre , qui
^c termine en peinte par en bas, où elle
eft eminanchce dans une elpece de queue
de bois. Cet éventail empêche l'ouvrier
d'être incommodé par le feu de la lampe à
laquelle il travaille: il fe place entre l'ou-
vrier fc la lampe , dans un trou percé à
un pouce ou deux du tuyau de verre, par
où le vent du foufîlet excite le feu de la
lampe. Voyc^^ Email.
ÉVENTAILLISTE , f. maf. marchand
qui fait & vend des éventails. On a dit
autrefois Eventailler.
La communauté des maîtres éventailli/tes
r.'e'A pas foirt ancienne : leurs ftatuts font
polléncurs à la déclaration de 1673, par
EVE 399
laquelle Louis XIV érigea plufieurs nou-
velles communautés dans Paris.
Anciennement les doreurs fur cuir eu-
rent des conteftations avec les marchands
merciers î^c les peintres , pour la peinture,
montuie , fabrique , & vente des éventails ,
il leur fut fait délenfes en 1 674 , de prendre
d'autre qualité que celle de doreur fur cuir ,
& de troubler les merciers dans la poflèf-
lion où ils étoient de faire penulrc & dorer les
éventails par les pci;itLCSCv doreurs, ik de les
taire monter par qui ils voudroitnt.
Peu après cet arrêt , la nouvelle commu-
nauté des éventai ilijies fut érigée & reçut lès
reglemens, {uivan: lefquels ù ell arrête que
la communauté kra régie par quatre jurés ,
dont deux feront renouvelles tous les ans au
mois de feptcmbre , dans une alïemblée à
laquelle tous les maîtres peuvent alllltcr fans
diltinltion.
0:i ne peut être reçu maître fans avoir fait
quatre ans d'apprentiflage , & avoir fait le
ciief-d'œuvre : néanmoins les fils de maîtres
font dilpenlés du chef-d'auvre , ainfi que
les compagnons qui époufent des veuves ou
des hiles de maures.
Les veuves jouifient des privilèges de leur
défunt mari , tant qu'elles reftent en viduité;
cependant elles ne peuvent pas prendre de
nouveaux apprentifs. F^oye^le diâionn.Ù les
réghm. du Comm.
ÉVENTER LES VOILES , v. a£t. ( Ma-
rine. ) c'eft mettre le vent dedans , afin que
le vaifleau falle route. (Z}
Éventer , ( Chajfe ) On dit , éventer la
voie; c'e'à quand elle eft li vive que le
chien la fent , fans mettre le nez à terre ,
ou quand après un long défaut , les chiens
ont le vent du cerf qui eîi lùr le ventre
dans une enceinte. On dit aulTi , éventer
un piège, c'eft-à-dire , faire eniorte de lui
ôter l'odeur , parce que fi le renard , ou
la bête que l'on veut prendre , en a le
vent , il n'en approchera jamais ; & pour
éventer le piège , on le fait tremper vingt-
quatre heures en eau courante ou claire , ôc
on le frotte avec des plantes odoriférantes,
cornme lerpolet , thin lauvage, & autres.
Éventer , Eventé , Exposé a l'air ,
( Jard. ) Des racines éventé.'i font très mau-
vaifes &: très-nuilibles à la reprifc des jeu-
nes plams.
400 EVE
Eventer un b.veau ; terme de rivière ,
qui fignifie dégager un bateau qui fe trouve
preflé entre deux autres.
ÉVENTILER . ( Jurifp. ) terme de pra-
tique , qui ilgnifie la même chofe que ven-
tile; ce dernier terme eft le plus ufité.
f^oje^ Ventilation & Ventiler. {Aj
EvENTiLLER , V. paf. ( Faucoii. ) fe dit
c3c l'oifeau lorfqu'il fe fecoue en fe foute-
nant en l'air. On dit qu'un o\Çtau. s éventille ,
lorfqu'il s'égaie & prend le vent.
EVÈQU E , epijcopus , ( K//. eccléf. & ju-
rifp. ) eft un prélat du premier ordre qui eft
chargé en particulier de la conduite d'un dio-
cefepourle fpiritucl, &qui, conjointement
avec les autres prélats, participe au gouver-
îiement de l'églife univerfelle.
Sous le terme à'évcijues font auffi compris
les archevêques, lesprimats, lespatriarches,
& le pape même , lefqaels font tous des éve'-
ques, &: ne font didingués par un titve parti-
culier des fiinples évéjiics , qu'à caufe qu'ils
font les premiers dans l'ordre de l'épifcopat ,
dans lequel il y a plufieurs degrés diftérens
par rapport à la hiérarchie de l'églife ,
quoique par rapport à l'ordre les évîqucs
aient tous le même pouvoir chacun dans leur
diocefe.
Le titre à'évêque vient du grec ST/'oxsTor,
& C]gnxhe furval.'ant ou infpccicur. C'tft un
terme empriMcé def; pr-yei^s : car les grecs
appelloient slnd ceux qu'ils envoyoientdans
leurs provinces , pour voir fi tout y ctoit
dans l'ordre.
Les latins appelloient aulTi cpifcopos ceux
qui étoient infpeéleurs & vifi'teurs du pain
& des vivres : Ciccron avoir eu cette charge,
epifcopiis orce campanix.
Les premiers chrétiensemprunterentdonc
du gouvernement civil le terme à'évéques ,
pour défigner leurs gouverneurs fpirituels ;
& appellerent Aore/?' la province gouvernée
par un évéque, de même qu'on appelloit alors
de ce nom le gouvernement civil de chaque
province.
Le nom A'crcque a été donné par S. Pierre
à J. C. ; il croit auffi quelquefois appli-
qué à tous les prêtres en général , Se même
aux laïcs, pères de famille.
Mais depuis long - temps , fuivant l'u-
fage de l'églife , ce nom eft demeuré
propre aux prélats du premier ordre qui
EVE
ont fuccéde aux apôtres , lefquels furent
les premiers évéques inftitucs par Jefus-
Chrift.
On les appelle auffi ordinaires , parce que
leurs droits de jurifdidion & de collation
pour les bénéfices leur appartiennent de leur
chef jure ordinario , c'eli-à-dire , fuivant le
éroit commun.
Les évcjues font les vicaires de Jcfus-
Chrift , les fucceffeurs des apôtres , &c les
princes des prêtres , ils polTedent la plé-
nitude & la perfection du facerdoce dont
Jefus- Chrift a été revêtu par fon perc ;
delorte que quand un évéque communi-
que quelque portion de fon pou\oir à
des minières inférieurs , il ccn(erve tou-
jours la fuprême jurifilicftion & la fouve-
raine éminence dans les fondions hiérar-
chiques.
Us font les premiers pafteurs de l'églile ,
établis pour la finftification des hommes ,
étant les fucceffeurs de ceux auxquels Jefus-
Chrift a dit : Al!e[, prêche^ h toutes les na^
lions , en leur enfcignant de garder tout ce que
je vous ni dit,
l! appartient à chacun d'eux d'ordonner
dans fon diocelc les minières des autels , de
confier le foin des âmes aux pafteurs qui
doivent travailler fous leurs ordres ; c'efl
pourquoi ils doivent, faivantle droit com.-
mvm , avoir l'inftitution des bénéfices & la
dilpofirion de toutes les dignités eccléfiaf-
tiqiics.
Chaque cvr.jus exerce feul la juvifUic-
tion fpirituelle fur le troupeau qui lui eft
confié , & tous enfemble ils gouvernent
Téglife. _ _ ^
La dignité d'('i'/:7z/e efl très-refpedable,
puifque leur inftitution eft divine , leurs
fondrions , facrées ; & leur fucceffion non
ipterrcunpue. L'épilcopat eft le plus an-
cien & le plus éminent de tous les béné-
fices .• c'eft la fource de tous les ordres
& de toutes les autres fondions eccléiiaf-
tiq'ies.
Jefus -Chr'ft dit, en parlant des apô-
tres leurs prédécelTeurs , que qui les écou-
te , l'écoute; tk que qui les méprife, le
méprife.
Us font les pères ^" les premiers dodeurs
de l'églife, auxquels toute puilfance a été
donnée dans le ciel &: fur la terre , pour
lia
EVE
fier & délier en tout ce qui a rapport au
ipiricuel.
Les apôtres ayant prêché l'évangile dans
de grandes villes, y établilloicnc des évé.jucs
pour inftruire & forciher les fidèles , tra-
vailler à en augmenter le nombre, gouver-
ner CCS cgliles naillantcs , Se pour établir
d'autres eveques dans les villes voifines ,
quand il y auroit allez de chrétiens pour
leur donner un palleur particulier. Je vous
ai laijjé à Crète , dit faint Paul à Tite ,
itjin q-ue vous gouverniez le troupeau de
Jcjus-Chrifi , t* que vous établilJie^ des prê-
tres dans les villes oà la foi fe répandra. Far
le terme de prêtres il entend en cet endroit
les évéïjues, ainiî que la fuite de la lettre le
prouve.
Le nombre des é%équesse{\. ainfi multiplié
à melure que la religion chrétienne a fait
des progrès. Pendant les premiers liccles
de l'églilc , c'éroient les évêques des villes
Toidnes qui en érabliflôient de nouveaux
dans les villes où ils le croyoient nécclfaire ;
mais depuis huit ou neuf cents ans il ne
s'eft guère lait derabliilement de nouveaux
cvêchés làns l'autorité du pape. Il faut
aulU entendre les autres parties intérelTées ,
& en France il faut que l'autorité du roi in-
tervienne. V. ce qui a été dit ci-devant à ce
fujct au mot EvechÉ.
Le pape, comme fuccefleur de S. Pierre,
cft le premier des évcques ; la prééminence
qu'il a fur eux cft d'inftitution divine. Les
autres évéques font tous fuccefleurs des
apôtres ; mais les diftinétions qui ont été
établies encr'cux par rapport aux titres de
patriarches , de primats &C de métropolitains ,
font de droit eccléfiaftique.
S. Paul, dans fon épitre j à Timothée,
dit que ji qms epifcopntum dejïderat , bonum
cpus ùejiderat. Les évêchés n'étoient alors
confidérés que comme une charge très-
pefante •■, il n'y avoit ni honneurs ni ri-
chelVes attaches à cette place, ainfi l'am-
bition ni l'intéra nç les faifoient point
rechercher: pluHeurs, par un efprit d'hu-
milité ,' fe cachoient lorfqu'on les venoit
chercher pour être évêques.
A l'égard des qualités que S. Paul defire
dans un évéque : oportct , dit U , ep/fcopum
irreprehenfibikm ejfe , unius uxoris virum,
fobnum , cajium , ornatum , prudcniein , pu-
Toms XiJl
EVE 401
dicum , hofpitalem , dvâorem , non vinoleniuniy
non percujjortm , jcd modefum ; non luigio-
fum , non cuptduni , fed fuœ domui béni
prœpojîtum ,jilios habentem fubditos cum otnni
cajiitate.
Ces termes , unius uxoris virum , fig-
nifient qu'il falloit n'avoir été marié cu'u'nc
fois , parce que l'on n'ordonr.oit point de
bigames : d'autres entendent pat-là que
Vévêque ne doit avoir qu'une leule églife ,
qui cft confidérée comme fon cpoufe.
C'cft une tradition de l'tglife , que
depuis l'afcenhon de Notre Seigneur , les
apôtres vécurent dans le célibat : on élevoic
cependant (ouvent à l'épifcopat & à la
prêtrile des hommes mariés ; ils croient
obligés dès-lors , ainfi que les diacres , de
vivre en continence , fc de ne plus regar-
der leurs femmes que comme leurs fœurs.
La difcipline de l'églilc latine n'a jamais
varié lur cet article. Les femmes d'évcques
fe trouvent nommées dans quelques anciens
écrits , epifccpœ , à caule de la dignité de
leurs maris.
Mais peu à peu dans l'églife latine on
ne choifit plus d'er/</uej qui fuflent aâ:uel-
lement mariés , & telle eft encore la dif-
cipline préfente de l'églife latine : on n'ad-
met pas à l'épifcopat , non plus qu'à la
prêtrife , celui qui auroit été marié deux
fois.
Dans les églifes fchifmatiques , telle
que l'églife grecque , les évêques Se prêtres
font mariés.
On trouve dans l'hiftoire eccléfiaftique
pluiîeurs exemples de prélats qui furenc
élus entre les laïcs , tels que S, Nicolas 8c
S. Ambroife ; mais ces éledions n'étoienc
approuvées que quand l'humilité de ceux
que l'on choifidbit pour pafteurs étoit /l
univerlellement reconnue , qu'on n'avoic
pas lieu de craindre qu'ils s'enorgueilliflenc
de leur dignité ; & bieiuét on n'en choiilc
plus qu'entre les clercs.
Les évêques doivent , fuivant le concile
de Trente . être nés eri légitime mariage,
&c recommandables en moeurs & en fcience:
ce concile veut aulTi qu'ils foient âgés de
trente ans ; mais en France il (uffit , fuivant
le concordat , d'avoir vingt- fept ans com-
mencés. On trouve quelques exemples
à' évêques qui furent nommés étant encore
E c e
40 2 EVE
fovc jeunes. Le comte Héribctt , oncle de
Hugues-Capet . fie nommer à l'archevêché
ûe Rheims Ion fils , qui n'ctoit âgé que de
cinq ans , et qui fuc confirmé par le pape
Jean X. Ces exemples iîngiilieis ne doivent
point être tirés à conléquence.
Le concordat veut aufii que celui qui eft
promu à l'évêché , foit docteur ou liccntié
ou en droit civil ou cano-
cn
théologie
nique : il excepte ceux qui lontparens
du roi, ou qui font dans une grande élé-
vation. Les religieux mendians qui , par
la rtgle de leur ordre , ne peuvent acquérir
de degrés , lont aulîî exceptés. L'ordon-
r.ance de Blois & celle de 1606, ont
confirmé la dilpolîcion du concordat par
rapport aux degrés que doivent avoir les
évéques : le concordai; n'explique pas fi ces
degrés doivent êcre pris dans une univerfiré
du royaume ; mais on l'a ainfi interprété ,
en conformité de l'uiage ou royaume.
Il n'eft pas abfolument nécclïaire que
l'éveijue ait obtenu fes degrés avec toutes
les formes ; il fijflit qu'il ait obtenu des
degrés de grâce ; c'eHi-à-dire , de ceux qui
s'accordent avec difpenfe de temps d'é-
tude & de quelques exercices ordinaires ;
mais les grades de privilège accordés par
lettres du pape & de fes légats , ne fufli-
roient pas en France.
L'ordonnance de Blois , article 1 , porte
que le roi ne nommera aux prélatures
qu'un mois après la vacance d'icellcs ;
qu'avant la délivrance des lettres de nomi-
nation , les noms des perfonnes feront
envoyés à l'évégue diocéfain du lieu où ils
auront étudié les cinq dernières années ;
enfemble aux chapitres des églifes & mo-
nafteres vacans , lefquels informeront ref-
peâiivement de la vie , moeurs Se dodrine,
& de tout feront procès- verbaux qu'ils
enverront à fa majefté.
L'article z porte qu'avant l'expédition
des lettres de nomination , les archevêques
& les évéques nommés feront examinés fur
dodlrine aux faintes lettres , par un arche-
vêque ou évéque que fa majefté commettra ,
appelles deux dodleuvs en théologie , lef-
quels enverront leurs certificats de la capa-
cité ou infuBilance deWits nommés. Uar-
ticle i de l'édit de 1606 y eft conforme.
Mais ces difpofiûous n'ont point eu
EVE
d'exicuticn , ou ne font point affez exac-
tement obfervéts. On a toléré pendant
quelques années que les nonces du pape ,
qui n'ont aucune jurildidUon en France ,
reçulllnt la proftilion de foi du nommé à
l'évêché , & filfent l'information de les vie,
mœurs Hc capacité , & de l'état des béné-
fices , ce qui eft contraire au droit des or-
dinaires , & a été défendu par un arrêt
de réglem.cnt du parlem.ent de Paris , du
li décem.bre 1656.
L'ufage des autres églifes n'eft pas par-
tout femblable à celui de France : quelques-
unes , iuivant la feffion xxij du concile de
Trente , fuivant laquelle , au défaut de de-
grés , il futïit que Vévéque ait un certificat
donné par une univerhté , qui atteftc qu'il
eft capable d'enfeigner les autres ; & fi
c'tft en régulier , qu'il ait l'iitteftation de
fes iupérietirs.
Les canons veulent que celui qu'on élit
pour évéque loit au m.oins loudiacre. Le
concile de Trente veut que Vévéque foit
prêtre hx mois avant fa promotion ; mais
le concordat , qui fait l'énumération des
qualités que doivent avoir ceux qui font
nommés par le roi , n'exige point qu'ils
foient prêtres ni foudiacres ; Se l'ordon-
nance de Blois fuppofe qu'un limple
clerc peut être nommé évéque fans être darrs
les ordres facrés. En effet , l'art. 8 de cette
ordonnance veut que dans trois mois , à
compter de leurs provifions , les évéques
étoicnt tenus de fe faire promouvoir aux
iaints ordres ; & que fi dans trois autres
mois ils ne fe font mis en devoir de le faire,
ils foient privés de leur églife , (ans autre
déclaration , fuivant les faints décrets.
Pour ce qui eft de la nomination àesévéques
dans les premiers fiecles de l'églife , ils
foient élus par le clergé Se le peuple. On ne
devoir confacrer qne ceux que le clergé éli-
foit Se que le peuple defiroit ; mais le mé-
tropolitain Se Vévéque de la province dé-
voient inftruirc le peuple , afin qu'il ne fc
portât point à demander des perfonnes in-
dignes ou incapables de remplir une place
fi éminente.
Les laïcs conferverent long - temps le
droit d'alT.fter aux éledlions , Se même d'y
donner leur fuftVage ; mais la confulioii
que caufoic ordinairement la multitude des
EVE
éleftcurs, & la crainte que le peuple n'eut
pas le difcemL-ment nécellairc pour les qua--
litcs que doit avoir un l'vê^ue , firent que
l'on n'admicplusaux cltdlions que le clergé :
on en ht un décret formel dans le hui-
tième concile général , tenu à Conilanti-
nople en 869 ; ce qui fut fuivi dans i cgiife
d'Occident comme dans celle d'Orient. On
défendit en même-temps de recevoir pour
év'i^ues ceux qui ne (croient nommés que
par les empereurs ou par les rois. Ce chan-
gement n'empêcha pas que l'on ne fût
obligé de dem.ander le confentcmcnr &
l'approbation des fouverains , avant que de
facrer ceux qui étoient élus ; on fuivoit
cette règle même par rapport aux papes ,
qui ont été long-temps obligés d'obtenir
conlcntcment des fuccefl'eurs de Charle-
magne.
l-'our ce qui ed des évêchés de France ,
nos rois de la première race en dilpo'oient ,
à l'excluhon du peuple & du cierge ; il eft du
moins certain que depuis Clovis julqu'à l'an
J90 , il n'y eue aucun évéque inrtall4, finon
■par l'ordre ou du confentement du roi :
on procédoit cependant à une cledlion ,
mais ce n'éroit que pour la forme.
Dans le feptiemc fiecle , nos rois difpo-
foient pareillement des évêchés. Le moine
Marculphe, qui vivoif en ce ficelé, rap-
porte la formule d'un ordre ou précepte
par lequel le roi déclaroit au métropolitain
qu'ayant appris la m.ort d'un tel évéque, j
il avoir réfolu , de l'avis des évêques & des
grands , de lui donner un tel pour fucce(^
leur. Il rapporte auffi la formule d'une re-
quête des citoyen.s de la ville épifcopale ,
par laquelle ils demandoient au roi de leur
donner pour évéque un tel , dont ils con-
noidoient le mérite ; ce qui fait voir que
l'on attendoit le choix , ou du moins le
confentement du peuple.
Louis"le-Débonnaire rendit aux églifes
la liberté des élections ; mais par rapport
aux évêchés , il paroît que ce prince y nom-
moit , com.me avoit fait Charlemagne ;
queCharles-Ie-Chauveenufaauiridemême,
& que ce ne fut que fous les fuccelléurs de
celui-ci que le droit d'élire les évéque: fut
rétabli pendant quelque temps en faveur
des villes éplfcopales. Les chapitres des
cathédrales étant devenus puifùns, s'at-
EVE 495
tribuerent l'éledion de? évêques; mais il
falloir toujours l'as^rément du roi.
Depuis l'an 1076 jufqu'en ufo, les
papes avoient excommunié une infinité de
perfonnes, & fait périr plulîeurs millions
d'hommes par les guerres qu'ils fufciterent
pour enlever aux (odverains l'inveftiture des
évêchés , & donner l'clcction aux cha-
pitres.
^Il paroît que c'eft à-peu-près dans le
même temps que les évêques commencèrent
à fe dire erl/cvej par la grâce de Dieu ou par
la miféricorde de Dieu, divinâ miferatiom.
Ce fut un évéque de Coutances qui ajouta
le premier, en r 547 ou 1 548 , en tête de
fes mandemens &c autres lettres , ces mots :
& parla^racedufaiiufieaeapojlolique, en
reconnoitiance de ce qu'il avoit été confir-
mé par le pape.
Pour en revenir aux nominations des
évêchés, le pape Pie II, & cinq de fcs
ruccelTeurs combattirent pendant un demi-
fiecle pour les ôter aux chapitres &c les
donner au roi. Tel étoit le dernier état en
France avant le concordat fait entre Léon
X & François I.
Par ce traité , les éledions pour les pré-
latures furent abrogées , & le "droit d'y
nommer à été transféré tout entier au roi ,
fur la nomination duquel le pape doit
accorder des bulles , pourvu que celui qui
eft nommé ait les qualités requifes.
Le roi doit nommer dans les (ïx mois
de la vacance : fi la perfonne n'a pas les
qualités requifes par le concordat, & que
le pape refufe des bulles , le roi doit
en nommer une autre dans trois mois ,
à compter du jour que le refus qui a été
fait des bulles dans le conliftoire a été
fignifiéà celui qui les follicitoit. Si dans
ces trois mois le roi ne nommoit pas une
perfonne capable , le pape , aux termes du
concordat, pourroity pourvoir, à la charge
néanmoins d'en faire part au roi , & d'ob-
tenir fon agrément ; mais il n'y a pas
d'exemple que le pape ait jamais ufé de
ce pouvoir.
Celui que le roi a nommé évoque doit,
dans neuf mois , à compter de fes lettres de
nomination , obtenir des bulles , ou iuft;fier
des diligences qu'il a faites pour les obtenir ;
autrement il demeure déchu de plein droit
E e e î.
404 EVE
idu droit qui lui étoit acquis en vertu de |
fes lettres.
Si le pape refufbit fans rai(on des bulles
à celui rui ed nommé par le roi , il pour-
roit fe faire facrer par le métropolitain,
fuivant l'ancien ufage , ou fe pourvoir au
parlement , où il obtiendroit un arrêt en
vertu duquel le nommé jouiroit du revenu,
& conféreroit les bénéfices dépendans de
fon évêché.
Le nouvel évêque peut , avant d'êcrç
facré, faire tout ce qui dépend de la jurif-
didlion fpirituelle : il a la collation des
bénéfices & l'émolument du fceau ; mais
il ne peut faire aucune des choies i^«^/w/2r
ordinis , comme de donner les ordres, im-
pofer les mains , faire le faine chrême.
Les conciles veulent que Vévéque (e fafle
facrer ou confacrer , ce qui elî la même
chofe , trois mois après fon inftitution ;
que s'il diffère encore trois mois, il ioit
privé de ion évêché. L'ordonnance de Blois
veut auffi que les évcques fe fallent facrer
dans le lemps porté par les conflitutions
canoniques.
Anciennement tous les évêques de la
province s'alTcmbloient dans l'égliie vacante
pour alïifler à l'éleélion , & pour facrer
celui qui avoir été élu. Lorfqu'ils étoient
partagés fur ce fujet, on fuivoit la plu-
ralité des fufFrages. Il y avoit des pro-
vinces où le métropolitain ne pouvoit con-
facrer ceux qui avoient été élus , fans le
confentement du primat. Qiiand ils ne
pouvoient tous s'afTembler , il fuffifoit qu'il
y en eût trois qui confacralTent l'élu , du
confentement du métropolitain qui avoit
droit de confirmer 1 eleârion. Ce règlement
■du concile de Nicée , renouvelle par plu-
iîeurs conciles poftérieurs , a été obfervé
pendant plufîeurs fiecles. Il eft encore d'u-
fage de faire facrer le nouvel évéque par
trois autres évêques ; mais il n'eft pas né-
ceflàirc que le métropolitain du pourvji
fafTe la confécration. Cette cérémonie fe
fait par les évêques auxquels les bulles font
adreflées par le pape.
Les métropolitains font facrés comme
les autres évêques , par ceux à qui les bulles
font adreflées.
Voici les principales cérémonies qu'on
obfcrve dans l'égliie latine pour la confé-
EVE
cratîon d'un évêque. Cette confécration
doit fe faire un dimanche dans l'églifc
propre de l'élu, ou du moins dans la pro-
vince , autant qu'il le peut commodément.
Le confécrateur doit être afîîllé au moins
de deux autres évêques : il doit jeûner la
veille , & l'élu aulfi. Le confécrateur étant
affis devant l'autel , le plus ancien des
évêques aflircans lui préfente l'élu , difanc :
l'églifs catholique demande que vous élevic'^ ce
prêtre à la charge de l'épijcopat. Le confécra-
teur ne demande point s'il cft digne ,
comme on faifoit du temps des éledions,
mais feulement s'il y a un mandat apof^
tolique , c'eft-à-ûire , la bulle principale qui
répond du mérite de l'élu , & il la fait lire»
Enfuite l'élu prête ferment de fidélité au
faim fiege , fuivant une formule dont il
fe trouve un exemple dès le temps de Gré-
goire VIL On y a depuis ajouté pluficurs
claufes , entr'autres celle d'aller à Rome
rendre compte de (a conduite tous les quatre
ans, ou du moins d'y envoyer un député;
ce qui^ne s'obfervc point en France.
Alors le confécrateur commence à tx.\-
miner l'élu fur fa foi & fes mœurs , c'eft-
à-dire , (ur fes intentions pour l'avenir j
car on luppole que l'on efl affuré du palîé.
Cet examen fini , le confécrateur com-
mence la mefre : aptes l'épître & le graduel
il revient à Ion fiege ; Se l'élu étant affis
devant lui , il l'inttruit de fes obHgations,
en dilant : un évêque doit jug-zr , inierpréter ,
conjacrer , ordonner , ojfrir , baptifer &
confirmer. Puis l'élu s'étant profterné , &:
les évêques à genoux , on dit les litanies ,
& le confécrateur prend le livre des
évangiles , qu'il met tout ouvert (ur le
cou & fur les épaules de l'élu. Cette céré-
monie étoit plus facile du temps que les
livres étoient des rouleaux, volumina ; car
l'évangile ainli étendu, pendoit des deuic
côtés comme une étole. Le confacrant mec
enfuite fes deux mains fur la tête de l'élu ,
avec les évêques alTiflans , en difant : rccevej^
le faint-Efprit. Cette impolition des mains
efi marquée dans l'écriture , /, Tim. cjv , v.
14 ; &c dans les conftitutions apoiloliqiies,
liv. VIII . c. /v , il crt: fait mention de VixOf
polition du livre , pour marquer fenfible-
ment l'obligation de porter le joug dtt
Seigneur & de prêcher l'évangile. Le conr
E V E ^
fécrateur dit cnfuite une préface , où il
prie Dieu de donnera l'élu toutes les vertus
dont les orneinens du grand - prêtre de
l'ancienne loi ctoicnt les fymboles myflc-
rieux ; ^ tandis que Pon chante l'hymne
du S. Elprit , il lui fait une ondlion fur la
tête avec le faint chrême ; puis il achevé
la prière qu'il a commencée, demandant
pour lui l'abondance de la grâce ëc de la
veitu, qui eft marquée par cette onCtion.
On chante le pfeaume iji, qui parle de
l'ondtion d'Aaron , & le confécrateur oint
les mains de l'tlu avec le faint chrême :
enfuite il bénit le bâton paftoral qu'il hii
donne pour marque de la jurildidion. Il
bénit auffi l'anneau , ôc le lui met au
doigt en figne de fa foi , l'exhortant de
garder l'églife fans tache , comme l'époiife
de Dieu. Eniuire il lui ote de delTus les
épaules le livre des évangiles , qu'il lui met
entre les mains , en difmt : prenc[l'évangile,
& aile-! prêcher au peuple qui vous ejl commis ;
car Dieu efl ajff^puijjant pour vous augmenter
fa grâce.
Là fe continue la mcHe : on lit l'évangile,
& autrefois le nouvel évêque prêchoit , pour
commencer d'entrer en fondiion : à l'of-
frande, il offre du pain & du vin, fuivant
l'ancien ufage ; puis il le joint au conlé-
crateur , &; achevé avec lui la mcirc , où il
communie fous les deux efpeces , & de-
bout. La melle achevée , le confécrateur
bénit la mitre & les garits , marquant leurs
fignihcations myftérieules ; puis il intronife
le confacré dans Ion fiege. Enluite on
chante le Te Dcum ; & cependant les é\êques
alTîdans promènent le confacré par toute
i'églile , pour le montrer au peuple. Enfin ,
il donne la bénédiélion lolennelle. Por.tijic
rom. de corijl-crai. epijcop. Fleury , injiit. au
Droii eccléf. tom. I , part. I ,c. xj, pag, iio
&fuiv.
Autrefois Yévéque devoit , deux mois
après fon facre , aller vifiter (on métro-
politain , pour recevoir de lui les inflruc-
tions & les avis qu'il jugeoit à propos de lui
donner.
L'e'v/^ue étant facré doit prêter en perfon-
re ferment de fidélité au roi : jufqu'à ce fet-
ment , la régale demeure ouverte. V. Ser-
ment de FIDÉLITÉ.
Ou trouve dans les anciens auteurs quel-
EVE 405
ques pafTages , qui peuvent faire croire
que dès les premiers lieclcs de l'églife les
cvc.jues portoient quelque marque extérieure
de leur dii^niré ; l'apotre S. Jean , & S.
Jacques, premier ivéque de Jérufalem , por-
toient une lame d'or fur la tête, ce qui
étoit fans doute imité des pontifes de l'an-
cienne loi , qui portoient fur le front une
bande d'or, lur laquelle le nom de Dieuétoic
écrit.
Les ornemens épifcopaux font la mitre ,
la crofle , la croix pcéïorale, l'anneau , les
f.mdales : X'évéqut peut faire porter devant
lui la croix daris ion dioccfe ; mais il ne peuE
pas la fane porter dans le dioccfe d'un autre
évêque , parce que la croix levée eil un ligna
de jurifdiilion.
Il n'y a communément que les archevê-
ques qui aient droit de porter le pallium »
néanmoins quelques évêques ont ce droit
par une conceffion fpéciale du pape, Fojl^
Pallium.
Qiielques évêques ont encore d'autres
marques d'honneur lînguliere ; par exem-
ple , fuivant quelques auteurs , Vévêque de
Cahors a le privilège , dans certaines céré-
monies , de dire la meffe ayant fur l'autel
l'épée nue , le cafque & les gaîuelets , ce
qui efl relatif aux qualités qu'il prend de
baron & de conte. Plufieurs évêques d'Al-
lemagne, qui font princes fouverains , en
ufent de même.
En France , il y a fix évêques ou archevê-
ques qui (ont pairs ecclélîaftiques ; favoir,
trois ducs & trois comtes ( l'ojf:? Pairs ) ;
la plupart d£s autres évêqurs polTedent aufïî
de grandes ieigneurics attachées à leur cvê-
ché. C'eft de- là qu'ils ont été admis dans
les conlcils du roi; & dans les parlemens
le refpeâ-que l'on a pour leur miniftere , a
engagea leur donner dans les alTemblées le
premier rang , qui , fous les rois de la pre-
mière race , appartenoit à la noblelle.
On ne croit pourtant pas que ce (oit à
caufe de leurs feigneuries qu'on leur a
donné la qualité de monfeigneur , qu'ils font
en ufàge de fe donner entr'eux ; il paroît
plutôt qu'elle vient du terme finior , qui,
l dans la primitive églife , étoit le titre com-
\ mun à tous les évêques & à tous les prêtres :
' on les appelloit AinCi feniores an feiiieurs ^
i parce qu'on choilKToit ordinairement les
4o5 EVE
plus anciens des fidèles pour gouverner les
autres : on les qualilîoic aulTi de trcs-fiints ,
trh-pifux , & trh-vcncrables ; préfencement
on leur donne îe titre iS.çrévérendiffime.
A l'égard de l'uCage où l'on cÙ de défi-
gner chaque évéijue par le nom de la ville
où eft le iîege de (on églife , comme M. de
Paiis , M. de Troyes , au lieu de dire
M. l'archevêque de Paris , M. Vévéque de
Troyes , ce n'eft pas d'aujourd'hui que cela
fe pratique. En effet , Calvin, dans ion livre
intiiulé ; la manicre de réformer l'églife , a
dit, dès l'an 1 1)47, quoiqu'en raillant, Mon-
fteur d'Avranches , en parlant de Robert
Cenalis.
Il étoit d'ufage autrefois de fe profterncr
devant eux & de leur baifer les pies , ce
qui ne fe pratique plus qu'à 1 tgard du pape :
mais il eft encore demeuré de cet ufagc
que quand Vévcijue marche, étant revêtu de
fes ornemens épiicopaiix , il donne de la
main des bénédidions que les alTiftans reçoi-
vent à genoux.
Les nouveaux cvê^ues , après leur facrc ,
font ordinairement une entrée folennelle
dans la ville épilcopale & dans leur églile;
plufieurs avoient le droit d'être portés en
pompe par quatre des principaux barons ou
vaffaux de leur évêché, appelles dans quel-
ques titres cafati majores ou nomines epifcopi :
dans quelques diocefes,ces valiaux doivent
à Vévêqus une gouttieie ou cierge d'un cer-
tain poids.
Par exemple , les feigneurs de Corbeil ,
de Montlhéri , la Ferté-Alais , & de Mont-
jay , dévoient à l'églife de Paris un cierge ,
& étoicnt tenus de porter ïévUque , aiiOi
bien que les feigneurs de Torcy , Tournon ,
Lufarche ,& Conflans-Sainte-Honorine : il
eft: dit auiTi , dans quelques anciens aveux,
que le fcigneur de Bretigni étoit un de
ceux qui dcvoienr porter X'évéquc à Ton
entrée.
Les évêques d'Orléans fe font toujours
maintenus en polTefllon de faire folennel-
lement leur entrée , & ont de plus le pri-
vilège en cette occalion de délivrer des
criminels ; ce privilège , qu'ils tiennent de
la piété de nos rois , avoir reçu ci-devant
beaucoup d'excendon. Les criminels ve-
noient alors de toutes parts fe rendre dans
içs prifons d'Orléans pour y obtenir leur
EVE
grâce , ce qui a été reftraint par un édit du
mois de novembre 175, dont nous parle-
rons ci-après au mot Grâce.
Quelques évêques jouiflent dans leur églife
d'un droit de joyeux avènement, fembla-
ble à celui dont le roi eft: en polleiTion à
ion avéiiement^ la couronne. M. Louct
en donne un exemple de l'eV./ue de Poi-
tiers , qui fut conlirmé dans ce droit par
arr?t du parlement en 1^51.
On trouve Buin qu'en 1 3 fo l'eVc^ue de
Clermont avoit interdit fon diccefe , faute
de paiement des redevances qu'il préten-
doit pour fon joyeux avènement ; le roi
Jean manda, par lettres- patentes,à l'on bailli
d'Auvergne , de faire affigner le prélat pour
lever l'interdit , n'étant permis à perfonne ,
dit il dans ces lettres, d'niterdire aucune
terre de fon domaine.
Les canons défendent aux évêques d'être
long-temps hors de leur diocefe , & ne
leur permettent pas de faire leur rélidence
ordinaire iiors la ville épilcopale ; c'eft
pourquoi Philippe-le-Long ordonna , eu
I ; 19 , qu'il n'y auroit dorénavant nuls pré-
lats au parlement , ce prince failant, dit-
il , conicieuce de les empêcher de vaquer
au gouvernemicnt de leur fpirituaiité.
Dans la primitive églife, les évêques n'or-
donnoient rien d'important ians conlulter
le clergé de leur diocefe , presbyterium ,
Sz même quelquefois le peuple. Il étoit fa-
cile alors ti'allcmbler tous les clercs du dio-
cefe , vu qu'ils étoient prefque toujours
dan? la ville épifcopale.
Lorlquc l'on eut établi des prêtres à la
campagne , ce qui arriva vers l'an 400, on
n'all'cmbla plus tout le clergé du diocefe
que dans des cas importans , comme on fait
aujourd'hui pour les fynodes diocélains ;
mais les évêques continuèrent à prendre l'a-
vis de tous les eccléfiaftiques qui faiioienc
leur rclîdence dans la ville épilcopale , ce
qui paroit établi par plufieurs conciles des
v &C vj (îcclcs , qui veulent que Vévêque
prenne l'avis de tous les abbés , prêtres , •&
autres clercs.
Dans la fuite, le clergé de la cathédrale
vécut en commun avec Vévêque , & forma
uneefpece de monaftere ou de léminaire,
dont Vévêque étoit toujours le fupérieur ;
le chapitre fut regardé comme le confeil
EVE
ordi-naire & ncccllàire de Vévêque ; tel ^toit
encore l'ordre obfervé du rf mps d'Alexandre
111 ; mais depuis, le^ chanoines ont inienii-
blcment perdu le droit d'être le conleil
ncccdaire de Vivvquc , fi ce n'eft pour ce
qui concerne le fervice île Icglife cathé-
drale ; pour ce qui e(l du gouvernement
du diocefc , Véveque prend l'avis de ceux
que bon lui lemble.
La jurildidion qui appartient aux ivc-jues
de droit divin , ne conlille que dans le
pouvoir d'enlcigner , de remettre les pé-
chés , d'admiaillrcr aux Éîdeies les iacre-
mens , & de punir , par des peines pure-
ment fpirituelles , ceux qui violent les loix
de l'cglife.
Suivant les loix romaines , les évêijues
n'avoicnt aucune jurifdidion contentieufe,
môme entre clercs ; mais les empereurs
établirent les cvè,;ues arbitres nécelTaires
des caufes d'entre les 'clercs & les laïcs ;
cette voie d'arbitrage fut infenfiblement
convertie en jurifuiction : les princes fécu-
liers , par confidcraiion pour les évêques ,
ont beaucoup augmenté les droits de leur
jurifdiclion, en leur attribuant un tribunal
contencieux pour donner plus d'autorité à
leurs décidons fur les affaires; ils leur ont
aulTi accordé, par grâce fpéciale, la con-
noilfance des affaires perlonnelles inten-
tées contre les clercs, tant au civil qu'au
criminel.
A l'égard des affaires entre laïcs pour
chofes temporelles , Conftantin-le-Grand
ordonna que quand une partie voudroit le
foumcttre à l'avis de Vévéque , l'autre par-
tie Icroit obligée d'y déférer , •& que les
jugemens de Vtvêque feroient irréforma-
bles , ce qui rendoit les évêques juges fouve-
rains ; cette loi fut inférée au code Théodo-
fien , //')'. Xf^I, lit. X, de epifccpali aud. Jufli-
nien ne la mit pas dans Çon code , mais le
crédit de^ évoques (bu5 les deux premières
races de nos rois , la part qu'ils eurent à
l'éledfion de Pépin , la grande confi.îéra-
tion que Charlemigne avoit pour eux ,
firent que nos rois reiiouvelicrent le privi-
lège accordé aux évêques par Conftaniin:
on en fit une loi qui fe trouve dans les capi-
tulaires , tom. /, Uv. VI, cap. ccdxv;.
L'ignorance des x , xj & xij fiecles donna
lieu aux évêques d'accroùrc beaucoup leur
EVE 407
jurifàidioncontentieufe ; ils étoient devenus
les juges ordinaires des pupilles, des mi^-
neurs , des veuves , des étrangers , des
prifonniers, & autres femblubles perfon-
nes ; ils connoilloient de l'exécution de
tous les contrats où l'on s'étoit obligé , fous
la religion du ferment , de i/cxécution des
tcHamens , enfin de prefquc toutes les
atfiires.
Mais à mefure que l'on eH: devenu
plus éclairé , les choies font rentrées dans
l'ordre ; la jurifdiétion contertieufe des
évêques a été réduite , à l'égard des laïcs ,
aux matières purement fpirituelles , Se
à l'égard des clercs , aux affaires perfon-
nelk'S.
Les évêques ont divers ofHciers pour exer-
cer leur jurifdi(fl:ion contentieufe; favoir,
un olHcial , un vice-gérent , un promoteur,
un v'ice promoteur , & autres officiers né-
celîiire'^. Juiqu'au xij fiecle , tes évêques
exerçoient eux-mêmes leur juiifdiftion fans
ofiiciaux , préfentement ils fe repofent or-
dinairement de ce foin fur leur officiai , ce
qui n'empêche pas que quelques-uns n'ail-
lent une fois , à leur avènement , tenir l'au-
dience de l'oiîicialité j il y en a nombre
d'exemples, & entr'autres à Paris celui de
M, de Bellefonds , archevêque , lequel fut
inftallé le x juin 1746 à l'ofiîcialité , (?c y
jugea deux caufes avec l'avis du doyen &c
chapitre de N. D. V. Jurisdiction ecclé-
SIAiTIQUE, OfFICIAL, ViCE-gÉRENT, PRO-
MOTEUR.
Les conciles & les ordonnances impo-
fent aux évêques l'obligation de vifiter
en^ perfonne leur diocefe , & de faire
viliter par leurs archidiacres les endroits
oîi il ne pourront aller en perfonne. Voy.
Visite.
L'évêque fait par lui ou par fe^ grands-
vicaires tous les a des qui font de jurifdic-
tion volontaire & gracieufe , tels que les
dimiffoires , la collation des bénéfices ,
les unions, l'approbation des confefleurs,
vicaires, prédicateurs, maîtres d'école; la
perinillion de célébrer pour les prêtres
étrangers; la permiiTîon de faire des quêtes
dans le diocefe ; la bénédiétion des égliles ,
chapelles, cimetières & leur réconciliation;
la vihte des églifes paroilTiales, & autres
lieux faintsi ceHe des chofes qui y fonî
4o8 EVE
contenues Se qui font requifcs_ pour le
farvice divin ; la viiite des perlonnes &
celle des monafteres de religieufes ; les
difpenfes touchanc l'ordination des clercs;
les difpenfes des vœux, des irrégularités,
des bans de mariage ; enfin ce qui concerne
les cenfuies & les abtolutions. F'. JuRis-
DICTION VOLONTAIRE.
Il y a certaines fonclions que les évêques
doivent remplir par eux-mêmes, comme de
donner la confirmation & les ordres, bénir
le faine chrême &c les faiiites huiles , confa-
crer les évêques , &cc.
Lorfqu'un évéque fc trouve hors d'état
de remplir les devoirs de l'épifcopat à cauie
de fes infirmités , ou pour quelqu'autre
raifon , on lui donne un coadjuceur avec
future fucceffion. Le coadjuteur doit tra-
vailler avec lui au gouvernement du dio-
cefe. Le pape, en accortlant des bulles au
coadjuteur lur la nomination du roi, fait
le coadjuteur cvcque in partibus injïtielium ,
afin qu'il puiile êcre facré & conférer les
ordres. Fbj-e^CoADjUTEUR.
Les évêques font foumis , comme les au-
tres fujets du roi , à la juritdiélion féculiere
en matière civile ; à l'égard des matières
criminelles , un évègue ne peut être jugé
pour le délit commun que par le concile de
la province, compolé de douze évêques,
&c auquel doit préhder le métropolitani ;
rnais pour le caS* privilégié, les évêques Cont,
comme les autres eccléfiaftiques , iujets à
la jurifdiétion royale; &c s'il arrive qu'un
évéque caufe quelque trouble dans l'état par
fis a6tions, par fes paroles ou par fes écrits ,
le parlement , & même les juges royaux
inférieurs , peuvent arrêter le trouble &
en empêcher les fuites, tant par faide du
temporel que par des amendes , décrets ,
& autres voies de droit félon les circoni-
tances.
La tranflation d'un évêque d'un fiege à
un autre , fut pratiquée pour la première
fois dans le iij fiecle en la perlonne d'A-
lexandre , évéque île Jérulalem ; elle fut en-
fuite défendue au concile d'Alexandrie en
;t40 , & au concile de Sardique en 547.
Etienne VU fit déterrer le corps de For-
fnofc fbn prédéceflcur , & lui fit faire fon
procès , fous prétexte qu'il avoit été trans-
féré 4ç i cvcçhé de Porto à celui de Rome ,
EVE
ce qu'il fuppofoic n'avoir point encore eu
d'exemple. Cette action fut improuvée par
le concUe tenu à Rome l'an 901 j Sergius
III entreprit de la j.utl:ifier.
Les conciles ont toujours condamné les
tranflations qui fcroien: faites par des mo-
tifs d'ambition , de cupidité ou d'inconf-
tance ; mais ils les ont permifes lorfqu'el-
les lont laites pour le bien de l'égUfe. Au-
trefois un évéque ne pouvoit être transféré
d'un fiege à un autre que par ordre d'un
concile provincial ; mais dans l'ufage pré-
ient , une diipenfe du pape iutlit avec le
confentement du roi.
Un évéque , fuivant les canons , devienc
irrégulier en certains cas ; par exemple ,
s'il a ordonné l'épreuve du fer chaud ou
autre femblable , s'il a autorilé un jugement
à mort ou s'il a alTillé à l'exécution. {A)
En Allemagne , la plupart des évêchés
font élettifs. Ce font les chapitres des ca-
thédrales ou métropoles , ordinairement
compofés de nobles , qui ont le droit d'élire
un d'entr'eux à la pluralité des voix , ou
bien de le poftuler ; cette éledtion ou pos-
tulation confère à celui fur qui elle tombe
la dignité de prince de l'empire , la fupé-
riorité territoriale, le droit de féance &
de futfrage à la dicte de l'empire ; & celui
qui à été élu ou pollulé , reçoit , pour les
états qui lui font foumis , l'invertiture de
l'empereur , & jouit de fes droits comme
prince de l'empire , indépendamment de
la confirmation du pape dont )1 a befoia
comme évêque.
Le traité de paix de W'eftphalie a ap-
porté un grand changement dans les évê-
chés d'Allemagne ; il y en eut un grand
nombre de (écularifés en faveur de plulieurs
princes protellans ; c'eft en vertu de ce
traité que la maifon de Brandebourg pof-
fede l'archevêché de Magdebourg , celui
de Halberftadt , de Minden , i?ic. la mai-
fon de Holftein celui de Lubcck , &c.
L'évêché d'Ofnabrug cft alternativement
polîédé par un catholique romain, iS: par
un prince de la rnaiton de Brunfwick-Lu-
nebourg qui cil protcllante. ( — )
Eveque-Abbé; les abbés prenoient an-
cienncmeut ce titre , apparemment parce
qu'ils jouiffoient de plu fleurs droits fem-
blables à ceux des évêques.
EVEQUE AcÉPHALEy
EVE
ÉVEQUE ACFPîîALE , cft ccluî qu' lie rele-
ve d'aucun métropolitain , mais qui eft fou-
rnis immédiatement au famt fiege.
EvECLUE ASSISTANT j OH donnc ce titre
à Rome à quelques éxéques qui entrent dans
des congrégations du (aint office.
EvEQUES Cardinaux, fîgnifioit d'abord
èvêques propres ou en chcf\ on donna ce ti-
tre aux rvt'ques auxquels fut accorde ie pri-
vilège d'être mis au nombre des cardmaux
de i'églife romaine , c'cft-à-dire , qui étoicnt
incardirtiiti feu intra cardines ecckjiie. Il y
avoit des prêtres & des diacres cardmaux
avant qu'il y eût des évéques cardinaux ; ce
ne fut que fous le pontificat d'Etienne IV.
Anaftjfc le bibliothécaire dit que ce pape
obligea les fcpt évcques-cardinaux à célébrer
tour-à-tour , tous les dimanches , fur l'autel
de S. Pierre. Ces évéques, dans le xj fiecle ,
prenoient féance dans les alîèmblées ecclé-
îiaftiques devant les autres évéques , même
devant les archevêques & lespnmats ; dans
le fiecle fuivant les cardinaux-prêtres Si les
diacres s'attribuèrent le ilroit de fiéger après
\t%c,irdinaux-évéques. Voye:^ pour le furplus
au mot Cardinaux.
EvEQUE CATHÉDRAL , cathedvalis : on
appelloit ainfi \i::% évéques qui étoient à la tête
d'un diocele , à la différence des chorévê-
ques qui étoient d'un ordre inférieur.
ÉvEQUE COMMENDATAIRE , c'étoit Celui
qui tenoit un évêché en commcnde , com-
me cela ^z prntiquoit abuflvcment tandis
que le faint fiege fut transféré à Avignon.
Il n'y avoir prefque point de cardinal qui
n'eut un ou pluflcurs évéchés en commen-
de , ce qui fut défendu par le concile de
Trente.
EvEQUE DE LA COUR ; On donnc quel-
quefois ce titre au grand aumônier du roi.
y. Grand-AumÔnier.
EvEQUE diocésain , cfl cclui qui aie
gouvernement du diocefe dont il s'agit ; lui
féul peut faire ou donner pouvoir de faire ,
quelqu'ade de jurifdiétion fpiritucUe dans
Ion diocefe. l^. Diocésain & Jurisdic
TION ECCLÉSIASTIQUE.
EvEQUE IN PARTIBUS INFIDE-
ZIUM , OU comme on dit fouvent par
abréviation , évéque in partibus , eft celui
qui efl: promu à un évêché fitué dans les '
Tome XIIL
EVE 409
pays infidèles. Cet ufage a commencé du
temps des croifides , où il parut nccelfairc
de donner aux villes foumifes aux Latins
des évéques de leur communion , qui con-
fervercnt leurs titres , même après qu'ils
en fureHt chaflcs ; on continua cependant
de leur nommer des fuccefTeurs. Les incur-
fîons, faites par les Barbares, & principa-
lement par les Mufulmans, ayant empêché
ces évéques de prendre polTefTion de leur»
églifes & d'y faire leurs fonârions, le con-
cile in trullo leur conftrva leur rang & leur
pouvoir pour ordonner des clercs & prefî-
der dans I'églife.
On. les appelle aufTî quelquefois évéques
titulaires ou nulla tenentes , quoiqu'on dût
plutôt les appeller évéques non titulaires.
Ces évéques in partibus ont caufé beau-
coup de trouble dans les derniers fiecles , ce
qui a donné heu à plufîeurs réglemenspour
en réformer les abus.
Ceux qui font donnés pour fuffragans à
quelque évéque ou archevêque , (ont régar-
dés d'un œil plus favorable.
Dans l'affemblée du clergé de iiîjj, il
fut réfolu que les évéques in partibus ne fe-
roient point appelles aux afiemblées parti-
culières àzs évéques ; que l'on feroit à Rome
lesinftances nécefTaires , afin que le pape
ne leur donnât point de com mi filon à
exécuter dans le royaume ; que M. le chan-
celier ieroit prié de ne point donner des
lettres patentes pour l'exécution des brefs
adrelTés à ces évéques , & que quand il leroic
nécelfaire de les entendre dans les afiem-
blées , tant générales que particulières , ou
leur donneroit une place féparéc de celle
des évéques de France ; mais que cette
délibération n'auroit point lieu , tant à
l'égard des coadjutcurs nommés à des évé-
chés de France avec future fuccefïîoii , que
des anciens évéques qui fe fèroient démis
de leur évêché. Voye:^ les mémoires die.
clergé.
EvEQUE METROPOLITAIN , OU archevê-
que, eft celui dont le fiege eft dans une mé-
tropole , & qui a (ïjus lui des évéques fuf-
fragans. f^. Archevêque , Métropole,
MÉTROPOLITAIN.
EviQ.uEs nulla tenentes, V. Évéques m,
PARTIBUS,
F f£
410 EVE
ÉVEQUES TITULAIRES. F". ÉvEQUES JN
PARTinUS.
Sur les évêqucs. Voy e[L&nct\ox ■, injîit. lib.
1. tit. V. Voye[ auili les textes de droit civil &
canonique , indiqués pu Jean Thaumas &
par Brillon , en leurs didionnaires -, Rebuf-
f e , en fa pratique bénfficia'e , part. I.chap.
forma vie. archicp. depuis le nombre 3 I juf-
qu'à 156. Foiitanon , tome I. Voyelles me- j
moires du clergé , aux ditïerens titres indi-
qués dans l'abrégé. ( A )
E VERGETE , ( Hlfi. anc. ) furnom qui
fignifie bienfaiteur ou bienfaifant , ëc qui a
été donné à plufieurs princes. Les anciens
donnèrent d'abord cette épithete à leurs
rois , pour quelques bienfaits infignes , par
lefquels ces princes avoient marqué ou leur
bienveillance pour leurs fujets , ou leur
refpe6t envers les dieux. Dans la fuite ,
quelques princes prirent ce furnom , pour
fe diftinguer des autres princes qui por-
toient le même nom qu'eux. Les rois d'Egyp-
te , par exemple , fuccelleur d'Alexandre ,
ont prefque tous porté le nom de l'tolomce;
ce fut le troifieme d'entre eux qui prit le
furnom A'éverge:e,po\M fc diftinguer de fou
père & de fon aïeul : & cela , dit S. Jérô
me, parce qu'ayant fait une expédition mi-
litaire dans la Babylonie, il reprit les vafés
que Cambyfe avoir autrefois tn'evés des
temples d'Egypte , & les leur rendit. Son
petit fils Ptolomée PKifcon , prince cruel &
méchant , aftcfta auffi le lurnom d'ever-
gete; mais fes fiijets lui donnèrent le nom
dt kakergetcs ; c'cft-à-dire , malfaifant. (Quel-
ques rois de Syrie , des empereurs romains
après la conquête de l'Egypte , & quelques
fouverains, ont été auffi furnommés éver-
geies , comme il paroît par des médailles
&C d'autres monumens. Charniers. ( G )
EVERRER , V. a&. ( Chajfe. ) opération
qu'on fait aux jeunes chiens , quand ils
ont un peu plus d'un mois ; elle confiue
à leur tirer le filet ou nerf de la langue ,
qu'on nomme ver', d'où l'on a fait éverrer.
On prétend que cette opération fait pren-
dre corps au chien , & l'empêche de mor-
dre.
(*) EVERRîATEUR, f mafc. (Hijl.
anc.) c'eft ainh qu'on appelloit l'héritier
d'un homme mort ; ce nom lui venoit d'une
eéiémonic qu'il ctoit oblige de faire après
EVE
les funérailles, & qui confiftoit à balayer la
mailon , s'il ne vouloir pas y être tourmenté
par des lémures. Ce balayement religieux
s'appelloit everr(s , mot compofé de la pré-
polition ex & du verbe verro , je balaye.
EVESHAM , ( Géog. mod. ) ville du Wor-
ceftershire , en Angleterre. Elle eft fituéefur
l'Avon, Long. i^.^§. lat. ^z, 10.
EUE
EUFRAISE, eufrafua, f. f . {HiJl. nat.
bot. ) genre de plantes à fleur raonopétale
& anomale , qui préfente une forte de
muHe à deux lèvres , celle du delfus tfl;
relevée & découpée en plufieurs parties ,
celle du dellous eft divifée en trois parties
dont chacune eft recoupée en deux autres.
Il fort du calice un piftil qui entre comme
un clou dans la partie poftérieurc de la
fleur : ce piftil devient dans la fuite un fruit
ou une coque oblongue qui eft partagée
en deux loges , & qui renferme de petites
femenccs. Tournefort , înf;. ni herb. Voy:-^^
Plante. ( J)
EuFRAisE, ( Afar. méd.) cette plante
pafTe pour un bon ophthalmique : mais on
peut i'.vancer que c'eft une vertu riellemcn:
imag'niirc ; & on peut l'avancer avec
d'autant plus d'aflurance , que c'eft à l'eau
qu'on diftille de cette plante , que cette
propriété eft attribuée ; car i'eufraife étaiic
abfolument inodore , l'eau d'eujraife eft de
l'eau exadrement privée de toute vertu
médicinale parriculieie. Fbye^EAu distil-
lées.
Quelques pei fonnes fe fervent de Veufaife
féchée en guife de tabac , pour fumer d-ns
les maladies des yeux. Mais il eft encore fort
clair que l'excrétion de la falivc , excitée par
la fumée de Veufraife , ne fait pas une éva-
cuation plus falutaire que ii elle étoir exci-
tée par la fumée de toute autre plante ino-
dorc. L'eau d'eufraife entre dans le col-
lyre roborant de la pharmacopée de Paris.
E U G
EUGENE mon: o\i cap , ( Gèogr.) V.ea
d'Hongrie dans le diftrid de Dudc , furie
) Danube , vis-u-vis l'ile de Cfcpel : il porte
E U G
le nom de l'inuftre prince Eugène de Savoie ,
qui en aimoic bc;.iiicoup le lejour , qui fe
plaifoit à l'embtllir , & qui en fiifoic
alTidumenc cultiver le fo!. L'on y voie un
cli.ue.iu , un parc , des mai fons de payfans,
de belles vignes, de bons champs & de gras
pâturages , dans un circuic de deux lieues.
iD.G.)
EUGÉNIA ,(J.{ Hi/l. nat. bot. ) genre
de plante à fltiir en rofe , compofce ordi-
nairement de quatre pétales faits en forme
de capuchon , & difpofiis en rond. Le cah-
ce devient un fruit mou , ou une baie ar-
rondie un peu iillonnée &C furmontée d'une
couronne. Ce fruit renferme un noyau un
peu épais. Nova pl.inrnrum americanarum
ger.cra , par M. Michcli. ( J)
E V I
EVLAN, (G%. mod.) ville du duché
de Chablais , en Savoie } elle eft fituce
fur le lac de Genève. Long. Z4. i£. lat.
46. Z3.
EVICTION, f. f. iJurifpr.) fignifioit
la même chofe que garantie , ou aciiun en
garantie : on confondoit aind cette adtion ,
avec la caufe qui la produit parmi nous.
L'éi'iclion eft la privation qu'un pofTelIenr
fxiftre de la chofè dont il étoit en polkf-
Jion , foit à titre de vente , donation , legs,
fucctiTion , ou autrement.
L'éviclion a lieu pour des meubles , lorl-
qu'ils font revendiqués par le propriétaire ,
^c peur des im.meubles, foit que le proprié-
ti're les reclame , ou que le détenteur Uni
afligné en déclaration d'hypothèque, par
un créancier hypothécaire.
Il n'y a à'â'riclion proprement dite , que
celle qui eft faite par autorité de juftice ;
toute autre déponèlTîon n'cll: qu'un trouble
de fait , & non une véritable éviâion.
On peut néanmoins être aulFi évincé
d'une acquifition par retrait féodal , ligna-
ger , ou conventionn.el , & fi le retrait eft
bien fondé , y acquiefcer, fans attendre une
Condamnatio!).
Un bénéficier peut auffi être évincé par
dévolut.
Si celui qui eft évincé a un garant, il doit
lui dénoncer Yevicîion \ &dans ce cas , Y évic-
tion peut donner lieu à la rcftitution du prix.
E V I 411
& à des dommages & intéiêts. ^oye[ Dé-
nonciation, £' GAtVANTIr.
C'eft une maxime en droit, que quem
de eviclione tcnet aclio , eu/tdcm agentem re~
pellit exceptio.
La plupart des autres textes de droit qui
parlent de Véviàton , doiv'ent être appliqués
à la garantie ou atftion en g irant e. Voye'^
au digefte de eviâiomlius. {A)
EVIDENCE , f. f. ( Métnphyfi^ ) le ter-
me évidence /Ignifie une Ccrtitu'.c fi claire &
Ç\ manifefte par elle-même, que l'efprit ne
peut s'y refufer.
Il y a deux fortes de certitude ; la foi, &;
{'évidence.
La foi nous apprend des vérités qui ne
peuvent être connues par les lumières de la
raifon. \Jévidence eft bornée aux connoif-
fanccs naturelles.
Cependant la foi eft toujours réunie à
{'évidence ; car fans ['évidence , nous ne
pourrions reconnoîrre aucun motif de
crédibilité , &c par conféquent nous ne
pourrions être inftruits des vérités furnatu-
relles,
La foi nous eft enfeignée par la voie des
(ens i fes dogmes ne peuvent être expofés
que par l'entrcmiie des connoillances natu-
relles. On ne pourroic avoir aucune idée
des myfteres de la foi les plus ineffables ,
(aws les idées même des objets fenfibles ; on
ne pourroit pas même, fans l'évidence com-
prendre ce que c'eft que certitude , ce que
c'eft que vérité , ni ce que c'eft que {a. foi :
car fans les lumières de la raifon , les
vérités révélées feroi^nt inacccffibles aux
hommes.
h'évidence n'eft pas dans la foi ; mais les
vérités que la foi nous cnfcignc font infépa-
rables des connoillances évidentes. Ainfi
la foi ne peut contrarier la certitude de
{'évidence; & {'évidence , bornée aux con-
noiflances naturelles , ne peut contrarier la
foi.
L'évidence refaite néceftairement de l'ob-
fervation intime de nos propres fenfa-
t:or.s : comme on le verra par le détail fui-
vant.
Ainfi j'entends par évidence , une certitu-
de à laquelle il nous ejï autjr impofibk de
nous rejujir , qu'il nous eji impojjlhle d'igno-
i^rnosjen/atio/isaciuelk^. Cette définition
Fffi
412 E V I
fuffit pour appercevoir que le pyrrhonifme
général cft de mauvaife foi.
Les fenfations féparées ou diftindtes de
l'image des objets , font purement afFedi-
ves ; telles font les odeurs , le fon , les fa-
veurs , la chaleur, le froid, leplaifir, la
douleur, la lumière , les couleurs, le fenti-
ment de réfiftence , 6'c. Celles qui font re-
préfentatives des objets , nous font apper-
cevoir la grandeur de ces objets , leur for-
me , leur figure , leur mouvement , & leur
lepos ; elles font toujours réunies à quel-
ques fenfations affedives , furtout à la lu-
mière , aux couleurs , à la réliftance , &
fouvent à des fcntimcns d'attrait ou d'aver-
^on , qui nous les rendent agréables ou dé-
fagrcables. De plus , fi on examine rigou-
reufement la nature des fenfations repré-
fentatives , on appercevra qu'elles ne font
elles-mêmes que des fenfations affedives
réunies & ordonnées de manière qu'elles
forment des fenfations de continuité ou
ci étendue. En etfet , ce font les fenfations
fimukanées de lumière, de couleurs, de
réfill;ance, qui produifent l'idée détendue.
Lorfquc j'apperçois, par exemple, une éten-
due de lumière par une fenêtre , cette idée
n'ell: autre chofe que les fenfations afFeâri-
ves que me caufent chacun en particulier ,
Se tous enfemble en même temps, les
rayons de lumière qui paffent par cette
fenêtre. Il en eft de même lorfque j'apper-
çois l'étendue des corps rouges , blancs ,
jaunes , bleus , &c. car ces idées repréfen-
tatives ne font produites aulTî que par les
fenfations aftedives que me caufent enfem-
ble les rayons colorés de lumière que ces
corps réfléchiiïent. Si j'applique ma main
fur un corps dur , j'aurai des fenfations de
léfiftance qui répondront à toutes les par-
ties de ma main , & qui pareillement com-
pofent enfemble une fenfation repréfentati-
vc d'étendue. Ainfi les idées repréfentati-
ves d'étendue ne font compofées que de
fenfations affedlives de lumière ou de cou-
leurs , ou de rélîltance , ralfemblées inti-
mement , & (tnties les unes comme hors
des autr:s, de manière qu'elles fcmblent
former une forte de continuité qui produit
l'idée rcprcfentauve d'étendue , quoique
cette idée elle-même ne foit pas réellement
étendue. En effet, il n'eft pas nccefl'aire que
E V I
les fenfationsqui la forment foient étenduej;
il fuftît qu'elles foient fenries chacune en
particulier diftinftement, & conjointement
toutes enfemble dans un ordre de conti-
nuité.
Nous connoilTons nos fenfations en elles-
mêmes, parce qu'elles lont des afFetftions de
nous-mêmes , des affcélions qui ne font au-
tre chofe que fentir. Ainfi nous devons
appercevoir que fentir n'eft pas la même
chofe qu'une étendue réelle , telle que celle
qui nous eft indiquée hors de nous par nos
fenfations ; car on conçoit aifez la différen-
ce qu'il y a entre fentir & étendue réelle. Il
n'eft donc pas de la nature du mode feniitif
d'étendue , d'être réellement étendu : c'eft
pourquoi l'idée que j'ai de l'étendue d'une
chambre repréfentée dans un miroir , &
l'idée que j'ai de l'étendue d'une chambre
réelle, me repréfentent également de l'éten-
due ; parce que dans l'une & l'autre de ces
deux idées, il n'y a également que l'appa-
rence de l'étendue. Aulli les idées reprélen-
tativesdc l'étendue nous en impofcnt-elles
parfaitement dans le rêve , dans le délire ,
&x. Ainiî cette apparence d'étendue doit
être diftinguée de toute étendue réelle ,
c'eft-à-dire , de l'étendue des objets qu'elle
nous repréfentc. D'où il faut conclure aulTî
que nous ne voyons point ces objets en eux-
mêmes, &c que nous n'appercevons jamais
que nos idées ou fenfations.
De l'idée repréfentative d'étendue , re-
fultent celles de figure , de grandeur , de
forme , de ficuation, de lieu, de proximité,
d'cloignement, de mefure , de nombre , de
mouvemcns , de repos , de fucccilïon de
temps, de permanences, de changemens,
de rapports , &c. ^^oye^ Sensations.
Nous reconnoîtrons que ces deux fortes
de fenfations , je veux dire , les fenfations
fimplemenc affcélives , Se les lenfations re-
préfentatives, forment routes nos afteélions,
toutes nos peu fées , & toutes nos connoif-
fances naturelles & évidentes.
Nous ne nous arrêterons pas aux axiomes
auxquels on a recours dans les écoles , pour
prouver la certitude de i'('yidi:nL-e ; tels lont
ceux-ci : on e/i ajj'uré que le tout efi plus grand
que fa pallie; que deux S,' deux font quatre;
E V I
^uil efl impojfihk qu'une chofe fait S' ne fort
pas en même temps. Ces axiomes font plutôt
des réfultus que Jcs connoillaiices primiti-
ves ; & ils ne lont certains que parce qu'ils
ont un rapport iiéceiTaire avec d'autres vé-
rités évidentes par elles-mêmes.
Connoijfanccs naturelles primitives , évide'^-
tes. Il cit certain, i°. que nos fenfations
nous indiquent nécefTairement un être en
nous qui a la propriété de fentir ; car il tft
évident que nos fenfations ne peuvent
exifter que dans un fujet qui a la propriété
de feniir.
1°. Que la propriété de fentir efl: une pro-
priété palTive , par laquelle notre être fenfi-
tiffe fcnt lui-même , &c par laquelle il eft
alfuré de fon exilience , lorfqu'il cft affefté
de fenfations,
3°. Que cette propriété paflîve eft radica-
le & eircnticUe à 1 être (èndtif : car rigou-
rcufement parlant , c'eft lui-même qui eft
cette propriété , puifque c'cft lui-même qui
fe lent , lorlqu'il eft aftccté de fenfations. Or
il ne peut pas fe fentir toi-même , qu'd ne
foit lui-même celui qui peut fe fentir : ainfi
fa propriété de fe fentir eft radicalement &
clîentiellement inféparable de lui n'étant
pas lui-même fcparable de foi-même. De
plus , un fujet ne peut recevoir immédiate-
ment aucune forme , aucun accident ,
qu'autant qu'il en-eft fufceptible par fon
clîence. Ainli des formes ou des afteclions
accidentelles ne peuvent ajouter à l'être
fcnfitif que des qualités accidentelles qu'on
ne peut confondre avec lui-même , c'eft-à-
dire , avec fa propriété de fentir , par la-
quelle il eft fenlible ou fenfîtif par ef-
fence.
Cette propriété ne peut donc pas réfulter
de l'organifation du corps , comme l'ont
prétendu quelques phdoloplies: l'organifa-
tion n'eft pas un état primitif de la matière;
Car elle ne confifte que dans des formes que
la matière peut recevoir. L'organifation
du corps n'eft donc pas le principe conf^i-
tutit de la cnpacité palTîve de recevoir des
fenfations. Il eft feulement vrai que dans
l'ordre phylique nous recevons toutes nos
fenfations par l'entremife de l'organiiation
de notre corps , r'eft-à-dire , par l'entre-
iiiilc du méchanifme des fens & de la mé-
E V I 415
moire , qui font les caufès conditionnelles
des fenfations des animaux ; mais il ne faut
pas confondre les caufés , ni les formes acci-
dentelles , avec les propriétés pafTivcs radi-
cales des êtres.
4°. Qiie les fenfations ne font point efTcn-
tielles à l'être fenfîtif, parce qu'elles varient,
qu'elles fe fuccedent , qu'elles diminuent ,
qu'elles augmentent , qu'elles cefTent: or ce
qui eft féparable d'un être n'eft point efTcn-
tiel à cet être.
5°. Que les fenfations font les formes ou
les aftc étions dont l'être fenfîtif eft fufcepti-
ble par fa faculté de fentir ; car cette pro-
priété n'eft que la capacité de recevoir des
fenfations.
6°. Qie les fenfations n'exiftent dans l'être
fenfîtif qu'autant qu'elles l'aiftétent actuel-
lement ëc fenliblement ; parce qu'il tft de
l'elfence des fenfations d'atïedter fenfîble-
ment l'être fenfîtif.
7°. Qu'il n'y a que nos fenfations qui nous
foient connues en elles-mêmes ; que toutes
les autres connoiftances que nous pouvons
acquérir avec évidence ne nous font procu-
rées que par indication, c'eft-à-dire, par
les rapports elf;ntiels ou par les rapports
néceffaires qu'il y a entre nos fenfations &c
notre être fenfîtif, entre les fenfations & les
objets de nos fenfations , &c entre les caufes
ik. les effets ; car nous ne connoifTons notre
être fenfîtif, que parce qu'il nous eft indi-
qué par nos fenfations. Nous ne connoilfons
les caufes de nos fenfations , que parce que
nos fenfations nous affurent qu'elles font
produites par ces caufes : nous ne connoif-
lons les objets de nos fenfations que parce
qu'ils nous (ont repréfcntés par nos fenfa-
tions. Deux fortes de rapports conftituenc
l'évidence indicative ; les rapports clllntiels,
& les rapports néceftaires. Les rapports
effcntiels confîftent dans les liaifons des
chofes qui ne peuvent exifter les unes fans
les autres : tel eft le rapport qu'il y a entre
les effets & leurs caufes, par exemple,
entre le mouvement & la caufe motrice,
& pareillement auffi entre le mouvement
&c le m.obile. Mais ces rapports effentiels
ne fe trouvent pas entre les caufes & les
effets, ni entre les fujets fur lefquels s'opc-
rtnt les effets , & ces effets mêmes , ni
entre le fujet & la caufe ; car le mobile
414 EVI
peut n'êrre pas mu , & la caufe motrice
peur aulTî ne pas mouvoir : mais quand le
mouvement exifte , il établit au moins alors
un -rapport néceflaire entre les uns Se les
autres : Se ce rapport nécefTaire forme ainll
une évidence à laquelle nous ne pouvons nous
refuier. ^
8°. Que nous ne connoi lions avec évidence
les êtres qui nous font indiqués par nos fen-
fations que par leurs propriétés , qui ont
une liaifon ellentielle ou néccllaire avec nos
fcnfations; parce que ne connoilTanc que
nos fcnfations en elles-mêmes , & que les
êtres qui nous font indiqués par nos fcnfa-
tions n'étant pas eux-mêmes nos fcnfations,
nous ne pouvons pas connoître ces êtres en
eux-mêmes.
9°. Qiie la fimple faculté paflîve par
laquelle l'être fenfitif peut être affedé de
fcnfations n'tft point elle-même la propriété
adivc , ou la caufe qui lui produit les fcnfa-
tions dont il eft afFedé. Cur une propriété
purement paflîve n'efl: pas une propriété
adive.
1 0°. Qu'en effet , l'être fenfitif ne peut
fe caufer à lui-même aucune fenlation : il ne
peut, par exemple, quand il fent du froid, fe
caufer par lui-même la fenfationde chaleur.
11°. Qiic l'être fenfitif a des fcnfations
défai'réables dont il ne peut fe délivrer 5 qu'il
voudroit en avoir d'agréables qu'd ne peur_
fe procurer. Il n'cft donc que le fujct paflîf
de fcs fcnfations.
1 1°. Que l'être fenfitif ne pouvant fe
caufer à lui-même fes fcnfations , elles lui
lont caufées par une puilfance qui agit fiir
lui, & quieft réellement diftinde de lui-
même.
15. Que l'être fenfitif eft dépendant de
la puiflance qui agit fur lui , & qu'il lui eft
alfujetti.
14°. Qu'il n'y a nulle intelligence, ou
nulle combinaifbn d'idées du prcicnt &c du
paflé, fans la mémoire ; parce que fans la
mémoire , l'être fenfitif n'auroit que la
fenfacion de l'inftant préfent , &c ne pour-
roit réunir à cette fcnfuion aucune de
celles qu'il a déjà reçues. Ainfi nulle liaifon,
nul rapport mucuel , nulle combinaifon
d'id'^esou fenlationsrcmémoratives , &< par
couf^-lii'-'^t nulle apprchenhon confécutivc.
E V I
ou nulle fondion intelleduelle de l'être feivl
fitif.
15°. Que l'être (ênfitif ne tire point de
lui les idées ou les fcnfations dont il fe
reflbuvient; parce qu'il n'exifte en lui d'au-
tres fcnfations que celles dont il eft aftedé
aduellem.ent Se fenfiblement. Ainfi on ne
peut , dans l'ordre naturel , attribuer à
l'être fenlitif des idées permanentes, habi-
tuelles , innées, qui puifiént fubhfter dans
l'oubli aduel de ces idées ; car l'oubli d'une
idée ou fenfacion eft le néant de cette même
fenfation ; & le reiïouvcnir d'une fenfation
eft la réprodudion de cette fenfation : ce qui
indique néceft tirenicnt une caufe adive qui
reproduit les fcnfations dans l'exercice delà
mémoire.
1 6°. Que nous éprouvons que les objets
que nous appelions corps ou matières font
eux-mêmes dans l'ordre naturel les caufcs
I phyfiques de toutes les différentes idées re-
préfentatives , de différences atfedions , du
bonheur, du malheur , des volontés, dcJ
palïïons , des déterminatiotis de notre être
Itnfitif , & que ces objets nous inftruifent
Se nous affedent (elon des loix certaines
& conftantes. Ces mêmes objets, quels
qu'ils ioicnt , & ces loix font donc dans
l'ordre naturel des caufes ncceflaires de nos
(cntimeus, de nos connoifl'ances, Se de nos
volontés.
17°. Que l'être fenfitif ne peut par lui-
ni'^me ni danger, ni diminuer, ni augmen-
ter , ni défigurer les fcnfations qu'il reçoit
par l'ufagc aduel des fens.
18°. Qie les Icnfitions repréfèntatives
que l'ame reçoit par l'ufage des (ens, ont
cntr'elles des différences cllenticlles &
conftantes qui nous inftru'.fenc furemcnt de
la (livcrfité des objets qu'elles repréfcnteiit,
La fenfation reprélentative d'un cercle, par
excimplc, diftcre enenticllement. Se toujours
de la même manière, delà fenfation reprc-
fcntative d'un quatre.
19°. Que l'êcrc fenfitif diftingue les fcn-
fations les unes des autres , par les diffé-
rences que les fenf;tions elles-mêmes ont
eiitr'elk's. Ainfi le difceniement , ou la
fondion par laquelle l'ame diftingue les
fenfations Se les objets repr? fentes par les
fcnfations , s'exécute par les fcnfations
i mêmes.
E V I
lo*. Que le jugement s'opère delà même '
manière ; car juger n'cft autre choie qii'ap-
percevoir ik rcconnoître les rapports, les
quantités, & les qualités ou façons detrc
des objets: or ces attributs font partie des
fenfations repréfentatives des objets ; une
porte fermée fait naître la fenfationd'nn ru-
ban blanc ; un grand bSton tk un petit bâ-
ton vus er.fimble, font naître la feniation
du grand bacon , & la feniation du petit
bâton : ainli juger qu'une porte cft fermée ,
qu'un ruban eft blanc , qu'un bâton eft plus
grand qu'un autre , n'tll: au:rc choie que
fentir ou apperccvoir ces fenlations telles
qu'elles font. Il d\ donc évident que ce lont
les fenlations elles-mêmes qui produifent les
jugemens. Ce qu'on appelle confé^uences
dans une fuite de jugemens, n'cft que l'ac-
cord des fenfations, apperçu relativement
à ces jugemens. Ainli toutes ces appréhen-
dons ou apperceptions ne font que des fonc-
tions purement palTives de l'être fenfitif. Il
paroit cependant que les affirmations, les
négociations & les argumentations mar-
quent de Tacliion dans l'cfprit: mais c'ell
notre langage , & fur- tout les faillies no-
tions puilées dans la logique Icholaftique ,
qui nous en impofenr. La logique des collè-
ges a encore d'autre défauts , èv fur-tout
celui d'appicnire à convaincre par la forme
des fyllog'fir.cs. Une bonne log-.que ne doit
être que l'art de taire appercevoir dans les
fenlations, ce que Ton wuc apprendre aux
autres; mais ordinairement le fyliogifme
n'eft pas , pcyr cet efîtt , k forme de dif-
cours la plus convenable. Tout l'arc de la
vraie logique ne conlilte donc qu'à rappe-
ler les fenlations necclîairts , à réveiller èc à
diriger l'attention , pour faire découvrir
dans ces fenfation? ce qu'on veut y faire
appercevoir. V. Sensations , S. Déduc-
tion.
ii°. Qji'il l'/y a pas de fenfations repré-
fentativts lim.ples ; par exem.ple , la fenia-
tion d'un arbie renferme celle du tronc , des
branches , des feuilles, des fleurs : & celles-
ci renferment les fenfations d'étendue, de
couleurs , de fij^ures , &c.
^1°. Q'je de plus , les Icnfations ont en-
tx'e'ics par la mémoire une multitude de
rapports que l'ame appcrjoic, qui lient di-
E V I 4Î5
verfemcnt toutes les fenfations les unes aux
autres, & qui , dans l'exercice de la mé-
moire , les rappellent à lame, félon l'ordre
dans lequel elles l'intéreHént aétuellement ;
ce qui règle fes recherches , fes examens ,
& fes jugemens. Il eft certain que la remé-
moration fuivie & volontaire dépend de la
liaifon intime que les idées ont entr'elles ,
& que cette appréhenfion confecutlve eft
luldtée & dirigée par l'intérêt même que
nous caufcnt les fenfations ; car c'cft l'inté-
rêt qui rend l'efprit attentif aux liailons par
lelquelles il palle d'une fenfation à une au-
tre. S: l'idée aéluclle d'un fuiîlintéreire re-
lativement à la chafl'e, l'efprit eft aulîl tôt
atl-edlé de l'idée de la chafii ; fi elle l'inté-
relTe relativcm.ent à la guerre, il fera affecté
de l'idée de la guerre, & ne penfera pas à la
challe. Si l'idée de la guerre l'intérelTe rela-
tivement à un ami qui a été tué à la guerre,
il penfeaufïi-tot à cet ami. Si l'idée de Ion
ami l'intérefte relativement à un bienfait
qu'il en a reçu, il fera dans l'inftant aflcCté
de l'idée de ce bienfait , &c. Ainli chaque
leiifation en rappelle une autre , par les
rapports qu'elles ont enfemble,, & par l'in-
térêt qu'elles reveillent; enfoite que l'in-
duetion & l'ordre de la remémoration
ne font que les effets des fenfations mê-
mes.
La contemplation ou l'examen n'cft
qu'une remémoration volontaire , dirigée
par quelque doute intéreftant ; alors l'efprit
ne peut fc décider qu'après avoir acquis par
les différentes fen&tions qui lui font rap-
pellécs , les connoifl'ances dont il a befoin
pour s'inftruire , ou pour apperccvoir le
réfultat ou la totalité des avantages ou des
defavantages , qui peuvent, dans les délibé-
rations , le décider ou le déterminer à ac-
quiefcer ou a le défiftcr.
La conception ou la combinaifôn des
idées ou fenlations qui affeélent en même
tem.ps l'efçrit , &: qui ne l'intéreftent allez
pour fixer fon attention aux unes & aux
autres, n'eft qu'une remémoration fimul-
tanée , & une contemplation fouienue par
l'intérêt que ces fenlations lui caufcnt. Alors
toutes ces fenfations concourent , par les
rapports intérelTans & inftruétifs que !'eU
prit y apperçoit j à former un j'ig'.mcn: ou
4«6 E V î
unedécifion ; mais cetce décifion fera plus
ou moins jiiftc , ftlon que l'efprit a (aifi ou
appcrçu plus ou moins exactement l'accord
& le produit qui doivent rcfulter de ces
fenfations. L'être lenfitif n'a donc encore ,
dans tous ces exercices , d'autre fon6lion
que celle de découvrir dans fes fenfations ,
ce que les fenfations qui l'intérellent lui font
elles-mêmes appercevoir ou fentir exadie-
ment &c diftincStement.
On a de la peine à comprendre com-
ment le méclianif me corporel de la mémoire
fait renaître régulièrement à l'ame, félon
fon attention , les fenfations par lefquelles
elle exerce dans la remémoration fes fonc-
tions intelleéluelles. Cependant ce mécha-
rifme de la mémoire peut devenir intelligi-
ble , en le comparant à celui de la vifion.
Les rayons de lumière qui frappent l'œil en
même temps, peuvent faire voir d'un même
regard une multitude innombrable d'objets,
quoique l'ame n'apperçoive diftmttement ,
dans chaque inftant , que ceux qui fixent
fon attention. Mais auflî-tot qu'elle eft
déterminée de même par feu attention vers
d'autres objets , elle les apperçoit diftinc-
tement , & fe détache de ceux qu'elle
voyoit auparavant. Ainfî , de tous les rayons
de lumière qui partent des objets , & qui
fe réinifTent fur l'œil , il n'y en a que
fort peu qui ayent leur effet par rapport
à la viiîon aiStuelle ; mais comme ils font
tous également en attion fur l'œil , ils
peuvent tous également fe prêter dans l'inf-
tant à l'attention de l'ame , Se lui pro-
curer diflinftemcnt des fenfations qu'elle
n'avoit pas, ou qu'elle n'avoir que con-
fufément auparavant. Les radiations des
efprits animaux établies parl'ufage des fcns
dans les nerfs , & qui forment un confluent
au fîege de l'ame où elles font toujours en
adion , peuvent de même procurer à l'ame ,
félon fon attention , toutes les fenfations
qu'elle reçoit , ou cnfemble , ou fuccef-
fivement dans l'exercice de la remémora-
tion.
i5°. Que les fenfations fucceffives que
nous pouvons recevoir par l'ufage des fens
& de la mémoire fe correfpondent ou fe
réunilfent les unes aux autres , conformé-
ment à la repréfcntation des objets corpo-
rçlï ^u'eliçs nou? indiquent. Si j'ai unp
E V I
fenfation repréfentative d'un morceau de
glace , je fuis alfuré que à je touche cette
glace, j'aurai une fenfation de dureté ou de
réfiftance, & une fenfation de froid.
2-4°. Qu'il y a entre les fenfations & les
objets, & entre les fenfations mêmes,
des rapports certains & conlrans qui nous
inltruifent fûrement des rapports que les
objets ont entr'eux , & des rapports qu'il
y a entre ces objets & nous ; que la fenfa-
tion , par exemple , que nous avons d'un
corps en mouvement , change continuelle-
ment de relation à l'égard des fenfations
que nous avons aufTî des corps qui envi-
ronnent ce corps qui eft en mouvement ,
&c que par fon mouvement , ce même
corps produit dans les autres corps des
etîets conformes aux fenfations que nous
avons de ces corps; c'eft-à-dire , que nous
fommes affurés par l'expérience que les
corps agillent les uns fur les autres, con-
formément aux fenfations que nous avons
de leur grofieur , de leur figure , de leur
pefanteur , de leur confiflance , de leur
foupleiîc , de leur rigidité , de leur proxi-
mité , ou de leur éloignement , de la vitedè
& de la diredlion de leur mouvement ;
qu'un corps mou , par exemple , cédera à
l'aition d'un corps dur & fort pefant , qui
appuyera fur lui ; qu'un corps mou rapide-
ment calVera un corps fragile qu'il rencon-
trera ; qu'un corps dur & aigu percera uii
corps tendre contre lequel il fera pouffe
fortement ; qu'un corps chaud me caufera
une fenfation de chaleur , &c. Enforte qu'il
y a une correfpondance certaine entre les
corps & les fenfations qu'ils nous procu-
rent , entre nos fenfations & les divers
ertets que les corps peuvent opérer les uns
fur les autres , & entre les fenfations pré-
fentes de les fenfations qui peuvent naître
en nous par tous les difîérens mouvemcns
&: les ditfcrens efîets des corps : d'où ré-
fuhe une évidence ou une certitude de con-
noifîances à laquelle nous ne pouvons nous
refufcr, & par laquelle nous (omnies con-
tinuellement inftruits des fenfations agréa-
bles que nous pouvons nous procurer , 8c
des fenfations dcfagréables que nous vou-
lons éviter. C'eft dans cette correfpondance
que conliflent , dans l'ordre naturel , les
règles de notre conduite , nos intérêts ,
tiocrc
E V I
notre fciencc, notre bonlaeur , notre mal-
heur , «&les motifs qui forment &: dirigent
nos volontés.
25'^. Qiie nous diftinguons les fcnfations
que nous retenons , uu qui nous font rap- i
pellces par la mémoire , de celles que nous
recevons par Tulage aduel des lliis. C'eft
par la diltincbon de ces deux fortes de
iènlations que nous jugeons de la prélence
des objets qui aftettcnt aftuellement nos
fens , & de i'.ibitnce de ceux qui nous (ont
rappelles par la mémoire. Ces deux fortes
de fenfations nous afiedtent diticremment ,
lorlque les kns & la mémoire agiflent
enfemb'.e régulièrement pendant la veille;
ainti nous les dilcinguons lùrement par la
manière dont les unes & les autres nous
atïcCleiu en même-temps. Mais pendant le
fommeil , lorlque nous rêvons , nous ne
recevons des fenfations que par la mémoire
dont l'exercice ell: en grande partie inter-
cepté , Se nous n'avons pas , par l'ufage
adîuel des fens , de fenfations oppofées à
celles que nous recevons par la mémoire ;
celles-ci fixent toute l'attention de l'efprit ,
& le tiennent dans l'iilufion , de manière
qu'il croit appercevoir les objets mêmes de
fes fenfations.
16". Que dans le concours de l'exercice
des fens & de l'exercice de la mémoire
nous fommes atfeétés par les fenfations que
Jious retenons , ou qui nous font rapellées
par la mémoire , de manière que nous re-
connoiflons que nous avons déjà eu ces
fenfiitions ; enlorte qu'elles nous inflruifent
du palle , qu'elles nous indiquent l'avenir,
qu'elles nous font appercevoir Li durée
fucccfTîve de notre exif^ence & celle des
objets de nos fenfations , & qu'elles nous
alfurent que nous les avons toutes reçues
pfimidvemcnt p:ir l'ufage des fens & par
l'entremife des objets qu'elles nous rappel-
lent , & qui ont agi fur nos fens. En effet ,
nous éprouvons continuellement , par l'e-
xercice alternatif des fens & de la mémoi-
re furies mêmes objets , que la mémoire ne
nous trompe pas , lorfquc nous nous rel-
louvenons que ces objets nous font connus
par la voie des fens. La mémoire , par
exemple , me rappelle fréquemment le rcf-
fouvenir du lit qui efl dans ma chambre ,
Ci ce rellouvenir eft véïifié par l'ufage de ;
Tome XI II.
E V I 417
mes (êns toutes les fois que j'entre dans
cette chambre. Mes fens m'aflr.rent donc
alors de la fidélité de ma mémoire , & il
n'y a réellement que l'exercice de mes fens
qui puificnt m'en afTurer : ainfî l'exercice
de nos fens cft le principe de toute ccrtitu-
ilc , &; le fondement de toutes nos conr.oiC-
fances. La certitude de la m.émoire dans la-
quelle confifte toute notre intelligence , ne
peut donc être prouvée que par l'exercice
des fens. Ainfi les caufes fenliblcsqui agif-
ftnt fur nos fens , & qui font les objets de
nos fenfations , font eux-mêmes les objets
de nos connoifTances & la fource de notre
intelligence , puifque ce font eux qui nous
procurent les fenfations par lefquelles nous
fommes allures de l'exiflence &; de la durée
de notre être fenfitif , & de l'évidence de nos
raifonnemens. En efïc;t, c'eft par la mémoi-
re que nous connoillons notre exiftence fuc-
ceflivc i & c'eft par le retour des fenl'iîions
que nous procurent les objets fenhbles , par
l'exercice adtuel des fens, que nous fom-
mes afiurés de la fidélité de notre mémoire.
Ces objets font donc la fource de toute
évidence.
17°. Que la mémoire ou la faculté qui
rappelle ou fait renaître les fenfations , n'ap-
partient pas eflentiellemtnt à l'être feniitif ;
que c'eft une faculté ou caufe corporelle Sc
conditionnelle , qui confifte dans l'organi-
fation des corps des animaux ; car la mé-
moire peut être troublée, affoibl'Çj ou abo-
lie par les maladies ou dérangemcns de ces
corps,
18°. Que l'intelligence de l'être fenfitif e(l
afTujettie aux différens états de perfedion ôC
d'imperfedtion de la mémoire.
29". Q^ie les rêves , les délires , la folie,
l'imbécillité , ne confîftent que dans l'exer-
cice imparfait de la mémoire. Un homme
couché à P.iris , qui rêve qu'il cft à Lyon ,
qu'il y voit la chapelle de Verfaillej, qu'il
parle au vicomte de Turenne , eft dans
l'oubli de beaucoup d'idées qui difTîperoient
fes erreurs : il ne fe reflouvient pas alors
qu'il s'eil couché le foir à Paris , qu'il efl
dans fon lit , qu'il cft privé de la lumière
du jour , que la chapelle de Verfiilles efl
fort éloignée de Lyon , que le vicoiiite de
Turenne eft mort , &c. Amfi fa mémoire
qui lui rappelle Lyon , la chapelle de Vct-
Ggg
4i8 E V I
failles , le vicomte de Turenne , eft alors en
partie en exerciffe Se en partie inrerceptée ;
mais à fon réveil , & auflî-toc que fa mé-
moire eft en plein exercice , il reconnoît
toutes les abfurdités de fon rêve.
Il en eft de même du délire & de la folie :
car ces étais de dérèglement des fondions
de l'cfprit , ne confiftent auflî que dans l'ab-
fènce ou privation d'idées intermédiaires
dont on ne fe reftouvient pas , ou qui ne
fonc pas rappellées régulièrement parle mé-
clianifmc de la mémoire. Dans la folie de
cet homme , qui fe croyoit le père éter-
nel , la mémoire ne lui rappelloit point ,
ou foiblement , les connoillances de (on
pcrc , de fa mère , de fon enfance , de fa
conftitution humaine , qui auroient pu pré-
venir ou diffiper une idée fi ablurde 6c fi
dominante , rappelléc fortement de fré-
quemment par la mémoire. Toute préven-
tion opiniâtre dépend de la même caufe ,
c'eft-à-(.!irc , d'un dérèglement ou d'une
imperfeifticn du méchanilmc de la mé-
moire , qui ne rappelle pas régulièrement ,
& avec une égale force , les idées qui doi-
vent concourir enfemble à produire Se à
régler nos jugemens. Les écarts de l'cfprit ,
dans les railonnemens de bonne foi , ne
confiftent encore que dans une privation
d'idées intermédiaires oubliées ou mécon-
jiues ; & alors nous ne nous appercevons
pas même que ces connoillances nous man-
quent.
I/imbécillicé dépend aufTi de la mémoi-
re, dont l'exercice tft /lient & fi défe<5^ueux,
que l'intelligence ne peut être que très-bor-
née & très-;i"nparf;iite.
Le dérèglement moral , qui eft une
cfptce de folie , réfulte d'un mèchanifme
à-peu-près ftmbUble : car lorfque le mè-
chanifme des ftns & de la mémoire caufe
quelques (enlations afFcûives, trop vives
éc trop dominantes , ces fenfations for-
ment des goûts , des paffions , des habitu-
des qui (ubjuguent la raifon ; on n'afpire
à d'autre bonheur qu'à celui de fatisfairc
des goûts dominans & des pafïîons preftan-
tes. Ceux qui ont le malheur d'être , par la
mauvaife organifition de leur corps , livrés
à des ftntimcns ou fcnlàtions atfe(5l:ives ,
trop vives ou habituelles , s'abandonneni
à des dcièglemens de conduite , que leur
E V I
raifon ni leur intérêt bien entendu ne peu-
vent réprimer. Leur intelligence n'eft uni-
quement occupée qu'à découvrir les ref-
fources Se les moyeus de fatisfaire leurs paf-
fions. Ainfi le dérèglement moral eft tou-
jours accompagné du dérèglement d'intel»
ligence.
^o°. Que la mémoire peut nous rappeller
les fenfations dans un autre ordre Se fous
d'autres formes que nous ne les avons re-
çues par l'ufage des fens.
Les peintres, qui repréfentent des tritons,
des nayadcs , des fphynx , des lynx , des
centaures , des fatyrcs , rèunillent , par la
mémoire , des parties de corps humain à
des parties de corps de bêtes , Se forment
des objets imaginaires. Les phyficicns , qui
entreprennent d'expliquer des phénomènes
dont le mèchanifme eft inconnu , fe repré-
fentent des enchaînem.ens de caufes & d'ef-
fets , dont ils fe forment des idées reprèfcn-
tativcs du méchanilrne de ces phénomènes,
lefquellcs n'ont pas plus de réalité que celles
des tritons Se des nayades.
31°. Que les fenfations changées ou va-
riées , ou diverfemenc combinées par la
mémoire , ne produitcnt que des idées fac-
tices, formées de fenfations que nous avons
dé';2 leçucs par l'ufage des (ens. C'cft pour-
quoi les poètes n'ont pu nous repréiènter
le tartare , les champs élilèes , les dieux ,
les puifl'ances infernales , &c. que fous des
formes corporelles , parce qu'il n'y a pas
d'autres idées reprèfentatives que celles
que nous avons reçues par la voie des Itns.
Il en eft de même de toutes les abftradions
morales : telles font les idées abftraites
factices de bonheur , de malheur , de paf-
fions en gc'ncral ; elles ne font compréhen-
(îbles que par le fecours des fenfations affec-
tives que nous avons éprouvées par l'ufage
des fcns. Il en eft de même encore de tou-
tes les abftradions relatives , morales , ou
phyfiques : telles font la bonté , la clé-
mence , la juftice , la cruauté , Tcftime ,
le mépris , l'averlion , l'amitié , la complai-
lance , la préférence , le plus , le moins , le
meilleur , le pire , 6v. car elles tiennent &
fe rapportent toutes à des objets corrélatifs
fenfibles. La bonté , par exemple , tient
à ceux qui font du bien , Se. fe rapporte
E V I
à ceux qui li."_ reçoivent , & aux bienfaits
qui font les effets de la bonté. Or , tous ces
objets ne font connus que par les lenfations,
<Sc c'cft de ces ob;cts même que fe tire l'idée
abftraite faftice de bonté en général. Les
idées fadices de projets , de conjectures ;
de probabilités , de moyens , de polTîbili-
tés , ne font er.core formées que d'objets
fcnfibles diverfement combinés , & dont
l'elprit ne peut pas toujours faifir fùrement
tous les rapports réels qu'ils ont encr'cux.
Il ert donc évident qu'il ne peut naître en
en nous aucunes idées f;id:ices qui ne
foient formées par le rclTouvenir des fenfa-
tions que nous avons reçues de la voie des
fens.
] 1°. Que ces idées fadiccs , produites vo-
lontairement ou involontairement , font la
fource de nos erreurs.
î î°. Qu'il n'y a que les fenfations , telles
que nous les recevons , ou que nous les
avons reçues par Tufige des fens , qui nous
inftruifent fùrement de la réalité &c des pro-
priétés des objets , qui nous procurent ou
qui nous ont procuré ces fenfations ; car il
n'y a qu'elles qui foient complettes , régu-
lières , immuables , Se ablolumcnt confor-
mes aux objets.
?4°. Que des idées innées ou des idées
que l'ame fe produiroit elle - même fans
l'aôtion d'aucune caufè extrinieque , ne
procureroient à Pâme aucune évidence de la
réalité d'aucun être , ou d'aucune caufe
diftinfte de l'ame même , parce que l'ame
feroit elle-même le fujet , la fource & la
caufe de ces idées , & qu'elle n'auroit, par
de telles idées , aucun rapport nécelTàire
avec aucun être diftincSt d'elle-même. Ces
idées feroient donc à cet égard defti-
tuées de toute évidence, Ainfî les idées
innées ou etrentiellcs qu'on a voulu attri-
buer aux parties de la matière , ne leur
procureroient aucune apperception d'objets
excrinfeques , ni aucunes connoiflances
réelles.
5 5°. Qu'une fenfation abftraite générale
n'eft que l'idée particulière d'un attribue
commun à plufieurs objets déjà connus par
des fenfations complettes & repréfentatives
de ces objets ; or, chiicun ayant cet attri-
E V I 4iy
but , qui leur eft commun par fimilirudc
ou refîèmblancc , on s'en forme une idée
faftice & (ommaire d'unité , quoiqu'il Ibic
réellement auffi multiple ou aurfi nom-
breux qu'il y a d'êtres à qui il appartient.
La blancheur de la neige, par exemple, n'elt
pas une feule blancheur ; car chaque par-
ticule de la neige a réellement & fépr.ré-
ment fa blancheur particulière. L'efprit,
qui ne peut être afFeété que de fort peu de
fenfations diflindes à la fois , réunit &
confond enfemblc les qualités qui l'affeétent
de la même manière , & fe forme de ces
qualités qui exiftent réellement & féparé-
ment dans chaque être une idée uniforme
&c générale. Ainfi l'efprit ne conçoit les
idées fommaires ou générales que pour
éviter un détail d'idées particuUercs donc
il ne peut pas être aifedé dillinélement en
même-temps. C'cft donc l'imperétion ou
la capacité trop bornée de l'efprit qui \z
force à avoir des idées générales abftraires.
Il en eft de même des idées abftraitcs par-
ticulières ou bornées à un feul objet. Un
homme fort attentif, par exemple , à la
faveur d'un fruit , cède de penfer dans cet
inftant à la figure , à la grolfeur , à la cou-
leur , & aux autres qualités de ce fruit , par-
ce que l'efprit ne peut être en même- temps
affedé attentivement que de rrès-pcu de
fenfations. Il n'y a que l'intelligence par
elfence, l'Etre fuprême , qui exclue les idées
abftraites , & qui réuniffe , dans chaque
inftant & toujours, les connoifTanc^s détail-
lées , diftindes & complettes de tous les
êtres réels & polTîbles , & toutes leurs dé-
pendances.
56°. Qu'on ne peut rien déduire (urc-
ment & avec évidence d'une fenfation
fommaireou générale, qu'autant qu'elle eft
réunie aux lenfations complertes , repréfen-
tatives & exadcs des objets auxquels elle
appartient. Par exemple , l'idée abftraite ,
générale, faélice de juftice , qui renferme
confufément les idées abftraites de jufti-
ce retributive , diftributive , attributive ,
arbitraire , &'c. n'établit aucune connoîf-
fauce précifc , d'oiî l'on puilfe détruire
cxaélement , liirement& évidemment d'au-
tres conno! (lances , qu'autant qu'elle fera
réduite aux lenfations claires & diftinét.'s
des objets auxquels cette idée abftratte
Ggg i
420 E VT
& relative doit fe rapporter. De-là il eft
facile ci'appercevoir le vice du fyftême
de Spinofa. Selon cet auteur , la fubftan-
ce eft ce qui exifte nccellairement ; exif-
ter néceffairement eft une idée abftraite ,
générale , factice , d'où il détruit fon fyftê-
me. La fubllance , autre idée abftraite ,
n'eft expiimée que par ces mots ce qui ,
lefquels ne ligniHcnt aucune fenfation clai-
re & d'ilbn6te : a'nfi tout ce qu'il établit
n'eft qu'un tiftu d'abftraftions générales ,
qui n'a aucun rappiirt exa6b & évident
avec Us ob|ets réels auxquels appartien-
nent les itlées abftraites , générales , fac-
tices de fubftance & d'exiftence nécef-
faire.
57°. Qiie nos fènfations nous font ap-
percevoir deux fortes de vérités , des vé-
rités réelles & des vérités purement fpé-
culatives ou idéales. Les vérités réelles font
celles qui conlifteiit dans les rapports exacts
& évidens qu'ont les objets réels avec
les fenfations qu'ils procurent. Les vérités
purement idéales font celles qui ne con-
îlftent que dans les rapports que les fen-
fations ont entre elles : telles font les vé-
rités métaphyliques , géométriques , logi-
ques , con;eélurales , qu'on déduit d'idées
faélices , ou d'idées abftraitcs générales.
Les rêves , le délire , la folie produifent
aulTi des vérités idéales , parce que dans
ces cas l'efprit n'eft décidé de même que
par les rapports que les fenfations , dont
il eft atfedé alors , ont entre elles. Un
homme qui en rêvant croit être dans
un bois où il voit un lion , eft faifi de la
peur , & fe détermine idéalement à mon-
ter fur un arbre pour fe mettre en fureté \
rcfprit de cet homme tire des conféquen-
ces juftes de fes fenfations , mais elles
n'en font pas moins fauffes , relativement
aux objets de ces mêmes fenfations. Les
vérités idéales ne coniiftent donc que dans
les rapports que les fenfations ont entre
elles , féparément des objets réelles de ces
fenfations.
Telles ^ont les vérités qui réfultent des
idées faâices , & celles qui réfultent des
idées fomma^res ou générales , lefquelles
ne font aulTi elles - mêmes que des idées
fadices. En cfftt , il eft évident que ces
E V I
idées fadtices n'ont aucun r.^pporc avec
les objets , tels qu'on les a appcrçus par
l'ufige des fens : ainfi les vérités qu'elles
préicntent ne peuvent nous inftiuire de
la réalité & des propriétés des objets , ni
des propriétés & des fondions de l'être
fendtif , qu'autant que nous laifiilons des
rapports réels tk exacts entre les objets
mêmes & nos fenfations , & entre nos
fcnlations & notre être lenlitif. La cer-
titude de nos connoiflances naturelles ne
confiftc donc que dans Vèvidence des vérités
réelk-s.
58". Que ce font les idées faélices &
les idées abftraites générales qui font mé-
connoître Vèvidence , & qui favorifent le
pyrrhonifme , parce que les hommes livrés
lans difcernement à des idées factices , à
des idées abftraites générales , & à des
idées telles qu'ils les ont reçues par l'ufage
des fens, tirent de ces diveifes idées des
conféquences qui contrarient ; d'où il fem-
ble qu'il n'y a aucune certitude dans nos
connoiftances. Alais tous ceux qui feront
alTujettis dans la dédudtion des vérités
réelles aux fenfations , telles qu'ils les ont
reçues par l'ufage des fens , conviendront
toujours de la certitude de ces vérités.
Une règle d'arrithmétique foumet décifive-
ment les hommes dans les difputes qu'ils
ont entr'eux fur leurs intérêts , parce
qu'alors leur calcul a un rapport exaél &
évident avec les objets réels qui les inté-
rellent. Les hommes ignorans & les bêtes
fe bornent ordinairement à des vérités réel-
les , parce que leurs fonctions fenluives
ne s'étendent guère au delà de l'ufage des
fens : mais les lavans , beaucoup plus livrés
à la méditation , fe forment une multi-
tude d'idées fatïices Se d'idées abftraites
générales qui les égarent continuellement.
Ainli , on ne peut les ramener à l'éx-rdcnce
qu'en les alfujcttillant rigoureufcment
aux vérités réelles ; c'eft-à-dire , aux fenla-
tions des objets , telles qu'on les a reçues
par l'ufage des fens. Alors toute idée fadice
tlifparou , & toute idée fommaire ou gé-
nérale fe réduit en tcnfations particulières ;
car nous ne recevons par la voie des lens
que des fenfations d'objets particuliers.
L'idée générale n'eft qu'un rftultat ou un
reirou\enir imparfait & confus de ces fen-
E V I
fations, qui font trop nombrcufes pour af-
fecljr l'elpiit toutes enlcnihlc & diftinâe-
meiu. Une (imilicude ou quelque autre rap-
port commun à une multitude de fenlations
ditfcrentcs , forme tout l'objet de l'idée gé-
nérale, ou du rellbuvenir confus de ces (en-
facions. C'clt pourquoi il faut revenir à ces
mêmes fenlations en détails diltindement,
pour les reconnoîcve telles que nous les
avons reçues p ir la voie des fens , qui etl
ru:nque iource de nos connoilTances natu-
relles, & l'unique principe de l'er/Jc^ce des
vérités réelles.
Il eft vrai cependant que relativement
aux bornes de lelprit , les idées iommai-
rcs font néceiraires ; elles dallent & met-
tent en ordre les fenfations particulières ;
elles huorifent & règlent l'exercice de la
mémoire ; mais elles ne nous inftruilent
point : leurs caules organiques font , dans
le méchanifme corporel dj la m.'moire ,
ce qut lont les lialfes de papier bien ar-
rangées dans les cabinets des gen.s d'af-
faires ; l'étiquete ou le titre de chaque
lialFe , marque celles où l'on doit trou-
ver les pièces que l'on a befoin d'exa-
miner. Les noms Se les idées fommaircs
d'être , de lubftance , d'accident , d'clprit ,
de coip', , de minéral , de végétal , d'ani-
mal , &c. font les étiquettes &c les lialTes
où font arrangées les radiations des efprirs
animaux qui produifent les fcnGicions par-
ticulières des objets : ainli elles renailient
avec ordre , lorlque nous voulons exami-
ner ces objets pour les reconnoitre exac-
tement.
59°. Que nous ne connoilTons les rap-
ports nécclfaires entre nos lenlations &
les objets réels de nos fenfations qu'au-
tant que nous en fommes fuffilamment
inftruits p.ir la mémoire ; car , fins le
relTliuvenir du paflé , nous ne pouvons
juger fùrement de l'abfence ou de la pré-
ience des objets qui nous font indiqués
par nos fenfations a (lluelles. Nous ne-pou-
vons pas même dillinguer les fenfitions
que nous recevons par la mémoire , de
celles qui nous (ont procurées par la pré-
fence actuelle des objets. Par exemple ,
dans le rêve , dans le d?lire , dans la folie
nous croyons que les objets abfens , qui
nous font rappellées par la mémoire ,
E V I 421
(ont préfens ; que nous les appercevons
par l'ufage actuel de nos fens , que nous
les voyons , que nous les touchons , que
nous les ententlons , parce que nous n'a-
vons alors aucune connoiflance du paile
qui nous inftruife fùrement de l'ab'encc
de ces objets. Nous n'avons que le lef-
fouvenir de leur préfence & de leur ap-
perception par la voie des iins ; car foit
que la mémoire nous les rappelle diftinc-
tement fous la forme que nous les avons
apperçus par les fens , loit qu'elle les con-
fonde fous différentes formes qui les di-
verfihent , elle ne nous rappelle dans
tous ces cas que des idées que nous avons
reçues par la voie des fens. Ainfi dans
l'oubli des connoilTances qui peuvent nous
inftruire de l'ablence des objets dont nous
nous relTou venons , nous jugeons que ces
objets font préfens , & que nous les ap-
percevons pjr l'ufage aduel des fens ,
parce que nous ne les connoillons effec-
tivement que par la voie des fens ,
& que nous n'avons aucune connoiffancc
aduelle qui nous inftruife de leur ab-
(ênce. Les rêves nous jettent fréquem-
ment dans cette erreur. Mais nous la
reconnoiifons lurement à notre réveil ,
lorfque la mémoire eft rétablie dans
fon exercice complet. Nous reconnoiflcms
aulTi que l'illulion des rêves ne contredit
point la certitude des connoillances que
nous avons acquifes par l'ufage des fens,
puifque cette illulion ne confifte que dans
des idées reprélentatives d'objets que nous
n'avons connus que par cette voie. Si les
rêves nous trompent -, ce n'eft donc pas
relativement à la réalité de ces objets ; car
nous fommes allures que notre erreur n'a
exifté alors que par l'oubli de quelques
connoiffances , qui nous auroient inftruits
de la prefencc ou de l'ablence de ces mê-
mes objets. En effet , nous fommes forcés
à notre réveil de reconnoitre que dans les
rêves , l'exercice corporel de la mémoire
eft en partie intercepté par un fommeil
imparfiiit.
Cet état nous découvre plufieurs vérités :
1°. que le fommeil fufpend l'exercice de la
mémoire , & qu'un fommeil parfait l'in-
tercepte entièrement : z". que l'exercice
de la mémoire s'exécute par le méchanifme
422 E V I
du corps , puifqu'il eft fufpendu par h
fommeil , ou l'inaction des faculcc'sorg -.ni-
ques du corps : 5". que dans l'état naturel ,
i'ame ne peut fuppléer en rien par elle-mê-
me aux idées dont elle ell privée par l'inter-
ception de l'exercice corporel de la mérnoi-
re, puifqu'elle eft abfolument afTujettic à
l'erreur pendant les rêves , & qu'elle ne
peut ni s'en appercevoir , ni s'en délivrer :
4°. que l'âme ne peut fe procurer aucune
idée , & qu'elle n'a point d'idées innées ,
puifqu'elle n'a en elle aucune faculté , au-
cune connoifl'ance , aucune intelligence par
lefquellcs elle puille par elle-même fe défa-
bufer de l'illufion des rêves : 5°. qu'il lui eft
inutile de penfer pendant le fommeil , puil-
qu'elle ne peut avoir alors que des idées
crronnées & chimériques , qui changent
fon état , & forment un autre homme qui
ignore dans ce moment s'il a exifté , & ce
qu'il étoit auparavant.
40°. Qiie nous fommes aunî affurés de
l'exiftcnce , de la durée , de la diverfité ,
& de la miikiplicité des corps , ou des ob-
jets de nos fcni'uions , que nous fommes
dlTurés de l'exiftence Se de la durée de no-
tre être feniitif. Car les objets fenfibles
font le fondement de nos connoiflanccs , de
notre mémoire , de notre intelligence , tle
nos raifonnemens , & la fource de toute
évidence. En effet , nous ne parvenons à la
connoiflance de l'exiftence de notre erre
fenfitif que par les fenfations que nous
procurent les objets fenfibles par l'ufage
des fens , & nous ne fommes alïïirés de la
fidéUté de notre mémoire , que par le
retour des fenfations qui nous font procu-
rées de nouveau par l'exercice adluel des
fens ; car c'eft l'exercice alternatif de la
mémoire & des fens fur les mêmes objets
qui nous font repréfentés par nos fenfa-
tions , qui nous aifurenr que la mémoire
ne nous trompe point , lorfqu'elle nous
rappelle le rellbuvenir de ces objets. C'eft
donc par les fenfations qui nous font pro-
curées par les objets , que ces objets eux-
mêmes & kur durée nous font indiqués ,
que nous avons acquis les connoilFances
qui nous font rappellces par la mémoire , &
que la hdélité de la mémoire nous eft prou-
vée avec certitude. Or , fans la certitude de
}» fidélité de la mémoire , nous n'aurions
E V I
aucune évidence de l'exiftence fucceffive de
notre être fenfitif , ni aucune cenitudc
dans nos jugemens. Nous ne pourrions pas
même diftinguer fùrement l'exiftence ac-
tuelle de notre être fenfuif d'avec celle
de nos fenfitions , ni d'avec celle des cau-
fes de nos fenfations , ni d'avec celle des
objets de nos fenfations. Nous ne pourrions
pas non plus déduire une vérité d'une au-
tre vérité , car la dcduétion iuppofe des
idées confécutives qui exigent certitude de
la mémoire. Sans la mémoire , l'être fen-
fitif n'auroit qae la ienfation , ou l'idée de
l'inftant aftuel ; il ne pourroit pas tirer de
cette fenfdtion la conviction de fa propre
exiftence ; car il ne pourroit pas développer
les rapports de cette fuite d'idées , jepenfe,
donc je fuis. Il fentiroit , mais il ne connoî-
troit rien , parce que fans la mémoire il ne
pourroit réunir le premier commencement
avec le premier progrès d'une fenfation ; il
feroit dans un état de ftupidité , qui cxclu-
roit toute attention , tout difcernem.cnt ,
tout jugement , toute intelligence , toute
évidence de vérités réelles \ il ne pourroic
ni s'inftruire , ni s'afturer, ni douter de fon
exiftence , ni de l'exiftence de Tes fenlations,
ni de l'exiftence des caufes de fes lenfations,
puifqu'il ne pourroit rien obferver , rien
démêler , rien reconnoître ; toutes fes idées
feroient dévorées par l'oubli , à mefjre
qu'elles naîtroient ; tous les inftans de fa
durée feroient des inftans de nailfance ,
& des inftans de mort ; il ne pourroit pas
vérifier attentivement fon exiftence par le
fentiment même de fon exiftence , ce ne
feroit qu'un fentiment confus & rapide
qui fe dcrobeioit continuellement à l'évi-
dence.
Il eft évident auffi que nous ne pouvons
pas plus douter de la durée de l'exiftence
des corps , ou des objets de nos fenfations,
que de la durée de notre propre exiftence ;
car nous ne pouvons être allures de la
durée de notre exiftence que par la mé-
moire , & nous ne pouvons être inftruits
avec certitude par la mémoire , qu'autant
que nous (ommcs certains qii'elle ne nous
trompe pas : or, nous ne iommes allures
de la fidélité de notre mémoire , que parce
que nous l'avons vérihce par le retour des
fenfations que les mômes objets nous pio-
E V I
curent de nouveau par l'exercice adtuel
des Cens. Ainll la certitude de la fidélité de
notre mémoire hippofc ncccflairement la
durée de l'cxiftencc de ces mêmes objets ,
qui nous procurent en difFérens temps les
mêmes fenfations par l'exercice des fens.
Nous ne lommcs donc allures de la durée
de notre exiftence , que parce que nous
fommes allures, par l'exercice alternatif de
la mémoire Ôc des fens , de la durée de
l'exiftcnce des objets de nos fenfations ;
nous ne pouvons donc pas plus douter de
la durée de leur exiftence , que de la durée
de notre exiftence propre. L'égoïfme, ou la
rigueur de la certitude réduite à la connoif-
fir.ce de moi-même , ne feroit donc qu'une
abftraét on captieufe , qui ne pourroit fe
concilier avec la ctititude même que j'ai
de mon exiftence : car cette certitude ne
conlifte que dans mes fenfations qui m'inf-
truifent de l'exiftence des corps , ou des
objets de mes fenfations , avec la même
évidence qu'elles m'inftruifent de mon exif-
tence. En effet, l'évidence avec laquelle nos
fenfations nous indiquent notre être fenfi-
tir , & [\'vid^^ce avec laquelle les mêmes
(ciifations nom indiquent les corps , eft la
même i elle le borne de part & d'autre à
la fimplc indication , & n'a d'autre princi-
pe que nos fenlations , ni d'autre certitude
que celle de nos fenfitions mêmes ; mais
cette certitude nous maîtrife ik. nous foumet
foaverainement.
Cependant ne pourroit-on pas alléguer
encore quelques raifons en (laveur de IV-
goï/mc métaphyfique ? Ne m'eft-il pas évi-
dent , me dira-t-on , qu'il y a un rapport
tlfentiel entre mes fenfations &c mon être
lenfîtif ? Ne m'tft - il pas évident auiîi qu':l
n'y a pas un rapport auffi décifif entre
mes fenlations & les objets de mes fenfa-
tions ? J'avoue néanmoins qu'il m'eft évi-
dent auffi que je ne fuis pas moi-même la
caufe de mes ic!:fa.tions. Mais ne me fuffit-
il pas de reconnoître une caufe qui agitfc
fur mon être fenficif , indépendamment
d'aucun objet fenfible , & qui me caufe
des fenfations repréfentativcs d'objets qui
n'exiftenr pas ? N'en fuis-je pas même aflu-
ri par mes rêves , où je crois voir & tou-
cher les objets de mes fenfations ; car j ai
reconnu enfuite que ces fenfations écoicnc
E V I 425
illufoires : cependant j'ctois pcrfuadc que
je voyois & que je toucliois ces objets. Ne
puis je pas , quand je vedle , être trompé
de même par mes fenfations ? Je fuis donc
plus allure de mon exiftence que de l'exiften-
ce des objets de mes fenfations : je ne con-
nois donc avec évidence que l'exiftence de
mon erre fcnfitif , & celle de la caufe aâive
de nies fenfations.
Voilà , je crois , les raifons les plus fortes
qu'oii puide alléguer en faveur de Végoïfme.
Mais avant qu'elles puifl'tr.t conduireà cette
évidence exclunve , qui borne fîncérement
un égoïfe à la feule certitude de l'exiftence
de fon être fenfitif , «Se de l'exiftence de
la caufe aélive de fes fenfations , il faut
qn'il loit allure évidemment par fa mémoi-
re , de fon exiftence fuccclTivc ; car fans la
certitude de la durée de fon exiftence , il
ne peut pas avoii une connoiftance fùie <Sc
diltmdlie des rapports ellentiels qu'il y a
entre (its fenfations & fon être fenfitif , &
entre fes fenlations & la caufe aûive de fes
fenfations ; il ne pourra pas s'appercevoir
qu'il a eu des fenfuions qui l'ont trompé
dans fes rêves , & il ne fera pr.s plus affuré de
Con ex'iilsnce fuccelTive , que de l'exiftence
des objets de fes fenfations : ainfi il ne peut
pas plus douter de l'exircencc de ces objets,
que de fon exiftence fucceiHve. S'il dou-
toif de fon exiftence fuccefllve , il anéanti-
roitpar ce doute toutes les raifonsqu'il vient
d'alléguer en faveur de fon égoïfme ; s'A ne
doute pas de fon exiftence fucceffive , il re-
connoît les moyens parlef]ucls il s'eft afluré
de la fidélité de (a mémoire : ainfî il ne
doutera pas plus de l'exiftence des objets fen-
fïbles , que de fon exiftence fuccelTive , &
de Ion exiftence acluelle. Ceux qui opinent
en faveur de Végoïfme , doivent donc au
moins s'appercevoir que le temps même
, qu'ils emploient à raifonner , contredit
leurs raifonnemens.
Mon ame , vous direz-rous , ne peut-elle
pas être toujours dans un état de pure illu-
fion , où elle feroit réduite à des fenfations
repréfentativcs d'objets qui n'exiftent point?
Ne peut-elle pas auffi avoir fnns l'entremife
' d'aucun objet réel , des fenlations affedli-
ves qui l'intérelfent, & qui la rendent heu-
reufc ou malheureufe : Ces fenfations ne
leroiem-eiles pas les mêmes que celles (jut
424 E V I
je fuppofc qu'elle reçoit par l'entremifc
(les objets qu'elles me repréfentent ? Ne
laffiroienc-elles pas pour exciter mon at-
tention 5 pour exercer mon difcernement &
mon intelligence , pour me faire apperce-
Yoir les rapports que ces fenlations auroient
entr'clles , & les rapports qu'elles auroient
avec moi-même : d'où réfulteroit du moins
une évidence idéale , à laquelle je ne pour-
rois me rehiler. Mais vous ne pouvez vous
dilTimuler qu'en vous fuppolant dans cet
état , vous ne pouvez avoir aucune évidence
réelle de votre durée , ni de la vérité de
vosjugemens, & que vous ne pouvez pas
même vous en impofer par les raifonnemens
que vous ta^es aduellement ; car ils fup-
pofent non-lculement des rapports aétuels ,
mais aufTî des rapports luccelîîfs entre vos
idées , lefqucls exigent une durée que vous
ne pouvez vérifier , & dont vous n'auriez
aucune évidence réelle : ainii vous ne pouvez
pas férieulement vous livrer à ces raifonne-
m.ens. Mais (i votre pyrrhonifme vous con-
duit jufqu'à douter de votre durée, ne foyez
pas moins attentif à éviter les dangers que
vos fenlarions vous rappellent , de crainte
d'en éprouver trop cruellement la réalité ;
leurs rapports avec vous font des preuves
bien prévenantes de leur exiftence & de la
vôtre.
Mais toujours il n'efl; pas moins vrai ,
dira-t-on', qu'il n'v a point de rapport efien-
tiel entre mes feniations & les objets fen-
iibles , & qu'efleétivement les fenfations
nous trompent dans les rêves : cette objec-
tion fe détruit elle-même. Comment favez-
vous que vos fenfations vous ont trompé
dans les rêves ? N'ell-ce pas par la mémoire?
Or,la mémoire vous allure aulli que vos fen-
fations ne vous ont point trompe relative-
ment à la réalité des objets , puifqu'elles
ne vous ont repréfenté que des objets qui
vous ont auparavant procuré ces mêmes
fcnfuions par la voie des fens. S'il n'y a
pas de rapport elTentiel entre les objets &
les fenfations , les connoilT-inces que la
mémoire vous rappelle , vous allurent au
moins que dans notre état adluel il y a un
rapport conditionnel & nécellaire. Vous
ne connoiire^ pas non plus de rapport
ellcntiel entre l'être fentif & les fenfa-
tions , pullqu'il n'eft pas évident que l'être
E V I
fcnfitif ne puilTe pas exiiler fans les fenfi-
tions. Vous avouerez aullî , par la même
railon , qu'il n'y a pas de rapport ellentiel
entre l'être fenfitif iSc la cauie active de nos
fenfations. Mais toujours eft-il évident, par
la réalité des feniations , qu'il y a au moins
un rapport nécellaire entre notre être ien-
fitif(S<: nos feniations, & entre la caufe
aétivc de noslenlations & notre être fenfitif.
Or, un rapport néccdaire connu nous allure
évidemment de la réalité des corrélatifs. Le
rapport néccflaire que nous connoilîons en-
tre nos feniations & les objets lenlîbles
nous alîure donc avec évidence de la réalité
de ces objets , quels qu'ils loient i je dis
quels qu'ils foient , cal je ne lesconnois point
en eux-mêmes, mais je ne connoispas plus
mon être ienlitif : ainfi je ne connois pas
moins les corps ou les objets fenfibles , que
je me connois moi-même. De plus, nos fen-
fations nous découvrent aulTi entre les corps
des rapports nécéllaires qui nous allurent
que les propriétés de ces corps ne fe bornent
pas à nous procurer des feniations ; car
nous reconnoiHons qu'ils font eux-mêmes
des caules fenlibles , qui agilfent récipro-
quement les unes lut les autres, enforre que
le fyltême général des fenfations ell une dé-
monrtration du lyftême général du mécha-
nifme des corps.
La même certitude s'éiend jufqu'à la
notion que j'ai des êtres lenfitifs des autres
hommes , parce que les inllruélions vraies
que j'en ai reçues , & que j'ai vénticts par
l'exercice de mes fens , établi ifent un rap-
port nécelTaire entre les êtres fenlitifs de
ces hommes , & mon être fenlitif. En effet,
je luis aulTi allure de la vérité de ces inf-
tru'dions que j'ai confirmées par l'exercice
de mes lens , que de la fidélité de ma mé-
moire , que de la connoillance de mon exiC-
tence fuccelTive , & que de l'exiltence des
corps , puilque c'ell: par la même évidence
que je luis allure de la vérité de toutes ces
Connoillances. En effet , la vérification des
inftrudions que j'ai reçues des hommes,
me prouve que chacun d'eux a , comme
moi , un être fenlitif qui a reçu les len-
fations ou les connoillances qu'il m'a com-
muniquées , 6c que j'ai vérifiées par l'ufagc
de mes lens.
41°. Qu'un être fenlitif, qui eft priv.^-
tivemcnc
E V I
tivcment & exclufivemcnt afTeAc de CenCa.-
tions bornés à lui , «S: qui ne font fcncies
que par lui-même , ell rtellemcnc diftind
de tout aucre êcre fenfitif. Vous êtes afluré ,
par exemple , que vous ignorez ma penfce ;
je lu^s allure aulTi que j'ignore la vôtre -
nous connoi(Tons donc avec certitude que
nous penfons féparément , & que votre
£cre fcnlîtif & le mien font réellement &C
individuellement dillinds l'un de l'autre.
Nous pouvons , il eft vrai , nous communi-
quer nos penfées par des paroles , ou par
d'autres lignes corporels , convenus , Se
fondés fur la confiance j msis nous n'igno-
rons pas qu'il n'y a aucune liaifon néccflaire
entre ces lignes & les fenfations , & qu'ils
font également le véhicule du menfonge &
de la vérité. Nous n'ignorons pas non plus ,
quand nous nous en (ervons , que nous n'y
avons recours que puce que nous favons
que nos fenfations font incommunicables
par elles-mêmes : ainli l'ufage même de tels
moyens eft un aveu continuel de la connoif-
fance que nous avons de l'incommunicabi-
lité de nos fenfations , & de l'individualité
de nos âmes. On eft convaincu par-là de la
faulfeté de l'idée de Spinofa fur l'unité de
fûbftance dans tout ce qui exifte.
4i°. Qiie les êtres fenlitifs ont leurs fen-
fations à part, quilfie font qu'à eux , & qui
font renfermées dans les bornes de la réalité
de chaque être ienhtif qui en eft atfedé ;
parce qu'un être qui fe fent foi- même ne
peut fe fcntir hors de lui-m^ême , & qu'il
n'y a que lui qui puiflc fe lentir loi-même ;
d'où il s'enluit évidemment que chaque être
Jendtif eft lîmple & réellement diftinét de
tout autre être fenfirif. Les bêtes mêmes
font alfurées de cette vérité ; elles favent
par expérience qu'elles peuvent s'entre-cau-
ier de la douleur , & chacune d'elles éprouve
qu'elle ne fent point celle qu'elle caufe à une
autre -, c'eft par cette connoilfance qu'elles
fe défendent , qu'elles fe vengent , qu'elles
menacent , qu'elles attaquent , qu'elles
exercent leurs cruautés dans les paffions qui
les animent les unes contre les autres ; Se
celles qui ont beloin pour leur nourriture
d'en dévorer d'autres , ne redoutent pas la
douleur qu'elles vont leur caufer.
45°. Qu'on ne peut luppofer un alTem-
blage d'êtres qui aient la propriété de Icn-
Tome XIII.
E V I 425
tir, fins reconnoitre qu'ils ont cliicun en
particulier cette propriété; que chicun
d'eux doit fentiren fon particulier , à part ,
pri vativement Se exclufivement à tout autre ;
que leurs fenfations font réciproquement
incommunicables par elles-mêmes de l'un
à l'autre ; qu'un tout , compof: de parties
fenfitives, ne psut pas former une arrie ou
un êcre fenfitif individuel , parce que cha-
cune de ces parties penferoit féparément &
privativement les unes aux autres , Se que
les fenfations de chacun de ces êtres fend-
tifs n'étant pas communicablt^ de l'un à
l'autre , il ne pourroit y avoir de réunion
ou de combinaifons intimes d'idées , dans
un alfemblagc d'êtres fenfitifs , dont les
divers états ou polltions varieroient les fen-
fations , & dont les diverfes fenfations de
chacun d'eux feroienc inconnues aux autres.
De- là il eft évident qu'une portion de ma-
tière , compofée de parties réellement dif-
tiudies, placées les unes hors des autres , ne
peut pas former une ame. Or, toute matière
étant compofée de parties rée '.ement diftinc-
tcs les unes des autres , les êtres fenfitifs in-
dividuels ne peuvent pas être des fubftan-
ces matérielles.
44°. Que les objets corporels qui occa-
fîonnent les fenfitions , agiilent fur nos fens
par le mouvement.
45°. Que le mouvement n'eft pas un attri-
but effcntiel de ces objets; car ils peuvent
avoir plus ou moins de mouvement , Se ils
peuvent en être privés entièrement ; or ce
qui eft eftentiel à un être en eft infép.uable ,
& n'eft fufceptible ni d'augmentation , ni
de diminution.', ni de cefTation,
46°. Que le mouvement eft une a£l:ion ;
que cette a6tion indique une caufe ; & que
les corps font les fujeti paflTifs de cette
a6lion.
47°. Que le fujet palTif , & la caufe qui
agit fur ce fujet paiïif , font eflcntiellement
diftinârs l'un de l'autre.
48°, Que nous fommes affurés en effet
par nos fenfations qu'un corps ne fe remet
point par lui-même en mouvement lorfqu'il
eft en repos, & n'augmente jamais par lui-
même le mouvement qu'il a reçu ; qu'un
corps qui en meut un autre , perd autant
de fon mouvement que celui-ci en reçoit ;
ainfi , rigourcufement parlant, un corps
Hhk
426 E V I
n'agit pas fur un autre corps ; l'un eft mis |
en mouvement , par le mouvement qui fe j
fépare de l'autre ; un corps qui communi-
que fon mouvement à d'autres corps, n'eft
donc pas lui-même le mouvement ni la
caufe du mouvement qu'il communique à
ces corps.
49°- QP^ ^^^ corps n'étant point eux mê-
mes la cauft du mouvement qu'ils reçoi-
vent , ni de l'augmentarion du mouvement
qui leur furvient , ils font réellement dif-
tini!^s de cette caufe.
50°. Que les corps ou les objets quiocca-
fîonnent nos fenfations par le mouvement ,
n'étant eux-mêmes ni le mouvement ni la
caufe du mouvement , ils ne font pas la
caufe primitive de nos fenfations ; car ce
n'cft que par le mouvement qu'ils iont la
caufe conditionnelle de nos fenlations.
51°. Qiie notre ame ou notre être fenfi-
tif ne pouvant fe cauler lui-même fes fenfa-
tions, & que les corps ou les objets de nos
fenfations n'en étant pas eux-mêmes la cau-
fe primitive , cette première caule eft réel-
lement diftinde de noire être feniicif, &
des objets de nos fenfations.
51°. Que nous fommes affurés par nos
fenfations , que ces fenfitions elles-mêmes,
tous les effets ôc tous les changemens qui
arrivent dans les corps , font produits par
une première caufe ; que c'eft l'aétion de
cette même caufe qui vivifie tous les
corps vivons , qui conftitue ellentiellement
toutes les formes adtives , fenlitives S<.
întelleduellesi que la forme elfentielle &
aélive de l'homme , en tant qu'animal rai-
lonnable, n'cit point une dépendance du
corps & de l'ame dont il etl compofé ;
car ces deux fubl1:ances ne peuvent agir
par elles mêmes l'une fur l'autre. Ainfi ,
on ne doit point chercher dans le corps ni
dans l'ame , ni dans le compofé de l'un &c
de l'autre, la forme conftitutive de l'homme
moral, c'eft- à-dire , du principe aftifde
fon intelligence , de fa force d'intention ,
de fa liberté , de fes déterminations mo-
rales , qui le diftinguent effentiellement des
bêtes. Ces attributs réfultent de l'adte
iTiême du premier principe de toute intel-
ligence & de toute aélivité ; de ï'aâc de
l'Etre fuprcme qui agit fur l'ame , qui l'af-
fe(fte par des fenfations j qui cxcciicc fes
E V I
volontés décifives. Se qui élevé l'homme à
un degré d'intelligence 6c de force d'inten-
tion par lefquelles il peut fufpendre (es
décifions , & dans IclqucUes coniifte fa Li-
berté. Cette première cauie , & fon aâ:lon
qui eft une création continuelle , nous efc
évidemment indiquée ; mais la manière dont
elle agit fur nous , les rapports intimes
entre cette adion & notre ame , font inac-
celfibles à nos lumières naturelles , parce
que l'ame ne connoît pas intiùtivcmcntje
principe ailif de fes fenlations , ni le prin-
cipe palTif de fa faculté de fentir : elle n'ap-
perçoit fenfiblement en elle d'autre caufe
de fes volontés & de fes déterminations que
fes (enlations mêmes.
55°. Que la caufe primitive des formes
aûives , fenlitives , intelleduellcs , eft elle-
même une caufe puiilanre , intelligente &
direCirrice; car les formes adrives qui con-
fiftent dans des mouvemens & dans des
arrangemens de caufes corporelles ou inl-
trumentales , d'où réfultent des effets dé-
terminés, font elles- miêmcs des aftes de
puiflànce , d'intelligence , de volonté direc-
trice. Les formes fenfitives dans lefquelles
confiftent toutes les différentes fenfations
de lumières , de couleurs , de bruit , de
douleur, de plaihr , d'étendue , &c. ces
formes par lefquelles topes ces fenfations
ont entr'elles les différences ellcntiellcs ,
par lefquelles les êfes fenlitifs les diftin-
guent néccllairemcni. les unes des autres ,
& par lefquelles ils font eux-mêmes alfu-
jettis à ces fenfations , font des effets pro-
duits, dans les êtres fenfitifs , par des acles
de puiflànce , d'intelligence & de volonté
décifive , puifque les Icnlations _ font les
effets de ces aéîes , qui par les leniations
mêmes qu'ils nous caufent , (ont en noi:s
la fource & le principe de toute notre
iritelligence , de toutes nos détermina-
tions , îk de toutes nos adions volontaires.
Les formes inrelleduclles , dans Iclquelles
conlirtcnt les liaifons , les rapports (5c les
combinai Ions des idées , & par Iclquelles
nous pouvons déduire de nos idées actuelles
d'autres idées ou d'autres connoiflances ,
confiftent elfentiellcment aulTî ilans des
ailles de puill.mce , d'intelligence tk de
volonté décilive ; puifque ces ades font
eux- mêmes la caufe conftitutive, efficiente.
E V I
& direftrice de nos connoifTances , de
norre raifon , de nos intentions , de notre
conduite , de nos dccilions. La réalité
de la puillance , de l'intelligence , des in-
tentions ou des caufes finales nous cfl:
connue évidemment par les adtes de puif-
fance , d'mtelligence , d'inteniions &: de
déterminations éclairées que nous obfer-
vons en ■ nous-mêmes ; ainfi on ne peut
contcfter cette réalité. On ne peut pas
conteftcr non plus que tes aéles ne fiiient
produits en nous par une caufe diituiâie
de nous-m.èmes : or , une caufe dont les
ades produifent & condituent les aétes
mêmes de notre puifTince, de noire in-
telligence , eft nécelVairement elle-même
puillante Se intelligente ; ëc ce qu'elle
exécute avec intelligence , eit de même
nécelfairement décidé avec connoilTance
Si avec intention. Nous ne pouvons donc
nous refufer à ['évidence de ces vérités
que nous obfervons en nous-mêmes , &
qui nous prouvent une puifTîince , une
intelligence &C des intentions décihves
dans tout ce que cette première caule exé-
cute en nous Se hors de nous.
j4°. Que chaque homme eft alTuré, par
la connoiflance intime des fonctions de fon
ame, que tous les hommes & les autres
animaux qui agillenc & fe dirigent avec
perception Se difcernement ont des fenfa-
tions & un être qui a la propriété de fentir ,
&■ que cette propriété rend tous les êtres
fcnlitifs fufceptibles de mêmes fonétions
naturelles, purement relatives à cette même
propriété; puifque dans les êtres lenhtifs
la propriété de fentir n'eft autre chofe que
la faculté palTîve de recevoir des fenfatioiis,
& que toutes les fonctions naturelles , re-
latives à cette faculté , s'exercent par les
fenfations mêmes. Des êtres , réellement
'dificrens par leur eflence , peuvent avoir
des propriétés communes. Par exemple ,
la fubftantialité , la durée , l'individualité,
la mobilité , &c. font communs à des êtres
de différente nature. Ainfi , la propriété
de fentir n'indique point que l'être lenfi-
tif des hommes & l'être fenfitif des bêtes
foient de même nature. Nos lumières natu-
relles ne s'étendent pas jufqu'à l'elfcnce
des êtres. Nous ne pouvons en diftingucr
h diverllté que par des propriétés qui I
E V I 427
s'excluent efTentiellement les unes les au-
tres. Nos connoinanccs ne peuvent s'é-
tendre plus loin que par la foi. En effet,
j'apperçois dans les animaux l'exercice des
mêmes fonélions fenlitives que je recon-
nois en moi m.ême ; ces fonctions en géné-
ral le reduifcnt a huit, au difcernement y
à la reménwration , aux relations , aux indi-
Ciitions , aux abpraclions , aux déduclions ,
aux inducîions Se aux paffions. Il efl: évident
que les animaux diQernent; qu'ils fc reflôu-
viennent de ce qu'ils ont appris par leurs
fenfations ; qu'ils apperçoiveni les relations
ou les rapports qu'il y a entr'eux & les
objets qui les intérelTent , qui leur (ont
avantageux ou qui leur font nuilibles; qu'ils
ont des fenfations indicatives qui les alTli-
rent de l'exillence des chofes qu'ils n'ap-
perçoivent pas par l'ufage adtucl des fens ;
que la feule feniation , par exemple , d'un
bruit qui les inquiète , leur indique (ure-
ment une caufe qui leur occafionne cette
fenfition ; qu'ils ne peuvent avoir qu'une
idée abftraite générale de cette caufe quand,
ils ne l'apperçoivent pas ; que par confé-
quent ils ont des id?es abftraites ; que leurs
fenfations aétuelles les conduifent encore ,
par déduétion ou raifonnement tacite, à
d'autres connoifTances ; que , par exemple ,
un animal juge par la grandeur d'uneouver-
ture , Se par la grolfeur de fon corps , s'il
peut pafTer par cette ouverture. On ne
peut pas non plus douter des induétions que
les animaux tirent de leurs fenfations, Sc
d'où ïrlultent les déterminations de leurs
volontés : on apperçoit aulTî qu'ils aiment,
qu'ils haiffenr , qu'ils craignent , qu'ils efpe-
rent , qu'ils font fufceptibles de j doufîe ,
de colère , fi'c. qu'ils font par conféquent
fufceptibles de pafTions. On apperçoit donc
efleétiveraent dans les animaux l'exercice
de toutes les fonélions dont les êtres fcnfi-
tifs font capables dans l'ordre naturel par
l'entremif'e des corps.
55°. Que les volontés animales, ou pu-
rement fenlitives , ne confiflenr que dans
les fenfations , & ne font que les fenfations
elles-mêmes, en tant qu'elles fjnt agréa-
bles ou defagréables à l'être fenfitif , car
vouloir , efl agréer une fenfation agréable ;
ne pas vouloir , efl drf. gréer une fenfition
deiagréable ; être indiffèrent à une fenfa-
Hhh z
428 E V I
tion , c'eft n'être afFtûé ni ngrtablement
ni défagréablement par cette ftniation.
Agréer & défagréer font de l'effence des
fenfacions agréables ou défagréables : car
une fenfaticn qui n'eft pas agréée n'eft pas
agréable , & une fenfation qui n'eft pas
défagrééc n'elt pas défagréable. En effet ,
une fenfation de douleur qui ne leroit pas
doulouieufe , ne feroit point une fenfation
de douleur ; une fenfation de plaifir qui
re feroit pas agréable , ne feroit pas une
fenfation de plafir. U faut juger des fen-
fations agréables & dclagiéablcs comme
des autres fenfarions : or , quand l'ame elt
afFeétée de fenfacions de rouge , ou de
blanc , ou de verd , &c. elle fent & con-
roît néceffairement ces fenfations telles
qu'elles font ; elle voit néceffairement
rouge, quand elle a une fenfîtion de rouge.
Elle agrée de même néceflaircment , quand
elle a une fenfation qui lui eft agréable ;
car vouloir ou agréer n'eft autre chofe que
fentir agréablement : ne pas vouloir ou
défagréer n'efl de même autre chofe qu»
fentir défagréablement. Nous voulons jouir
des objets qui nous caufent des fenfiations
agréables , & nous voulons éviter ceux
qui nous caufent des fenfations défigréa-
bles , parce que les fenfations agréables
nous plaifent , & que nous fommes léfés
par les fenfations défligréables ou doulou-
reufes ; enfoite que notre bonheur ou
Botre malheur n'exifte que dans nos fen-
fations agréables ou défagréables. C'efldonc
dans les fenfations que confifle , daiis l'or-
dre natuiel , tout l'intérêt qui forme nos
volontés ; & les volontés font elles-mêmes
de l'eflènce des fenfations. Ainfi , vouloir
ou ne pas vouloir , ne font pas des aérions
de l'être fenfitif , mais feulement des affec-
tions , c'efl-à-dire , des fenfations qui l'ni-
téreffent agréablement ou défagréable-
ment.
Mais il faut diflinguer l'acquiefcement
Se le déguifement décHîf d'avec les vo-
lontés indécifes ; car l'acquiefcement & le
défiftement confîftent dans le choix des
fenfations plus ou moins agréables , &dans
le choix des objets qui procurent les fen
fations , & qui peuvent nous être plus ou
moins avantageux , ou plus ou moins
ttttifiblcs par eux-mêmes. L'être feufiuf
E V I
rppcrçoit , par les différentes fenfations
qui produifent en lui dc"; volontés acStuellcs,
fouvent cppofées , qu'il peut fe tromper
dans le choix quand il n'cf^ pas ftfïifpm-
ment inftruit ; alors il le détermine , parfes ^
fenlationsmcmesjà examinera à délibérer
avant que d'opter &: de fe fixer dccilivc-
ment à la jouiflance des objets qui lui font
plus avantageux , ou qui l'afîeclcnt plus
agréablement. Mais fouvent ce qui eft
aûucllement le plus agréable , n'cf^ pas
le plus avantageux pour l'avenir ; & ce
qui intéreflè le plus , dans l'inflant du
choix , forme la volonté décifive dans les
animaux , c'eft-à-dire , la volonté fenlitive
dominante qui a fon effet exclufivement
aux autres.
5 6". Que nos connoifTances évidentes ne
fufKfentpas, fans la foi, pour nous con-
noitre nous-mêmes , pour découvrir la
différence qui diflingue eflentiellement
l'homme ou l'animal raifonnable des au-
tres animaux : car, à ne confulter que l'eV;-
dence , la raifon elle-même affuiettic aux
difpofîtions du corps, ne paroîtroit pas
eirentielle aux hommes , parce qu'il y en a
qui font plus ftupides , plus féioccs , plus
infcnfés que les bêtes , & parce que les bêtes
marquent dans leurs déterminations le
même difcernement que nous obfervons
en nous-mêmes, fur- tout dans leurs dé-
terminations relatives au bien &C au mal
phylîques. Mais la foi nous enfeigne que
la l'agelTe fuprêmc efl: elle-même la lumière
^ui éclaire tout homme venant en ce monde ;
que l'homme , par fon union avec l'intel-
ligence par effence , eft élevé à un plus
haut degré de connoifTance qui le diftingue
des bêtes , à la connoilfance du bien &
du mal moral , par laquelle il peut fc diriger
a\i:c raifon & équité dans l'exercice de
fa liberté ; par laquelle il reconnoît le
mérite & le démérite de fes aélions , &
par laquelle il fe juge luirr.ême dans les
déterminations de fon libre arbitre, & dans
les décifions de fi volonté.
L'homme n'eft pas un être flmplc , c'eft
un compolé de corps & d'ame ; mais cette
union périlfable n'exifte pas par elle-même;
CCS deux fubftances ne peuvent agir l'une
fur l'autre. C'eft l'adion de Dieu qui vivifie
I lous les corps animes , qui produit conti-
E V I
nuelleinent toute forme adive, fenfitive , !
Se inttUeduelle. L'iiomme reçoit fcsftn- i
fations par rentrcmife des organes du corps,
mais Tes fenfluions elles-mêmes & fa railon
{ont l'effet immédiat de l'adtion de Dieu
fur l'amc ; ainfi c'eft dans cette aftion fur
famé que confirtc la forme efremicUc de
l'animal raifonnable •. l'orcanifation du corps
eft la caufe conditionnelle ou inllrumen-
tale des fcnfations , & les itnfations font
les motifs ou les caufes dcterminantes de la
laifon & de la volonté dccifive.
C'eft dans cet état d'intelligence Se dans
la force d'intention , que confilte le libre
arbitre , conlldérc fimpiemcnt en lui-même.
Ce n'eft du moins que dans ce pomt de
vue que nous pouvons l'envifan^er &: le
concevoir , relativement à nos connoii-
fanccs naturelles ; car c'cit l'intelligence
qui s'oppole aux dctcrm' nations animales
Se fpontantes , qui fait héfiter , qui fufcite,
fouticnt Se dirige l'intention , qui rappelle
les règles & les préceptes qu'on doit obfer-
vcr , qui nous inftruit fur notre intérêt
bien entendu , qui intérede pour le bien
moral. Nous appcrccvons que c'eft moiiis
une faculté adiive , qu'une lumière qui
éclaire la voie que nous devons fuivre , &
qui nous découvre les motifs légitimes &:
méritoires qui peuvent régler dignement
îiotre conduite. C'eft dans ces mêmes mo-
tifs , qui nous font prélens , & dans des
fccours furnaturels , que conlifte le pouvoir
que nous avons de faire le bien & d'é-
viter le mal ; de même que c'eft dans les
fenfationsaffc<5tives de-réglées, qui formicnt
les volontés perver(es , que confifte auffi
le pouvoir funefte que nous avons de
nous livrer au mal & de nous fcuftraire au
bien.
Il y a dans l'exercice de la liberté plufieurs
adles qui , con(:dérés féparément , fcmblent
exclure toute liberté. Lorfquc l'ame a des
Volontés qui fe contrarient , qu'elle n'eft
pos fuffifiimment inftruite fur les objets
de Ces déterminations , ôe qu'elle craint
de fe tromper , elle fufpend , elle fe décide
î examiner & à délibérer avant que de
fe déterminer : elle ne peut pas encore
choifir déciiivement , mais elle veut déci-
fivemcnt délibérer. Or , cette volonté dé-
Cifive exclu; toute autre volonté dccifive i
E V I 429
car fleux volontés décifives ne peuvent pas
exiftercnfemble ; elles s'entr'anéantiroient ;
elles ne feroient pas deux volontés décilîvesi
air.fi l'ame n'a pas alors le double pouvoir
moral d'acquiefcer ou de ne pas acquicfcer
décifivement à la même chofe : elie n'tft
donc pas libre à cet égatd. Il en cft de même
lorfqu'cUe choifit décifivement , car cette
déciîion eft un afte fimple & définitif qui
exclut abfblumcnt toute autre dccifion.
L'ame n'a donc pas non plus alors le double
pouvoir moral de le décider ou de ne fe pas
décider pour la même chofe : elle n'eft donc
pas libre dans ce moment ; ainfi elie n'a
pas, dans le temps où elle veut décifive-
ment délibérer , ni dans le temps où elle
fe détermine décilivement , le double pou-
voir aétuel d'acquiefcer & de fe défifter ,
dans lequel conlifte la liberté; ce qui paroîc
en effet exclure toute liberté. Msis il faut
être fort attentif à diftint^uer les volontés
indécifes des volontés décilivcs. Qjiand
l'ame a plufieurs volontés indécifes qui (e
contrarient , il faut qu'elle examine &
qu'elle délibère : or , c'eft dans le temps de
la délibération qu'elle eft réellement libre ,
qu'elle a indéterminément le double pou-
voir d'être décidée ou i fe refufer ou à fe
l.vrer à une volonté indécife , puifqu'elle
délibère efFedlivement ou pour fe refufer ,
ou pour fe livrer décilivement à cette vo-
lonté , félon les motifs qui la décideront
après la délibération.
Les motifs naturels font de deux fortes ,
inftruclifs & ajjéclifs ; les motifs inftruclifs
nous déterminent par les lumières de la
raifon ; les motifs affedlifs nous détermi-
nent par le fentiment aéluel , qui eft la
même chofe dans l'homme que ce qu'on
appelle vulgairement injlinâ dans les bêtes.
La liberté naturelle eft reflerrce entre
deux états également oppofés à la liberté
même : ces deux états font l'invincibilité des
motifs & la privation des motifs. Quand les
fenfations affectives font trop preflantes &C
trop vives, relativement aux fcnfations inf-
truétives & aux autres motifs acftuels , l'amc
ne peut , fans des fecours furnaturels , les
vaincre par elle-même. La liberté n'exifte
pas non plus dans la privition d'intérêts Se
déroute autre motif; car dans cet état
d'indifférence les dét ermiiutions de l'ame >
43° E V I
Il l'ame pouvoir alors fe déterminer , fe-
loient fans motif, fansraifon, fans objet :
elles ne fcroienr que des déterminations
fpontanées, fortuites, & entièrement pri-
vées d'intention pour le bien ou pour le
mal , & par conféqueni de tout exercice
de liberté & de toute direftion morale.
Les motifs font donc eux-mêmes de l'ef-
fence de la liberté ; c'cfl: pourquoi les phi-
lofophes & les théologiens n'admettent
point de libre arbitre verlatile par lui-
même , ni de libre arbitre nécefïîté immé-
diatement par des motifs naturels ou fur-
naturels.
Dani l'exercice tranquille de la liberté ,
l'ame fe détermine prefque toujours fans
examen & fans délibération , parce qu'elle
eft inftruite des règles qu'elle doit fuivre
fans hcfiter. Les ulages légitimes , établis
entre les hommes qui vivent en lociété j les
préceptes & les fecours de la religion , les
loix du gouvernement qui intérelfent par
des récompenfes ou par des châtimens les
fentimens d'humanité , tous ces motifs
réunis à la connoilfance intime du bien &
du mal moral , à la connoillance naturelle
d'un premier principe auquel nous femmes
alTujettis , & aux connoilfances révélées,
forment des règles qui loumettent les hom-
mes fenfes & vertueux.
La loi naturelle fe préfente à tous les
homm.es , mais ils l'interprètent diverfe-
ment ; il leur faut des règles polltives &
déterminées pour fixer & alTurer leur
conduite. Ainli les hommes figes ont peu
à examiner Se à délibérer fur leurs intérêts
dans le détail de leurs a61:ions morales ;
dévoués habituellement à la règle & à la
nécefïîté de la règle , ils fom immédiate-
ment déterminés par la règle même.
Mais ceux qui font portés au dérègle-
ment par des pjfTions vives &■ habituelles ,
font moins fournis par eux-mêmes à la règle
qu'attentifs à la crainte de l'infamie & des
punitions attachées à l'infradlion de la règle.
Dans l'ordre naturel , les intérêts où les
sfFeflions fe contrarient ; on héhte , on dé-
l.beie , on répugne à la règle ; on eft enfin
décidé ou par la paflion qui domine , ou
par la crainte des peines.
Ainfi la règle qui guide les uns fuffit
dans l'ordre moral pour les déterminer fans
E V I
héfîter &c fans délibérer ; au lieu que la
contrariété d'intérêt qui atleéle les autres ,
réfifte à la règle , d'oîj naît l'exercice de la
liberté animale , qui eff toujours dans l'hom-
me un dcfordre , un combat intenté par des
pafTons trop vives qui réfultcnt d'une mau-
vaile organifation du corps , naturelle ou
contraftée par de mauvaifes habitudes qui
n'ont pas été réprimées. L'ame efl livrée
alors à des fenfations affeélives , li fortes
&z h difcordantes , qu'elles dominent les
fenfations inllruètives qui pourroitnt la
diriger dans fes déterminations ; c'eft pour-
quoi on eft obligé, dans l'ordre naturel , de
recourir aux punitions & aux châtimens les
plus rigoureux pour contenir les hommes
pervers.
Cette liberté animale ou ce conflit des
fenfations afteftivcs qui bornent l'attention
de l'ame à des pallions illicites & aux
peines qui y font attachées , c'cft-à-dire,
au bien & au mal phylîque ; cette préten-
due liberté , dis-je , doit être diftinguée de
la liberté morale ou d'intelligence, qui
n'cft pas obfédée par des affections déré-
glées ; qui rappelle à chacun fes devors
envers Dieu , envers foi-même , envers les
autres ; qui fait appercevoir toute l'indignité
du mal moral , de Tiniquité du crime , du
dérèglement ; qui a pour objet le bien mo-
ral, le bon ordre, l'obfervation de la règle ,
la probité , les bonnes œuvres , les motifs
ou les affedions licites, l'intérêt bien en-
tendu. C'eft cette liberté qui fait connoître
l'équité , la nécellîté , les avantages de la
règle ; qui fait chérir la probité , l'hon-
neur, la vertu, & qui porte dans l'hommq
l'image de la divinité ; car la liberté divine
n'eft qu'une pure liberté d'intelligence.
C'eft dans l'idée d'une telle liberté , à la-
qu lie l'homme eft élevé par fon union avec
l'intelligence divine, que nous appercevonS
que nous fommcs réellement libres , & que
dans l'ordre naturel nous ne fommes libres
tffcétivement qu'autant que nous pouvons,
par notre intelligence , diriger nos détermi-
nations morales , appercevoir, examiner,
apprécier les motifs licites qui nous portent
à remplir nos devoirs , «Se à rélifter aux af-
fections qui tendent à nos jeter dans le dé-
règlement : aufTi convient- on que dans
l'ordre moral les enfans, les fous, les im-.
E V I
bccilleS ne font pas libres. Ces premières
vérités évidentes font la Ivifc des connoif-
fances fumaturclles , les premier'-: dévclop-
pcmens des connoillanccs naturciles , les
vérités fondamentales des fcicnces, les loix
qui dirigent l'elprit dans le progrès des con-
noiflances , les règles de la conduite de tous
les animaux dans leurs aétions relatives à
leur conlervation , à leurs befoins , à leurs
inclinations , à leur bonheur ik. à leur
malheur.
EVIEN , l'oye^ surnom de Bacchus.
ÉVIER , r. m. ( Mûfori. ) pierre crculée
& percée d'un trou , avec grille , qu'on
place à hauteur d'appui dans une cuihne
pour laver la vaillelle 8z en faire écouler
l'eau : c'cft aulTi un canal de pierre qui fcrt
d'égoûc dans une cour ou une allée. ( P )
EVINCER , V. ad. ( Jurifprud. ) c'tft
(dépoireder quelqu'un juridiquement d'un
héritage ou autre immeuble. On peut être
évinté en pluiieurs manières , comme par
nue demande en complainte , ou par une
demande en diliftement , par une demande
en déclaration d'hypothèque , par une fai-
fie réelle , par un retrait féodal , ou ligna-
gei , ou par un réméré ou retrait conven-
tionnel : bien entendu que dans tous ces
cas le pollelTeur n'eft point évincé de plein
droit en vertu des procédures faites contre
lui ; il ne peut l'être juridiquement qu'en
vertu d'un jugement qui adjuge la ileman-
de , & dont il n'y ait point d'appel, ou qui
foit palP en force de chofe jugée. {A)
EVIRÉ , adj. en terme de Blafon , ie dit
d'un lion ou autre animal qui n'a point de
marque par où l'on puifle connoitre de
quel iexe il eft.
ÉVITÉE , f. f . ( Marine. ) c'eft la lar-
geur que doit avoir le lit ou le canal d'une
rivière pour fournir un libre palîàge aux
vailleaux. C'elt auiTi i-.n eipace de mer où
le vailFeau peut tourner à la longueur de fes
amarres. Chaque vaifleau qui eft à l'ancre
doit avoir fon évitée , c'eft-à-dire , de l'el-
pace pour tourner fur fon cable , fans que
rien l'en empêche. ( Z )
ÉVITER , v. n. ( Marine. ) On dit qu'un
vaifleau a évité , lorfqu'étant mouillé il a
changé de fituation bout pour bout à la
longueur de fon cable , fans avoir levé fes
ancres ; ce qui arrive au changement de ,
E V I 4^1
vent ou de marée : & dans les ports où il
y a beaucoup de vailleaux ôz pas afiez d'es-
pace pour qu'ils puillent éviter, fans fe cho-
quer les uns contre les autres , on les amar-
re devant ik. derrière pour les retenir <Sc
les empêcher de tourner ; ce qu'ils feroicnc
s'ils n'avoient que leurs ancres devant le
nez.
Eviter au vent , fe dit d'un vaidèau lorf-
qu'il piéfcnte la proue au vent.
Eviter à marée , c'cft lorfque le vaiffeau
préfente l'avant au courant de la mer , à la
longueur de fes amarres. { A )
ÉVITER , ( Muft^. ) Foye^ Termes de
MUMQUE.
* ÉVITERNE, f. m. ( Myth. ) divinité
à laquelle les anciens facrifioient des bœufs
roux : c'eft tout ce que nous en (avons. Les
dieux de Platon , ceux qu'il regardoic
comme indillblubles & comme n'ayant
point eu de commencement & ne devant
point avoir de fin , font appelles par cet
auteur Evuernes ow Evintegres,
Eviternc fignifie immortel , & ce nom
fe donnoit à Jupiter.
ÉVITERNITÉ , fynonyme d'éternité ,
f. f. ( Métaphyf. ) durée qui n'a ni commen-
cement ni fin.
E U L
EULOGIE , f. f. dans Vhijîoire de l'églife.
Qaand les Grecs ont coupé un morceau de
pain pour le confacrer , ils taillent le refte
en petits morceaux & les diflribuent à
ceux qui n'ont pas encore communié , ou
les envoient à ceux qui font abfens , &
ces morceaux font ce qu'ils appellent eu-
logies.
Ce mot eft grec , compole de iv hene ,
bien, & i.îyia , je dts ; c'eft-à-dire, be~
'nediclum , béni.
Pendant pluùeurs fiecles l'églife latine a
eu quelque chofe defemblable aux eulogies,
&c c'eft dedà qu'eft venu Pufîige du pain
béni.
On donnoit pareillement le nom à'eulo~
gie à des gâteaux que les fidèles portoicnc
à l'églife pour les faire bénir.
Enfin l'uGge de ce terme pafTa aux pré-
lens qu'on faifoit à quelqu'un , fans aucune
bénéaiction. Fbye^le jéfuite Greetler dans
452 E U L
fon traité de benediclionibus & malediaiont-
bus , Uv. Il, ch. Z4 , 30. &-C. où il traite à
f oni de€ eulogies. , „ „ . r
Il paroît, par un pallage de Bollandus lur
la vie de S. Mclaine , ch. iv , que les eulo-
gies étoient non- feulement du pain , mais
encore toutes fortes de mets bénis, ou pré-
fentés pour l'être. Depuis, toutes fortes de
pcrfonnes bénifloient & diftribuoienc les
eu/o^/M ; non feulement les cvêques & les
prêcl-es , mais encore les hermites , quoique
laïcs, le piatiquoient. Les femmes pou-
voient auffi envoyer des eulogics , comme
il paroît par la vie de S. Vaulry , ch. ,ij ,
n°. 14 ■, dans les Bollandiftcs , Aâafanâ.
jàn. tom.l, page 7.0. , .
Le vin envoyé en pr^lent etoit aulli re-
cardé comme eulogie. De plus , Bollandus
remarque que l'eucharilbe même étoit ap-
pellée eulogie. Aâa fanû. Jan. tom. II ^ p.
igQ. Chambers. ( G )
E U M
EUMECES , ( Hijl. nat. ) pierre fabu-
leufe qui fe trouvoit dans la Badriane -, elle
relTembloïc à un caillou: on croyoit que
mife fous la tête elle ren.4oit des oracles ,
& appr.noit à celui qui dormoit ce qui
s'étoic palTe pendant fon fommcil. Phne ,
}i,J}. nat. hb. XXWlIyCnp. x. _
* EUMENlDÉES,ad). pris iubllantiv.
< Mythol. ) fêtes que les Athéniens cclé-
broient en l'honneur des Euménides. La
feule chofe que nous en fâchions, c'tft qu'il
étoit défendu aux efclaves & autres domef-
tiques d'y prendre part . ^ . . ,.
* EUMÉNIDES , f. f. ( Mych. ) On dit
que les furies furent amh appel lées après
qu'Orefte eut expié le meurtre de la mère.
11 eft vrai qu'elles ceflercnr alors de le
tourmenter, à la foUicitation de Minerve;
mais elles avoient ce furnom long-temps
avant cet événement, Jupiter le lert des
Euménides pour châtier les vivans , ou plu-
tôt pour tourmenter les morts. Elles ont
dans les poètes une figure cftrayante j elles
portent des flambeaux ; des ferpens htllent
fur lei-rs têtes ; leurs mains (ont enfangbn-
tées. Il y avoit près de l'Aréopage un
temp'; confacié aux Eumérud^s : les Athé-
niens, les appelloient Jes dc'cj/cs vénérables.
E U M
EUMETRES , ( H>Ji. nat. ) pîwc d un
verd de porreau , confacrée à Bélus & vé-
nérée par les Affyriens , qui s'en fervoicnt
à des luperftitions.
* EU vlOLPIDES , f. mafc. ( Mytk. )
prêtres de Cérès : ils avoient le pouvoir,
dans Athènes , d'initier aux royfteres de
cette déefle , & d'en exclure. Cette ex-
communication ie faifoit avec des fer-
mens exécrables ; elle ne celToit que quand
ils le jugeoient à propos. Ils étoient ap-
pelles Eumoipides , d'Eumolpe , roi des
Thraces , dont le fils fut tué dans un com-
bat où il (ecouroit les Elcufiens contre les
Athéniens.
E U N
EUNOFIUS , ( Hijî. na:. ) pierre con-
nue des anciens , qu'on croit être la même
choie que Yxtita ou pierre d'aigle.
EUNUQUE, f. m. ( Mèd. Hiji.anc.^
mod. ) Ce mot eft fynonyme de châtré; il
eft employé par conffquent pour délignoe
un animal mâle à qui l'art a ôté la faculté
d'engendrer : il eft cependant d'ufage que
l'on ne donne le nom d'eunuque qu'aux
hommes à qui l'on a fait fubir cette priva-
tion , &c on fe fert ordinairement du mot
châtre pour les animaux. Foyr^ Castra-
tion. Toutefois les Italiens entretenu les
mots cafirato , cajlrati , par lefquels ils dif-
tinguent les hommes qui ont été faits eunu'
ques dans leur enfance pour leur procurer
une voix nette &: aiguë. Voye-^ Castrati,
Eunuque eft un mot grec qui lignifie pro-
prement celui à qui lés tcfficules ont été cou-
pes , dStruits : les Latins l'appellent caftrtt-
tus , Jpado.
Comme celui d'eunuque eft particulière-
ment employé pour fignifier un homme
châtré , amfi qu'il vient d'être dit , c'cft
(ous cette acception qu'il va faire la matière
de cet article ; Se pour ne rien laiftèr à de-
iuer, elle ftra tirée pour la plus grande par-
tie de VHiftoire naturelle de M. de Buf-
kiii , tome H de l'édition. in-l%.
La cnjlration , ain(î que Y infibulaiion , ne '
peuvent avoir d'autre origine que la jalou-
iic , dit cet illnltrc auteur ; ces opérations
barb:)rcs & ridicules ont été imaginées par
des elprits nous & fanatiques , qui , par
une
E U N
une baflè envie contre le genre humain ,
ont diùé des loix criftes & cruelles où la
privation fait la vertu , & la mutilation
le mérite.
Les Valé/îens , h-.'rétiques arabes , fai-
foient un afte de religion , non feulement
de (e chltrer eux-mêmes , d'après Origene ,
mais encore de traiter de la même façon ,
de gré ou de force , tous ceux qu'ils ren-
controient. Epiphin. hivref. hiij.
On ne peut rien imaginer de bizarre &
de ridicule lur ce fujet, que les hommes
n'aient mis en pratique , ou par paflion ou
par fuperftition. La caRration eft aulfi deve-
nue un moyen de punition pour certains
crimes ; c etoit la peine de Padultere chez
les Egyptiens.
L'ulage de cette opération eft fort ancienne,
& généralement répandu. Il y avoit beau-
coup à'eunuques chez les Romains. Aujour-
d'hui dans toute l'Afie &c dans une partie
de l'Afrique , on fe fert de ces hommes
mutilés pour garder les femmes. En Italie
cette opération infâme <?c cruelle n'a pour
objet que la perfection d'un vain talent.
Les Hottentots coupent un tefticule à leurs
€nfans , dans l'idée que ce retranchement
les rend plus légers à la courle. Dans d'au-
tres pays les pauvres mutilent leurs enfans
pour éteindre leur poftérité , & afin que ces
enfans ne fe trouvent pas un jour dans la
mifere &: dans l'afflidtion où le trouvent
leurs parens , lorfqu'ih n'ont pas de pain
à leur donner.
Il y a plufieurs efpeces de caftrations.
Ceux qui n'ont en vue que la perfection
&: la voix , (è contentent de couper les deux
tefticules ; mais ceux qui font animés par
ladéfiance qu'infpirelajaloufie.necroiroient
pas leurs femmes en fureté fi elles étoient
gardées par des eunuques de cette efpece :
ils ne veulent que ceux auxquels on a re-
tranché toutes les parties extérieures de la
génération.
L'amputation n'eft pasle feulmoyen dont
on fe foit fervi : autrefois on empêchoit
l'accroiffement des tellicules fans aucune
incilion ; on baignoit les enfans dans l'eau
chaude & dans des décodions de plantes ;
ejifuite on preflbit & on froiflbit les tefti-
cules avec les doigts , aflez long - temps
pour en meurtrir toute la fubftance ■■>
Tome XIII,
E U N 433
& on en détruifoit n'mfi l'organifation.
D'autres étoient dans l'ufage de les com-
primer avec un inftrument : on prétend
que ce dernier moyen de priver de la
virilité ne fait courir aucun rifquc pour
la vie.
L'amputation des tefticules n'eft pas fort
dangereufe, on la peut faire à tout 3ge ;
cependant on préfère le temps de l'enfance.
i\Liis l'.cmputation entière des parties exté-
rieures de la génération eft le plus fouvent
mortelle , fi on la fiit après l'âge de quinze
ans : & en choififtant l'âge le plus favora-
ble, qui eft depuis fept ans.ju'î.ju'à dix,
il y a toujours du danger. La difiicuhéque
l'on trouve de (auver ces fortes d'eunuques
dans l'opération , les rend bien plus chers
que les autres : Tavernier dit que les pre-
miers coûtent cinq ou fix fois plus en Tur-
quie & en Perle» Chardin obferve que
l'amputation totale eft toujours accompa-
gnée de la plus vive douleur ; qu'on la fait
allez lurement fur les jeunes gens , mais
qu'elle eft très-dangereufe , palle l'âge de
quinze ans; qu'il en échappe à peine un
quart , & qu'il faut fix femaines pour
guérir la plaie. Pietro délia Valle dit aa
contraire , que ceux à qui on fait cette
opération en Perie , pour punition du viol
& d'autres crimes du même genre , en gué-
rillenc fort heureufement , quoique avan-
cés en âge ; & qu'on n'applique que
des cendres fur la plaie : nous ne favons
pas fi ceux qui fubilîoient autrefois la
même peine en Egypte , comme le rap-
porte Diodore de Sicile , s'en tiroient aulTî
heureufement ; félon Thévenot , il périt
toujours un grand nombre de nègres ,
que les Turcs foumettent à cette opéra-
tion , quoiqu'ils prennent des enfans de huit
ou dix ans.
Outre ces eunuques nègres , il y a d'au-
tres eunuques à Conftantinople , dans toute
la Turquie , en Perfe , &c. qui viennent
pour la plupart du royaume de Golconde ,
de la prefqu'ile en deçà du Gange , des
royaumes d'Aftan , d'Aracan , de Pégu ,
& du Malabar , où le teint eft gris : du
golfe de Bengale , où ils font de couleur
olivâtre : il y en a de blancs de Géorgie 6C
de CircafTie , mais en petit nombre. Taver--
nier dit , qu'étam au royaume de Golcondç-
Ili
434 E U N
en 16/7 , on y fit jufqu'à vingt-deux mille
eunuques. Les noirs viennent d'Afrique ,
principalement d'Ethiopie ; ceux-ci font
d'autant plus recherchés & plus chers , qu'ils
font plus horribles : on veut qu'ils aient le
nez fort plat , le regard aftreux , les lèvres
fort grandes & fort grolTes , & fur-tout
les dents noires & écartées les unes des
autres. Ces peuples ont communément les
dents belles ; mais ce feroit un déf-aut pour
un eunuque noir , qui doit être un mon lire
des plus hideux.
Les eunuques auxquels on n'a coupé que
les tefticules , ne laillcnt pas de lentir de
l'irritation dans ce qui leur refte , & d'en
&voirle figne extérieur , même plus fréquem-
ment que les autres hommes : cette partie
qui leur a été laiflee n'a cependant pris
qu'un très - petit accroiffement , fi la caf-
tration leur a été faite dès l'enfance ; car
«lie demeure à-peu-près dans le même état
où elle étoit avant l'opération. Un eunuque
fait à l'âge de Icpt ans , eft , à cet égard ,
à vingt ans , comme un enfant de fept ans :
ceux au contraire , qui n'ont fubi l'opéra-
tion que dans le temps de la puberté , ou
un peu plus tard , lont à-peu-près comme
les autres hommes.
» Il y a des rapports fmguliers entre les
parties de la génération & celles de la
gorge , continue M. de Buffon : les eunu-
ques n'ont point de barbe ; leur voix ,
quoique forte & perçante , n'eft jamais
d'un ton grave ; la correfpondance qu'ont
certaines p.arties du corps humain avec
d'autres fort éloignées & fort différen-
tes , & qui eft ici fi marquée , pourroit
s'obferver bien plus généralement ; mais
on ne fait point allez d'attention aux
effets , lorfqu'on ne foupçonne pas quelles
en peuvent être les caufes : c'eft fans
doute par cette raifon qu'on n'a jamais
fongé à examiner avec loin ces correl-
pondances dans le corps humain ; fur
lefquelies cependant roule une grande
partie du jeu de la machine animale : il
y a dans les femmes une grande cor-
refpondance entre la matrice , les ma-
melles . & la tête ; combien n'en trou-
veroit-on pas d'autres , fi les grands
médecins tournoient leurs vues de ce
\t côté-là .' Il me paioit que cela feroit
E U N
» plus utile que la nomenclature de l'ana-
" tomie. "
Les médecins n'ont pas autant négligé
l'obfervation de ces rapports , que M. de
Butfon lemble le penler ici. Ceux qui font
verlés dans la médecine lavent que cette
oblervation eft au contraire une de celles
qui les a le plus occupés de tous les temps
dès le fiecle d'Hippocrate ; mais les lou-
haits de M. de Euffon, à cet égard , fullent-
ils ablolument fondés , nous pourrions dès
à préfent les regarder comm.e accomplis.
Nous avons des ouvrages qui ont préci'é-
ment pour objet ces correlpondances mo-
dernes entre différentes parties du corps hu-
main , ou dans lefquels il en eft traité par
occafion ; on peut citer comme une pro-
duîëion du premier genre, le Spécimen novi
medecinœ confpeclûs , à Paris , chez Gué-
rin ; & la thefe de M. Bordeu , médecin
de l'univerfité de Montpellier , & do£beur
régent de la faculté de médecine de Paris ,
dans laquelle il le propofe d'examiner an
omncs cor paris partes digcjiioni opitulentur?
1751 , & y conclut pour l'affirmative. Un
ouvrage du fécond genre, eft une autre
thefe de ce dernier , en forme de dillerta-
tion , lur la queftion utrum Aquitanix mi-
nérales aquce morbis chronicis ? 2 75 Z , où
l'on trouve d'excellentes choies, particuliè-
rement lur les correfpondances dont il s'agit.
" On obfervera , dit M. de Bufton en
" finiflànt lur la matière dont il s'agit ,
" que cette correfpondance entre la voix
" & les parties de la génération , f e recon-
" noît non feulement dans les eunuques ,
" mais aufli dans les autres hommes , &
» même dans les femmes ; la voix change
" dans les hommes à l'âge de pubcné , 6c
" les femmes qui ont la voix forte font
" foupçonnées d'avoir plus de penchant à
" l'amour. "
C'eft ainfi que le grand phyficien qui
vient de nous occuper fe borne à donner
l'hiftoire des faits , lorlque les caufes pa-
roiflènt cachées : cette conduite eft fans
doute bien imitable pour tous ceux qui
écri\ent en ce genre.
Mais la rélerve que l'on doit avoir à
entreprendre de rendre railon des phéno-
mènes lingulicrs que prclcnte la nature ,
doit-elle être tcllemait générale qu'eUc
E U N
tienne toujours rimaginnrion enchaînée r
L.1 tniblelfe de la vue n'eft pas une railon
pour ne point faire ufage de les yeux ; lors
même qu'on el\ réduit à marcher à tâtons.
on arrive quelquefois à ion but. Ainli il
ièmble qu'il doive être permis de tenter
des exphcations : quelque peu d'eipcrance
qu'on ait de le faire a\ ec (uccès , il fuffir
de n'en erre pas abiolument privé , &
qu'il puilTc être utile de réulTir; ce qui a
lieu , ce femble , lorfqu'on donne pour
fondement aux explications, des principes
reçus , qu'elles ne (ont que des coniéquen-
ces qu'on en tire , & qu'on peut faire une
application avantageufe de ces confëquen-
ces. C'eft dans cette idée que l'on croit
être autorifé à propoier ici un fentiment
lur la caufc du changement qui furvient à
la voix des cnfans mâles , dès qu'ils attei-
gnent l'âge de puberté , & par conféquent
fur la raifon pour laquelle les femmes & les
eunuques n'éprouvent point ce change-
ment.
Ce fentiment à pour bafe l'opinion de
M. Ferrein fur le méchanifme de la voix.
Ce célèbre anatomifte l'attribue , comme
on fait , aux vibrations des bords de la
glotte , femblables à celles qui s'obfervent
dans les inftrumens à cordes : ce fentiment
cft admis par plufieurs phyfiologiftes , &
a droit de figurer en effet parmi les hypo-
thefes ingénieules & plaufibles, ou au moins
loutenables.
Il en eft , félon ce fyftême , des bords
de la glotte , que l'auteur appelle rubans ,
parce que ceux-là font comme des cordes pla-
tes ; il en eft de ces bords comme des cor-
des dans les inftrumens , où elles font les
moyens du (on : puilque ces rubans pro-
duifent des fons plus hauts ou plus bas , à
proportion qu'ils font plus ou moins ten-
dus par les organes propres à cet effet ,
qu'ils font par conféquent lufceptibles de
vibrations plus ou moins nombreufes ; ces
fons doivent aulTî être aigus ou graves ,
tout étant égal , à proportion que ces ru-
bans font gros ou grêles , de même que
les inftrumens à cordes produifent des fons
aigus ou graves , félon la différente grof-
feur des cordes dont ils font montés.
Cela fuppoié, nous conlîdérerons , i°.
que le fluide fémiiial qui eft préparé dans les
E U N 43y
tefticules à l'âge de puberté , n'eft pas dcf-
tiné feulement à fervir pour la génération,
hors de l'individu qui le fournit , mais qu'il
a auiTî une très-grande utilité , entant qu'il
eft repompé de l'es réfervoirs par les vaif-
Icaux abforbans , & que porté dans la maftê
I des humeurs, il s'unit à celle avec laquelle
il a le plus d'analogie , qui eft fans doute
la lymphe nourricière , à en juger par les
effets fimultanés ; qu'il donne à cette lym-
phe , que l'on pourroit plutôt appcller ['ef-
fcnce des humeurs , la propriété de fournir
à l'entretien, à la réparation des élémens
du corps , de fes fibres premières , d'une
manière plus folide , en fourniffant des
molécules plus denfes que celles qu'elles
remplacent. i°. Qiie ce fluide rend ainfî
la texture de toutes les parties plus forte,
plus compade ; ce qui établit dès - lors la
différence de confticution entre les deux
fexes. 3°. Que cette augmentation de for-
ces dans les fibres qui compoient le corps
des mâles , eft une caufe fur-ajoutée à celle
qui produit l'augmentation de forces com-
mune aux deux fexes, entant que celle - ci
n'eft que l'effet du fimpîe accroillèment ,
par laquelle caufe fur-ajout 'e fe forme une
(brte de rigidité dans les fibre- des hom-
mes en puberté, qui leur devient propre.
4°. Que c'eft cette rigidité , tout étant
égal , qui rend les hommes plus robuftes ,
plus vigoureux en général que les femmes ,
plus fufcepCibles qu'elles de (upporrer la
fatigue , la violence même des exercices ,
des travaux du corps , &c. Ne s'endiit - il
pas delà , que cette rigidité s'établillànt
proporcionnément dans toutes les parties
du corps , dans l'état naturel , ne doit ren-
dre nulle part les changemens qui s'enlui-
vent, aulTl fenfibles que dans les organe*
dont la moindre altération fait appercevoir
plus aifément que dans les autres , une
différence marquée dans l'exercice de leurs
fondions? ces organes font fans contredit,
les bords de la glotte , relativement aux
modifications des fons qu'ils ont la facultë
de produire par leurs vibrations caufées
par le frottement des colonnes ou filets
i'air qui agiftent comme un archet , in
modum vkclri , fur ces bords membraneux
& flexibles : ceux-ci devenus plus épa/s ,
plus forts, par la caufe fur - ajoutée qui eft
lii i
45^ EUN
commune à rous les organes dans les ma-
ies, c'et1-à-d!re , l'addinon du fluide fémi-
nal à la lymphe nourricière , doivent erre
ébranlés plus difficilement , 8c n'être fut-
ceptibles , cxterispanbus , que d'un moindre
nombre de vibrations , mais plus étendues :
par conféquent les fons qu'elles produifent
doivent être m.oins aigus, & enfuite deve-
nir graves de plus en plus , en raifon inverfe
de l'augmentation d'épailïeur & de rigidité
dans les hbres qui compofent les cordes voca-
les : ce qu'il falloir établir pour l'explication
dont il s'agit. Delà s'enfuit celle de tout ce
qui a rapport au phénomène principal , qui
eft le changement de la voix , dans le temps
où la femence commence à fe féparer dans
les tefticules.
On fe rend aifément raifon de ce que les
€unuques n'éprouvent pas ce changement à
cet âge ; ils luivent , à tous égards , le
fort des femmes : le corps de ceux - là ,
comme de celles-ci , ne fe fortifie que par
la caufe unique de l'accroillement qui leur
fft commune ; ils reftent par conféquent
débiles , foibles comme elles , avec une
Toix grêle, comme elles; ils iont privés,
comme elles , de la marque ofteniible de
virilité, qui eft la barbe, pour l'a ccroi dé-
ment de laqvielle il faut apparemment un
fluide nourricier plus plallique, tel que celui
«jui eft préparé dans le corps des mâles , en
im plus grand degré de force lythaltique
dans les iolides en général, force qui pro-
duit cet effet au menton & d'autres propor-
tionnés dans toutes les parties du corps , tels
qu'une plus grande vigueur dans les muicles,
plus d'aâiivicé dans les organes des lecré-
tlons , ê'c.
Ces cor.jeétures lurles caufes du défaut
de barbe , femblenr d'autant plus fondées ,
c[ue Ton voit les hommes d'un tempérament
délicat & comme féminin , n'avoir preique
point ou très-pea de cette forte de poil ;
& au contraire , les femmes vigourcules
& rohuffes avoir au menton , iur la lèvre
fupérieuTe ilir-tout , des poils aflez longs
& aflez forts pour qu'on leur puifle donner
aufTî le nom de br.rhc; car on doit obier-
ver , à ce (ujet , que toutes les femmes
otit du poil fur ce^, parties du vifagu: , comme
fur plufîeurs autres parties du corps; mais
<iue ce poil nù. oïdiuairemcnt follet & peu
EUN
lenfïble , fur -tout aux blondes ; que les
hommes ont aulli du poil fur prefque toutes
les parties du corps , mais plus fort , tout
étant égal, que celui des femmes; qu'il en
eft cependant de celles - ci qui iont plus
velues que certains hommes , dont il en
eft qui ont très-peu de poil , les eunuques
fur-tout , à proportion qu'ils font d'un
tempérament plus délicat, plus efteminé ,
& vice veifâ. C'eft de cette oblervation qu'eft
né le proverbe , vir pilofus & fonts 6' luxu-
riofus : voilà par conféquent encore une
forte de correlpondance entre les poils &
les parties de la génération ; d'où on peut
tirer une conféqucnce avantagcule à l'ex-
plication donnée : d'où on eft toujours
plus en droit de conclure que la différente
complexion femble fliirc toute la différence
dans les deux lexes ; ^' que la complexion
plus force dans les hommes dépend princi-
palement du recrément féminal. Mais fur
toutes ces particularités , foyc^PoiL.
Nous finirons ces recherches fur la na-
ture de la cauie qui vient d'être établie ,
concernant les fuites de la féparation de
la liqueur fpermatique , à l'égard de la
voix fur-tout , en appuyant la théorie
qui a été donnée de ces eftets , par les
obfcrvâtions iuivantes. Les adultes à qui
les tefticules ont été emportés, par acci-
dent ou de toute autre manière , devien-
nent efféminés , perdent peu à peu les
forces du corps , la barbe ; en un mot
leur tempérament dégénère entièrement :
mais le changement eft fur - tout fcniible
par rapport à la voix , qui de mâle , de
j'.rave qu'elle éroit , devient grêle , aiguë ,
comme celle des femmes. Bocrhaave ,
Comment, in propr. injlit. § 6^8, fait men-
tion d'un foldat qui avoit éprouvé tous
ces effets , après avoir perdu les tefticules
par un coup de feu. Les icunes gens qui
contradtent la criminelle habitude d'abufer
d'eux-mêmes par la maftupration , ou qui
(c livrent trop tôt ^ immodérément à
l'exercice vénérien , en s'cnervaMC par ces
excc'î d'évacuation de femence dont ils
fruftrent b malle des humeurs, perdent
ibuvent la voix , ou au moins dilconti-
nuent de la prendre grave ; «Si fi elle
n'avoit pas encore eu le temps de venir
telle, elle rcftc grêk & aiguë comme
EU N
celle cîcs femmes plus long-temps qu'il
n'eft naturel ; ce qui ne (e répare quel-
quefois jamais bien, li la caufe de ce délor-
dre ell devenue habituelle , parce que
toutes les autres parties du corps relient
foibles à proportion , £v. f^'oye^ Mastu-
PRATION.
Les grandes maladies , qui caufent un
amaigrillement coniidtrable , qui jettent
dans le maralme , produilent aulTi des
changemens dans la voix , la rendent aiguë ,
grêle , dans ceux-mêmes qui l'avoient le
plus grave; changement qu'il faut bien
dillingucr , & qui eft réellement bien dif-
férent de la foiblelle de la voix , qui eft
aulTi très-fouvent un autre effet des
mêmes cuiles alléguées. Ces changemens
du ton habituel de la voix , qui viennent
d'être rapportés , ne pouvant être attri-
bués qu'au défiut de réparation dans les
parties folides , dans les fibres en général ,
& en particulier dans celles qui compo-
fent les bords de la glotte , dans lefquels
la diminution de volume eft proportion-
née à celle qui fe fait dans toutes les
autres parties , ne laiflent , ce fembîe ,
prelqu'aucun doute (ur la vérité de l'ex-
plication que l'on vient de propofer , qui
paroit d'ailleurs être lufceptible de quel-
que utilité , lans aucun inconvénient dans
la pratique médicinale , par les conféquen-
ces ultérieures qu'elle peut fournir , con-
cernant les ditferens effets des mêmes
maladies comparées dans les deux fexes ,
dans les mâles enfans & adultes, dans les
eunuques , concernant la difpofition à cer-
taines maladies , qui fe trou\e plus dans
un de ces états que dans un autre : on
fe bornera ici à en citer un exemple , d'où
on peut tirer la conféquence pour bien
d'autres. Selon Pifon , tome II. page jS^.
les eunuques Se les femmes ne font pas
lajets à la goutte , non plus que les ;eui:es
gens avant de s'être livres à l'exercice véné-
rien. E]i effet , les oblervations contraires
font très-rares , &'c. loje^ Semence, Voix ,
£' Goutte, (d)
Eunuques, cunuchi , f. m. pi. {Hift.
eccléf. ) eft aulTi le nom qu'on donnoit à
«ne feâ:e d'hérétiques qui avoient la manie
de fe mutiler non feulement eux-mêmes
& ceux qui adliéroieuc à leurs feiitimens ,
E U N 43^,
mais encore tous ceux qui tomboicnt entra
leurs mains.
Qiielques-uns croient que le 7.elc iu-
confidéré d'Origcne donna occalîon à cette
iedle. U eft probable aulfi qu'une fiuftè
idée de la perfection chrétienne , prife
d'un texte de S. Matthieu mal entendu,
contribua à accréditer cette extravagance.
On donna aullî à ces hérétiques le nom de
Valéficns. V. ValÉsiens. Chambcrs. (G)
EUNOMIENS , f. m. pi. ( Hi). eccL )
fede d'hérétiques qui parurent dans le iv
liecle. C'étoit une branche des Ariens ,
ainfi nommée d'Eunome leur chef , qui
ajouta plufieurs hérélîes à celles d'Arius.
Cet homme fut ftit évcque de Cyzique
vers l'an 360, & enfeigua d'abord fes
erreurs en lecret , puis ouvertement , ce
qui le fit chailcr de fon fiege. Les Ariens
tentèrent inutilement de le placer fur celui
de Samo'ate : Valens le rétablit fur celui de
Cyzique ; mais après la mort de cet empereur
il fut condamné à l'exil, .Se m.ourut enCap-
padoce.
Eunome foutenoit entr'autres chofes ,
qu'il connoiiroit Dieu auffi parfaitement
que Dieu (e connoilîôit lui-même ; que le
fils de Dieu n'étoit Dieu que de nom ;
qu'il ne s'étoir pas uni fubftantiellemenc
à l'humanité , mais feulement par fa vertu
& par fes opérations ; que la foi toute
feiile pouvoir fauver , quoique l'on com-
haïffuu h fort ce myftere , qu'il condam-,
noit la triple immeriion dans le baptême.
Il le déchaîna auili contre le culte des
martyrs , & l'honneur rendu aux reliqueâ
des faints. Les Eunomiens foutinrent aulTî
les mêmes erreurs : on les appelloit au-
trement Troglodytes. V. Troglodytes.
Diêioim. de Trévoux &C Ckamhers. (G)
EUNOAlïO-EUPSYCf IIENS , f. m. pi,
( JV//?. eccl. ) feéle d'hérétiques du iv fiecle ,
qui le fcparerent des Eunomiens pour une
queftion de la connoiftance ou fcience de
Jcfus-Chrift , quoiqu'ils en conferva fient
d'ailleurs les piincipales erreurs. Voyc'^
Eunomiens.
Nicéphore parle des Eunomlo-Eupfy~
chiens , liv. XII. ch. xxx. comme étant le^
43« E U N
mêmes que Sozomene appelle Eutychiens ,
Uv. VII. ch. xvij. Suivant ce dernier hif-
torien , le chef de cette fede étoit un
eunomien appelle Euryche , ëc non pas
Eupfyche , comme le prétend Nicéphore :
cependant ce dernier auteur copie Sozo-
mene dans le partage où il s'agit de ces
hérétiques , ce qui prouve que tous deux
parlent de la même fedte ; mais il n'eft pas
facile de décider lequel des deux fe trompe.
M. de Valois , dans fes notes fur So%omene ,
s'eft contenté de remarquer cette différence ,
fans rien prononcer ; & Fronton du Duc
en a fait autant dans fes notes fur Nicéphore.
Voyez le diclionn. de Trévoux & Chambcrs, (G)
E V O
ÉVOCATION , ( Littér. ) opération
religieufe du paganifme , qu'on pratiquoit
au lujet des mânes des morts. Ce mot dé-
fîgne aufïî la formule qu'on employoit pour
inviter les dieux tutélaires des pays où
l'on portoit la guerre , à daigner les aban-
donner & à venir s'établir chez les vain-
queurs , qui leur promettoient , en recon-
noiflance des temples nouveaux , des autels
& des facrifices. Article de M. le chevalier
DE JaUCGURT.
Evocation des dieux tutélaires ,
( Littéral. Hijl. anc. ) Les Romains ,
entr'autres peuples , ne manquèrent pas
de pratiquer cette opération religieule &
politique , avant la prife des villes , &
orfqu'ils les voyoient réduites à l'extrémité ,
ne croyant pas qu'il fût poffible de s'en
rendre les maîtres tant que leurs dieux tuté-
laires leur feroient favorables , & regar-
dant comme une impiété dangereufe de
les prendre pour ainil dire prilonniers ,
en s'emparant par force de leurs temples ,
de leurs ftatues , & des lieux qui leur
étoient conf-Kiés: ils évoquaient ces dieux
de leurs ennemis , c'eft-à-dire , qu'ils les
invitoient par une formule religieufe à
venir s'établir à Rome , où ils trouveroient
des ferviteurs plus zélés à leur rendre les
honneurs qui leur étoient dûs.
Tite-Live , livre V. décad. ']. rapporte
l'évocation que fit Camille des dieux Véiens ,
en ces mots : " C'cfl: Ibus votre conduite ,
» 6 Apollon Pythicn , 6c par l'inftigation
>' de votre divinité , que je vais détruire
fc
E V o
" la ville de Véies : je vous offre la
» dixième partie du butin que j'y ferais
» Je vous prie aulîi , Junon , qui demeurez
» prclcntcmenr à Véies , de nous luivrc
» dans notre ville , où l'on vous bâtiri un
" temple digne de vous. "
Mais le nom facré des divinités tutélaires
de chaque ville étoit prefque toujours
inconnu aux peuples , & révélé feulement
aux prêtres , qui , pour éviter ces évoca-
tions , en faifoient un grand myftere , &
ne les proféroient qu'en lecret dans les
prières folemnelles : aulTI pour lors ne les
pouvoit-on évoquer qu'en termes généraux ,
<:?c avec l'alternative de l'un ou de l'autre
fexe , de peur de les offenfer par un titre
peu convenable.
Macrobe nous a confervé, Saturn. Uv. III.
c. ix. la grande formule de ces évocations ,
tirée du Hvre des chofes fecretes de Sammo-
nicus Séréiius qui prétendoit l'avoir prilè
dans un auteur plus ancien. Elle avoir été
fiite pour Carthage ; mais en changeant
le nom , elle peut avoir fervi dans la fuite
à plusieurs autres villes , tant de l'Italie
que de la Grèce , des Gaules , de l'Efpagne
& de l'Afrique , dont les Romains ont
évoqué les dieux avant de faire la con-
quête de ces pays-là. Voici cette formule
curieufe.
" Dieu ou déelTe tutélaire du peuple
» & de la ville de Carthage , divinité
" qui les avez pris fous votre proteftion ,
" je vous fupplie avec une vénération
» profonde , & vous demande la faveur
" de vouloir bien abandonner ce peuple
>» & cette cité ; de quitter leurs lieux laints ,
" leurs temples , leurs cérémonies facrées ,
" leur ville ; de vous éloigner d'eux ; de
" répandre l'épouvante , la confufion , la
" négligence parmi ce peuple & dans
" cette ville : éc puisqu'ils vous trahillent ,
" de vous rendre à Rome auprès de nousj
" d'aimer & d'avoir pour agréables nos
» lieux laints , nos temples , nos (acres
" myfteres ; & de me donner , au peuple
" romain & à mes loldats , des marques
» évidentes & lenlibles de votre prorec-
" tion. Si vous m'accordez cette grâce ,
» je fais vœu de vous bâtir des temples
» & de célébrer des jeux en voue hoii-
" neur, »
E V O
Après cette évocation ils ne doutoient
point de la perte de leurs ennemis , çer-
liiadcs q^ue les dieux qui les avoient lou-
tenus julqu'alors , alloicnt les abandonner,
& transférer leur empire ailleurs. C'efl:
ainiî que Virgile parle de la délertion des
dieux tutclaires de Troye , lors de fon
cmbralement :
Excejfere omnes , adytis , arifque reliais ,
Di quibus imperiiim liocjîeterat
Ji.n&ià. lib. II.
Cette opinion des Grecs, des Romains ,
^' de quL'lques autres peuples , paroit
encore conforme à ce que rapporte Joîeph ,
liv. VI de la guerre des Juifs , chap. xxx.
que l'on entendit dans le temple de Jéru-
fàlem , avant la deftru6tion , un grand bruit,
& une voix qui di(oit , fanons d'ici ; ce
que l'on prit pour la retraite des anges
qui gardoient ce (aint lieu , & comme un
préfage de fîi ruine prochaine : car les
Juifs reconnoifloient des anges protecteurs
de leurs temples & de leurs villes.
Je finis par un trait également plaifant
& fingulier , qu'on trouve dans Quinte-
Curce , liv. IV , au fujet des évocations. Les
Tyriens , dit - il , vivement preflés par
Alexandre qui les alTîégeoit , s'aviferent
d'un moyen aflez bizarre pour empêcher
Apollon , auquel ils avoient une dévo-
tion particulière , de les abandonner. Un
de leurs citoyens ayant déclaré en pleine
aficmblée qu'il avoit vu en fonge ce dieu
qui fe retiroit de leur ville , ils lièrent fa
ftatue d'une chaîne d'or , qu'ils attachèrent
à l'autel d'Hercule , leur dieu tutélaire ,
afin qu'il retint Apollon. Voye^ les mém.
de l'ûcad. des Infcript. tome V. Article de
M. le chevali^r DE Jaucourt.
Evocation des mânes , ( Littérature. )
c'étoit la plus ancienne , la plus folemnelle ,
& en même temps celle qui fut le plus
fouvent pratiquée.
Son antiquité remonte fi haut , qu'entre
les différentes efpeces de magie que Moyfe
défend , celle-ci y eft formellement mar-
quée : Necfit .... qui quœrat h mortuis veri-
tatem, L'hiftoire qu'on répète fi fouvent
a ce fujet de l'ombre de Samuel , évoquée
par la magicienne , fournit une autre
preuve que les évocations étoieiit en ufagc I
E V O 439
des les premiers fiecles , & que la fuptrl-
tition a preique toujours triomphé de la
raiion chez tous les peuples de la terre.
Cette pratique pafià de l'orient dans
la Grèce , où on la voit établie du temps
d'Homère. Loin que les p.aïens aienc
regardé l'évocation des ombres comme
odieufc & criminelle , elle étoit exercée
par les miniftres des chofcs faintes. Il y
avoit des temples confacrés aux mânes ,
où l'on alloit confulter les morts ; il y en
avoit qui étoient deftinés pour la céré-
monie de l'évocation. Paufanias alla lui
même à Héracléc , enfuite à Phygalia ,
pour évoquer dans un de ces temples une
ombre dont il étoit perfécuté. Périandre ,
tyran de Corinthe , fe rendit dans un
pareil temple qui étoit chez les Thefprotes,
pour confulter les mânes de Méliilc.
Les voyages que les poètes font faire
à leurs héros dans les enteis , n'ont peut-
être d'autre fondement que les évocations ,
auxquelles eurent autrefois «ecours de
grands hommes pour s'cciaircir de leur
deflinée. Par exemple , le fameux voyage
d'Ulyflè au pays des Cymmériens, où il alla
pour confulter l'ombre de Tyréfias ; ce
fameux voyage , dis - je , qu'Homère a
décrit dans l'Odifléc , a tout l'air d'une
iemblable évocation. Enfin Orphée qui avoit
été dans la Thciprotie pour évoquer le
fantôme de fa femme Euridice , nous
en parle comme d'un voyage d'enfer , &
prend delà occafion de nous débiter to-is
les dogmes de la théologie païenne fur
cet article ; exemple que les autres poètes
ont fuivi.
Mais il faut remarquer ici que cette
manière de parler , évoquer une ame , n'eft
pas exadte ; car ce que les prêtres des
temples des mânes , & enfuite les ma-
gic'cns , évoquaient , n'étoit ni le corps ni
l'ame , mais quelque chofe qui tenoit le
m.ilieu entre le corps & l'ame , que les
Grecs appelloient iiiah^v , les Lnânsfimu-
lacriin , imago , umbra tenais. Quand Pi-
trocle prie Achille de le faire entrer , c'eft
afin que les images légères de;, morts ,
ùSata. Ktf//5!'Tcr,ne l'empêchent pis de paflcr
le fleuve fatal.
Ce n'étoit ni l'ame ni le corps qui
dcfccndoicn: dans les champs élifées , mai*
440 E V O
'ces idoles. Uly(ïè voie l'ombre d'Hercule
dans ces demeures forturiées , pendant
que ce héros efl: lui-même avec les dieux
immortels dans les cieux , où il a Hébé
pour époufe. C'étoient donc ces ombres, ces
Ipeétres ou ces mânes , comme on vou-
dra les appellcr , qui étoient évoqués.
De (avoir maintenant fi ces ombres ,
ces fpedVres ou ces mânes ainfi évoqués ,
apparoilîbient , ou 11 les gens trop cré-
dules fe lailfoient tromper par l'artifice
des prêtres , qui avoient en main des
fourbes pour les fervir dans Toccafion , c'eft
ce qu'il n'eft pas difficile de décider.
Ces évocations , l\ communes dans le
pigamfme , le pratiquoient à deux fins
principales , ou pour conloler les parens
& les amis , en leur failant apparoitre
les ombres de ceux qu'ils regrettoient ,
ou pour en tirer leur horofcope. Enfuite
parurent fur la fcene les magiciens , qui
le vantèrent aulTi de tirer par leurs en-
chantemens ces âmes , ces fpeftres ou ces
fantômes de leurs demeures fombres.
Ces derniers , miniftres d'un art frivole
&: funefce , vinrent bientôt à employer ,
dans leurs évocations , les pratiques les plus
folles & les plus abominables ; ils alloient
ordinairement fur le tombeau de ceux
dont ils vouloient évoquer les mânes , ou
plutôt , lelon Suidas , ils s'y laifloient
conduire par un bélier qu'ils tenoient par
les cornes , iz qui ne manquoir pas , dit
cet auteur , de fe profterner dès qu'il y
étoit arrivé. On faifoit là plufieurs céré-
monies , que Lucain nous a décrites en
parlant de la fameuie magicienne nommée
Hcrmonide ; on fait ce qu'il en dit :
Pour des charmes pareils elle garde en tous
lieux
Tout ce que la nature enfante d'odieux ;
Elle mtk à du ftng qu'elle puife enfec ve.'ues,
Les entrailles d'un lynx, &C.
Dans les évocations de cette efpece , on
ornoit les autels de rubans noirs & de bran-
ches de cyprès -, on y facrifioit des brebis
iroires : & comme cet art fatal s'exerçoit
la nuit , on immoloit un coq , dont le chant
annonce la lumière du jour , fi contraire
aux enchantemens. On finilToit ce lugubre
appareil par des vers jnagiques , & des prières
E V Ô
qu'on récitoir avec beaucoup de contorlîons.
C'eft ainfi qu'on vint à bout de perfuader
au vulgaire ignorant & ftupide , que cette
magie avoit un pouvoir abfolu , non feu-
lement fur les hommes , mais fur les dieux
mêmes , fur les aftres , fur le foleil , fur la
lune , en un mot , fur toute la naxure.
Voilà pourquoi Lucain nous dit :
L'univers les redoute, & leur force inconnue
S' élevé impudemment au dcjfus de la nue :
La nature obéit à fes imprcjjions ,
Le foleil étonné fent mourir fes rayons ,
Et la lune arrachée afon trône fitperbe ,
Tremblante , fans couleur , vient écumerfur
l'herbe.
- Perfonne n'ignore qu'il y avoit dans le
paganifme différentes divinités , les unes
bienfaifantes & les autres malfaifantcs , à
qui les magiciens pouvoient avoir recours
dans leurs opérations. Ceux qui s'adreflôieiit
aux divinités malfaiiantes , profelloient la
magie goétique , ou forcellerie dont je viens
de parler. Les lieux louterrains étoient
leurs demeures; l'obicurité de la nuit étoit
le temps de leurs évocations ; & des vidlimes
noires qu'ils immoloient , répondoient à la
noirceur de leur art.
Tant d'extravagances &c d'abfurdités
établies chez des nations favantes & poli-
cées , nous paroi (lent incroyables ; mais
indépendamment du retour 1 ur nous-mêmes,
qu'il leroit bon de faire quelquefois , l'étoii-
nement doit cefler , dès qu'on confiderc
que la magie & la théologie païenne fe
touchoient de près , & qu'elles émanoient
l'une & l'autre des mêmes principes, ^oje^
Magie , Goétie , Manes , Lémures ,
Enchantemens , ùc. Article de M. le che-
valier DE Jaucourt.
Evocation, ( Jurifprud.) eft appellée
en droit litis tranjlatio ou evocatio ; ce qui
(ignifie un changement de juges , qui fe fait
en otant la connoillànce d'une conteftation
à ceux qui dévoient la juger , lelon l'ordre
commun , & donnant à d'autres le pouvoir
d'en décider,
Plutarque , en Ion traité de l'amour des
pères , regarde les Grecs comme les pre-
miers qui inventèrent les évocations 8c les
renvois des affaires à des fieges étrangers;
Se
E V O
f: il en rttCiibue !a caute à la déliance que les
citoyens de la même ville avoient les uns
des autres , qui les portoit à cliercher la
juftice dans un autre pays , comme une
plante qui ne croiObit pas dans le leur.
Les loix romaines font contraires à tout
ce qui dérange l'ordre des j'irikiieflions ,
& veulent que les parties puillènt toujours
avoir des juges dans leur province , comme
il paroît par la loi juris urJinein , au code
de j'jrifdicî. omn. jud. & en l'autli.yî vero ,
cod. de jud. ne provinciales recedentes à
patriâ , ad longin^ua trahiinturexaminn. Leur
motif étoit que fiuvent l'on n'évoqu(^it pas
dans l'efpérancc d'obtenir meilleure julVice ,
mais plutôt dans le deirein d'éloigner le
jugement , & de contraindre ceux contre
iefquels on plaJJoit , à abandonner un
droit légitime , par l'impoiribilitc d'aller
plaider à 2co lieues de leur domicile :
commodiàs ejl il/is (dit CaiTîodore , W. l'^I,
c. xxij. ) cauf.tm pcrdcrc , quàm aliquid per
lalia difpendia conquircre , luivant ce qui eft
dit en Tauth. de appell.n.
Les Romains conlldérolent aulli q\i'un
f)laiJeur faifoit injure à Ton juge naturel
orfqa'il vouloit en avoir un autre, comme
il eft dit en la loi litigaiorcs , inpnncipio , il.
de rc:cpt. arbitr.
Il y avoit cependant chez eux des juges
extraordinaires , auxquels feuls la con-
noilTance de certaines matières éroit attri-
buée , & des juges pour les caufes de cer-
taines perfonnes qui avoient ce qu'on
appcUuit privilegium fvri , aut jus revocandi
dcrnurn.
Les empereurs fe faifoicnt rendre compte
des affaires de quelques particuliers , mais
feulement en deux cas ; l'un , lorfque les
juges des lieux avoient refufé de rendre
juftice , comme il efl dit en l'authentique
ut différant judices , c. j , &C en l'.iuthen-
tique de qucejlore , §. fuper hoc ; l'autre ,
lorfque les veuves, pupilles & autres per-
fonnes dignes de pitié demanJoicnt elles-
mêmes Vévocûtioti de leur cauTe , par la
crainte qu'elles avoient du crédit de leur
partie.
Capitolin rapporte que Marc Antonin,
furnommé le philofophe , loin de dépouiller
-les juges ordinaires des caufcs des parties ,
Tome XIII.
E V O 441
renvo/oit même celles qui le conceriioicnc
au (enar.
Tibère vouloit pareillement que toute
affiire, grande ou jetitc , paflàc par l'auto-
rité du fénar.
Il n'en fut pas de m(îme de l'empe-
reur Claude, à qui les hiftoricns impu-
tent d'avoir cherché à attirer à lui les
fondions des magirtrats , pour en retirer
profit.
Il ell: parlé de lettres évocatoires dans
le code Théo loflen & dans celui de Juf-
tinien , an titre de decurionibus ^; filent ia~
riis ; mais ces lettres n'étoienc point des
évocations , dans le fens où ce terme Ce
prend parmi nous : c'étoient proprement
des cong°s que le prince donnoit aux oiH-
cicrs qui étoienr en province, pour venit
à la couf ; ce que l'on appelloit evocare ad
cvrnitatum.
Il faut entendre de même ce qui eft die
dans la novelle i y i de Jullinien : ne decurio
aut cohortalis perdue atur i,i jus , ci ira jujjio-
nem principis. Les lettres évocatoires que le
prince accordoit dans ce cas étoient pro-
prement une permilîîon d'afïigner l'ofticier,
lequel ne pouvoir être autrement alTîgné
en jugement , afin qu'il ne fût pas libre à
chacun de le diftraire trop aiiément de (bii
emploi.
En France, les évocations trop fréquentes,
& faites fans caufe légitime , ont toujouis
été regardées com,me contraires au bien de
la juliice ; Se les anciennes ordonnances
de nos rois veidcnt qu'on lailfe à chaque
juge ordinaire la ccmnoill nice des affaires
de Ion dillricl. Telles font cntr'aucrfs
celles de Philippe - le - Bel , en 1 501 ; de
Philippe de Valois, en 2514; du rci
Jean , en 1 5 n & M f 5 ; ^e Charles V , eii
1 5 f 7 ; de Charles VI , en 140'i , Se zuz-ss
portéricurs.
Les ordonnances ont aulfi rct^reint l'usage
des évocatior.s h cerrains c.is , & déclarent
nulles toutes les évocations qui feroienc
extorquées par importunité ou par inad-
vertance , contre la teneur des ordon-
nances.
C'e'\ dans le même efprit que les cs.wds
fur lefqucllcs l'évocation ]pç\iX être fondée,
doivent être mûrement examinées , & c'e'l
une des fo.idtions principales d'i conlr'l.
Kkk
44* E V O
S'il y a lieu de l'accorder , l'affaire eft ren-
voyée ordinairement à un autre tribunal ,
&: il efttrès-rare de la retenir au confeil , qui
n'eft point cour de juftice , mais établi pour
maintenir l'ordre des jurifdiftions, & faire
rendre la juftice dans les tribunaux qui en
font charges.
Voici les principales difpofitions que
l'on trouve dans les ordonnances fur cette
matière.
L'ordonnance de décembre 1 54+ ' ^'^^^
qu'à l'avenir il ne fait permis à qui ce fait
de contrevenir aux aric'is du porleinent
ni d'impétrer lettres eux fins de retarder ou
empêcher l'exécution des arrêts , ni d'en pour-
fuivre l'entérinement , à peine de Go livres d'a-
mende Le rci enjoint nu parlement de
n'obéir & obtempérer en façon quelconque à
telles lettres , mais de les déclarer nulles ,
iniques Ù fubreptices , ou d'en référer au
roi , & inffruire fa religion de ce qu'ils croi-
ront être raifonnablement fait , s'il leur paraît
expédient.
Charles VI , dans i:ne ordonnance du
ly août 1389 , (e plaint de ce que les
parties qui svoicnt des affaires pendantes
au parlement , cherchant des fubteifuges
pour fatiguer leurs adverïaires , furpre-
noient de lui , à force d'importunités , &
quelquefois par inadvertance , des lettres
clofes ou parentes, par lefquelles , con;re
toute juflice , elles hiiioient inteniire la
connoiflance de ces affaires au parlement ,
qui eft , dit Charles VI , le miroir & la
fource ce toute la jujlicc du royaume , & fîi-
foient renvoyer ces mêmes affaires au roi ,
en quelque lieu qu'il fût ; pour remédier
à ces abus, il défend très-exprelTément au
parlement d'obtempérer à de telles lettres ,
fait ouvertes eu dofes , accordées contre le
bien des parties , au grand fcandal; £' retar-
dement de la jujîtce , contre le flylc i> les
nrdonnances de la cour, à moins que ces
lettres ne foient fondées fur quelque caufe
raifonnabte , de quoi il charge leurs confcicn-
ces : il leur défend d'ajouter foi , ni d'obéii
aux huilTîers , fcrgens d'armes & autres
officiers porteurs de telles lettres , ains au
contraire , s'il y échet , de les déclarer nulles C-
injufes , ou au moins fubreptices ; ou que s'il
leur paroît plus c>-pcjie:u , félon la nature
E V O
des caufes Se la qualité des perfonnes , ils
en écriront au roi Se en inflruiront fa reli-
gion iur ce qu'ils croient êire fait en telle
occurence.
L'ordonnance de Louis XII, du 21
décembre 149^, s'explique à-peu-près de
même au lujet des letcres de dilpenfe Se
exception , furprifes contre la tene.ir des
ordonnances ; Louis XII les d^^clare
d'avance nulles , & charge la confcience
des magiftrats d'en prononcer la fubrep-
tion Se la nullité , à peine d'être eux-
mêmes défobéilfans & infradcurs des ordon-
nances.
L'édit donné par François I , à la Bour-
dailiere , le 18 mai i jiy , concernant les
évocations des parlemens pour caufe de fuf-
picion de quelques officiers, fait mention
que le chancelier &: les députés de pluiicurs
cours de parlement lui auroicnt remontré
combien les évocations éroient contraires
au bien de la juflice, & l'édit porte que
les lettres d'évocation feront o(Sroyces
feulement aux fins de renvoyer les caufes
èi matières dont il fera qucllion au plus
prochain parlement, & non de les retenir
au grand confeil du roi, à moins que les
parties n'y confènciflent , ou que le roi ,
pour aucunes caufes à ce mouvantes ,
n'oftroyât, de fon propre mouvement, des
lettres pour retenir la connoiflance de ces
matières audit confeil ; & quant aux
matières criminelles , là où fe trouvera
caule de les évoquer , François l ordonne
qu'elles ne Ibient évoquées , mais qu'il fort
commis des juges fur les lieux julqu'au nom-
bre de dix.
Le même prince, par fon ordonnance de
Villers - Cotterets , art. ijo , défend au
garde des fceaux de bailler lerrres pour
retenir par les cours fouveraines la ccMinoif-
fance des matières en première infiance ,
r.e cvfjl pour les 61er de leur jurifJiclion
ordinaire , f." les évoquer £' commettre à autres ,
ainfi qu'il en a été grandement ahufé par ci'
devant.
Et fi , ajoute l'art. 171 , lefditcs lettres
étoient autrement baillées, déjcndons à tous
nos Juges d'y avoir égard ; Sc il leur e(l en-
joint de condamner les impetrans en l'a-
mende ordinaire , comme de fol appel ,
tant envers le roi qu'envers la partie , Sc
E V O
d'avfrtir le roi de ceux qui auroient baille
Icfdices lettres > pour en f^iire punition fé-
lon l'exigence des cas.
Le chancelier Duprar , qui ctoit en place
fous le même règne , rendit les évocations
beaucoup plus fréquentes ; 5c c'eft un re-
proche que l'on a fait à la mémoire d'avoir
par-l,\ donné atteinte à l'ancien ordre du
royaume , & aux droits d'une compagnie
dont il avoir été le chef.
Charles IX , dans l'ordonnance de Mou-
lins ^ar/. 70 , déclare , iur les remontrances
qui lui avoient été faites au fujet des évo-
cations , n'avoir entendu Se n'entendre
qu'elles aient lieu hors les cas des éJits &
ordonnances , tant de lui que de fes prédéccf-
feurs , notamment en matières criminelles ,
efquelles il veut que , fans avoir égard aux
évocations ^i// auraient été obtenues par impor-
lunité ou autrement , il firoit paffe ou:re à
l'inftruclion 6' jugement des procès criminels ,
à moins que les évo:a:ions , foie au civil ou
au criminel , n'eullent été expédiées pour
quelques caufes qui y auroient engagé le
roi de fon commandement , 5c fignés par
l'un de fes fecrétaires d'état ; & dans ces
Cas , il dit que les parlemcns & cours fou-
veraines ne paOèront outre , mais qu'elles
pourront faire telles remontrances qu'il
appartiendra.
L'ordonnance de Blois , art.gj , femble
exclure abfo'.ument toute évocation faire par
le ro: de Ion propre mouvement; Henri III
déclare qu'/7 n'entend dorefnavant bailler au-
cunes lettres ^/'évocation , foit générales ou
particulières , de fon propre mouvement ; il
veut que les requêtes de ceux qui pourfui-
vront les évocations fbient rapportées au
confeil privé par les maîtres des requêtes
ordinaires de l'hôtel qui feront de quartier,
pour y être jugées fuivant les édits de la
Bourdaillerc & de Chantiloup , & autres
^dits poftéricurs; que (1 les requêtes ten-
dantes à évocation fc trouvent raifonnables ,
parties ouies & avec connoilTance de caufc ,
les lettres feront octroyées & non autre-
ment , (-c. Il déclare les évocations qui fe-
roient ci- après obtenues contre les formes
fufdites , nulles & de nul effet & valeur ; (:'.•
■ iionohjlant icelles , il veut qu'il foit pajfé outre
a l inJiruJion & jugement de pro::s , par l:s
* juges dont ils auront été évoqués.
E V O 445
L'édit du mois de janvier \^ç,j , rcgidré
au parlement de Bretagne le 26 mai ij<j8,
borne pareillement en l'art, tz , l'ufage dss
évocations aux feuls cas prévus par les or-
donnances publiées ôc vérifiées par les par-
lemens ; l'art, i^ ne voulant que le confeil
fo;t occupé es caufes qui conlîllent jurifdic-
tion contentieuie , ordonne qu'à l'avenir
telles matières qui y pourroient être intro-
duites , feront incontinent renvoyées dans
les cours fouveraines, à qui la connoilTancc
en appartient , fans la retenir , ne dil^
traire les fujets de leur naturel relTort 6c
jurifdidtion.
Et fur les plaintes qui nous font faites ;
d:t Hinri IV en l'art. t£ , des fréquentes
évocations qui troublent l'ordre de la jufti-
ce ,^ voulons qu'aucunes ne puilfent être
expédiées que fuivant les édits de Chan-
teloLip & de la Bourdaificre , & autres
édits far ce fait pu- fes prédécefTeurs , &
qu'elles foient fignées par l'un des fecré-
taires d'état 8c des finances qui aura reçu
les expéditions du confeil , ou qu'elles
n'aient été jugées juftes & raifonnables,
par notredit confeil , fuivant les ordon-
nances.
L'édit du mois de mai 1616 , art. g;
dit : voulons & entendons , comme avons
toujours fait , que les cours fouveraines de
notre royaume foient maintenues & con-
fervées en la libre & entière fondion de
leurs charges , &; en l'autoriré de jurifdic-
tion qui leur a été donnée par les rois nos
prédécelfeurs.
La déclaration du dernier juillet 1648
porte , art. i , que les réglemcns fur le fait
de la jullice , portés par les ordonnances
d'Orléans , Moulins & Blois , feront exac-
tement exécutés & obfcrvés fuivant les
vérifications qui en ont été friitcs en nos
compagnies fouveraines , avec défenfcs ,
tant aux cours de parlement qu'autres ju-
ges , d'y contrevenir : elle ordonne au
chancelier de France de ne fccUer aucunes
lettres à'évocation que dans les termes de
droit , & après qu'elles auront été réfolues
f.ir le rapport qui en fera fait au confeil
du roi par les maîtres des requêtes qui feront
en quartier, parties ouies, en connollfance
de caufe.
La déclaratiq:! du 21 odobrc fuivant
Kkk i
444 E V O
porte , art. 14 , que pour faire connoître
à la poftérité l'eftime qae le roi fait de fes
parl;mcns , & afin que la juftice y foit
adminiftrée avec l'honneur & l'intégrité
icquife , le roi veut qu'à l'avenir les articles
Qi , ^1 ,Qy , 0)8 ù ()g de l'ordonnance de
lîlois foieiit inviokblement exécutés ; ce
faifant , que toutes affaires qui giflent en
matière contcnticufe , dont les inftances
font de préfent ou pourront êtjc ci-après
pendantes , indécifcs & introduites au con-
fèd , tant par évocation qu'autrement, foieiit
renvoyées comme le rut les renvoie pardevant
les juges qui en doivent iiaturelltment connaî-
tre , fans que le confeil prenne connoilTan-
ce de telle* & femblablcs matières, lefquel-
les fa majcfté veut être traitées pardevant
Ils iuges ordinaires , <Sc par appel es cours
fûuveraincs , fuivaiit les édits éc ordonnan-
ces , &c.
Le njcmearticle veut auffi qu'il ne foit dé-
livré aucunes lettres c"tvocatiun générale eu
particulière , du propre mouvement de ja ma-
jcjlé ; ains que les requêtes de ceux qui pour-
fuivront le/dites cvocaticns fuient rapportées
au conjctl par les maiircs c\s rcqucies qui feront
en quartier, pouryétreju^éi.sjLivani lecédits,
& cclroyés , partus cLii.s , & t) ct conr.oiffancc
de caujt: & non autrement.
11 efr encore ordonné que kfdites irvca-
tiuns fcroîit fignécs par un fecrctaire d'ctat
ou des finances qui aura reçu les expédi-
tions j loifque les évocations auront été dé-
libérées j que les évocations qui feront ci-
apiès obtenues contre les formes fufdites,
font déclarées nulles & de nul effet £" valeur ;
& que nonvljl^nt icellcs , il fera padé outre
à l'inf^udion & jugement des procès par
les juges dont ils auront été évoqués : &
four faire celftr les plaintes faites au roi à
occafion des cummifiions cxtraordir.aires
par lui ci-devant décernées, il révoque tou-
tes ces coinniillions , & vtut que la pour-
fuite de chaque matière loit faite devant
les juges auxquels la connoiflance en ap-
partient.
Les lettres- patentes du 1 i janvier 16 j~ ,
annexées à l'anêt du conkil du même
jour , portent que le roi ayant fait exami-
ner en fon confeil , en fa préfence , les
mémoires que fcn procuieur- général lui
avoit picfcntés de la part de ion parle-
E V O
ment , concernant les plaintes fur les arrêts
du confeil que l'on prétendoit avoir été
rendus contre les termes des ordonnances
touchant les évocntions , & fur des matières
dont la coiinoifrance appartient au parle-
ment : fa majefié ayant toujours entendu
que la juftice fû: rendue à les fujets par les
juges auxquels la connoiflance doit appar-
tenir , fuxvant la difpofition des ordonnan-
ces , te voulant même témoigiier que les
rem.ontrances qui lui avoient été faites fur
ce fujet , par une compagnie qu'elle a en
une particulière confidtration , ne lui ont
pas moins été agréables que le zèle qu'elle
a pour fcn fervice lui donne de fatisfaélion;
en conféquence , le roi ordonne que les
ordonnances faites au fujet des évocations
feront exaûement gardées & obfeivées ;
fait trés-exprefles inhibitions & defenfes
à tous qu'il apparticndia d'y contrevenir ,
ni de traduire fes fujets pardevant d'autres
juges que ceux auxquels la connoilTance en
appartient fuivant les édits <!>%: crdoniiances ,
à peine de nullité de jugem.ens & anêts qui
feront rendus au confeil , Se de tous dé-
pens , dommages c< intérêts contre ceux
ejui les ruiont pourfuivis Se obtenus j tu
conléquence , le roi renvoie à fon parle-
ment de Taris les procès fpécifiés audit
arrêt , É'r.
On ne doit pas non plus omettre que
fous ce règne ces évocations s'étr.nt mul-
tipliées j le roi , par des arrêts du 15 avril,
Si IX Si 16 odobre 1737, (S-: 11 avril
1758 , a itnvoyé d'cflice aux fieges ordi-
naires un très - grand nombre d'affaires
évoquées au confeil , ou devant des com-
milîaii es du confeil i i?c enluite il fut expé-
dié des lettres patentes qui furent enrégif-
trées , par ledjuelits la connoilfance en fut
attribu::e , foit à des chambics des enquêtes
du païainentdt Pans, foit à la cour des
aides ou au grand confeil , fuivam la na-
ture de chaque affaire.
On difl;ngue deux fortes d'évocations i ,
celles de grâce , 6\; celles de juff ice. j
On î'ppelie évocations de prace celles
qui ont été ou font accordées par les rois
à certaines perfo::ncs , ou à certains corps
ou communautés , comme une maïque
de leur proteélion , ou pour d'autres con-
fidcraiioas telles que les comnittiinus , les
E V O
lettres de parJc-gardiennc , les attributions
faites au grand confeil des affaires de p!u-
ficursordies religieux, & de quelques autres
perronncs.
Les éiocctions de gra^e font ou particu-
lières , c'eft à-dire , bornées à une feule af-
faire, ou géuéialcs, c'cft-à-dire, acctudées
pour toutes les atîaires d'une rii^me per-
ibnne ou d'un même corps.
L'ordonnance de 1669 , en. î , du titve
des évocaduns , & l'ordonnaiice du mois
d'août 1737 j cit. t , portent qu'aucune
évocation gcahak ne fera accordie , Jl ce
n'cfl pour ce très-grandes £' importantes cori-
fidératior.s qui auront été jugées telles par le
roi en fun confeil ; ce qui eft conforme à
l'elprit &; à la lettre des ancieiuies ordon-
nances , qui a toujours été de confcrver
l'ordre commun dans l'adminiftiation de
lu juftice.
Il y a quelques provinces où les com-
rniirimus 8c autres évocations générales
n'ont point lieu ; ce font celles de Fran-
che-Com:é , Alface , RouffiUon , Flandre
vv. Artois.
Il y a aulTî quelques pays qui ont des
t::res particuliers pour empêcher l'cfret de
ces évocations , ou pour les rendre plus
difficiles à obtenir, tels que ceux pour lef-
quels on a ordonné qu'elles rre pourront
êcre accordées qu'après avoir pris l'avis
du procureur-général ou d'autres ofticierb.
Dans d'a'^t; es pays , les évocations ne peu-
vent avoir lieu pour un ceitain genre d'af-
faires, comme en Normandie & en Bour-
gogne , où l'on ne peut évoquer les décrets
d'immeuble, hors àc la pro\ ince.
On nomme évocation de jujlice , celle qui
eft fondée lur h difpofitioii même des or-
donnances , connne l'évocation fur les pa-
rentés & alliances qu'une des parties fe
trouve avoir dans le tribunal où fon affaire
tft portée.
C'cft une règle générale que les excep-
tions que les loix ont faites aux eVo«.vo/:j
mêmes de jurtice, s'appliquent à plus forte
rajfon aux évocuions qui ne font que de
grâce ; cn'orie qu'une affaire , qui par fa
rature ne ptut pas être évoquée fur pa-
rentés ^< alliances, ne peut l'ctre en ver-
tu c'en conurdttimus ou autre privilège
perfoiinel.
E V O 445
' Qiianc à la^ forme dans laquelle Vcwca-
tton peut être obtenue , on trouve des
lettres de Charles V, du mois de juillet
1^66, où il cft énoncé que le roi, pour
accélérer le jugemcnc des conteftations pen-
dantes au parlement, cnrre le duc de Ecrry-
d'Auvcrgne , &: certaines églifesde ce du-
ché , les évoqua à fa perfonne , vivae vocis
oracu'v. Il ordonna que les parties remet-
troient leurs titres paidevant les gens de
fjn grand confeil , qui appclleroicnt avec
eux aurant de p,cni de la chambre du
parlement quMs jiigeroient à propos, afin
qu'il jugeât cette affaire fur le rapport qui
lui tii feroit fait.
Ces termes vivx vocis oraculo paroiffent
ngnirier que Révocation fut ordonnée ou
prononcée de la propre bouche du roi ,
ce qui n'empêcha pas que fur cet ordre
ou arrêt, il n'y eût des lettres 1^' évocation.
expédiées ; en effet , il eft dit que les lettres
furent préfentées au parlement, qui y ob-
tempéra du cc^nfentement du procureur gé-
néral , & le roi jugea l'affaire.
Amfi les évocation s'ordonnaient dès-
lors par lettres - patentes , & ces lettres
écoient vérifiées au parlement ; ce qui
éioit fondé lur ce que toute évocation em-
porte une dérogation aux ordonnances du
royaume , & que l'ordre qu'elles ont pref-
crit pour l'adminiftration de la juftice, ne
peut être changé que dans la même forme
qu'il a été établi.
Il paroît en effet que jufqu'au temps
de Louis XIII , aucune évocation n'étoit
ordoiniée autrement ; la partie qui avoic
ob:enu les lettres , étoit obligée d-'en prc-
lenter l'original au parlement, lequel vé-
rihoit les lettres ou les recenoit au greffe,
lorfqu'elles ne paroillbient pas de nature
à être cnrégiftrées. Les regiftres du parle-
ment en fournident nombre d'exemples,
entre autre à la date du 7 janvier 155J ,
où Ion voit que cinq lettres- patentes d'c-
vocation , qui furent fucceiTivement pré-
fentées au parlement pour une même af-
faire , furent toutes retenues au greffe fur
les conclulions des gens du roi.
Plulîeurs huiffiers furent décrétés de
prife de corps par la cour, pour avoir
exécuté une évocation lur un duplicata ;
d'autres, en 1551 ^: ijo; , pour avorf
446 • E V O
lignifié des lettres d'évocation au préjudice
d-'iin arrêt du ii mai i574> q^j ordon-
noit l'exécution des précédens réglemens
fur le fait de la préfentation des lettres
d'évocation , fans duplicata.
Les évocations ne peuvent pas non plus
ctre faites par les lettres midîves, comme
le parlement l'a obfervé en différentes oc-
cafions, notamment au mois de mars ij?9,
où il difoit que Von n'a accoutumé faire une
évocation par lettres mi/Jives , ains fous lettres-
patentes nécejfaires.
On trouve encore quelque chofe d'à-
peu-près fcmblabie dans les rcgillres du
parlement , au zp avril i j6i , 6c ii août
1567, & encore à l'occafion d'un arrct
du confeil de 1616, portant évocation
d'une affaire criminelle ; le chancelier re-
connut l'irrégularité de cette évocation
dans fa forme , & promit de la retirer ,
n'y ayant , dit-il , à l'arrêt d'évocation , que
!a fîgnaturc d'un fccrétaire d'état, & non
le fceau.
L'expérience ayant fait connoître que
plufieurs plaideurs abufoient fouvent de
{'évocation même de juftice , quoiqu'elle
puillc être regardée comme une voie de
droit , on l'a rellrainte par l'ordonnance
du mois d'août 1669, &: encore plus par
celle de 1737.
1°. Yfévccction fur parentés & alliances
n'a pas lieu à l'cgard de certains tribu-
naux , foit par un privilège accordé aux
pays où ils (ont établis , comme le parle-
ment de Flandre & les confcils fupérieurs
d'All'ace & de RoulTillon, foit parce que
ces tribunaux ont été créés expreflément
pour de certaines matières , qu'on a cru
ne pouvoir- leur être ôtées pour l'intérêt
d'une partie , comme les chambres des
comptes , les cours des mon noies , les tables
de marbre, &: autres juriididions des eaux
& forêts.
Cette évocation n'ffl pas non plus admife
à l'égard des confeils fupérieurs , établis
dans les colonies françoifes ; mais les
édits de juin 1680, & leptembre 1685,
permettent à ceux qui ont quelque procès
contre un rrcfulcnt ou confeiller d'un
confeil fupéricur, de demander leur renvoi
devant l'intendarit de la colonie, qui juge
E V O
enfuice l'affaire , avec un autre confeil fupé-
rieur , à fon choix.
1°. 11 y a des affaires qui , à caufe de
leur nature , ne font pas fufceptibles d'eVo-
cation , même pour parentés & alliances.
Telles font les affaires du domaine ;
celles des pairies & des droits qui en dé-
pendent , fi le fond du droit eft contefté ;
celles où il s'agit des droits du roi, entre
ceux qui en font fermiers ou adjudica-
taires.
Tels font encore les décrets & les ordres ;
ce qui s'étend , fuivant l'ordonnance de
1737 3 tit.j , art. aj , à route forte d'oppo-
fition aux faifies réelles , parce qu'étant
connexes néceflairement à la faille réelle,
elles doivent être portées dans la même
juiifdiétion , foit que cette faine ait été
faite de l'autorité d'une cour ou d'un juge
ordinaire , ou qu'elle l'ait été en vertu
d'une fentencc d'un juge de privilège. La
même règle a lieu pour toutes les contefta-
tions formées à l'occaHon des contrats
d'union , de direélion , ou autres fem-
blables.
3°. U évocation ne peut être demandée
que par celui qui ell aéluellement partie
dans la conteflation qu'il veut faire évo-
quer , & du chef de ceux qui y font par-
ties en leur nom & pour leur intérêt per-
fonnel.
Il fuit de - là que celui qui a été feule-
ment alTigné comme garant ou pour voir
déclarer le jugement commun , ne peut
pas être admis à demander Vévocation , fi
l'affaire n'eft véritablement liée avec lui,
comme il eft expliqué plus en détail par les
articles 50, 51 &c 51 de l'ordonnance de
i7;7. _
Il fuit encore du même principe, qu'on
ne peut évoquer du chef des procureurs-
généraux , ni des tuteurs, curateurs, fyn-
dics , direéteurs des créanciers ou autres
adminiftrateurs , s'ils ne font parties qu'en
cette qualité , i?»: non pour leur intérêt
particulier.
En matière criminelle , un accufé ne
peut évoquer du chef de celui qui n'cfl pas
partie dar.s le procès , quoiqu'il fût inté-
reifé à la réparation du crime , ou cefîion-
naire des intérêts civils : il n'eft pas admis
non plus à évoquer du chef de fes compli-
E V O
ces ou coaccufés ; s'il efl décrété de prife de
corps, il ne peut demander l'évocation qu'a-
près s'ctrc mis en éiat.
4°. Il a encore été ordonné avec beau-
coup de (agtde, que l'cVoL-jr/o/? n'auroit pas
lieu dans plulieurs cas , à caule de l'ctat où
la contcftation que l'on voudroit faire évo-
quer fe trouve au temps où V/yocnnon eft
démandée ; comme Icrlqu'on a commencé
la plaidoirie ou le rapport , ou qu'on n'a
fait figniiicr l'atSte pour évoquer que dans
la dernière quinzaine avant la hn des féan-
ces d'une cour, ou d'un fcmeftre pour celles
qui fervent par femeftiC,
Une partie qui , après le jugement de Ton
affaire , ne demande Vét'ocatwn que lorf-
qu'il s'agit de l'exécution de l'arrêt rendu
avec elle , ou de lettres de requête civile
prifes pour l'attaquer , ne peut y être reçue ,
à moins qu'il ne loit furvenu depuis l'arrêt
de nouvelles parentés ou autre caufe légi-
time d'cvocar/on. De même , celui qui n'é-
tant point partie en caufe principale n'ell
intervenu qu'en caufe d'appel , ne peur
évoquer, fi ce n'eft qu'il n'ait pu agir avant
la fentence.
La partie qui a fliccombc fur une deman-
de en évocaiion n'eft plus admifè à en for-
mer une féconde dans la fuite de la même
afFa're , s'il n'eft furvenu de nouvelles pa-
rentes ou de nouvelles parties ; & h la fé-
conde demande en évocniion étoit encore re-
jetée , elle feroit condamnée à une amende
plus forte , & en d'autres peines , félon les
circonftances.
Telles font les principales redrictions
qui ont été faites aux évocations m,cmes ,
qui paroifient fondées fur une conddéra-
tion de juftice , 6c fur la crainte qu'une
des parties n'eût quelque avantage fur l'au-
tre dans un tribunal dont plufieurs officiers
font fes parens ou alliés. Si l'an d'eux s'é-
toit tellement intéreflé pour elle qu'il
ciit fait (on affaire propre de fa caufe , les
parens &: alliés de cet officier ferviroient
auffi à fonder l'évocation. Mais l'ordon-
nance de 1757 a prefcrit une procédure
très-fommaire peur les occafions où l'on
allègue un pareil fait ; Se il faut pour l'éta-
blir , articuler & prouver trois circonflan-
ces } favoir , que l'officier ait foUicité les
E V O 447
juges en perfonne , qu'il ait donné fes con-
feils , &C qu'il ait fourni aux frais. Le défaut
d'une de ces trois circonlUnces fuffit poat
condamner la partie qui a foutenu ce fait en
une amende , & quelquefois A des dom.ma-
ges Se intérêts , &: d'.uitres réparations.
Au furplus , pour que la partie qui de-
mande {'évocation ait lieu d'apprchender le
crédit des parens ou alliés de fon adverfaire
dans un tribunal , il faut qu'ils foient dans
un degré allez proche pour faire préfumer
qu'ilss'y iiitéreli'ent particulièrement; qu'ils
loient en aifez grand nombre pour faire une
forte imprelTion fur l'efprit des autres juges ;
enfin qu'ils foient aétuellemcnt dans les
fondions qui les mettent à portée d'agir
en faveur de la partie , à laquelle ils font
attachés par les liens du fang ou de l'affini-
té. C'cft dans cetefprit que les ordonnances
ont fixé les degrés , le nombre, &: la qualité
des parens & alliés , qui pourroient donner
lieu à Vévocation.
A l'égard de la proximité, tous les afcen-
dans ou defccndans , & tous ceux des col-
latéraux , qui fpecicm parentiim & liherorum
inicrfi refcrunt , c'eft-à-dire , les oncles ou
grands o"cles , neveux ou petits neveux ,
donnent lieu à Vévocation ; m.ais pour les
autres collatéraux , la parenté ou l'alliance
n'eft comptée pour Vévocation que jufqii'au
troilieme degré mclulivcm.ent , au lieu que
pour la récufation , elle s'entend au quatriè-
me degré en matière civile , & au cinquiè-
me en matière criminelle.
Les degrés fe comptent fuivanr le droit
canonique, /^^oj-e:^ au mot Degré de Pa-
1\ENTÉ.
On ne peut évoquer du chef de fes pro-
pres parens & alliés. Il ce n'eft qu'ils falfcnc
parens ou alliés dans un degré plus proche
de l'autre partie.
Une alliance ne peut fèrvir à évoquer ,
à moins que le mariage qui a produit cette
alliance ne fubliile au temps de Vévocation
ou qu'il n'y ait des cnfans de ce mariage \
l'efpece d'alliance qui eft entre ceux qui
ont époufé les deux fœurs , ne peut aulTî
fervir à évoquer que lorfque les deux ma-
riages fubfiftent , ou qu'il refte des en-
fans d'un de ces mariages , ou de tous les
deux.
Le nombre des parens ou alliés nécd^
448 E V O ^
faire pour évoquer , eft réglé difterem-
ment , eu égarcl au nombre plus ou mcnns
grand d'officiers , dont les cours font com-
E V O
pofées , & à la qualité de celui du chef
duquel on peut évoquer. C'eft ce qu'on peut
voir par le tableau luivant.
Pour les
Fariemens
de
Paris . • • ♦
Touloufe , Bordeaux. .
Rouen, Bretagne. , .
Dijon, Grenoble, Aix.
Pau , Metz , Befançon.
Le grand confeil.
Cour des aides de Paris,
Autres cours des aides.
:}
Si la p.irt'ie évoquée
eji du corps.
10 parens ou alliés.
6 . . .
4
4
3
S'il elle n'en eft
pas.
I i parens ou alliés.
8 . . •
6
G
4
A l'égard de la qualité de chaque pa-
rent ou allié qui peut donner lieu à l'fVo-
cation, il faut qu'.l ait aduelkment féance
f:C voix déhbirative dans fa compagnie ,
ou qu'il y lb:t avocat-général ou procu-
rtur-gtnér.il.
On fait même lUîe difterence entre les
officiers ordinaires & ceux qui ne font
pas obligés de faire l'ii fervice affidu &
continuel , tels que les pairs , les confeil-
1ers d'honneur & les hcnoraires , lefqucls ,
en quelque r.ombre qu'ils forent , ne ie
comptent que pour un tiers du nombre
requis pour évf^quer , comme pour quatre ,
quand il faut d( uze parens ou alliés; pour
trois , quand il en faut dix ; pour deux ,
quand il en faut fix ou huit ; .ïc pour un ,
quand il en faut trois , quatre , ou cinq.
Les pairs 5i les confcillers d'honneur ne
peuvent donner lieu à évoquer que du par-
lement de Paris i & les maures des requê-
tes, que du parlement & du grand conte;! ,
quoique les uns & les autres aient entrée
dans tous les parlemens.
On ne compte plus pour \évocaiioa les
parens ou alliés qui feroieni morts depuis
fa cédule évocatoire , ou qui auroient quitté
leurs charges: s'ils font devenus honorai-
res, on les' compte en cette qualité feule-
ment. S'il arrive auffi que la partie du chef
de laquelle on demandoit Xivocaùor. celle
d'avoir Intciât duis
WTr
rc , on n'a pius
d"é>'-'^rd,à fts parentés i^ alliance?
' L'objet des loix a encore écé de prévenir
l|5 inçonvéniens des demiii'ies en <'vo.o7-
tîon , en é tablilHint une procédure fimplc
& abrégée pour y ftatuer.
C'eft au confeil des parties qu'elles font
examinées; mais il y a des procédures qui
doivent fc faire fur les lieux , dont la pre-
mière eft la ctdule évocatoire.
On appelle ainlî un acte de procédure
par lequel la partie , qui veut ufer de l'/ro-
carion , déclare à fon adverfaire qu'elle en-
tend faire évoquer l'affaire de la cour où
elle eft pendante , attendu que parmi les
officiers de cette cour , il a tels &c tels pa-
rens ou alliés : le même afte contient une
fommation de conlentir à l'évocation 5c au
renvoi en la cour , où il doit être fait_ fui-
vant l'ordonnance , ou à une autre fi elle
lui étcit [ufpe6lc.
La forme de cet ade & celle des autres
procédures qui doivent être faitts iur les
lieux , fe trouvent en détail dans l'ordon-
nance de 1757.
L'évocation Rir parentés & alliances eft ré-
putée confentie , (bit qu'il y ait un confen-
tcment par écrit , foit que le défendeur ait
reconnu dans fa réponfe les parentés t^:
alliances , fans propofer d'autres moyens
pour empêcher Vévucarion , foit enfin qu'd
ait gardé le fi'.ence pendant le délai prefcric
parTordonnance; dans chacun de ces cas ,
le demandeur doit obtenir des lettres d'f-
vocation confentie , dans un temps fixé par
Il même ordonnance , faute de qu(#i le dé-
fendeur peut les fiire expédier aux frais de
l'évocanr. _ . .
Les ccdules évocatoires font de aro;c
réputées
E V O
réputées pour non avcinics ■, & les cours
peuvent palier oucie au jnj^cment de l'af-
faire , Tans qu'il foit bcioin d'arrêt du
Coii(eil.
i". Lorfque l'aftliire n'eft pas de nature
à être évoquée , ou lorfque V évocation eft
fondée fur les parentés & alliances d'un
procureur-général , d'un tuteur , ou gutrc
adminiftrnteur , qui ne font parties qu'en
cette qualité.
1°, Lorfqu'on n'a pas obfervé certaines
formalités'nécefTàires pour la validité de l'a die
de cédule évocatoire , '< qui font expliquées
dans les articles ^8 , :;^ , &o , jo S> 88 , de
l'ordonnance de 1757.
5°. Lorfque {'évocation eft fîgnée dans la
quinzaine , avant la fin des féances ou du
fcm^ilre d'une cour.
4°. Quand l'évoquant s'cfi: déhfté avant
qu'il y ait eu alïîgnation au confeil.
En d'autre cas il eft néceflaire d'obtenir
un arrêt du conled pour j'.!g"r Ci \'éyo:at:o,'i
eft du nombre de celles prohibées par l'or-
donnance.
1°. Qiiand la cédule évocatoire a été
fîgnitîée , depuis le commencement de la
plaidoirie ou du rapport,
1° Qiiand \'evoca!:ci eft demindée trop
tard par celui ou du clief de celui qui a été
atTlgné en garantie , ou pour voir déclarer
l'arrêt comrnun , ou quand auparavant la
fgnification delà cédvile évocato're il a ceflc
(l'être engagé dans l'afriirc que l'on veut
évoquer par une disjonction , ou de quelque
autre manière.
5°. Qnand l'évoquant n'a pas fait ap-
porter au greffe les enquêtes & autrts pro-
cédures , dans les délais portés par l'or-
donnance.
Pour éviter les longueurs d'une inftruc-
tion , l'ordonnance de 1757 a permis dans
ces cas au défende- r d'obtenir , fur fa fîmple
requête, un arrêt qui le met enéint de fuivre
fon affaire dans le tribunal où elle eft pen-
dante ; ce qui a produit un grand bien pour
la juftice , en faifant cclfer promptement &
fins autre formalité un grand nombre
li'êvocations formées dans la vus d'éloigner
le jugement d'un procès.
_ S'il ne s'agit d'aucun des cas dont on
vient de pirler , on inftruit l'inilance au
confeil , dans la forme qui ell expliquée
Tome XI IL
E V O 445
par les articles z8 , 4^ , S3 , $4 , $8 £• 65 ,
de l'ordonnance de 17^7.
Si la demande en évocation fe trouve bien
fondée , l'arrêt qui intervient évoque la con-
teftaticn principale , & la renvoie à une
autre cour pour y être inftruite & jugée
fuivant les derniers erremens.
Autrefois le confeil renvoyoit à celle
qu'd jugeoit le plus à propos de nommer;
mais l'ordonnance a établi un ordre fixe ,
qui eft toujours obfervé , à moins qu il ne
fc trouve quelque motif fupérieur de juftice
qui oblige le confeil de s'en écarter , ce q^î
eil: très- rare.
Le renvoi fe fait donc ,
Du parlement de Paris , au grand confeil,
ou au parlement de Rouen.
Du p.ulement de Rouen , à celui de
Bretagne.
Du parlement de Bretagne , à celui de
Bordeaux.
Du parlement de Bordeaux , à celui de
Touloule.
De celui de Touloufe , au parlement de
Pau ou d'Aix.
Du parlement d'Aix , à celui de Gre-
noble.
Du parlement de Grenoble , à celui de
Dijon.
Du parlement de Dijon , à celui de
Befançon.
De celui de Befmçon , à celui de Metz.
De celui de Metz , au parlement de
Paris.
De la cour des aides de Paris , à celles de
Rouen ou de Clermont.
De la cour des aides de Clermont , au
parlement de Bretagne , comme cour des
aides.
De celle de Clermont , à celle de Paris.
Du parlement de Bretagne , comme cour
des aides, à celle de Bordeaux.
De celle de Bordeaux , à celle de Moii-
tauban.
De celle de Montauban , à celle de
Montpellier.
De celle de Montpellier , à celle d'Aix.
De celle d'Aix , au parlement de Greno-
ble , comme cour des aides.
Du parlement de Grenoble, comme cour
des aides , à celui de Dijon , comme cour
des aides.
LU
450 E V 0
Du parlement de Dijon , comme cour de» '
aides , à la cour des aides de Dole.
De celle de Dole , au parlement de Metz,
comme cour des aides.
Et du parlement de Metz , comme cour
des aides , à la cour des aides de Paris.
Si la demande en évocation paroît msX
fondée , on ordonne que fans s'arrêter à la
cédule évocatoire , les parties continueront de
procéder en la cour , dont l'évocation ctoit
demandée , ôc l'évoquant efl: condamné aux
dépens , en une amende envers le roi , & une
envers la partie , quelquefois même en les
dommages &: intérêts.
Telles font les prmcipalej règles que l'on
fuit pour les demandes en n'ocj/Zo/z, qui ne
peuvent éire jugées qu'au conleil.
Dans les compagnies femellros , ou qui
font compolées de pluheurs chambres, Icrf-
qu'un de ceux qui ont une caufe ou procès
pendant à l'un des fcmeftres, ou en l'une
des chambres , y eft préfident ou conleil-
1er, ou que fon père , beau-pere , fils , gen-
dre , beau- fils , frerc , beau- frère , oncle ,
neveu , ou coulîn germain y eft prélident
ou confedler , la conteftation doit être
renvoyée à l'autre fenieftre, ou à une au-
tre chambre de la même cour , fur une
fîmple requête de la partie qui demande ce
renvoi , communiquée à l'autre partie , qui
n'a que trois jours pour y répondre , &
l'on y prononce dans les trois jours fui-
vans : ce qui s'obierve aulTi lorfque dans
le même femeftre ou dans la même cham-
bre une des parties a deux parens au troi-
fieme degré , ou trois , julqu'au quatrième
inclufivement.
S'il arrive dans une compagnie femeftre
que par un partage d'opinions , ou par des
lécufations , il ne reftc pas alfez de juges
dans un femeftre pour vuider le parr;^ge ,
ou pour juger le procès , ils font dévolus de
plein droit à l'autre femeftre ; mais toutes
les fois qu'il ne refte pas aflèz de juges , foit
dans cette compagnie , foit dans celles qui
fe tiennent par chambres & non par ftmef
très, pour vuider le partage, il fauts'adrcf
fer au confeil pour en faire ordonner le
lenvoi à une autre cour , & alors il com-
mence ordinairement par ordonner que le
rapporteur & le compaititcur enverront à
î^. le chancelier les motifs de leurs com-
E V O
pagnies , qui font enfuite envoyés à la cour,
à laquelle le partage tft renvoyé par un
deuxième arrér.
Ce font les cours fupérieures qui connoif-
fent des demandes en évocation , on en ren-
voie d'une juri(dicl:ion de leur reflort dans
une autre , foit pour des parentés & allian-
ces , foit à cauie du défaut de juges en nom-
bre fuffi(ant , ou pour fufpicion ; c'eft une
des fonétions attachées à l'autorité fupérieu-
re qu'elle exercent au nom du roi , & les
otdonnances leur laiffent le choix de la ju-
rifdicftion de leur reftort où l'affaire doit être
renvoyée.
On ne peut évoquer des préfidiaux fur des
parentés & alliances que dans les affaires
dont ils connoilfent en dernier reflort ; &
il faut , pour pouvoir demander l'évocation,
qu'une des parties foit officier du prélidial ,
ou que fon père , fon hls, ou Ion frère y foit
cfïîcier , fans qu'aucun autre parent ni aucun
allié puilfe y donner lieu.
Elle fe demande par une fimple requête,
qui eft fignifiée à l'autre partie , ^ il y cft
enfuite ft:atué fans autres formalités, fauf
l'appel au parlement du reftort , & le ren-
voi le fait au plus prochain préfidial, non
fufpeél.
Les règles que l'on a expliquées ci-def-
fus fur les matières & les pcrlcnnes qui ne
peuvent donner lieu à l'évocation , s'appli-
quent auftî aux demandes en renvoi d'un
femeftre d'une chambre ou d'une jutif-
didion à une autre , ou en évocation d'un
prélidial.
Les caufes & procès évoqués doivent
être jugés par les cours auxquelles le
renvoi en a été fait iuivant les loix ,
coutumes & ufages des heux d'où ils
ont été évoqués, n'étant pas juftc que le
changement de juges change rien à cet
égard à la iituation des parties , Se fi l'on
s'écartoit de cette règle , elles pourroient
fe pourvoir au confeil contre le juge-
ment.
L'évocation pour caufe de connexité ou
1 litifpendance a lieu lorfque le juge fupé-
rieur , déjà faifi d'une conteftation , attire
à lui une autre conteftation pendante
dans un tribunal inférieur , qui a un rap-
î port néceftaire avec la première , enlorte
I qu'il foie indifpenfable de faire droit
E V O
Tt l'un Se l'jiucrc d;ins le même tribu-
n il i nuis il f-iut que cette connexicé foie
bien réelle , finoii les parties pourroieiit
fe pourvoir contre le jugement qui auroit
évogu'.
^lclTîears des requêtes de l'hôtel du palais
à Palis, peuvent aulTî , dans le cas il'une
coiinexité véritable , évoquer les contcila-
tions pendantes devant d'autres juges , mê-
me hors du rellort du parlement de Paris :
à l'égard des requêtes du palais des autres
parlemens , elles n'en ufent qu'à l'ég ird <lcs
juges du rellort du parlement où elles font
établies.
Les juges auxquels toutes les affaires
d'une certaine natnre ont été attribuées,
comme la cham.bre du domaine , la table
de marbre , H-c. aulfi bien que ceux aux-
quels on a attribué la connoiffance de quel-
que affaire particulière , ou de toutes les
affaires d'une perlcnne ou communauté ;
évojue pareillement les affaires qui lonr
de leur compétence , & celles qui y font
connexes ; mais la partie qui ne veut pas
déférer à ['évocation , a la voie de fe pourvoir
par l'appel , fi le tribunal qui a évoqué , &
celui qui eft dépouillé par ['évocation , font
reffortillans à la même cour : s'ils font du
rellort de différentes cours , & que celles-
ci ne fe concilient pas entr'cUes, dans la
forme portée par l'ordonnance de 1669,
pour les conflits entre les parlemens &: les
cours des aides qui font dans la même ville ,
il faut fe pourvoir en règlement de juges au
confeil ; & il en eft de même, s'il s'agit de
deux cours.
\Jévocc:ion du principal eft , quand le juge
fupérieur , faifi de l'appel d'une fentence
qui n'a rien prononcé (ur le fond de la
conteftation , l'évoque &C y prononce , afin
de tirer les parties d'affaire plus prompte-
ment ; ce qui eft autorifé par l'ordonnance
de 1667 , lit. vj ,art. 2,, qui défend d'évoquer
les caufes , inftances & procès pendans
aux fieges inférieurs , ou autres jurifdic-
tions , fous prétexte d'appel ou connexité ,
fi ce nejî pour juger définitivement à l'au-
à.cnce , Ù fur le champ , par unfeul & même
jugement.
L'ordonnance de 1 670 , tit. x.rvj , art. e^ ,
ordonne la même chofe pour les évocations
en matière criminelle : la déclaration du i j
E V O 451
mai 1675 > '^^^•S > a mêm.e permis , dans
les appellations de décret Se de procédures
appointées en la tournelle , lorfque les
affaires feront légères &c ne mériteront
pas d'être inftruites , d'évoquer le princi-
pal en jugeant , pour y faire dioit défi-
nitivement , comme à l'audience , après
que les informations auiont été commu-
niquées au piocureurgénéral , & l'inftruc-
tion faite (uivant l'ordonnance du mois
d'août 1670.
L'ordonnance de. la marine , tit ij ,
art. 2^ , permet aux officiers des fieges
généraux d'amirauté d'évoquer indiftinc-
tement des juges inférieurs les caufes
qui excéderont la valeur de 50C0 livres,
lorfqu'ds feront fulis de la matière par
l'appel de quelque appointement ou in-
terlocutoire donné en première inftancc.
EVOCATOIRE, {Jurifpr.) fe dit de
ce qui fert de fondement à une évocation.
Les parentés au degré de l'ordonnance , font
des caufes évocatoires. On fait lignifier aux
parties une cédule évocatoire , c'eft-à-dirc ,
un afte par lequel on demande au confeil du
roi qu'une inftance , pendante dans une
cour 5 fojt évoquée dans une autre , attendu
les parentés & alliances qu'une des parties a
avec un certain nombre des juges, KCÉdu-
LF. Ê' Evocation. {A)
EVOLî , ( Géojr, mod. ) petite ville du
royaume de Naples , en Italie,
ÉVOLUTIONS, (les ) qu'on appelle
aiilTi motions , font , dans l'art militaire , les
diftérens mouvemens qu'on fiit exécuter
aux troupes pour les form.cr ou mettre en
bataille , pour les faire marcher de différens
côtés , les rompre ou partager en plufieurs
parties , les réunir enfuite , Se enfin pour
leur donner la dilpolîtion la plus avanta-
geufe pour combattre , fuivant les circonf-
tances dans lefquelles elles peuvent fe
trouver.
L'infanterie & la cavalerie ont chacune
leurs évolutions particulières. La cavalerie
peut , en rigueur, exécuter tous les différens
mouvemens de l'infanterie ; mais on fe
borne ordinairement dans les évolutions de
Il cavalerie aux mouvemens qui lui font
les plus utiles , relativement à fes différens
ufagcs.
LIU
45» E V O
il eft très-efientiel que les troupes foient
bien exercées aux évolutions pour exécuter
facilement toutes celles qui leur font ordon-
nées. // en tji , difoit Démétrius de Phalere,
luivanc que Polybc le rapporte , d'une armée.
comme d'un édtjice. Comme celui- ci ejl joli Je
V ot jqu'on a joigneufemcnt travaillé en détail fur
toutes les partiLS gui le coinpojer.t , de mime une
iitn.ce eji ji-rtc lorftjue chaque compagnie , cha-
qve joldai a clé injii uit avec foin de tout ce qu'il
doit jiùre.
L'uflicitr particulier , dit M. Bottée ,
doit lavo-r les mêmes chof^s que le foldat ,
& ccnnoitre de plus its uiages particuliers
de chaque évolution , pour le fervir des
moyens les plus limples dans l'exécution des
ordres qui peuvent lui être donnés par Tes
fupéiieurs : rien n'ejl plus néccjjaire à l'heu-
reux fuci.is des enircpiijes que l'habileté des
officiers particuliers. C'ctoit-là , fclon Poly-
bc , le fentiment de Scipion.
Toutes les nations policées ont eu , dans
tous les tetnpSj des règles pour la formation,
Tarrangement & lesn.ouvemensdes troupes.
Sans la connoiffance & la pratique de ces
règles, unetroupedegensde guerre ne feroit
qu'une mrileconfule, dont toutes les parties
s'embanalleroient réciproquement.
Par le moyen des évolutions on remédie à
cet inconvénient. On donne à toutes les par-
ties d'une troupe des mouvemens réguliers
qu! la maintiennent toujours dans l'ordre
qu'elle doit obferxcr , tant pour loutenir les
cffortsde l'ennemi , qu'afin que les différen-
tes parties qui le compofent puitlcnt conccu-
xir également à en augmenter la force & la
folidité.
Les évolutions de l'infanterie font plus ai-
iecs à exécuter que celles de la tavalerie ; car,
©utre que le cheval ne fc meut pas de tout fcns
avec la même facilité qu'un homme à pié ,
^inégalité de fcs deux dimenfions , c'eft-à-
dire , de la largeur & de fa longueur , oblige
à différentes attentions pour le faire tourner
dans une troupe ; attentions qui ne feroicnt
point néccflaires pour faire mouvoir delà
même manière un homme à pié.
Pour éviter les redites on donnera , au vo-
lume des planches , le détail des principales
évolutions de l'infanterie , qui lervent , pour
ainfi dire , de reglts ou de modèles à celles
4e la Civaicrie j i)|C ou le terminera par un
E V O
précis (k celles de la cavalerie & de îa
marme.
Ev'OLUTiCN, { Maftjue.) Voye[ Con-
tre-point ET TERME TE XlUSIQUE.
EVO:\IMOlDE , r. m. ( Botan. ) arbri-
feau très- flexible du Canada & très-com-
mun aux environs de -Québec ; il s'élève
conhdérabicment par le (ecouts des arbres
voifms autour dcfqucls il s'enrornUe tantôt
de droite à gauche , &<, tantôt de gauche à
droite. Quoiqu'il foit dépourvu de mains
Se de vrilles , il embrafle cependant les au-
tres arbres il fortement , qu'à mcfure qu'ils
grollillent il paroît s'enfoncer & s'enfevelir
dans leur écorce & leur fubllancc : de forte
qu'en comprimant & rellerrant les vaif-
feaux qui portent le (ii.c nourricier , il em-
pêche qu'il ne s'y diftribue , & les fait en-
fin périr. Si dans fon voifinage il ne ren-
conne point d'arbre pour s'élever , il fe
tortille lur lui-même. Onpoiirroit rappor-
ter cette plante au rang des fufains , autre-
ment bonnets de prùre. Je ne fais pourquoi
M. Daniy d'ifnard en a fait un genre par-
ticulier dans \ss Mémoires de l'académie des
fciences car.. iJiG , où il donne Ion carac-
tère & fcs eipeçes : nous ne le (uivrons point
dans ces minuties. Article de M. le chiv.iiter
DE JaUCCURT.
EVORA , ( Céûg. moJ. ) capitale de
l'AlentéjO , en Portugal. Long. lo. 15. lat.
38. z8.
EvoRA DE MONTE , ( Géog. mod. ) ville
de l'Alentéjo en Portugal.
EUOUAE , mot barbare , formé des fix
voyelles qui entrent dans les deux mots
fceculorum amen. C'eft: fur les lettres de ce
mot que retrouvent indiquées danslespfeau-
tiers & les antiphoniers les notes par lef-
quelles , dans chaque ton , & dans les di-
verfes modifications de chaque ton, il faut
terminer les verfets des pllaumes ou des
cantiques. {S)
E U P
EUPATOIRE , f. f. eupatorium , ( Hiff,
nat. bot. ) genre de plante à fleurs , com-
pofée de plu/îeurs fleurons , auxquels tien-
nent des filaip.ens longs & fourclius. Ces
fleurons iont découpés & portés fur des
Ëxabryons, & (butcnus par un calice long*
E U P
cylindrique & écaillcux : chaque embryon
dcvienc àa;is la fuite une fcmcncc garnie
d'une aii^rctti:. Tuurni^fort , iiijl. ra herb.
Voyei_ Plante.
EUPATOIRE FEMELLE, bidens , (Hijl.
nat. bot.) genre de plante à fleurs pour
l'ordinaiie en (leurons , compofées de plu-
fîeurs pjcalcs d.coupcs qui tiennent à un
embryon , Si qui font eniources d'un ca-
lice. Qiiclquefois il y a des lleurs en demi-
ficurons : l'embryon devient une femence
tcimincc par des pointes. Tournefort , injl.
ni hsrb. Voyc^ Plante. ( /)
EUPETALOS, {Hijfoire nat.) pierre
dont parle Plme , qui écoit de quatre cou-
leurs , & que de Booc regarde comme une
opale.
EUPHÉMIE , f. f. {Belles- Lett.)iu;fny.U,
mot compolé de s f , bien 5 & ftlfii , je dis ,
nom des prières que les Lacédémoniens
adrelloient aux dieux : elles étoient courtes
& dignes du nom qu'elles porcoient , car
ils leur demandoient feulement ut' pulchra
bonis adderent : " qu'ils pulfenc ajouter la
•> gloire à la vertu ". Renfermer en deux
mots toute la morale des philofophjs
Grecs pour en faite l'obier de fcs vœux ,
cela ne pouvoir (e trouver qu'à Lacédc-
mone. Article de M. le chevalier de Jau-
CO'JRT.
EUPHÉMISME , f. ra. « v$m.m/s-//.oV, de su,
bierf, heureufement , & de ifn/^i , je dis. L'ci/-
phémifrne eft un trope , puilque les mots
n'y font pas pris dans le lens propre : c'tft
une figure par laquelle on déguile à l'im:i-
gifiition des idées qui (ont ou peu honnêtes ,
ou défagréables , ou triftes , ou dures , &
pour cela on ne fe fert point des exprei-
ïîons propres qui exciteroient diredement
ces idées. On lubftituc d'autres termes qui
réveillent directement des idées plus hon-
nêtes ou moins dures i on voile ainfi les
premières à l'imagination, on l'en diftrait ,
on l'en écarte \ mais par les adjoints & les
circonftances , l'efprit entend bien ce qu'on
a dellein de lui faire entendre.
Il y a donc deux fortes d'idées qui don-
nent lieu de recourir à Veuphémifme.
3°. Les id'^es deshonncres.
1°. Les idées défagréables , dures ou
ariftes.
A l'égard des idées deshonnêtes , on peuc
EUP 453
obflrver que quelque rcfpe(5table que foie
Li na:ure &C fjn divin auteur , quelques
utiles Zc quelques nécedaires même que
toient les penciians que la nature nous
donne , nous avons à les régler ; & il y a
bien des occafions où le fpedaclc diredb
des objets & celui des adlions nous émeu: ,
nous trouble, nous agite. Cette émotion,
qui n'ift pas l'clt^t l.bre de notre volonté ,
éi qui s'clcve fju\ enc en nous malgré nous-
mêmes, fait que lo.fque nous avons à par-
ler de ces objeis uu de ces a£tions , nous
avons recours à l'euphémiftne ; par-là , nous
ménageons notre propre imagination , &
ceiie de ceux à qui nous parlons , 5i nous
dùiinj.ii un frein aux émotions intérieures,
Ccll L:)ie pratique établie dans toutes les
nations policées où l'on connoit la déccn.c
6i les égards.
En lecond lieu , pour ce qui re.<;aide les
idées duies , défagréables , ou triRes , il eft
évident que lorlviu'elles foiit énoncées di-
reélement par les termes propres, dcftinés à
les exprimer , elles caufent une impreilion
défagréable qui ell bien plus vive que fil'oix
avoit pris le détour de ['eaphcnJ/mc.
Il ne fera pas inutile v.i'aiouter ici quel-
ques aiiires reflexions iS: quelques exem-
ples en faveur des perfonnes qui n'ont pas
le livre des tropes, où il efl; parlé de \'cu~
phèniifme , article \'j , p. 1 G^,
Les perfonnes peu inlliuites croient que
les Latins n'avoient pas la délicatefl'e donc
nous parlons ; c'ell une erreur.
Il eft vrai qu'aujourd'hui nous avons
quelquefois recours au latin pour expri-
mer des idées dont nous n'ofons pas dire
le nom propre en françois ; mais c'eft
que com.me nous n'avons appris les mots
latins que dans les livres , ils fe préfentenc
en nous avec une idée acceiïoire d'érudi-
tion & de ieéture qui s'empare d'abord
de l'imagination ; elle la partage ; elle
l'enveloppe ; elle écarte l'image deshon-
nête , & ne la fait voir que comme fous
un voile. Ce font deux objets que l'on
préfente alors à l'imagination , dont le
premier eft le mot latin qui couvre l'idée
obfcene qui le fuit ; au lieu que comme
nous fommes accoutumés aux mots de notre
langue , l'efprit n'eft pas parragé : quand
on fe fèrt des termes propres , il s'occupe
454 E U P
dircrtement des cbjttsque ces termes
jîgjiifiem. Il en croie tle même à l'égard des
Grecs & des Romains : les honnêces gens
ménageoient les termes , comme nous les
ménageons en François , & leur fcrupule
alloit même quelquefois fi loin , que Ci-
céron nous apprend qu'ils évitoient la ren-
contre des fyllabes qui , jointes enfemble ,
auroicnt pu réveiller des idées desiionnêces :
citm nobis non dkitur , fed nobif^um ; quia
fi ita diceretur , obfcenius cortcurrerent l'utcrce.
( Orator. c. xlv , n. Z£.f. )
Cependant ]c ne crois pas que l'on ait
poftpofé la prépofîcion dont parle Cicérori
par le motif qu'il en donne ; fa propre
imagination l'a fédui: en cette occafion. Il
y a en effet bien d'autres mots tels que
tenus , enim , vero , quoque , ve , que , pour
£' , &c. que l'on place après les mous devant
lefquels ils devroienc être énoncés félon l'a-
nalogie commune. C'cft une pratique dont
il n'y a d'autre railon que la coutume , du
moins félon la conftruclion ufuellc , dabat
hanc licentiam corifi:eiiido. Cic. orat. n. l£^ ,
c. xlvj. Car félon la con{lru(flion fignifica-
tive , tous ces mots doivent précéder ceux
qu'ils luivent ; mais pour ne point con-
tredire cette pratique , quand il s'agit de
faire la conftruétion fimple , on change
veto en fed , Se au lieu de enim , on dit
nam , Sec.
QLiintilien cfl encore bien plus rigide fur
les m^ots obfcenes ; il ne permet pas même
X'euphémifmc , parce que malgré le voile dont
l'euphémifme couvre l'idée obicenc , il n'em-
pêche pas de l'appercevoir. Or, il ne faut
pas , dit Q_aintilien , que par quelque che-
min que ce puiffc être , l'idée obfcene par-
vienne à ^entendement. Pour moi , pour-
Tuit-il, content delà pudeur romaine , je
la mets en fureté par le filence ; car il ne
faut pas feulement s'abftenir des paroles
obfcencs, mais encore de la penfée de ce
que ces mots fignifient : E^o Romani pu-
doris more contentiis , vcrccu::Jii7ni filentio
vindicabn. QLiint. Juft. /. Vill , c.^, n.^.
Objcenitas vcro non à vcrbis tantàm abejfe
débet Jed àfignificatione. Ib. /. FI, c. iij, DE
^.TSU , n. 5.
Tous les anciens nctoicnt p-AS d'une
morale auffi févere que celle de Qtiintilien ;
âlb fc pcrmetcoienc au moins Vcupkémifme ,
E U P
& d'exciter modeftement dans Pefprit l'idée
obfcene.
" Ne devrois-tu pas mourir de honte ,
" dit Chrêmes à fou fils , d'avoir eu l'in-
>' folence d'amener à mes yeux , dans ma
" propre maifon , une Je n'ofe pro-
" noncer un mot deshonnete en préfence
" de ra mère , & tu as bien ofc commettre
" une aélion infâme dans notre propre
>■> maifun ».
Non mihi per fallacias , adducere antc ocu-
los. . . . Pudet dicere hâc prefente VERbuM
TU RI' S , at te id nulle modo puduit facere.
Terenc. Heaut. aâ, V ,fc. iv , v. i8.
" Pour moi j'obferve &c j'obferverai tou-
" jours dans mes difcours la modeftie de
" Platon , dit Ciccron ".
Ego fervo 6" fervabo Platonis verecundiam.
Icaque teclis verbis , ea ad te fcripfi , quce
apertij[:m!s aiunt Stoici. llli , etiam crepiius ,
aiunt œqui liberos ac ruâus , effe opurtere,
Cic. /. IX , epiJI. zz.
^què cddem modejlia , potius cum muliere
fuijfe , quam concubijfe dicebant, Varro , de
ling. latin, l. V.fubfine.
Mos fuit res turpcs & fjsdas proîata konef-
tiorum convertier dignitate. Arnob. /. V,
C'étoit par la même figure qu'au lieu de
dire je vous abandonne , je vous quitte ; les
anciens difoient fouvent , r/vc^, portez-vous
bien , vive^ forets.
Omni a vel mediam mare , vivite fylvx ;
Virg. Ec. Vin, V. 55.
Et dans Térence , And. afV. IV , Çc. ij ,
V. 1 5 , Pamphile die : " J'ai fouhaité d'être
» aime de Glycerie ; mes fouhaits ont été
» accomplis; que tous ceuxqui veulent nous
» fcparer soient en bonne santé ». Fa-
Icant qui inier nos d/JJlJium volant. Il cft
évident que valeant n'eft pas au iens pro-
pre ; il n'ell: dit que par euphémifne. Madame
Dacier traduit valeant par s'en aillent bien
loin ; je ne crois pas qu'elle ait bien ren-
contré.
Les anciens difoient aufTi avoir vécu ,
avoir été , s'en être allé , avoir patfé par la
vie , vitd funcîus. Fwtgi , or , (îgnifie pajfer
par, dans un fens métaphorique , are déli-
vré de, s'îirc a.-quitté de , au lieu de dire
être mort. Le terme de mourir leur paroilloic
en certaines occafions un mot funefte.
E U P
Les anciens porroiem la fuperflitiition
jufqu'à croire qu'il y avoir des mots dont la
iculc prononciation poiivoic attirer quel-
que malheur , comme fi les paroles , qui
ne font qu'un air mis en mouvement ,
pouvoienc produire naturellement par elles-
mêmes quclqu'autre effet dans la nature ,
que celui d'exciter dans l'air un ébranle-
ment qui , fe communiquant à l'organe de
l'ouie , fait naître dans l'efprit des l.ommes
les idées dont ils font convenus par Icdu-
caftion qu'ils ont reçue.
Cette luperftition paroilToit encore plus
dans les cérémonies de la religion ; on
craignoit de donner aux dieux quelque
nom qui leur fût défagrcable : c'eft ce qui
fe voit dans pludeurs p.uteurs. Je iiie con-
tenterai de ce feul paflage du poëme lécu-
laire d'Horace : " O llychie , dit le chœur
>> des jeunes filles à Diane , ou fi vous
» aim.ez mieux être invoquée fous le nom
»> de Lucine ou fous celui de Génitale ".
Lenis Ilytkia , tucre xûtres ,
Sive tu Lucina prubas vecari ,
Seu Geni:alis,
Hotat. carm. fcscul.
On ctoit averti au commencement du
facrifice ou de la cérémonie , de prendre
garde de prononcer aucun mot qui pût
attirer quelque malheur ; de ne dire que
de bonnes paroles , buna vcrb.T jari ; enfin
d'être favorable de la langue ,fji'eie linguis,
eu lin^uâ , ou ore , ôc de garder plutôt le
filence que de prononcer quelque mot fu-
nefte qui piàt déplaire aux dieux ; & c'eft
de-là que favcte Unguis lignifie par exten-
£on , faites filence.
Favcte linguis.
Horat. /. II, od. j.
Ore favste omnes.
Virg. JEneïd. l.V.,v.jl.
Dkcmus bona verba , venit natalis , ad aras
Quijjuis adis , linruâ , vir , mulierque fave.
Tibull. /. //, el.ij,v. t.
JProfpera lux oritur , linguifque , animifque
fûVClC ,
Kunc dtcenda , bono , funt bona verba , die.
Ovid. F^Jl.l. I,v.yi.
Par le même efprit de fiiperftition ou
par le fanatilme , lorfqu'un oifeau avoir
E U P 455
été de bon augure, & que ce qu'on dévoie
attendre de cet heureux préfage croie
détruit par un augure contraire , ce fécond
augure n'ctoi: pas appelle mauvais augure ,
on le nommoit Vautre augure , par euphé-
mij'me , oa Vautre oife.7u ; c'eft pourquoi ce
mot alter y dit Feiius , veut dire quelquefois
contraire , mauvais.
Alter & pre bono ponitur , ut in augu-
riis , altéra curi appellatur Af^is , quœ utique
projpera non eji. Sic ALTER nonnumquam pro
adverfo dicirur & rnalo. Feil. voce alt Eli.
Il y avait des mots confacrés pour les
facriHccs , dont le fens propre àc littéral
étoit bien différent de ce qu'ils fignihoienc
dans ces cérémonies fuperllicieures : par
exemple , maclate , qui veut dire mams
auclare , augmenter davantage , fe difoit
des victimes qu'on facrifioir. On n'avoir
garde de fe lervir alors d'un mot qui pur
exciter dans l'efprit l'idée funelle de la
more ; on fe fervoit par euphémifme de mac-
tate , augmenter , foit que les vidfimes
aagmentalfent alors en honneur , foit que
leur volume fût groiïi par les ornemens
don: on les paroit , foit enf^n que le facrifice
augmentât l'honneur qu'on rendoie aux
dieux.
De même au lieu de dire on brille Jur les
auteh , ils difoient , les autels croiiFent par
des feux , adolefcunt ignibus arœ. Virg.
Georg. l. ly , V. 2JQ , car adolere ÔC adolef-
cere lignifient proprement croître ; & ce
n'ejl: que par euphémifme qu'on leur donne
le lens de brûler.
Nous avons fur ces deux mots un beau
pafTage de Varron : maclare verbum eji
facrorum , tiàr ivif>ifxt(r/j.oy , diâum , quafi
magis augere ac adolere , unde ù magmentum,
quafimajusaugmentum ; nam hofiice tanguntur
molâ falfâ , & tum immolatœ dicuntur : càm
vcro tel ce funt , ù aliquid & illis in aram
datum efl , maciatee dicuntur per laudationem ,
itemque boni hommis fignificationem. Varr.
de VI ta pop. rom. l. II. dans les fragmcns.
Dans l'écriture fainte , le mot de binir
eft employé quelquefois au lieu de maudire,
qui eft précilément le contraire. Comme il
n'y a rien de plus affieux à concevoir que
d'imaginer quelqu'un qui s'emporte jufqu'à
des imprécations facnleges contre Dieu
même , on fe 1ère de bénir par euphémifmî ,
45 5 EU?
?c les circonft.inces font donner à ce mot le
fens contr-ire.
Nabotli n'ayant pas voulu rendre au roi
Achab une vigne qui étoit l'héritage de
fes pères, la reine Jezabel, femme d'Achab,
fufcica deux faux témoins qui dépoferenc
que Nabocnavoit blafphÉmé contre Dieu &
contre le roi : or, l'écriture , pour exprimer
ce blafphcme , fait dire aux témoins que
Naboth a béni Dieu & le roi : viri diabolici
dixerunt contra eum tcjlimonium coram multi-
îudine ; benedixit Naboth Deum 6' regcm.
JRcg. III, cap. xxj , V. zo &• zj. Le mot de
hénir cft employé dans le même fens au
livre de Job, c. ;', v. 5.
C'efi: ainfl que dans ces paroles de Vir-
gile , auri facra famés , fc prend par euphé-
mifrnc pour exccrahilis. Tout homme con-
damné au fupphce pour fes mauvaifes
allions , étoit appellé/ïcer , dévoué ; de-là ,
par excenfion autant que par euphémifme ,
facer fignifie fcuvcnt méchant , exécrable :
homo facer is ejl qucri populiis judkavit , ex
quo quivis homo malus arque improbus facer
appellari folet , parce que tout méchant
mérite d'être dévoué , facrifîé à la juftice.
Cicéron n'a girde de dire au lénac que
les domeftiqucs de Milon tuèrent Clodius :
ils firent, dir-il , ce que tout m.aître eût
voulu que ces efciaves euflent fait en
pareille occaiion. Cic. pro Milonc , n. Z9.
La mer noire , fujerte à de frcquens
naufrages , & dont les bords croient ha-
bités par des homimcs extrêmement féro-
ces , étoit p.ppellce Pont - Euxin , c'eft-à-
clire , mer hrfpita'iere , mer favorable à fes
hôtes , i^ivoi , kcjpitalis. C'tft ce qui fait
dire à Ovide que le nom de cette mer eft
un nom menteur :
Quem tenet Eux/ni m.endax cognomine littus,
Ovid. Trift. l. P , el. x , v. 13.
Malgré les mauvaifes qualités des objets,
les anciens qui perf'onnihoient tout , leur
donnoient quelquefois des noms flatreurs ,
com.me pour fe les rendre favorables , ou
pour fe faire un bon préHige; ainfi c'étoit
par euphértiifr.e & par fuperftition que
cc\\\ qui a'ioient à la mer que nous ap-
pelions aui''avd'l'ut mer mire, la nom-
rnoicnt mer hofpitaliere , c'efl-à-dire , mer
qui ne nous fera point funcfte , où nous
EU?
feront reçus favorablement , quoiqu'elle
foit communément pour les autres une
mer funefte.
Les trois furies Alefto , Tifiphone &
Mégère , ont été appellées Euménides ,
l.ûf/.iv7(, c'eft-à-dire , douces , bienfaifan-
tcs , benevolce , On leur a donné ce nota
par euphémtfmc , pour fe les rendre favo-
rables. Je fais bien qu'il y a des auteurs
qui prétendent que ce nom leur fut don-
né qumd elles eurent ceifé de tourmen-
ter < vrefte ; mais cette aventure d'Orefte
eft remplie de tant de circonftances fa-
buleufes, que j'aime mieux croire que les
furies étoient appellées Euménides avant
qu'Orcfte fût venu au monde : c'eft ainlî
qu'on traire tous les jours de bonnes les
perfonnes les plus aigres & les plus diffi-
ciles , dont on veut appaifer l'emporte-
ment ou obtenir quelque bienfait.
Il y a bien des occafions oi^i nous nous
fervons auHlî de cette figure pour écarter
des idées défagréables , comme quand nous
difcns le maître des hautes- œuvres , ou que
nous donnons le nom de velours-maunenne
à une forte de gros drap qu'on fait en
Maurienne , conttée de Savoie , & donc
les pauvres Savoyards (ont habillés. Il y a
aufli une grofle étoffe de fil qu'on honore
du nom de damas de Caux.
Nous difons aulTi Dieu vous affijle , Dieu
vous bénijfe , plutôt que de dire , je n'ai
rien à vous donner.
Souvent pour congédier quelqu'un , on
lui dit : voilà qui efl bien , je vous remercie ,
au lieu de lui dire, alle^-vous-en. Souvent
ces façons de parler , courage , tout ira bien >
cela ne va pas fi mal , &c. font autant d'ea-
phémifmes.
Il y a, far-rout en médecine , certains
euphi'mifmcs qui font devenus li familiers
qu'Us ne peuvent plus fervir de voile ; les
perfonnes polies ont recours à d'autres
façons de parier, f /■")
EUPHONIF. , (J. terme de grammaire ,
prononciat'on facile. Ce mot eft grec,
îvçavta. , R R. îv , bene , &C Çiyi'w' , vox ;
ainli euphonie vaut autant qUe voix bonne;
c'cfl-à-dire , prononciation facile , agréable.
Cette facilité de prononciation dont il
s'agir ici , vient de la facilité du mécha-
nifnie des organes de la parole. Par
exemple,
E U P
exemple , on auroit de la peine à prononcer
ma ame,ma épée: on prononce plusaifémenc
mon ame , mon t'pée. De même on dit , par
euphonie , rnon amie , & même m amie , au
lieu de ma amie.
C'cli par la raifon de cette facilité dans
la prononciation , que pour éviter la peine
que caulè Vhiatus ou bjillemcnc toutes les
fois qu'un mot finit par une voyelle , &
que celui qui luit commence p;ir une voyel-
le, ou inCere entre ces deux voyelles cer-
taines confonnes qui mettent plus de liai-
(on , &C par conféquent plus de facilité dans
le jeu des organes de la parole. Ces confon-
nes font nppcllccs lettres eupknni.jues , parce
que tout leur fcrvice ne conliile qu'à facili-
ter la prononciation. Ces mots profum ,
firofui , prof'ueram , &CC. font compoles de
a prépolinon/To & du verbe /i/«z ; mais li
le verbe vient à commencer par une voyel-
le , ou intcre une lettre euphonique entre la
prépofition & le verbe , le d eft alors cette
lettre euphonique, prn-d-eji , pro d-eram ,
pro-d ero , &c. Ce fervice des lettres eupho-
niques eft en ufage dans toutes les langues ,
parce qu'il eft unt fuite naturelle du mé-
chanifme des organes de la parole,
C'eft par la mcme caufc que l'on dit m'ai-
me-t-il ? dira-t-on ? Le r eft la lettre eupho-
nique; il doit être entre deux divi fions, non
entre unedivifion& une apoftrophe, parce
qu'il n'y a point de lettre mangée : il faut
écrire va-t'en-, parce que le ^ eft là le fingu-
lier de vous. On dit va-t'en , comme on dit
alk[-vous-en,a!lons-nous-en. y. Atostrovhe.
On eft un abrégé de homme ; ainfi com-
me on dit l'homme , on dit am'Xi l'on, fi l'on
veut : l interrompt le bâillement que caufc-
roit la rencontre de deux voyelles, i , o , fi
on , &:c.
S'il y a des occafions où il femble que
l'euphonie faffe aller contre l'analogie gram-
maticale , on doit fe fouvenir de cette ré-
flexion de Cicéron , que l'ufige nous auto-
rifc à préférer {euphonie a l'exactitude rigou-
reufe des régies : impetratum eji à confueiudi-
ae , lU peccare fuavitatis Cûu/d iiceret. Cie.
Orat. c. xcvij. (F)
EUPHOLMIE , ( Mufig. des anc. ) He-
fychius appelle eupholmie la partie de la flùcc
qui eft immédiatement au dcllus delà glot-
te, & la glotte même. {F. D. Ç, )
Tome XftJ,
E U P 457
EUPHORBE, f. m. {Hift.nat.bot.) genre
de plante de la claflc des tichymales ; elle
eft ainli nommée , dit-on , d'Euphorbe ,
médecin du roi Juba , & frère du célèbre
Antoine Mufi , médecin d'Augufte ; mais
Saumaife a prouvé que cette plante étoLc
connue fous ce nom long-temps avant le
médecin du roi de Lybie.
Voici les caraderes: fa fleur , fon fruic
& Ion lait reffemblent à ceux du titliy-
maie; fi forme eft anguleufe, de même
que dans le cierge ; elle eft orn'e de pi-
quans, & prefque dénuée de feuilles. Boer-
haave & Miller en comptent dix à douze
efpeces , &c ce dernier auteur y joint 1*
manière de les cultiver ; mais nous ne par-
lerons que de l'efpece d'où découle la
gomme dite eupkQtbe. Elle s'appelle cuphor-
bium antiquorum verum dans Commellin ,
hort. med. Amji. ij . <Sc par les Malais fiadi-
dacalli. Hort. malah. vol. Il, tab. Ixxxj. &C,
C'eft un arbrilleau qui vient dans les ter-
res fablonneufes , pierreufes & ftcriles des
pays chauds , à la hauteur de dix pies HC
davantage. Sa racine eft grolTe , fe plonge
perpendiculairement dans la terre , &c jette
des hbres de tous cotés ; elle eft ligntufe
intérieurement , couverte d'une écorce bru-
ne en dehors , &c d'un blanc de lait en de-
dans. Sa tige , qui eft fimple , a trois ou
quatre angles ; elle eft comme articulée &
entrecoupée de ditfcrens nœuds , & les
angles font garnis d'épines roides, poin-
tues, droites, brunes & luifantes , placées
deux à deux. Elle eft composée d'u.ne écor-
ce épaifte , verte-brune , &c d'une pulpe hu-
mide , blanchâtre, pleine de laie , &: fans
partie ligneufe. Elle fe partage en plu-
fieurs branches dénuées de feuilles, à
moins qu'on ne veuille donner le nom de
feuilles à quelques petites appendices ron-
des . épaiflès , laiteufes, placées fur les bords
feules à feules fous les épiiies, & portées fur
des queues courtes, épaiiîes, applacies , ver-
tes & laiteufes.
Les fleurs naiftent principalement du
fond des finuolîtés qui fe trouvent fur les
bords anguleux & entre les épines; elles
font au nombre de trois enfemble , portées
fur un petit pédicule d'environ un demi-
pouce, cylindrique , verd , laiteux, épais
, ôc droit. La fleur du milieu eft la plus
M m m
458 E U P
grande , Sc s'épanouit la première , les au-
tres enfuite , lefquelles foiu fur la même
ligne , portées fur de très-petits pédicules ,
ou même elles n'en ont point du tout.
Ces fleurs font compofées d'un calice
d'une feule pièce , renfle , ridé , coloré, par-
tagé en cinq quartiers , & qui ne tombent
pas ; elles ont cinq pétales de figure de poi-
re, convexes , épais , placés dans les échan-
crures du calice , & attachés par leur bafe
au bord du cnlice. Du milieu de ces fleurs
s'élèvent des étamines au nombre de cinq
ou fix , fourchues , rouges par le haut, fans
ordre. Le pyftil eft un iV/le fimplc qui porte
un petit embryon arrondi , triangulaire ,
& chargé de trois Itygmates. Lorfque les
fleurs paroiilent , les appendices feuiUées ou
ces petites feuilles tombent.
Il fuccede à ces fleurs des fruits ou des
eapfules à trois loges , applaties , laiteufes ,
vertes d'abord , & qui en partie rougillent
un peu dans la fuite , d'un gcùt allringent.
Ces eapfules contiennent trois graines ron-
des , cendrées extérieurement , blanchâtres
intérieurement. On trouve fouvent dans les
facs de peau, dans lefqiiels on apporte la
graine à'euphorhe , des fragmens de cette
plante , des morceaux d'écorce , des eapfu-
les féminales & des fleurs defléchées , qui
peuvent fervir à confirmer la defcription
qu'on vient de lire de cet arbuile.
Il croit en Afrique , en Lybie , aux îles
Canaries, à Malabar, Se dans d'autres en-
droits des Indes orientales. Il eft par-tout
rempli d'un fuc laiteux , très-âcre & très-
caurtique , qui en diftile dans quelque en-
droit qu'on y fade une incifion. On donne
à ce fuc cauftiqne , dclléché Sc endurci
le même nom de la plante, ^^oye^ /es deux
artL'.esfuivans. Article de M, le Chevalier de
Jaucourt.
Euphorbe , f. f . ( Hijl. nat. des drogues. )
gomme-réfîne en gouttes ou en larmes , lans
«Sdeur , d'un jaune-pâle ou de couleur d'or ,
hrilîantes ; tantôt rondes , tantôt oblongues,
branchues &: caverneufes , d'un goût très-
âcre , cauftique , &: provoquant des naufées.
Ueuphorbe ne fe diifûut point dans l''eau
commune; les huiles, l'efprit de térében-
thine , l'efprit-de-vin , l'eau-dc-vie n'en
difiolvent qu'une légère portion , & la plus
huileufe. Le vin ^ le vinaigre n'en dillcl-
E U P
vent pas beaucoup davantage. L'efprit de
nitre , l'efprit de vitriol le pénétrent fans
ébullition ,Sc l'amollillent ians le difloudre.
Le fuc de citron dépuré en dilTout une partie
gommeufe , & la fépare d'avec fa partie
terreftre. Enfin 1 huile de tartre en tire une
forte teinture. Toutes ces diverfes expérien-
ces ont fait mettre l'euphorbe au rang des
gommes , & non des réhnes.
Le fcadidacalli des Malabares paroît être
l'arbrilfeau qui donnoit l'euphorbe des an-
ciens ; mais il eft vrailfemblable que celle
qu'on reçoit en Europe vient de pluheurs
efpeces du même genre de plante ; car les
Anglois tirent leur euphorbe des îles Cana-
ries ; les HoUandois , de Malabar ; les Ef-
pagnols , les Italiens , les François , de Salé
au royaume de Fez.
Dans tous ces pays-là on perce l'arbrifleau
de loin avec une lance , ou bien on (é cou-
vre le vifage pour faire ces incitions , afin
d'éviter d'être incommodé par l'exhalaifon
fubtile & pénétrante du fuc laiteux , volatil
Se cauftique qui fort de la plante en grande
quantité. Ce fuc eft fouvent reçu dans des
peaux de moutons , où il fe durcit en gom-
me jaune , tirant fur le blanc , friable , Sc
qu'on nous apporte en petits morceaux.
On recommande de choilir l'euphorbe
pure, nette, pâle, acre, & d'une laveur
brûlante. Article de M. le chevalier de JaV'
COURT.
Euphorbe, ( Fharm. &• Mat. méd.) Nous
n'employons aujourd'hui cette gomme-ré- i
lîne que dans les préparations externes, Sc
jamais dans celles qui tont deftinées pour
l'intérieur, à caufc de fa grande caufticité.
Quelques auteurs ont cependant prétendu
la corriger fuit en la faifant infuler dans
de l'huile d'amandes douces , & enfuite
dans du fuc de citron ; foit en la failan:
dilToudre dans du vinaigre , la filtrant &C
la rapprochant en confiftance lolide ; loit en
l'enfermant dans un citron ou dans un
coing , que l'on couvroit de pâte & qu'on
failbit cuire au four ; foit enfin en la failanc
difloudre dans de l'acide vitriolique foible , j
6c la faifant dcllécher : mais on peut dirî
que toutes ces correélions ou font inlufti-
lantes , ou énervent le remède au point de
le rendre inutile. Il eft donc beaucoup plus
sûr de «e point employer l'euphorbe pour 1;
E U P
i'ufage Intérieur , puifque Tes effets font
dangereux, &c que li ailleurs nulle obierva-
tion particulière ne nous engage à rifquer
ce danger en faveur de quelque vertu fni-
gulierc.
L'euphorbe eft un violent purgatif hydra-
gogue , qui , à la dole de quatre ou cinq
graiiis , fait des ravages h étonnans , qu'on
doit plus le regarder comme un poifon
que comme un médicament : appliqué ex-
térieurement, c'cll un épipaftique.
Mefué ne le recommande qu'à l'extérieur
dans la rclolution des nerfs , dans leur con-
vullîon , leur engourdiflemenc , leur trem-
blement , &: toutes leurs autres affeftions ,
qu'il reg.irdoit comme fioides. 11 le recom-
mande aulTî dans les douleurs de foie & de
la rate : pour cet eifet, on le broie avec de
riuiile,on en frotte la région de ces vifce-
res. Fernel <lit que ce remède eft excellent
contre la fcyatiquc & la paralyfie. Herman
ilit qu'il s'en (ervoit a\ ce fuccès pour fondre
les tumeurs skirrheules.
On vante beaucoup l'euphorbe pulvérifé
° dans la carie des os,& il eft très-ufité dans ce
cas ; on fiupoudre les os cariés avec Yeu-
phorbe feul , ou mêlé avec partie égale d'iris
de Florence, ou d'ariftoloche ronde. V'oye'^
Carie.
L'euphorbe eft un puilTant fternutatoire ;
on doit même éviter de s'en fcrvir dans
cette vue , à caufe de fa trop grande acti-
vité , qui eft telle qu'il fait fouvcnt éternuer
jufqu'au fang. Ceft aulîi ce qui fait qu'il
eft très-incommode à pulvérifer ; car pour
peu qu'en rcipire le piieur, il eft attaqué
d'un éternument violent qui dure pluiîeurs
heures : on a donc loin de l'arrofer dans le
mortier avec un peu d'huile d'olive ou
d'amandes douces pour éviter cet incon-
vénient. Le mieux eft , malgré cette reftbur-
ce , de ne faire cette opération que dans un
mortier couvert, l^'oyei^ Piler,
On prépare une huile à'euphorbe avec
■cinq onces de vin , dix onces d'huile , demi-
once A'euphorbe , taifant cuire le tout lulqu'à
■ce que le vin & l'humidité foient exhalés.
Cette huile peut être employée dans les
maladies ci-delfus énoncées.
L'euphorbe entre dans l'onguent à'artha-
nita , & dans les emplâtres diabotanum , ,
iie ranis, & véhcatoire, ( 3 ) J
E U P 455
* EUPHRADE , f f ( Myth. ) génie
qui préjidoit aux feftins. L'on mettoit fa
ftatue (ur les tables pour s'exciter au phiifir.
EUPHRATE , {Géog. anc & ;«o^.) grand
fleuve qui prend fa fource au mont Ararat
dans l'Arménie , ik Ce jette dans le golfe
Perlique , après s'être joint au Tigre.
* HUPHRONE , f f. ( My:h.) .iéelTe de
la nuit. Son nom eft compoié de eu , hicn^
& de <!>fnv , conftd, c'eft- à-dire , qui donne,
bon conjeil.
* EUPHROSINE, f f ( Myth. ) l'une
des trois grâces , celle qui rcpréfentc le
plaifir.
*EUPLOÉ, adj. pris fubft. ( iJfj ; A. ) fur-
nom de Vénus , protecfrice des voyageurs
par mer. Il y avoir dans une ile nommée
Euploea , aujourd'hui Gailla près deNapîes,
un temple confacré à Vénus Euphé de deux
mots grecs qui fignihent heureufe naviga-
tion,
EUR.
EURE , ( Géog. mod. ) rivière qui prend
fa fource au Perche , en France ; elle fe jette
dans la Seine , un peu au-delfus du Pont-
de-1'Arche.
EUREOS , ( Hijî. nat. ) pierre femblabic
à un noyau d'olive ; elle étoit ftriée ou rem-
plie de cannelures, Boece de Boot croit
que c'eft la même chofe que ce que les
modernes appellent /j/erre judaïque.
EVREUX , ( Géogr. mcd.r. ) ville de la
haute Normandie , en France ; elle eil
fituée fur l'iton. Long, ij, 48, ^g; lat. 45,
EURIPE , f m. ( Belles-Lettr. ) nom
qu'on donnoir aux canaux pleins d'eau qui
ceignoitnt les anciens cirques. Tous ceux
de la Grèce avoient \i:\xïseunpes ; mais celui
du cirque de Sparte , formé par un bras de
l'Eurotas , acquit ce nom par excellence.
C'étoit-là que tous les ans les éphebes,
c'efta dire , les jeunes Spartiates qui for-
toient de leur feiziemc année , fe parta-
geoient en deux troupes , l'une fous le nom
à'Hircule, l'aurre fous le nom de Lj curgue^
&c que chacune entrant dans le cirque^par
deux ponts oppofes , elles venaient fe livrer
fans armes un combat , où l'.imour de la
gloiie excuoit dans ce moment entre les
M m m i
46o EUR
deux partis une animofité qui ne différoît
guère de la fureur. L'acharnement y étoit
lî grand , qu'a la force des mains ils ajou-
toienc celle des ongles & des dents, jufqu'à
fe mordre pour décider de la vidoire ;
jamais ce coniKn ne fe terminoit qu'un
des deux partis n'eût jeté l'autre dans VEu-
ripe. Il faut entendre là-delfus Cicéron , qui
eut la cunofité d'aller voir ce fpedacle à
Lacédémonc. Voici fes propres termes:
jidolefcentium grèges TacediVmone vidii'.us
ipfi , incredihili contentione certantes , pugnis,
calcibus , unguibus , morfu denique , ut exani-
marentur prias , quàin Ce viâos faterentur.
Voilà comme les jeunes Lacédcmoniens
inontroient ce qu'ils pourroient faire un
jour contre l'ennemi. AulTi les autres peu-
ples couroient à la vidoire, quand ils la
voyoient certaine ; mais les Spartiates cou-
roient à la mort , quand même elle étoit
alTurée , dit Séneque ; & il ajoute , turpe
ejl cuilibet viro fugijjc , Laconi vero deliberûjfe;
c'eft une honte à qui que ce foit d'avoir pris
la fuite , mais c'en cft une à un Lacédémo-
nien d'y avoir feulement fongé. Cet article
eji de M. le Chevalier de Jau court.
EuRH'E , ( l' ) f. m^ ( Géog. ) petit dé-
troit de la mer Egée fi ferré, qu'à peine une
galère y peut palfet , fous un pont qui le
couvre entre la citadelle & le donjon de
Négrepont. Tous les anciens géographes ,
hirtoriens , naturalises, & les poètes même,
ont parlé du flux & du reflux de VEuripe-y
les uns, félon le rapport qu'on leur en avoir
fait , & les autres fans l'avoir peut-être con-
Jlidéré alfez attentivement en divers temps
ëc en divers quartiers de la lune. Mais enfin
le P. Babin , jéfuite, nous en a donné , dans
le fiecle palTé , une defcription plus exade
que celle des écrivains qui l'ont précédé;
& comme cette defcription elt inférée dans
les voyages de M. Spon , qui font entre
les mains de tout le mojide , j'y renvoie le
lecteur.
Le dofteur Placentia , dans fon Egeo re
divivo , dit que VEuripe a des mouvemens
irréguliers pendant dix-huit ou dix-neuf _ _ . ^
ioursde chaque mois, des mouvemens ré- ) qu'on pourroit avoir donné à la fille d'A-
ï U R
guliers pendant onze jours , Se qu'ordinai-
rement il ne groflit que d'un pié , & rare-
ment de deux pies. Il dit aufli que les au-
teurs ne s'accordent pas fur le flux & le
reflux de ÏEuripe; que les uns difent qu'il
fe fait deux fois , d'autres fept , d'autres
onze , d'autres douze , d'autres quatorze
fois en vingt-quatre heures : mais que Loi-
rius l'ayant examiné de fuite pendant un
jour entier , il l'avoir obfervé à chaque fix
heures d'une manière évidente , & avec
un mouvement fi violent , qu'à chaque
fois il pouvoit faire tourner alternative-
ment les roues d'un moulin. Hijf, r.atur,
génér. & pariicul. tom, /, pag. 48g. l^'oyer
GOUFRE.
J'ajouterai feulement que S. Juftin & S.
Grégoire de Nazianze fe font trompés (i) ,
quand ils ont écrit qu'Ariftote étoit raorc
de chagrin de n'avoir pu comprendre U
caufe du flux & du reflux de l'Euripe; car
outre que l'hidoire témoigne que ce philo-
fophe acculé fauflement d'impiété , & Ce
fouvenanc de l'injuftice faite à Socrate ,
aima mieux s'empoifonner que de tomber"
entre les mains de fes ennemis , il n'eft pas
plus vraifemblable qu'un homme tel qu'A-
rillote foit mort de la douleur de n'avoir
pu expliquer un phénomène de la nature ,
qu'il le (croit que cette raifon abrégeât les
jours d'un petit-maitre. L'ignorance éclai-
rée & l'ignorance abécédaire ne troublent
pas plus l'une que l'autre la tranquillité de
l'ame. ( M. le chivalier de Jaucourt. )
* EURIPIDE, f.m. ( H,J!. anc.:) coup
de dés qui valoit quarante. Cette déno-
mination vient ou d'Euripide qui fut un des
quarante magillrats qui luccéderent aux
trente tyrans , & qui l'inlfitua , ou de fes
collègues , qui , par afteétion pour lui , don-
nèrent Ion nom à ce coup de dés vidlo-
rieux.
EUROPE, (Géog.) grande contrée du
monde habité. L'étymologie qui eft peut-
être la plus vraifemblable , dérive le
mot Europe du phénicien urappa , qui danî
cette langue iignifie vijlige blanc, épithcte
(i) Confullez fur cette imputation la remarque Z de l'article Aristoth , dans Bayle. On y trouvera
oue.luliei. l'apoUat s'eft tiompc autant que S. Grégoire de N.iziaiize. Pluliturs perlonnes » ay^"
point pour les Peies le rcipect qu'Us incritem , dit Bayle • fe r'-uleot X le» acculer d une aveugis
fïcdulùc,
V
ZafU XIII. fngt fCt,
DIVISION GENERALE
JD JE j[^ jÉ ir
JP JE.
o
as
< Les Gouvememens île
C '^i""t-t'éiersl>oiirg. Rcvcl. RiR.i,
J Le Rtarid NoïO:;orocl. Archang-I
■J Smolciisko. Kiow. Bielsorod,
l Woronci. Nii-NcT-NovogoroiI.
• US«=dcproprem=mdi(c.J lei&p»inc« de . t "[''^"'*=- W.
i -"l ^ A Ncricif. Su.t(
jvogoroil.
Dalifcallic
' La Gothie .
5 Provinces de
termaiiic.
OftrogotUnde- Smalarulc. Wc 11 rogot lande.'
VVcifflclaiide. Scanie. Halland. Bleking.
«r
Les Notdelles , ou Province du Nord , .... J '^'^l^''='«- Hcllinglandc. Madelpadie , l'iemptit
I, f:„i._j . , , ....... * * lnEW-oame. Bothnie Occidentale. HamdalL
' La Finlande 4: la Lapooic Su<;doife
lalEde la Lap>
La prefquinc de Juiland.
La parcie la plus Septenuit
Les Gouvetnemens de , \ Arggerhuuî. Bergen.
■ ' ' / Bromheim. Wardhuus.
EuRops ,
r U Ta
1 La O:
: Nogais.
/ Tartarie de Pr^cop.
CONTINENT.
h)
{
mie ,
La Grande Pologne , . .£les Provinces de
La Petite Pologne, : .4 '« Provinces de
La Lithuanic, . , : ..5 les Provinccj de
Les Dgchéi de Curlandc Se de Semigallc.
La Bohême. Le Duché de Sdélle. Les Matquifats de Luface & le Comci de Gl
Haute-Saxe
X Grande Polopne. Cujavîe.
? Mazovie. PtulTe Polonoifc.
£ Petite Pologne. RuHîc- Propre.
■ € Podolic. Volliinie.
^ Lithuanic- Propre. RuITie Litliui
t Samogiiie. Livonic Poionoirc.
S"
Gocha.
Ba(rc-Sa« ,
Weftphaiie
Haut- Rhin
Bas -Rhin,
\ Elcftofats de Saïc Oc de Brandebourg.
■ \ Prlncipauiéi d'Anhali , de Wcimat & de
( Pomifranie.
S El'ftnrat d'Hanovrc.DuchMde Drunfwlcli , 2cU , V.
'Y Evêché d'Hildeshcim. Principauté d'Halbcrft.nli.
^^ tvi^chi- de Liège, Munftcr , Ornabrug . Pa.ierhnrn.
^ Ptiiicipauré dt Mindem. Duchés de JuhersS: Je Clcvcs
.^ Evfchés de Bjmbcrg , Wiitzbourg, Aichfl;r.
t Marquiiâts d'Anfpach & de Culemb:
I bourg StMjsIcbourg.
.£ L«ndRraviats de Henë-CatTel & HclTc-Dar
t Duché de Deux-Pontî , & de Srmmercn ,
iftadt.
l
Autriche ,
d'Anfpach & de Culembach.
s de Hel
)eux-Pon
.J Eleifloratsdc Maycnce, Trêves, Cologne, & du Palat
iiiolc. Tirol,
\ Atchiduché d'Aturiche.
.^ Sîitie. CarJnthie. Cari>ioIi
( Evcchés de Trente &." de I
S Eleaorai de Bavière. Archevêché de Salizbourg,
"? Evéchcs de Freilîngen , R.itisbonne , PalTaw. Duché de Ncubm;
S Evèchc d'Ausbourg. Duché de Wittembcrg.
'7 Principauté de Furllemberg. Marquilàc de Badc-Dadcn , £-c. £-f
l,n;.,.,u: j n ■ - n • i ,, n . f[ Gueidre. Hollande. Zélande. Uuecht,
La R«pubhqucdeiProv.nc«.Umei,<,„ de Hollande. ^ f„,,._ Overyirel. Groninguc.
Les Pays-Bas Autrichiens,
La TuncLi'iE en
A La Hongrie-Propre.
1 La Ti.nlilvan.e. L'Erda,
{ Comtés de Flandre , HainaHC . Ni
,\ Duchés df Luxembourg, Limbour
/ Seigneuries de Malmes & d'Anvci
Tf Moldavie.
\ Ualmatie.
: & panîc de la Croar
( Les Eiiis de la République de Venilc.
/ Lei Duchés de Milan . de Mantoue , de Modene , de Pai
} Le Piémont . le Montferrat & la Savoie. La Tofcane. L'
^. Les Républiques de Luques & de Saiiit-Mjrtin.
i Repu
Les treii
. Bofnie. Servie. Bulgarie. Croatie.
NUcédaine. ThelTjlic. Romamc. Lit
arme, de Plalfaiice Se de CuLidalln.
'Etat Ecclélîaftiquc Se le Duché de Bénévent,
f- 5 Zurich. Berne. Lncemc, Uri. Schwin. Undcrwald. Zug,
^ ""'- 7 Clans. Balle. Fribourg. Soleurc. Schafbufc. Appeniel.
La République des Grifons. Celles do Valais & de Genève. Abbaye de Saint-Gail. Principauté de Neuchâtel , frc. Ce.
Les anciennes Provinces de
Les nouvelles Piovinces de ...,._
La Caftillc, . . . .4 L« Provinces de
L'Aragon , ( Les Provinces de
Normandie. Champagne. lUe de France. Bourgogne. Lyonnoîs.
s. Bretagne, Dauphinc. Provence. Languedoc. Guienne.
 Les Provinces de  Entte-Minho-e-Douro. Tra-los- Monte i. Bcyra.
Y t Eftiamadurc Poi
I lUes Briianniquci ,
DANS LA MLR,
/ Grande-Bretagne . . .â Anglett
'j liUnde. L'incd'Anglefey. Llflcde
de Sehetland. Hl.inde. Zélande. Fiotiic
ey. Oleron. Belle- llU, &c
S La Sicile. La Sardaigne. La Coife. Candie. Majorque, Minorque. Ivica , (,-
< Les Iflci d'Hieici. L'ijle d'E%. Les CycUdes . àc.
S PicardI
7 Orléam
f Franche- Comté, Artois, Flandre* Hainaut. AUacc. RouCIîtlon. Lorrain?.
S Galice. AHuries. Difcayc. Navarre. Léon, Caftillc vieille.
'X Caftille nouvelle. Algaiie, Eftiamadurc. Grenade. Murcîe , fiv-
_ / Aragon, Catalogne. Valence.
-e-Douro. Tra-los-
Potiugaifc. Alcntejo. LciAlgatvcs.
terre proprement diic , Se Pays de Galles.
Les Orcadcs. Les Irtes de Sehetland. Hlinde. Zélande. Fiotiic. Les Ides
- Jeifey ac Garnefcy. Rey. Oleron. Belle- llU, te
EUR
gcnor Tœur de Cadmus , mais du moins qui
convient aux Européens , lesquels ne fonc
ni bafancs comme les Adatiqucs méridio-
naux , ni noirs comme les Africains.
L'Europe n'a pas toujours eu ni le même
nom , ni les mêmes divilions , à l'égard des
{>rincipaux peuples qui l'ont habitée; & pour
es fous-divilionj, elles dépendent d'un détail
impolTible , faute d'hiiloriens qui puilTent
nous donner un fil capable de nous tirer de
ce labyrinihe.
Mais loin de confidérer dans cet article
l'Europe telle que l'ont connue les anciens ,
dont les écrits font parvenus jufqu'à nous,
I'e ne veux dire ici qu'un feul mot de Tes
rames.
Elle s'étend dans fa plus grande longueur
depuis le cap de Saint- Vincent en Portugal
& dans l'Algarve , fur la côte de l'Océan
atlantique , jufqu'à l'embouchure de l'Obi
dans l'Océan feptentrional , par l'efpace de
1100 lieues françoifes de zo au degré , ou
de 900 milles d'Allemagne. Sa plus grande
largeur , prile depuis le cap de Matapan
au midi de la Morée jufqu'au Nord-Cap,
dans la partie la plus feptentrionnalc de
Norwege,eft d'environ 75 5 lieues de' France
de 10 au degré pareillement , ou de 550
milles d'Allemagne ; elle ell bornée à l'o-
lient par l'Alie ; au midi par l'Afrique ,
dont elle eft féparéé par la mer méditerra-
rée ; à l'occident par l'Océan atlantique ,
ou occidental , & au feptentrion par la mer
glaciale.
Je ne fais Ci l'on a raifon de partager le
monde en quatre parties , dont l'Europe en
fait une ; du moms cette divilîon ne pa-
roit pas exafte , parce qu'on n'y fauroit
renfermer les terres arcliques & les an-
tarctiques , qui bien que moins connues
que le refte , ne lailTent pas d'exifter & de
mériter une place vuide fur les globes 6c fur
les cartes.
Quoi qu'il en foit , l'Europe eft toujours
la plus petite du monde ; mais comme le
remarque l'auteur de l'efprit des loix , elle
tft parvenue à un li haut degré de puif-
fance , que l'hiftoirc n'a piefque rien à lui
comparer là-dedus , (i l'on confidere l'im-
menfité des dépenles , la grandeur des en-
gagemens , le nombre des troupes , & la
continuité de leiu entretien , même lorf- I
EUR 461
qu'elles font les plus inutiles & qu'on ne les
a que pour l'oftcntation.
D'ailleurs, il importe peu que l'Europe
foit la plus petite des quatre parties du
monde par l'étendue de fou terrein , puif-
qu'elle eft la plus confidérable de toutes
par fon commerce , par fa navigation ,
par fa fertilité , par les lumières & î'induf-
trie de fes peuples , par la connoidance des
arts , des fciences , des métiers , & ce qui
eft le plus important , par le chriftianifme,
dont la morale bienfaifante ne tend qu'au
bonheur de la fociété. Nous devons à cette
religion dans le gouvernement un certain
droit politique , & dans la guerre un cer-
tain droit des gens que la nature humnine
ne lauroit allez reconnoître ; en paroilîanc
n'avoir d'objet que la félicité d'une autre
vie , elle fait encore notre bonheur dans
celle-ci.
L'Europe eft appellée Celtique dans les
temps les plus anciens. Sa iîcuation eft en-
tre le 9 & 9^ degré de longitude, & eiv
trc le 54 & le 75 de latitude Icptentrionale,
Les géographes enfeigneront les autres dé-
tails au ledteur. Article de M. le chevalier
DE J AUCOURT.
Nous ajouterons ici un tableau général de
cette partie de la terre, comme nous avons
fiiit à l'égard des trois autres,
EUROPEEN , adj. heures européennes , en
chronologie &C ajhonomie. l^oye\ Hfure.
EUROTAS , ( Gèogr. & Wft. anc. ) ri-
viere du Péloponele , ou de la Morée de-
nos jours , fameufe à plufieurs égards , &c
en paiticulier pour avoir baigné les murs
de Sparte. On l'appelle aujourd'hui Vafili-
potamos.
Les Lacédémoniens publièrent que la
déelle Vénus , après avoir palfc ce fleuve ,
y avoit jeté les bralTelets & autres orne-
mens de ftmrtie dont elle étoit parée , &c
avoit pris enfuite la lance & le bouclier
pour fe montrer en cet état à Lycurgue , Se
le conformer à la magnanimité des dames-
de Sparte.
Ce fleuve eft toujours tellement femé de
rofeaux magniiiques , qu'il ne faut pas s'é-
tonntr qu'Euripide dans fon Hélène le fur-
nomrne CalUdonax. Les jeunes Spartiates
en^ failbient ufage pour coucher deflus , Se
même on les obligeoit d'aller les cueillis
462 EUR
avec leurs mains fans couteau & fans autre
inftiument : c'écoic-là leurs marclacs & leurs
lits-de- plume.
L'Eurotas eft encore , comme dans les
beaux jours Je la Grèce , couvert de cy-
gnes d'une li grande beauté , qu'on ne peut
s'empêcher d'avouer que c'eft avec raifon
que les poètes lui ont donné l'épithete d'olo-
rifer :
Taygetique pimîanx , & oloriferi Eurotce
Dura riianui dit Srace.
Autrefois cette rivière fe partageoit en
pluiîeurs bras ; mais aujourd'hui on feroit
bien cmbarraflé de difcerner celui qui s'ap-
pelloit Euripc , c'el't-à-dire , ce canal où fe
donnoit tous les ans le combat des Ephebes ;
car le Vafilipotamos n'eft guère plus gros en
été près de Mifura , que ne Tell la rivitre des
Gobelins à Paris.
Mais admirons fur-tout la deflinée de ce
fleuve , par ce qu'en a dit Séneque. Hanc
Spartam Eurotas omnis circumjiuit , qui pue-
ritiam indurat , ad futur œ militlx pateiitiam :
les Lacédémoniens y plongeoient leurs en-
fans pour les entlurcir de bonne heure
aux fatigues de la guerre , & les Turcs s'y
baignent dans l'elpérance de gagner le
royaume des cieux. Article de M. k chtvalier
DE J AUCCURT.
* EURYALE, f. f. {Myth. ) une des
trois gorgones , fille de Phorcys & lœur de
Médufe ; elle n'étoit fujette ni à la vieillefle
ni à la mort.
* EURYNOME , f f . ( Myth. ) un des
dieux infernaux ; il fe repaiflbit de cada-
vres. Il étoit repréfenté dans le tableau des
çnfers du célèbre Polignote.
* EURYSTERNON ou EURYS-
THERNE, adj. pris fabil. ( Mytkd. ) qui
a la poitrine large , furnom de la Terie.
Elle avoir un temple dans l'Acha'ie , pro-
che d'Egé. Sa prêtrefle étoit veuve d'un
feul mari , & ne pouvoir en épouler un
autre.
EURYTHMIE , ( Arts li!:) c'eft , en
architeclure , peintura & fculpturc , fclon
yitruve , une certaine majefté & élégance
qui frr.ppe dans la compolîtion des difté-
tens m.embres ou parties d'un bâtiment ,
pu d'un tableau , qui rcfultc des julles
EUR
proportions qu'on y a gardées, ^oye^ Pa»-
PORTIONS.
Ce mot eft grec , & fignifie littéralement
une harmonie dans toutes Us parties ; il eft
compofé de 5't/ , bien , Si fvSy.oi , rhythmus ,
cadence ou convenance des nom^bres , fons^
& autres chofes lèmblables. Voy. Rhyth-
mus.
Cet auteur met \' eurythmie au nombre des
parties e(fentielles de l'architedure ; il la
décrit comm.e une chofe qui coniifte dans
la beauté de la conftruélion, ou l'affemblage
des différentes parties de l'ouvrage qui en
rendent l'alped: agréable : par exemple,
quand la hauteur répond à la largeur, & la
largeur à la longueur , Scc. Dicl. de Trév.
& Charniers.
EURYTHMIE , ( Beaux- Arts. ) c'cft
cette harmonie des parties d'un tout par
rapport à leur grandeur , qui fait qu'aucune
ne fe diftingue au préjudice des autres
ou de l'enfemble. Ainfi un objet a \' eury-
thmie , ou les belles proportions qu'il doit
avoir , lorlque chaque membre , chaque
partie a précifcment la grandeur qui lui
convient dans fon rapport avec le tout.
C'eft l'eurythmie qui fait une partie plus
grande qu'une autre , en réglant leur mefure
abfolue fur le rang qu'elles tiennent dans
les proportions. C'eft par elle que dans le
corps humain le tronc eft la plus grande
& la tête la plus petite des parties prin-
cipales. L'effet que l'eurythmie produit dans
nos perceptions , c'eft le repos & l'ac--
quiefcement , parce qu'elle met en équilibre
les diverfes parties de l'objet , qu'elle nous
les préftnte toutes à la fois , compofànc
enfcmble un tout complet , apperçu en
plein, & non imparfait ou du profil. Sans
cet équilibre , nul objet ne peut être beau ,
& voilà pourquoi l'eurythmie eft le piincipe
de la beauté.
La belle proportion des parties eft donc
une propriété générale de tous les-navrageS'
de l'art ; c'eft ce qui en fait un tout har-
monique. Mais l'eurythmie ne concerne pas
fimplement les pio^^ortions de grandeur,
elle s'étend encore à l'élaboration , à l'exé-
cution des parties. L'fi/r)/^/n/f feroit bief-
fée , fi dans un tablc.iu certaine partie ctoiç
plus achevée , mieux hmc que fa place f
EUR
eu fon effet par rapport au tout ne le
demande.
L'obfervation des belles proportions exige
une grande lagacité & u i t'.oiit très- fin.
Il cil évident qu'elle n'ell ji lliblc qu'au-
tant qu'on lait le faire une image exacte
& précife de l'enfemble & de toutes les
!)arties. Qiiiconque n'ell: pas capable de
àifir d'un coup d'œil le rout dans fon
entier , ne fauroit ni fentir {'eurythmie où
elle eil , ni eu fentir le défaut où elle n'eft
pas. Pour acquérir cette partie (i ellcntielle
de l'art , on ne fauroit donc trop s'exercer
il avoir le coup d'ccil jufte , & à bien failir
l'enfemble. Le peintre , au milieu de fon
travail , fait quelques pas en arrière pour
contempler de loin fon tableau , & juger
de l'eftet du tout. Le compofitcur le place à
quelque diitance pour entendre la premiè-
re lépétiiicm de fa mulique. Mais l'orateur
ic le poète n'ont pas U même facilité dans
des pièces de quelque étendue. C'eft pour-
quoi il faut que le poé'te , avant de mettre
la dernière main à ion ouvrage , apporte
tous fes foins à rallembler ious un ieul point
de vue toutes les parties du plan entier.
Ce n'efl qu'en fe familiariiant avec l'en-
femble au po;nc de le voir fous fes yeux com-
me on y verro:t un objet iimple , qu'on elt
capable de juger fainement ilu rapport des
parties entt'elles & avec le tout, & d'en
ientir {'eurythmie.
Ce que ^nous avons dit des autres arts
s'applique également à l'architecture. Il
faut étudier long-temps le plan général , &i
fe le rendre bien familier , pour juger ailé-
ment de la belle proportion des parties avec
l'enfemble.
Tout artifte qui defire de cultiver fon gé-
nie, doit s'exercer fouvent à embraffer d'un
coup d'œil des objets compotes d'un grand
nombre de parties dift.i entes, & s'accou-
tumer à voir chaque partie dans fa combi-
naifon avec chaque autre réunies en un icul
tout. Il n'y a que des génies du premier
ordre qui fâchent faifir de cette manière des
objets d'une grande étendue ; &c cette con-
fidération feule montre déjà combien il cfl
mal ailé de juger de {'eurythmie d'un poëme
épique un peu vaffe.
11 ne futfit pas de faifir l'enfemble à la
fois 5 il faut encore fentir quelle en eft la
EUR 465
nature , 5c quel ed l'effet qu'il doit produi-
re : c'eft d'après ce fentiment feul qu'on
pourra examiner ii chaque partie contribue
dans une jiille proportion à l'etTet de l'en-
femble , <Si (i le caradtere particulier répond
au caradtere général.
De ce petit nombre de réflexions , on peut
tirer la conclulion générale que de grands
6c valtes ouvrages exigent un tout autre
génie que celui qui e(l propre à produire
des ouvrages moins étendus. Tel compoli-
teur qui excelleroit dans le menuet ou l'a-
riette , ne vaudroit rien pour com.pofcr un
chœur ou une (ymphonie. \Jn poëce réuf-
lira admirablement dans l'ode , & lera très-
médiocre dans l'épopée ou dans le drame ;
& l'architedte qui (aura tracer avec la plus
grande intelligence le plan d'une raaifoiî
bourgeoife , n'en doit pas conclure qu'il a
les talens requis pour diriger la coiiliiuttioii
d'un palais. Dans chaque genre, les grands
travaux font rélervés aux grands génies ex-
cluhvement. ( Cet article efl tiré Je la théorie,
générale des beaux arts de M. Sulzer.)
EUS
* EUSHBIE, f. f. ( Myth. ) c'eft ainfi que
les Grecs appelloient la l'iété qu'ils avoient
divinilée.
EUSÉBIENS , C m. pi. ( Hijf. eccléf. )
nom qu'on donna dans le iv fiecle à une
fattion d'ariens , à caufe de la faveur & de
la protei'Jtion que leur obtint de l'empereur
Confiance , Eulebe, d'abord évêque de Bc-
rvte , puis de Nicomédie , & enhn patriar-
che de Conltantinople , qu'il ne faut pas
confondre avec Eufchc, évêque de Céfarée,
que pluheurs écrivains ont aui'u accufé d'a-
nanifme , mais que plufieurs autres ont
tâché d'en juftifier , & qui ne fut jamais
chef de parti. ^oye:[ Arianisme , Ariens-
& TrinitI. ( G )
EUSKIRCHEN , ( Géog. ) ville d'Alle-
magne , dans le cercle de Weftphalie , &c
dans le duché de .Tuliers. C'elt le chef-lieu
d'un bailliage d'où reflbrtilfent quatre fei-
gneuries , & c'eft la quatrième des villes
qui ont féance & voix dans l'alfemblée des
états du pavs. {D. G. )
EUSTACHE , ( l'Isle de Saint- )
( Géogr. mod. ') île de l'Amérique feptea-
464 EUS
tnonale : c'eft la plus force des Antilles ,
par fa fituation. Longitude IJ , 40 ; lac.
iG, 40.
EUSTATHIENS , f. m. pliir. ( Hif.
ecc/éf. ) efi: un nom que l'on donna aux
catholiques d'Aniioche , dans le quatrième
liecle , à l'occaiîon du refus qu'ils firent de
ne recevoir aucun autre évêquc que Saint
Euftatc , que les ariens avoienc dépolé.
Ce nom leur fut donné pendant l'épifco-
pat de Paulin, que les ariens (ubfticuerent
à S. Eurtathe vers l'an 5 50 , loriqu'ils com-
mencèrent à tenir des allemblées particu-
lières. Vers l'an 5 fo , Lcontius de Phrygie ,
appelle V eunuque , qui croit arien, & qui fut
inftallé fur le fiege d'Antioche , defira que
les eujlathiens fillcnt leur (ervice dans fon
églife , ce qui fut accapté : &c ainfi l'églife
d'Antioche fervit indirtéremmentaijx ariens
& aux catholiques.
Ce que nous venons de dire donna lieu à
deux établiilemens , qui ont toujours fub-
(illé depuis dans l'églife. Le premier fut la
pfalmodie à deux chœurs ; cependant M,
I3aillet croit que s'ils inllituercnt la pfalmo-
die à deuK chœurs , ce fut à deux chœurs de
catholiques , & non pas par manière de ré-
ponfe au chœur des ariens. Le fécond fut la
doxologie , Cyloria Patri& Pilio , & Spiritui
fanc}{j.f^oye[ Doxologie.
Cette conduite , qui fembloit renfermer
une elpece de communion avec les ariens ,
choqua beaucoup de catholiques , qui com-
jnencerent à tenir des aflemblécs particu-
lières , & formèrent ainli le fchifme d'An-
tioche.
S. Flavien , cvêque d'Antioche en 581 ,
& Alexandre , un de fes fuccelleurs en 481 ,
procurèrent entre les eujlathiens ik le corps
de l'églife d'Ancioche une réunion , dont
Théodoret a raconté les circonftances. Dtfl.
de Trév, ù Çhambers.
EusTATHiENs , cft aulTî Ic nom donné à
des hérétiques qui s'élevèrent dans le qua-
trième liecle , & qui tirèrent leur nom d'un
moine appelle Euftathius , fi follement entê-
té de (on état , qu'il condamnoit tous les au-
tres états de vie. Baronius croit que c'eft le
même qu'un moine d'Arménie que S. Epi-
phane appelle Eutaçlus,
Les erreurs &i les pratiques de cet héré-
/;arquç qijc Socrate , Soïomcne , & M,
EUS
Flenry, fur leur autorité, ont confondu avec
Euftathe , évêque de Sébafte , qui vlvoic
aulll dans le quatrième fiecle , (ont rappor-
tées à ces chefs par les pères du concile de
Gangres en Paphlagonie , tenu l'an jjy.
Euftathe & fes fedateurs y font acculés :
1°. de condamner le mariage , & de fépa-
rcr les femmes d'avec leurs maris ; t°. de
quitter les ademblées publiques de l'églife ,
pour en tenir de particulières ; 3°. de fc
réferver les obiatioiis à eux feuls ; 4°. de
fcparer les ferviteurs de leurs maîtres &C
les enfans de leurs parens , fous prétexte
de leur faire mener une vie plus auftere;
§°. de permettre aux femmes de s'habil-
les en hommes ; 6°. de méprifer les jeiànes
de l'églife , & d'en pratiquer d'autres à leur
fantailie , même le jour du dimanche ;
7°. de croire qu'il écoit défendu en tout
temps de manger de la viande ; 8°. de
rejeter les oblations des prêtres mariés ;
9°. de méprifer les chapelles bâties en l'hon-
neur des martyrs , leurs tombeaux , & les
aflemblées pieufes qu'y tenoient les fidèles ;
10°. de foucenir qu'on ne peut être fauve
fans renoncer effedtivement à la polef-
lion de tous les biens. Le concile fit con-
tre ces erreurs & fuperftitions » vingt ca-
nons qui ont été inférés dans le code des
canons de l'églife univerfelle. Dupin , Bi-
bliot, des auteurs ecdèfiaji, du quatrième fiecle,
Fleury . HiJI. eedéfiaji. tom. IV^ Uv. XVUy
tit. XXXV. (G)
EUSTYLE, f. m. (Architeâ.) eft une
efpece d'édifice dont les colonnes font pla-
cées à la diftance la plus convenable l'une
de l'autre ; l'intervalle entre les deux colon-
nes étant préciiérfient deux diamètres & un
quart d'une colonne , excepté celles qui iont
dans le milieu des faces devant & derrière,
qui font éloignées les unes des autres de trois
diamètres.
Ce mot eft grec & compofe de s' u , béni
bien , &C de çuKo( , colonne,
V^ufiyle tient le milieu entre le picnot
tyle & l'aréortyle, Voye^ Picnostyi.e, icc.
Vitruvc , Uv. m, chap. ij , obferve que
Veujlyle eft de toutes les manières de placer
les colonnes celle qu'on aprouve le plus,
& qu'elle furpafle toutes les autres en com-
modité , en beauté & en force. l^oye[ I9
Diclionn. de Trév. 6" Çhambers. ( P )
fcUSUGAGUÊN,
EUT
EUSUGAGUEN, ( G^og. mod. ) ville de
la province d'Héa , au royaume de Maroc,
en Afrique.
EUT
* EUTERPE, f. f. ( Mythol. ) celle des
mufcs qui préfuloic aux iii!lr:imeiisà venc ;
on la reprcffeiiroit couronnée de fleurs ,
jouanr de la double flike , &: ayant l'Amour
à fcs genoux. 0\\ lui attribue Piiivciuion
de la tragédie ; & en confequence , on
ajoure à fcs ^çittributs un mafque & une
m a (Tue.
EUTHANASIE , f f. ( Théd. ) mort
heureufe j ou pallàge doux & tranquille,
lans douleur , de ce monde en l'auue. A'oy.
Mort.
Ce mot eft formé du grec bcnc iv , lien ,
& de i--J.VA-ri( , mon. (G)
* EUTHENIE, C._f. ( Mythoî.^ c'eft
ainfique les Grecs appelbien: l'abondance
qu'ils avoient divinifee, mais qui n'eue ja-
mais cher eux ni de temple ni d'autel.
EUTHIA , ( Mufiq. des une. ) Ce terme
de la mulîque grecque fignifie une fuite de
notes procédant du grave à l'aigu. L'euihia
étoit une des parties de l'ancienne mélo-
pée. (5)
EUTIN ou EUTHîN , ( Géog. mod. )
ville du Holltein en Allemagne.
EUTYCHIENS , f m. pi. ( H^fi. ecdrf. )
hérétiques qui refjfoieni d'admettre deux
natures en Jcfus-Chrift , & qui tirèrent
leur nom d'Eutychès , archimaniirite ou
abbé d'un monallere célèbre de Conftan-
tinople , & qui vivoic dans le cinquième
fiecîe.
L'averhon qu'Eutychcs avoit pour le
Neftorianilme le précipita dans un excès
oppolé & non moins dangereux. On croit
que quelques partages de S. Cyrille d'A-
lexandrie , qui foutint vivement l'unité de
pcrlonne contre Neftorius , engagèrent
Eutychès à tourenir l'unité de nature ;
mais ces pafTiges bien entendus ne lui font
nullement favorables, comme on peut voir
dans M. Witalfe , Traité, de l'incarnatiuii ,
part. Il , qucej}. vj , art. l , Jlcc. 7 .
Cet héréfiarque foutint d'abord que le
Verbe, en defcendant du ciel , avoit ap-
porté fon corps qui u'avoit fait que pafler
Tome XIII.
EUT
461
dans celui de la fainre Vierge, corr,me
par un canal ; ce qui approchoit de l'hé-
réfie d'Apollinaire. Mais il rétraéta cette
propofition dans le fynode de Conftjn-
tinople , où fi dotlrine fut d'abord con-
damnée par Flavien : mais on ne put le
faire convenir que le corps de Jelus-
Chrift fût de même fubftance que les nôtres ;
au contraire , il paroit qu'il n'en admet-
toit qu'un fantafrique , comme les Valen-
Chrift deux natures , même avant runion
liypoftatique ; confequence qu'il tiroir ap-
paremment des principes de 'la pliilofo-
phie de Platon , qui uippofe U préexif-
tcnce des âmes : aulTi Eutychès croyoit-
il que l'ame de Jefus-Chrift avoit été unie
à la -divinitc avant l'incarnation. Mais il
ne voiduc jamais admettre de diftinârioix
de nature en Jefus-Chrirc après l'incarna-
tion, difant que la nature humaine avoic
été alors abforbée par la nature divine ,
comme une goutte de miel qui tombant
dans la mer ne périroit pas , mais feroic
engloutie, l^oyci ^^ diflertation du perc
Hardoum de facramento altaris , dans la-
quelle cet auteur développe très -nettement
tous les fentimens des Euiychicns.
Quoique cette héré/îe eût été condam-
née dans le fynode qui fut tenu à Cont
tantinople en 448 , & dont nous avons
déjà parlé , Eutychès ne lailfa pas que de
trouver des partifans & des défenfeurs :
lôutenu du crédit de Chryfaphe , premier
eunuque du palais impérial , de l'adivité
de Diolcore fon ami , patriarche d'j\lexan-
drie , & des fureurs d'un archimandrite
fyrien, nommé .Siîr/£//;2û5 , il fit convoquer
en 449 un concile à Ephele, qui n'cft
connu dans l'hiftoire que lous le nom
de brigandage , à c.^uie des violences qu'y
exercèrent les eutyckieus , dont le chef y
fut juftifié; mais fon erreur fut examinée
de nouveau & anathématifée d;jns le con-
cile général de Chalcédoine , tenu en 45 1 :
les légats du pape S, Léon qui y allîftercnt ,
foutintent que ce n'étoit point afTtz de
définir qu'il y a deux natures en Jefus-
Chrift ; mais ils infifterent fortemena à
ce que, pour cter toute équivoque, 0:1
N n n
466 EUT
aioiuâc ces m^ots , fans être changées , con-
fondues , ni dh'ifées.
Mais cette décifion du concile de Chal-
cédcine , qiioiquelle fut l'ouvrage de plus
de cinq à fix cents évêques , n'arrêta pas
les progrès de l'eutychianirme : quelques
évêques d Egypte qui avoient f.lTillé à ce
concile , publièrent ouvertement à leur
recour que S. Cyrille y avoic été condamné
& Ncuorius abfoiis , ce qui caufa de grands
défordres : plufieurs , par attachement à
la doftrine de S. Cyrille , refufoient de
fe foumettre aux décrets du concile de Chal-
ccdoine , qu'ils y croyoient fauflèmem op-
pofés. ,
Cette hcréfie , qui fit de grands ravages
dans tout rOnent,-fe divila à la longue
en plufieurs branches. Nicéphore n'en
compte pas m.oins de i z ^ les uns étojenc
Si'P'peWésfchematici ou appartîntes, parce qu'ils
atnbuoient à Jeais-Chvift un corps fan-
taflique ; d'autres, Théodof.ens , du nom de
Théodofe, évêque d'Alexandrie; d'autres,
Jacobites , du nom d'un certain Jacob ou
Jacques, Jaccbus , de Syrie; cette branche
s'établit elle-même en Arménie, où elle
fubilfte encore, f^tije:^^ Jacofites.
Les autres principales font celles des
Théopafchitcs , qui prétendoient que dans
la pailion de J. C. c'étoit la divmité qui
avoit fouffert; les Acéphales, c'ell à-dire
fans chef; les Sévériens , ainfi nommés
d'un moine appelle iSeVfre, qui monta fur
le fiege d'Antioche en 5 1 5 ; on les appella
encore Corrupttcoks &c Incorrupticoles. l- oy e^
ces mots. Les Sévériens (e partager ent
encore en cinq factions, favoir le< /* gnoetes
ou Agnoites, les partifans de Paul, (AiKavit,
c'eft- à-dire, les noirs, les angétites , enfin
les Adriates & les Coni^nites. ttévoux ,
Chnmbers , Si l'Htfi. eccléfiaf (G)
EUTYCHIENS , f. m. pi. ( ii'///. eCC.'éJÎ(7/î. )
étoic aufTi le nom d'une autre fecSte d'hé-
rétiques , .moitié Ariens & moitié Euno-
miens , qui commença à paroître à Conf-
rantinopledansle quatrième liecle.
Les Eunomiens à Conftantinople difpu-
toient alors vivement entr'eux , ("avoir fi
le fils de Dieu connoit le jour & l'heure
du jugement dernier ; les uns fe fondoicnt
principalement fur ce paflage de l'évangile
»tc, S. Math^ ckc^, .vjf/V, l'tr/ jé", ouplu-
E U T
tôt fur celui de S. Marc cfiap xiij , verf, ja,
où il eft dit que le fils ne le connoit pas ,
mais qu'il n'y a que le perc. Eutychius ne fit
pas difticulic de (outenir , même par écrit ,
que le fils connoilToit le dernier jour : ce
fentiment dcplaifanr aux iavans du parti
d'Eunomius, il fe fépara d'eux , & fe retira
vers Eunomius qui étoit alors en exil.
Cet hérétique penfa comme Eutychius,
que le fils n'ignoroit rien de ce que le
père fait , & le reçur à fa communion.
Eunomius étant mort bientôt après , le
chef des Euncmicns à Conftantinople rc-
fufa d'admettre Eutychius , qui pour cette
raifon forma une fefte particulicie de ceux
qui s'attachèrent à lui, &c qui furent nom-
més eutychiens.
Ce même Eutychius , avec un certain
Theophronius , contemporain de Sozo-
mene , furent les auteurs de tous les chan-
gemcns que les Eunomiens firent dans
l'adminiftration du baptême : ils conlil"-
toicnt , félon Nicéphore, à le donner par
une (eule imjmerdon , & à l'adminiftrer ,
non pas au nom de la trinité , mais en
mémoire de la mort de Jefus Chrift.
Nicéphore appelle le chef de cette fecte
Eupfychius , & non Eutychius , & les lec-
tateurs Euncmioeuvfychiens. Vo)e\^ EuNO-
MiOEursYCHiENS. Champ. (G)
E V U
EVUIDER , V. ad. en Architeêure ; c'eft
tailler à jour quelque ouvrage de pierre ou
de marbre, comme des enire-las, ou de
menuiferie ; comme des panneaux de clô-
ture de chœur , d'ocùvre , de tribune , Ç.x-
autant pour rendre ces panneaux plus lé-
gers , que pour voir à travers. ( P)
EvLMDEK , en terme de cloutier-faifeur
d'aiguilles courbes; c'eft faire une petite
couiillc au-delTus ou au - dcllôus du trou
pour contenir le hl , & l'empêcher de
s'écarter à droite ou à gauche , pour le
rendre d'égale grofleur avec le corps de
l'aiguille ; autrement il déchireroic la partie
que l'aiguille n'auroit point allez ouverte.
EvuiDER 5 en terme de chaudronnier ,
c'eft mettre la dernière main à l'ouvrage ,
dégager les contours , pincer les angles ^
& leur donner plus de grâce.
* EvuiDER , C Ouvriers en fer, ) Ce
E V U
rerme Ce pvenA encore en un fens pirtî-
iTulier chez les ouvriers en fer. Ils évuidcnt
au morceau , à la lime , à la meule , & à
la polidbire , lorfqu'au lieu tic laid'cr à
un mllrument cranch.uu , ou autre pièce,
une lurfjce plane, ils creulcnc plus -ou
moins ctcte furfacc & la rendent concave.
EvuiDi R , en terme de cornettsr , ert:
ropéracion par laquelle on forrne les dents
d'un peigne , par le moyen d'un guide-âne
qui en Icie une , pendant qu'une autre
lame moins avancée , comme nous l'avons
dit à fbn article , trace la fuivante. C'eft
par ce moyen qu'on garde une même dif-
tance entre toutes les dents d'un peigne,
ÉVUinOIR, f. m. C Iw/zer/e. ) outil
dont les facieurs d'inftrumens à vent fe fer-
vent pour accroître en dedans les trous de
ces inftrumens qui forment les tons ; il
condfte en une meclie de perce, emman-
chée dans une poignée comme une lime,
E X A
EXAGERE ATION, f. f. ( ATédedne.:)
Voye-^ Redoublement , Paroxysme ou
Accès, Maladie, Fièvre.
* EXACTEUR , f. m. ( Hift. anc. ) c'é-
toit , 1°. tm domeftique chargé de pour-
fuivre le rembourfement des dettes de (on
maître. 2°. Un autre domeftique qui avoir
l'œil fur les ouvriers. :5°. Un ofiàcier de
l'empereur qui hàroit le recouvrement de
l'impôt appsWépecuniarumJifiaaum:, on le
nommoit aullî compulfor. 4°. Un aurre otfi-
cier qui (uivoit les patiens au fupplice -, 8c
qui vfilloit à ce que l'exécution fe rît , ainfi
qu'elle avoit été ordonnée par les juges.
Celui-ci s'aDpelloit exaciorfuppUcii.
EXACTION, fub. f. ( Jurifprud. ) c'eft
l'abus que commet un officier public qui
c.\ige des émolumeiis au-delà de ce qui lui
cftdû.(^)
* EXACTITUDE , f. f. ( Morale. ) ferme
relatif à des règles ptclcritcs ou à des con-
ditions acceptées. Uexaclitude eft en général
la conformité rigoureufe à ces règles & à !
ces conditions.
EXAGÉRATION, f. i. figure de rhéto-
rique , par laquelle on augmente ou l'on
. amplifie les chofes , en les faifant paroître
pliis grandes qu'elles ne font par rapport à
E X A
4^7
leurs qualités bonnes ou mauvaifes. Voy^i
Hyperbole.
Ce mot eft formé A'exaggero , j'exagère ,
qui eft compofé de la prépofition ix , &
A'agger , un monceau, une élévarion de
terre. (G)
Exagération , en Peinture , eft une mé-
thode de repréfenter les cho'es d'une ma-
nière trop ch irgée& trop marquée , foit p.ir
rapport au delFin , foit par rapport au coloris,
ou à la pofuion des objets.
L'exûgf'rntion n'eft permife, foit dans li
ment c'EÎt toujours un vice. (R)
_ Mais il eft fouvent difficile d'éviter ce
vice : le peintre qui réuffit en ce genre ,
& qui ne fait point fortir l'objet de fou
caraélere , doit , entr'autres talens , être
doué d'une profonde connoiftance des effets
de la peripedive Se de l'effet des couleurs :
cette connoillance eft abfolument nécef-
faire dans tous les grands ouvrages , où
l'on ne peut s'empêcher d'employer l'eAr^r-
gération du deffin , celle de la forme des
objets, & celle du ton des coukurs, foie
dans 1er. clairs , foit dans les ombres , à
caufé de la furperficie du fonds (ur lequel
on travaille , de la diftance où l'ouvrage
(Joit être vu, & du temps qui fait toujouis
perdre beaucoup du brillant des couleurs.
Voilà l'artihce merveilleux qui, dans les
diftances proportionnées à la grandeur des
tableaux , foutient le caradlere des objets
particuliers & du tout enfemble. Pcr-
fonnc, peut-être, n'a rendu cette fa vante
exagéra-Aon plus heureufe & plus fenfi-
ble que Rubens l'a flîit dans les grandes
machines. Anickde M. le chevalier de Jau-
COURT.
EXAGONE , Voye[ Hexagone.
EXAHEDRE, Fo^ci Hexahedre &c
Cube.
EXALTATION de lafainte croix , ( /f.,?.
rccli'f,) lête de l'églife romaine qu'on célè-
bre le quatorzième jour de feptembre , en
mémoire de ce qu'Héraclius porta la vraie
croix de Jelus-Chrift fur les épaules , à
l'endroit du monc- calvaire , d'où elle avoic
été enlevée 14 ans auparavant par Cofïocs,
Nnn 2.
468 E X A
roi de Perfe , lorfqu'il prit Jcruralem fous
le rcgne de l'empereur Phocas.
Les viûoires d'Héraclius ayant forcé
Siroèî, fils & fucceiïeur de Cofroès , à
demander la paix , une des principale;
conditions du traité fut la reftiturion de
la fainte-croix. On raconte qu'Héraclius
voul'jt la conduire lui-mtme à Jérufalem,
èc qu'y étant arrivé , il la chargea fur fes
épaules pour la porter avec plus de pompe
fur le Calvaire : on ajoute qu'étant à la
porte qui mené à cette montagne , il ne
put avancer tant qu'il fut revêtu des ha-
bits impériaux enrichis d'or & de pierre-
ries j mais qu'il porta très~facilement la
croix dès qu'il eut pris , par le confeil
du patriarche Zachariç , des habits plus
fîmples & plus modeftes.
Telle efl l'opinion commune fur l'oii-
gine de cette fcte : cependant long-temps
avant le règne d'Héraciius on en 'célé-
broit une dans l'églife grecque & latine
en l'honneur de la croix , fous le même
nom à'exaltction , en mémoire de ce que
J. C. dit , en parlant de la mort , en S.
Jean, chap. xij , verf. 52.. Lorf que j'aurai
éié exalte , j'attirerai toute chefs à moi ; &
encore chap. viij , vcif. 18. Quand vous
/im'e^ exalté le fils de l'homme , vous conno'i-
trei qui je fuis. Le père du Sollier alTute
que M. Chaftclain penfoit que cette fête
avoir écé inftituée à Jérufalem du moiiîs
240 ans avant Héraclius.
Il efl: certain qu'on en célt'croit une du
temps de Confiantin , eu peu de temps
après, à laquelle on pourroit donner le
-nom i'cxaltûtion ; car Nicéphore rapporte
qu'on y cttcbroit la >è(c Je la dédicace
<iu temple bâti par fainte Hélène, & con-
facré le 14 de feptem.bre de l'an ?5J ,
jour auquel on renouveloit tous les ai;S
la mémoire ; il ajoute que cette fcte fui:
suffi appellée Vexuitatio'i de la croix, à cau'e
d'une cérémonie qu'y pratiquoit l'évcque
de Jérufalem , qui , montant lur un lieu
émincnt , bâti exprès en manière de tri-
bune . que les grecs appclloient les myf-
teres facrh de Dieu ou la fainteté de Dieu ,
y élevoit la fair.te-croix pour l'expoler à
la vue du peuple Ôc à fa vénération. Charn-
iers. ( G )
Exaltation, (-'^/^c*. ) Qtielques au-
E X A
teurs fe font fer vis de ce mot , en par-
lant des puiflances, pour défigner ce qu'on
appelle autrement leur élévation; mais ce
dernier mot eft beaucoup plus ufité , &
l'autre doit être prokrit comme inutile.
/^'oj-e:^ Elévation. (0)
Exaltation, ( Jurifprud. ) eft l'élé-
vation de quelqu'un à une dignité eccléliat
tique ; m:^is ce terme eft devenu propre
peur U papauté : exaltation du pape cft
la cérémonie que l'on fait à fon couion-
nement , lorfqu'on le m.ct fur l'autel de
S. Pierre. (^)
Exaltation, {Chimie.^ terme figuré,
ou plutôt fans fignilîcaiion décerminée ,
employé par les anciens chimiiles pour
exprimer toute purification, atténuation,
am.élioration , augmentation d'énergie ,
de vertu, f-'c.
C'étoit des fels & des foufres exaltés ,
qui faifoient les odeurs & les faveuts agréa-
bles ; la vertu alexipharmaque narcotique
des mcdicamens , fi\-.
Ce jargon n'tft point vieilli en méde-
cine : on dit fort bien encore dans les écoles
& dans les conlultations , bile exaltée , fucs
exaltés , fais & fvujres exaltés , &c. & la
plupait de ceux qui prononcent ces mots,
croient bonnement dtfigner ^ar- là des
êtres réels. {i>}
EXAMEN de confcitnce y {Théol.') revue
CNaclc qu'un pécheur fait de fa \':t paflee,
afin d en rcconnoitre les fautes & de s'en
confcficr.
Tous les théologiens qui ont écrit du fa-
crcment de pénitence , & particuliciement
les ancicps pcies , ont beaucoup infilte lur la
nature Se les qualités de cet examen, comme
fur ur.e voie nécefiaire pour préparer &:
conduire, le pécheur au icpentir fincerc de
fes fautes. S. Ignace martyr le réduit à cinq
points : 1°. rendre grâce à Dieu de fes.
i-ienf lits : 2.°. lui demander les grâces &
les lumicrcs néccflaires pour connoitre &
diftingucr nos fautes : }°. repaficr dans
notre mémoire toutes nos occupations,
aélions , penfées , paroles < à quoi il faut
ajouter les omifi'ions ) , afin de décou-
vrir en quoi nous avons oiTenié Dieu ;
4°. à lui 'en demander pardon, & conce-
voir un regrec fincerc de l'avoir oftenfé :
5°. à former une ferme rtfolution de ne
E X A
plus l'ofFenfer à l'avenir , & prendre tou-
tes les précautions nécedaires pour ikius
piéferver du pcchc & en fuir les occa-
lîuns. fCj)
Examen , ( Jurifp. ) eft l'épreuve de Li
capacité d'une pevlbnne qui le reprc'iente
pour acquciir un état ou remplir quelqie
fonélion qui demande une certaine ca-
pacité.
Ainlî dans les arts & métiers les afpi-
rans à la maîtrife fubii'ent un examen , Jn:
doivent Fnire leur chef-d'œuvre.
Ceux qui le préfcntent pour avoir la
tonfure ou pour prendre les ordres pour
obtenir le %-ifa de 1 cvéque kir des provi-
fions , font ordinairement examines, l" ojc^
l'édit de i-py.
Les ciudians dans les univerficés fubif-
fent atiùi plulieurs examens , avant d'obte-
nir leurs degrés : celui qui , après avoir
fouicnu (es cxcinens ôc autres adtes proba-
toires , a écé refufé ; s'il prétend que ce foit
injuftement, il peut demander un exanic/i
public.
Ceux qui font pour\'U5 de quelque oflice
de judice , (ont examinés fur ce qui con-
cerne leur état , à moins qu'ils ne ioient
ûifpcnfés de Vexamen , en conlidération de
leur capacité bien connue d'ailleurs.
Si l'oKicier palle d'une charge ou place
à une autre qui demande plus de capacité
ou quelque connoilîance particulière , il
doit fubir un nouvel examen. Voye^^ la Ro-
chcfiavin, des parlemens ^ Uv. VI, ch.xxvnj,
(^)
Examen' a f u t v r, roycj^ E n ti.u e t e
d'examen a PUTtTR.
* EXAMILiON , f. m:{Hi(l. woJ^ mu-
raille célèbre eue l'empereur Manul l'aléo-
logue fit clevcr fljr l'ifthme de Corinthe ;
elle avoit fix niilles de longueur : elle cou-
vroit le Péioponefe contre les incurfions
des barbares : elle partoit du port Léchée ,
& s'étendoit jufqu'au port de Centhrée.
Amurat fécond la dém.olit : les Vénitiens
la reconftruillrent en quinze jours : elle
fjt rcnveiice pour la féconde fois par Be-
glerby , & ne fut point relevée.
^EXAMINATEUR, f. m. (Jurifp.:)
J^oyci CCM Jv; ISSA : RE AU Ch A7ELET ,
Commissaire ENQ.UETEua, & aumot
J.isQ.UEiEUR. {jl}
E X A 469
EXAMINER un compte, {Commerce.')
c'cR le lire avec cxadlituJe , en pointer les
articles , en vciiher le calcul , pour en dé-
couvrir les erreurs. DtcUon. de commeree.
^'bjeij^ Compte.
EXANGUIN, ad], en Anatomie , fe dit
des vaillcaux qui ne renferment point la
partie rouge du larig.
l! y a quatre fortes de vailTeaux exan-
guins ; (avoir , l.'S vaifTeaux c/iyhdngues , les
vaiiTcatix lymphatiques , les vailleaux ner-
veux, & les vp.inèaux/cc/v/o/rfj. M. Quef-
nay , ejf.pkyj. fur l'économie animale. Voyer
CnYLii^oQUES , Nerveux , t-'c.
EXANTHEME, f. m. (Médecine.)
i^a.i9<!ua. , dérivé de i^c^vdnv , qui lignifie
ejflurejcere , fleurir , d'où les latins ont ap-
pelle les exanthèmes, cjflorejcentiœ , efflo-
refcences ; c'eit lui terme employé pour ex-
primer l'éruption ( qui fe fait fur la peau )
des humeurs viciées , dans le corps humain,
qui fe portent de l'intérieur à la furface ,
& y forment des taches qui ne s'élevenc
pas au-delîus du niveau de la peau , on
taches de petites tumeurs de différentes
clpeces ; de la couleur des tégumens , ou
d'une couleur diiférente.
Puifquc les e-v^/2.',^c/72:'5, proprement dits,
paroillent ellentiellement fur la peau , il
s'eiîluit donc que la matière morbifique
qui les forme , a fon iiege dans les vailleaux
cutanés , & que cette matière eft de na-
fUre à ne pas s'y couler librement , & à y
faire naître conféquemment des obftruc-
tions , foit parce que le fluide , qui eft
propre à ces vailleaux , a trop de confif-
tance, pêche par épalirilVement , foit parce
qu'il y a pénétré par erreur de lieu , crrore
luci , une humeur plus graffiere qui en a
dilaté , forcé les orifices , £< en a engorgé
le canal trop étroit pour les recevoir dans
l'état naturel (l'oy. Erreur de lieu) , foie
parce qu'ils ont été relferrés , rétrécis par
quelque caufe que ce foit : ces différentes
caufes, propres à produire des exanthèmes ^
peuvent être internes & externes ; ainfi
après de grandes fueurs , qui ont fait per-
dre au fang fes parties les plus fluides , if
fe foime des puftules purigineufes par des
humeurs privées de véhicule, t'-paillies , ar-
rêtées dans les vaiflèaux cutanés i il fe feue-
470 E X A
me des taches rouges ou pourprées , fur la
furfacc du corps , lorfque le làng a perdu
fa conlîftance au point que Tes globules rou-
ges puilTent pénétrer dans les vaifTeaux fe-
crétoires de la peau , où ils ne pourroient
pas être admis , lorfque le fluide a fa con-
iiitance aduelle : les matières acres , qui
font portées dans les vailfeaux cutanés , ou
qui font appliquées au dehors fur les tégu-
mens , peuvent auffi produire des exanthèmes
en caufant des conftiictions , des irritations
dans les tuniques de ces vailfeaux , qui en
diminuent la capacité , y arrêtent les hu-
meurs : dans ces trois fortes de cas , il y a
toujours défaut de méabilité dans les flui-
des, (oit par une mauvaiie qualité qui leur
cfl propre , fbit par l'état contre nature des
lolides qui les contiennent , foit par le con-
cours du vice des parties contenues Se con-
tenantes. Foje^ Tache, Pustule,
Gale, &c.
Les cxa.-nhcmes fébriles font cewx qui mé-
ritent le plus d'attention , parce qu'ils font
le plus fou vent formés d'un dépôt de ma-
tière critique , que la fièvre porte dans les
vaifî'eaux de la peau : cette matière s'y
arrête & les obftrue , parce qu'elle n'efl: pas
alTcz atténuée pour couler librement dans
toute leur étendue : il confie, pardesobfer-
vations faites fur des cadavres , qu'd fe fait
auffi quelquefois de femblables dépots cri-
tiques , qui forment des elpeces A'exanihe-
mes (Iir la kiiface des parties internes ; dans
"ces cas la lièvre ne fe termine pas par le
retour de la faute ni par la m-ort , mais elle
dégénère en une autre maladie : il eft évi-
dent par conféquent que la caufe efficiente
de cette éruption exanthémateufe , ell la na-
ture ou la force de la vie , qui fait circuler
les humeurs dans les vailfeaux, qui fépare
de la malfe les fluides viciés, & qui les
porte dans des vaiflèaux proportionnés à
leur denfîté , à leur mohilué, & au degré ,,
de mouvemens avec leiquels ils fe prélen-
tent à leur orifice ; ce qui s'opère conlé-
quemmentpar un méchanilme femblableà
celui des fécrétions : les exanthèmes font
ditférens , félon la différente nature de la
matière morbifique , quelquefois ils font
touges , parce qu'ils font foi mes par ud iang
inflammatoire , épais , qui engorge les vaif-
ii-aux cuc3nés. Se d'autres fuis ils font jau» '
E X A
nôtres ou de couleur de la peau , parce que
la matière de l'engorgement eft un fluide
fcreux ou lymphatique , qui pêche de même
par l'épailliffement : c'eft aulfi de ces diffé-
rences que les fièvres exantkémaieufes pren-
nent leurs différens noms ; telles font les
Icarlatines , les pétéchiales rouges , pour-
prées, les miliaires, la rougeole, la petite
vérole, l^oye^ chacun de ces mots en fon
Ijeu, fur-tout le dernier, & l'article de la
Fièvre éruptoire. (d^
EXARQUE , C m. ( H'J}. eccléfj titre
de dignité ecclédaftique dans les premiers
flecles de l'églile.
On donnoit le nom à'exarque à l'évêque
de la principale ville d'un diocefe , c'eft-
à-dire , comme ce mot le fignlfioit alors
de plulîeurs provinces eccléfîaftiques -, c'eft
ce que les latins appellent depuis primat ,
&c les grecs patriarche. J^oye^ Patriar-
che &• Primat,
Il y avoir en Orient autant à'exarques
que de diocef-^s : le premier étoit celui
d'Afie , & réfidoit à Ephefe. Polycrate ,
évêque de cette ville , prélîda au concile
d'Alîe, tenu au fujet de la queftion delà
pâque ; ce qui montre que l'exarchat de
cette ville n'étoit pas fondé fur des con-
ditions purement humaines. ■
Il ne nous reft:e pas de preuves fî écla-
tantes dans l'antiquité de deux autres exar-
chats, Céfarée en Cappadoce & H. -raclée
en Thrace. Nous voyons feulement que
Firmilien , évêque de Céiarée , avoir attire
un grand nombre d'évêques de fon patti
contre le pape Etienne , dans la dilputc
fur la rébaptifation des hérétiques.
Le patriarche d'Antioche ayant travaillé
long-temps à diminuer l'autorité des exar-
ques , la ht abolir dans le concile de Chal-
cédoine.'Il ne leurrefta que la qualité d'e^f^r-
çucs , avec un rang de diflindion après les
cinq patriarches , mais fans aucune jurif-
âiébion fur les métropolitains de leur dio-
cefe. L'évcque de Conftantinople s'empara
auffi de da jurifdidion des exnrques du
Pont & de l'A fie : ce dernier exarchat
fut , à la vérité , rétabli par un édit du
tyran Bafilic ; mais l'empereur Zenon ,
prefqn'auln-tot après , rendit au patriar-
che de Confliantinople la» droits dont il
E X A
iouiltoît fur cette province. ThomafT. iif-
cipl. eccUf.pcrt.j , liv. I, chap. viij.
Biiigham , orig. eccléf. tum. I, liv. II , ch.
yij , §. 2-, remarque qu'on appelloic autre-
fois les patriarches exmqucs d'un, diuccfe ,
c'eft à-dire , d'un grand gouvernement de
la ville capitale duquel ils ctoient évo-
ques , &c qu'on donnoit aux mctropcli-
tains le titre d'exarques d'une province ;
d'où il conclut que Vexcrque étoit la mê-
me choie que le patriarche , ce qui eft
vrai dans le fond , pour les temps qui ont
précédé le concile de Chalccdoine ; mais
depuis , le nom d'exarque n'a plus été qu'un
vain titre , leurs honneurs 6<. leur juiil-
diétien ayant été attribués aux patriarches.
Le nom d'exarque eft encore ulité paimi
les grecs modernes , pour fîgnifier un
député, un délégué; par exemple, ceux
que le patriarche envoie en diverfcs pro-
vinces, peur voir fi l'on y a obfervé les
canons eccléiiaftiques , fi les évéques font
leur devoir , Ôc ii les moines iont dans
la règle. Goar , in r.ot. ad offic, Conjîaa-
tl.'.T.p. ( G )
ExARQi'E , f. m. C W//?. ar.c. } dans
l'antiquité étoit un nom que Jonnoient les
empereurs d'Orient à certains cfticiers
qu'ils envoyoicnt en Italie en qualité de
lieutenans ou plutôt de préfets , pour dé-
fendre la partie de l'Italie qui étoit encore
fous leur obéiflance , particulièrement la
ville de Ravenne , contre les Lombards qui
fe font rendus maîtres de la plus grande
partie de l'Italie.
L'exnrquc failbit fa réfidence à I^avenne;
cette ville avec celle de Rome étoit tout
ce qui refLoit aux empereurs en Italie.
Le patricien Boethius , coiniu par Ton
traité de conjolatione philofophiœ , fut le pre-
mier exarque. Il fut nommé en 568 par
Juftin le jeune. Les exarques fubliftcrent
pendant i8f ans, & finirent à Eutychius,
fous l'exarchat duquel Aftulphe ou Aftol-
phe , roi de Lombardie , s'empara de la
ville de Ravenne.
Le père Papebroch , dans Ton propUceum
cd acta fana. Maii , a fait une diderration
fi;r le pouvoir 6c les fon(fi;ions de Vexcrque
d'Italie à l'éleéiion &c à l'ordination du
pape.
HéïaciiuSj archevêque de Lyon, def-
E X A 471
cendant de l'illuftrc maifon de Montboif-
fier , fut créé pas l'empereur Frédéric
exarque de tout le royaume de Bourgogne >
dignité qui jufques-là étoit inconnue par-
tout ailleurs qu'en Italie , &c particulière-
ment dans la ville de Ravenne. Méneftrierj
hifi. de Lyon.
Homtre , Philon & d'autres anciens au-
teurs , donnent pareillement le nom d'exar-
ques au chonfte ou maître des muficiens
dans les anciens chœurs , ou à celui qui
chante le premier : car le mot ôifX" ou ap-
'/Jy.at lignihe également commencer ic com-
riiirdcr /-^oye:^ Chœur. Ckambcrs, (G)
' EXASTYLE , f. m. terme d'Arcktnclure.
Ce mot vient du grec , & fe dit d'un por-
tique ou porche qui a fix colonnes de front,
comme le porche de la Sorbonne , à Pans.
(P)
E X C
EXCAVATION , dans Varchiteâure ,
c'eft l'action de creufcr &c d'enlever la terre
des fondemens d'un bâtiment. Palladio dit
qu'il faut creufer julqu'à \ de la hauteur de
tout le bâtiment.
EXCÉDANT , ( Commerce. ) ce qui cft
au-delà de la mefure.
On appelle , en terme de commerce ,
excédant d'aunige , ce que l'on donne oa
ce qui eft dû au-delà de l'aunage ordinaire ,
en aunant des étoftes , toiles & autres mar-
chandifes qui fe mefurent & fe vendent à
l'aune On dit auffi bénéfice d'aunage & plus
fouvent bon d'aunage. l^^oye^ Bénéfice Sc
Bon d'aunage. Diclionn, de Commerce.
•*^EXCELLENT,adj. (GrûWi/n )termede
comparailon , qui marque le dernier degré
poflible de bonté pKyfique ou morale. Il
n'y a rien de mieux que ce qui eft excellent.
Il (e dit du tout eu d'une de fes parties; de
l'être entier ou de quelqu'une de fes qua~
lités.
EXCELLENCE, f. f {Hifl.mod.^ çft
une qualité ou titie d'honiuui qu'on donne
aux ambaffideurs & à d'autres pcrfonnncs
qu'on ne qualifie pas de celui d'alteife,
parce qu'ils ne font pas princes , mais qui
font au-deflus de toutes les autres dignités
infér eures. ^oyt^QuAtiTÉ. • .
En Angleterre & en France on ne donne
ce titre qu'aux ambafl'adeuis : mais il eâ
456 E X C
fort commun en Allemagne & en Italie. |
Autrefois ce titre étoit réfeivé pour les
princes du fang des différentes maifbns
royales ; mais ils l'ont abandonné pour
prendre celui li'ûlicjfe , parce que plufieurs
grands feigneurs prenoient celui d'excellence.
^'oje^ALTFSSH.
Les ambafladeurs ne font en pofTeflaon
de ce titre que depuis i J93 , quand Henri
IV , roi de France , envoya le duc de
Nevers en amballude auprès du pape, où
il fut d'abord complimenté du titre à'exccl-
tence. Dans la fuite on donna le même nom
à tous les ambafladeurs réfidans dans cette
cour , d'où cet ufage s'eft répandu dans !e^
autres. VoyQ\ Ambassadeur.
Les amballiideurs de Venife ne joullfent
de ce titre que depuis 1656 , temps auquel
l'empereur & le roi d'Efpagnc confentiren:
aie leur donner.
Les ambairadeurs des têtes couronnées
ne veulct;t point donner ce titre aux am-
baCfadeurs des princes d'Italie, où cet ufage
n'eH: point établi.
La cour de Pvome n'accorde jamais la
qualité à'excelknce à aucun ambafladeur
quand il eil: ec'cléùaftique , parce qu'elle la
regarde comme un titre féculier. Les règles
ordinaires 6c Pulagc du mot excellence ont
varié un peu par rapport à la cour de
Rome. Autr;fwis les ambafladeurs de
France à Rome donnoient le titre d'ex-
cellence à toute la famille du pape alors
régnant, au connétable Colonne, au duc ]
de Bracciano , Se aux fils aînés de tous ces I
feigneurs, de même qu'aux ducs Savelli,
Cefarini , 8zc. . . mais à préfent ils font
plus réfervés à cet égard ; cependant ils
traitent touiours d'eX(^ellence toutes les prin-
cefles Romaines.
La cour de Rome de fon côte , & les
princes Romains donnent ce même titre au
chancelier, aux minillres&riecrétaires d'é-
tat , &: aux prélîdens des cours fouvcraines
en France , aux prélîdens dés confeils d'Ef-
pagnc , au chancelier de Portugal , & ceux
qui remplilfem les premières places dans les
autres états , pourvu qu'ils ne loient point
eccléliafliqucs.
Le mot excellence écoic autrefois le titre
que portoicnt les rois & les empereurs:
c'eft pourquoi Anailafe Is bibliothécaire
E X C
appelle Charlemagne fon excellence. On
donne encore ce titre au fénat de Venife ,
où après avoir falué le doge fous le titre de
férériijfime , on qualifie' les lénatcurs de vos
excellences.
Le l/ùer tliurnus pontif. rom. traite d'excel-
lence les exarques & les patriciens. Voyex
Titre.
Les François & les Italiens ont renchéri
fur la fimple excellence Se en ont fait le
mot excelknciffîme ci excellentijfimo , qui a J
été donné par pluheurs papes , rois,
Ùc, mais le rnot excellentiffime n'cft plus
d'ufige en n-ancc. Wiquefort & Chambers,
(G)
EXCENTRICITÉ , f. f. C Afironom. )
proprement eft la diftance qui elt entre
les centres de deux cercles ou fpheres qui
n'ont pas le même centre. Voyei^ Excen- ',
TRIQUE. Ce mot n'eit guère ufité en ce '
fcns.
Excentricité .^ dans l'ancienne a ftronomie,
efl: la dillance qu'il y a entre le centre de ^
l'orbite d'une planète & le corps autour du-
quel elle tourne. V. Planète.
Les agronomes modernes qui ont pré-
cédé Kepler , à compter depuis Ccpcrnic,
croyoient que les planètes décrivoitfut au-
tour du foleil non des cllipfes, mais des
cercles , dont le foleil n'occupoit pas le
centre. Il ne leur étoit pas venu tn penfée
d'imaginer d'autres courbes que des ceitles;
mais comme ils avoient obfervé que le
diamètre du foleil étoit tantôt plus grand,
tantôt plus petit , & que le loleil étoit 7 à
8 jours de plus dans les lignes feptentrionaux
que dan^les méridionaux, ils en concluoient
avec raifon que le foleil n'occupoit pas le
centre de l'orbite terrellre , mais un point
hors de ce centre , tel que la terre était
tantôt plus près , tantôt plus loin du foleil.
Kepler vint , & prouva que les planètes
déciivoicnt fenlîblemcnt autour du foleil
des ellipfcs dont cet aftre occupoit le foyer.
Vayc^ Ellipse , Planète , Kepler , Sys-
tème , Ce.
Excentricité , dans la nouvelle aftrono-
mie , cfl: la diflance qui fe trouve entre
le centre C de l'orbite elliptique d'une
planète ( Planch. ajlronom, fig. j , ) &
le centre du foleil S , c'eft-à-dire, la
diflance >iui tft entre le. centre de l'clliplé
&
E X C
& (oh foyer. On l''appeUe auflî excentricité
limple.
L'excentricité ào\.\h\Q eft la diftance qu'il y
a entre les deux foyers de l'ellipie , qui eft
égale à deux fo's Vexcentricitè liniple , ou
l'excentricité tout court. Voye-^ Foyer 6"
EiiiPSE , 6"c.
Trouver l'excentricité du foleil. Puifque le
plusgrand demi-diametre apparent du foleil
cft au plus petit comme 51' 45" eft à j 1'
48" , ou comme 1965 " à 1 898" ; la dil-
tance la plus grauiie du foleil à U terre fera
à la plus petite comme 1965 eft à 1898,
Voy. Apparent , Distance t' Vision.
Donc puilque P .S + 5 .-/ = P ^i = 5 86 1 .
( PL ajlronom.jii;. i , ) le rayon C P fera
1950; & pu confei! ient.VC = PC — PS
= 51. Donc C P i.c..i)t 1 00000 , C S fera
trouvée == 16/8.
Donc , ['excentricité du foleil ou de la
terre S C étant une peare partie du rayon
C P , l'orbite eUiptique de la terre ne doit
pas s'éloigner beaucoup de la forme circu-
laire. Aind il n'eft pas étonnant qu'un cal-
cul , fait (ur le pié (i'un cercle excentrique,
réponde à-peu-près aux oblervations faites
grolTicrement , comme elles l'étoient avant
la pertettion des inftrumensaftronomiques.
Cependant on s'apperçoit facilement que
les obfervations répondent beaucoup mieux
encore à l'hypothefe elliptique , & c'cft
celle que tous les aftronomes fuivent au-
jourd'hui.
L'excentricité de l'orbite terreftre paroît
être toujours la même , ou plutôt les inéga-
lités qu'on y oblerve font très-petites. Il
n'en tft pas ainfi de celle de la lune qui eft
fujettc à des variations continuelles & très-
feniibles. On remarque aurtî quelques chan-
gemtns dans celles de faturne , de Jupiter,
de. ^ojf^ Terre, Saturne , Jupiter ,
Lune , t-c Voyei aulTi É Q_u A t i o n ,
EvECTiON , 6-r. ( O)
■ % EXCENTRICITÉ , f f. (J/lron.') Les
aftronomes le lervent fouvent de la double
excentricité, c'i-ft à-dire , de la diftance
qu'il y a entre Its deux foyers d'une ellipfe ;
mais il eft nécL-fTaire de s'expliquer quand
on prtnd le reinie ù'excenincùé dans ce
feus là.
Il y plu (leurs moyens de déterminer
par les cbi-ivarons l'excentricité d'une pla- |
Tome Xi iL
E X C ^ 47Î
nete. Celle du foleil Ce détermine par la
différence des diamètres apparens ; ce dia-
mctie eft de j 1' 51" en été , & de ?z' ^6"
eu hiver ; donc la diftance périhélie elt à
la diftance aphélie dans le même rapport ,
d'où l'on concluroit aifément la différence
de ces mêmes diftances qui eft la double
excentricité.
Kepler détermina l'excentricité de la
terre , ou les diftances aphélie 5c périhélie,
par le moyen de la parallaxe annuelle de
mars. U détermina enfuite l'excentricité de
mars à fes diftances au foleil par le moyen
de deux obfervations faites dans deux por-
tions de la terre fort éloignées l'une de
l'autre , mars étant dans chacune au même
point de fon oibice. La même méthode
pourroit s'appliquer aux autres planètes.
Les aftronomes ne déterminent plus au-
jourd'hui les excentricités des planètes que
par le moyen de la plus grande équation ;
nous avons expliqué ailleurs la méthode
par laquelle on détermine cette équation.
Voici le réfultat des obfervations les
plus exadcs & des calculs les plus rigou-
reux par lefquels j'ai déterminé les excen-
tricités de toutes les planètes dans mes
nouvelles tables aftroncmiques , en (uppo-
fant la diftance moyenne du foleil à la
terre de 1 00000. Celle de la lune eft tirée
des nouvelles tables de Mayer ; elle eft en
décimales de fa diftance moyenne.
!
Planètes.
Excentricité juivant 'ej
cakul dts aflronomes.
& Mercure ,
1 Vénus,
i Le foleil ,
1 Mars ,
§ Jupiter,
1 Saturne ,
g La lune ,
JIO
1680
1410S
i;i77
55110
00546
Ces excentricités paroiflènt être conf-
tantes ; on croit cepeiidant que celle de
Jupiter eft fujctte à quelques variations , à
raiion de l'attraétion de faturne. J'ai fup-
polé dans mes tables que la plus grande
équation augmentoit de i' 1 5" par liecle ;
O 0 0
474 E X C
ce qui détermine raugmentation de leX'
ceinrtciié. {M. DE TA Lande.)
EXCENTRIQUE, adj. en Géométrie,
fe dit de deux cercles ou globes qui , quoi-
que lenfermées l'un dans l'autre , n'ont ce-
pendant pas le r-iême centre, & par confé-
-quent ne font point parallèles , par oppofi-
tion aux concentriques qui font parallèles ,
& ont un feul & nîêrae centre. V. Con-
■CINTRIQL'E.
Excentrique , f. m. dans la nouvelle
.apionomie, ou ceicle excentrique, eft un
cercle comme PDA E{Fl. ajiron.fig. i ,)
décrit du centre de l'crbite d'une planète C ,
fi de la moitié de l'aïe C£ , comme rayon.
Voyei Excentricité.
h'excentrique ou cercle excentrique , dans
l'ancienne aftronomie de Ptoloméc , étoit
la véritable orbite de la planète même ,
qu'on fuppofoit décrite aucour de la terre
&C excentrique à la terre : on l'appelloit aurtî
déférent , parce que dans l'ancienne aftro-
romic ce cercle ecoit imaginé fc mouvoir
autour du centre C , & emporter en même-
temps un autre cercle ncmmé Epicycle ,
dont le centre étoit comme attaché à la
ciiccnférente ou déférent , & dans lequel
la plai eie étot (uppofée fe mouvoir, f" oy.
DÉFÉRENT , EriCYCLE.
Au lieu des cercles excentriques autour
de la terre , les modernes font décrire
aux planètes des orbites elliptiques autour
du foleil : ce qui explique toutes les irrégu-
larités de leurs mouvtmens & leurs diftances
différentes de la terre, 6c. d'une manière
plusexaâ:e& plus naturelle. ^'oye^ORBiTE,
PlANETE , &c.
L'anomalie de l'excentrique , chez plu-
fieurs aflroncmes modernes , eft un arc du
cercle excentrique comme A K compris
entre l'aphélie A & la ligne droite K L ,
qui , paflant par le centre de la planète K,
eft tirée perpendiculairement à la ligne des
apfides A P. l^oye{ Anomalie.
Equation excentrique ; dans l'ancienne
aftronomie , eft la même chofe que la prof-
taphérele. l t)_ye^ ce mot.
Le lieu excentrique de la planète dans fon
orbite eft le point de fon orbite où elle
eft rapportée étant vue du foleil. Voye^
HiLiOCtNimQVE & Géocenxrique. ifi)
E X C
'^ EXCEPTER, V. ad. terme relatifs
quelque loi commune. L'exception ell des
chofes qui ne font pas fous la loi. Ce terme
pourroit bien être encore un de ceux qu'on
ne peut définir.
EXCEPTION , ( Jurifprudence. ) fignifie
quelquefois réferve , comme quand quel-
qu'un donne tous fes biens à {'exception d'une
maifon ou autre eftet qu'il fe réferve. Celui
qui dit tout purement & fimplement n'ex-
cepte rien. {A)
Exception eft auffi quelquefois une dé-
rogeance à la règle en faveur de quelques
perfonnes dans certains cas : on dit com-
munément qu'il n'y a point de règle fans
exception , parce qa'il n'y a point de règle,
fi étroite foitelle , dont quelqu'un ne puifle
être exempté dans des circonftances par-
ticulières; c'eft aulTi une maxime en droit
que exceptio jirmat rcgulam , c'eft à-dire ,
qu'en exemptant de la règle celui qui eft
dans le cas de l'exception , c'tft tacitement
prefcrire l'obfervation de la règle pour
ceux qui ne font pas dans un cas fem-
blable. CA) _
Exception fignifie auflî rroyen ôc défenfe :
on comprend lous ce terme toutes fortes
de défenfes. Il y a des exceptions , propre-
ment dites , telles que les exceptions dila-
toires & décUnatoires qui ne touchent point
le fond , & d'autres exceptions pércmptoires
qui font la même chofe que les défenfes au
fond. iA)
Exception d'argent non compté ,
non numeraiœ pecunice , eft la défenfe de
celui qui a reconnu avoir reçu une fomme,
quoiqu'il ne l'ait pas réellement reçue.
Suivant l'ancien droit romain , cette
exception pouvoit être propofée pendant
cinq ans i par le droit nouveau , ce délai eft
réduit à deux ans , à l'égard des reconnoif-
fances pour prêt , vente , ou autre caufe
femblaole ; mais la loi ne donne que trente
jours au débiteur pour fe plaindre du dc-
fiaur de numération des cfpeces dont il a
donné quittance.
Comme dans le cas d'nne reconnoiftance
fuiprife fans numération d'e'peces , il pour-
roit arriver que le ctéancur laillât p.iller
les deux ans de peur qu'on ne lui oppoiat
le défait de numération , la loi permet
au dcbiceur de ptppofcr cette exception pat
E X C
forme de plainte , Je la rétention în)ufte
faite par le créancier d'une obligation fans
caufe.
Cette exception étoit autrefois reçue dans
toute la France , fuivant le témoignage de
Rcbufte.
Prcfentement elle n'ell reçue dans aucun
parlement du royaume contre les ades au-
thentiques , lorsqu'ils portent qu'il y a eu
numération d'elpeces en prcicnce des notai-
res ; le débiteur n'a dans ce cas que la voie
d'infcripcion de fliux.
A l'cgar J des a6tes qui ne font point men-
tion de la numération en préfence des notai-
res, l'ufige n'eft pas uniforme dans tous les
parlemens.
L'exception eft encore reçue en ce cas dans
rous les parlem-'us de l'.roit écrit, mais elle
s'y pratique diverfemeut.
Au parlement de Touloufe, elle efl reçue
pendant dix ans : mais fi elle eft propoféc
dans les deux ans , c'eft au créancier à prou-
ver le paiement ; au lieu que il elle n'eft pro-
pofée qu'après les deux ans, c'eft au débiteur
à prouver qu'il n'a rien reçu.
Au parlement de Grenoble , c'eft tou-
jours au débiteur à prouver le défaut de
numération.
Dans celui de Bordeaux , elle eft reçue
pendant 50 ans , mais il faut que la preuve
Ibit par écrit ; & l'exception n'eft pas admile
contre les contrats qui portent numération
réelle.
La coutume de Bretagne , art. x8o, ac-
corde une adion pendant deux ans à celui
qui a reconnu avoir reçu , lorfque la numé-
ration n'a pas été faite.
Gn tient pour maxime , en général , que
l'exception d'argent non compté n'eft pas
reçue au parlemenr de Paris , même dans les
pays de droit écrit de fon rclTort , ce qui reçoit
néanmoins quelque explication.
Il y a d'abord quelques coutumes dans le
lefTort de ce parlement qui admettent for-
mellement ['exception dont il s'agit , même
contre une obligation ou reconnoillance au-
thentique ; mais c'eft au débiteur à prouver
le défaut de numération ; telles font les cou-
tumes d'Auvergne , ck, xviij, art, 4 &' 5 S la
Marche , art. gg.
Dans les autres lieux du reftort de ce
mcine parlement , où il n'y a point de loi
E X C 475
qui admette Vcxccption , elle ne laiftc pas
d'être aulK admifc, mais avec plulieurs ict-
tridions; fivoir , que c'eft toujours au dé-
biteur à prouver le défaut de numération ,
quand même il feroit encore dans les deux
années; il faut aulfi qu'il obtienne des let-
tres de refcifion contre fa reconnoiflance
dans les dix ans à comprerdu jour de l'adte ;
Se fuivant l'ordonnance de Moulins ^ celle
de 1667, il ne peut être admis à p; uivec
par témoins le défaut de numération d'ef-
peces contre une reconncilTancc par écrit,
encore qu'il fût queftion d'une fomme moin-
dre de loc livres , à moins qu'il n'y ait déjà
un commencement de preuve par écrit ; &
fi c'eft un a6te authentique qui fafte men-
tion de la numération d'efpcces à la vue
des notaires , il n'y a en ce cas , comme on
l'a déjà dit , que la voie d'infcription de
faux. {A)
Exception civile , fuivant le droit ro-
main , étoit celle qui dérivoit du droit
civil , c'eft-à-dire , de la loi , telles que
les ecxeptions àe la falcidie , de la trébel-
lianique , de difcuffion & de divifion , à
la différence des exceptions prétoriennes
qui n'étoient fondées que fur les édics du
prêteur , telles que les exceptions de dol ,
çuoJ vi , quod metûs caufâ vel jurisjurandi.
{A)
ExcErTioN dÉclinatoire , eft celle par
laquelle le défendeur , avant de propofer
fes moyens au fond , décline la jurifdidion
du juge devant lequel il eft alTîgné , & de-
mande fon renvoi devant fon juge naturel ,
ou devant le juge de fon privilège , ou au-
tre juge qui doit connoître de l'affaire par
préférence à tous autres.
Les exceptions déclinatoires doivent être
propofées avant conteftation en caufe ; au-
trement on eft réputé avoir procédé volon-
tairement devant le juge , & on n'eft plus
recevable à décliner. Fbje^^ DÉclinatoire
& RÉTENTION. {A)
Exception de la chose jugée , ex~
ceptio rei judicatx ; c'eft la défenfc que l'on
tire de quelque jugement. Voye[ Chose
JUGÉE, {A)
Exception dilatoire , eft celle qui
ne touche pas le fond , mais tend feule-
ment à obtenir quelque délai. Par exemple,
celui qui eft affigné comme héritier , peut
O 0 0 i
^7<5 , E X C ^
demander un délai pourdélibérer s il n a pai
encore pris qualité.
De même celui auquel on demande le
paieiT-icnt .f'.'iK? dette avant l'échéance ,
ptac (..piK)fer que l'aélion eft prématurée.
Ces fortes d'exceptions font purement
dilatoires, c'eft à-dire , qu'elles ne détrui-
fent pas la demande ; mais il y en a qui
peuvent devenir péremptoircs , telle que
\'excep:ion par laquelle la caution demande
la difcuffion préalable du principal obligé ;
car 11 par l'événement le principal obligé
fe trouve folvablc , la caution demeure
déchargée.
Ctlui qui a plnHeurs exceptions dilatoires
les doit prouofer toutes, par un même aéle,
excepté néar.moins la veuve & les héritiers
d'un défunt , q'.ii ne font tenus de propofer
leurs autres exceptions qu'après que le délai
pour délibérer eft expiré. l^^oyt\ l'ordon-
nance de iGGj , lit. V , art. 6, &c titre vj &
jx. ( ^ )
Exception de discussion et de di-
vision , font celles par lelquelles un obli-
gé réclame le bénérice de difculïîou ou
celui de divifion. Foye^ Discussion &
Division. ( A)
Exception de dôl, exceptio doli mali, eft
ladéfenfede celui qui oppole qu'on l'a trom-
pé. Cette exception eft perpétuelle , iuivant
le droit romain , quoique l'adion de dol foit
fujette à prcfcription. ( vi )
Exception de dote cautâ non numérota ,
eft une efpece particulière d'cxcep on d'ar-
gent non nombre, qui eft propre pour la dot
iorfque le mari en a donné quittance com-
me s'il l'avoit reçue , quoiqu'il n'y ait pas
de numération réelle de deniers.
La novelle loo donne dix ans au mari
pour propoier cette exception. Voye[ Dot.
{A)
Exception négatoire , eft la défenfe
qui confiftc leulement dans la dénégation de
«juelque point de fait ou de droit. Vuye[
Dénégation. {A)
Exception péremptoire , eft celle qui
détruit l'adlion ; on l'appelle aulfi défenfe
eu moyen au fond ; tel eft le paiement de
la dette qui eft demandée ; tels font aulTî
les moyens réfultans d'une tranlaétion ,
d'une renonciation ou d'une picfcription ,
E X C
pat vertu de laquelle le défendeur doit être
déchargé de la demande.
Les exceptions péremptoircs peuvent être
propofées en tour état de caufe. ^ A )
Exception perpétuelle ; on appelle
quelquefois ainli Ye-^ception pf^remptoire ,
parce qu'elle tend i libérer pour toujours le
débiteur , à la différence de l'exception dila-
toire , qui ne fait qu'éloigner pour un temps
le jugement de la demande.
On peut aulîl entendre par exception per-
pétuelle y celle qui peut être propofée en
tout temps , comme font la plupart des
exceptions , lelquelles font perpétuelles de
leur nature, fuivantla maxime temporalia ad
agendum perpétua funt ad excipiendurn. Les
exceptions perpétuelles , prifes en ce fens , font
oppofées à celles qui ne peuvent être oppo-
fées après un certain temps , telles que fonî
toutes les exceptions dilatoires , l'exception
d'argent non compté, & celle de la dot non
payée. (A)
Exception personnelle , eft celle qui
eft accordée à quelqu'un en vertu d'un titre
ou de quelque confidération qui lui font
perfonnels ; par exemple , fi on a accordé
une remife perfonnclle à un de plufieurs
obligés lolidai rement , cette grâce dont il
peut feul exciper ne s'étend point aux autres
coobligés , lefquels peuvent être pourfuivis
chacun folidairemcnt. loye^ ci-après Ex-
ception RÉELLE, i A )
Exception prétoriennr. f^. ci-devant
Exception civile. (^)
Exception réelle , eft celle qui fe
tire ex vifcerihus rei , & qui eft inhérente
à la chofe , telle que l'exception de dol ,
l'exception de la chvfe jugée , & plufieurs
autres femblables : ces lottes d'exceptions
peuvent être oppofées par tous ceux qui
ont intérêt à la chofe , foit coobligés ou
cautions ; ainh lorlqu'un des coobligés a
tranlîgé avec le créancier , les autres coobli-
gés peuvent exciper contre lui de la tran-
fadion , quoiqu'ils n'y aient pas été parties.
{A)
Exception temporairi? , ou comme
quelques uns l'appe'lent impropremtrnt ,
exception temporelle, eft celle ilont l'eliet ne
dure qu'un temps , telles que les exceptions
dilatoires , ou qui ne peut être propofëa
E X C
l^uc pendant un certain temps, comme Y
l'exception d'argent non compté.
Sur les exceptions en général , voje^ au
éigeffe , au code 6" aux injiitut. les titres de
exceptionibus : l'ordonnance Je 1 667, tit. ix.
Dumoulin , Jlyle du parlement , chap. xiij.
Le Bret , de l'anciin ordre des jugcmens , en.
Ixxxij. Hcnrib, tome II yliv. IV^, quejl. 68.
* EXCES, f. m. ( Grammaire. ) au phy-
fique , c'eft la différence de deux quantités
inégales.
Au moral , l'acception n'eft pas forcdif-
férente. On fuppofe p;ireillement une me-
fure à laquelle les qualif^s & les aftions
peuvent êcre comparées ; ik c'eft par cette
compiraifon qu'on juge qu'il y a exch ou
défaut.
Excès , f. m. ( Commerce. ) (îgnific quel-
3uefois ce qui excède une nitTure , c'eft-à-
irc , ce qui eft au-delà de la dimenfion ou
capacité qu'elle doit avoir.
Ce terme n'r ft guère en udige en ce fens
que dans les bureaux des cinq grofTes fermes
du roi , établis fur les ports de mer pour y
recevoir les droits de forrie des vins &
eaux-de-vie qu'on y embarque pour l'é-
tranger.
Les commis de ces bureaux appellent
exch , ce que les barriques contiennent au-
delà des cinquante vcltes , qui eft le pié
oïdinjire fur lequel le tarif règle les droits
de (ortie. Ainfi quand la barrique eft de 60
veltes, ['excès eft de dix veltes , que le
commis fiit payer à raifon de tant par vel-
te , à proportion du droit que les cinquan-
te veltes ont payé. V. Velte. Diclionn.de
Comm. de Trév. & Chamb. ( G )
EXCESTER , ( Géog. moJ. ) ville d'An-
gleterre , fituée fur la rivière d'Ex. Long.
14. 10. lar, ^o. £x.
EXCIPER , v. n. ( Jurifprud. ) fignifîe
quelquefois fournir des exceptions propre-
ment dites ; il fignifie sulTi quelquefois
employer une pièce pour fa défenfe : on
dit , par exemple , exciper d'une renoncia-
tion , d'une quittance ; il n'eft pas permis
d'exciper du droit d'autrui , c'eft-à-dire ,
de vouloir fe faire un moyen d'une chofe
qui n'intérefte qu'un tiers , & non celui qui
tn excipe. {A)
EXCIPIENT , f. m. ( Pharmacie. ) On
E X C 477'
défigne par ce nom une fubftance , foit mol-
le, foit liquide, qui fert à rallembler & à
lier les diftércns ingrédicns d'une compofi-
tion pharmaceutique , ou qui fournit un
véhicule ou une enveloppe à une drogue
fimple.
IJexcipientà'anc médecine eft ordinaire-
ment de l'eau commune ; celui d'une opia-
te , d'une maftc de pillules , d'un bol , une
conferve ou un fyrop \ celui d'un jnlcp ou
d'une potion cordiale , une eau diftilléc ,
&c. Voyc^ ces articles particuliers.
Un liquide , deftiné à recevoir une ou
pluiieurs drogues, eft également appelle du
nom A'excipient, (îiit qu'elles ioicnt folubles
par ce liquide, loir qu'elles ne le loicnr pas.
L'excipient des compofuions ious forme
folide , n'en dilTout jamais les ingiédiens.
1°. L'excipient doit toujours ou concourir
à remplir l'ii.dication qu'on fe propofe dans
la prcfcripnon du médicam.ent donc il l'aie
partie ou pour le moins être inJiffer-'it.
i°. Il ne doit point avon la propt'ecé de
détruire ou d'altérer la vertu des niédica-
mens qu'il reçoit. On ne doit poi".': , par
exempte , incorporer des matières alk.dines,
foit ferreules, (bit falines , avec un exci-
pient acide . &:c. On commet une faute de
cette efpcce lorfqu'on fe fert du fyrop de
limon pour excipient dans la préparation de
la confeélion d'hyacinthe , qui contient des
alkalis terreux, & qui doit à ces matières
abforbintes fes propriétés les plus connues ;
car l'acide du citron fe combinant avec ces
fubftances, en dctru;t la vertu abforbante
autant qu'il eft en lui. Fbj-f^ Contection
D'HvAcrNTHE au mot Confection.
On trouvera à Varticle Formule , les
loix générales des mélanges pharmaceuti-
ques. { b)
EXCISE, f. f. {Hijf. mnd. & Comm. ) eft
une encrée ou impôt mis fur la bierc , l'aile
ou bière douce , le cidre , & autres liqueurs
faites pour les vendre , dans le royaume
d'Angleterre , dans la principauté de Gal-
les, & dans la ville de Berwick , fur la
rivière de Tw.'d. f^oye^ Impôt.
L'impôt de Vexcife fut d'abord accordé
au roi Charles fécond , par un aéte du par-
lement en l'année i6éo , pour la vie de ce
prince feulement -, mais il a été continué
& augmenté par difterens parlemcns fou*
478 E X C
les tlifFéiens pnnces qui ont régné depuis ,
& il a été étendu à l'i-coflc. Cet impôt, dans
l'état où il eft ailuellemens, eft uir le pié
de 4 r. 9 d. par tonneau de bière forte ou
d'aile , & de 1 f. 6 d. pour petite bière.
Maintenant comme on accorde aux braf-
feurs pour le remplillage de la bière trois
tonneaux fur 15, pour l'aile ou bière
douce , deux fur zi , Vexci/e exaifte d'un
tonneau de forte bière monte à. ^f.i d. f :
celui de l'aile ou bicre douce , 4 f! 3 d. ■!.
& celui de la petite bière à i f. i. d, i q.
X±
15*
L'excife eft une des plus considérables
branches du revenu du roi ; anciennement
ce droit étoit affermé ; mais à préfcnt il ell:
régi pour le roi par fept commaflaires qui
demeurent au bureau gcncial de l'exdfc ,
reçoivent tout le produit de l'excife de la
bicre , de l'aile , &: autres liqueurs , <S<r
du drcche , qui fe perçoit lur toute l'An-
gltterrc, £c le portent au tréfor. ^oye^ Echi-
quier.
Leurs appointemens font de Soo liv. par
an , & ils s'obligent, par ferment, de ne re-
cevoir de droits ou de fataire que du roi
feulement. On peut appeller des commis
de i'excijc à cinq autres qu'on nomme ks
CommiJJaircs des appels.
Le nombre des officiers qui font em-
ployés dans cette branche des revenus eft-
fort grand. Outre les commiftàires ci-def
fus & leurs oFnciers fuboidonncs, comme
les porte- regiftres, les ambulans , t-'c...
il y a un auditeur de Yexcife avec fes com-
mis , £'c. . . . un potte-regiftre , un (ecré-
taire, un folliciteur , un cailHer, un rece-
veur, un clerc des afllirances , un concier-
. ge , un portier , un arithméticien pour l'ar-
gent , im jaugtur génf^ral , des chiffreurs
généraux avec leurs affiftans , des ambu-
lans , un fecrétaire pour les marchandiles
qui ne {e traniportent pas , des examina-
teurs , un fecrétaire pour les journaux qui
ont été examinés , des chiflreurs , des exa-
minateurs, 6,'c. . . pour la iliftillerie de
Londres pour le vinaigre , le cidre , &c.
Il y a auftl des examinateurs pour le dre-
che , des intendans-générnuv & autres de
la braderie de Londres , avec des aiïîftans
tJ: autres officiers au nombre de cent , des
.iiuendans-sénéraux iSc autres pour la dif-
E X C
tillerie de Londres , avec d'autres officiers
au nombre de 40 , un collecteur & un in-
tendant pour les liqueurs qu'on fait venir ,
avec un intendant de débarquement à la
douane , tx.
Les appointemens annuels de tous les
officiers de Vexcife montent , fuivant le cal-
cul de M. Cliamberlayne , à 13650 livres.
De plus , il y a dans les provinces cin-
quante colledteurs & I fo infpeéleurs , avec
un grand nombre d'officiers inférieurs Si^-
^tWésjaugeurs ou colleâeurs de l'excife , ce
qui augmente le nombre de ceux qui (ont
employés à la perception de ce revenu
jutqu'au nombre de 2.000.
L'excife fur la bière , l'aile & les autres
liqueurs qui font fujettes à ce droit , même
en temps de guerre, monte à 1 1 00000 livres
par an, Sc eft perçu (ur 300000 perfonnes
ou environ.
L'impôt fur le dreche avec l'impôt qu'on
à ajouté fur le cidre , ùc. monte entre fix à
fept cents mille livres par an , Sc fc perçoit
fur une plus grande quantité de monde que
le premier.
Et cependant toute la dépenfe faite pour
le recueillement de ces droits ne monte pas
à vingt fous pour livre fterling : ce qu'on
reg.irde comme une exattitude & une éco-
nomie , dont on ne peut pas trouver
d'exemple dans aucuns revenus perçus , foit
dans ce pays , foit par-tout ailleurs.
Tel ell le prix ou le produit exacl des
différences impolitions de l'excife.
1°. Un impôt de 1 f. é d. par tonneau
dont I y d. par tonneau pendant la vie de
fa majefté , & les autres 1 5 d. qui doivent
toujours fubfirtcr , comme étant propre au
gouvernement civil , déduiflion faite de
3700 liv. par femaine pour les annuités,
produit net, . . . 26^857 liv.
i°.Un impôt de neuf deniers
par tonneau, accordé à Guil-
laume III & à Marie pour 99
ans , à comm.encer en janvier
lôyi, à la charge de payer
114866 liv. par an , pour les
annuités , & 7567 liv. par an
pour la furvivance,produ:t net. 1^0106
3°, Neuf autres deniers par
tonneau pour toujours, accor-
dés à Guillaume 111 Se Marie,
E X C
à la charge de payer loQOoo
liv. par an à la banque , com-
me aulîî différentes annuités à
vie, produit net . . . 150094117.
4°. Neuf autres deniers par
tonneau pour 16 ans, conti-
nués à la reine Anne , depuis
mai 171 5 , pour 55 ans, pour
le paiement de 14000c liv. par
an , fur un million de billets
de loterie , avec les annuités
de ^9 ans, 6c. produit net
1 f!)8y8 liv. qui, avec quelques
autres impots accordés par un
a<fte plus récent, monte à 184S98
5°. Un mipot fur les m.iu-
vais vins & tiprits qui n'ont
été tirés qu'une fois , conti-
nué jufqu'au 14 juin 1710,
produit . . . 2.5-67
6°. L'excife Cnr l'aile & la
bière en Ecoile , qui eft affer-
mée moyennant . . ^^500
Total .
Chambtrs.
Il 57UI liv.
EXCLAMATION , f. f. figure de rhho-
rique , par laquelle l'orateur élevant la voix,
& employant une imerjeiflion , foit expri-
mée , foit fous- entendue , fait paroître un
mouvement vif de furprife , d'indignation,
de pitié , ou quelqu'aiure fentiment excité
par la grandeur &C l'importance d'une
chofe.
Telle eft celle-ci : 6 ciel .' 6 terre ! Sec. 8c
celle-ci de Cicéron contre Catilina, o temps.'
6 maurs ! Le ft'nat connoit ce traître , le
conful le voit , &C il vit ! Que dis-jc î il
vit , il ofe paroître dans le fénat ! Et cet
autre dans l'oraifon pour Celius : Proh ,
dit immortales ! cur inierdum in hominitm
fceleribus maximis , aut connivetis , aut prae-
Jentis jraudis pcenas in diem refervatis ?
En françois les interieûions 6 ! hélas! 6
Dieu ! Sic. font les carafteres de l'exdama-
tivn. En latin on fe fert de celle-ci , o ! heu !
eheu f ah ! proh fupcri .'proh Deum atque ho-
minum fiiem .' quelquefois cependant l'in-
terjcdbion e'\ (ous-cntendue , comme mife-
rum me! hoccine fiecutum ! L'interjeélion
cH le langage ordinaire de l'admiration &
E X C 479
delà douleur. Fbye^ Interjection. Cham.-
btrs. (6)
EXCLUSIF , ( Jurifpruâ. ) fignific quî
a l'cftlt d'exclure. On appelle droit ou pri-
vilège exclufif, celui qui tff accordé à quel-
qu'un pour faire quelque chofe, fans qu'au-
cune sLitre perfonne ait la liberté de faire
le lemblabie. Claufe exclujive , efl: celle qui
défend d'em.ployer quelque cliofe en cer-
tains ufages ou au profit de certaines per-
lonnes i roix exdujivc dans les cleftiofis, eft
celle qui tend à empêcher que quelqu'un
ne ioir élu. ^oj-c^ Exclusion. {A)
EXCLUSION, f. f. en Mathématique. La
méthode des exdufiuns eft une manière de
réfoudre les problèmes en nombres , en
rejetant d'abord & excluant certains nom-
bres comme n'étant pas propres à la folutioa
de la queftion. Par cette méthode le pro-
blème eft iouvent réfolu avec plus de promp-
titude (S: de facilité. M. Frenicle , mathé-
maticien fort habile , qui vivoit du temps
de Defcartcs , eft un de ceux qui s'eft le
plus krvi de cette méihode à'e.xdufion.
« M. de Frenicle ctoit le plus habile homme
de fon temps dans la fciencedes nombres j
& alors vivoient MM. Defcartes, de Fer-
mat, de Roberval , Wallis , Se d'autres,
qui égaloienr ou peut-être rurpalFoient tejs
ceux qui les avoient précédés. La conjonc-
ture du temps avoir beaiicoup aidé ces
grands génies à fe perfcdionner dans cette
fcience ; car la plupart des favans s'en
piquoient alors ; & elle devint tellement
à la mode , que non feulement les parti-
culiers, miais même les nations différentes ,
fe tailoient des défis fur la folution des pro-
blèmes numériques: ce qui a donné occa-
lion à M. VValhs de faire imprimer en
l'année 1658 le livre intitulé: Commerdum
epijloliciim , où l'on voit les défis que IcS
mathématiciens de France faifoieni à ceux
d'Angleteire i les réponfes des uns, les
répliques des autres, & tout le procédé
de leur difpute. Dans ces combats d'efprit ,
M. de Fremcle étoit toujours le principal
tenant , & c'étoit lui qui faifoit le plus
d honneur à la nation françoife ,,.
" Ce qui le faifoit le plus admirer, c'étoit
la facilité qu'il avoir .\ réfoudre les proble-
J mes les plus difficiles , iàns néanmoins y
480 E X C
employer l'algèbre , qui donne un rrès-
grand avantage à ceux qui favenc s'en fer-
vir. MM. Dcfcarces , de Fermât , VVallis ,
& les autres, avoieiu bien de la peine, avec
tout leur algèbre , à trouver la foluiion de
plufieurs propofujons numériques, dont M.
de Frenicle , lans l'aide de cette fcience ,
venoit ailément à bouc par la leule force de
fon génie , qui lui avoir fait inventer une
méthode particulière pour cette lorte de
problèmes. Je vous déclare ingénument , dit
M. de Fermât dans une de fes lettres, im-
primées dans le recueil de fes ouvrages ,
gue j'admire le génie de M. de Frenicle , qui
fans l'algèbre poujfe fi avant dans la connoij-
fance des nombres ; & ce que j'y trouve déplus
excellent, confijie dans la vitcjfe de fes opé-
rations, M. Defcartes ne l'admiroit pas
moins ; fon arithmétique , dit-il au père
Merfènne , en parlant de M. de Frenicle ,
doit être excellente , puifqu'elle le conduit à
une chofe ou l'analyfé a bien de la peine à
parvenir. Et comme le remarque l'auteur
lie la vie de M. Defcartes , ce jugement
cft d'un poids d'autant plus giand , que
M. Defcartes croit moins prodigue d'élo-
ges , particulièrement en écrivant au P.'
Merfenne , à qui il avoit coutume de con-
fier librement Tes penfées. Enlin l'on ne
peut rien dire de plus avantageux que ce
que le célèbre M. de Fermât, qui con-
noiîloit aulïi bien que perlonne la force
de tous ceux qui le mêloienc alors de la
fcienfe des nombres , dit dans une de (es
lettres, cù parlant de quelque chofè qu'il
avoit trouvée : // n'y a , dit-il , rien de
plus difficile dans toutes les mathématiques ,
& hors M. de Fretucle , & peut-être M.
Pefcartes , je doute que perfonne en con-
iioiffe le Jecret. De M. Defcartes , il n'en
tll pas bien afliiré i mais il répond de î\l.
dv Frenicle.
>> Cette méthode h admir.ible , qui va ,
dit M. Defcartes , où l'analyfe ne peut
aller qu'avec bien de la peine , eft celle que
M. de Frenicle , qui l'avoit inventée , ap-
pelloit la méthode des exclufions. Qiiand il
avoit un problème nurnérique à réloudre ,
au lieu de chercher à quel nombre les
conditions du problème propolé convien-
Àienr , il examinoit au contraire à quels
poinbrÇ? elles ne peuverat convenir ; Se
EX C
procédant toujours par exclujîon, il trouvoic
entin le nombre qu'il chetchoit. Tous les
mathématiciens de (on temps avoient une
envie extrême de lavoir cette méthode ;
&c entr'aurres M. de Fermât prie inftara-
ment le père de Merfenne , dans une de fes
lettres , d'en obtenir de M. de Frenicle
la communication. Je lui en aurais , dit- il ,
une très-grande obligation , & je ne ferais
jamais difficulté de l'avouer. Il ajoute qu'il
voudroit avoir mérité par fes (êrvices , cette
faveur , & qu'il ne délefpere pas de la payer
par quelques inventions qui peut-être lui
(tront nouvelles.
" Qiielque inftânce que l'on en ait faite
à M. de Frenicle , 11 n'a jam.ais voulu pen-
dant fa vie donner communication de cette
méthode : mais après fa mort elle fe trouva
dans (es papiers ; & c'eft un des traités que
l'on a donnés dans le recueil intitulé divers
ouvrages de mathématique 6' de phyfiquc , par
MM. de l'académie royale des Jciences , à
Paris 169;;. Comme c'cfl une méthode de
pratique , Se qu'en fait de pratique on a bien
plutôt (ait d'inftruirc par des exemples que
par des préceptes , M. de Frenicle ne s'ar-
rête pas à donner de longs préceptes pour
tous les cas ditlércns qui peuvent fe ren-
contrer ; mais après avoir établi en peu de
mots dix règles générales , il en montre
l'application par dix exemples choifis Sc
allez étendus », Mém. de l'acad. des Jciences
^^93 } P- 50 , £1 , 52.. On ne dit ici rien
davantage de cette méthode , parce qu'il
leroit ditbcile de donner en peu de paro-
les une idée aflez claire de cette fuite de
dénombremens & à'exdufiuns , en quoi
elle conlide : il la^ £iut voir dans le Uvre
même : d'ailleurs depuis que les méthodes
de l'algèbre (ont devenues familières &
ont été perfedcionnées , elle n'cft plusd'ulà-
ge , & ne peut être que de fimple cutiofité.
(O)
EXCOMMUNlC-iTION, f. f. ( Hifl.
anc.) feparation de communication ou dc
commerce avec une perlonne avec laquelle
on en avoit auparavant. En ce fcns , tout
homme exclu d'uiic (ociété ou d'un corps ,
&c avec lequel les membres de ce corps n'ont
plus de communication , peut être appelle
excommunié \ &c c'éioit une peine ud'ée en
I certains cas parmi les païens, & qui étoit
jnfligéç
E X C
infligée par leurs prêtres. On défendoit à
ceux qu'on excommuniait , d'aililter aux
facritices , d'entrer dans les temples ; on
les livroit aux démons & aux Euménides
avec des imprécations terribles : c'eft ce
qu'on appelloK/i7i:r/\s inttrdicere , diris devo-
vcre execrari. La prêirelle Théano , tille de
Mcnon , Fut louée de n'avoir pas voulu
dévouer Alcibiade aux furies , quoique les
Athéniens l'eulfent ordonne ; &les Humol-
pidcs , qui en ce point obéirent au peuple ,
furent très-blâmés , parce qu'on n'en devoit
venir à cette peine qu'aux dernières extré-
mités. Elle pa(T-i chez les Romains, mais
avec la même rcferve ; & nous n'en voyons
guère d'exemples que celui du ti-bun
ATcius , qui n'ayant pu empêcher Cradus
de porter la guerre chez ks Parthcs , courut
vers la porte de la ville par laquelle ce géné-
ral devoit fortir pour le mettre à la tête
des troupes ; & là , jetant certaines herbes
fur un brader , il prononça des impréca-
tions contre Cralîus, La plus rigoureufe
punition qu'infligeallent les druides chez
les Gaulois , c'écoit , dit Céfar , liv. Vl ,
d'interdire la communion de leurs myf-
reres à ceux qui ne veulent point acquies-
cer à leur lugement. Ceux qui iont frappés
de ce^te foudre , partent pour (célérats &
pour impies ; chacun fuit leur rencontre
& leur entretien. S'ils ont quelque affaire ,
on ne leur fait point jullice ; ils ionc exclus
des chargés &c des dignités ; ils meurent lans
honneur & lans crédit. 0\\ pouvoir pour-
tant , par le repentir & après quelques
épreuves , ê:re rétabli dans fon premier
état ; cependant 11 l'on mouroit fans avoir
été réhabilité , les druides ne laifloient
Çis d'offrir un facrifice pour l'ame du dé-
funt. (G)
Excommunication, ( Théologie. )
peine eccléiîaftiquc par laquelle on fépare
& prive quelqu'un de la communication
ou du commerce qu'il étoic auparavant
en droit d'avoir avec les membres d'une
fociété rel gieufe. Fbye:^ Communion.
Uexcommuuication , en général , eft une
peine Spirituelle fondée en raifon , & qui
opère les mêmes effets dans la fociété
reiig'.eufe , que les châtimens infligés par
les loix pénales produifcnr dans la locicté
Civile. Ici ks iégiHateurs ont fcnti qu'il
Tome XIJL
E X C 481
falloir oppofer au crime un frein pulffant ;
que la violence & l'injuftice ne pouyoienc
être réprimées que par de fortes barrières ;
& que dès qu'un citoyen troubloit plus ou
moins l'ordre public , il étoit de l'intérêt &
de la lùrcté de la fociété qu'on privât le
perturbateur d'une partie des avantages,
ou même de tous les avantages dont il
jouiiïoit à l'abri des conventions qui font
le fondement de cette fociété : de là les
peines pécuniaires ou corporelles. Se la
privation de la liberté ou de la vie , leloii
l'exigence des forfaits. De même dans une
fociété religieufe , dès qu'un membre ea
viole les loix en matière grave , & qu'à
cette infraClion il ajoute l'opiniâtreté, les
dépofitaires de l'autorité facrée font en droit
de le priver , proportionnellement au crime
qu'il a commis , de quelques-uns ou de tous
les biens Spirituels auxquels il participoit an-
térieurement.
C'eft fur ce principe , également fondé
fur le droit naturel & fur le droit pofitif ,
que l'excommunication reflreinte à ce qui
regarde la religion , a eu lieu parmi les
payens & chez les hébreux , & qu'elle l'a
encore parmi les juifs &c les chrétiens.
L'excommunication étoit en ufage cliez
les Grecs, ks Romains &les Gaulois, comme
on l'a vu par l'article précédent; mais plus
cette punition étoit terrible , plus les loix
cxigcoient de prudence pour l'infliger ; au
moins Platon dans fes loix, liv. VU, la
recommande-t-il aux prêtres & aux piê-
trelTes.
Parmi les anciens juifs on féparoit de la
communion pour deux caui'es, l'impureté
légale & le crime. L'une &C l'autre excorri'
munication étoit décernée par les prêtres ,
qui déclaroient l'homme fouillé d'une im-
pureté légale, ou coupable d'un crime. L'eX'
communication pour caufe d'impureté cefloit
loffque cette caufe ne fubfikoit plus , 8c
que le prêtre déclaroit qu'elle n'avoic
plus lieu. L'excommunication pour caufe de
crime ne fînilloit que quand la coupable ,
reconnoillant fa faute , Ce (oumettoit aux
peines qui lui étoient impofees par les prê-
tres ou par le fanhédrin. Tout ce que nous
allons dire roulera fur cette dernière lorte
d'excommunication.
On trouve des traces de Vexcommunic/t-
Ppp
4S:
E X C
tion dans Efdras , Uv. I. c. x. v, 8. Un Ca- |
raïte , ciré par Selden , bv. I. c. vij. defyne- 1
driis, aîTure que l'excommunication ne com-
mença à êcre mife en ufage chez les hé- >
breux que lorfque la nation eut perdu le
droit de vie ôi de mort fous la domination '
des princes infidèles. Bafnage , hij). des \
Juifs , Uv. V. ch. xviij. art. z. croit que le 1
fanhédrin ayant été établi fous les Mâcha- '
bées, s'attribua la connoiflànce des caules |
eccléfiaftiqaes & la punition des coupables ; i
que ce fut alors que le mélange des juifs 1
avec les nations infidèles rendit l'exer- )
cice de ce pouvoir plus fréquent , afin (
d'empêcher le commerce avec les payens , |
&c l'abandon du judaïfme. M ais le plus grand
nombre des interprètes préfume, avec fon-
dement, que les anciens hébreux ont exercé
le même pouvoir & infligé les mêmes pei-
nes qu Eldras , puifque les mêmes loix
fubliftoient ; qu'il y avoir de temps en
temps des tranTgrelIéurs , & par confé- [
quent des punitions établies. D'ailleurs ces
paroles li fréquentes dans les livres faines,
écrits avant Eldras , anima quœ fuerit rebel-
tis adverfus Dominum , pendit , delebitur ;
( &c fclon l'hébreu ) exfcmdetur de populo fuo
ne s'entendent pas toujours de la mort na-
turelle , mais de la féparation du commerce
ou de la communication infacns.
On voit {'excommunication conftamment
établie chez les juifs au temps de Jefus-
Chrift , puifqu'en S. Jean , ch. jx. v. xx.
xij. V. 4Z. xvj. V. a. & dans S, Luc , chap. vj.
V. %%. il avertit les apôtres qu'on les chaf-
fera des fynagogues. Cette peine étoit en
ufige parmi les Eiïénitns. Joiephe parlant
d'eux dans Ion kifwire de la guerre des juifs,
Uv. II. chap. xtj. dit: " qu'aulTî-rot qu'ils
ont furpris quelqu'un d'entr'eux dans une
faute confidérable , ils le chafTcnt de leur
corps , ik que celui qui e(t ainii challe ,
fait fouven: une fin tragique : car comme
il eft lié par des fermens &c des voeux qui
l'empêchent de recevoir la nouniture des
étrangers , & qu'il ne peut plus avoir de
commerce avec ceux dont il efl féparé, il
fe voit contraint de le nourrir d'herbage ,
comme une bcte , jufqu'à ce que fon corps
fe corrompe , tk que les membres tom-
bent & fe détachent. Il arrive quelquefois ,
ajoute cet hillorien , que les Eileiùens
E X C
voyant ces excommuniés prêts à périr de
mifere , fe laiflent toucher de compalfion ,
les retiient & les reçoivent dans leur fo-
ciété , croyant que c'cll pour eux une pé-
nitence allez (cvere que d'avoir été réduits
à cette extrémité pour la punition de leurs
fautes •>. l'^oje[ EssiiNiENS.
Selon les rabbins , Vexcommunication con-
fifte dans la privation de quelque droit dont
on jouilloit auparavant dans la communion
ou dans la fociété dont on eft membre.
Cette peine renferme ou la privation des
choies faintes, ou celle des chofes com-
munes , ou celle des unes & des autres tout
à la fois ; elle eft impofée par une fen-
tcnce humaine , pour quelque faute ou
réelle ou apparente , avec efpérance néan-
moins pour le coupable de rentrer dans
l'ufage des choies dont cette fentence l'a
prive. /^(Ujfij^ Selden, Uv. I, ch. vij , defy-
nedriis.
Les hébreux avoient deux fortes à'ex-
communications , {'excommunication majeure ,
& {'excommunication mineure : la première
éloignoit l'excommunié de la fociété de
tous les hommes qui compofoicnr l'églife :
la féconde le féparoit feulement d'une par-
tie de cette fociété , c'eft-à-dire , de tous
ceux de la fynagogue , enforte que per-
fbnne ne pouvoir s'aflcoir auprès de lui
plus près qu'à la diftance de quatre cou-
dées , excepté la femme & fes enfans. Il
ne pouvoir être pris pour compofcr le
nombre de dix perfonnes nécelfaires pour
terminer certaines affaires. L'excommu-
nié n'étoit compté pour ritn , & ne pou-
voir ni boire ni manger avec les autres.
Il paroit pourtant , par le talmud , que
{'excommunication n'cxcluoit pas les excom-
muniés de la célébration des fêtes , ni de
l'entrée du temple , ni des autres cérémo-
nies de religion. Les repas qui le fliifoient
dans le temple aux fêtes fblennelles , n'é-
toient pas du nombre de ceux dont les ex-
communiés étoient exclus; le talmud ne met
enti'eux & les autres que cette diliiniition ,
que les excommuniés n'entroicnt au temple
que par le coté gauche , & ftirtoient par le
coté droit ; au lieu que les autres enrroient
par le coté droit , & iortoient par le côté
gauche : mais pcut-êuc cette difHnclion
E X C
ne tomboit-elle que fur ceux qui étoient |
frappés cie Vcxcummunication mineure.
Quoi qu'il en (oit , les dodleurs juifs
compccn: jusqu'à vingt-quatre caules d'f.r-
cvmmunication , dont quelques-unes puroil-
fent très-légères , & d'autres ridicules ;
telles que de garder cliez foi une chofe
nuiliblc ; telles qu'un chien qui mord les
pallàiis ; facntier fans avoir éprouvé Ion
couteau en prélencc d'un fage ou d'un
maicrc en liraël , t-c. h' excommunication ,
encourue pour ces caules , eft précédée
p -r la cenfure qui fe fiit d'abord en (ecret ;
mjis 11 celle - ci n'opère rien , & que le
coupable ne fe corrige pas , la maij'on du
jugement , c'eft-à-dire , l'allemblee des ju-
ges , lui dénonce avec menaces qu'il ait à
le corriger : on rend enfuite la ccnlure pu-
blique dans quatre (abbats , où l'on pro-
clame le nom du coupable & la nature de
fa faute ; & s'il demeure incorrigible , on
l'excommunie par une fcntence conçue en
ces termes: qu'un tel foit dans la /épuration
ou dans l'excommunication , ou guun tel foit
feparé.
On fubilTbit la fentence d'excommunica-
tion ou durant la veille ou dans le fom-
meil. Les jug^'s ou l'adèmblée ou même les
particuliers , avoienc droit d'excommunier,
pourvu qu'il y eiàt une des 24 caufes dont
nous avons parlé , & qu'on eût préalable-
ment averti celui qu'on excomm.unioit ,
qu'il eiit à le corriger ; mais dans la règle
ordinaire c'étoit la maiion du jugement ou
la cour de juftice qui portoit la fentence
de l'excommunication folennelle. Un parti-
culier pouvoir en excommunier un autre ;
il pouvoit pareillement s'excommunier lui-
même , cosnme , par exemple , ceux donc
il eft parlé dans les Actes , ch. xxiij. v. 12..
ëc dans le fécond livre «f'Efdras , ch. x. v. zg,
qui s'engagent eux-mêmes, fous peine d'e.v-
communicaiion , les uns à oblerver la loi de
Dieu , les aucres à fe lailir de Paul mort ou
vif. Les juifs lançoient quelquefois Vexcom-
munication contre les bêtes , & les rabbins
enfeigrenc qu'elle fait fon effet julques fur
les chiens.
L'excommunication qui arrivoit pendant
le fommeil , étoit lorfqu'un homme vuyoic
en fonge les juges qui par une fentence
juridique l'excomm.unioienî , ou même un
E X C 485
particulier qui l'excommunioic ; alors il Ce
tcnoit pour véritablement excommunié ,
parce que , félon les do(51:eurs , il fe pouvoir
kiire que Dieu , ou par la volonté > ou par
quelqu'un de les miniftres , l'eût fait ex-
communier. Les ertets de cette excommuni-
cation font tous les mêmes que ceux de ['ex-
communication juridique , qui le fait pendant
la veille.
Si l'excommunié, frappé d'une excommu-
caiion mineure , n'obtenoit pas fon ab(b-
lution dans un mois après l'avoir encourue,
on la renouvelloic encore pour l'elpaced'uii
mois ; liv: fi après ce terme expiré il ne chcr-
choit point à fe faire abfoudre , on le lou-
mettoit à l'excommunication majeurej& alors
tout commerce lui étoit interdit avec les
autres; il ne pouvoit ni étudier ni enfeigner,
ni donner ni prendre à louage. Il étoit ré-
duit à-peu-près dans l'état de ceux auxquels
les anciens Romains inrerdiloient l'eau Sc
le feu. Il pouvoit lèulement recevoir fa
nourriture d'un petit nombre de pcrfonnes;
& ceux qui avoicnt quelque commerce avec
lui durant le temps de fon excommunicationy
étoient foumis aux mêmes peines ou à la
même excommunication , félon la fentence
des juges. Qiielquefois même les biens de
l'excommunié ctoientconfifqués& employés
à des ulages facrés , par une forte A'excom-
munication nommée cherem , donc nous
allons dire un mot. Si quelqu'un mouroit
dans l'excommunication , on ne faifoit point
de deuil pour lui , & l'on marquoit , par
ordre de la juftice , le lieu de fa lépulture ,
ou d'une grolTe pierre ou d'un amas de pier-
res , comme pour fignifier qu'il avoic mé-
rité d'être lapidé.
Quelques critiques ont diftingué chez
les juifs trois fortes d'excommunications ,
exprimées par ces crois termes , nidui ,
cherem, tc Jchamma:a. Le premier marque
l'excomw.unication mineure , le fécond la
majeure , & le croilieme lignifie une ex-
communication au-dejfus de la majeure , à la-
quelle on veut qu'ait été attaché la peine
de mort , & dont perfonne ne pouvoit
abfoudre. Uexcommunication nidui dure 50
jours. Le cherem eft une efpece de réag-
gravation de la première : il chaffe l'hom-
me de la fynagogue , & le prive de tout
commerce civil. Enfin le fchammata fe pu*
Ppp i
484 E X G ■
blie au foii de 400 trompettes , & ôte
toute efpâaiice de retour à la fynagogue.
On croît que le maranatha dont parle S.
Paul , eft la même chofe que \t fchammata ;
mais Seldcn prétend que ces trois termes
font fouvent fynonymes , & qu'à propre-
ment parler les h"breux n'ont jamais eu
que deux fjrtes é!excommunieaiions , la mi-
neure & la majeure.
Les r;^bbins tirent la man'ere & le droit
de leurs excommunications de la manière
dont Déborra & Barac maudilfcnt Meroz ,
homme qui , félon ces docteurs , n'allifta
pas les Ifraélites. Vo'ci ce qu'on en dit dans
lc//V/Ê des juges ■> ch. V -, v. a:?. Maudijfei
Mero^, dit l'ange du Seigneur: maudijfi^
ceux gui i'ajfcyeront auprès de lui , parce qu'ils
ne font pas v^nus au fecours du Seigneur avec
les forts. Les rabbins voient évidemment ,
à ce qu'ils prétendent , dans ce partage ,
1°. les malédidions que l'on prononce con-
tre les excommuniés : 2°. celles qui tom-
bent fur les perionnes qui s'alleyent auprès
d'eux plus près qu'à la diftance de quatre
coudées : 3°. la déclaration publique du
crime de l'excommunié , comme on dit
dans le texte cité que Meroz n'eft pas
venu à la guerre du Seigneur : 4°. enfin la
publication de la fcntence à fon de trompe ,
comme Barac excommunia , dit-on , Me-
roz au fon de 400 trompettes : mais toutes
ces cérémonies font récentes.
Us croient encore que le patriarche Hé-
noch eft l'auteur de la foi mule de la gran-
de excommunication dont ils fe fcrvmt en-
core à préfent , & qu'elle leur a été tranf-
mife par une tradition non interrompue
depuis Hénoch iufqu'aujourd'hui. Sedden ,
liv, I^ , ch. vij , de jure natur. 6" gent. nous a
tonfervé cette formule d'excommunication ,
qui eft fort longue , & porte avec elle des
caraderes évidcns de fuppoiition. Il y eft
parlé de Moyfc , de Jolué, d'Elifée , de
Gie %\ , de Barac , de Meroz , de la gran-
de fynagogue , des anges qui préfident à
chaque mois de l'année , des livres de la
loi , des ^90 préceptes qui font contenus ,
&c. toutes chofcs qui prouvent que fi Hé-
noch en eft le premier auteur , ceux qui
font venus après lui ont fait beaucoup d'ad-
ditions.
Quant à l'abfolution de Vexcommuni-
E X C
cation , elle pouvoit être donnée par celui
qui avoir prononcé re:rcoraOTu/2;ci2/;o/2, pour-
vu que l'excommunié fut touché de repen-
tir , & qu'il en donnât des marques iince-
res. On ne pouvoit abfoudre que préfent
celui qui avoir été excommunié préfent.
Celui qui avoit été excommunié par un
particulier , pouvoit être abfous par trois
hommes à fon choix , ou par un feul juge
public. Celui qui s'étoit excommunié loi-
même , ne pouvoit s'abfoudre foi- même ,
à moins qu'il ne fût éminent en fcience
ou difciplc d'un lage ; hors de ce cas , il ne
pouvoit recevoir fon abfolution que de dix
perfonnes choilies du milieu du peuple.
Celui qui avoit été excommunié en fonge ,
devoit encore employer plus de cérémonies :
il falloir dix perfonnes favantes dans la loi
& dans la fciencc du talmud ; s'il ne s'en
trouvoit autant dans le lieu de la demeure ,
il devoit en chercher dans l'étendue de
quatre mille pas ; s'il ne s'y en rencontroit
point alfez , il pouvoit prendre dix hom-
mes qui fuOTent lire dans le pentateuque ,
ou , à leur défaut , dix hommes , ou tout
au moins trois. Dans ['excommunication en-
courue pour caufe d'ofFenfe , le coupable
ne pouvoir être abf>us que la partie léfée
ne tùt fatisfaite : ii par hafard elle étoit
morte, l'excommunié devoit fe faire abfou-
dre par trois hommes choifis , ou par le
prince du fanhédrin. Enfin c'eft à ce der-
nier qu'il appartient d'abfoudre de Vexcom-
munic.ition prononcée par un inconnu. Sur
{'excommunication des juifs , on peut conful-
ter l'ouvrage de Selden , de Synedriis ;
Drulius , de novemfcl. lib. III, c.xj. Buxtorf,
epijl. hebr. le P. Morin , de pxnit. la conti-
nuât, de l'hift. des juifs , par M. Bafnage ; la
differtation de dom Calmer fur les fupplices
des juifs ; &C fon diclionnaire de la bible , au
mot Excommunication.
Les ciiréticns dont la focicté doit être ,
fuivanr l'inftitution de Jefus-Chrift , très-
pure dans la foi & dans les mœurs , ont
toujours eu grand foin de léparer de leur
communion les hérétiques & les perfonnes
coupables de crimes. Relativement à ces
deux objets , on diftinguoit dans la pri-
mitive églife \' excommunication médicinale
de {'excommunication mortelle. On ufoit de
la première envers les pénitens que l'oa
E X C
ftfparoitde la commimion , infqu'à ce qu'ils
cullcnt fatisfaic à la pénitence qui leur
ctoic impo'éc. La féconde ctoiï portée
contre Ls liérc-tiques & les pécheurs im-
péniccns Hc rebelles à l'églile. C'cll à cette
dernière forte A'excominunicatiun que le
rapportera tout ce qui nous rertc à dire
dans cet article. Qiiant à Vtjccoinmunica-
lion médicinale, n'j'-'î. Pénitence & Pt-
NITENS.
\J excommunication mortelle en général ell
nne ccnluie cccléhallique qui prive un fidè-
le en tout , ou en partie , du droit qu'il a
fur les biens communs de l'églile , pour le
punir d'avoir delobéi à 1 cglile dans une
manere grave. Depuis les décrétalcs , on a
dilbngué deux elpeces d'excommunication ;
l'une majeure , l'autre mineure. La majeure
eft proprement celle dont on vient de voir
la (iértnition , par laquelle un hdclc ell re-
tranche du corps de l'cglife , julqu'à ce qu'il
ait méri;é par fa pénitence d'y rentrer, h'i^x-
communication mineure eft celle qui s'encourt
par la communication avec un excommu-
nié d'une excommunication majeure , qui a
été légitimement dénoncée. L'effet de cette
dernière excommunication ne prive celui
qui l'a encourue que du droit de recevoir
les lacremens , &C de pouvoir être pourvu
d'un bi'-nétîce.
Le pouvoir d'excommunier a été don-
né à l'églife dans la perlonne des premiers
pafteurs ; il fait partie du pouvoir des clés
que Jefus Chrift même conféra aux apô-
tres immédiatement & dans leur perlonne
aux évêques , qui lont les fuccefl'eurs des
apôtres. Jeius-Chrill; , en S. Matthieu , ch.
xvitj. y. ij. 6' l8. a ordonné de regarder
comme un payen &C un publicain celui
qui n'écouteroit pas l'églile. S. Paul ufa
de ce pouvoir , quand d excommunia l'in-
ceftueux de Corinthe ; &c tous les apôtres
ont eu recours à ce dernier remède , quand
ils ont anathématiié ceux qui enfeignoient
une mauvaife doélrine. L'églife a dans la
fuite employé les mêmes armes , mais en
mêlant beaucoup de prudence & de pré-
cautions dans l'ufage qu'elle en faifoit ;
il y avoit même difiérens degrés à'excom-
munication , fuivant la nature du crime &
de la defobeiflance. Il y avoit des fautes
pour lerquelles on privoic les iîdcles de
E X C 485
la participation au corps & au fang de Jefus-
Chriil; , fans les priver de la communion
des prières. L'évêque qui avoit manqué
d'alLller au concile de la province , ne
devoir avoir avec fcs confrères aucune mar-
que extérieure de communion julqu'au con-
cile fuivant , fans être cependant féparé
de la communion extérieure des fidèles de
fon diocefe , ni retranché du corps de
l'églile. Ces peines canoniques étoient ,
comme on voit , plutôt médicinales que
mortelles. Dans la fuite V excommunication
ne s'enteiîdit que de l'anatheme , c*eft-à-
dire , du retranchement de la fociété des
fîJeles ; & les fupérieurs eccléfiaftiques
n'ufcrent plus avec tant de modiration des
foudres que l'églife leur avoit mis entre
les mains.
Vers le neuvième fîecle on commença
à employer les excommunications pour re-
poufler la violence des petits féigneurs
qui , chacun dans leurs cantons , s'écoienc
érigés en autant de tyrans ; puis pour dé-
fendre le temporel des eccleliaftiques , &C
enfin pour toutes fortes d'affaires. Les ex-
communications , encourues de plein droit ,
& prononcées par la loi fans procédures
& frns jugement , s'incroduifîrent après la
compilation de Gratien , & s'augmentè-
rent pendant un certain temps d'année eu
année. Les etf;:ts de Vexcommunicati^n fu-
rent plus terribles qu'ils ne l'avoir été aupa-
ravant ; on déclara excommuniés tous ceux
qui avoient quelque communication avec
les excommuniés. Grégoire VII , & quel-
ques uns de fes f uccefleurs , pouffèrent l'ef-
fet de {'excommunication jufqu'à prétendre
qu'un roi excommunié étoit privé de fes
états , & que fes fujets n'étoient plus obligés
de lui obéir.
Ce n'eft pas une queflion , fi un fouve-
rain peut & doit même être excommunié
en certains cas graves , où l'églife eft en
droit d iiifliger des peines Ipirituelles à fes
enfans rebelles , de quelque qualité ou con-
dition qu'ils (oient : mais aulTî comme ces
peines (ont purement Ipirituelles , c'elf en
connoure rrtil la nature & abufer du pou-
voir qui les inflige , que de prétendre
qu'elles s'étendent jufqu'au temporel , &
qu'elles renverfent ces droits efleutiels i(.
486 E X C
primitifs qui lienc les lujets à leur fou- |
verain.
Ecoutons fur cette matière un écrivain
extrêmement judicieux , & qui nous fera
fentir vivement les conféquences afFreufcs
de l'abus du pouvoir d'excommunier les
louverains , en prétendant foutenir les pei-
nes ipii-ituelles par les temporelles : c'eft M.
l'abbe Fleuri , qui , dans fon difcours fur
l'hiRoire eccléfiaftique , depuis l'an 6©o
juîqu'à l'an izoo, s'exprime aind : "J'ai
remarqué que les évêques employoient le
bras léculier pour forcer les pécheurs à pé-
nitence , & que les papes avoient commen-
cé plus de deux cents ans auparavant a vou-
loir par autoiité régler les droits des cou-
ronnes ; Grégoire VII fuivit ces nouvelles
maximes , & les pouila encore plus loin ,
prétendant ouvertement que , comme pa-
pe , il étoic en droit de dcpofer les louve-
rains rebelles à l'églifc. Il fonda cette pré-
tention principalement fur Ycxcommunica-
tioii. On doit éviter les excommuniés , n'a-
voir aucun commerce avec eux , ne pas
leur parler , ne pas même leur dire bon
jour , fuivant l'apôtre S. Jean , ep. IL c.j :
donc un prmce excommunié doit être aban-
donné de tout le monde ; il n'eft plus per-
mis de lui obéir , de recevoir les ordres,
de l'approcher ; il eft exclu de toute fo-
ciété avec les chrétiens. Il eft vrai que Gré-
goire VII n'a jamais fait aucune déciiion
iur ce point ; Dieu ne l'a pas permis : il
n'a prononcé formellement dans aucun
concile , ni par aucune décrétale , que le
pape ait droit de dépofer les rois ; mais il
l'a fuppofé pour confiant , comme d'autres
maximes aulTi peu fondées , qu'il croyoït
certaines. Il a commencé par les faits & par
i'exécution.
" Il fuit avouer , continue cet auteur ,
qu'oivétoit alors tellement prévenu de ces
maximes , que les défenfeurs de Henri IV ,
roi d'Allemagne , fe retranchoient à dire ,
qu'un fouvcrain ne pouvoit être excom-
munié. Mais il étoit facile à Grégoire VII
de montrer que la puillance de lier & de
délier a été donnée aux apôtres générale-
ment , fans diftindion de perfonne , &
comprend les princes comme les autres.
ï_c mal lA: qu'il ajoutoit des propolitions
(;xcdriVe5, Que l'églifc ayant iliyii de juger
E X C
des chofes fpiritu..j es, t ic avoit,à plusfortc
railon , droit de juger des temporelles :
que le moindre exorciite eft au-dellus des
empereurs , puifqu'il commande aux dé-
mons : que la royauté eft l'ouvrage du dé-
mon , fondé fur l'orgueil humain ; au lieu
que le l'acerdoce eft l'ouvrage de Dieu : en-
fin que le moindre chrétien vertueux eft
plus véritablement roi qu'un roi criminel,
parce que ce prince n'eft plus un roi , mais
un tyran : maxime que Nicolas premier
avoit avancée avant Grégoire VII & qui
femble avoir été tirée du livre apocryphe
des conftitutions apol\^oliques , où elle fe
trouve expreflément. On peut lui donner
un bon fens, la prenant pour unecxpreffion
hyperbolique , comme quand on dit qu'un
méchant homme n'eft pas un homme : mais
de telles hyperboles ne doivent pas être
réduites en pratique. C'eft autrefois Iur ces
fondemens que Grégoire VII préiendoit en
général que fuivant le bon ordre , c'étoic
l'églife qui devoit dilhibuer les couronnes
èc juger les fouverains , & en particulier
il prétendoit que tous les princes chrétiens
étoient vafiaux de l'églife romaine , lui
dévoient prêter ferment de fidélité & payer
tribut.
» Voyons maintenant les conféquences
de ces principes. Il fe trouve un prince in-
digne & chargé de crimes , comme Henri
IV , roi d'Allemagne ; car je ne prétends
point le juftificr. Il eft cité à Rome pour
rendre compte de fa conduite ; il ne com-
paroir point. Après pluiieurs citations , le
pape l'excommunie : il méprife la cenfure.
Le pape le déclare déchu delà rovauté ,
abf(.)ut fes fujets du ferment de ridclité ,
leur défend de lui obéir , leur permet ou
leur ordonne d'élire un antre roi. Qu'en
arrivera-t-il ? Des féditions , des guerres
civiles dans l'état , des fchifrres dans l'é-
glife. Allons plus loin. Un roi dépolé n'eft
plus un roi : donc , s'il continue à fe por-
ter pour roi , c'eft un tyran , c'eft-r-dire ,
un ennemi public , à qui tout homme doit
courir lus. Qii'il fe trouve un fanatique ,
qui ayant lu dans Plutarque la vie de Timo«
léon ou de Brutus , fe perfuade que rien
n'eft plus glorieux que de délivrer fa patrie ,
ou qui prenant de travers les exemples de
l'Ecriture , fe croie fulcité comme Aoi ,
E X C
ou comme Judith pour affranchir le peu-
ple de Dieu , voilà l;i vie de ce prétendu
tyran cxpofée au caprice de ce vilioiinaire ,
qui croira faire une adtion héroïque , &
gagner la couronne du maityre. Il n'y en
a , pur malheur , que trop d'exemples dans
Thilloire des derniers ficelés ; & Dieu a
permis ces fuites aHreules des opinions fur
Vcxxummunication , pour en dellibufer au
mo:n~ par l'expérience.
» Revenons donc aux maximes de la
fage antiquité. Un fouvcrain peut être
excommunié comme un particulier , je le
veux-; mais la prudence ne permet preique
jamais d'ufer de ce droit. Suppofé le cas,
très-rare , ce feroit à l'évcque auiïi bien
qu'au pape , & les effets n'en feroient que
fpirituels ; c'eft-à dire , qu-'il ne feroit plus
permis au prince cxi.ommunié de participer
aux lacremens , d'entrer dans i'églife, de
prier avec les fidèles, ni aux fidèles d'extr-
cer avec lui aucun acte de religion : mais
les lujcts ne Icroient pas moins obligés de
lui obéir en tout ce qui ne feroit point con-
ttaire à la loi de Dieu. On n'a jamais pré-
tendu , au m.oins dans les fiecles de I'églife
les plus éclairés , qu'un particuher excom-
munié perdit la propriété de fes biens , ou
de fes elclaves , ou la puilfance paternelle
fur fes enfans. Jtfus-Chrift , en établilTant
fôn évangile , n'a rien fait par force , mais
tout par perluafion , fuivant la remarque
de S. Augullin ; il a dit que fon royaume
n'ctoit pas de ce monde , & n'a pas voulu
/--fe donner feulement l'autoriré d'arbitre
cntie deux frères ; il a ordonné de rendre
à Céfar ce qui étoit à Céfar , quoique ce
Cefar fut Tibère , non feulement paven ,
mais le plus méchant de tous les hommes:
en un mot , il eft venu pour reformer le
monde, en convcrtillant les cœurs, flms
rien changer dans l'ordre extérieur des
chofcs humaines. Ses apôtres & leurs fuc-
cclleurs ont iuivi le même plan, &c onttou-
j;iurs prêché aux particuliers d'obéir aux
magifl.ats & aux princes , & aux efclaves
d'être loumis à leurs maîtres bons ou mau-
vais, chrétiens ou infidèles. •>
Plus ces principes font inconteftables ,
& plus on a feriti , fur-tout en France , que
par rapport à Y excommunication il falloir fe
rapprocher de la difcipline des premiers
E X C 487
fîedes : ne permettre d'excommunier que
pour des crimes graves & bien prouvés ;
diminuer le nombre des excommunications
prononcées de plein droit ; réduire à une
excommunication mineure la peine encourue
par ceux qui communiquent lans nécellité
avec les excommuniés dénoncés ; & enfin
foutenir que \' excommunication étant une
peine purement (pirituelle , elle ne dilpenfe
point les fujetsdes (ouveraiiis excommuniés
de l'obéidance due à leur prince , qui tient
Ion autorité de Dieu même , &: c'efl; ce
qu'ont conrtamment reconnu non-feule-
ment les parlemens , mais même le clergé
de France , dans les excommunications de
Boniface VIII contre Philippe-le-Bel , de
Jules II contre Louis XII ; de Sixte V con-
tre Henri lil ; de Grégoire XIII contre
Henri IV ; & dans la fameufe alfemblée
du clergé de i68i.
En effet , les canoniftes nouveaux qui
femblent avoir donné tant d'étendue aux
effets de \' excommunication , & qui les ont
renfermées dans ce vers technique :
Gs , orare , vale , communia , menfa
tiegatur,
c'eft-à-dire , qu'on doit refufer aux excom-
muniés la converfition , la prière , le lalut,
la comm.union , la table , chofes pour la
plupart purem.ent civiles & temporelles ;
ces miêmes canoniflcs fe font relâchés de
cette févérité par cet autre axiome aulTi
exprime en forme de vers :
Utile , lex , humile , rex ignorata , necejfe.
qui fignific que la défenfe n'a point de lieu
entre le mari & la femme , entre les parens,
entre les lujtts tk le prince; & qu'on peut
communiquer avec un excommunié fi l'on
ignore qu'il le foit , ou qu'il y ait lieu d'ef-
pérer qu'en converfant avec lui , on pourra
le convertir , ou enfin quand les devoirs de
la vie civile ou la nécefîîté l'exigent. C'efi:
ainfi que François premier communiqua
toujours avec Henri VIII pendant plus de
dix ans , quoique ce dernier lôuverain eût
été folenncUeraent excommunié par Clé-
ment VII.
De là le concile de Paris , en Szj , con-
firme une ordonnance de Juftinien , qui
défend d'excommunier quelqu'un avant de
prouver qu'il efl dans le cas où , félon les
488 E X C
canons , on efl: en droit de procéder contre
lui par excommunication. Les troilieme &
& quatrième conciles de Lacran 6c le pre-
mier concile de Lyon , en 1 145 , renou-
veilent & étendent ces régleniens. Selon le
concile de Trente ,fc[f. a£. c. iij. de reform.
l'excommunication ne peut être mife en ufage
qu'avec beaucoup de circonlpection , lorl-
quc la qualité du délit l'exige , &-C après deux
inonitions. Les conciles de Bourges en
1584, de Bordeaux en 15S3 , d'Aix en
1585 , de Touloufe en 1^90, & de Nar-
bonne en 1609 , confirment & renouvel-
lent le décret du concile de Trente , &
ajoutent qu'il ne faut avoir recours aux
cenfutes qu'après avoir tenté inutilement
tous les autres moyens. Enfin la chambre
eccléfiaftique des états de 1614 , défend
aux évêques ou à leurs officiaux d'oc-
troyer mon irions ou excommunications ,
iînon eu manere grave & de conféquence.
Idem, du clergé , tome Vll,]page qqo lir fmv.
Il 07 &Juiv.
Le cas de l'excommunication contre le
prince pourroit avoir lieu dans le fait , &C
jamais dans le droit ; car par la jutifpru-
tlence reçue dans le royaume , & même
par le clergé , les excommunications que les
papes décernent contre les rois & les lou-
verains , ainii que les bulles qui les pro-
noncent , font rejetées en France comme
nulles. Mém. du clergé , tome VI , pag ^g8
6- 1 oo£.
Elles n'aiiroient par conféqucnt nul effet
quand au temporel. C'eft la do6brine du
clergé de France , adembléen 16B1 , qui,
dans le premier de fes quatre fameux ar-
ticles , déclara que les princes & les rois ne
peuvent être , par le pouvoir des clés , di-
reftement ou indireétement dépofés , ni
leurs fujets déliés du ferment de fidélité.
Doélrine adoptée- par tout le clergé de
France , & par la faculté de théologie de
Paris. Libcrt. de l'églife gallic. art. 25.
" 0\\ ne peut excomm.unier les omcicrs
>j du roi , dit M. d'Héricourt , loix ecclêf.
» de France , part. J.ch. xx:;. art iT.pouï
» tout ce qui regarde les fondions de leurs
» charges. Si les juges eccléfiaAiques con-
w trevienncnt à cette loi , on procède
t> contr'eux par (ai lie de leur temporel,
n Le fcLil moyen qu'ils puiflènt prendre ,
EX C
"■ » s'ils fe trouvent lelés par les jnges royaux
" inférieurs , c'eft de ie pourvoir au par-
" lement ; 11 c'eft le parlement dont le»
" ecclefiaftiques croient avoirquelque fnjet
" de te plaindre , ils doivent s'adrciïer au
» roi ; ce qui n'auroit point de lieu h un
" juge royal entreprenou de connoitre des
" choies de la toi , ou des matières pure-
" ment Ipivituelies , dont la connoillance
•' ert réiervée en France aux tribunaux
" eccléliaftiques : car dans ce cas les |uges
" d'églile (ont les vengeurs de leur jurif-
" diction , & ne peuvent fe fervir des
" armes que l'églile leur met entre les
>' mains. »
Comme nous ne nous propolons pas de
donner ici un traité complet de ['excom-
munication , nous nous contenterons de rap-
porter les principes les plus généraux , les
plus lurs 5 & les plus conformes aux ufages
du royaume fur cette matière.
Lorique dans une loi ou dans un juge-
ment eccléliaftique on prononce la peine]
de l'excommunication , la loi ou ie jugement]
doivent s'entendre de l'excommunication ma-
jeure qui retranche de la communion des|
fidèles.
h' excommunication eft prononcée ou pari
la loi qui déclare que quiconque contre-
viendra à fes difpofitions , encourra dej
plein droit la peine de l'excommunication , I
Hins qu'il fbit befoin qu'elle loit prononcéel
par le juge , ou elle eft prononcée par unei
Icntence du juge. Les canoniftes appel-
lent la première excommunication, Litix\
fenttntice ; ëc la féconde excommunica- '
tion , firendiV fententiœ. Il faut néanmoins j
obferver que comme on doit toujours ref-
treindre les loix pénales , l'excommunication.\
n'eft point encourue de plein droit, à
moins que la loi ou le canon ne s'exprime 1
fur ce fujet d'une manière h précité, que'
l'on ne puillé douter que l'intention du lé-!
giilatcur n'ait été de Ibumettre par leleul^
fait à l'excommunication ceux qui contre-
viendront à la loi.
Les excommunications prononcées par la
loi , n'exigent point de monitions préala-
bles ou monitoires: mais les excommunica-
tions à prononcer par le juge , en exigent
trois , faites dans des intervalles convena-
bles, f^^eyei MoNlTOIRE.
On
FX C
On peut attaquer une excommunication ,
ou comme injiilte, ou comme nulle; com-
me injulle , quand elle eft prononcée pour
un crime dont on eft innocent , ou pour
un (ujec 11 icger , qu'il ne mérite pas une
peine fi grave ; comme nulle , quand elle
a été prononcée par un juge incompétent ,
pour des affaires dont il ne devoit pas pren-
dre connoiHance , &c quand on a manqué à
oblervcr Its formalités prelcritcs par les ca-
nons iS; les ordonnances. Néanmoins Vex-
communicaiion , mcme injullc, eft toujours
à craindre ; & dans le for extérieur, l'ex-
communié doit fè conduire comme fi Vcx-
communication éfoit légitime.
Le picmier eftet de excommunication eft
que l'cxcommuné eft Icparé du corps de
leglife , & qu'il n'a plus de part à la com-
munion ac^ hdeles. Les Tuites de cette ré-
paration font q.ie l'excommunie ne peut ni
recevoir ni adminiftrcr les facremens , ni
même recevoir après fii mort, la lepulture
eccléliaft'que , être pourvu de bénéfices
pendant fa vie ou en conférer , ni être élu
pour les dignités , ni exercer la jurifdidlion
eccléliaftiquc. On ne peut même prier pour
lui dans ics prières publiques de l'cglife : &
dc-là vient qu'autrefois on retranchoit des
dyptiques les noms des excommuniés, Voy.
Dvr TIQUES, Il eft même défendu aux
fi itles d'avoir aucun commerce avec les
excommuniés ; mais comme le grand nom-
bre des excommunications encourues par le
feul fait avoient rendu très-difficile l'exécu-
tion des canons qui défendent de commu-
niquer avec des excommuniés , le pape
Martin V ht dans le concile de Conftance
une conftitution qui porte, qu'on ne fera
obligé d'éviter ceux qui font excommuniés
par le droit , ou par une fentence du juge ,
qa'apiès que ['excommunication aura été pu-
bliée , Se que l'excommunié aura été dé-
noncé nommément. On n'excepte de cette
règle que ceux qui font tombes dans l'e-v-
communication pour avoir frappé un clerc,
quand le fait eft ^\ notoire qu'on ne peut le
dilTimuler, ni le pallier par aucune excufe
quelle qu'elle puilTé être. La dénonciation
des excommuniés nommément doit fe
faire à la mellé paroilTiale pendant plufieurs
dimanches confécutifs ; & les fentcnces
d'excommunication doivent être affichées aux
Tome XIII
E X C 48^
portes des cglifes, afin que ceux qui ont
encouru cette peine foient connus de roue
le monde. Depuis la bulle de Martin V, le
concile de Bâ'.e renouvclla ce décret , avec
cette diff-Tcncc que , fuivant la bulle de
Martin V, on n'excepte de la loi, pour la
dénonciation des excommuniés , que ceux
qui ont frappé notoirement un clerc , qu'on
eft obligé d'éviter dès qu'on fa't qu'ils ont
commis ce cnme ; au heu que le concile de
Bâle veut qu'on évite tous ceux qui font;
excommuniés notoires , quoiqu'ils n'aicnC
pas été publiquement dénoncés. Cet aiticle
du concile de BÛle a été infère dans la
pragmatique fans aucune raodification , Sc
répété mot pour mot dans le concordat.
Cependant on a toujours obfervé en France-
de n'obliger d'éviter les excommuniés qutî-
quand ils ont été nommément dénoncés ,
même par rapport à ceux dont Yexcom-
munication eft connue de tout le monde*
comme celle des perlonnes qui font pro-
felTion d'héréfic. Voye'^ Concordat &
Pragmatique.
Avant que de dénoncer l'excommunié ,
celui qui a encouru une excommunication
latœ fententia , il faut le citer devant le juge
ecclcfiaftique, afin d'examiner le crime qui
a donné heu à l'excommunication , &c d'exa-»
miner s'il n'y auroit pas quelque moyen légi-
time de défenle à propofer. Au refte , ceux
qui communiquent avec un excommunié
dénoncé , foit pour le fpirituel , foit pour
le temporel , n'encourent qu'une excommu-
nication mineure.
Dès qu'un excommunié dénoncé entre
dans l'églife , on doit faire celTer l'oflice
divin ; en casque l'excommunié ne veuille
pas fortir , le prêtre doit même abandon-
ner l'autel ; cependant s'il avoit commencé
le canon , il devroit continuer le facrifice
jufqu'à la communion inclufivement , après
laquelle il doit fe retirer à la facriftie pour
y réciter le refte des prières de la melTe -•
tous les canoniftcs conviennent qu'on doit
en ufer ainli.
Dans la primitive églile , la forme d'ex-
communication étoit fort limple : le^ évêques
dcnonçoient aux fidèles les noms des ex-
communiés , & leur mrerdiloicnt tout
commerce avec eux. Vers le jx ficelé on
accompagna la fulminacion de Vexcommuni-
490 E X C
cation d'un appareil propre à infpirer la ter-
reur : douze prêtres tenoienr chacun une
kmpc à la main , qu'ils jecoient a terre &
fouloient aux pies: après que l'évèquc avoic
prononcé Vtx communication , on fbnnoit
une cloche , & 1 evêque & les prêtres pro-
féroient des anathemcs& des malédi£bions.
Ces cérémonies ne font plui guère en ufage
qu'à Rome , où tous les ans le jeudi faint ,
dans la publication de la bulle in cxna Do-
mini C vqye^ Bulle ') , l'on éteint & l'on
brife un cierge : mais l' excommunication en
foi n'eft pas moins terrible & n'a pas moins
d'effet , foit qu'on obferve ou qu'on omette
ces formalités.
L'ablolution de l'excommunication étoit
anciennement rélervée aux évêques: main-
tenant il y a des excommunications dont les
prêtres peuvent rçlever : il y en a de ré-
lèivées aux évêques , d'autres au pape.
L'abfolution du moms folennelle de l'ex-
communica.-ion eft aulli accompagnée de cé-
rémonies. Lorfqu'on s'cft allure des difpo-
fuions du pénitent , l'évêque à la porte de
Véglife , accompagné de douze prêtres en
furplis , lix à fa droite & fix à fa gauche ,
lui demande s'il veut fubir la pénitence or-
donnée par les canons , pour les crimes
qu'il a commis; il demande pardon , con-
fefle là faute , implore la pénitence , &
promet de ne plus tomber dans le défordre ;
cnfuite l'évêque alTis & couvert de fa mitre
récite les (ept pfeaumcs avec les prêtres ,
& donne de temps en temps des coups de
verge ou de baguette à l'excommunié ,
puis il prononce la formule d'abfolution
qui a été déprécative jufqu'au xiij ficelé ,
& qui depuis ce temps là eft impéraûve
ou conçue en forme de fentence ; enfin il
prononce deux oraifons particulières, qui
tendent à rétablir le pénitent dans la pof-
feflfîon des biens fpirituels dont il avoit été
privé par l'excommunication. A l'égard des
coups de verges fur le pénitent : le pon-
tifical qui preîcrit cette cérémonie , comme
d'ulage à Rome , avertit qu'elle n'eft pas
reçue par-tout , Se ce fait eft juftifié par
plufieurs rituels des cglifcs de France , tels
que celui de Troyes en i6éo, & celui de
Toul en 1700.
Lorfqi'un excommunié a donné avant
fa nioit des lignes iuiceres de repentir _,
E X C
on peut lui donner après fa mort l'abfolution
des ccnfures qu'il avoit encourues.
Comme un excommunié ne peut eftcr
en jugement , on lui accorde une abfolu-
tion indicielle ou abfolution rdcautelam, pour
qu'il puilfe librement pourfuivre une affaire
en juftice : cette exception n'eft pourtant
pas reçue en France dans les tribunaux
féculicrs. C'eft à celui qui a pjononcé l'ex~
communication , ou à fon fuccclTeur , qu'il
appartient d'en donner l'abfolution. Sur
toute cette matière de l'excom.munication ,
on peut confulter le père Morin , depcenit.
Eveillon j traité des cenjures \ M. Dupin,
de antiq. ecclef. difcipl. dijjert. de cxcomm,
l'excellent ouvrage de M. Gibert, intitulé :
ufage de l'églife gallicane , contenant les cen-
fures ; les lotx eceléfiajl. de France, par M.
d'Héricourt , première part. chap. xxij , & le
nouvel abrégé des mémoires du clergé , au mot
cenfures. (Ct)
Lifez aufïî le traité des excommunications ,
par Collet, Dijon 1689, in-tx, & quia
été réimprimé depuis à Paris. Cette matière
eft digne de l'attention des fouverains , des
fages, & des citoyens. On ne peut trop
réfléchir fur les effets qu'ont produit les
foudres de l'excommunication , quand elles
ont trouvé dans un état des matières com-
buftibles, quand les raifons politiques les
ont mifes en œuvre , & quand la fuperfti-
tion des temps les ont fouffertes. Grégoiie
V, en 998, excommunia le roi Robert,
pour avoir cpoufé fa parente au quatrième
degré ; mariage en foi légitime , 6c des plus
néceffaires au bien de l'état. Tous les évê-
ques qui eurent part à ce mariage, allè-
rent à Rome faire fatisfaélion au pape : les
peuples , les courtifans mêmes fe fepare-
rcnt du roi ; & les "perfonnes qui fureur,
obligées de le fervir , purifièrent par le
feu toutes les chofes qu'il avoit tou-
chées.
Peu d'années après, en 1092 , Urb.iin II
excommunia Philippe I , petit- filsde Robert,
pour avoir quitte la parente. Ce dernier
prononça fa lentence ^'excommunication
dans les propres états du roi , à Cleimonc
en Auvergne , où fa fnnteté venoit cher-
cher un af'yle ; dans ce même concile où
elle prêcha la croifade , (Sv: où pour I.1 pre-
mière fois le nom de pape fut donné au
E X C
chef de l'églife , à l'exclufion des cV-ques
qui le prenoient auparavant. Tant d'autres
monumens hidoriques , que fourninent les
fieclcs partes fur les excommunications Si les
interdits des royaumes , ne fcroient cepen-
dant qu'une connoilTance bien ftcrile , fi
on n'en chargcoit que fa mcmoirc. Mais
il faut envifagcr de pareils faits d'un œil
philofophique , comme des principes qui
doivent nous éclairer , & pour me Icrvir
des tcrmfs de M. d'Alembert , comme des
^•ccueils d'expériences morales faites fur le
genre humain. C'eftde ce côté-là que l'hif-
toire devient une fc'icncc utile & précieufe.
Voy. Histoire. Addition de M. le chevalier
DE Jaucourt.
EXCOMPTE o« ESCOMPTE , f. m.
p:cunice remifflo , ( Jurifp. ) eft la remife que
fait le porteur d'une lettre ou billet de
change d'une partie de la dette , lorfqu'il
en demande le paiement avant l'échéance,
ou qiie lavette eft douteufe 5c difficile à
exiger. L'excompte ditfere du change en ce
que celui-ci fe paie d'avance au lieu que
\'exc»mpte fe paie à mefure que l'on s'acquit-
te : {'excompte eft fouvent un détour que
l'on prend pour colorer l'ufure.
On appelle auilî excompte dans le com-
merce , lorfqu'un marchand prend de la
marchandife' à crédit pour trois , fix , neuf,
douze ou quinze mois , à la charge d'en
faire Vexcompte à chaque paiement , c'eft-
à-dire , de rabattre fur le, billet deux &
demi pour cent , qui tiennent lieu d'inté-
rêt , à proportion qu'il paie. Koye^ le par-
fait négociant de Savary, Barcmc , & ci-
aprh Eico.MrTER, 6' ci-dev. Escompte. {A)
E X C O M T E R ou ESCOMPTER ,
verb. ad. ( Jurifprud. ) c'eft faire l'efcom-
pte , ou diminution . d'une fomme fur une
lettre ou billet de change.
On appelle auiïi excompter , vendre de ces
fortes d'effets fur la place , au-delfous de
leur valeur , pour acquitter quelque dette.
Voyei^ci-deffus Excompte. {A)
EXCORIATION , f f. ( Médecine. ) dé-
pouillement de l'épiderme ou du repli de
la peau , tant des parties externes que des
parties internes , par quelque caufe que ce
foit.
Comme toutes les parties , douées de
mouvement & de fcntiment , font rcvê-
E X C 491
tues ou de l'cpidcrnie , ou d'une mem-
brane fine & déliée qui les tapifle , ou de
mucofité qui leur fert de Uniment , cette
épidermc , cette membrane fine , cette
mucofité , peuvent être emportées par
des accidcns , des frottcmens externes , ou
par des remèdes internes corrofifs : en un
mot, l'épiderme s'excoriera par toute for-
ce capable de produire cette abrafion ,
comme par frottement violent, par des ma-
tières acres , par le croupidemenr des hu-
meurs , la coUiquation , la mortification,
la brûlure.
La partie dépouillée reftent alors de la
douleur , de la chaleur , de l'ardeur , de la
cuilTbn , de l'inflarnmation ; elle fe defté-
che , fe retire , répand une tumeur tenue
rougeâtre , fe revêt enfuite d'une croûte ,
jette du pus , s'ulcère , 5c forme une ef-
charre.
On préviendra le mal en oignant la par-
tie expofée à un frottement violent de
quelque corps gras , pour la garantir. Oa
guérit le mal par la fuppreflion des eau-.,
fes de {'excoriation , en couvrant la pirtie
excoriée d'un topique huileux, onctueux,
balfamique , ami des nerfs , & l'ctuvant
avec un liquide un peu aftringent &C anti-
putride , en évitant tout attouchement ,
& l'expofition à l'air nud : dans les exco-
riations internes , il faut injederou prendre
les remèdes les plus adouci (fans.
Voilà qui fuffit pour les excoriations en
général ; mais il furvient fréquemment aux
enfans en particulier des rougeurs & des
excoriations en différentes parties du corps ,
fur-tout derrière les oreilles , au cou &c
aux cuifies. Il eft bon d'indiquer ici le trai-
tement de ces fortes ^'excoriations , qui (ont
très-communes.
Celles des cuifles proviennent ordinai-
rement de l'acrimonie de l'urine , qui à
force de paffer fur l'épiderme l'enlevé , &
infenfiblement lai(Te la peau délicate de
ces jeunes créatures à découvert. On gué-
rira ces excoriations , en balTînant douce-
ment deux ou trois fois par jours les par-
ties excoriées avec de l'eau riede , qui dif-
(budra & emportera avec elle les fels acri-
monieux qui en font caufe. On peut aulTî
délayer dans l'eau de la cérufe réduite en
poudre fine , de la craie ou de l'ardoife cal-
Qqq i
492 E X C
cinée , l'appliquer fur la partie excoriée
aprcs la lotion.
Mais ii l'inflammaticn & l'excoriation
ctoient conlîdérables , il feroit à propos
d'uler en fomentation , deux ou trois fois
par jour , de la folution de trochifques de
blancs rafis dans de l'eau de plantin ; l'on
aura foin en même- temps de ne rien épar-
gner pour que les parties foient feches ,
& pour qu'elles ne le frottent point les
unes contre les autres ; ce que l'on obtien-
dra en employant un peu d'onguent delTî-
catif rouge ou de diaj'ompholyx , & en
interpolant entre les parties des morceaux
de vieux linge fin , cliaud & fec. C'efi: à la
nourrice à avoir ce foin & à y veiller avec
attention. L'enfant ne fait que crier &
pleurer , celui du riche comme celui du
pauvre, celui du prince , comme celui du
berger. Article de M. le chevalier DE Jau-
COURT.
EXCORTICATION, f. f. {Pharmacie.)
eft l'adion de dépouiller quelque chofe de
fa peau ou écorce ; on l'appelle aulli décor-
tication. Foye[ EcoRCE iy DÉCORTICA-
TION,
EXCREMENT , f m. ( Médecine.^ ex-
cremcntum i ce terme ell employé dans un
fens plus ou moins étendu : il lignifie , en
général , toute matière foit folide , foit
fiuide , qui eft évacuée du corps des ani-
maux , psrcc qu'elle eft furabondante , ou
inutile , ou nuilible.
Le fang menflruel eft une matière excré-
mentielle rejetée des vaiflcaux de la ma-
trice , où il étoit ramaflé en trop grande
quantité. Les matières fécales font pouf-
fées hors du corps où elles ne peuvent être
d'aucune utilité pour l'économie animale ,
étant dépouillées de toutes les parties qui
pourroient contribuer à la formation du
chyle. L'urine , la matière de la tranfpira-
tion , font auffi féparées de la ma (Te des
humeurs, où elles ne pourroient que porter
la corruption , qu'elles commencent à con-
iraâ:cr elles-mêmes. Prefque toutes les hu-
meurs excrémenriclles font formées des re-
crémens , qui ont dégénéré à force de fervir
aux differcns ufages du corps. Fbye^ Recré-
MKNT , Sécrétion.
Le mot excrément , employé feul , eft
plus parwculiéitmciic deftiné à déiîgner la
E X C
partie grolTîere , le marc des alimens &
des fucs digeftifs , dont l'évacuation fe fait
par le fondement : on y comprend auifi
vulgairement l'urine : ce font les excrémens
les plus abindans du corps humain , fous
forme fenlible. roye^ Déjection , Trans-
piration , Urine. (3)
ExcREMENS , ( Chim. ) yoye[ Fecale
( Matière. )
ExcRÉMENS , ( Chimie & Alchimie. ) Les
alchimiftes n'ont pas lailTé que de travail-
ler fur les excrémens humains ; on a prétendu
en tirer un fel auquel on a attribué de
très- grandes vertus : il faut , dit- on , pour
cela prendre des excrémens après qu'ils ont
été féchés au foleil de l'été. On fait brûler
cette matière jufqu'à ce qu'elle devienne
noire ; on en remplit des creufets ou pots,
ôc on la réduit en cendres au feu le plus
violent , & de ces cendres on tire un fcl
fixe ; ou bien on prend des excrémens
humains dellcchés ; on les arrofe avec de
l'urine épailfie par l'évaporation ; on lailTe
putréfier ce mélange , enfuite on la met
en diftillation ; on mêle enfemble les ditfé-
rens produits qu'on a obtenus , & on réitère
plufieurs fois le mêm.e procédé. Ce travail
eft très- dégoûtant ik d'une parfaite inuti-
lité. Koye^Teichmeyeri.//|yZz;.cA/TOV./'. tjz.
Vaurea caiena Homeri,
EXCREMENTEUX , EXCREMEN-
TIEL , EXCREMENTITIEL , ad), font
des épithetes fynonymes que l'on donne
en médecine à toutes les matières qui font
de la nature des excrémens en général.
Keyf 7 Excrément. (</)
EXCRETEUR ù EXCRETOIRE , fe
dit des conduits par lefquels pa lient les hu-
meurs qui (ont féparées du lang. Voye[
Humeur fi" Glande.
EXCRETION, f. f. terme de médecine, qui
ferr à exprimer en général l'aétion par la-
quelle les différentes humeurs , qui ont été
féparées du fang , font portées hors des
organes fecrctoircs. voyex Sécrétion ,
Excrétoire , Glande.
Le mot excrétion eft auflî employé pour
fignifier particulièrement l'expullion des
matières fécales , des urines , des Tueurs.
On donne auffi quelquefois le nom d'ex-
crétion à la matière même évacuée. Voye^
Excrément, {d)
E X C
EXCROISSANCE, f. f. C Médecine. :>
fe dit en général de toute tumeur contre
nature , (jui fe forme p.ir le méchaiiilme de
l'accroillement fur la furflice des parties du
corps ; amli les verrues (ont des excroiffan-
ces , comme les hfcs , les polypes , lesfar-
concs , (5c. Fojf^ Verrue , Fisc, Polype,
Sarcone. ( (f )
EXCURSION , f. f. terme d'Agronomie.
Les cercles S'excurfiun font des cercles pa-
rallèles à l'écliptique , & placés à une telle
dirtance de ce grand cercle , qu'ils renfer-
men: ou terminent l'cfpace des plus gran-
des excurjlons ou déviations des planètes
par rapport à l'éciiptiquc. Ces excurjions
doivent être fixées à environ 7 degrés ,
parce que les orbites des planètes font
fort peu inclinées à Técliptique , de forie
que la zone qui renferme toutes ces orbi-
tes n'a qu'environ fepc degrés de largeur
d'un coté & de l'autre, yoy. Inclinaison,
Cercle.
Les points où une planète efl: dans fa plus
grande excurjîon , fe nomment limite. Voy,
Limite. ( O)
EXCUSATION , f. f. (Jurifpr.) fe dit
des railon^ & mo/ens que quelqu'un allègue
pour être déchargé d'une tutelle, curatelle ,
ou autre charge publique, voj. Tutelle,
Curatelle.
Loriqu on s'excufe feulement de com-
paroitre en perfonne en julHcc , cette ex-
cufe s'appelle une exuine. Vuye[ Exoine.
(^)
* EXCUSE , f. f. ( Gramm. ) raifon ou
prétexte qu'on apporte à celui qu'on a of-
fenfé , pour atfo:blir à fes yeux la faute
qu'on a commife.
EXE
EXE AT, Cm. i Jurifpr. ) terme latin _
ufité comme françois , en matière ecclé- j
lîartique , pour exprimer la permillîon qu'un
évêque donne à un prêtre de fortir du
diocele où il a été ordonné. Le concile de
Nicée , can. iS Ù ij ; celui d'Antioche ,
can. 3 ; & celui de Chalcédoine défendent
aux clercs de quitter l'églife où ils ont été
ordonnés , fans la permilTion de l'cvêque ;
les évêques des autres diocefes ne doivent
point leur permeure de célébrer la mefFc ni '
EXE
49^
de faire aucune autre fondion ecclcfialh-
que s'ils ne font apparoir de leur exeat , au-
;ic,-i
trement us doivent être renvoyés a leur pro-
pre évèquc. S'ils s'obllineiu à ne point Çis
ranger à ce devoir , ils encourent l'excom-
munication. Le concile de Veriicuil en 844,
renouvelle le décret du concile de Chalcé-
doine. Le dimllloire ell dilîérent de Vexent,
le premier étant une permilFion d'aller re-
cevoir la tonlure ou quelque ordre eccléfiaf-
liartique dans un autre diocefe que celui
où on eft né. Les fupérieurs réguliers don-
nent aulli à leurs religieux une clpece à'exeat
pour aller d'un couvent dans un autre; mais
dans l'ufage cela s'appelle une obédience.
Voy. DiMissoiRE , Obédience , Religieux.
{A)
EXEBENUS , ( Hifl. nat. ) pierre d'un
blanc éclatant , & dont Pline die que les
orfèvres fe fervoient pour polir l'or. Hij7.
nat. hb. XXXVIl, cap. x.
* EXECRATION , f. f. ( Grammaire. )
c'eft l'expreirion de l'averlion la plus forte
que l'ame (oit capable de concevoir. Il
le prend auili pour ces fortes de fcrmens ,
par leiquels on appelle , fur les autres ou
fur foi , les vengeances du ciel les plus
terribles.
EXECUTANT, payt. pris fubft. ( Mufij.)
mudcien qui exécute la partie dans un con-
cert ; c'eft la même chofe que concertant,
foyeç Concertant , Exécuter 6* Exe-
cution. ( S )
* EXECUTER , verb. aél. ( Gramm. )
ou réduire en a6be. Il le die au phyfiquc ôc
au moral. On exécute un ouvrage , on exé-
cute une réfolution , un projet , &c.
Exécuter , v. adt. ( Alufique. ) Exé~
cuter une pièce de mufiquc , c'eft chan-
ter & jouer toutes les parties qu'elle con-
tient , tant vocales qu'inftrumentales ,
dans l'eiifemble qu'elles doivent avoir ,
& la rendre telle qu'elle eft notée fur la
partition.
Comme la mufique eft faire pour être
entendue , on n'en peut bien juger que
par l'exécution. Telle partition paroît ad-
mirable (ur le papier, qu'on ne peut enten-
dre exécuter (ans dégoût , & telle autre
n'offre aux yeux qu'une apparence fîmplc
& commune , dont l'e:<écution ravit par
des eâets inattendus. Les petits compoli;
494 EXE
teuis , attentifs à donner de la fymmérrie
& du jeu à toutes leurs parties , paroifîent
ordinairement les plus habiles gens du mon-
de , tant qu'on ne juge de leurs ouvrages
que par les yeux. AulTî ont - ils fouvent
l'adreffe de mettre tant d'inftrumens di-
vers , tant de parties dans leur mufique ,
qu'on ne puilTe rafTemblcr que très-dimci-
lement tous les fujets nécelTaires pour l'exé-
cuter, y S)
EXECUTEUR DE LA HAUTE JUS-
TICE , ( Jurifpr. ) eft celui qui exécute les
jugemens qui condamnent les criminels à
mort ou à quelque peine afflictive.
On l'appelle exécuteur de la haute jujiice ,
parce que les hauts-jufticiers , ce qui com-
prend auflî les juges royaux , font les feuls
qui aient ce que l'on appelle jus gladii, droit
de mettre à mort.
On l'appelle auffi d'un nom plus doux ,
maître des hautes csuvres , à caufe que la
plupart des exécutions à mort , ou autres
peines affliftives , fe font fur un cchaf-
faud ou au haut d'une potence , échelle ou
pilori.
Mais le nom qu'on lui donne vulgaire-
ment eft celui àt bourreau. Quelques-uns
tiennent que ce mot eft celtique ou ancien
gaulois ; & en effet , les bas- Bretons, chez
lelquels ce langage s'eft le mieux confcrvé
fans aucun mélange , fe fervent de ce ter-
me , & dans le même fens que nous lui
donnons. D'autres le font venir de l'italien
sbirro ou birro , qui fignific un archer ou
fatellite du prévôt , dont la fondlion elt répu-
tée infâme. On en donne encore d'autres
étymologies , mais qui n'ont rien de vrai-
femblable.
Il n'y avoir point de bourreau ou exécu-
teur en titre chez les Ifraélites ; Dieu avoit
commandé à ce peuple que les fcntences
de mort fuiïent exécutées par tout le peu-
ple , ou par les accufateurs du condamné ,
ou par les parcns de l'hc-micide , fi la
condamnation ctoit pour homicide , ou
fiar d'autres perfonnes femblablcs , félon
es circonftances. Le prince donnolt fou-
vent à ceux qui étoient auprès de lui ,
Se fur-rout aux jeunes gens , la commif-
lion d'aller mettre quelqu'un à mort ; on
en trouve nombre d'exemples daiis l'écri-
{ure, & loin qu'il y eut aucune infamie
EXE
attachée à ces exécutions , chacun fe faifoît
un mérite d'y avoir part.
Il y avoit aulTi chez les juifs des. gens
appelles tortores , qui étoient établis pour
faire fubir aux criminels les tortures ou pei-
nes auxquelles ils étoient condamnés : quel-
quefois ils fe fervoient de certams fatellites
de leurs préfets , nommés fpiculatores , par-
ce qu'ils étoient armés d'une efpece de
javelot ou pique i mais il femble que l'on
ne fe iervoit de ceux-ci que lorfqu'il s'a-
gilloit de mettre à mort fur le champ , com-
me de couper la tête , & non pas lorfqu'il
s'agiffoit de fouetter , ou faire foufFrir au-
trement les criminels : c'eft de-là que Vexé-
leur de la haute juflice eft nommé , parmi
nous, en latin tortor,fpiculator : on l'appelle
auITî carnifex.
Chez les Grecs cet office n'étoit point
méprifé, puifqu'Ariftote, liv. VI , de fes
politiques , chap. dernier , le met au nombre
des magiftrats. Il dit même que par rapport
à fa nécelTîté , on doit le tenir pour un des
principaux offices.
Les magiftrats Romains avoient des mî-
niftres ou (atellites appelles licîores, lifteurs,
qui furent inftitués par Romulus , ou même,
félon d'autres , par Janus ; ils marchoicnt
devant les magiftrats , portant des haches
enveloppées dans des faifceaux de verges
ou baguettes. Les confuls en avoient
douze ; les proconfuls , préteurs &c autres
magiftrats en avoient feulement fix ; ils
faifoient tout à la fois l'office de fergent
& de bourreau. Ils furent nommés licleurs ,
parce qu'ils lioient les pies & les mains
des criminels avant l'exécution ; ils dc-
lioient leurs faifceaux de verges , foit pour
fouetter les criminels , foit pour trancher
la tête.
On fe fcrvoit auffi quelquefois d'autres
perfonnes pour les exécutions ; car Cicé-
ron , dans la feptieme de fes Verrines ,
parle !du portier de la prifon qui faifoit
l'office de bourreau pour exécuter les ju-
gemens du préteur : aderat , dit-il , janitor
carceris , carnifex prxtoris , mors , terror-
que fociorum , fr civium liclor. On fe fcr-
voit même quelquefois du miniftere des
foldats pour l'exécution des criminels ,
non-feulement à l'armée , mais dans U
EXE
ville même , fans que cela les deshonorât
en aucune manière.
Adrien Beycr , qui ctoit penfionnaire
de Roterdam , fait voir dans un de les
ouvrages , donr l'extrait eft au journal des
favans de ijo^ , p. S8 , qu'anciennement
les juges exécutoient louvcnt cux-mi."mes
les condamnés ; il en rapporre plulieurs
exemples tirés de l'hiftoirc lacrie & pro-
fane ; qu'en Efpagne , en France , Italie
& Allemagne , lorique plulieurs cioient
condamnés au fupplice pour un même
crime, on donnoit la vie à celui qui vou-
loit bien exécuter les autres ; qu'on voit
encore, au milieu de la ville de Gand , deux
ftatues d'airain d'un perc & d'un fils con-
vaincus d'un même crime , où le fils fer-
vit à' exécuteur à fon père \ qu'en Alle-
magne , avant que cette fonftion eut été
érigée en titre d'oflice , le plus jeune de la
communau.é ou du corps de ville en étoit
chargé ; qu'en Franconie c'étoit le nouveau
marié ; qu'à Reutlingue , ville impériale
dt Souabe, c'étoit le confeiller dernier reçu i
& à Stedien , petite vdle de Thuringe ,
celui des habitans qui étoit le dernier habi-
tué dans le lieu.
On dit que Witolde , prince de Lithua-
nie , introduifit chez cette nation que le
criminel condamné à mort eût à fe défaire
lui-même de f;i main , trouvant étrange
qu'un tiers , innocent de la faute , fût em-
ployé & charge d'un homicide ; mais fui-
vant l'opinion commune , on ne regarde
point comme un homicide , ou du moins
comme un crime , l'exécution à mort qui
eft faite par le bourreau , vu qu'il ne fait
qu'exécuter les ordres de la juftice , &
remphr un minillere nécelîairc.
Puftendorf , en fon traité du droit de la
nature & des gens , met le bourreau au
nombre de ceux que les loix de quelques
pays excluent de la compagnie des hon-
nêtes gens , ou qui ailleurs en font exclus
par la coutume Se l'opinion commune ;
& Beyer , que nous avons déjà cité , dit
qu'en Allemagne la fondrion de bour-
reau eft communément jointe au métier
d'écorcheur ; ce qui annonce qu'on la
regarde comme quelque chofe de très-
bas.
Il y a lieu de croire que ce qu'il dit
EXE 495
ne doit s'appliquer qu'à ceux qui font les
exécutions dans les petites villes , & qui
ne font apparemment que des valets ou
commis des exécuteurs en titres établis dans
les grandes villes ; car il eft notoire qu'en
Allemagne ces fortes d'oftîciers ne font
point réputés infâmes , ainli que pluficurs
auteurs l'ont obfervé : quelques- uns préten-
dent même qu'en certains endroits d/Allc-
magn^ le bourreau acquiert le titre & les
privilèges de nobleflé , quand il a coupe
un certain nombre de têtes , porté par la
coutume du pays.
Quoi qu'il en foit de ce dernier ufage ,
il ell certain que le préjugé où l'on eft
en France & ailleurs à cet égard , eft bien
éloigné de la manière dont le bourreau eft
traité en Allemagne. Cette différence eft
fur-tout fenlible à Strasbourg , où il y a
deux exécuteurs, l'un pour la juftice du
pays , l'autre pour la juftice du roi : le
prernier , qui eft allemand , y eft fort
conlidcré : l'autre au contraire , qui eft
françûis , n'y eft pas mieux accueilli que
dans les autres villes de France.
Les gens de ce métier font auiïî en
poiïeffion de remettre les os difloqués ou
rompus , quoique le corps des chirurgiens
fe foit fouvent plaint de cette entreprife ;
il eft intervenu différentes Icntences qui
ont laiflc le choix à ceux qui ont des
membres difloqués ou déiçis de fe mettre
entre les mains des chirurgiens , ou en
celles du bourreau , pour les fra dures ou
luxations feulement, à l'exclu hon de toutes
autres opérations de chirurgie : il en eft
de même en France dans la plupart des
provinces.
Beyer dit encore que quelques auteurs ont
mis au nombre des droits régaliens, celui
d'accorder des provifions de l'office d'exé-
cuteur. Il ajoute que ceux qui ont droit
de juftice , n'ont pas tous droit d'avoir
un exécuteur , mais feulement ceux qui ont
merum imperium , qu'on appelle droit de
glaive ou jufitce de fang.
En France , le roi eft te feul qui ait des
exécuteurs de jujiice , lefquels font la plu-
part en titre d'office ou par commiffion
du roi. Ces offices , dit Loyfeau , font les
feuls auxquels il n'y a aucun honneur at-
taché j ce qu'il attribue à ce que tct office.
495 EXE
quoique trcs-nécellaire , eft contre narure.
C>ettc fonction eft même regardée comme
infâme ; c'eft pourquoi quand les lettres
du bourreau iont fccUées on les jette fous
la table.
Les feigneurs qui ont haute juftice
n'ont cependant point de bourreau , (oit
parce qu'ils ne peuvent créer de nouveaux
offices. Toit à caufe de la difficulté qu'il y
a de trouver des gens pour remplir cette
foniftion. Lorlqu'il y a quelque exécution
à faire dans une juftice leigneuriale , ou
même dans une juftice royale pour laquelle
il n'y a pas d'exécuteur , on fait venir celui
de la ville la plus voilme.
Barthole , lur la loi z , ft. Je publias judi-
ciis , dit que li l'on manque de bourreau ,
le juge peut abfoudre un criminel , à condi-
tion de faire cette fon6tion , ioit pour un
temps 5 foit pendant toute fa vie; & dans
ce dernier cas , celui qui eft condamné à
faire cette fonction , eft proprement feivus
pivnœ : il y a un arrêt du parlement de Bor-
deaux , du 15 avril 1674. V. la Peyrere ,
lettre E.
Si le juge veut contraindre quelqu'uu-
ire perfonne à remplir cette fonébion ,
il ne le peut que difficilement. Gregorius
Tolofmus dit , vix potcji. Paris de Puteo ,
en fon traité de fyndico , au mot manivol-
tus , dit que fi on prend pour cela un men
diant ou autre perlonne vile , il
payer cinq écus pour fon falaire ,
ûureos.
Il s'éleva en l'échiquier tenu à P>.ouen à
la S. Michel 15 n , une difficulté par rap-
port à ce qu'il n'y avoit point d'exécuteur ,
ni perfonne qui en voulût faire les fonctions.
Pierre de Hangtft , qui pour lors étoit bailli
de Rouen , prétendit que cela regardoit
les ftrgens de la vicomte de l'eau ; mais de
leur part ils foutinrent avec fermeté qu'on
ne pouvoir exiger d'eux une pareille (crvi-
lucle ; que leurs prédécelfeurs n'en avoicnt
jamais été tenus , & qu'ils ne s'y allujetti-
roient point ; qu'ils étoient fcrgtns du roi ,
& tenoient leurs fccaux de fa majefté ; que
par leurs lettres il n'étoit point fait men-
tion de pareille chofe. Ce débat fut porté à
l'cchiouier, où prélidoit l'évêque d'Auxerre,
Oii il tut décide qu'ils n'étoient pas tenus
de cetrc fonction ; mais que dans le cas
faut lui
quinque
EXE
où il ne fe trouveroit point d'exécuteur j
ils feroient obligés d'en aller chercher un ,
quand bien, même ils iraient au loin, 5c que ce
îcroit aux dépens du roi , à l'effet de quoi le
receveur du domaine de la vicomte de Rouen
fe'oit tenu de leur mettre entre les mains les
deniers néctlîaires.
Cependant un de mes confrères , parfai-
tement inftruit des ufages du parlement de
Rouen, où il a fait long-temps la profef-
lion d'avocat , m'a alUné qu'on tient poui
certain dans ce parlement que le dernier
des huiffiers ou fergens du premier juge
peut être contraint , lorfqu'il n'y a point
de bourreau , d'en faire les fonctions.
Comme ces cas arrivent rarement , on ne
trouve pas aiiément des autorités pour les
appuyer.
En parcourant les comptes &c ordinaires
de la prévôté de Paris , rapportés par
Sauvai , on trouve que c'ctoient commu-
nément des fergens à verge du châtelec
qui faifoient l'office de tourmenteur juré
du roi au châtelet de Paris. Ce mot toifr-
menteur venoit du latin tortor , que l'on
traduit fouvent par le terme de bourreau.
Ces tourmenteurs jurés failoient en effet
des fonctions qui avoient beaucoup de rap-
port avec celles du bourreau. C'éroient
eux , par exemple, qui faifoient la dépenfe
& les préparatifs nécelfaires pour l'exécu-
tion de ceux qui étoient condamnés au feu ;
ils fourniftoient auiïi les demi lames fer-
rées oii on expofoit les têtes coupées fur
l'échafaud : enfin on voit qu'ils fourniP-
(oient un lîic pour mettre le corps de ceux
qui avoient été exécutés à mort , comme
on voit par les comptes des 1459 , 1441
& 1449.
Cependant il eft conftant que cet office de
tourmenteur juré n'étoit point le mtine que
celui de bourreau : ce tourmenteur ctoit le
même officier que l'on appelle préfentement
quejlionnaire. .
11 eft vrai que dans les juftices où il n'y a I
point de queftionnaire en titre , on fait
fouvent donner la queftion par le bourreau.
On fait néanmoins une différence entre Ij»
queftion préparatoire & la queftion défi-
nitive ; la première ne doit pas être donnée I
par la main du bourreau , afin de ne pas
imprimer une note d'uifamie à celui qui ,
n'eft
EXE
n'eft pas encore condamne à mort : c'eft
apparemment l'elpnt de l'arrêt du 8 mars
1614, rapporcé par Ballet, tome I, liv.
VI, ta. xij , ch. ij , qui jugea que la
Îucihun préparatoire ne devoir pas être
onnéc par le bourreau , mais par un fer-
ment ou valet du concierge : il paroit par-
li qu'il n'y avoit pas de quellionnaire en
titre.
Pour revenir au châtelet , les comptes
dont on a déjà parlé juflifient que les
tourmciueurs jurés n'étoient pas L-s mê-
mes que le bourreau ; celui-ci eft nommé
maître de la haute jufîice du roi ; en quel-
ques endroits , exécuteur de la haute jujlice
& bourreau.
Aiiiii dans un compte du domaine de
1417 , on couche en dépenfe 45 f. paiilis
payés à Etienne le Bré , maître de la haute
juftice du roi , notre fire , tant pour avoir
fait les frais nécelTaires pour faire bouillir
trois faux monnoyeurs , que pour avoir océ
pluficurs chaînes étant aux poutres de la
juftice de Paris , & les avoir apportées eiifoa
hôtel : c'étoit le langage du temps.
Dans un autre compte de 1415 , on
porte 10 f. payés à Jean Tiphaine , exécu-
teur de la haute jufiice , pour avoir dépendu
& enterré des criminels qui étoicnt au
gibet.
Le compte de 1446 fait mention que
l'on paya à Jean Dumoulin , fergent à ver-
ge , qui étoit aullî tourmenteur juré , une
Ibmme pour acheter , à fes dépens , trois
chaiiies de fer pour attacher contre un ar-
bre près du Bourg-la-Reine , & \x pendre
& étrangler trois larrons condamnés à mort.
On croiroit jufques-là que celui qui fit tous
ces préparatifs étoit le bourreau , mais
la fuite de cet article fait connoître le
contraire ; car on ajoute : & pour une
échelle neuve ou lefdits trois larrons furent
montés par le bourreau qui les exécuta t" mit
à mort , 8cc,
En effet , dans les comptes des années
fuivanres il efl; parlé pludeurs fois de ['exé-
cuteur de la haute juflice , lequel , dans un
compte de 1471 , eft nommé maître des
hautes-œuvres ; & l'on voit que le fils avoil
fuccédc à fon pçre dans cet emploi : & en
remontant au compte de 1465 , on voit
qu'il avoit été fait une exécution à Corbeil,
Tome XIII,
EXE 49^
On trouve encore dans le compte de
1478 , que l'on paya à Pierre Philippe , maî-
tre des balles-œuvres , une f^mme pour
avoir abaau Péchafiud du pilori , avoir
rabattu les tuyaux où le fang coule audit
écJiafiud , blanchi iceux & autres chofes-
fembiablcs , qui ont alfez de rapport aux
fondions de l'exécuteur de la haute jupce :
ce qui pourroit d'abord faire croire que
l'on a mis , par erreur , maître des bajes-
œuvres pour maître des hautes-œuvres ; mais
tout bien examiné , il paroît que l'on a en
effet entendu parler du maître des balfes-
œuvres que l'onchargeoit de ces réparations,
fans doute comme étant des ouvrages vils
que perfonne ne vouloir fîire , à caufe du
rpport que cela avoit aux fondions du
bourreau.
Du temps de faint Louis il y avoit un
bourreau femelle pour les femmes : c'ell ce
que l'on voit dans une ordonnance de ce
prince contre les blafphémateurs , de l'an-
née 1164 : portant que celui qui aura mes-
fait ou mefdif , fera battu par la juftice du
lieu , tout de verges en appert ; c'eft à-favoir
//■ hommes par hommes , & la femme par feules
femmes , fans préfence d'hommes. Traité de la
Pol. tome I , p. £46.
Un des droits de l'exécuteur de la haute
jujlice , eft d'avoir la dépouille du patient ,
ce qui ne s'eft pourtant pas toujours obfer-
vé par-tout de la même manière ; car en
quelques endroits les fergens & archers
avoicnt cette dépouille , comme il paroît
par une ordonnance du mois de janvier
1 304 , rendue par le juge & courier de la
juftice féculiere de Lyon , de l'ordre de
l'archevêque de cette ville , qui défend aux
bedeaux ou archers de dépouiller ceux qu'ils
mettoient en prifon , fauf au cas qu'ils
fulfent condamnés à mort , à ces archers
d'avoir les Jiabits de ceux qui auroient été
exécutés.
Uexécuteur de la haute jujlice avoit autre-
fois droit de prife , comme le roi & les
feigneurs , c'elt-àdire , de prendre chez
les uns &: les autres , dans les lieux oii il (e
trouvoit j les provifions qui lui étoient né-
cenaircs , en payant néanmoins dans le
temps du crédit qui avoit lieu pour ces for-
tes de prifcs. Les lettres de Charles VI , du
5 mars 1598^ qui exemptent les habitaus
Rrr
49^ EXE
de Chailly & de Lay près Paris , du droit
de prife , défendent à tous les maîtres de
Thottl du roi , à tous fes fourriers , chevau-
cheurs , ( écuyers , ) à Vexécuteur de notre
haute jujiice , 6' à tous nos autres officiers ,
& à ctux de la reine , aux princes du fang ,
& autres qui avoient accoutumé d'ufcr de
prifti , d'en faire aucunes fur lefdits habi-
tans. h'extcutcur fe trouve là , comme on
voit j en bonne compagnie.
Il eft encore d'ufage en quelques endroits
que {'exécuteur perçoive gratuitement cer-
tains droits dans les marches.
Un recued d'ordonnnr.nces & ftyle du
cliâcelet de Paris , imprimé en 1550 , go-
thique , fait mention que le bourreau avoir
à Paris des droits fur les fruits , verjus , rai-
fins . noix , noilettes , foin , œufs & laine ;
fur les marchands forains pendant deux
mois ; un droit fur le palfage du petit-pont,
fur les chafie-marées , fur chaque malade
de S. Ladre , en la banlieue ; lur les gâ-
teaux de la veille de l'Epiphanie ; cinq fous
de chaque piiorie ; fur les vendeurs de cref
fon , fur Its pourceaux , marées , harengs ;
que fur les pourceaux qui couroient dans
Paris , il prenoit la tête ou cinq fous , ex-
cepté fur ceux de S. Antoine. Il prenoit
auffi des droits fur les balais , fur le poif-
fbn d'eau douce , chenevis , fencvé , & fur
les jufticiés tout ce qui eft au-dellous de la
ceinture , de quelque prix qu'il fût. Préfen-
tement la dépouille entière du patient lui
appartient.
Sauvai en fes antiquités de Paris , tom. II,
pûg. /f^J , titre des redevances Jîngulieres dues
■par les eccléfiùjïiques , dit que les religieux
de S. Martin doivent tous les ans , à l'exé-
cuteur de la haute juJlice , cinq pains & cinq
bouteilles de vn , pour les exécutions qu'il
fait lur leurs terres ; mais que le bruit qui
court que ce jour- là ils le faifoient dîner avec
eux dans le réfcéloire, fur une petite table
que l'on y voir , efl un faux bruit.
Que les religieux de Ste. Geneviève lui
paient encore cinq fous tous les ans le jour
■de leur fête , à cnufe qu'il ne prend point le
droit de havée , qui elt une poignée de cha-
-que denrée vendue fur leurs terres.
Que l'abbé de Saint- Germain-des-Prés
lui donnoit autrefois , le jour de S, Vincent,
patron de fon abbaye , une tête de pour-
EXE
ceau , & le faifoit marcher le premier ï. la
proceffion.
Qiie du temps que les religieux du petit-
Saint-Antoine nourrilloient dans leur por-
cherie , près l'églife , des pourceaux qui
couroient les rues, & que ceux qui en nour-
rilToient à Paris n'oloient les faire lortir,
tout autant que le bourreau en rencontroit,
il les menoit à l'hôtel- Dieu , & la tête étoit
pour lui , ou bien on lui donnoit cinq fous ;
que préientement il a encore quelques droits
fur les denrées étalées aux halles &: ailleurs
les jours de marché.
Ces droits , dont parle Sauvai , font ce
que l'on appelle communém.ent havi:^e , &
ailleurs kavee , havagium , havadium , vieux
mot qui lignifie le droit que l'on a de pren-
dre fur les grains , dans les m.archés , au-
tant qu'on en peut prendre avec la main.
Le bourreau de Paris avoir un droit de
havage dans les marchés , & à caufe de
l'infamie de fon métier , on ne lui lailToit
prendre qu'avec une cuiller de fer blanc,
qui fervo-.t de m.efure. Ses prépofés qui per-
cevoient ce droit dans les marchés , mar-
quoient avec la craie fur le bras ceux & cel-
les qui avoient payé ce droit , afin de les
reconiioître : mais comme la perception de
ce droit occalifinnoit dans les marchés de
Paris beaucoup de rifque entre les prépo-
pofcs du bourreau & ceux qui ne vouloient
pas payer ou fe laitier marquer , il a été
îupprimé pour Paris depuis quelques an-
nées.
h'exécutear de la haute jujiice de Pontoile
avoir auflî le même droit ; mais par accom-
modement il appartient préfentement à l'hô-
pital-général.
Il y a néanmoins encore plulicurs en-
droits dans le royaume où le bourreau
perçoit ce droit ; & dans les villes mêmes
où il n'y a pas de bourreau , lorlque celui
d'une ville voilîne vient y faire quelque
exécution , ce qui elt ordinairtmenc un
jour de marché , il perçoit fur les grains &
autres denrées fon droit de havage ou
havée.
L'exécuteur ne fe faifit de la perfonne du
condamné qu'après avoir oui le prononcé
du jugement de la condamnation.
Il n'eft pas permis de le troubler dans fes
fonctions , ni au peuple de l'infulter j mais
EXE
lorfqu'il mnnqiieà fon devoir , on le punit
(èloii la juftice.
Sous Cliarles VII , en 144^ , lors de la
ligue des Armagnacs pour la maifon d'Or-
léans contre les Bourguignons , le bourreau
étoit chef d'une troupe de brigands ; il
vint oftrir (es lerviccs au duc de Bourgo-
gne , & eut l'infolcnce de lui toucher la
main. M. Duclos , en (on hi /foire de Louis XI,
fait à cette occadon une réflexion , qui c(\
que le crime rend prelque égaux ceux qu'il
alFocic.
Lorfque les fureurs de la ligne furent
calmées , & que les affaires eurent repris
leur cours ordinaire , le bourreau fut con-
damné à mort pour avoir pendu le célèbre
préludent Bridon , par ordre des ligueurs ,
fans fcvme de procès.
Il n'eft pas permis au bourreau de demeu-
rer dans l'enceinte de la ville , à moins que
ce ne foit dans la maifon du pilori , où fon
logement lui ell: donné par les provifions ;
comme il fut jugé par un arrêt du parlement
du 5 1 août 1709.
Cayron , en fon llyle du parlement de
Touloule , liv. Il , tit.jv, dit que {'exécuteur
de la haute jujîice doit mettre la main à tout
ce qui dépend des excès qui (ont capitale-
ment punifîables , comme à la mort, fuf-
tigacion & privation des membres , tor-
tures , gêne , amendes honorables , &
bannilTement en forme , la hart au cou ,
car , dit- il , ce font des morts civiles.
Cette notion qu'il donne des exécutions
qui doivent être faites par la main du
bourreau , n'eft pas bien exaûe ; le bour-
reau doit exécuter tous les jugemens , foit
concradiitoires ou par contumace , qui con-
damnent à quelque peine , en portant mort
naturelle ou civile , ou infamie de droit :
ainli c'eft lui qui exécute tous les jugemens
cmportans peine de mort ou mutilation de
membres , marque & ful^igation publique ,
amende honorable in figuris. 11 exécute
audî le banni(rement , foit hors du royaume,
ou feulement d'une ville ou province ,
lorfque ce bannilTement eft précédé de
quelque autre peine , comme du fouet ,
ainfi que cela ell afTez ordinaire , auquel
cas, après avoir conduit le criminel jufqu'à
la porte de la ville , il lui donne un coup de
pié au cul en ilgne d'expullîon.
EXE 499
Le bourreau n'afïifle point aux amendes
honorables qu'on j npclle/t.'cAej.
Ce n'eft point lui non plus qui fait les
exécutions fous la cuftodc , c'eft à-dire ,
dans la prifon , telles que la peine du car-
can & du fouet , que l'on ordonne quel-
qucfois pour de légers délits coirmis dans
la prifon , ou à l'égard d'cnfans qui n'onc
pas encore atteint l'âge de puberté ; ces
exécutions fe font ordinairement par le
queftionnairc, ou par quelqu'un desgeoliers
ou guichetiers.
Pour ce qui eft delà queftion ou torture,
voye[ ce qui en a été dit ci-devant.
Enfin le bourreau exécute toutes les
condamnations à mort rendues par le
prévôt de l'armée; il exécute auffi les
jugemens à mort , ou autre peine aftliétive ,
rendus par le confeil de guerre , a l'ex-
ception de ceux qu'il condamne à être
palfés par les armes , ou par les baguettes.
(^),
Exécuteur de l'Indult , ( Jurifpr. )
Voye[ Indult.
Exécuteur testamentaire , eft celui
que le défunt a nommé , par fon teftament
ou codicile, pour exécui-er ce teftament
ou codicile , & autres difpolltions de der-
nière volonté.
Il n'étoit pas d'ufage chez les Rom;iins
de nommer des exécuteurs tejiamcntaires ;
les loix romaines croyoient avoir fuftilam-
ment pourvu à l'exécution des teftamens ,
en permettant aux héritiers de prendre
podelTîon , ôc accordant divcrfes a(flions
aux légataires & fidei-commiflaires , &
en privant de l'hérédité les héritiers qui
feroient réfraélaires aux volontés du défunt.
Dans les pays coutumiers , où les di(po-
fitions univerfelles ne (ont toutes que des
legs fujets à délivrance , on a introduit
l'ufage des exécuteurs tejïameiitaires pour
tenir la main à l'exécution des dernières
volontés du défunt ; il n'y a prefqite point
de coutume qui ne contienne quelque dif-
pofition fiar cette matière.
Toutes perlonnes peuvent être nommées
exécuteurs tefiamentaires , fans diftinélion
d'âge , de fcxe , ni de condition : ainfi
les mineurs adultes & capables d'affaires,
les fils de famille , les femmes même eu
R rr 1
500 EXE
puifTiiice de mari , peuvent être nommés
pour une exécution teftamenraire.
Il y a des e>. écuteurs teftarnentaires hono-
raires , c'eft-à dire , qui ne font chargés
que de veiller à l'exécution du reftament,
& non pas de l'exécuter eux mêmes ; &
•dans ce cas ceux qui font chargés de l'exé-
cution cfFtdive, peuvent être appelles,
exécuteurs teftamentair'js onéraires , pour les
diilingiier des premiers qui ne font point
comptables.
Qiioique les exécuteurs teftarnentaires
foicnt ordinairement nommés par teftament
ou codicile , on diftingue encore deux autres
forces à exécuteurs tejlamentaires , les uns
qu'on appelle légitimes. Se d'autres datifs.
Le légitime eft celui auquel la loi donne
le pouvoir de tenir la main à l'exécution
de certaines difpofitions , tel que l'évêque
ou fon économe , & au défaut de l'evéque
le métropolitain , pour procurer le paiement
des legs pieux en faveur des captifs , &
pour la nourriture & entretien des pauvres,
fuivant les loix %8 & ^g , cod. de epifi. &
la novclle 131 , c jx.
L'earéciy/ewrfe/Za/nc/zM/redatlfeft celui que
le juge nomme lorfque le cas le requiert ;
comme on voit en la loi 5 , ff. ^e alimentis,
où il eft dit que le juge peut charger un
d'entre les héritiers de fournu" feul les
alimens légués.
Les loix romaines ne donnent point à
l'évêque l'exécution des autres difpofitions
à caufe de mort , pas même des autres
legs pieux ; il peut feulement procurer l'exé-
cution des difpofitions pieules , lorlque
X'exécuteur tejiamentaire néglige de le faire.
Le eroit canon va beaucoup plus loin ,
car il autorife l'évêque à s'entremettre de
l'exécution de tous les legs pieux , foit
lorfqu'il n'y a pas d'exécuteur tejiùirentnire ,
ou qiTe celui qui cft nomme néglige de
faire exécuter les difpofitions pieules.
C'eft fur ce fondement que quelques in-
terprètes de droit ont décidé que les juges
d'églile peuvent connoître de l'exécution
des tcftamens ; ce qui a même été adopté
dans quelques conçûmes : mais cela a été
réformé par l'ordonnance de 15,9, qui
réduit les juges d'églife aux cau'cs fpiri-
tuelles ic cccléfiaftiqucs ; & les cvêques ne
EXE
font point admis en France à s'entremettre
de l'exécution tleslegs pieux.
La charge ou commillion d'exécuteur tef-
tamentaire n'eft qu'un fîmple mandat , fujet
aux mêmes règles que les autres mandats,
excepté que celui-ci, au lieu de prendre
hn par la mort du mandant , qui eft le
teftateur , ne commence au contraire qu'a-
près fa mort.
V exécuteur tejtamentaire nommé par tef-
tament ou codicile , n'a pas belbin d'être
confirmé par la juge ; le pouvoir qu'il tient
du teftateur & de la loi ou coutume du
lieu , lui fjflit. Il ne peut pas non plus
dans fa fondrion excéder le pouvoir que
l'un & l'autre lui donnent.
La fonction d'exécuteur tejiamentaire étant
une charge privée , il eft libre à celui qui
eft nommé de la refufer , fans qu'il ait
befoin pour cela d'aucune excufe ; & en
cas de refus, il ne perd pas pour cela le
legs qui lui eft fait, à moins qu'il ne pa-
roilïe tait en confidération de l'exécution
teftamentaire ; de forte que s'il accepte ce
legs , il ne peut plus refuler la fondion
dont il eft le prix.
Il ne peut plus aufTî fe démettre de
cette charge , lorfqu'il l'a acceptée , à
moins qu'U ne fur vienne quelque caufe
nouvelle.
Il doit apporter dans fa commiftîon
toute l'attention qui dépend de lui , Se par
coniéqueiit il eft relpontable de fon dol &
de ce qui arriveroit par Ca. faute Se par la
négligence , lans néanmoins qu'il foit tenu
des fautes légères.
Un exécuteur teftamentaire qui ne feroic
chargé que de procurer l'exécution de quel-
que dilpolicion fans avoir aucun manie-
ment des deniers , comme cela fe voit
fouvent en pays de droit écrit , n'eft pas
obligé de faire inventaire , ni de faire au-
cune autre diligence que ce qui concerne
fa commilTion.
Au contraire en pays coutumier où il
eft laili de certains biens du défunt , il
doit aulfi-tot qu'il a connoillance du tef^
tamcnt , faire procéder à l'inventaire, les
héritiers prefomptifs préfcns , ou dûment
appelles ; & en cas d'abience de l'un d'eux
il doit y appeller le procureur du roi ou
de la jufticc du Lieu.
EXE
Dans quelques coutumes , l'exécuteur tef-
tami:ntaire n'ell lai il que des meubles &C
efFcts mobiliers , comme à Pans ; dans
d'autres , comme Berri & Bourbonnois ,
ils lont lailis des meubles & conquets.
D'autres coutumes encore itltraignent
de diverics manières le maniement que doit
avoit {'exécuteur tejiamentaire.
Le tellateur peut pareillement le ref-
traindre , comme bon lui Icmble , par (on
teftameiu ou codicilc.
Il eft aulli du devoir de {'exécuteur tejla-
mentaire en pays coutumier , de faire ven-
dre les meubles par autorité de julhce , de
faire le recouvrement des dettes actives &
des deniers qui proviennent tant des meu-
bles que des dettes actives tx du revenu
des immeubles qu'il a droit de toucher,
dans certaines coutumes , pendant l'année
de Ion exécution teflamentaire. Il doit ac-
quitter d'abord les dettes palîives &: mobi-
liaircs , enluite les legs.
Si les deniers dont on vient de parler
ne fuffifciit pis pour acquitter les dettes &C
les diiporuions du teltateur , {'exécuteur
tefl.imentaire peut vendre des immeubles
ju(^]u'à due concurrence, ainli que le déci-
dent plufieurs coutumes ; en le failant
néanmoins ordonner avec les héri;iers ,
fiute par eux de fournir des denieis luf-
fiians pour acquitter les dettes mobiliaiies
& legs.
Le pouvoir que {'exécuteur tejlamentair e
tient du détunt ou de la loi , lui ell per-
lonnel ; de (urtc qu'il ne peut le commu-
niquer ni le transférer à un autre. Ce pou-
voir finit par la mort de {'exécuteur tef-
tamentaire , quand elle arnveroit avant
que fa commilîîon foit tinie. Il n'eft point
d'ufage d'en faire nommer un autre à fa
place ; c'eit à l'héritier à achever ce qui
rerte à faire.
Lorfque le défunt a nommé plufieurs
exécuteurs tejfamentaires , ils ont tous un
pouvoir égal, ik doivent agir conjointement,
néanmoms en casque l'un d'eux foit abfcnt
hors du pays , l'autre peut valablement agir
feul.
Pendant l'année que dure la commilTîon
de {'exécuieur tejiatntntaire , les Icgataires
des choies ou fommes mobiliaires , peuvent
intenter action contre lui pour avoir paie-
EXE 501
ment de leur legs , pourvu que la délivrance
en (oit ordonnée avec l'héritier. Il peut aulîî
retenir par Tes mains le legs mobilier qui lui
eft fait.
Il ne peut point demander de falaire ,
quand même il n'auroit point de legs , le
mandat étant de fa nature gratuit.
Après l'année révolue , {'exécuteur tefla-
mcniaire doit rendre compte de fa gcftion ,
à moins que le teltateur ne l'en eut ddpcnfé
formellement.
S'il y a plufieurs exécuteurs teflamentai-
res, ils doivent tous rendre compte o>n-
jointernent , fans néanmoins qu'ils foienc
tenus lolidairement du reliquat, mais feule-
ment chacun pcrloiineilcment pour leur
part & portion. Le compte peut être renda
à l'amiable , ou devant des arbitres ; ou Ci
les parties ne s'arrangent pas ainfi , l'exé-
cuteur tejlanitntuire peut être pourfuivi par
jullice.
Les coutumes & les anciennes ordon-
nances ne font pas d'accord entr'elles fur
le juge devant lequel en ce cas doit être
rendu ce compte ; les unes veulent que ce
ioit le juge royal ; d'autres admettent la con-
currence & la prévention entre les juches
royaux & ceux des fcigneurs; quelques cou-
tumes en donnent la connoillance au juge
d'égide , (bit exclufivement , ou par pré-
vention.
Piélentement les juges d'églifc ne con-
noillent plus de ces matières j & fui-
vant l'ordonnance de \Gûj , le compta-
ble doit être pourfuivi devant le juge
qui l'a commis , ou s'il n'a pas été nom-
mé par juftice , devant le juge de fou
domicile.
L'exécuteur tcjlamentaire doit porter en
recette tout ce qu'il a reçu ou dû rece-
voir , fauf la reprife de ce qu'il n-'a pffs
reçu ; il peut porter en dépenfe tout ce qu'il
a dépenfé de bonne foi ; il en eft même
cru à ion lerment pour les menues dépenfcs
dont on n.e peut pas grer de quittance ;
il peut aufli y employer les ftais'du compte,,
attendu que c'eit à lui à les avancer.
S'il y a un reliquat dû par {'exécuteur tcjla-
mentaire , ou par les héritiers , les intérêts
en font dûs , à compter de la clôture da
compte j s'il eft arrêté à l'aiaLible , ou fi. le
502 EXE
compte eft rendu en jullice , à compter de
la demande.
Quand Vexécureur tejiamentaire efl: nom-
mé par juftice , ou qu'il accepte la commif-
fion par un aite authentique , il y a de ce
jour hypothèque fur fes biens ; hors ce cas ,
l'hypothèque n'eft acquife contre lui que
du jour des condamnations. Il en eft de
même de l'hypothèque qu'il peut avoir fur
les biens de la lucceffion. Voye:^ les loix ci-
viles , tic, des teflamens, Ricard , des donat.
part. II , c.j (r' fuiv. les arrêtés de M. de La-
moignon ; 6' Furgoles , tr. des teflam. t. IV ,
com. X , feB. 1 4. {A)
EXÉCUTION , iJarif.) fignifie Vaccom-
plijfement d'une chofe, comme Vexécurion d'un
ade , d'un contrat , d'un jugement , foit
fentence ou arrêt.
Exécution, fignifie auiTî quelque-
fois yi/^e, difcuffion de biens d'un débiteur
pour fe procurer le paiement de ce qu'il
doit.
Execution de biens , voye[ Saisie-
ExÉcuTioN , Saisie - gagerie , Saisie-
réelle.
Exécution définitive d'un a.ù.c ou
d'un jugement , eft raccompliftement qui
eft fait purement & fimplement des claufes
ou difpoh.'ons qu'il renferme fans qu'il y
ait lieu de rien repéter dans la fuite ; à la
diff^-rence de Vexccuiion provifuire qui ptut
être révoquée par le jugement définitif. Mais
fî ce jugement confirme ce qui nvoit été
ordonné par provifion , on ordonne en ce
cas que l'exécuiiun provifoire demeurera dé-
finitive , c'eft-à-dire, qu'elle demeurera
fans retour. (A)
Exécution des jugemens , ^'oye^
Jugemens.
Execution de meubles , voye^ Gage-
rie , Saisie & Execution , Saisie-ga-
gerie.
Exécution parée , parata executio ,
c'eft-à-dire , celle qui eft toute prête , &i que
l'on peut faire en vertu de l'atte tel qu'il eft,
fans avoir befoin d'autre formalité ni d'autre
titre.
En vertu d'un titre qui emporte exécu-
tion parée , on peut fiiire un commande-
ment , & enfuite faiiir (5: exécuter , faifir
réellement.
Ces contrats & jugemens qui font en
EXE
forme exécutoire emportent exécution parée
contre l'obligé ou le condamné ; mais ils
n'ont pas d'exécution parée contre leurs
héritiers légataires , biens tenans , ôc autres
ayant caufe , qu'on n'a.t fait déclarer ce
titre exécutoire contre eux. C'eft pour-
quoi on dit ordinairement que le mort exé-
cute le vif, mais que le vif n'exécute pas le
mort.
L'ufage eft pourtant contraire en Nor-
mandie, fuivant l'art, zxg du règlement de
tG6G. Voye\ le recueil des queft. de M.Breton-
nier , avec les additions au mot groffe de
contrat. CA )
Exécution provisoire , eft celle qui
eft faite par providon feulement , en
vertu d'un jugement provifoire , & en
attendant le jugement définitif, l^'^. ce qui en
eft dit ci-dejfus à l'article Exécution défi-
nitive, {a)
Exécut'on-saisie , voye'i_ Saisie.
Exécution testamentaire , c'eft
l'accompliflément qui eft fait par l'exé-
cuteui teftamentaire des dernières volon-
tés d'un défunt , portées par fon teftamenc
ou codicile. / oye^ ce qui ejî dit ci-deJfus
à l'article Exécuteur testamentaire.
(^) ,
Execution tortionnaire , voye[
Saisie toPvTionnaire.
Exécution militaire, c'eft le
mallucre d'une vide ou le ravage d'un
pays , qu'on permet à des (bldats lorf-
que la ville ou le pays ont refufé de payer
les contributions. Voyei Contribution.
§ EXECUTION , {Beaux- Arts.) Nous
entendons ici , par ce terme, le travail de
l'artifte au moyen duquel il donne à un
objet de fon art les beautés accidentelles
qui en font un ouvrage de goût , doué
d'une énergie efthétique , ou d'une perfec-
tion fenlible. L'artifte fait à cet égard ce
que fait le jouailHer à l'égard d'un diamant
qu'il brillante , & qu'il met en œuvre. Sans
l'art du diamantaire cette pierre ne fcroit
qu'une fimple richefte ; mais en la taillant,
il en fait un bijou. Pareillement une pen-
fée qui par fa vérité enrichit le tréfor de
la philo'ophie , peut devenir , par le travail
de l'artifte , un ouvrage de l'art. C'eft ainfi
que fous la pUime d'Horace tant de penlées
EXE
font devenues des odes charmantes. L'é-
popée même- n'eft à certains égards que
l'hiftoire travaillée par la main du poète,
l'artille n'eft pour l'ordinaire qu'un habile
ouvrier qui par Ton travail lait transformer
des objets communs , en objets de l'art.
Ainh la belle exécution eft ce qu'on exige
principalement de lui. Elle n'eft cependant
pas toujours également néccftaire.
Il y a des objets qui , de leur nature ,
& fans les fecours de l'art , ont toute l'é-
nergie fcnfible qui leur convient ; ceux-là
ont 11 peu befoin d'une belle exccuiion ,
qu'elle leur feroit au contraire nuifible. Un
peintre de portrait , par exemple , qui aura
à peindre un vifage d'une grande beauté ,
fe gardera bien d'y joindre des beautés
accidentelles de quelque genre que ce foit.
Par la même railon le célèbre Vandyck
qui mettoit dans fcs têtes une li grande
vérité, s'ert abftenu pour l'ordinaire de
renchérir par Péxécution fur la belle na-
ture. Ses tableaux ont aftez de beauté pour
plaire fans fecours. Une hiftoire touchante
en elle-même doit être rendue par le pein-
tre avec la plus grande (implicite ; & par
le poëte tragique , fans aucun ornement
épiiodique.
La belle exécution eft une des chofes où
le jugement & la fagacité de l'artifte lui
font très néceflaircs. Quelque belle que
{i)it une pcnfée accclloire, elle fait toujours
un mauvais effet lorlqu'ellc n'eft pas à fa
place , &: qu'elle eft hors d'oeuvre. La de-
vife de i'artifte doit être celle d'un ancien
fage : Rien de trop. Dans les ouvrages de
l'art tout ce qui ne fert pas , nuit. C'eft
peut-être la marque la plus caradlcriftique
d'un artifte du premier ordre, de n'avoir
point d'otnemens fupcrflus. Homère eft
moins orné que Virgile , Sophocle moins
qu'Euripide , Démofthene moins que Cicé-
ron. Au icftc il n'y a point ici de règles à
prcfcrire à I'artifte. C'eft à fon jugement
feul à di£ter le degré de travail qu'il doit
mettre dans Vexécùtion.
Ce qu'on peut obferver en général , à
cet égard, c'eft que dans les ouvrages d'un
gnre tempéré , l'exécution doit être plus
fo g ,ée que dans ceux d'un caraétcre plus
fiei. Qi-.iud celui qui parle n'eft que mé-
diocittuent ému ,_ il peut donner plus d'at-
E X E 505
tention à la tournure de fon difcours qu'il
ne le pourroit s'il etoit dans la fougue d'une
palTion violente. La dcfcription d'un objet
médiocre permet plus d'ornemens que celle
d'un grand objet.
Pour défigner un homme illuftre , il
fuffit de le nommer ; mais une épithete
avantageufe fait honneur à un nom moins
célèbre.
La belle exécution doit avoir pour but
d'ajouter à la force de la (impie penfée.
Elle ne peut donc le rapporter qu'à l'un des
trois genres de l'énergie efthétique , c'eft-
à dire , qu'elle doit frapper ou l'efprit ,
ou l'im igination , ou le coeur ; en général
les accompagnemens tirés d'un genre diffé-
rent de celui qui fait le fujet principal ,
plaifent davantage, Ainh Virgile infère des
morceaux pathétiques dans fon poème di-
dadque (ur l'agriculture. Thomfon pei-
gnant dans ies Saifons la nature inanimée,
y entremêle des fujets moraux & paffion-
nés. Momere joint aux fcenes guerrières
qui font l'objet de l'illiade , des accelToires
d'un genre doux & tempéré.
11 feroit ailé de rapporter plufieurs exem-
ples fur la manière d'augmenter l'énergie
d'une penfée , en la rendant plus dilHnéte ,
plus lumineufe à l'efprit ; on y parvient en
général par la voie des images, des com-
paraifons&des fîmilicudes.
Mais lorfqu'on fe propofe de faire en-
forte que l'imagination (aifille fortement
la penlée , il fe préfente un grand non'^bre
de moyens d'y réiiffir ; nous n'indiquerons
ici que les moins fréquens , & dont l'efFec
eltleplus heureux.
Souvent une circonftance unique & qui
femble minutieufe eft: propre à faire un
tableau frappant , & à lui donn'^r une vie
qu'il n'acquerioit pas à force d'accumuler
les coups de pinceau. L'illiade en fournie
un grand nombre d'exemples ; mais il fuffira
d'en c.ter un feul. Enée blellé par Diome-
de tombe fur fes genoux, & s'appuie du
bras contre la terre. Rien de plus (impie
que ce petit dctiil , & néanmoins les trois
ou quatre mots que le pcëee y emploie
animent le tableau de manière qu'il nous
femble avoir (ous nos yeux le héros bleifé.
L'énergie qui réîulte de ces légères cir-
conrtanccs eft encore plus force , loriiju'au
504 EXE
milieu des images qui occupent principa--
lemenc un de nos Icns , il lurvienc tout à
coup quelque objet qui agit lur un autre
lens. Ainli Homère, après que 1 œil eftralTa-
fié de la vue d'un combat , fait eniorte que
lorcille y participe aulïi. On a vu combat-
tre les héros ; l'un d'eux vient à tomber , le
fon aigu de Tes armes réveille l'ouïe, & l'ima-
ge entière en devient plus animée.
Un autre exemple de l'edct de ce paiTage
fubit d'un fens à l'autre , fe trouve dans le
pctmc de la Noachide. Les perlonnages
renfermés dans l'arche font occupés à s'en-
tretenir ; ils croient , &c le ledeur le croit
avec eux , que le filence de la mort eft
répandu fur toute la face de la terre , &
que hors de l'arche , il n'exifte rien de
vivant. Tout à coup, au milieu de leur en-
tretien , on entend au loin un chien qui
aboie. Ceft le vaifleau d'Og qui palVe auprès
de l'arche; ce lîmple aboiement dans cette
conjondure réveille route l'adivité des for-
ces de l'imagination. ^
Le Pouihn a fu employer le même arti-
fice dans ion tableau des Philillins tour-
mentés de leur plaie ; l'œil eft d'abord vi-
vement faiil à la vue des morts & des
mourans ; il découvre enfuite des objets
qui femblent réveiller le fens de l'odorat.
L'énergie eft complette. ^ ^
H faut encore rapporter à ce même
genre un autre artifice analogue , qui
confifte à entremêler en forme d'accefloires
des êtres fenfibles , à la peinture des obiets
inanimés. Tel eft ce tableau d'Horace : après
que le poëte a dit :
Difiucere nives , redeunt jam gramina
campis
Arboribuf]ue comce.
Mutât terra vices , & decrefcentia ripas
Flumina prœtereunt.
Il ajoute :
Gratta cum nyinphis , gemirtifque fororibus
audet
Docere nuda choroi.
( Od. IK 7. )
Ceft par de nombreufcs penfees de
cette efpcce que Kleift & Thomfon ont
embelli leurs tableaux de la nature. Ce font
fur tout les peintres en payfages qui peu-
vent en cirer un grand parti. Toutes les
EXE
figures ne leur conviennent pas ; une ou
deux, mais bien choilîcs, ajoutent une
grande force au tableau, <l<cfcr\ent à l'ani-
mer. Les paylages ont , aulfi bien que les
tableaux d'hiftoire , leur caractère moral
& pathétique ; mais rien ne fait mieux fen-
rir ce caraéfere que le choix heureux des
hgures. Il faut aux lieux lombres & foli-
taires, un ou deux perlonnages qui fem-
blent enfoncéi dans de profondes médita-
tions ; les contrées ouvertes & L-rtiles
demandent des figures gaies qui viennent
y refpirer la joie ; un déiert atïreux au
contraire ne reçoit que des figures qui
portent l'empreinte du chagrin & de la
mélancolie.
Ceft dans le pathétique , lorfqu'il s'agit
de renforcer l'imprelïion que la pcnfée doit
faire fur le cœur , que la belle exécwion eft
à la fois la plus importante & la plus diffi-
cile. Les ouvrages de l'art ont deux ma-
nières d'exprimer les paffions : ou ils pré-
fentcnt ces paiTions dans les perfonncs qui
les rellèntent , ou ils expofent à nos yeux
les objets qni produilent ces paffîons. Dans
l'un & dans l'autre cas , il peut arriver que
le fujet ait en loi toute l'énergie nécelTaire ,
& alors l'artifte n'y doit rien mettre du
lien j que pourroitfl ajouter au mot de
Célar: fe' toi auj]! mon fils ! qui n'atfoiblit
le lentiment que cette appoftropheà Brutus
exprime ; Qiiand un artifte a le bonheur de
pouvoir, d'un feul trait, rendre dans toute fa
force une paffion violente, qu'il fc garde
bien (fen joindre un lecond. Le fculpteur
du Laocoon, content d'avoir fuffilamment
exprime la douleur de cet infortuné , ne
nous montre point fes cris. Les palTions
violentes le manifeftent d'une manière très-
fimple. il en faut dire autant des objets qui
excitent en nous ces palTions ■■, li vus dans
leur état le plus fimple ils fuffifent à pro»
duirc leur effet, on auroit tort de renchérir.
AgaiT.emnon dans le célèbre tableau de
Timante, excite toute la compallion pof-
hblc : quoi de plus touchant que la prvlciice
même d'un père qui afTifte au lacrihce
d'une fille chérie ! quand (on vilage ne L-roit
pas voilé , nous en pourroit-il dire plus que
la prélence feule n'en du î
Les pallions d'un genre moins violent ,
qui laiflenc encore quelque liberté à l'amç.
EXE
k triftefTc , la tendrcfTc , la gaieté , l'amour
& la haine même , fi elles ne font pas por-
tées à l'excès , admettent de l'art dans
Vexicution ; il en eft de même des caufes
qui les excitent; l'art peut les développer,
loifqu'cUes n'agilTent pas tout d'un coup ,
mais par des impulfions (acccTives. La
fcene d'Alcelle dans Euripide , où cette
reine mourante fait fes derniers adieux à
fon époux , à fes enfans , &: à fes domefti-
ques , ell le modèle parfliit d'une belle exé-
cution dans le genre tendrement tragique ,
au moyen du développement des détails ;
l'heureux choix des circonrtances particu-
lières que le poète y fait entrer peut
fervir d'exemple , non - feulement d.\ns
l'art dramatique , mais encore dans celui
de la peinture. Si le morceau n'étoit
pas fi long j nous ferions tentés de l'in-
férer ici ; c'eft un tableau achevé , dans ce
genre.
Les perfonnages & leurs carafteres de-
mandent aulfi un foin particulier dans Vexé-
cutiun , tant en poéfie qu'en peintuie. Nous
ne parlons pas ici des perfonnages princi-
paux , l'adion entière les fut alfez connoî-
trc ; il s'agit des perfonnages ou fubalter-
iies , ou épil'odiques , que la belle exécution
rend feule intéreffans. Elle doit attacher
nos regards affez long-temps fur eux , pour
. que nous les connoillîons , & qu'ils celTent
de nous être indiffirens. Tout perfonnage
qui dans un poème ne feroi: que palier ra-
pidement fous nos yeux , ou qui , oifif dans
un tableau , n'arrêreroit pas pour quelques
iriftanS nos regards, eft un hors d'ccuyre
'' déplacé. L'habile arcifte trouvera mille
moyens d'éviter ce défiut. Un des plus
fimples expédiens , & qui produit toujours
l'effet de jeter quelque intérêt fur un per-
fonnage , c'eft d'en rapporter quelque ef-
pecc d'anecdote , de citer en pallan: , ôr
comme en confidence , quelque trait qui le
caradirife. Homère abonde en artifices de
ce genre ; mais nous fommes trop éloignés
des temps pour lefqucls il écrjvoit. Nous ne
pouvons plus fentir tout l'etlec de fes peti-
tes anecdotes. Milton a imaginé un expé-
dient plus heureux de nous faire faire tout à
coup connoilVance avec divers perfonnages
qui nous fcmbloiep.t inconnus. Nous re-
trouvons :nii;inémen: dans des anges rebel-
Tcme XIII.
EXE 505
les, dont il ne nous avoir appris que le nom,
des divinités connues du paganifme.
La belle exécution dans tous les genres ne
doit pas être portée à l'excès ; c'eft le dé-
faut dans lequel Ovide eft prcfque toujours
tombé , & qui le rend fi fouvent languilTant
ou froid. Dans les aérions où le poëte doic
le hàcer , tout ornement eft dangereux , il y
hiut l'art d'Homère ; mais lorfque l'adlion
eft naturellement ralentie , ou un peu fuf-
pendue , une éxecution ornée , des détails
bien circonftanciés & agréablement rendus,
tels qu'on les trouve dans Homère Se dans
Virgile , font fort à leur place. ( Cet article
ejl tiré de la Théorie gs.iérale des Beaux-Arts
de M. SULZER. )
§ Exécution , f. f. ( Mujîj. ) l'adion
d'exécuter une pièce de mulique.
Comme la mufique eft ordinairement
compofée de plufieurs parties , dont le
rapport cxacl , foit pour l'intonation , foie
pour la mefure , eft extrêmement difficile à
obferver , «Te dont l'efprit dépend plus du
goût que des figiies , rien n'eft Ci rare qu'une
bonne exécution. C'eft peu de lire la mufiquc
exaétement fur la note, il faut entrer dans
toutes les idées du compofiteur , fentir &
rendre le feu de l'exprelïîon , avoir fur-
tout l'oreille jufte &: toujours attentive pour
écouter & fuivre l'enfemble. Il faut , en
particulier dans la mufique françoife , que
la partie principale fâche preder ou ralentir
le mouvement , félon que l'exigent: le gouc
du chant, le volume de voix Se le dévelop-
pement des bras du chanteur -, il faut par
conféquent que toutes les autres parties
foient fans relâche , attentives à bien fuivre
celle - là. Aulli l'enfemble de l'opéra de
Paris , où la mufique n'a point d'autre me-
fure que celle du gefte , feroit-il , à mou
avis, ce qu'il y a de plus admirable en fait
à'exécution ,
Si les François , dit Saint - Evrcmont ,
par le commerce avec les Italiens , font
parvenus à compoler plus hardiment , les
Italiens ont aufti gagiie au commerce des
l-'rançois , en ce qu ils ont appris d'eux à
rendre leur exécution plus agréable , plus
touchante & plus parfaite. Le le£teur (è
paftéra bien , je crois , de mon commen-
taire fur ce partage. Je dirai feulement que
les François croient route la terre occupée
Sss
5o6 EXE
de leur mufique , &c qu'au contraire , dans
les trois quarts de l'Italie , les muficiens ne
favenc pas même qu'il exifte une mufique
françoile différente de la leur.
On appelle encore exécution la facilité de
lire fc d'exécuter une partie inftrumentale ,
& l'on dit , par exemple , d'un fymphonifte,
qu'il a beaucoup à.'exécuiion. , lorfqu'il exé-
cute correctement , f;ins héfitcr , & à la
première vue , les chofes les plus difficiles:
l'exécution priie en ce Tens dépend fur-toi'.t
de deux choies ; premièrement , d'une ha-
bitude parfaite de la touche iSc du doigter de
fon inftrument ; en fécond lieu, d'une gran-
de habitude de lire la muiîque & de phra-
fer en la reganlant : car tant qu'on ne voit
que des notes ilolées , on hélite toujours à
les prononcer ; on n'acquiert la grande fa-
cilité de l'exécution , qu'en les Uiiifiant par
le i^ens commun qu'elles doivent form.er,
& en mettant la chofe à la place du ligne.
C'eft ainii que la mémoire du leéleur ne
l'aide pas moins que fis yeux , &c qu'il li-
roit avec peine ,une langue inconnue , quoi-
que écrite avec les mêmes caraâeres , Se
compofée des mêmes mocs qu'il lit couram-
ment dans la Tienne. { S)
Exécution , f. f. ( Opéra. ) on fe fert
de ce terme pour exprimer la façon dont la
murîque vocale & inftrumentale lont ren-
dues. Il eft difficile de bien connoùre une
conipofition mulîcale de quelque elpece
qu'elle foit , fi on n'en a pas entendu l'exé-
cution. C^-ft de cet enfemble que dépend
principalement l'imprtlîion de plailir ,
ou d'ennui. La meilleure compofition en
muiique p.iroit dél.-.grcable , indpide ,
&c même fatiguante , avec une mauvaife
exécution.
En 1669 l'abbé Perrin & Cambert raf-
femblereui tout ce qu'ils purent trouver de
muficiens à Paris , & ils hrent venir des
voix du Languedoc pour former l'étabhfic-
ment de l'opéra. LuUi qui par la prévoyance
de M. Colberc fut bientôt mis à leur pla-
ce , fe fervit de ce qu'il avoir lous fa main.
Le chant & l'orcheifreétoient dans ces com-
mencemens ce que loiu tous les arts à leur
naiffancc. L'opéra italien avoit donné l'itléc
de l'opcia françois : Lulli qui étoit Floren-
tin , étoit mudcicn comme Pétoient <ie (on
temps les célèbres cginpoiltcurs de delà les
EXE
monts , & il ne pouvoit pas l'être davanta-
ge. Les exécutais qui lui auroient été neccf-
faires , s'il l'avoir été plus , étoient encore
loin de naître. Ses compolîtions furent donc
en proportion de la bonne mudque de fon
temps , & de la force de ceux qui dévoient
les exécuter.
Comme il p.vo'it beaucoup de génie &
de goùc , l'art lous fes yeux , & par fes
foins j faifoit toujours quelques progrès >
& à mefure qu'il le voyoït avancer , Ion
génie auflî faiioiu de nouvelles découver-
tes , ôc créoit des choies plus hardies.
Defpotique fur fon théâtre & dans fon
orcheftre , il récompenfoit les eftoits , &
punifioit à fon gré le défaut d'attention &
de travail. Tout plioit fous lui : il prenoit
le violon des mains d'un exécutant qu'il
trouvoit en faute , &: le lui caiîoi: fur la
tête fans que pcrfonne ofât fe plaindre ni
murmurer.
Ainli l'exécmion de fon temps fut poudée
aulTï loin qu'on devoit natuicilemcnt Pat-
tendre ; i^c la diftance étoit immenfe de l'é-
rat où il trouva l'orcheftre iS>: le chant à l'état
où il les laifik.
Cependant ce que nous nommons très-
improprement /e récitatif (.. y'vye^ Récita-
tif , ) fut la feule partie de l'e^.i'cuiion qu'il
porta 6: qu'il pouvoit porter julqu'à une cer-
taine perfcclion ; il fcrm.a à fon gré les fu-
jets qu'il avoit , dans un genre que per-
fonne ne pouvoit connoitre mieux que lui ;
&c comme il avoit d'abord fa;fi une forte
de d'^clam.ition chanrance qui é'.oit propre
au genre & à la langue , il lui fut Lnlible
de rendre luffilante pour fon temps Pt-récu-
tion de cette partie , fur un théâtre dont il
étoit le niaîtrc abfolu , & avec des fujets
qu'il avoit formés , qui tenoicnt tout de lui,
^ dont il étoit à la fois le créateur &: l'ora-
cle fi'prém.e.
Mais ]'t.xé:ution de la partie inftrumen-
rale ik du chant devoir s'étendre dans la
fuire aulfi loin que pouvoir aller Part lui-
même ; & cet article fufccrptible de com-
binai ions à l'infini , ne faifoit alors que de
naître. Par conféquent l'orchclhe de Lulli,
quoiqu'auffi bon qu'd fût poifiblc , n'étoit
encore , lorlqu'il mourut , qu'aux pre-
miers élémcns. On a be.iu quelquefois fur
cet article employer la charlatancric poui
EXE
perfuader le contraire , tout le monde fait
que du vivant de Lidli , les violons avoient
befoin de recourir .\ des founlincs pour
adoucir dans certaines occalîons ; il leur
felloit trente repétitions , & une étude
pénible, pour jouer pallablcmtnc des mor-
ceaux qui paroi{Tcnt aujourd'hui au>: plus
foibles écoliers fans aucune didiculcé. Voye^^
Qrchestrf;
"Qu'on ne m'oppofe p-jinr les four^lines
dont on fe fert quelquefois dans les orchef-
tres d'Italie. Ce n'elt point pour faire les
doux qu'on y a recours. C'ell pour pro-
duire un changement de Ton , qui fait ta-
bleau dans certaines circondances, comme
loiiqu'on veut peindre l'horreur d'un ca-
chot fombre, d'une caverne obfcure,£'c.
De même le chant brilUnt , léger , de
tableau , de grande force , les chœurs de
divers deilîns , & à pluiicurs parties en-
chaînées les unes aux autres , qui produi-
fent de h agréables effets , ces duo , ces
trio favans Se harmonieux , ces anettes
qui ont prefqi'.e tout le Taillant des grands
aria d'Italie, Tins avoir peut-être aucuns
des défauts qu'on peut quelquefois leur
reprocher ; toutes ces ililfércnces parties
enlîn de la muhque vocale , trouvées de
nos jours, ne pouvoient venir dans l'tfprit
d'un compoiiteur qui connoifloit la foiblelle
de lès lujets. Le récititif d'ailleurs, la
grande fcene fuflîfoit alors à la nation à
laquelle LuUi devoir plaire. Les pocmcs
immortels de Q;.iinault étoient tous coupés
pour la déclamation : la cour 5i la ville
étoient contenues de ce genre •, elles n'a-
voient ni ne pouvoient avoir l'idée d'un
autre.
L'art s'eft depuis développé : les pro-
grès qu'il a faits en France font en pro-
portion avec ceux qu'il a faits en Italie ,
où l'on a naturellement une plus grande
aptitude à la mufique i & comme les com-
pofitions de Pergokfe , de Hendel, de Lco ,
Ùc. font infiniment au-dtfius de celles du
Carijfimi , de Corelli , &c. de même celles
de nos bons maîtres françois d'aujourd'hui
font fort fnpérieures à celles qu'on adm.i-
roit fur la fin du dernier fiecle. L'exécution
a fuivi l'ait dans fcs différentes mar-
chés ; leur progrès ont été & dû erre né-
ccirairemenr les mêmes. Les routes trou-
E X E 507
vées par les cc^mpolîteurs ont dû indit-
pcnfablement s'ouvrir pour les exécutans;
à mefure que l'art de la navigation a pris
des accroillèmens par les nouvelles décou-
vertes qu'on a faiies , il a fallu auflfi que
la manœuvre devint plus parfaite. L'une
a été une luite néceiraire de l'autre.
Ainli en examinant de fang froid &
avec un peu de réflexion les ditférences
fuccefïives d'un genre defliné uniquem.ent
peur le plaiiir ; en écartant les déclama-
tions que des intérêts (ecrets animent ; en
fe dépouillant enfin des préjugés que l'ha-
bitude &C l'ignorance feules accréditent,
on voit qu'd n'elt rien arrivé de nos jours
fur la mufique qui ne lui foit commun
avec tous les autres arts. La peinture ,
la poéfie , la fculpt.ure , dans toutes leurs
différentes tranfmigrations des Grecs chez
les Romains, de chez les Romains dans
le rtde de l'Italie , Se enfin dans toute
l'Europe , oiit eu ces mêmes développe-
mens. Mais ces arts ont avancé d'un pas
pkis rapide que la mufîque , parce que
!ei.ir perfeûion dépendoic du génie feut
d.e ceux qui ont compofé. La mufique
au contraire ne pouvoit parvenir à la per-
iedion , que lorfque Vex.'cution auroit été
portée à un certain point ; il falloit au génie
le concours d'un très-grand nombre d'ai-
tiftes diiiérens que le temps pouvoit feul
former. M. Rameau a faih le moment :
il a porté Vexccuiion déjà préparée en Fran-
ce par le travail & l'expérience de plus de
foixante ans , à un degré de perfeûioii
égal à celui de (es compofitions dramati-
que?. Foyt^ Chanteur , Orchestre ,
EXÉCUTOIRF. , ( Jurifprud. ) fe dit
de tout ce qui peut être mis à exécution ,
comme un adle ou v.v. contrat exécutoire,
une fentence , arrêt , ou autre jugement
exécutoire.
Exécutoire de Dépens, eftunecom-
milïîon en parchemin nccordce par le juge ,
& délivrée par le greffier , laquelle permet
de mettre à exécution la taxe qui à été faite
des dépens,
Lorfque c'efl la partie qui obtient l'exécu-
toire , cela s';'ppelle lever l'exécutoire ; lorf-
! que le juge en accorde d'office contre une
I partie civile ou Ç-^ï le domaine du roi ou
S s s i
5o8 EXE
de quelque autre feigneur pour les frais
tl'iinc procédure criminelle , cela s'appelle
décerner exécutoire. Voye[ les art. iGÙ tj
du lit. XXV de l'ordonnance de iGjO.
Les exécutoires qui font accordés par
les juges royaux & autres juges inférieurs ,
font intitulés du nom du juge: ceux qui
émanent des cours fouveraines , lonc inti-
tulés du no:)i du roi.
Celui qui n'eft pas content de l'exécu-
toire, peut en interjeter sppel de même
que de la taxe , excepté pour les exécu^
toires émanés des cours fouveraines , où
l'on pourvoit par appel de la taxe & par
«ppolition feulement contre Vexécutoire ,
fuppofé qu'il n'ait pas été délivré contra-
dictoircment. Voye-^ Contrainte par
CORPS , DÉPENS & iTERATO. {A)
Exécutoire {forme ) , cP: celle qui eft
néceflaire pour mettre un aéfe à exécution ,
comme à Paris , qu'il foie en parchemin,
& intitulé du nom du juge ; cette forme
n'eft pas par-tout la même. Vc^e^;^ le re-
cueil de quejî. de Brctcnier, avec les additions
au mot Grosse. {A)
Exécutoire nonobstant l'appel ,
c'eft-à-dire ce qui peut être mis à exécu-
tion , ftins que l'appel puiiTc l'empêcher ;
dans les jugemens qui doivent avou une
exécution provifoire , on mec ordinaire-
ment à la Hn ces mots , ce qui fera exé-
cuté nonobfîant l'appel , & fans préjudicicr ,
c'eft-à-dire, que l'appel n'cmpêchcia pas
l'exécution , mais que cette exécution
provifoire ne fera pas de préjugé contre
l'appel. {A^
Exécutoire par provision, c'cft ce
que l'on n'exécute qu'à la charge de rendre
en définitive s'il y échet, Fbjf^ ci devant
Exécution dh^ixitive. {A)
EXEDRES , f f. ( Hift. anc. ) ctoient
anciennement les lieux où les philolophes ,
les rhétheurs , les fophiftes avoient coutume
de tenir leurs conférences & de difjiuter
entr'eux.
Ce mot vient du grec {|//pit, qui flgnilîc
la même chofe. M. Perrault croit que les
txedres étoient des e(peces de petites aca-
démies où les gens de lettres s'aflcmbloienr.
i^oycT^ Académie.
Cependant Budée prétend que ce que les
snciens rprcl'oicnt cxîcrcs ^ lépondoit plu-
EXE
tôt à ce que nous appelons chapitres dans '
les cloîtres où d;ins les églilcs collégia-
les ( G J
EXtGE5E NU MÉRICLUE «M LI-
NÉAIRE, lignifie , dans l'anciene algchre ,
{'extraction numérique ou linéaire des racines
équations, c'eft-à-dire, la fblution numé-
rique de ces équations , ou leur conftruc-
tion géométrique. Voye^ Equation ,
Construction , Racine. Viete s'tft
fervi de ce mot dans Ton algèbre. J'oye[
Algedre.
Exégèse , f, f. ( Hijl. ù Belles- Lettr. ) fe
dit d'une expUcation ou cxpofition de quel-
ques paroles par d'autres qui ont le même
fens , quoiqu'elles n'aient pas le même Jon.
Ainii plufieurs interprètes de la Bible
croient que dans les pallages de l'écriture
où l'en trouve abba yaier , dont le premier
eft fyriaque , & le fécond eft latin ou grec,
ce dernier n'eft ajouté que par exegefe , &
pour faire entendre ce que le premier fi-
^nihç. l'cye'{ Ab. Chamhers.^G)
EXEGETES , f. m. ( Hijl. anc. ) étoient
chez les Athéniens des pevfonnes fiivantes
dans les !oix , que les juges avoient coutume
de conildter dans les caufes capitales.
Ce mot eft grec , ï?>i>i(TiiV , & vient
à'riyi'^fj.ctt , je conduis. Les i xegetes éioicm
les interprètes des loix. Diccionn. de Trév.
&C Chambcrs. (G)
EXEGETIQUE, f f . terme de l'ancienne
algèbre; c'eft amfi que Viete appelle l'art
de trouver les racines des équations d'un
problème , foit en nombres , loic en lignes,
(clon que le problème eft numérique ou
géométrique, f^oyc^ Racine , Eci.uATiON ,
&c. Voyez ûz^^ExEGESE. (C)
EXEMPLAIRE , ad). ( Jurifp. ) fe dit de
la fubftitution qui eft faite par les parens
à leurs cnfans tombés en démence. Cette
fubftitution a été furnommée exemplaire ,
parce qu'elle a été introduite à l'exemple
de la pupillation. Voyei Substitu-
tion. (A)
EXEMPLE , f. m. ( Morale. ) aétion vi-
cieulc ou vertueule qu'on fe propofe d'é-
viter ou d'imiter.
Ucxeinpk eft d'une grande efficace ,
parce qu'il frappe plus promptement &
plus vivement que toutes les raifons (Si les
préceptes ; car h rcgle ne s'exprime qu'en
EXE
termes vagues , au lien que l'exemple fait
naître des idées dctern-iir<'cs , & mec la
chofe fous les yeux , que les hommes croient
beaucoup plus que leurs oreilles.
Pien des gens rcgardciu comme un inf-
tindt de la Icule nature , ou comme l'eftet
de la coiiRitution des organes , la force
des exemples y Se le penchant de l'homme à
imiter ; mais ce ne font pas là les feules
caufes de la peiitc qui nous porte à nous
modeler fur les aunes, l'éducation y a
fans doute la plus grande part.
Il ed didicilc que les mauvais exemples
n'entraînent l'homme , s'ils font fréquens
à fa vue , Se s'ils lui deviennent familiers.
Un des plus grands fecours peur l'inno-
cence , c'eft de ne pas connoirre le vice
par les exemples de ceux que nous iréquen-
lons. M. de Bufiy rtpétoit fouvent qu'à
force de trouver rien qui vaille dans fon
chemin , on ne devient rien qui vaille (oi-
même. Il faut un grand courage pour fe
foucenir ftul dans les fcntiers de la vertu ,
quand on eft entouré de gens qui ne les
fuivenc point. D'ailleurs dans les états où
les ma'urs (ont corrompues, la plupart des
hommes ne tirent point de fruit du petit
nom.bre de bons exemples qu'ils voient ; &
dans l'éloigncment ils fe contentent de
rendre avec froideur quelque juftice au
mérite.
Dans les divers gouvernemens, les prin-
cipes de leur contHtution étant entière-
ment diftérens , non-(eulement les exem-
ples de bien & de mal ne font pas les
mêmes, mais IfS fouverains ne fauroicnt
fe modeler les uns fur les autres d'une
manière utile , fixe & durable ; c'ell: ce
que Corneille fait fi bien dire à Augufte:
Les exemples d'autrui fuffireient pour m'inf-
truire ,
Si pur l'exemple feul on pouveit fe con-
duire ;
Mais fouvent l'un fe perd où l'autre s'eji
fauve ,
Et par ou l'un périt , un autre ejl confervé.
Enfin dans toutes les conjonctures de
la vie , avant que de prendre les exem-
ples pour modèles , il faut toujours les exa-
miner fur la loi , cefir-à-dire , fur la droite
raifon : c'eft aux actions à fe former fur
EXE 509
[ elle , & non pas à elle à fe plier pour être
conforme aux actions. Article de M. le che-
valier DE JaUCOURT.
EXE^IPLE , ( arts de la Parole. ) dans
un fens étendu , toute manière de repré-
fenter une notion générale au moyen d'une
idée particulière elt un exemple , ce qui
renferme l'apologue , la parabole , l'al-
légorie , &-C. Mais dans une fignification
plus reftrainte , Vexcmpk eft un cas par-
ticulier allégué dans la vuj de faire mieux
coiinoître ce que le genre ou l'cfpece au-
quel ce cas appartient a de général.
Dans le dilcours ordinaire & dans les
ouvrages didactiques , l'exemple ed d'un
ulage très-fréquent pour éclaircir les pro-
polltions générales , les règles , les défini-
tions ; on s'en fert comme en arithmétique ,
pour apphquer à un cas déterminé l'énoncé
d'ime règle générale. L'orateur & le poëce
ont rarement bcfoin de lecourirà l'exemple ,
dans ce but-B.. Ils ne propofent guère de
notions générales &C abftraites qui ne puif-
(ent être diltinétemenc conçues fans le
ieccurs des exer;iples ; mais ceux-ci leur
fervent fouvent à exprimer d'une manière
plus fenfible , & avec une énergie plus
esthétique , des chofes qui d'ailleurs feroicnc
alTez intelligibles parelles-mêmes.
C'étoit une oblérvation a(!èz fl^cileà com-
prendre , que celle qu'Horace rapporte dans
la première épître, (avoir que chacun eftime
le ion des autres plus heureux que le fien.
Cependant le poète accumule les exemples
pour rendre fa remarque plus fenfible :
O ! fortunati mcrcaores , gravis annis ,
Mlles ait , mulfojamfrocias membralcborc.
Contra mercator navim jaciantibus aujlris ,
Miittia efl potior. . . .
Agricolam laudatjuris legumqueperitus :
llle. . , .folosfelices vivent es clamât in urbe.
L'exemple efthétique peut opérer divers
effets : il peut fervir à prouver d'une manière
fendble la thcfe générale , en nous rappel-
lant des cas que nous avons réellement vus ,
& dont nous fentons toute la vérité. Tel
eft l'exemple que nous venons de rapporter }
il n'y a point de leéteur d'Horace , pour
peu qu'il ait vécu , qui n'ait entendu de
pareils difcours. Cette méth.ode d'incul-
quer , à l'aide d'exemples familiers, des vérités
5 lo
EXE
^Pnérales, eft d'un ufage très étendu en }
pôéfie & en éloquence. C'eft au fond une i
manière de prouver par inducTion, la p.us
propre de roucc-sà perluader. On accumule
pour l'ordinaire divers de ces exemples pour
fortifier la preuve, & on les place ou avant,
ou à la fuite de la thcfe qu'on veut prouver.
C'eft un des talcns les plus neceflaires au
moraUfte, que celui de bien choif.r ces
exemples , & ds Savoir , félon les circonf-
tances , les rapporter avec brièveté , ou
avec naïveté , ou avec une énergie pitto-
refque. ,
Mais quelquefois l'intention du poète ,
ou de l'orateur , en accumulant les exemples,
n^eft point de prouver des cliofes trop
connues pour avoir befoin de preuves; e
but n'eft que d'arrctcr puis long-temps le
lefteur fur une vérité dont û ne lauroit
douter , mais qu'il eft bon de lui remettre
fouvent & fortement fous les yeux ; les
v-rités les plus communes , les mieux con-
nues ont quelquefois befoin d'être incul-
nuées d'une manière qui les rende toujours
pr-fentes à l'eforit. Qui «e fait que la mort
termine fans retour notre carrière ? Horace
néanmoins appuie cette réflexion par divers
exemples :
Cum feincl ocddcrls , & àe tefpleadida Minos
Fecîrit crbitria ,
■Nonîetorqua:cç[tnus, nontefacundia, non te
Re!'hu:t pietas :
Jnfenus nec erum tcnehris Duna pudicum
Libtrat Hippolytum ;
Nec kthaa vclet Thtfeus abrumpere ckaro
Vinculd Piritkoo.
( Lib. IV. 7. )
Ovide eft de tous les poètes celui qui
abonde le plus en exemples de cette efpece ;
chaque propofition générale lui rappelle
.^ la mémoire une vingtaine de cas parti-
culiers, qu'il ne manque pas d'alléguer,
pour que le leékur ait le temps rie bien
s'imprimer la reflexion ou la maxime pro-
poféc. , • , r -
Un troifieme Kit dans lequel on te lert
des exemples, c'eft pour orner la vérité
qu'ils renferment & l.i '■'".drc plus gra-
cieufc. Ainfi Horace , au lieu des exemples
détr.o.iftratifs que nous avons déjà cités.
EXE
emploie alHeurs un exempte naVi^ & pitto-'
refque , pour exprimer la même vérité :
Optât ephippia bos piger ; opta; aran
caballus.
Ainfi la Fontaine, au lieu de dire (Im-
plement que tout homme veut s'élever au-
dedus de fon état , nous allègue trois eJfem-
pUs d'une naïveté charmante :
'lout bourgeois veut bâtir comms les grandi
Jeigneurs ,
Tout petit prince a des ambajfc:dei!rs ;
Tout marquis veut avoir des pcges.
Il n'cft pas poffible de développer ici
toutes les divertes formes dont les exemples
de ce dernier genre peuvent être revêtus.
Tout ce qui rend le coloris gracieux , ou
l'image frappante y eft propre. Qiie d'é-
nergie dans l'exemple d'Horace que nous
allons encore citer ! Le poëte fe propofe
d'établir la thefe générale , que l'opulence
ne juftifie pas l'excès de la dépenfe , &
du luxe des particuliers. Il pouvoit dire
d'une manière vague ôc générale , qu'on
pourroit faire un meilleur ufage de fon
argent ; mais il préfère les exemples^ & les
propofe en forme de queftions prenantes.
Sur eget indignus quifquam , te divite ? Quare
Templa ruuiit antiqua deâm'i Cur improbe carie
Non aliquid patrias tanto emetiris acervo ?
( Serm.on. //. z. to^.')
Au refte , félon le but particulier qu'un
auieur fe propoie , les exemples peuvent
être ou généraux , ou individuels. Vrais
ou inventés à plailîr ; il n'y a point de
règles à prefcrire là-deluis. C'eft à l'orateur
& au pocce à (èntir eux-mêmes ce qui
convient en chaque cas. Dans certaines
occafions on peut augmenter l'énergie
quand après avoir allégué divers exemples
généraux , on- finit par un cas individuel
qui eft fous les yeux de l'auditeur. Un
orateur qui , après avoir rapporté divers
exemples d'infortunés , vient .\ fe cirer lui-
même en dernier exemple , eft li'ir d'exciter
la compaftîon. Combien touchant n'a pa?
dû être cet endroit du plaidoyer de Cicéron !
CumfcVpc aritea , judices, ex iiltorum mifiriis,
(S> ex mets cutis lalwribusque quotidianis ,
fortunatos eos homincs judicarim , qui remoti
EXE
à Jiudiis ambitionis otium , & tranjuillitatem
yiix fecuii func , tum vero in his L. Murccnce
tantis tamquc improvifis pertculu , ita fum
attiino ajjeâus , ut non qucam fatis , neque
communem omnium nojîrani conditioncin , ne-
que hujiis cvcntuin , fortunamqus inijlrari :
qui primum , dum tx honoribui continuis ja-
ntilice mnjorumque fuoruin , unuin afccndtre
gradum di^uitatis coaSus eji , venit in pcricu-
luiR , m & ta quœ rclicla , & h.rc qux ab ipfo
parata jant anutia. Dcinde proptcrjtudium iio-
y.vlaudis , riicin in vcurisdifcrimcn adducitur.
Plus Ils cas foni rccens & près de nous ,
plus ils ont d cnerj3ie , lorfqu'il cl^ quelUon
d'apport^-^r des exemples couchans iS; pathé-
t'qaes. Un malhcriir arrivé dani un pays
éicigné , nous alîccfte bien moins qu'un
icmblable événement dans notre pairie ;
niais rien ne rouclie tant que ce qui fe
p.ilTe près de nous , cc fous nos propres
yeux. ( Cet ariick eJi tiré de la théorie générdie
des beaux-arts de M. Suizer. )
LxEMPLE , ( JJelL's- Lettres. ) arguraenr
propre à la rhétorique , par lequel on mon-
tre qu'une chofe arrivera ou fe fera d'une
telle manière , en apportant pour preuve
un ou plufieurs événemens femblables arri-
vés en pjrcilie occalîon.
Si je vouloij montrer , dit Ariftote , livre
Il , d-: lu rhétorique , que Denys de Syra-
cufe ne demande des gardes que pour de-
venir le tyran de fa patrie, je dirois que
Pililtrjce demanda des gardes ; & que dès
qu'on lui en eut accordé , il s'empara du
gouvcm.cmtint d'Athènes ; j'ajouterois que
Théagine ht In même chofe à Alégare :
j'ailé^uero;s eniuite les autres exemples de
ceux qui font parvenus à la tyrannie par
cette voie, & j'en conclurois que quiconque
demande des gardes , en veut à la liberté de
fa patrie.
On réfout cet argument en montrant la
di^f alité qui le rencontre entre les exemples
Si la chofe à laquelle on veut les appliquer
(G)
* EXEMFi , adj. (.Gramm.) terme re-
latif à quflque loi commune , qui n'oblire
p;Mnt celui q'i on en dit exempt.
ExnMiT DE l'Ordinaire , (Jurifpr.')
fc dit de certains monali:eies, chapitres ik
autres cccléfiafiiqucs , k.it féculiers ou ré-
guliers, qui ne font pas founiis à la jurif-
EXE 51,
didion de l'évêqiie diocéfain, 3: relèvent
de quelqu'autre fupérieur eccléliafHque ,
tel que le métropolitain ou le pape, yoyei
ci-après Exemption, (A)
Exempt , iJunJpr.) eft aulTi un officier
dans certains corps de cavalerie , qui com-
mande en l'abfcence du capitaine & des
heutenans. Ces officiers ont fins doute été
appelles exempts , parce qu'étant au-deffus
des fimples cavaliers , ils font dilpenfés de
faire le même fcrvice. Les exempts , pour
marque de leur autorité , portent un bâtoa
de commandement qui ell d'cbene , garni
d'ivoire par les deux bouts ; c'eft ce que
l'on appelle le bâton d'exempt. Quclquef.ùs
par ce terme , bacon d'exempt , on entend
la place même d'exempt.
Il y a des exempts dans les compagnies
des gardes du corps , qui font des* places
conlidérabies.
Il y a auffl des exempts dans la compa-
gnie de la connétablie , Icfquels font char-
gés , avec les autres officiers de cette com-
pagnie , de notifier les ordres de MM. les
maréchaux de France pour les affaires du
point d'honneur , &c d'arrêter ceux qui font
dans le cas de l'être , en vertu des ordres
qui leur (ont donnés peur cet effet.
Il y a pareiUemi-mt des exempts dans le
corps des maréchauffées , dans la compa-
gnie de robe courte , dans la compagnie
du guet à cheval , & même dans celle du
guet à pié. Ces exempts font ordinairement
chargés de notifier les ordres du roi &
de faire les captures , foit en exécution
d'ordres du roi diredement , ou en vertu
de quelque décret ou contrainte par corps.
Les exempts de maréchaulfée n'ont pas le
pouvoir d'informer , comme il fut jugé
par arrêt du grand confcil du z avril
i6i6. (A)
EXEMPTION , {Jurifprud.) eft un
privilège qui dilpenfe de la règle générale.
Exemption de tailles , c'eft le pri-
vilège de ne point payer de tailles , qui
appartiennent aux eccléfiaftiques , aux no-
bles & autres privilégiés, ^eye:^ Tailles.
Exemption de tutelle , c'eft la dé-
charge de la fonétion de tuteur. {A)
Exemption de l'ordinaire, eft
le droit que quelques monalleres , chapitres
& autres eccléfiaftiques, tant féculiers que
512 EXE
réguliers , ont de n'ctie point fournis à la
jurifdiccion fpiritueHe de l'ordinaire , c'cft
à-dive de leur évéquc diocéfain.
Dans les premiers fiecles de Péglifc ,
tous les eccléliaftiques de chaque diocefe
étoient fournis à leur évêque diocéfain ,
comme ils le font encore de droit commun.
Perfonne alors nétoit exempt de la jurif-
dicbion fpirituc-Ue de l'évêque; monafteres
religieux , abbés , chanoines réguliers &
autres , tout éroit fournis à l'évcque.
On trouve dès le cinquième fiecle plu-
fleurs privilèges accordés aux grands mo-
nafteres , qui ont quelque rapport avec les
exemptions proprement dites. Ces monaf-
teres étoient la plupart fondés ou du moins
gouvernés par des abbés d'une grande répu-
tation , qui s'attiroient la vénération des
fidèles; les évêques en devinrent jaloux,
ce qui donna lieu aux abbés de fe fouftraire
à l'autorité de leur évêque : les uns ne vou-
luren.r reconnoitre pour fupérieur que les
métropolitain, patriarche on primat; d'au-
tres eurent re^:ours au pape , qui les prit
fous fa protc£tion.
Les chapitres , qui étoient pour la plu-
part compcffs de réf.uliers , voulurent auiîî
avoir part à ces cxerrprions ; ce qui eut lieu
beaucoup plus tard par rapport aux chapi-
tres feculiers.
La plus ancienne exemption connue en
France , cfl: celle du monaltere de Lerins ,
qui fut faite par le concile d'Arles en 455.
Les évêques eux - mêmes ont accordé
quelques exemptions , témoin celle de l'ab-
baye de S. Denis en 6^7, qni fut faite
par Landry , évêque de Paris, du confcn-
tement de fon chapitre &c des évêques de
la province (i). 11 paroît néanmoins que
l'ufage ne fut pas toujours uniforme fur ce
point en France ; car les escnptions , tant
des chapitres c]ue des monaflcres , étoient
inconnues fous le regns de Pépin , comme
il paroît par le concile de Verneuil-fur-
Oilè, tenu en yyy.
Ln Orient , les exemptions de l'ordiriairc ,
avec foumiilion au patriarche ou au métro-
politain , furent très -communes : on en
trouve des exemples dès le fixicme ficelé.
Les privilèges ou excii:p:/ons ainfî accor-
EXE
désàquelques monafteres, étoient confirmés
en France par les rois ; on en trouve les for-
mules dans Marculphe, où l'on voit que ces
exemptions n'avoient pas alors pour but de
fouftraire les monafteres à la jurifdiélion
fpiritueHe de l'évêque, mais feulement d'em-
pêcher que l'évêque allant trop fouvent dans
le monaftere avec une fuite i:ombreufe, ne
troublât le filence & la foUtude qui y doi-
vent régner , ut quietajint monajisria : c'eft
le motif ordinaire des anciennes chartes
d'exemptions. C'eft aulTî pour empêcher les
évêques de (e mêler du temporel du m.onaf-
terc , & afin de permettre aux religieux de
fe choiiir un abbé , pourvu qu'il fût béni
par l'évêque du lieu ; d'ordonner que l'évê-
que ne pourroit punir les fautes commifes
Idans le cloître par les religieux que quand
les abbés auroient négligé de le faire ; Sc
j de ne pas permettre que l'on exigeât de l'ar-
gent pour l'ordinaire, ou pour la confécra-
tion des autels.
On rapporte à la vérité quelques chartes
des vij , viij & jx (iecles , par Icfquclles des
monafteres paroilïènt avoir été entièrement
affranchis par les papes de la jurifdiftion
fpiritueHe de l'évêque ; mais les plus habiles
critiques regadcnt ces conccfîions comme
fuppofées , & ce ne fut guère que vers le xj
ficcle que les papes commencèrent à exemp-
ter quelques monafteres de la jurildiction
fpiritueHe des évêques.
Ces exemptions furent révoquées au conci-
le de Lyon en 1015', & blâmées par faint
Bernard , qui vivoit fur la fin du xj fîecle
&c au commencement du xij , & par faint
François , qui vivoit peu de temps après ;
ce qui fuppolc qu'elles n'étoient point ordi-
naires en France : il n'eft même point parlé
alors d'exemptions pour les chapitres féculiersi
& en effet ceux qui font e.iemprsne rappor-
tent pour la plupart que des titres pcftcrieurs
au xij (iecle.
(!>iielquc purs qu'aient pu être les motifs
qui ont donné lieu à ces exemptions , il eft
certain que les <'.rf/;2p//o.'îj perpétuelles font
contraires à l'or.lre naturel & au droit com-
mun ; & que il on les a faites pour un bien ,
elles produifent aulTi fouvent de grands in-
convénicns , fur - tout lorfque les exempts
C i) Cette exemption eft contcilee par tous les favaiis.
ne
EXE
ne font fomnisn aucune piiilTancc dans le
royaii'.ne , comme au métropolitain ou au
primic, & qu'ils font fournis immédiate-
munt au faiiu ficgc;.
Les premiers fonilareurs des ordres meii-
dians firent gloire d ecre fournis à cous leurs
fiipérieurs eccléfiaftiqucs ; ceux qui font ve-
nus euiuicc , guidés par d'autres vues , ont
obtenu des exemptions.
Elles furent fur - tout muUipliées pen-
dant le Ichilme d'A\ignon ; les papes
& les antipapes en .-iccordoient chacun
de leur part , pour attirer ou confervcr
les monafteres ou les' chapitres dans leur
parti.
Toutes ces exemptions accordées depuis
le commencement du fchifme , furent ré-
votjuées par Martin V , avec l'approbation
du concile de Conftance.
Les évèques tentèrent inutilement au
concile de Latran de faire réduire tous
ks moines au droit commun : on révo-
qua feulement quelques privilèges des men-
dians.
On demanda aulTi la révocation des exemp-
tions au concile de Trente ; mais le concile
fe contenta de réprimer quelques abus , fans
abolir les exemptions.
L'ordonnance d'Orléans avoir déclaré
tous les chapitres féculiers & régulierj fou-
rnis à l'évêque , nonobftant toute exemption
ou privilège ; mais l'ordonnance de Blois ,
& les cdits poftérieurs qui y font confor-
mes, paroillent avoir auroriléles exemptions,
lorfqu'elles font fondées fur des titres va-
lables.
La poiîelîîon feule , quoiqu'ancienne &
paifible , eft infuffifante pour établir une
exemption. Cette ma>:ime ell fondée fur
l'autorité des papes S. Grcgoire-le-graud ,
de Nicolas I , & Innocent III , fur celle
des conciles , entr'autres du troifieme con-
cile de Ravenne , en 1514; de ceux de
Tours , en I i 5 6 ; & de Vorcefter , en 1 240 ;
fur les textes du droit canon & l'autorité
des glolTIueurs. Elle a été aulîî établie par
Cujas &: Dumoulin , & par MM. les avo-
cats-généraux Capel , Servin , Bignon &
Talon.
Mais quoique la pollèirion ne fuffife pas
ifculc pour établir une exemption, elle fuffit
feule pour détruire une exemption , parce
Tome XI JI,
EXE 5rî
que le retour au droit commun eft toujours
favorable.
Lesaâes énonciarifs du titre d'exemption,
& ceux même qui paroilTL-nt le confirmer,
font pareillement infutfifans pour établie
feuls ['exemption ; il faut rapporter le titre
primordial.
Les conditions ncceffaires pour la vali-
dité de ce titre , font qu'il fuit en forme
authentique , félon l'ufage du temps où il
a été fait ; que l'évèqne y aie confenti , oui
du moins qu'il ait été appelle , &c que le rot
ait approuvé ['exemption : enfin qu'il n'y
ait aucune claufe abufive dans la bulle;
d'exemption.
Si les claufes abufives touchent la fubftan-"
ce de l'acte , elles le rendent entièrement
nul : fi au contraire la claufe ne touche
pas le fond , elle efl: nulle , fans vicier le
refte de l'ade.
On dilHngue deux fortes A'exem.ptiotis , les
une perfonnelles , les autres réelles. Les pre-
mières (ont celles accordées à un particu-
lier , ou aux membres d'une communauté.
Les exemptions réelles font celles qui font
accordées en faveur d'une cglife (éculiere
ou régulière. Ces deux fortes d'exemptions
font ordinairement réunies dans le même
titre.
Toute exemption étant contraire au droit
commun , doit être renfermée ftiiclement
dans les termes de l'acte , & ne peut rece-
voir aucune extenfion.
En France , lorfqiie les chapitres fécu-
liers qui font exempts de l'ordinaire , font
en poflcflion d'exercer lur leurs membres
une jurifdiétion contenrieufè , & d'avoir
pour cet efiet un oiîïcial , on les main-
tient ordinairement dans leur droit &
polTeifFion , & en ce cas l'appel de l'offi-
cial du chapitre rciîcrcit à l'oiïicialicé de
l'évêque.
Du rclte les chapitre- exempts fcnc fujets
à la jurifdiélion de l'évê<:'--ie , pour la vifite
& pour tout ce qui dépend de fa jurifdic-
tion volontaire.
Ils ne peuvent auffi refufer à l'évêque les
droits iioncrif'ques qui [ont dûs à fa dignité,
comme d'avoir un (lege élevé près de l'au-
tel , de donner la bénédidtion dans l'églile ,
& d'obliger les chanoines à s'incliner pour
recevoir la béiiédidion.
Tct
Si4 EXE
Qiielques cViapirres ont été maintenus
dans le droit de vifitcr les paioiflès de leur
dcjrcndance , à la charge de faire porter à
l'évêque leurs procès - verbaux de villte ,
pour ordonner fur ces procès- veibaux ce
«ju'il jiigeroit à propos.
Lorfque l'officialde ces chapitres féculiers
ne fait pas de pourfuitescontre lesdélinquans
dans le temps prefcrit par le titre du chapi-
tre , la connoifnince des délits eft dévolue à
l'official de l'évêque.
La iurjfdiélion des réguliers cft toujours
bornée à l'étendue de leur cloître ; &
ceux qui commettent quelque délit hors
du cloître , font fujets à la jurifdidlion de
l'ordinaire.
L'évêque peut contraindre les religieux
vagabonds , même ceux qui fe difent
exempts , de reHtrer dans leur couvent ; il
peut m.ême employer contre eux à cet effet
les cenfures eccléfiaftiques , s'ils refufent de
lui obéir.
Les cures qui fe trouvent dans l'enclos
des monafteres , chapitres ou autres églifes
exemptes , font fujettes à la vifite de
l'ordinaire ; &C le religieux ou prêtre
commis à la dederte des facremens &c
chargé de faire les fonélions curiales^ dé-
pend de l'évêque en tout ce qui concerne
ces fonélions & l'adminiftration des facre-
mens.
Quelqu'excmpiion que puilTènt avoir les
féculiers & réguliers , ils font toujours fou-
rnis aux ordonnances de l'évêque pour tout
ce qui regarde l'ordre général de la police
ecclélialliqne , comme l'obfervation des
jeCir^es ^ des fêtes , les proctfïions publi-
ques & autres chofes femblahles , que l'évê-
que peut ordonner ou retrancher dans (on
diocefe , fuivant le pouvoir qu'il en a par
les canons.
Les exempts féculiers ou réguliers ne peu-
vent confeiler les féculiers fans la permif-
llon de l'évêque diocélain , qui peut limiter
le lieu , les perlonnes , le temps & les cas ,
ik. révoquer les pouvoirs quand il le juge
à propor.
Les exempts peuvent auffi prêcher ,
même dans leur propre églife , fans erre
préfentés à leur évêque : ils ne pourroient
le faire contre fa volonté "; & fi c'eft en fa
préfcixc , même dr.ns leur églife , ils doi-
E X E
vent attendre fa bénédidion. Pour prê-
cher dans les autres églifes ils ont beloin
de fa permiffion , qui eft révocable ad
nucum.
Lovfquc les exempts abufent de leurs
privilèges , ils doivent en être privés ,
fuivant la dcdtrine du concile de Latran ,
en izij : de celui de Sens , en 1265 j
d'Avignon, en 1516 , & de Saltzbourg,
en I 586.
Ils peuvent même quelquefois en erre
privés fans en avoir abufé , lorfque les
circonftances des temps , des lieux & des
perionnes exigent quelque changement.
t-' oye[ le traité de txemptiontbus de Jacobus
de Canibus , £■ celui de Baldus ; les Mé-
moires du Clergé , tom. 1 & f^I ; la Bi~
bliot. can. tom. I , p. 60^. Preuves des
libertés , tom. Il , ch. xxxviij. Fcvret,
traité de l'Abus , Itv. Hl , ch. j. les I.oix
eccUfiajîiques de d'Héricourt , part. I, ch.
xj.iyJ)
EXEMPTIONS , ( Finances. ) c'eft un
privilège qui dilpenfe d'une impofition ,
d'une contribution , ou de toute autre
charge publique ii<. pécuniaire , dont on
devroit naturellement fupportcr la part &
portion.
Une exemption de cette efpcce eft donc
une exemption à la règle générale , une grâce
qui déroge au droit commun.
Mais comme il eft jufte & naturel
que dans un gouvernement quelconque ,
tous ceux qui participent aux avantages
de la focictc en partagent aulTi les char-
ges , il ne fauroit y avoir en finances
d'exemption abfolue & purement gratuite ;
toutes doivent avoir pour fondement une
compenfation des fervices d'un autre gen-
re , & pour objet le bien général de la
fociété.
La nobleffc a prodigué fon fang pour
la patrie ; voilà le dédommagement de la
taille qu'elle ne paie pas, i^oyc^ Taille,
Noblesse.
Les magiftrats veillent pour la fùrcté
des citoyens au maintien du bon ordre ,
à l'exécution des loix ; leurs travaux &
leurs filins ccmpcnfcnt les exerriptiuns doue
ils jouiirenr.
Des citoyens aufij riches que définté-
rcilts viennent gratuitement au fccouta
EXE
àc ia. patrie , repèrent en partie la rareté de
l'argent , ou remplacent par le facrifice de
leur fortune , des reirources plus onéreufes
au peuple ; c'eft au peuple; même à les dé-
dommager par des exemptions qu'ils ont fi
bien méritées.
Des étrangers nous apportent de nouvel-
les manufli^tures , ou viennent perfection-
ner les nôtres ; il faut qu'en faveur des fa-
briques dont ils nous enrichilfent , ils foient
admis aux prérogatives des regnicoles que
l'on favorife le plus.
Des exemptions , fondées fur ces princi-
pes , n'auront jamais rien d'odieux ; parce
qu'en s'écartant , à certains égards , de
U règle générale , elles rentreront tou-
jours , par d'autres voies , dans le bien
commun.
Ces fortes de grâces & de diftinctions ,
n'cïciteroient & ne judificroient les mur-
mures du peuple , & les plaintes des ci-
toyens , hommes d'état , qu'autant qu'il arri-
Ycroit que par un profit , par un intérêt pé-
cuniaire , indépendant d'une exemption
très-avantageufe , le bénéfice de la grâce
excéderoit de beaucoup les facrifices que
l'on auroit faits pour s'en rendre digne ; la
véritable compenfation fuppofe nécefTaire-
mentde la proportion : il elt donc évident
que des qu'il n'y en aura plus entre l'exemp-
tion dont on jouit , & ce que l'on aura fait
pour la mériter , on eft redevable du fur-
plus à la fociéré ; elle eft le centre où tous
les rayons doivent fe réunir ; il faut s'en
féparer , ou contribuer dans (a proportion
à fes charges. Quelqu'un oferoit - il Ce
dire exempt de coopérer au bien com-
mun î on peut feulement y concourir diffé-
remment , mais toujours dans la plus exade
ég.iUté.
S'il arrivoit que la naiCHmcc , le crédit ,
l'opulence, ou d'autres conîîdérations étran-
gères au bien public , dérruilident , ou mê-
me altéraflent des maximes il précicufes au
gouvernement , il en réfulreroit , contre la
raifon, 1;> juftice & l'humanité , que certains
citoyens iouiroient dcsplus utiles exemptions,
par la raifon même qu'ils font plus en état de
partager le poids des contributions , Se que
la portion infortunée feroit punie de fi pau-
vreté même, par la lurchr.rge dont elle fe-
roit accablée.
EXE 515
Que les exemptions foient toujours rela-
tives , jamais abfolues , & l'harmonie
générale n'en fouffrira point la plus lé-
gère atteinte ; tout fe maintiendra dans
cet ordre admirable, dans cette belle unité
d'adminiftration , qui dans chaque partie ,
appcrçoit , cmbralTe & foutient l'univer-
falité.
Ces principes ont lieu , foit que les exemp-
tions portent fur les perfonnes , foit qu'elks
favorifent les chofes.
On n'exempte certains fonds , certames
denrées, certaines marchandifes des droits
d'entrée , de ceux de fortic , des droits lo-
caux , qu'en faveur du commerce , de la
circulation, de la confommation &: toujours
relativement à l'intérêt que l'on a de retenir
ou d'attirer , d'importer ou d'exporter le
néceiïaire ou le fl;perflu.
Il ne faut pas au furplus confondre les
privilèges & les exemptions.
Toutes les exemptions font des privilèges ,
en ce que ce font des grâces qui tirent de la
règle générale les hommes Se les chofes a
qui l'on croit devoir les accorder.
Mais les privilèges ne renferment pas feu-
lement des exemptions.
Celles ci ne font jamais qu utiles Se pmc-
mtm pafives , en ce qu'elles di(penfent feu-
lement de payer ou de faire une chofe ; au
lieu que les privilèges peuvent être à la
fois utdes ou honorifiques , ou tous les deuz
enfemble , Se que non-feulement ils difpen-
fent de certaines obligations, mais qu^ls
donnent encore quelquefois le droit de faire
& d'exiger. F. Privilfge pour le furplus
des idées qui les diftinguent &: les caradé-
rifent.
EXEQUATUR, fubft. m. {Jurifprud.)
terme latin qui dans le ftyle des tribunaux ,
s'étoit long-temps confervé , comme s'il
eût été françois. C'étoit une ordonnance
qu'un juge mettoit au bas d'un jugement
émané d'un autre tribunal , portant per-
milTion de le mettre à exécution dans fon
reiTort -, c'étoit proprement un pareatis.
Voyez Pareatis. (^A)
EXERCICE, f. m. {Art. milit.) On
entend par ce terme , dans l'art de la
guerre , tout ce qu'on fait pratiquer aux
' T 1 1 i
5i« E X E
foldats , pour les rendre plus propres au fer-
vice militaire.
Ainfi ['exercice confifte nôn-feulement
dans !e maniemciu des aimes & les évolu-
tions , mais encore dans loutes les aucres
choies qui peuvent endurcir le foldac , le
rendre plus fore & plus en état de fupporter
les fatigues de la guerre.
Dans l'ufage ordinaire , on reftraint le
terme d'exercice au maniement des armes ;
mais chez les Romains , on le prcnoit dans
toute fon étendue. Les exercices regardoient
les fardeaux qu'il falloir accoutumer les
Ibldats à porter; les différens ouvrages qu'ils
croient obligés de faire dans les camps &
dans les fiegcs , & l'ufage &c le maniement
de leurs armes.
Les fardeaux que les foldats Romains
étoient obligés de porter , étoient fort
pefans ; car outre les vivres qu'en leur
donnoit , fuivant Cicéron , pour plus de
quinze jours , ils portoient différens uften-
ftles , comme une fcie , une corbeille , une
bêche, une hache, une marmite pour faire
cuire leurs alimcns , trois ou quatre pieux
pour former les retranchemens du camp,
£'c. Us portoient auffi leurs armes qu'ils
n'abandonnoicnt jamais , & dont ils n'é-
toient pas plus embarradés que de leurs
mains , dit l'auteur que nous venons de
citer. Ces difféiens fardeaux étoient fi
confidérables , que l'hiftoiien Jofephe dit ,
dans le fécond livre de la guerre des juifs
contre les Romains , qu'il y avoir peu de
différence entre les chevaux chargés & les
foldats Romains.
Les travaux des fieges étoient fort péni-
bles , 8c ils regardoient uniquement les
ibldats.
" Durant la paix on leur faifoit faire des
V chemins , conftruire des édifices , &
3> bâtir même des villes entières , fi l'en
»• en croit Dion Caffius , qui l'afiure |
» de la ville de Lyon. Il en cft ainfi de la [
« ville de Doeshourg dans les Pays-Bas
3> Se dans la Grande-Bretagne , de cette
3» muraille dont il y a encore des reftes ,
« & d'un grand nombre de chemins ma-
w jçnifiques. » Nieuport , coût, des Rom.
Vexercice des armes fc faifoit tous les
iours , en rcmps de paix & de guerre , par !
tous lv.i .uld.Ms,. excepté h.s véicians. On I
EXE
les accoutumoit à faire vingt milles de che-
min d'un pas ordinaire en cinq heures d'été,
& d'un pas plus grand, vingt-quatre milles
dans !e même temps. On les exerçoit auffi à
courir , afin que dans l'occafion ils puffcnt
tomber fur l'eimemi avec plus d'impétuofi-
té, aller à la découverte, &c. à fauter , afin
de pouvoir franchir les foffés qui pourroient
fe rencontrer dans les marches & les paffa-.
ges difficiles : on leur apprenoit enfin à na-
ger. " On n'a pas toujours des ponts pour
" pafTer des rivières : fbuvent une armée eft
Il forcée de les traverfer à la nnge , (oit en
" pourfuivant l'ennemi , foit en le retirant :
» fouvent la fonte des neiges , ou des ora-
" ges fubits , font enfler les torrcns ; & faute
» de favoir nager , on voit multiplier les
» dangers. Aulîl les anciens Romains, for-
" mes à la guerre par la'-guerre même , &
» par des périls continuels , avoient - ils
" choifi pour leur champ de Mars un lieu
» voilîn du Tibre : la jeunelTe portoit dans
» ce fleuve la fueur Se la pouilîere de fes
" exercices , ôc fe délalfoit , en nageant ,
» de la fatigue de la courfe. » Vcgece ,
trûd. de M. de Sigrais.
Pour apprendre à frapper l'ennemi , on
les exerçoit à doirner plufiturs coups à un
pieu. " Chaque foldat plantoit fon pieu de
" façon qu'il tînt fortement , & qu'il eût
" fix pies hors de terre : c'eft contre cet
» ennemi qu'il s'exerçoit , tantôt lui por-
» tant Ion coup au vifage ou à la tête ,
>• tantôt l'attaquant par les flancs , &: quel-
» quefois fe mettant en polhire de lui
" couper les jarets , avançant , reculant ôC
» tarant le pieu avec toute la vigueur &
» l'adreffc que les combats demandent. Les
» maîtres d'armes avoient fur-tout attcn-
" tion que les foldats portallènt leurs coups
» fans fe découvrir.. » Vegece , même trad.
que ci-diffus.
On peut voir dans cet auteur le dérail de
tous les AXMcs exercices des foldats Romains:
ils croient d'un ufage général ; les capi-
taines & les généraux mêmes ne s'en dif-
penfoicnt pas dans les occafions impor-
tantes. Plutarquc raporte , dans la vie de
Marins , que ce général délirant d'être
nommé pour f.tire la guerre à Mithridatc ,
»» combattant contre la débilité de (a vieil-
» lefle , ne fai'ioir. point à fe trouver tous
E X E
'„ les jours au champ de Mars , & à s'y
„ exertiter ;ivtc les jeunes hommes , mon-
„ trant (on corps encore difpos &c léger
„ pour manier toutes tortcs ci'armcs , &
„ piquer chevaux. ,, Trad, d'Amyot.
Ce même auteur rapporte auilî que
Pompée , dans la guerre civile contre
Ccfar , excrçoic lui-même fts troupes ,
" & qu'il travailloit autant fa perlonne ,
„ que s'il eût été à la fleur de Ton âge ; ce
»» qui ctoit de grande efficace pour alîurer
j, & encourager les autres , de voir le grand
w Pompée , âgé de cinquante-huit ans,
M combattre à pié tout armé , puis à chc-
w val dégainer fon épée fans difficulté ,
„ pendant que (on cheval couroit à bride
» abattue , & puis la rengainer tout aufïî
X facilement ; lancer le javelot, n<jn-feu-
»' lement avec dextérité, de donner à
>> point nommé , niais aufïl avec force ,
j> de l'envoyer Ci loin qne peu de jeunes
» gens le pouvoient pafftr ». Vie de Fom-
pée d'Amyot.
Il cft aifé de fentir les avantages qui ré-
fultoient de l'ufage continuel de ces exer-
cices. Les corps étoient en état de (outenir
les fatigues extraordinaires de la guerre ,
& il arrivoit, comme le dit Jofcphe, que
chez les Romains la guerre étoit une mé-
ditation , & la paix un exercice.
L'auteur de Ihilloire de la milice fran-
çoife dit, avec beaucoup de vraifemblance,
qu'il y a lieu de conjeéturer que dès Téta-
bliffcmenc de la monarchie françoife dans
les Gsule* , il y avoir exercice pour les fol- .
dats. " Il eft certain , dit-il , qu'on faifoit
des revues dans ce qu'on appelloic le champ ■
ée Mars , £< qui fut appelle le champ de Mai.
On y examinoit avec foin les armes des
foldats, pour voir fi elles étoient en état ;
& cette attention marque qu'on ne négli-
geoit pas les autres chofes qui pouvoient
contribuer au fucccs de la guerre »,
" On commence à voir fous la troifieme
race , dès le temps de Philippe I , ce que
j'ai appelle , dii toujours le P. Daniel ,
Yexercice général ( c'cft celui qui confifte à
accoutumer les (oldats au travail & à la
fatigue. ) Ce fut vers te temps-la que com-
Tncncerent les tournois , où les feigncurs
& les gentilshommes s'exerçoient à bien
«oanicr un cheval , à fe tenir fermes lur
EXE 5,7
leurs étriers , à bien drelTcr un coup de
lance , à le fervir du bouclier , à porter &;
parer les coups d'épées , à s'accoutumer à
fupporter les faix du harnois , & aux autres
chofès utiles & nécediiircs pour bien com-
battre dans les armées : mais pour ce qui
eft de {'exercice particulier , qui confitle
dans les divers mouvemens qu'on fait faire
aux troupes dans un combat , je n'ai rien
trouvé d'écrit fur ce fujet jufqu'au temps
de Louis XL « Hijloire de la milice francoij'e,
tome I , page 276.
Nous remarquons aujourd'hui , dit l'illui-
tre & profond auteur des confidérations fur
les caufes de la grandeur des Romains , " que
nos armées périflcnt beaucoup par le tra-
vail immodéré des foldats ; & cependant
c'étoit par un travail immenfe que les Ro-
mains fe confervoient. La raifon en eft je
crois, dit cet auteur, que leurs fatigues-
étoient 'continuelles ; au lieu que nos fol-
dats partent fanscelTe d'un travail extrême ,
à une extrême oifiveté , ce qui éft la chofc
du monde la plus propre à les faire périr.
Nous n'avons plus une jufte idée des exer-
cices du corps. \]n homme qui s'y applique
trop nous paroîi méprifable , par la laifou
que la plupart de ces exercices n'ont plus
d'autre objet que les agrémens j au lieu
que chez les anciens , tout , jufqu'à la
daafe , faifoit partie de l'art militaire «.
Confidérations fur la grandeur des Romains ,
&c.
L'invention de la poudre à canon a
été la caufe de la ceflation totale , pour
ainfi dire , de tous les exercices propres-
à endurcir le corps & à le fortifier pour
fupporter les grands travaux. Avant cette
époque , la force particulière du corps:
caraétérifoit le héros ; on ne négligeoic
rien pour fe mettre en état de fc fervir
d'armes tort pefantcs. " On voit encore
aujourd'hui dans l'abbaye des Ronccvaux
les maffues de Roland &c d'Olivier , deux
de ces preux fi fameux dans nos roman-
ciers du temps de Charlemagne. Cette
cfpece de maftue cft un bâton gros comme
le bras d'un homme ordinaire ; il eft long
de deux pies ôc demi ; il a un gros anneau
à un bout , pour y attacher un chaînon ou
on cordon fort j afin que cette arme n'é-
chappât pas de la main ; & à l'autre bouç
5i8 EXE
du bAton foir: trois cliainons , auxquels efl
attaché une boule de fer liu poids de hiut
livres , avec quoi on pouvoir certainemenc
aflbmmer un homme armé, quelques bon-
nes que fulîcnt fes armes , quand le bras
qui portoit le coup étoit puiflant. Il n'y a
point d'hommes de ce temps aflez forts pour
manier une telle arme ; c'etl qu'alors on
cxerçoit dès la plus tendre jeunefle les en-
fans à porter à la main des poids fort pelans;
ce qui leur fortifioit le bras ; & par l'habi-
tude ils y acquéroienc une force extraordi-
naire : ce qu'on ne ftrit plus depuis plufieurs
fîecles. " Hifi. de ta milice françoije par le P.
Daniel.
C'eft par des exercices de cette efpece
qu'ils acquéroient cette force de brasqui pro-
duifoicnt ces coups extraordinaires , qu'on
a beaucoup de peine à croire aujourd'hui
Voye\_ ErÉE.
Les armes que l'uf.ige de la potidre a in-
troduites dans les armées , n'exigeant au-
cun effort confidérabie , on s'etl infenfible-
ment déshabitué de tous les exercices qui
pouvoient augmenter la force du corps , &
i'endurcir aux travaux. On ne craint point
de dire qu'on porte un peu trop loin au-
jourd'hui la négligence à cet égard : de- là
vient que notre jeune noblelTc , quoique
pleine de valeur & d'envie de fe (îgnaler à
la guerre > foutiendroic difficilement une
longue fuite de travaux rudes & pénibles ,
le corps n'y étant point allez accoutumé.
On fait combien nos cui rafles , fi légères
en comparaifon de l'armure des anciens
gendarmes, paroilVent incommodes par leur
poids : quel qu'en foit l'utilité^ & la néctl-
fitc , on s'en débarraireroit fouvent dans
l'adion même , fi les réglcm.ens n'obii-
geoient point à les porter. Le défaut A'cxcr-
ckes fatigans eft la caufe de cette eipece
de mollefle. " Ainfi , dit le P. Daniel , ex-
cepté la médiocre fiuigue de l'académie où
palfent les jeunes gens de condition , &
qui confifte à s'accoutumer à manier un
cheval , à en foufFrir les fecouffes , à faire
des arm.cs , ^: ^i quelques autres exercices ,
les foldats , (oit cavaliers , foit fantalTins,
{bnt pour la plupart des fainéans que l'a-
EXE
verfion pour le travail & l'appas de !a li-
cence engagent au fervice , dont plnfieurj
y_ périllcnt , foit^ par la foibleffe de leur
fémpéramcnr, foit parce qu'ils font déjà
ufés de débauche. Ils ne portent pour la
plupart que leurs armes , beaucoup plus
légères que celles des anciens , qui outre
les offenfivcs en avoient de défenfives ,
c'eft-à-dire , des cafqucs , des cuirafft^s , des
bouchers. Dans les campemcns &: dans les
fiegts où ils n'ont guère que le travail des
tranchées, ils demeurent oififs la plupart
du temps. Les plus gros travaux fe font par
des paylans qu'on fait venir des villages
circonvoifins. Je ne parle point ici des offi-
ciers dont la plupart fe piquent autant de
luxe, de déhcatelfe , de bonne chère, que
de valeur & d'application aux fondions de
leurs charges. Quelle différence tout cela
doit-il mettre entre nos troupes & celles
de ces anciens Romains ». Htfi. de la milice
franc, tome II. pag. Go î .
L'exercice des troupes de l'Europe aujour-
d'hui coniifte uniquement dans le manie-
ment des arm-cs & dans les évolutions, f-'oy.
Evolution.
Le m.aniemcntdes armes, qu'on appelle
communément l'exercice, comm.e nous l'a-
vons déjà dit , a pour objet d'hibituer les
foldats à fe fcrvir avec grâce , prom.ptitu-
dc , & accord , des armes propres à l'in-
fanterie, c'eft-à-dire, du fufil avecla bayon-
nette au bout , qui eil: aujourd'hui la feule
arme du foldat.
Cet exercice renferme plufieurs chofês
arbitraires. Ses règles générales , fuivant
M. Bottée , font de faire obferver au fol-
dat une contenance fiere , noble & aifée.
Or comme il eft polTIble que des mouve-
mens qui paroiffeni ailés &c naturels aux
uns ne le foient pas également aux yeux
des autres ; que des temps 5c des pofitions
que les uns jugent nécclfaires, les autres
les croient inutiles ; il arrive de-là que Vexer-
eice n'a point encore eu de règles fixes &
invariables parmi nous C i ) : règles ce-
pendant qui ne feroient pas fort difficiles
à trouver , ii l'on vouloir fe renfermer dans
le pur néceflaire à cet égard , c'cft-à-dire ,
Ci) Ceci t'toit cciit avant l'ordonnance du C mai r755 , qui dccid-j dthnitivemcat tout ce qui a
/•(jpj'oit à Vjxerdee de l'infanterie,
EXE
réduire le maniement des armes aux (euîs f
ir.ouvcinens que le folùar peur exécurcr
devant l'ennemi , & ne pas s'attacher à faire
paroùre une troupe par une cadence ëc
une mcfure de mouvemens , plus propre,
die M. le maréchal de Puyfegur, à donner
de l'aucnnon aux fpeclateurs , qu'à remplir
l'objet capital i qui ejl d'apprendre aux folduts
comment ils doivent fe Jcrvir de leurs armes
un jour d'aclion. Art de la nucrrc , torn. /,
pog. U'-
Ce mcme auteur , après avoir donné un
projet A'exercice qui renrerme tout ce qu'il
y a d'utile djns le maniement des armes ,
obferve qu'il y a bien d'autres chofes dont
il fliut que les foldats foient inflraits; " que
le principal objet du maniement des armes
doit être de bien montrer au foldat comment
il doit charger promptcment Ton fufil , foit
avec la cartouche ou en fe fervant de fon
fourniment pour mettre la poudre dans le
canon , foit que la bayonnette foit au bout
ou non ; comment il doit conduire Ton feu
dans les occafions où il peut fe trouver ;
de l'accoutumer à ne jamais tirer fans or-
dre j 5c fans regarder où il tire , afin de
ne pas faire des décharges mal à propos ,
ainfi que cela arrive tous les jours aux trou-
pes qui ne font pas inftruites de cette ma-
nière ; de le faire tirer au blanc contre une
muraille , afin qu'il voie le progrès qu'il
fait... & comme on eft obligé de charger le
fufil, foie debout , ou un genou en terre,
il faut que ces deux manières de le faire
entre dans ce qui regarde le maniement
des armes ". Art de la guerre, tom. I,
pag. i^y Se i^S.
Ajoutons à ces difîcrentes obfervations ,
qu'il
feroit peut-être nès-urile de faire
connoirre aux loldats toutes les différentes
pièces du fufii , afin qu'il puifle le démon-
ter , le nettoyer , & s'appercevoir plus
facilement des réparations dont cette arme
peut avoir befoin pour être en état de
fcrvice.
Il feroit encore à propos d'apprendre
aux foldats à bien mettre la pierre au fulil,
pour qu'elle frappe à-peu près vers le mi-
lieu de la batterie : car on fiiit que lorf-
que les pierres lont trop long*cs , elles
caflcni au premier coup , & quand elles
EXE 519
font trop courtes , elles ne font point
de feu.
I-iufieurs militaires très-intcUigens pré-
tendent auflTi qu'il faudroit accoutumer les
ioldats à ne pas s'eftrayer des chevaux qui
s'avanceroient fur eux avec impétuofité.
L'expérience^ fait voit qu'un homme ré-
folu, fufEt leul pour détourner un cheval
emporté ou échappé de .''on chemin : c'eft
pourquoi des foldats , bien exercés à voir
cette manœuvre , feroicnt plus difpofés à
faire ferme contre une tro-.ipe de cavalerie
qui voudroit les mettre en défor Jrc.
C'eft le fentiment particulier de M. le
marquis de Santa-Crux.Cet illuflre^ fa-
vant oriicier général dit lur ce fujet : " que
les officiers d'infiimerie doivent , en prc-
fence de leurs foldats , faire monter fur
un cheval fort & robufte tel homme qu'on
voudra choifir, qui viendra fondre cnfuite
fur un {InitaiTin , qui l'attendra de pic fer-
me , feulement un baron à la miin ; & ils
verront qu'en ne faifant que voltiger le
bâton aux yeux du cheval , ou en le tou-
chant à la tête , ce cheval fera un écart
fans vouloir avancer, à moins qu'il ne foie
drelle à ce manège. De-là les ofiiciers ,.
continue M, le marquis de Santa-Crux ,
prendront occafion de repréfenter aux fol-
dats , que fi un cheval s'elfarouche d'un
homme qui tient ferme , n'ayant qu'un
bâton à la main , à plus forte ralfon ils
trouveront que les efforts de la cavalerie
font inutiles contre des bataillons ferres ,
dont les bayonnettcs, les balles & l'éclat des
armes, la fumée Si. le bruit de la poudre fonc
plus capables d'épouvanter les chevaux ».
Rfjlex. milit. tom. III, pag.S^,
A l'exercice, concernant le maniement
des armes , on a ajouté l'exercice du feu ,
com.me le nomme rinllruiTcion du 14 mai
17J4: exercice très-edenticl , qui confille
à accoutumer les troupes à tirer enfem-
ble , ou féparément, par fettion, pelotons,
&c. fuivant qu'on le juge à propos. Voyc^
Feu.
Le fond Se la forme de notre exercice
ordinaire eft fort ancien. Il paroît être
imité de celui des Grecs , rapporté par
Elien dans fon traité de tactique. Le P.
Daniel croit que nous l'avons rétabli &
perfedionné fur h: modèle des liollandoisi
Ç20 EXE
& cela fur ce que M. de Montgommeri de
Coibofon, qui vivoic feus Charles IX , Se
Henri lll , parbin: dans Ion traite de la
milice françoife , de VeXcrcice particulier des
foldats , décrit par Elien , le cornparc avec
celui qui fe faifoic alors en Hollande tous
le comte Maurice , & non point avec celui
qui (e faifoic en France.
On trouve dans le livre intitulé le ma-
réchal de bataille, par Loftelneau , impri-
mé en 1647, l'exercice & les évolutions
en ufage dans les troupes du temps de
Louis XllI.
Louis XIV donna un règlement tur ce
fu'jet en 170^ Comme les troupes avoienc
encore alors des moufquets & des piques ,
on fut obligé de le réformer peu de temps
après , à caufe de la (uppreffion de ces deux
armes , ce qui arriva vers l'année i7G4' Ce
règlement accommodé à l'uuîge des troupes
armées de fufils , qu'on trouve dans le code
militaire de M. Briquet & dans beaucoup
d'autres livres , a été aflez conftamrnent &
uniformément obfervé par toute l'infan-
terie , jufqu'à l'ordonnance du 7 tna' i75o>
qui a introduit beaucoup de changemens
dans l'ancien exercice. Voye\ cette ordon-
nance , l'inftrudion concernant fon exécu-
tion donnée en 1755': "lie du H.iriai
I7J4, qui raflemble tout ce qui avoit ete
précédemment ordonné fur cette matière ;
& l'ordonnance du 6 mais 1 7 f y . ^^. auffi , p.
î3 1 de l'art de la guerre par M. le maréchal
de Puyfegur , tom. 7, à quoi l'on peut réduire
le maniement des armes , pour ne rien faire
d'inutile. .
Les majors des places doivent , Imvanc
les réglemens militaires , faire faire X'exer-
cice général aux troupes de la garnifon
une fois le mois , & les majors des régi-
mens d'infanterie , deux fois la femaine
aux foldats des compagnies qui ne font pas
de garde. Ordonii. de Louis XlP , du IX,
oâ. i66i.
A cet exercice, nccelTaire pour apprentie
aux foldats le maniement des armes donc
ils fc fervent , M. le Marquis de Santa-
Crux voudroit qu'on ajouiâc les exercices
généraux qui peuvent les rendre plus pro-
pres aux ditfcrcns travaux qu'ils outà faire
d.ms les armées. " Il fiuir , dit cet auteur,
V accoutumer les foldats à remuer la terre „
EXE
.. à faire les fafcines & aies pofer ; à planter
.. des piquets, à favoir fe fcrvir de gabions
» pour fe retrancher en formant le fofTé, le
.. parapet , & la banquette dans l'endroit que
.. les ingénieurs auront tracé , ou le parapet
.. & la banquette feulement, prenant la ter-
.. re en dedans de la même manière que cela
.. fe pratique dans les tranchées pour les at-
.. taques des places; car lorfqu'il eft befoiii
» défaire de femblatles travaux, fur-tout
.. à la vue de l'ennemi, les troupes qui ne s'y
» font pas exercées fe trouvent embarraflees
.. & les font imparfaitement ou trop lente-
>• ment. » Réflexions milit. tom. J, p. S^^
de la trad. de M. de Vergy.
Ce même auteur veut aufiî qu'on accou-
tume les foldats à conferver dans les marches
le pain qu'on leur diftribue pour un certain
temps , parce qu'on voit dans divers corps
un fi grand défordre à ce fujet , " que dès
.. le premier jour les foldats vendent leur
» pain ou le jettent pour n'avoir pas la peine
.. de le porter ; & après ils font obligés de
.. voler pour vivre , ou ils font bien ma-
.. lades faute de nourriture , ou la faim
» les fait déferrer. » Marne vol. que ci -devant.
Cet auteur veut encore qu'on inttruife
les fantaflîns à monter en croupe de la
cavalerie, parce que cela eft louvent iie-
ceflaive pour les paflagcs des rivières , I«
marches précipitées, &c II obferve aufli
" que les anciens apprenoient aux foldats
„ à manier les armes des deux mains, &
.. qu'il ne feroit pas inutile que le foldat
» sût tirer de la main gauche dans les dé-
>. fenfes des murailles & des retianche-
.. mens qui ont un angle fort obtus vers
,, la droire , lorfqu'étant à cheval il eft
,. nécelTaire de tirer vers le coté droit :
,. qu'il y auroit également de l'avantage
,. à exercer les cavaliers à fe fcvvir de
„ la main gauche pour le H^bre , (ur-tout
>. lorfque dans lesefcarmouches l'ennemi lui
» gagne ce coté-là , parce qu'alors ils ne
.. peiivent pas fe fcrvir du Hibre avec la
„ main droite , à moins qu'il r.e loit li
.. long , qu'il puiire blcller de la pointe.
.. Les Germains , du temps qu'ils n'c-
.. toient pas moins guerriers qu'ils le font
« aujourd'hui , dit toujours M. de Santa-
v Crus >
EXE
» Crux , accoutumoient leurs froupes â
w foufFrir la faim , lafoif , la chaleur , &
n le froid. Platon ajoute à ce confeil celui
» de les accoutumer à la dureté du lit ; à
» IVgard de ce dernier , les entrepretnurs
n ont grand foitt qu'il fait o'ferv/ : quant
M aux fept autres , quoique les accidens
t> de la guerre y expofent alfez de temps
» en temps , il e(l certain que fi dans une
»> longue paix on n'eft pas expofc neceflài-
» rement à efl'uyer quelque fatigue , il
w faudroit s'accoutumer à celle que le
»} métier force fouvent d'endurer , &c.
Quant â la cavalerie , M. de Santa-
Crux veut que les cavaliers exercent leurs
chevaux à franchir des foflt's , à grimper
fur des montagnes , & à galoper dans
les bois , afin que ces diiïerens obiiacles ne
les arrêtent point dans l'occafion ; que les
chevaux foient habitués à tourner promp-
tement de l'une & de l'autre main ; qu'on
les empêche de ruer , de peur qu'ils ne
meitent les efcadrons en défordre ^ qu'on
^vite avec foin qu'ils ne prennent le mords
aun dents , & qu'ils ne jettent les cavaliers
par terre , qu'ils ne les emportent malgré
eux au milieu des ennemis. A ces avis
généraux , tirés de Xénophon dans fon
traite du g/in'rul de la Cavalerie , M. de
Santa- Crux ajoute qu'il faut accoutumer
les chevaux à ne pas s'épouvanter de la
fumée , du bruit de la poudre , de celui
des tambours & des trompettes dont on
fe fert dans les armées ; il propofe aufli
de mettre aux chevaux des brides qui
les obligent à tenir la tête un peu éle-
vée , afia que les cavaliers foient plus
couverts ; d'avoir des étriers un peu
courts , Iparce qu'en s'appuyant defTus on a
plus de force , & qu'on peut allonger plus
facilement le corps & le bras pour frap-
per , &c. royez. le xxvHj & le xxjx cha-
pitres des rejlcx. tnilit. de M. de Santa-
£rux , tom. I.
_ Les exercices de la cavalerie dont on
vient de parler , font des exercices généraux
qui peuvent lui être très-utiles ; mais à l'é-
gari de ce'ui qui concerne le maniement
des armes , foit à pie foit à cheval , qu'on
appelle ordinairement X exercice a.e la cava-
hrie , nous renvoyons à l'ordonnance du
ai juin 175 j No as obf^rvons feulement
Tome Xlll.
EXE jit
icîfurcefuiet , qu'un point trés-efTentiel
dans cet exercice , c'elî de bien accoutu-
mer la cavalerie à marcher enfembîe , de
manière que les différons rangs de lefca-
dron fe meuvent comme s'ili formoient
un corps fol ide , fans déranger leur ordre
dans aucun cas. Cette méthode , dit la
Noue dans/« d'fc. milit. n donne un grand
fondement à la viâoire. » C'eft par-là
que du temps de cet auteur , la cavalerie
allemande avoit la réputation d'être la
meilleure de l'Europe. Les rangs de cette
cavalerie ne paroifToient pas feulement fer-
rés en marchant & en combattant , »> ains
colle's les uns avec les autres, ce qui proccdey
dit ce favant officier , d'une ordinaire ac-
coutumance qu'ils ont de fe tenir toujours en
corps, ayant appris , tant par connoiffance
naturelle que par épreuve , que le fort em-
porte toujours lefoible. Et ce qui rend bon
témoignage, ajoute- 1- il , qu'ils ne (aillent
guère en ceci eji quand ils font rompus , llsfe
retirent & fuyent fans fe feparer , estant tout
joints cnfemhle ». Dijcours milit. du fei-
gneur de la Noue , pag. ^10.
Terminons cet article par quelques ré-
flexions de r«l. le chevalier de Folard , fur
Y exercice des troupes pendant la paix.
»> Dans la paix , la parefTe , la négli-
gence , & le relâchement des loix mili-
taires , font d'une très-grande conféquence
pour un état ; car la guerre furvenant , on
en reconnoît aulTi-tôt le mal, & ce mal
eii fans remède. Ce ne font plus les mê-
mes foldats ni les mêmes officiers. Les
peines & les travaux leur deviennent in-
fupportables ; ils ne voyent rien qui ne leur
paroiffe nouveau , & ne connoillent rien
des pratiques des camps & des armées. Si
la paix n'a pas été allez longue pour faire
oublier aux vieux foldats qu'ils vivoient
autrefois félon les loix d'une difcipline
réglée & exaâe , on peut leur en rap-
peller la pratique par des moyens doux
& faciles ; mais fi la paix a parcouru un
efpace de plufieurs années , ces vieux fol-
dats, qui font l'ame & l'efprit des corps
où ils ont vieilli , feront morts ou renvoyés
comme inutiles , obligés de mendier leur
pain , à moins qu'ils n'entrent aux inva-
lides * n:ais cette refTource ne fe trouve
pas dans tous les royaumes , & en France
V V V
522/ Ë X E
«même elle n'eft pas trop certaine : fouvent
i;ne infirmité feinte , aidée de la faveur ,
y ufurpe vine place qui n'a été deliinée
qu'aux infirmités réelles : les autres , qui
ne font venus que vers la fin d'une guerre,
auront oublié dans la paix , ce qu'ils au-
ront acquis d'expérience dans les exercices
militaires , & entreront en campagne
très - corrompus & très - ignorans. Les
vieux officiers feront retirés ou places ; s'il
en relie quelques-uns dans les corps , ils'
jîafTeront ( fi la corruption ne les a pas
gagnés ) pour des radoteurs & des cen-
Ifcurs incommodes parmi cette foule de
jeunes débauchés & de fainéans fans appli-
cation & fans expérience. Ceux qui aime-
ront leur métier fans l'avoir pratiqué, pour
être venus après la guerre , feront en fi
petit nombre, qu'ils fe verront fans pou-
voir , fans autorité , inconnus à la cour ;
& ce fera une efpece de prodige s'ils peu-
vent échapper aux railleries & à l'envie
des autres , dont la conduite eft diffé-
rente de la leur. Je ne donne pas ceci ,
die M. de Folard , comme uns chofe qui
peut arriver , mais comme un fait d'expé-
rience journalière. . . . Mais faur-il beau-
coup de temps pour corrompre la difci-
pline militaire & les mœurs des foldats &
des ofhciers ? Bien des gens , fans aucune
expérience du métier , fe l'imaginent ; ils
fe trompent , un quartier d hiver fuffit...
Les délices de Capoue font célèbres dans
rhil^cire : cène fut pourtant qu'une affaire
de cinq mois d'hiver ; & ces cinq mois
firent plus de tort aux Carthaginois , que
la bataille de Cannes n'en avoit fait aux
Romains. »>
Pour éviter ces inconvéniens , M. de
Folaid propofe " de former plufieurs
camps en été , où les officiers généraux
exerceroient eux-mêmes leurs troupes
dans les grandes manœnvres de la guerre ,
c'efi-à-dire , dans la taâiciue , que les fol-
dats, non plus que les officiers, ne peuvent
apprendre que par Vexércice. On tormeroit
par cette méthode des foldats expérimen-
tés , d'excellcns officiers , & des généraux,
câoables de commander les armées. »
Comment, fur Polyps y 'Ool. 2 , f. 28e &
fulv. C'efl ce qu'on obferve en France
depuis quelques années 3 & dans quelques
É X E
autres états de l'Europe. Moyen excel-
lent pour entretenir les troupes dans
l'habitude des travaux militaires , & pour
faire acquérir aux officiers fupérieurs
l'ufage du fervice & du commandement.
A CCS reflexions générales de M. Je
Blond fur les exercices , M. d'Authville a
cru pouvoir ajouter les obfervations par-
ticulières qui fuivent.
Pour concevoir tout ce qu'on doit en-
fcign-îr & apprendre aux exercises , on
doit fe repréfenter les troupes fuivans
leur;: différentes efpeces & dans tous les
difFJrtns cas où elles peuvent fe trouver :
on réunit ces cas fous quatre points de
vue.
1°. Lorfqu'elles font fous les armes pour
s'inflruire de ce qu'elles doivent faire dans
toutes les circonflances de la guerre.
2°. Lorfque pour les endurcir & les
fortifie
on les fait ou travailler ou
marchert
3". Lorfque loin de l'ennemi elles font
fou' les armes , foit en marche , foit pour
pafFer des revues , foit pour faire des
exercices de parade , pour rendre des
honneurs , faire des re'jouifTances , ou
afTrfirer à des exécutions.
4°. Lorfqu'en préfcnce de l'ennemi ,
elles attendent l'occafion de le combattre
avec avantage , le cherchent , l'attaquent,
le pourfuivent , ou font retraite.
Pour parvenir à rendre le foldat capable
de remplir tous ces objets , les exercices
doivent être très - fréquens ; c'efl le plus
fur moyen d"établir & maintenir dans lei
armées une bonne difcipline.
Il faut s'appliquer à entretenir les an-
ciens foldats dans Tufa^e de tout ce qu ils.
ont appris & de tout ce qu'ils ont fait pen-
dant la guerre , & les inflruire fur les
nouvelles découvertes faitesau profit des
armes, qui font ordinairement lelruit&
la fuite des progrès faits à la guerre ; on
doit avec encore plus dj foin former les.
nouveaux foldats , & les exercer plus
. fouvent dans tout ce que les uns & les
autres font oblig 's de fav.^ir.
Les exercici-'s fe renferment en cinqi
parties principales :
'l®'. Mani;.ment des arm';s propres à clia-
EXE
q^ie efpece de troupes ; on y doit com-
prendre l'art de monter à cheval. P''oycz,
Maniement des armes , o" tout ce
quia >-.«/;/?»« rf /'EQUITATION.
2°. La marche , mouvement par lequel
une troupe , fuit à pie , foit à cheval , fe
porte avec ordre en avant ou de tout autre
côte. r. Mouvement.
3°. Les évolutions : on entend par-!à
tous les changemens de iigure qu'on tait
fubir à une troupe. F. ÉVOLUTION.
4°. Le travail , qui confifledans la conf-
truction des retrancliemens , forts , ou
d'autres ouvrages faits pour l'attaque & di-
fenfe des places & des camps , & dans le
tranfport des chofes qui y font uéce/iàires.
, î°. La connoiiîrince des flgnaux , tels
que les divers fons de la trompette , des
tambours, &c. F. SIGNAUX.
L'ordonnance du 6 mai , quant aux
*.vfr«V^/ de l'infanterie , & celle du 21 juin
175 ), en ce qui concerne la cavalerie , font
fi étendues qu'il feroit impofllble de les
rapporter ici. Avant que de fixer ce qui
doit être exécuté dans \ss exercices , le mi-
nifJere de la guerre a cru qu'il devoit con-
fulcer chaque corps de troupes en particu-
lier ; pour cet effet il a étéadrefî'é à tous
les régimens de cavalerie &: d infanterie
depuis la paix , & fucceffivenicnt d'année
en année , des inflruclions fur lefqueilês
les épreuves ont été faites des meilleurs
moyens à'' exercer les troupes , fuivant que
la dernicre guerre en avoit fait feniir la
nécefllté , & fuivant le génie de la na-
tion : fur ces inuruclicns les commandaiis
des corps , après avoir pris l'avis des cffi
ciers , ont fait leurs obfervations, qui ont
été examinées par le minifîre de la guerre
dans des afiembl.'es d'offi.;iers généraux ;
• & fur le compte qu'il en a rendu au roi ,
■"il a plu à fa majefié rendre les ordonnances
dont on vient déparier.
Ces ordonnances contiennent les titres
fuivans :
Cnj.i.ler'!". Ii:f nifri'.
D?s ob'ij;ations des offi- Des obligations des offi-
ciera , Se de fa manière ci rs k de li maiilete
don: ils doivent fa'.uei. dont i's doivent [lortet
De l'-cole du cavalier. les armes & en laluer ,
jDu maniement des atoiet aimlquele; fet;cns,
^ P'é. jjc l'ecoie du foldat,
EXE
523
Du maniemcm des armes De la formatisn J; aflcm-
àc|K-val. _ bl^c du ba'Eiiioii.
De i'inf|)cftion i piî. Du maniement des armes
De l'iiiipetlion a cheval. De la marche. ,
Des ina.\imei générales Des manœuvres p»r rang
pour les manœuvres. (s: par tilc.
Des manauvres pout_unc Des évolutions pourrom-
compa^nie. ' pre <k rotorraer les ba-
Des manœuvres pour un taillons,
rcgiment Ce la colonne.
Des manoeuvres pour une De Vixltcicc du feu.
troupe de cinquante Des batteries , des tam-
'"siites. bouts , & des fi';iiaux
Des lignau.t. relatifs aux évolutions.
Des revues.
Si nous furpafTons les anciens en adrcfîè,
en agilité , il faut convenir qifils nous
étoientbien fupérieurs en force, puifqu'ils
s'appliquoient fans ccfle à la gymnaftique,
& à fortifier leurs foidats.
On trouve ci-defTus , en abrégé , les
diiFérens exercices des Romains : pour ce
qui eft des Grecs , dont la tadiqueù'EIien
renferme tous les exercices , un oiHcier
fortfavant nous en promet une traduébon
dans peu de temps avec des noces ; elle fera
précédée d'un difcours fur la milice des
Grecs eri général.
S'il eft d'une indifpenfable nécefîîté que
toutes les troupes en général, foient conf-
tamment excrce'eszmi. différentes niantcu-
\ res de la guerre, on peut afiurer que cette
loi oblige phisefTentiellement la cavsîerie
que l'infanterie : non - feulement le cava-
lier doit favoirrout ce qu'on fait pratiquer
au fîmple fantaflin ; defliné à un genre de
com.bat différent , il faut encore qu'il s'y
for.nie avec la^ plus grande attention , &
qu'il y forme en même temps fon cheval :
il faut qu'il apprenne à manier ce cheval ,
& à le conduire avec intelligence , qu'il
1 accoucume à l'obéiffance & à la docilité ,
qu'il le dreffe à un grand nombre de moii-
vemens particuliers ; que par des foins
vigilans , il entretienne & augmente la
{or>;e & la vigueur n ■"▼urelle de cet a;i"'mal,
fa foupleffe & fa légèreté, & qu'il le rende
cnpablede partager tous Lv fentimens do:ic
il e(} lui m.éme tour-à-tour animé , loic
à 1 afpeél de l'ennemi , foit au comiien-
cemenc du combat , foit dans la pourfuice :
il n efl rien de plus dang^^reux pour un
cavalier , que de monter un clieval mal
drvfTc; lapertedefa vie & de fon honneiK
V v v 2
j2,4 EXE
le punit très - fouvent de fa négligence à
cet égard.
La Grèce divifée en autant de républi-
ques qu'elle contenoit de villes un peu
confidérables , ofFroit autour de leur en-
ceinte , le fpcflacle fingulier & frappant
d'une multitude d'habitans incefTamment
occupés à la lutte , au faut , au pugilat ,
à la courfe , au )eu du difque : ces exerci-
ces particuliers fervoicnt de préparation à
un exercice général de toute la nation , qui
fe renouvelloit tous les quatre ans en
Elide ( proche de la ville de Pife , autre-
ment dite Olympie ) , & formoit la bril-
lante folemnité des jeux olympiques. Si
l'on réfléchit fur le caraftere des perfon-
nages illuflres , à qui l'on attribue le ré-
tablifTement de ces jeux , on verra qu'ils
étoient purement politiques , & qu'ils
avoient moins pour objet ou la religion
ou l'amour des fêtes , que d'infpirer aux
Grecs umc utile activité, qui les tînt tou-
jours préparés à la guerre.
Les exercices dans lefquels il falloir ex-
celler , pour entrer dans la carrière olym-
pique , entretenoient le corps agile , fou-
pie , léger , & procuroient aux Grecs une
vigueur & une adrefTe qui les rendoient fu-
périeurs à leurs ennemis.
C'efi dans la même vue & pour les mê-
mes raifons , que furent inftitués les jeux
pythiques. Lesampiiiûyor.s, les députés des
ptincipales villes de la Grèce y préfidoient,
& régloient tout ce qui pouvoit contri-
buer à la fureté & à la pompe de la fête.
Quant aux Romains , moins éloignés de
nos temps, l'on fait que chacune de leurs
immenfes conquêtes a été le fruit de leurs
exercices, & de l'attention qu'ils appor-
toient à former des foldats.
On accoutumoit les foldats romains ,
comme on l'a dit plus haut , à faire vin^t
milles de chemin d'un pas ordinaire en cinq
heures d'été, & d'vm pas^plus grand, vingt
quatre milles d;\i's le même temps : ces
pas comparés à ceux que piefcrit la nou-
velle ordonnance , leur font égaux , fui-
vant iVxaile l'upputation des heures , des
milles , & des pies, f^oycz PAS.
L'hiver conimc l'été , les cavaliers ro-
mains écoient régulièrement o^ercés tous
.les jours ; ik loifque la rigueur de la fai-
EXE
fon empéchoit qu'on ne mût le faire à l'air ;
ils avoient des endroits couverts , deftinés
à cet ufage. On les dreffoit à fauter fur
des chevaux de bois , tantôt à droite ,
tantôt à gauche ; prenùérement fans ar-
mes , enfuite tout armés , & la lanre ou
l'épée à la main : après que les cavaliers
s'étoient ainfi exercés feul à feul , ils mon-
toient à cheval , & on les menoic à la pro-
menade. Là on leur faifoit exécuter tous
les mouvemens qui fervent à attaquer & à
pourfuivre en ordre : fi on leur montioit à
plier , c'étoit pour leur apprendre à fe
réformer promptement , & à reiourner à
la charge avec la plus grande impétuofité.
On les accoutumoit à monter & à deC-
cendre rapidement par les lieux les plus
roides & les plus efcarpés , afin qu'ils ne
puflent jamais fe trouver arrêtés par aui^
cune difficulté du terrain.
Enfin les exercices des Romains ( au rap-
port de Jofephe , liv. III , cb vif. ) ne
difTéroient en rien des véritables combats:
ils pouvoient , ajoute-t-il , fe nommer
batailles non fangUntes; & leurs batailles ,
des exercices fanglants.
L'hifloire nous fait voir une des princi-
pales caufes des fuccès d'Am.ibai , dans le
relâchement où les Romains étoient tom-
bés après la première guerre punique.
Vingt ans de négligence ou d interrup-
tion dans leurs exercices ordmaires , les
avoient tellemeiit énervés & rendus fi peu
propres aux manœuvres de la guerre , qu'ils
ne purent tenir contre les Carthaginois, &
qu'ils furent défaits autant de fois qu'ils
oferent paroître devant eux en bataille
rangée : ce ne fur que par l'ufage des armes
qu'ils fortirent peu-à-peu de l'état de foi-
blefl'e & d'abattement où les avoit réduits
le mauvais emploi qu'ils avoient fait du
repos de la paix : de fages généraux firent
revivre dans les légions l'efprit romain , en
y rétabli/Tant l'ancienne difcipline & l'ha-
bitude dts exercices , alors leur courage fe
ranima : & l'expérience leur ayant donné
de nouvelles forces , d'abord ils arrêtèrent
les progrés rapides de l'ennemi , enfuite
ils balancèrent ks fuccès , enfin ils en de-
vinrent les vainqueurs. Scipion fiu un de
ceux qui contribua davantage à un fi prompt
changement : il ne croyoït pas qu'il y eût
EXE
de meilleur moyen pour afTurerla viftoire
à Tes troupes , que de les exercer fans re-
lâche. C'eft danscette occupation qu'on le
voit goûter les premiers fruits delaprifc de
Carthagene ; moins glorieux d'une fi bril-
lante conquête , qu'ardent à fe préparer de
nouveaux triomphes , tout le temps qu'il
campa fous les murs de cette place , fut
employé aux diffc'rens exercices militaires.
Le premier jour , toutes les le'gions armées
faifoient en courant un efpace de quatre
milles ; le fécond , les foldats au devant
de leurs tentes s'occupoient à nettoyer &
â polir leurs armes ; le troifieme , ils fe
combattoient les uns les autres avec des
efpeces de fleurets ; le quatrième étoit
donné au repos des troupes , après quoi
les exercices recommençoient dans le même
ordre qu'auparavant.
Un hiftorien éclairé nous a confervé le
détail des mouvemens que Scipion faifoic
faire à fa cavalerie : il accoutumoit cha-
que cavalier féparément à tourn^'r fur fa
droite & fur fa gauche , à faire des demi-
tours à droite & à gauche ; il inftruifoit
enfuite les efcadrons entiers à exécuter de
tous côtés , & avec précifion, lesfimpL's,
doubles & triples converfions , à fe rom-
pre promptement , foit parles ailes , fuit
par le centre , & à fe réformer avec la
même légèreté : il leur apprenoit fur-tout
â marcher à f ennemi avec le plus grand
ordre , & à en revenir de même. Quelque
vivacité qu'il exigeât dans les diveifcs ma-
nœuvres des efcadions , il vouloir que les
cavaliers gaidaffent toujours leurs rangs ,
& que les intervalles tuiTent exade.n^nt
obfcrv 's : il penfoit , dit Polybe , qu'il n'y
arien déplus dangcreu». pourlacaval-ne,
que de combattre quand elle a perdu fes
rangs. '
Si les Grecs & les Romains ont furpafTé
tous les anciens peuples par leur conihnre
application au métier d,r la guerre , on peut
dire avec autant de vérité, que depuis treize
cents ans , les François l'emportent par le
même endroit fur le rcle de l'Europe ;
mais comme ils n'ont acqui' cette fupé-
riorité qu'à la faveur des ùéquem exercices,
ils doivent pour fe la conferver , perfifter
dans la pratiqua d'un moyen qui peut lui
EXE j -
feul maintenir leur réputation fur des fon
démens inébranlables : les joutes & les
tournois , genre de fpedacle dans lequel la
nation françoife s'eft dilHnguée avec tant
d'éclat , entretenoient parmi cette noblefîè
qui a toujours été la force & l'appui de
l'état , l'adrcfTe, la vigueur & l'intelligence
nécelFaires dans la guerre. L'ordonnance
de ces têtes célèbres avoit quelque reffeni-
blance avec les jeux olympiques de Grecs ;
mais l'on peut alTurer que rétabliffemenc
de nos camps d'exercices , remplacera les
anciens fpeftacles de nos pères , avec d'au-
tant plus d'utilité pour l'état.
Une raifon bieri puiflante , fi l'on veuc
y faire attention , pour prouver la néceflité
des exercices , eft que tous les défordres
qui arrivent dans les troupes , & les mal-
heurs qu'éprouvent fouvent les armées ,
viennent ordinairem.ent de finaûion du
foldat ; l'hiftoire eft remplie d'exemples de
cette vérité.
Les foldats d'Anniba! , on ne fauroit trop
le redire , accoutumés à endurer la faim ,
lafoif, le froid , le chaud , & les plus rudes
fatigues de la guerre , ne fe furent pas plu-
tôt plongés dans les délices de la Camp,i-
nie , qu'on vit la parefTe , la crainre , la
foiblefl'jiSi la lâcheté , prendre la place du
courage, de l'ardeur, de l'intrépidité, qui
peu de temps avant avoient porté la ter-
reur jufqu'aux portes de Rome. Un feul
hiver palfé dans i'inaâion & dans la dé-
bauche, en fit dos hommes nouveaux, &
coûta plus à Annibal que le pafîage des
Alpes & tous les combats qu'il avoit don-
nés jufqu'alors.
Les exercices des François , qui après fes
Grecs & \&i Romains , ont été fans contre-
dit les plus grands guerriers , font fort an-
ciens ; Il l'on en juge par Ijs avantages qu'ils
remportèrent fur les Romains mêmes , &•
par les armes anciennes qui fe trouvent dans
tous les magalins d'artillerie , & dont il
n'auroit pas été poTible de fe fervir fans
une habitude continuelle.
L'hiftoire de la première & de h féconde
race de nos rois ne nous apprend rien de
particulier au fujet de leurs exercices. On
ne peut que former des conjedures fur ce
que nous oiFre aûuellement le bon ordre
^z6 E XE ^
qu'on remarquedans lesarmces de Clovis j
clfi Pépin , & de Charlemagnc. La defcrip-
tîon des aimes dont parlent Piocope &
Grégoire de Tours , ne nous laifie pas
douter que les premiers François ne duflent
être bien exerces , pour fe fervir de Tépte,
de la hallebarde , de la mafiue , de la
fronde , du maillet , & de la hache.
Ces armes , pour s'en fervir avec avan-
tage , exigeoient des exercices , comme
on vient de le dire : mais lorfqne , depuis
l'invention de la poudre on y fubfticua des
armes à feu, il fallut changer ces exercices &
les rendre encore plus frcquens , pour évi-
ter de funeftes accidens & pour s'en fervir
avec adrerte. Addition de M- dAuth-
VILLE.
Exercice de la man(euvre,
( Marine. ) c'eft la de'monftration & le mou-
vement de tout ce qu'il faut faire pour appa-
reiller un vaifTeau , mettre en panne, virer,
arriver , mouiller , &c. { Z)
Exercice , ( Médecine Hygiène. ) Ce
mot , dans le fens dont il s'agit , e/l em-
ployé pour exprimer Wtction parlaqudle les
animaux mettent leurcorps en mouvement,
ou quelqu'une de fes parties , d'une ^ma-
nière continuée pendant un temps conhdé-
rable , pour le plaifir ou pour le bien de la
fan té.
Cette aflion s'opère par le )eu des muf-
cles , qui font les feuls organes par le moysp
dcfquels les animaux ont la faculté de fe
tranfporter d'un lieu dans un autre , de mou-
voir leurs membres conformément à tous
leurs bcfoins. î'^oyez. MUSCI.E.
On reftreint cependant la fignificP-tion
A' exercice en gK:ï\éi^\ ^ à exprimer l'aétion
du corps à laquelle on fe liyre volontaire-
mcnr & fans une n.'cefTité abfoiue , pour
la diOiriguer du travail , qui eil le plus
fouvent une aûion du corps à laquelle on
fe porte avec peine , qui nuit à la fanté &
qui accélère ie cours de la vie , par l'excès
qui en eft fouvent inféparable.
L'expérienc- fit connoître à ceux qui
firent les prt-n icrs quelqu'attention à ce
qui peut être utile ou nuifible à la fanté ,
qwaVexer.tce du mouvement mufculaire
efl abrolument nécefîàire pour lacoaferver
aux hommes &: aux animaux qui font
infritibles de rette adion. En confc-
EXE
[ quence de cette obfervation la fage anti-
quité , pour exciter les jeunes gens à exer-
cer leur corps , à le iortifier & â le difpo-
fcràfoutenir les fa-iguesde l'agriculture &
de la guerre , jugea n Jceflaira de propofec
des prix pour ceux qui fe diftingueroienc
dans les jeux établis à cet ett'jt. C'eft
dans la même vue que Cyrus , parmi les
foins qu'il prenoit pour l'éducation des
Perfes , leur avoir fait une loix de ne pas
manger avant d'avoir exercé leur corps par
quelque genre de travail.
L'utilité de {'exercice étant ainfi recon-
nue , détermina bientôt les pkis anciens
niédecins à rechercher les moyens de la
pratiquer , les plus convenables & les plus
avantageux à l'économie animale. D'après
des oblervations niulcipliées à ce fujet , ils
parvinrent à donner des règles, des précep-
tes fur les diifirantes manières de s'exer-
cer ; de contribuer par ce moyen à confer-
ver fa fanté & à fe rendre robuile : ils en
firent un art qu'ils appelleront gymnaftiquc
médicinale, qui fit partie de celui qui' a
pour objet d'entretenir 1 économie animale
dans fon état naturel, c'eft- à-dire , de
Yhygletie , parce qu l's rangèrent ie mou-
vement du corps parmi les ciiofes les plus
nécefTaires à la vie , dont le bon ou le mau-
vais ufage contribue le plus à la conferver
faine , ou à en altérer l'intégrité. I! fut mis
au nombre de ce qu'on appelle dans les
écolss les Jix chofes non n>xtiirclles. Foyez,
Hygiène & Gymnastique.
Le moyen le plus efficace pour favorlfar
les excrétions , c'eft fans doute le mouve-
ment du corps , opéré par Vexercice ou le
travail , parce qu'il ne peut pas avoir lieu
fans accélérer le cours des humeurs , fans
augmenter les caufes de leur fluidité & de
la chaleur n;icurelie : d'où doit s'enfi.iivre
une élaboration , une coction plus parfaite ,
qui difpofenc chaque humeur particulière â
fe féparer du fang , à fe diftribuer & à
couler avec plus de facilité dans fes propres
conduits ; en forte que les humeurs excrc-
mentitielles étant portées dans leurs cou-
loirs , & enfuite jettées hors de ces conduits
ou du corps même , en quancité propor-
tionnée au mouvement qui en a facilité la
fécrétion ( fur tout celle de la tranfpiration
inr;nfible,parle moyen de laquelle la maffo
E J E
des humeurs fe puriHe & fe dc^charge des
ruines de tous les recr^mens , de lalerofir^
furabonJanre , dégt'nérJe , lixivielle , ^plus
que par toure autre excrétion ), rexcrétion
en général fe tait avec d'autant plus de
règle , qu'elle a été davantage préparée
par le mouvement du corps , en tant qu'il a
empêché ou corrigé l'épaiffifTement vicieux,
que les humeurs animales , pour la plupart ,
éc le fang fur-tout, fontdifpofées naturelle-
ment àcontraôer , dès qu'elles font moins
agitée^ que la vie faine ne le requiert; en
tant qu'il a déterminé tous les fluides arté-
riels à couler plus librement du centre à la
circonférence ( ce qui rendanffi leur retour
plus facile ) , d'où doit réfulrer un plus
grand abord de la férofité excrémentitielle
vers toute l'habitude du corps oij elle doit
être évacuée.
Ainfi l'exercice & le travail procurent
la difîipation de ce qui , au grand détri-
ment de l'économie animale , refteroit
dans le corps par le défaut de mouve-
ment.
\J exercice contribue pareillement à favo-
rifer l'ouvrage de la nutrition. L'obf.:rva-
tion journalière prouve que la langueur
dans le mouvement circulaire , empêche
que l'apolication du fuc nourricier des
parties élémentaires ne fe fafle comme il
faut pour la réparation des fibres fimplss ,
qui ont perdu plus qu'elles ne peuvent re-
couvrer. C'eft ce dont on peut fe convain-
cre , fi l'on confidcre ce qui arrive à l'égard
de deux jeunes gens nés de mêmes parens ,
avec ]a même cor.fîitution apparente, qui
embraffant deux genres de vie abfolument
oppofés , dont l'un s'adonne à des occupa-
tions de cabinet , à l'étude , à la médita-
tion, mené une vie abfolument fcdentaire-,
tandis que l'autre prend un parti entière-
ment oppofé , fe livre à tous les exercices
du corps , à la chafTe , aux travaux mili-
taires. Quelle différence n'obferve-t-on
pas entre ces deux frères ? celui-ci eft extr.-
nementrobu'îe, réfifteaux injures de l'a-r,
fupporte impun.'ment la faim , la loii , les
fatigues les plus fortes , fans que fa fanté
en fouîFre aucune altération ; il efl fort
comme un Hercule ilepremier auconrra^re
cRd'un tempérament trcs-foible , d'une
nibe
; <■>
foncé toujours chancelante , qui lirccon'
EXE ^%y
aux moindres peines de corps ou d'cfprit •
il devient malade à tous les changemens de
faifon , de la tempécature de l'air même :
cVft un homme aufïï df^licar qu'une jeune
fille valétudinaire. Ceae différence dépend
abfolument de l'habitude contradée pour le
mouvement dans Pun, & pourle repos dans
l'autre.
Cependant V exercice & le travail produi-
fent de très- mauvais e£ets dans l'économie
animale , lorfqu'iJs font pratiqués avec
excès ; ils ne peuvent pas augmenter le
mouvement circulaire du fang , fans aug-
menter le frottemen- de fluides contre les
fojides , & de ceux-ci entr'eux. Ces effets,
dès qu'ils font produits avec trop d'aftivité
ou d'une manière trc p durable , diQjofent:
toutes les humeurs l l'alkaLfcence , à la
pourriture. Lorfqut; quelqu'un a fait une
couife violente , & i'.fTez longue pour le fa-
tiguer beaucoup , fa tranfpiration , fa fueur
font d'une odeur fétide ; l'urine qu'il rend
enfuiteefl extrêmement rouge , puante
acre, brûlante, parconféquent femblablè
à celle que l'on rend dans les maladies les
plus aiguës. Le repos du corps & de l'erprir,
& le fommeil , écoienr les remèdes que
confeilloient dans ce cas les anciens méde-
cins , dit le commentateur des aphorifmss
de Boerhaave.
l.' exercice continu , fans être mêmeex-
cefnf , contribue beaucoup à hâter la vieil-
'fT'^'.^" P^'^^^-^^'f^nt trop promptement:
l'oblitération des vaifleaux nourriciers
en faifant perdre leur fluidité aux humeurs
plaitiques qu'ils contiennent , en deffé-
chant les fibres mufculaires , en offifianc
les tuniques des gros vaifTjaux : tous ces
effets font aifés à concevoir.
Ainfi les mouvemens du corps trop con-
tiniiés pouvant nuire au fu confidérablement:
à l'économie animale faine , i! efl aifé de
conclure qu'ils doivent produire le même
effet ^, même fans être exceffifs , dans le
cas où il y a trop d'agitation dans le corps
p.ir caufe de maladie.
V exercice ne doit donc pas être em-
ployé comme remède dans les maladies
qui font aiguës de leur nature , ou dans
ce les qui deviennent telles : tant ou'elles
fuofilent dans cet état, où il y a tou-
jour trop de mouvement abfolu ou re&
5i8 EXE
peâifaux forces des malades, îl ne faut
pas ajouter à ce qui eft un excès.
Mais lorfque l'agitation caufée par la
maladie cefle , que la convalefcence s'é-
tablit , & même dans les fièvres lentes ,
heâiques , qui ne dépendent fouvent que
de légers engorgemens habituels dans les
extrémités artérielles , qui forment de
petites obftruâion!; dans les vifceres du
bas ventre , des tubercules peu confidéra-
bles dans les poumons , l'exercice efl très-
utile dans ces différenscas, pourvu que
l'on en choififle le genre convenable à la
fituation du malade; qu'il foit réglé à pro-
portion des forces , & varié fuivant les be-
foins. roy, dans les œnvrts de Sydenham,
les grands éloges qu'il donne , d'après une
longue expérience duns la pratique , à
l'exercice employé pour la curation de la
plupart des maladies chroniques , & par-
ticulièrement à réquication. Voyez, aiijjî
Equitation.
Les moyens d'exercer les corps de difK-
rentes manières , fe réduifent à peu près
aux fmvans ; maison les défignant il con-
vient d'en diftinguer les différens genres :
les u'isfontadifs , d'autres font purement
paflifs , & d'autres mixtes. Danï; les pre-
miers le mouvemeni: eft entièrement pro-
duit par les perfonnes qui s'exercent : dans
les féconds le monvement eft entièrement
procuré par des caufes qui agirent fur les
perfonnes à exei'cer. Dans les derniers , ces
perfonnes opèrent difïerens mouvemens
de leur corps , & en reçoivent en même
temps des corps fur lefquels ils font
portés.
Parmi les exercices du premier genre ,
il y en a qui font propres i exercer toutes
les parties du corps , comme les jeux de
paumes , du volant , du billard , de la boule,
du palet ; la charte , l'aâion de faire des
armes , de fauter par amufement. Dans
tous ces exercices on met en mouvement
tous les membres , on marche , on agit
des bras; on plie, on tourne le tronc ,
la tête en diflférens fens j on parle avec
plus ou moins de véhémence , on crie
quelquefois, &c. Il y en a qui ne mettent
en aûion que quelques parties du corps
feulement , comme la promenade , l'ac-
tion de voyager à pié , de courir , qui
EXE,
I exercent principalement les extrémités in-
férieures ; l'aâion de ramer , de jouer du
violon , d'autres inftrumens à corde , qui
mettent en adion les mufcles des extré-
mités fupérieures ; les difFérens exercices de
la voix & de la refpiration , qui renfer-
ment l'adîon de parler beaucoup, de dé-
clamer , de chanter , de jouer des difFérens
inftrumens à vent , produifent le jeu des
poumons ; ainfi des autres moyens d'exerm
cice , que l'on peut rapporter à ces diffé-
rentes efpeces.
Le fécond genre de moyens propres â
procurer du mouvement au corps , qui
doivent être fans action de la parc de ceux
qui font exerce's , renferme l'agi tatioH opé-
rée par le branle d'un berceau, parla gefta-
tion , par les diflérentes voitures , comme
celles d'eau, les litières, les différens co-
ches ou carrofles , &c.
Le dernier genre à' exercice , qui parti-
cipe aux deux prJcédens , regarde celui
que l'on fait étant alTis , fans autre appui ,
fur une corde fufpendue & agitée , ce
qui eon&tue la liranloire , & le jeu qu'on
appelle Vefcorpolctte , l'équitation avec
différens degrés de mouvement , tel que
le pas du cheval , le trot , le galop , &
autres fortes de moyens qui peuvent avoir
du rapport à ceux-là , dans lefquels on eft
en adion de différentes parties du corps
pour fe tenir ferme , pour fe garantir
des chûtes, pour exciter à marcher , pour
arrêter , pour re'fre'ner l'animal fur lequel
on eft monté ; ainfi on donne lieu en
même temps au mouvement des mufcles ,
& on eft expofé aux ébranlemens , aux
fecouffes dans les entrailles fur-tout ; aujç
agitations plus ou moins fortes de la ma-
chine , ou de l'animal fur lequel on eft
porté ; d'où refulte véritablement un dou-
ble effet , dont l'un eft réellement aftif,
& l'autre paffif.
Le premier genre d'fATfyf/V^ ne peut con-
venir qu'aux perfonnes en fanté , qui font
robufies ; ou à ceux qui ayant été malades ,
infirmes , fe font accoutumés par degrés,
aux exercices violens.
Le fécond genre doit être employé par
les perfonnes foibles , qui ne peuvent fou-
tenir que des mouvemens moderts & lans
faire dt'penfe de forces , dont au contraire
^ il»
EXE
i!s n'ont pas de relie. L'utiliré de ce genre
^'cxen-'ice le tait fentii- particulièrement à
l'égard des entans qui , pendant le temps
de la plus grande fbiblefrc de l'ûgo , ne
peuvent fe pafler d'être prcfque continuel-
lement agites , fecoucs ; & qui, lorfqu'on
les prive du mouvement pendant un trop
long - temps , témoignent par leurs cris le
befoin qu'ils en ont ; cris qu'ils ceflènt en
s'endormant , des qu'on leur procure fuf-
liiamment les avantages attachés aux dif-
férens exercices qui leur conviennent , tels
que ceux de l'agitation accompagnée de
douces fecoufles , &: du branle dans le
berceau , par l'effet duquel le corps de
l'enfant qui y eft contenu , étant porté
contre fes parois alternativement d'un côté
à l'autre , en éprouve des comprefTions
'répétées fur fa furface , qui tiennent lieu
du mouvement des mufc'es. Ceux qui ont
été aftoiWis par de longues maladies, font ,
pour ainfi dire , redevenus enfans : ils doi-
vent prefqu'étre traités de même qu'eux
pour les alimensfic Vcxerctce; c'eft-à-dire,
que ceux-là doivent être de très-facile di-
geftion , & celui-ci de nature à n'exiger
aucune dJpenfe de forces de la part des
perfonnes qui en éprouvent l'efFet.
Le dernier genre peut convenir aux
perfonnes languifFantes , qui , fans avoir
beaucoup de forces , peuvent cependant
mettre un peu d'aûlon dans Vexcrdce &
l'augmenter par degrés , à proportion
qu'elles reprennent de la vigueur ; qui ont
befoin d'être expofJe'ï à l'air renouvelle &
d'éprouver des fecouffes modérées , pour
mettre plus en jeu le fyfîême des folides
& la mafîe des humeurs ; ce qui doit être
continué jufqu'à ce qu'on puifle foutenir
de plus grands efforts , & pafier aux exer-
cices dans lefquels on produit foi - même
tout le mouvement qu'ils exigent.
On doit obferver en général , dans tous
les cas oij l'on fe propofe de faire de l'excr-
.ùce pour le bien de la fanté , de choifir ,
autant qu'il eft pollîbîe , le moyen qui
plaît davantage , qui récrée l'efprit en
même temps qu'il met le corps en aftion ;
parce que , comme dit Platon , la liaifon
qui eft entre l'ame & le corps , 7te permet
pas que le corps ptiijfe être exerce' faits l'ef-
frit , & rejprit fans (ç C9)'Ps. Pour que les
Tome Xm,
EXE ^29^
movivemens de celui - ci s'opèrent libre-
ment , il faut que l'ame, libre de tout autre
foin plus important , de toute contention
étrangère à l'occupation préfente , diftri-
bue aux organes la quantité néceffaire de
fluide nerveux : il faut par conféquenc
que l'efprit foit affefté agréablement par
Vexercice , pour qu'il fe prête à l'adtion qui
l'opère , & réciproquement le corps doic
être bien difpofé , pour fournir au cerveau
le moyen qui produit la tenfion des fibres
de cet organe au degré convenable pour
que l'ame agifte librement fur elles , & en
reçoive de même les impreffions qu'elles
lui tranfmettent.
Il refte encore à faire obferver deux
choies nécenàires pour que Vexercice en.
général foit utile & avantageux à l'écono-
mie animale ; favoir , qu'il faut régler le
temps auquel il convient de s'exercer , &
la àmécdeVexercice.
L'expérience a prouvé que Vexercice
convient mieux avant de manger & fur-
tout avant le dîner. On peut aifément fe
rendre raifon de cet effet , par tout ce qui
a été dit des avantages que produifent les
mouvemens du corps. Pour qu'ils puiftcnc
didiperlefuperflude ce que la nourriture a
ajouté à la mafle des humeurs , il faut que
la digeftion foit faite dans les premières &
dans les fécondes voies , & que ce fuperflu
foit difpofé à être évacué ; c'eft pourquoi
Vexercice ne peut convenir que long-temps
après avoir mangé ; c'eft pourquoi il con-
vient mieux avant le dîner qu'avant le
fouper : ainfi Vexercice , en rendant alors
plus libre le cours des humeurs, les rend
auffi plus difpoftes au fecrétions , prépare
les différens difîblvans qui fervent à la dif-
foiution des alimens , & met le corps dans
la difpofition la plus convenable à recevoir
de nouveau la matière de fa nourriture.
C'eft fur ce fondement que Galien confeille
un repos entier à ceux dont la digeftion &
lacoélion fe font lentement & imparfaite-
ment , jufqu'à ce qu'elles foient achevées ;'
fans doute parce que Vexercjce pendant la
digeftion précipite la diftribution des hu-
meurs avant que chacun» d'elles foit éla-
borée dans la mafle, & ait acquis les qualités
qu'elle doit avoir pour la fondion à laquelle
elle eft deftinée ; d'où s'enfuivent des aci-
530 EXE '
dites, des engorgemens , desobflrudions.
Un léger exercice après le repas, peut ce-
pendant être utile à ceux dont les humeurs
font fi e'paifïes , circulent avec tant de len-
teur , qu'elles ont continuellement befoin
d'être excite'es dans leur cours , dans le cas
dont il s'agit , fur-tout pour quelesfucs di-
geftifs foient féparésôc fournis enfuffifante
quantité : les digeftions fongueufes veu-
lent abfolument le repos.
Pour ce qui eft de la mefure qu'il con-
vient d'obferver à l'égard de la durée de
Vexerc'ce , on peut fe conformer à ce que
prefcritGalien fur cela, lib.JI, defanitate
tucndâ , cap. tilt. Il confeille de continuer
l'exercice, i". jufqu'à ce qu'on commence à
fefentir un peu gonflé; 2°. jufqu'à ce que la
couleur de la furface du corps paroifl'e s'a-
nimer un peu plus que dans le repos ;
3°. jufqu'à ce qu'on fe fente une légère
laflltude ;4*'. enfin jufqu'à ce qu'il furvienne
une petite fueur , ou au moins qu'il s'exhale
une vapeur chaude de l'habitude du corps :
lequel de ces effets qui furvienne , il faut ,
félon cet auteur , difcontinuer Vexercice ;
il ne pourroit pas durer plus long-temps
fans devenir exceffif , & par conféquent
nuifible.
Cela eft fondé en raifon , parce que le
premier & le fécond de ces lignes annon-
cent que le cours des humeurs eft rendu
fuffifamment libre du centre du corps à fa
circonférence & dans tous les vaifteaux de
la peau , & que la tranfpiration eftdifpofée
à s'y faire convenablement. Le troifieme
prouve que l'on a fait une dépenfe fuffifante
de forces ; & le quatrième , que le fuperflu
des humeurs fediftipe , & qu'ainfi l'objet de
l'exercice à cet égard eft rempli.
On ne peut pas finir de traiter ce qui
regarde Vexercice , fans dire un mot fur
les lieux où il convient de le faire préfc-
rablement , lorfqu'on a le choix. Celfe
confeille fort que la promenade fe fafte
en plein air , à découvert , & au foleil
plutôt qu'à l'ombre , fi on n'eft pas fujet
à en prendre mal à la tête , attendu que
les rayons folaires contribuent à débou-
cher les pores , à faciliter l'infenfible perf-
piration ; mais fi on ne peut pas s'expofer
fans danger au foleil , on doit fe mettre
à couvert par le moyen des arbres ou des
EXE
murailles , plutôt que fous un toît , pour
que l'on foit toujours dans un lieu où l'air
puiffe étreaifément renouvelle, & lesmau-
vaifes exhalaifons emportées , &c.
Il refteroit encore bien des chofes â
détailler fur le fujet qui fait la matière de
cet article ; mais les bornes de f ouvrage
auquel il eft deftiné , ne permettent pas
de lui donner plus d'étendue. On le termine
donc en indiquant les ouv^rages qui peuvent
fournir plus d'inftruftion fur tout ce qui
a rapport à ce vafte fujet ; ainfi voyez.
Galien , qui en traite fort au long dans
fes écrits ; Celfe , dans le premier livre de
fes œuvres ; Lommius , qui a fait le com-
mentaire de ce livre ; Cheyne , dans fon
ouvrage de fanitate infirmorttni tuendâ ;
Hoffman en plufieurs endroits defesœuvres,
& particulièrement dans fa differtation fur
les jcpt loix mediiiriales, qu'il propofe com-
me règles abfolument néceflàires à obfer-
ver pour conferver la fancé. Voyez, auiïi le
commentaire des .tphorifmes as Boerhaave,
par l'illuftreWanfwieten , pdjfion. Tous les
inftitutionniftes, tels que Sennert, Rivière,
&c. peuvent être utilement confukés fur
le même fujet , dans la partie de l'Hygiène
où il en eft traité. ((/)
*§ Exercice ( Méd. Hygiène. )
Article nouveau fur les dangers de l'exercice
immode'ré'. L'exercice & le travail pro-
duifent de très-mauvais effets dans l'éco-
nomie animale, lorfqu'ils font pratiqués
avec excès. En effet , Vexercice immodéré
augmente la circulation desfluiies au même
degré d'excès où il eft lui-même : c'eft
pourquoi on peut réduire en général les
accidens qui viennent de cet excès ; 1°. à
l'augmentation très- confidérahie de la cha-
leur naturelle , qui , agitant & atténuant
les fucs dont elle diffipe la partie la plus
fubtile , produit leurépaiflîffement : cette
même chaleur augmentée eft caufe que le
ferum & la fibre du fang conrraâcnt une
affedion inflammatoire ; enfuira les fels
& les huiles , continuellement froiftcs ,
font irrités , fe diftbivent, deviennent
volatils , acres , putrides, rances , fétides,
brûlés , & très -peu propres à !a circulation,
vitale : 2°. aux i.'lions trè^-^.iangercufes-
des parties contenantes ; car les humeui».
EXE
ttrédées , & pouflees avec une grande
violence , dilatent extraordinairement ,
irritent , froifTent , rompent , détruifent
les vaifleaux qui les contiennent : de-là les
erreurs de lieu , la douleur , l'ir.ilanima-
tion , la fièvre aiguë , la fuppuracion , la
gangrené , l'hémorragie , ou la fuffocation
& la mort fubite , les vifceres ne'ceHaircs
â la vie fuccombant à l'accumulation du
fang : 3°. à l'agitation des fucs qui , quoi-
que la circulation foit modérée , fe débor-
dent , de forte qu'étant chaflés de leurs
vaifîcaux , ils fe répandent cà & là :
4°. enfin à p!ufi.;urs efpeces différentes de
dtfordres dans les fecrétions & I-is excré-
tions ; défordres par le moyen defquels
les matières qui doivent être féparées &
excrétoriées , contractent tous les vices
qui viennent de la qualité , de la quantité,
du mouvement , du lieu.
Auffi la nature plus mobile &plus vola-
tile des fluides que des folides , eft-elle
caufe que par un exerc'ne immodéré , on
fait des pertes inégales des fluides , dont le
volume diminuant en conféquence , les
folides ont le defTus ; les corps épuifés des
fucs fe defféchent , & deviennent roides.
L'eau & l'efprit , la partie la plus déliée
des humeurs , étant diffipés , il refte un
fédiment lourd , tenace , & qui ne peut
paffer à travers les plus petits vaifTeaux :
de-là le defléchement de ceux-ci , auflî bien
que du parenchyme , leur contradion ,
leur concrétion , & , en conféquence , la
rigidité trop grande de l'affemblage de
toutes les parties. La graifTe flagnante dans
fes cellules , étant agitée , liquéfiée , mê-
lée avec le fang , rendue acre par le frot-
tement ; & la chaleur , de douce qu'elle
étoit , devenue rance , de mauvaife qua-
lité , efl chafTéepar desémoncloires: de-là
la prompte maigreur. La gelée nourriffante
répandue de toutes parts dans les fibres
des folides , eil broyée , exprimée ; le
mouvement l'ayant rendue plus acre , elle
eft féparée ; & fa parcie la plus déliée étant
diflîpée, elle devient folide ; de-là le dé-
faut de nutrition , l'augmentation de la
rigidité ; la bile aullî trop agitée , brûlée,
contrainte une très-grande acrimonie par
laquelle , non-feulement elle gâte les pre-
mières voies I mais même , étant forcie de
EXE J3r
fes réfervoirs , elle communique fa mali-
gnité à tout le refle du corps.
L'excès feul du mouvement animal peut
tellement déranger de l'état fainies folides
& les fluides , qu'il paroifTe agir aufïï ,
comme par des forces envenimées. Cec
excès qui eft en général prefque toujours
nuifible à toutes fortes de perfonnes , &
rarement avantageux , eft cependant fur-
tout préjudiciable , entre les perfonnes
faines, à celles qui font très-jeunes , aux
femmes , aux tempéramens bilieux , fecs ,
chauds , & encore plus aux g-ïns pléthori-
ques, d'un très-grand embonpoint ; à ceux
qui font fujets aux cacochymies , aux hé-
morragies ; aux femmes qui font fou-
vent des fauffes couches ; à ceux en quî
quelque vifcere ou tout le corps eft lan-
guilfant , à ceux qui ont de la peine à
refpirer ; aux pierreux , & enfin â ceux:
en qui la circulation eft arrêtée par des:
obiîruftions opiniâtres dans les vaiffeaux ^
des tumeurs , des amas d'humeurs , &c.
Lorfqu'à ces accidens fe joint le défaut
d'habitude , ou une chaleur confidérable
de l'air , ou une vacuité caufée par la né-
gligence à prendre des alimens , tant foli-
des que fluides , ou un changement fubic
de l'état tranquille en un mouvement vio-
lent , il faut nécewairement qu il arriva
des maux encore plus fâcheux.
Ceux qui arrivent aux mufcles même
qu'on fatigue trop , tels que la lalTItude ,
la tbibleffe , le tremblement , la douleur ,
le fpafme , l'impuiffance à fe mouvoir ,
font moins dangereux ; car le repos fufHc
prefque feul pour les guérir. Mais il n'eft.
pas aifé de détruire la fécherefTe , la roi-
deur , l'augmentation variée de la partie
tendineufe ; accidens que contraftenc les
corps des mufcles , par un-travail pouffé à
l'excès.
La fanté de ceux qui font attaqués du
vice oppofé , n'eft pas meilleure. Le trop
grand repos engourdit les puiffances mo-
trices , & les parties qui doivent fe mou-
voir. La force mufculaire perdant l'habi-
tude de fe contrader , diminue , eft étouf-
fée ; la graifTe s'amaffe , & le principe vital
languit. Les articulations dont les ligamens,
faute d'être exercés , deviennent roides ,
& dans lefquelles la fynovie s'amaffe , ne
Xxx 3
^31 EXE
font plus propres aux mouvemens ] les
antagoniftes r Jfiftent davantage : c'eft ainfi
que la négligence qu'on apporte dans le
mouvement animal , produit enfin la pa-
ralyfie,
C'ert auffi par cette caufe que la circu-
lation des humeurs fouiFre davantage ,
parce que , ne dépendant alors que des
feules forces vitales , & étant privée de
fecours extérieurs , elle devient languif-
fante , d'abord dans les petits vaifleaux ,
& enfuite dans tout le fyftême vafculaire:
de-là la ftagnation , l'amas , la vifcofité des
humeurs , la diminution de la chaleur na-
turelle , les obfiacles aux fecrétions & aux
excrétions , & les maux en grand nombre ,
qui en font la fuite. De cette fource pro-
viennent aulFi l'abondance d'humeurs , la
pléihor , l'embonpoint , qui appefantiflent
le corps , en le furchargeant d'un poids
fupérieur au volume & à la foixe des par-
ties folides. La plénitude eil bientôt fuivie
ce la cacochymie lâche , glutineufe, aqueu-
fe , froide , répandue dans tous le corps ,
qui relâche les folides , les rends mois ,
flexibles , fait languir la force vitale , caufe
la perte de la vigueur des nerfs , & donne
enfin lieu à l'amas de férofités , à la leu-
cophlegmatie , aux différentes hydropi-
lîes , à la parefTe pour les mouvemens , à
l'affûibliffement , la perte même des fens
& à la ceflation de toutes les fonctions.
Les parties , plus dangereufement & plus
particulièrement afftdées, font les organes
de la première digeftion , contenus dans
le bas ventre , fur-tout s'ils font compri-
més , le corps étant affis & penché , & fi
la quantité & la qualité des alimens que
l'on prend ne répond pas à la vie paref-
feufe que l'on niene. Ces organes n'étant
pas en effet aidés de la force de la refpira-
tion , du mouvement extérieur , ni ballot-
tés , travaillent avec lenteur, digèrent im-
parfaitement les alimens , les pouffent trop
lentement , les laiffent corrompre par un
trop long féjour , ne tirent pas affez partî-
mes matières utiles , ne les épurent pas
affez ^ laiffent accumuler les matières fé-
cales :. de-là routes les efpeces de vices du
ehyle , les rapports , les vents , les fpaf-
mes , le goniknuni & la partlîb du ven-
tre ,, le défaut d"appécit , U Ipibleffe de
EXE
toute la machine , l'inertie des menftrues^
leur différente dégénération , l'obftruâion
des petits vaillcaux du méfentere , & plu-
fieurs autres maux très-nombreux. De
plus , la quantité conlidérable de fucs ,
dont font arrofés ces vifceres , ne peut par
leurs feules forces , & fans un fecours
étranger , être affez pouffée en avant. La
circulation languit donc. Il arrive con-
gefiion , flagnation des humeurs : le fang ,
qui revient avec lenteur , trop peu animé
par l'air des poumons , &; n'étant pas pouffé
par la force du cccur , n'a aucune adion ,
engorge la veine- porte , la rate , le foie &
les autres vifceres. Il n'eft , en conféquen-
ce , pas étonnant que la bile foit enfin vi-
ciée , & qu'il réfulte de-là la cacochymie,.
le fcorbut , la cachexie , la jauniffe , l'hy-
dropifie, le mal hypocondriaque , & d'au-
tres maladies femblables.
La variation & la médiocrité , que la
nature aime & affeâe dans la plupart de
fes ouvrages, fontaufliavantageufes dans
le mouvement & la pofition des parties da
corps. On peut regarder comme nuifible-
tout ce qui , dans ce cas , eft ou trop vio-
lent , ou de trop longue durée , & fans
relâche ; & on doit l'éviter à l'égard , non
feulement des malades , mais même des
perfonnes en fanté , chez qui il peut de-
venir caufe de maladies.
La fituation d'être debout , trop long»
temps continuée, appefantitles extrémités
inférieures , dont les fluides retournent
avec peine vers le cœur :de-là les embarras,
l'ccdeme , les varices , les ulcères. Les
lombes , les reins , les hanches fouffrent
auffi beaucoup dans cette fituation : les
parties génitales contraâent des maladies
par l'amas des humeurs. Il furvient des
hernies inguinales , crurales ; dans les
femmes des écoulemens de la matrice ,
des fleurs blanches , des faudès couches ,
des chûtes de la matrice & du vagin ,
fur- tout fi quelqu'effort ayant cnfuitelieu,
a augmenté la preffon , & pouflé en avant
les parties entraînées inférieurement par
leur poids. Maii le fang remontant plus
difficilement vers le cœur , & du cœur à
la tête , lorfqu'on fe tient debout long-
temps fans fe remuer , il n'ert pas éton-
nant que CvCtc {itu.ation fatigue plui club
EXE
tout autre exercice , & qu'on tombe pref-
qu'en foibleire.
La fuuation d'étre'alTis trop long-temps,
& fans faire de mouvemens , quoique
moins fatiguante , n'eft pourtant pas plus
faluraire , fur-tout lorfqu'on a le corps
penchJ en devant, & les genoux beaucoup
, fléchis. Lesextrt^mités inférieures , les lom-
'bes , les reins, les hanches e'prouvent , en
confl'quence , les mêmes maux , & de plus
la courbure du dos , l'obliquité de l'e'pine ,
l'engourdifTement des jambes , la goutte
fciatique, la claudication, & enfin par
î'obftacle que rencontrent les vifceres du
bas ventre, les accidens que nous venons de
détailler ci-defTus.
Un trop long féjour dans le lit , nuifible
au cours des urines , comprime , obftrue ,
enflamme les reins , & s'oppofe à la fecré-
tion , la filtration & l'excrctionde l'urine:
de-là la mucofité , le gravier , la pierre,
& toutfie qui s'enfuit. La fuuation horizon-
tale , rempliflant la tête d'humeurs , eft
auflî nuifible : de-là la céphalalgie ,
l'oplithalmie , l'hcmorragie , l'affuibliflè-
ment des fens , le vertige , l'aUbupifTe-
ment , &c.
La contraiftion fubite , violente, long-
temps continuée & fans relâche des mufcles,
à laquelle fe joint aufll la refpiration arrêtée
avec effort , produit fur-tout plufieurs
affedions fâcheufes. En effet la violente
attradion , laprefîion, l'extenfion, leref-
ferrement , l'adion de repoufifer agiffent
fortement fur les parties , varient de tou-
tes fortes de manières , le rapport mu-
tuel , qu'il y a entre les parties contenantes
& les contenues ; changent confîdérable-
ment le m.ouvement & la direétion des hu-
meurs, fur-tout lorfque la refpiration étant
aulTi gênée , le palTage du fangpar le pou-
mon eft arrêté : de-là le déplacement avec
fecoufîes des mufcles & des tendons ; le
relâchement , la rupture des capfules , des
ligamens , & même des tendons , la demi-
luxation , la luxation , l'entorfe , la fracture
des os , & les autres vices dépendans des
articulations ou de la firuation des parties ;
les hernies , les chûtes des parties , la dila-
tation des conduits & des réfervoirs , leur
relâchement , leur écartement , leur divi-
fioa y ranévrifme , Ivî différentes efpeces
EXE ^33
d'erreurs des fluides , l'hémorragie , l'é-
moptyfie , le piftement de fang , les taches
livides , l'emphyfeme , les différentes tu-
meurs , & les maux en grand nombre qui en
réfultent.
Si on applique ce qui vient d'être dit
aux différentes parties du corps , fuivanc la
mobilité que donnent à chacune fes mufcles,
ou fuivant que , par leur voifinage ou leur
rapport quelconqne , elles doivent être dif-
féremment affedées , lorfque ces puifian-
ces agiflent , on comprendra aifémcnt quels
maux nombreux doivent caufer la toux,
les ris immodérés , l'éternument, le bâille-
ment , l'extenfion forcée des bras , la dé-
clamation , les criailleries , les chants , le
jeu de la trompette , les fauts , la lutte , les
faux pas, les fardeaux pefans , &: les autres
exercices de cette efpece , lorqu'ils font
portés à l'excès. ( G)
Exercice immodéré' de l'efprit y
( Pbyftol. ) L'examen réfléchi de ce qu'é-
prouve aifément chacun fur foi-méme ,
enfeigne fuffifamment que les exercices de
l'cfprh ne dillîpent pas moins les forces que
ceux dii corps , & que , pour que la fanté ne
foit point altérée , les uns & les autres doi-
vent être entremêlés , d'un repos fucceïïif.
L'ame eft intimement liée , pendant la
vie , avec le corps ; en forte qu'il eft diffi-
cile de concevoir dans fes opérations une
limplicité fi exaéle que les changemens du
corps ne faffent fur elle aucune imprefîion.
En effet , outre que des mouvemens dé-
terminés du corps fuivent plufieurs pen-
fées , les fens , tant internes qu'externes ,
paroiffent ne pouvoir guère donner lieu
aux penfées , fans que les fibrilles des par-
ties aient éprouvé quelqu'efpeces de tré-
mouffement. Iliâutdonc, lorfque l'ame
logée dans le corps , eft mife en adion ,
que ces organes foient plus ou moins aga-
cés, tendus, relâchés, dans un mouvement
d'ofcillation , agités entr'eux , & foient au
moins en quelque façon dans un état diffé-
rent que lorfqu'elle eft mife en action par
artifice.
Il e!l plus vraifemblable que le fyftéme'
nerveux , comme le principal agent du-
fenriment , eft animé par une elpece de
force motrice , que l'on doit peut-être'
comparer à la force vitale ou mufculaice. ■,.
534 EXE
laquelle agiffant , les filets nerveux peu-
vent être tendus , fe roidir , fe gonfler ,
être difpofe à prendre des ofcillations ,
lorfqu'ils font irrités ; & re'ciproquement
être relâche's , devenir flafques , lorfque
la force motrice n'agit plus. Peu importe
qu'on fafTe venir cette force de l'efprit
appelle anima , répandu dans les nerfs , ou
qu'on penfe qu'elle eft innée chez nous de
toute autre manière , ou que , comme
moi on fe contente de penfer , fans rien
deviner dans une matière aufTi obfcure. Il
paroît cependant qu'on doit reconnokre
que Tame a fur cette force un carrai n em-
pire , par lequel elle peut à fon gré ,
lorfque celle-ci eft tranquille , l'exciter à
agir , tant dans tout le corps , que dans
une feule partie, de même que les muf-
cles obéifl'ent aufli à notre volonté.
Or il eft confiant que cette force de
fentiment communique avec la vitale ,
enforte que l'une peut exciter l'autre , &
viL-e verfâ. Il y a peut-être encore enrre la
première force & la mufculaire , un com-
merce réciproque , par le moyen duquel ,
& par l'intervention des nerts , les ordres
de i'ame font portés aux mufcles , à moins
qu'on n'aime mieux croire qu'il y a des
deux côtés un même principe de mouve-
ment , mais qui agit de différentes maniè-
res , fuivant la diverfe conformation des
parties qu'il met en jeu. Cequ'ilyade
certain , c'eil que la force des nerfs & celle
des mufcles ne font pas inépuifables , & ne
xéfiftent pas à des efforts trop long- temps
continués : l'une ne fauroit être fatiguée
fans préjudice pour l'autre.
Ainfi , quoique les agitations qui font
çxcitées dans les nerfs , foient bien moins
évidentes que les mouvemens des mufcles,
l'extrême délicatefle de la moelle nerveufe
eft cependant caufe qu'un exercice irnmo-
dcreiioit l'affecter , la changer même plus
fortement , ou au moins autant que le font
les mufcles , lorfque le mouvement animal
eft pouflé à l'excès , & les léfions qu'elle
éprouve alors ne doivent pas être différen-
tes. En effet , les filets très-mois, ébranlés
de quelque manière que ce foit , plus fré-
quemment , plus long-temps , plus forte-
ment ; froiftes les uns contre les autres ,
font fatigués , perdent leur ton , ont des
-EXE
trimoufiemens irréguliers , involontaires l
qu'ils communiquent même contre l'ordre
naturel aux parties voifines , font comme
roidis par les fpafmes ; ou , devenus flaf-
ques , fe relâchent ; la force nerveufe elle-
même languit , fe difïïpe. Si on ne rétablie
par un prom.pt repos ces filets dans leur
ancien état , ils caufent l'alFoibliiremenC
des fens externes & internes , l'impiiiffàn-
ce , la confufion des idées , le fommeil
agité , les veilles, l'imaginacion dépravée,
le délire , la ioiis. LaL-cherelfe , la rigidi-
té que contradent les mufcles exercés fans
relâche , ne peuvent-elles pas aufli avoir
lieu dans ce; organes , & donner en confé-
quence , prcmjturément aux facultés de
I'ame les qualités vicieufes qui n'appartien-
nent qu'à la vieillcife ?
Mais ces maux deviennent plus graves ,
& font encore augmentés par de nouveaux,
lorfque l'agitation du genre nerveux porte
à des mouvemens extraordinaires le^.vaif-
feaux du cerveau , & remplit la tête d'une
trop grande quantité de fang : de-là l'écar-
tement des parties , la douleur, la chaleur,
l'inflammation ; & de ces derniers accidens,
les différens défordres dans les fondions de
I'ame. .Bien plus , le rapport mutuel des
principes de mouvement eft caufe que les
forces nerveufes étant trop tendues , fati-
guées , difTipées , celles des autres aftions
éprouvent des maux femblables , & qu'en
conféquence , le corps fans fon travail eft
épuilé de lalTitude , Se que toutes les fonc-
tions font enfuite léfées.
Ajoutez à cela les vices du mouvement
animal négligé , & la vie fédentaire ou de
cabinet , i\ familière aux gens de lettres.
Les maux qui réfultent de-là , quoiqu'afTez
graves par eux-mêmes , font encore plus
accélérés , & deviennent plus forts , lorf-
que la force du corps eft diminuée par des
penfées inquiétantes.
Cependant l'excès avec la variété des
études, eft plusfupportable ; mais il y a
peu de perfonnes à qui des réflexions pro-
fondes & long-temps méditées fur un même
fujet nefoientpas très-nuifîbles. En effet ,
cette partie de genre nerveux , qui alors
ell feule en aâion , & fur laquelle I'ame
exerce , pourainfi dire, toute fa force, n'é-
prouve pas une moindre violence que les
EXE
mufcles , lorfqu'ils font fortement & long-
temps contrades : aiiHi les filets font-ils dans
unetenfionfi opiniâtre , qu'ils ne peuvent
plus enfuite être relàch(is , ou dans une
ofcillation continuelle , ayant été trop forte-
ment ébranlés , ou enfin perdent leur con-
rinuifé, après avoir fniffert un trop grand
ëcartement : de-là naiflent toutes les efpeces
de défordres de l'ame , la mélancolie , la
fîupeur , la manie, la catalepfie , la folie,
la perte des fens , la paralyfic , & autres
accidens femblables.
Il eft vrai que la négligence à cultiver
l'efprit engourdie les organes des fens in-
ternes, afFoiblit & détruit la force nerveufe,
jette dans la langueur toutes les facultés de
l'ame , ou chacune en particulier ; en forte
que toutes , ou quelques-unes font dans une
inertie oifive. Mais au refle , pourvu que le
mouvement animal ait tou)ours lieu , cette
négligence n'eft pas fi nuifible aux autres
fondions , qu'on ne voie prefque toujours
plus fouvent les gens lâches & ftupidesque
les gens d'efprit , jouir d'une très-bonne
fanté jufqu'à une vieilleffe très-avancée.
Par ce que nous venons de dire , il eft
évident que l'excès des exercices de l'ame
afFoiblit bien davantage la fanté , que celui
des exercices du corps. On conçoit en même
temps à quel âge , à quel fexe , à quel tem-
pérament les grandes études & les veilles
ne conviennent nullement; pourquoi de
profondes méditations fatiguent plus que le
mouvement mufculaire ; pourquoi l'appli-
cation d'efprit eft fi pernicieufe à ceux qui ,
après avoir été épuifés par une forte mala-
die, reviennent en fanté , tandis qu'au con-
traire un exercice modéré du corps leur eft
très-falutaire. (G )
Exercices , ( Mané'ge. ) s'applique
particulièrement ou principalement aux
chofes que lanobleiTe apprend dans les aca-
démies.
Ce mot comprend par conféauent Y exer-
cice du cheval , la danfe , l'aflion de tirer
des armes & de voltiger , tous les exercices
militaires , les connoifTances néceffaires
pour tracer & pour conftruire des fortifi-
cations, le deffin , & généralement tout ce
que l'on cnfeigne & tout ce que l'on devroit
enfeigner dans ces e'coles.
EXE ^3^
On dit: ce gentilhomme afaitiousfesc\er~
cices avec beaucoup (fiippUud'jfemcnt.
On ne voit aucune époque certaine d'où
l'on puifte partir pour fixer avec quelque
précifion le temps de l'établifTement de ces
ccleges militaires qui font fous la protedion
du rui , & fous les ordres de M. le grand
écuycr , de qui tous les chefs d'académie
tiennent leurs brevets.
Ce qu'il y a de plus conftant & de plus
avéré eft l'ignorance dans laquelle nous
avons ignominieufement langui pendant les
fiecles qui ont précédé les rcgncs de Henri
III , & de Henri IV. Jufquelà notre nation
ne peut fe flatter d'avoir produit un feul
homme de cheval & un feul maître. Cette
partie effentielle de l'éducation de la no-
bleflè n'éroit , à notre honte , confiée qu'à
des étrangers qui accouroient en foule pour
nous communiquer de très- foibles lumières
fur un art que nous n'avions point encore
envifagé comme un art, & que François I,
le pere& le reftaurateurdes fciences & des
lettres , avoit laifte dans le néant , d'où il
s'étoit efforcé de tirer tous les autres. D'une
autre part ceux des gentilshommes auxquels
un certain degré d'opulence permettoit de
recourir aux véritables fources , s'ache-
rainoient à grands frais vers l'Italie , & y
portoient affez inutilement des fom-
mes confidérables , foit qu'ils bornaftent
leurs travaux & leur application à de
légères notions qu'ils croyoicnt leur être
perfonnellement & indifpenfablement né-
cefîàires , foit qu'ils ne fuftent pas exempts
de cet amour propre & de cette préfomp-
tion fi commune de nos jours , & qui fer-
ment tous les chemins qui conduifent au
favoir ; nul d'entre eux ne revenoit en état
d'éclairer la patrie. Elle feroit plongée dans
les mêmes ténèbres , & nous aurions peut-
être encore befoin des fecours de nos voi-
fins , fi une noble émulation n'eût infpiré
les S. Antoine, leslaBroue, &lesPlu-
vinel. Ces hommes célèbres , dont le fou-
venir doit nous être cher , après avoir tout
facrifié pour s'inftruire fous le fameux Jean-
Baptifte Pignarelli , aux talens duquel l'é-
cole de Naples dut la fupériorité qu'elle
eut conftamment fur l'académie de Rome,
nous firent enfin part des richeft'es qu'ils
avaient acquifes, & par eux la France fut
53^ EXE
peuplés d'écuyers François , qui l'emportè-
rent bientôt fur les Italiens mcmes.
LY-tat ne fe refientit pas n-'anmoins des
avantages réels qui auroient dû fuivre &
accompagner ces fuccès._ On en peut)uger
par le projet qui termine les inftruftions
que donne Pluvinel à Louis XIII , dans un
ouvrage que René de Menou de Charnifay,
écuyer du roi , & gouverneur du duc de
. Mayenne , crut devoir publier après fa
mort. Pluvinel y dévoile avec une fermeté
digne de lui, les raifons qui s'oppofent in-
vinciblement à la fplendeur des académies
& à l'avancement des élevés ; & l'on peut
dire que fes expreffions caradérifent d'une
manière non équivoque cette fincérité phi-
lofopliique , également ennemie de l'arti-
fice & de l'adulation , qui lui mérita l'hon-
neur d'être le fous-gouverneur , l'écuyer ,
le chambellan ordinaire , & un des favoris
de fon roi ; fincérité qui déplairoit & ré-
volteroit moins , fi la gloire d'aimer la vé-
rité ne cédoit pas dans prefque tous les
hommes à la fatisfadion de ne la jamais
entendre.
Ceux qui font à la tête de ces établiffe-
mens n'ont , félon lui , d'autre but que leur
profit particulier. 11 eft conf.'quemment
impoîTible qu'ils allient exaûement leurs
devoirs avec de femblables motifs. La
crainte d'être obligés de foutenir leurs équi-
pages fans fecours , & aux dépens de leurs
propres biens , les engage à tolérer les vices
des gentilshommes pour les retenir dans
leurs écoles , & pour y en attirer d'autres.
Il s'agiroit donc à la vue des dépenfcs im-
menfes auxquelles les chefs de l'académie
font aflTuiettis , de les défintéreffer à cet
égard , en leur fournifTant des fonds qui leur
procureroient & les moyens d'y fubvenir ,
& la facilité de recevoir & d'agréer de
pauvres gentilshommes que des penfions
trop fortes en éloignent. Pluvinel propofe
enfuite la fondation d'une académie dans
quatre des principales villes du royaume ,
c'e!!- à-dire , à Paris , à Lyon , à Tours , &
à Bordeaux. Il détaille les parties que l'on
doit y profeffer ; il indique en quelque fa-
çon les réglemens qui doivent y être obfer-
vés , foit pour les heures , foit pour le genre
des cxiïcices. Il s'étend fur les devoirs des
maîtres & fur les excellens effets que pro-
EXE
duiroic infailliblement une entreprife qu'sl
avoit fuggérée à Henri IV , & dont ce grand
monarque étoit prêt à donner l'exécution ,
lorfcju'une main meurtrière nous le ravit.
Enfin toutes les fom mes qu'il demande au
roi fe réduifent à celle de 30000 liv. par
année prélevée fur les penfions qu'il fait à la
noblefle , ou afFeftée fur les bénéfices ; &
fi les gentilshommes , continue-t-il , éle-
vés dans ces écoles venoient à tranfgreffer
les ordonnances , leurs biens feroient con-
fifqués au profit de ces collèges d'armes ,
afin que peu à peu leurs revenus augmen-
tant , la noblelFe qui gémit dans la pau-
vreté , y fût gratuitement nourrie & en-
feignée.
On ne peut qu'applaudir à des vues auflî
fages ; elles auroient été fans doute rem-
plies , fi la mort eût permis à Pluvinel de
jouir plus long-temps de la confiance de
fon prince. Il y a lieu de croire encore que
les reproches qu'il fait aux écuyers de fon
temps font légitimes. L'intérêt & le de-
voir fe concilient rarement , & il n'efi
qu'un fond inépuifable d'amour pour la
patrie qui puifTe porter à fe confacrer de
fens froid à un état dans lequel on eR né-
cefTairement contraint d'immoler l'un à
l'autre. Tel fut le fort de Salomon de la
Broue. Cette illuflre & malheureafe vic-
time de l'honneur & du zèle fe trouva fans
relfource , fans appui , n'ayant aucune
retraire , & ne poffédant , pour me fervir
de fes propres termes , qu'un manv.vs
cîveçon ufe prêt ù mettre au croc. Accablé
devieillefTe, d'infirmités & de mifere ,
il eut néanmoins le courage de mettre au
jour un ouvrage utile & précieux. Les
grands hommes ont feuls le droit de fe ven-
ger ainfi; mais les témoignages qu'ils laiC-
fent à la poftérité de leurs ttavaux & de
leurs mérites , font en même temps des
monumens honteux de l'ingratitude & des
injuftices qu'ils éprouvent.
Quelque confidérable que pût être alors
la fomme de 50000 liv. par année , fomme
qui proportionnément au temps où nous
vivons , formeroit aujourd'hui , eu égard
à une femblable fondation , un objet très-
modique , je ne doute point que la noblefle,
gratifiée par le prince , & lesbénéficiers ,
n'euflent fupporté avec une forte d'em-
preflement
EXE
préfTcmér.*' cette impofiiionS.^cctte clmrge.
Premicrement elle éroit rJpaitie fut' un
trop grand nombre ds perfonnes , pour
que chacune d'elles en paiuL'uIier pût en
être bledt'e , & foulfrir de cette diminu-
tion: en fécond lieu les gentilb'iommes au-
roient incontcdablcmenc faifi cette cir-
■conftance , pour prouver , par leur fuumif-
fion & par leur zele à conrribucr à l'édu-
cation do leurs pareils , combien ils étoient
dignes de la faveur du fonverain &; des ré-
compenfes dont ils jouifl'oient. Enfin les
bénéticierscux-mémeSjpouJrcs par cet efprit
de religion qui doit tous les animer , n'au-
roient peut- être recherché que les voies de
concourir avec efficacité à élever un édifice
dont le vice d.'voit être banni , & dans le-
quel la vertu devoir être cultivée , infpirée
& chérie.
Rien n'eft plus énergique que le difcours
que Lucien met dans la bouche de Solon ;
ce Syrien qui nous a laiflé des traits mar-
qués d'une philofophie épurée , pour rap-
peller l'idée de l'ancienne vertu des Athé-
niens , fait parler ainfi le légiflateur dans
un de fes dialogues. " Nous croyons qu'une
ville ne confifle pas dans l'enclos de fes
murailles , mais dans le corps de fes habi-
tans ; c'eft pourquoi nous avons plus de
foin de leur éducation que des bâtimens &
des fortifications. En leur apprenant à fe
gouverner dans la paix & dans la guerre ,
nous les rendons invincibles & la cité im-
prenable. Après que les enfans font fortis
de defïous l'aile de leurs mères , & dt^s
qu'ils commencent à avoir le corps propre
au travail & l'efprit capable de raifon & de
difcipline , nous les prenons fous notre
conduite , & nous exerçons l'un &: l'autre.
Nous croyons que la nature ne nous a pas
fait tels que nous devons être , & que
nous avons befoin d'inflruftion & d'exer-
cice pour corriger nos défauts , & pour
accroître nos avantages. Semblables à ces
jeunes plantes que le jardinier foutient avec
des bâtons , & couvre contre les injures
de l'air jufqu'à ce qu'elles foient aflfez for-
tes pour fupporter le chaud & le froid , &
réfifter aux vents & aux orages. Alors on
les taille , on les redrefTe , on coupe les
branchjs fuporflues pour leur faire porter
plus de fruit , un ôte les bâtons & les cou-
Tome XJIl.
EXE ^37
vrrturcs pour les endurcir & pour les tor-
tilùr >j.
Avec de tels principes , &: une attention
auHi fcrupultufe â former & à inrtruire
la jcuneffe , il n'eft pas étonnant que les
( Jrecs aient été par les loix , par les fcien-
ces , & par les armes , un des plus fameux
peuples de l'antiquité. Les. Romains les
imitèrent en ce point. Dés l'âge de dix-
Icpt ans ils exeiçoient leurs enfans à la guerre;
& pendant tout le temps qu'ils étoienc
adonnés aux exercices militaires , ils étoienc
nourris aux dépens de la république ou de
l'état. Ils s'appliquoicnt de plus à en régler
le cœur , à en éclairer l'efprit ; c'efl ainfi
qu'ils devinrent dans la fuite les maîfes du
monde , (Scqu'ils étendirent par leurs mœurs
autant que par leurs vidoires un empire
dont la grandeur fut la récompenfe de leur
fagefle.
Je ne fais fi l'examen de la plupart des
jeunes gens qui fortcnt de nos académies
nenousrappelleroitpas l'exemple que nous
propofe Xénophon dans un enfant quî
croyoit avoir tout appris,. ^pcfléder toutes
les parties de lafciencedelaguerre , tandis
qu'il n'avoit puifé dans l'école que la plus
légère teinture de la tadique , & qu'il n'en
avoit remporté qu'une efîime outrée de
lui-méme,accom.pagnée d'une parfaite igno-
rance. Je ne rechercherai point fi l'on peuc
& Il l'on doit comparer les progrès qu'ils y
ont faits avec ceux de leurs premières années
{voye^ les niots CoiL'EG'E 6~ ETUDE ) ; &
fi ces mêmes progrès fe bornent pour les
uns & pour les autres à imiter leurs maîtres
dans leurs véremens & dans leurs manières,
à être très-mal placés à cheval par la ra.fon
qu'ils y font à leur aife , à tenir leurs cou-
des en l'air , à agir fans cefTe des bras , fans
penfer aux façades que produifent des mou-
vemens ainfi défordonnés,&fous le prétexte
d'éviter un air affcdé,à fe vanter pat -tout
de fautes & d'exploits qu'ils n'ont jamais
faits , à louer leur adrefTe fur les fauteurs
qu'ils n'ont pas même montés , à parler de
la torce de leurs jarrets , à méconnoître
jiifqu'aux premiers principes qui indiquent
le plat de la gourmette , à retenir des
mots impropres qu'ils regardent comme
des mots reçus , comme celui de dégeler
I des chevaux , que quelques-uns par une
Yyy
^38 EXE
élégante métaphore fubfîituent au mot
deiioHL'ï ; à faire ufage enfin de quelques
teiTTies gt^nJraux qu'ils appliquent toujours
mal , 6c fur le fouvenir defquels ils fe fon-
• . ]- nerfuader , ainli que l'enfant
dont parfe X^nopliofi , qu'.; cnC acquis
par la profon.deur deleurfavoir , l'autorité
de juger du mcrite des maîtres , & de
couronner les uns aux dépens des autres ;
tous ces détails nous enrraîncroient trop
loin , & m'écarteroient infailliblement de
mon' but. Les plus grands légillateurs ont
envifagé , comme un point important du
t'ouvernement , l'éducation de la jeunefTe ;
ce feul point m'arrête & m'occupe. Voué
par goût à fon inftruâion , & non par
n 'celTité , )e crois pouvoir efpérer que tou-
tes les idées que me fuggéreront le bien
& l'avantage public , ne feront point fuf-
peûes: un objet auffi intérellànt doit met-
tre en eftet la franchife à l'abri des repro-
ches de l'indifcrétion dont elle eft fou-
vent accompagnée : & pour me prémunir
d'ailleurs contre les efforts d'une baffe
jaloulie dont on n'efl que trop fouvent
contraint de repouffer vivement les traits ,
je prorerte d'avance contre toute imputa-
tion abfurde , & contre toute maligne appli-
cation.
Tout vrai citoyen eft en droit d'attendre
clés foins généreux de fa patrie ; mais les
jeunes gens , &fur-tout la nobleffe , deman-
dent une attention fpéciale. " La fougue
,, des paffons naiffantes , dit Socrate ,
„ donne à cet âge tendre les fecouffes les
,, plus violentes : il c'\ néceffaiie d'adoucir
,, râpreté de leur éducation par une cer-
„ taine mefure de plaifir ; & il n'eft que
,, les exercices où {c trouve cet heureux
„ mélange de travail & d'agrément , dont
,, la pratique conffinte puiffe leur agréer
» & leur plaire >;, Ces exen'neiCoTxt pure-
ment du refîôrt des académies. Or , dès que
dans ces écoles nous fommes certains par
ce wéLiuge heureux , de pouvoir parer au
dégoût jqu'infpireroit naturellement une
carrière toujours hériffée d'épines , au
milieu defqnelles on n'appercevroit pas
la moindre fleur , il ne nous refle qu'à
.chercher les moyens d'y mettre un ordre,
& de donner à ces établiffmens une forme
qui en allure à jamais l'utilité.
EXE
yfciide'mie. architecture.. }e ne prétencîg
point que nous devrions néceffairement
imiter dans \â Conrtrudion de nos acadé-
mies la fpiendeur de ces lieux , autrefois
app j'ilés^)';««4/î:,f,ou les magnifiques éphé-
béei que l'on remarquoitau milieu des por-
tiques des thermes , & qui étoient deftinés
aux àïfféiens exercices , qui faifoient parmi
les anciens l'occupation & l'amufement
de la jeuneffe. Si les maifons qui en tien-
nent lieu parmi nous , étoient des
édifices ftables & perpétuellement confa-
crés à ce feul objet , fans doute qu'elles
annonceroient au dehors & à l'intérieur
la grandeur du fouverain dont le nom en
décore l'entrée. Quand on confidere ce-
pendant l'immenlité dont devroient être
ces collèges militaires , eu égard au ter-
rain que demandent des manèges couverts
& découverts ( royeij ManeGe) , des écu-
ries pour les chevaux fains & pour les
chevaux malades ( Foyez, ÉCURIE ) , des
fenils & des greniers pour les approvifion-
nemens de toute efpece , des cours diffé-
rentes pour y conftruire des forges {Foyeik
Forges) , des travails ( t/oye^^TRA VAIL),
& pour y dépofer les fumiers ; des appar-
temens pour les écuyers , pour les officiers
& pour les domeftiques de l'hôtel , pour
les cuifines , les offices & les falles à man-
ger , des falles à'exercices , des chapelles ,
des logemens multipliés & appropriés aux
divers âges des penficnnaires , à leur état ,
à leur faculté , à leur fuite plus ou moins
ncmbreufe , &c. on eft étonné que l'on
ait imaginé pouvoir ra(rembler& réunir
toutes ces vues dans des lieux fouvent u
refterrés , qu'à peine certain»; particuliers
pourroient-ils y établir & y fixer leur do-
micile. Il feroit par conféquent à fouhairer
que les villes , qui ont l'avantage de ren-
fermer dans leur fein de femblables écoles,
fuffent tenues de conRruire & d'entretenir
des bârimens convenables , & toujours af-
feélés à ces collèges ; non -feulement les
élevés y feroient plus décemment , mais
l'état en général fe reffentiroit des fommes
qu'une foule d'étrangers, également attires
par l'attention avec laquelle ces fortei
d'établiffemens feroient alors foutenus &
envifagés , & par la réputation de ceux qui
en feroient les chefs , repandroicnt dans le
EXE
royaume; & chacune de ces villes en par-
ticulier fooit , par leur abord &: par Taf-
fluence des acade'mifics nationnaux , am-
filement dédommagée des dépenfbs dans
efquelles elles auroient été primordiale-
menc engagées. Je conviens que ces pre-
miers irais leroient au-defFus de forces des
villes de la plupart des provinces ; mais de
pareils projets ne peuvent avoir leur exécu-
tion que dans de grandes villes , foit parce
qu'il eft plus facile d'y fixer d'excellens
maîtres en tout genre , foit parce qu'elles
trouvent plus aifément en elles-mêmes ,
& dans leur propre opulence , les refïbur-
ices|nccefï"aires. Le vaile édifice élevé depuis
peu par I.i ville de Strasbourg , & le plan
de celui dont la ville d'Angers fe propofe
de jetterinceiramment les fondemens , nous
en offrent une preuve. D'ailleurs fi telle
^toit leur impuiffance que cette loi leur
ïîàt téellement à charge, & qu'elles en fouf-
friflènt véritablement , on pourroit exiger
une forte de contribution des villes & des
provinces que leur proximité mettroit en
quelque façon dans le diiîrid de ces acadé-
mies ; car dès que ces mêmes provinces
profiteroient de ces écoles , il eft jufte
qu'elles y concourent proporcionnément à
leurs facultés.
Chefs d'acddeiii'ie. L'opinion de ceux qui
limitent les devoirs des chefs d'académie
dans l'enceinte étroite de leur manège ,
feroit-elle un préjugé dont ils pour-
roient revenir ? Pluvinel & la Broue ne
penfoienc pas ainfi ; ils érendoient ces
devoirs à tout, &: ferécrioientavecraifon
l'un & l'autre fur la difficulté de rencontrer
des hommes d'un mérite aflez éminent pour
les remplir.
Exercices du corps. Ne fournir à de jeunes
gens dans le manège que des inftruétions
qui n'ont pour tout fondement qu'une
aveugle routine , & ne les faire agir que
conféquemment à ce que nous pratiquons
nous-mêmes fimplement par habitude, c'eft
leurpropofer notre ignorance pour modèle,
c'eft leur faire envifager l'art par des diffi-
cultés qu'il leur fera impolïïble de furmon-
ter , & que des maîtres qui enfeignent ainfi,
n'ont jamais eux-mêmes vaincues. L'exé-
cution eft d'une néceftité indifpcnfable ,
fen conviens j nos écoles doivent être pour-
E X E i{39
vues de chevaux de toute efpece , fufcep-
tibles de tous les mouvemens poftibles ,
dreffés à toutes fortes d'airs ; il eft de pluî
important que nous leur fuggérions plus
ou moins de fineiTe , que nous les appio-'
prions à la force & à l'avancement de nos
élevés , que nous lesdivifionsendifFérenteS
clafles , pour ainfi dire , afin de faire infen-
fiblement parcourir à nos difciples cette
forte d'échelle, s'il m'eft permis d'ufer de
cette expreflîon , qui marque les difF.'rer^-
tes gradations des lumières & dos connoif-
fances ; or, croira-t-on que toutes ces
attentions puiftent avoir lieu parle fecours
delà pratique feule, & imaginera-t-on
férieufement qu'il foit permis de former
une liaifon , un enchaînement utile da
principes , dès qu'on n'en eft pas éclairé
foi-même? Que réfulteroit-il d'une école
dont le chef ne rapporteroit d'autre titre
de (on favoir , qu'une expérience toujours
ftJrile , dès qu'elle eft informe , ou donc
tous le mérite confiSeroit dans le frivole
avantage, ou plutôt dans la honte réelle
d'avoir inutilement vieilli ? d'un c ôcé ce
même maître deviendroit avec railbii le
jufte objet du mépris des perfonnes inftrui-
tes ;. & de l'autre les académiftes , doa's de
la faculté de fe mouvoir , & non de réfléchie
& d'obferver , feroient à peu près à cec
égird femblables à ces machines & â ces
automates qui n'agiftent que fans choix &
par reflbrt. Saint Evremont dit , que les
docteurs de morale s'en tiennent ordin.iireimnt
a U théorie , & d»fccndent rarement à. l.i
pratique. Ne pourroit-on pas appliquer le
feus contraire de cette vérité à la plupart:
des écuyers ? Il eft cependant certain que
fans la théorie , fans des préceptes dont le
cheval attefte fur le champ , dès qu'ils font
mis en ufage , la certitude & l'évidence par
fon obéiftance & par fa foumiftîon , il e({
abfolument impofTiblede montrer, d'appla-
nir , & d'abréger les routes de la fcience ,
d'afTurer les pas des élevés , & de créer des
fujets. Les leçons particulières fur les
principes de l'art , données chaque jour de
travail , à une heure fixe , aux commen-
çans , par les maîtres chargés de les initier,
aux difciples plus avances , par le chef
mènie de l'école, feroient donc effentiellea
& faciliteroient l'intelligence des maximes,
Yyy 2
«540 EXE
qu'on nepeiit entièrement dfv'elopper dans
\c COUTS du Vcxercke. Mais bien loin de
fatistaire la curu)lîcc des a :aiémi(lcs , on
blâme communément, dans la p!u<; grandi
partie d'entr'eux , le dvfir louable de s'inf-
truire ; quels que foient les vains dehors
dont on le pare , on a touiours un fcn-
fiment intime & fecret de fon infuffi-
fance ; on redoute donc les e'preuves ;
on e'Iude jufqu'aux moindres queftions ;
parce qu'elles font la pierre de touche
de la capacité , & qu'elles ne peuvent que
provoquer la chute du mafquedont on fe
couvre,
Lescourfesde tête & de bague font fans
doute utiles. Ces fortes de ieux militaires,
qui de tous ceux que l'on pratiquoit autre-
fois font les feuls en ufage parmi nous ,
donnent à de jeunes gens de l'adrefTe , de
la vigueur , & excitent en eux une noble
émulation : on ne devroit néanmoins les y
exercer que lorfqu'ils fe font fortifiés dans
l'école , & non avant de les avoir parfaite-
ment confirmés dans les leçons du galop &
du partir : il femble même qu'il feroit plus
avantageux de leur préfenter alors , dans
des évolutions de cavalerie , dans les diffé-
rentes difpofitions dont un efcadron eft
fufceptible , dans des converfions , dans des
marches , des contre- marches , dans des
doublemens de rangs ou défile, enfin dans
le maniement des armes à cheval , une image
îion moins agréable & plus inftrudive des
vraies manœuvres de la guerre. Les effets
qui fuivroicnt cette nouvelle attention ,
prévaudroient indubitablement fur ceux qui
relu Itent des courfes dont il s'agit , & de
ces jours à'erirubannoiiens , voués d'autant
plus inutilement à la fatisf'aftion des fpec-
tateurs, que les ornemens dont on décore
les chevaux , ainfi que la parure des cava-
liers , ne font très- fouvent dans le tableau
galant que l'on s'emprefle d'offrir , que des
ombres défavorables qui mettent dans un
plus grand jour les défauts des uns & des
autres.
Les évolutions militaires à pié , ladanfe,
les exer cites fur \e cheval de bois, & l'efcri-
jne, font encore des occupations indifpen-
fables ; mais les fuccès en tout genre dé-
fen^enr également deséleves & des maître?.
1 itnportvroic donc que des t'cuyers eufllnC
EXE
les yeux fans ceffe fi <és fur les travaux des
premiers. Quant aux maîtres, c'eft aujç
chefs des académies à en faire le choix; &
ce choix ne pourra être jufte , qu'autant
qu'il leur appartiendra d'en décider non
conf.'quemnient au titre dont ils font re-
vêtus , mais conféquemment aux connoif-
farices étendues qu'ils doivent avoir.
Je ne peux me difpenfer de m'élever ici
contre la tyrannie du préjugé & de l'éduca-
tion. J'ignore en effet parquel aveuglement
on contraint tous les hommes à renoncer ,
dès leurs premières années , à une ambi-
dextérité qui leur efi naturelle , & à laiffer
languir leur main gauche dans une forte
d'inaction. Il n'efl pas douteux que toutes
les parties doubles font en même propor-
tion dans les corps régulièrement organifés;
leur décompofition ne nous y laiffe apper-
cevoir aucune caufe d'inégalité , & nous
voyons que celles dont nous faifons ua
ufage pareillement confiant , ne différent
entr'elles ni par l'agilité , ni par la force :
ce n'efl donc qu'à l'oifiveté prefque con-
tinuelle de la main gauche, que nous devons
attribuer fon inaptitude; elle n'a d'autre
fource dans les hommes qui fe fervent com.
munément de la main droite, que l'afîluence
toujours moins confi.dérable des efprits dans
une partie qui agit moins fréquemment que
l'autre ; & fi elle nous frappe d'une manière
fenfible dans ceux mêmes que nous défi-
gnons par le terme de gauchers , il efl cer-
tain que nous ne pouvons en accufer que
nos propres yeux , habitués à ne contiderec
principalement que des mouvemens opérés
par la droite, Ces réfîexions devroientnous
fortifier contre une opinion & contre une
coutume commune à toutes les nations ,
mais peut-être auffi ridicule que celle qui
tenJroit à la recherche ou à l'emploi dos
moyens de priver les enfans de la faculté
d'entendre des deux oreilles enfemble.
Quelques peuples , à la vérité , plus fenfés
& convaincus de l'utilité dont deux mains
doivent être à l'homme , s'en font affran-
chis pendant un temps. Platon , de leg.
l'iv. VU. en fe récriant fur l'idée finguliere
des mères & des nourrices , attentives à
gêner les mouvemens des mains des enfans ,
tandis qu'elles font indifférentes à l'égard
do ceux de leurs jambes , recommandoiî ï.
EXE
tous les princes robfervation d'une loi for-
me!!-: , qui altraignoic Cous !es Scyrlies à cirer
di.' l'aie Lgalcment des deux mains. Nous
vovons encore qu'un cercain nombre de
foldacs de la cribu de Benjamin , qui dans
une occafion imporcance en fournit fept
cents 3 fos allii's , e'toient dretlt-s à com-
battre de l'ilne & de l'autre. Mais le pré-
juge l'a emporté ; & i! a tellement piévalu
qu'Henri IV lui même conge'dia rir.q de
fes gendarmes, fans égard à leur bravoure,
& par la feule confidération de l'abandon
dans lequel ilsjaifîbient leur main droite ,
& de la préférence qu'il donnoient à leur
main gauche. Il feroit temps fans doute
que la raifon triomphât de l'ufage , & que
la nature rentrât dans tous fes droits; on
en recireroit de véritables avantages : d'ail-
leurs, dans une foule de circonllances, des
enfans doués d'une adrelle égale , & ambi-
dextres à tous les exercices , nefe verroient
pas, après la perte de leur bras droit , dans
la trifte impuiffance , ou dans une éton-
nante difficulté de facisfaire leurs befûins
au moyen d'une main qui leur refie , mais
qui par une fuite d'une éducation mal en-
tendue n'eft plus , pourainfi dire , en eux
qu'un membre inutile & fuperflu.
Les foins qu'exigent les uns & les autres
de ces objets feroient néanmoins inluf-
fifans. Ce n'cft pas un corps , ce nefl pas
une urne que l'on drejfe , dit Montagne ,
c\Ji un hoiiime , il ncn fuiit p.is faire à
deux. Il s'agiroit d'éclairer en même temps
l'efprit , & de former le cccur des jeunes
gens.
Exercice de l'efprit. L'étude de la géo-
métrie élémentaire elt la feule à laquelle
nos académiftes font allraincs ; rarement
outre-paflent-i!s les définitions des trois
c/imenfions , confidérées enfemble ou
féparément ; & le nombre de ceux qui
feroient en état de démontrer comment
d'un point donné hors d'une ligne don-
née ,, on tire une perpendiculaire fur cette
ligne , eft très-petit. Quant à l'architec-
ture militaire , quelques plans forr irrégu-
lièrement tracés , non fur le terrein , mais
fur le papier , d'après ceux qui leur lont
fournis par les maîtres , & dont les lavis
n'amoncent d'aucune manière les progrès
■<ju'il$ ont faits dans lo deflin , font les
EXE ^4t
uniques opérations auxquelles tout leur
favoir fe réduit.
, Des leçons importantes , fionlesavoic
forcés d'y apporter l'application néceflaire ,
& s'ils en euflent exactement fuivi le fil
ne peuvent donc que leur être nuifibles ,
en ce qu'elles ne fervent qu'à féconder en
eux l'importune démangeaifon que pref-
que tous les hommes ont de difcourir fur
ce qu'ils ignorent , &: fur des points dont
ils n'entreprendroient afllirément pas de
parler s'ils ne les av oient jamais effleurés.
Rien n'eft auffi plus fingulier que l'ou-
bli dans lequel on laide la fcience du che-
val ; l'élevé le mieux inftruit fait à peine ,
au fortir de nos écoles , en nommer &
en indiquer les différentes parties. D'où
peut naître le mépris que quelques écuyers
ou , pour parler plus vrai , que prefquG
tous les écuyers en général témoignenc
hautement pour des travaux qu'ils aban-
donnent aux maréchaux , & par le fecours
defquels ils développeroient néanmoins la
conformation extérieure & intérieure de
l'animal, les maladies auxquelles il eft en
proie, leurs caufes , leurs fymptomes &
les remèdes qui peuvent en opérer la gué-
rifon ? Il me femble que renoncer à ces
connoifTances , c'efl vouloir s'avilir , non-
feulement en s'affujettiffant dans les cir-
conftances critiques au caprice & à l'igno-
rance d'un ouvrier , qu'ils devroient con-
duire & non confuirer , mais en fe bor-
nant à la portion la moins utile de leur
protefTion ; portion qui en feroit encore
envifagée comme la moins' noble , fl
les hommes mefuroient la nobleffe par
l'utilité. Il en eft de même des lumières
qui concernent les embouchures & la
conftruûion des harnois , des felles ,
&c. Ils s'en rapportent aux felliers &
à l'éperonnier , & ne fe réfervent , en
un mot , que l'honneur d'entreprendre
d'inviter un animal , dont le méchanif-
me & les refforts leur font connus , à des
mouvemens jufles quelquefois par le hafard,
mais le plus fouvent forcir & contraires à
fa nacure. Il fuit de ce dédain marqué pour
les recherches les plus effentieiles , que ces
m^émes maîtres dès qu'ils ne font pas éclai-
rés fur ce que peut l'animal & fur ce qu'il
ne peut, dç fauroknt en affervir conftatrv
^^1 EXE
ment ra<IIHon aux nombres , aux temps &
aux m^fures dont elle elt fuiccpcible : ainfi
la partie du manège qu'ils ont embrafleo ^
par pre'fe'rence, eft abfolument imparfaite*
encre leurs mains. Foy. MANEGE. On doit
en fécond lieu , après l'éducation qu'ils ont
reçue , préfumer que les moyens d'acquérir
leur feroient plus faciles qu'à des ouvriers
dont on n'a mu que le bras , &i dont l'ef-
priteften quelque façon condamné à de-
meurer toujours brut & oifif. Or tant que
leur vanité fe croira incérefiee à morceler
& à démembrer l'art qu'ils profeflent, pour
ne s'attacher encore que foibitment à ce
qui dans ce même art les fatisfait & les
amufe , il eft certain qu'il ne parviendra
jamais dans aucune de fes branches au de-
gré d'accroiflement , & au période lumi-
neux où il feroit également poffible iSc
avantageux de le porter. Que toutes les
parties en foient en effet exadement culti-
vées , chacune d'elles fera moins éloignée
de la perfection , & elles recevront les
unes des autres un nouveau jour & de nou-
veaux appuis : alors nous vanterons plutôt
notre raifon éclairée par des principes fûrs,
que cette vaine habitude , qui n'a de
l'expérience que le nom , & qui comme
une efpece de manteau très à la mode , eft
communément le vêtement de l'amour-
propre tSc l'enveloppe de l'ignorance : alors
nous plierons beaucoup plus aifément &
avec plus de fuccès l'animal à toutes nos
volontés , parce que nous faurons ne le
travailler que conformément aux loix de fa
propre flrufture: outre le favant ufage que
nous en ferons , nous n'aurons pas à nous
reprocher notre impui (lance en ce qui re-
garde h confervation , & en es qui con-
.cerne la multiplication de l'ef;:)ece. Nous
formerons des fujets utiles à l'érat , utiles à
eux-mêmes, capables de rendre les fer-
vices les plus eflenciels dans l'adminiftra-
tion des haras , & depréferver le royaume
de ces pertes fréquçntôs qui le plongent
dans un épuifement total , & auxquelles il
fera fans ceffe expofé , jufqu'à ce qu'on
remédie à l'impéritie des maréchaux ; mal
véritablement plus funefte & plus redou-
table par fa confiance & par fes eftets , que
îes é^^idémies les plus cruclks.
L'éducation dci académi^îs pèche encore
EXE
par notre peu d'attention à tourner l'ef-
prit des jeunes gens , fur les objets qui doi-
vent principalement occuper le relie de
leur vie. On ne leur donne pas la moindre
idée des devoirs qu'ils contraâeront. Il»
entrent dans des régimens , fans favoir
qu'il elt un code & des élémens de l'arC
militaire. Ils n'ont aucun maître qui leur
explique , & qui puille leur faire extraire
avec fruit les bons ouvrages relatifs au mé-
tier auquel on les deftine , tels que les
principes de la guerre du maréchal de
Puyfegur , les commentaires fur Polybe
du chevalier Follard , les mémoires da
Feuquieres , &c. en forte qu'ils ne chemi-
nent dans leurs corps , que parce que l'an-
cienneté , & non le mérite , y règle les
rangs , & qu'ils n'y vivent que dans cette
dépendance aveugle faite pour le foldat ,
mais non pour des gentilshommes dont l'o-
béifTance fage&raifonnée eft dans la fuite un
titre de plus pour commander dignement.
La réalité des reftburces qu'ils trouvenc
dans les langues étrangères , fur-tout dans
celles des pays qui font le théâtre ordinaire
de nos guerres , nous impofe l'obligation
d'attacher à nos écoles des profefteurs en
ce genre. Nous devrions y joindre des maî-
tres verfés dans laconnoiffance des intérêts
des diverfes nations. Tels de nos élevés
apportent en naifTant un efprit de fouplefTe
& d'intrigue , fait pour démêler & pour
mouvoir les diiFJrens reftôrts des gouver-
nemens : la moindre culture les eut rendus
propres à de grandes chofes , aux négocia-
tions les plus épineufes & qui demandent
le plus d'adrefie ; mais ce même génie ,
qui d'un œil aélif & perçant eût pén.'rré le
fond des affaires les plus délicates , & en
eût découvert en un moment toutes les
faces & toutes les fuites, fe perd& s'égare
dès qu'il eft négligé , & ne nous montre
dans ces hommes , dont les talens reftenc
enfouis , que des politiques obfcurs , digues
à peine d'occuper une place dans ces cer-
cles , où par une force de délire une* foule
de fujets oififs apprécient , règlent , &
prédifent a qui le padc dans l'intérieur
du cabinet des fouverains.
L'étude del'hiftoire feconderoit nos vuei
à cet égard , d'autant plus que les gentils-
hommes confiés à nos .toins font dans un
EXE
âge où , non feuloment il leur convient
de l'apjiiL'ndre , mais où il leur appartient
d'en juger. II en eft de cette fcience
comme de toutes les autres ; elles ne iont
profiiables qu'autant qu'elles nous devieii-
reut propres. Non vit.t , pourroient dire
les enfans dans les collèges , fed fchoLt dif-
cimus ( Sen. ep. 106 , "ni fine ) : ne nous
occupons donc point à furcharger vaine-
« ment Itur me'moire ; ce que l'on dépofe
uniquement entre les mains de cette gar-
dienne infidèle n'eft d'aucune valeur ,
parce que favoir par cœur n'eft pas favoir ;
ce qu'on fait véritablement , on en difpofe,
& d'ailleurs la date de la ruine de Car-
thagedoit moins attacher un jeune homme
que les mœurs d'Annibal & de Scipion,
Obfervons encore que le jugement hu-
main eft éclairé par la fréquentation du
monde, or de jeunes gens trouvent dans
ces archives, où les adions des hommes
font confacrées , un monde qui n'eft plus ,
mais qui femble oifter & revivre encore
,. pour eux ; elles ne nous offrent , félon un
des plus beaux génies de notre iiecle ,
»5 quune vajle fcene de fo'iblejfes , de fautes ,
»> de crimes , d'inforiuues , parmi lefqiielles
») on voit (jiielques vertus & quelques fiic-
t> ces , comme oh voit des valle'es fertiles
, H dans une longue chaîne de rochers & de
n prJcipices. » Le théâtre fur lequel nous
jouons nous - mêmes un rôle plus ou
moins brillant , ne préfente que ce fpefta-
.*. cle à qui fait l'envifager ; mais l'hiftoire ,
en nous rappellant à des jours que la nuit des
temps nous auroit infailliblement dérobés ,
multiplie les exemples & nous fait parti-
ciper à des faits & à des révolutions dont
la vie la plus longue ne nous auroit jamais
rendus les témoins : par elle nos connoif-
fances Se nos afFeâions s'étendent encore j
nos vues , bien loin d'être bornées & con-
centrées fur les objets qui frappent nos
veux , embraflent tout l'univers ; & ce
livre énorme qui conftate la variation per-
pétuelle & furprenantede tant d'humeurs,
de feâes , d'opinions , de loix & de cou-
tumes , ne peut enfin que nous apprendre
â juger fainement des nôtres.
la religion & la probité s'étayent mu-
tue'iement & ne fe féparent point : que
l'on infpire à la jeuneffe des fentimens
EXE ^43
d"honneur , elle ne s'écartera point des
principes, qui, dès fa plus rendre enfan-
ce , doivent a\-oir été imprimés dans fon
cœur. Maison doit fubftituer à des prati-
ques ridicules , à des démonftrations fu:.
perftitieufes , à des déchiremens de véte-
mens , à des aftes de manie & de défef-
poir , à toutes les inepties , en un mot ,
dans Icftiuelles confiftent toutes les inf-
trudions que la plupart des jeunes gens
reçoivent dans certains collèges , & qui les
mènent plutôt à l'idiotifme ou au mépris
de la religion qu'au ciel , des leçons fur
des vérités importantes qu'on leur a laifTë
ignorer ; ils y puiferont la vraie fcience des
mœurs , & la connoifTance de cette vertu
aimable & non farouche , qui ne fe permet
que ce qu'elle peut fe permetttre , & qui
fait jouir & poftéder.
Quant aux maîtres de mufique & d'inf-
trumens , le délafTement , ainfi que le defir
& le befoin de plaire, les ont rendus nécef-
faires. Onneréuftît dans le commerce du
monde , que fous la condition d'être utile ,
ou fous la condition d'y mettre de l'agré-
ment ; celle-ci fuppofe encore une poIitefTe
fimple , douce , & aifée , fans laquelle les
talcns n'ont aucun prix , & que des enfans
n'acquerront qu'en renonçant à tous les
plis de la première éducation , & en appre-
nant ce qu'ils n'ont jamais appris , c'eft-à-
dire , à penfer , à parler & à fe taire.
Tel eft en général le but que l'on de-
vroit fe propofer dans toutes les académies.
Je conviens qu'élevées fur un femblable
plan , il feroit aftez difficile qu'elles fuffenc
nombreufes ; mais fix écoles de cette
efpece feroient d'un fecours réel à l'état ,
ne s'entredétruiroient point les unes &
les autres , & fe foutiendroient d'elles-
mêmes fans des faveurs telles que celles
que demandoit Pluvinel , fur -tout fi les
agrémens des emplois militaires dépen-
doient du féjour & des progrès que des
élevés y auroient faits.
Je dois au furplus déclarer ici , que je
n'ai prétendu blâmer que les abus & non
les perfonnes. Je fais que les intérêts , ou
plutôt la vanité des hommes , fe trouvent
étroitement liés avec ceux de l'erreur ;
mais la vraie philofophie ne refpcâc que
la vérité , & n'en médite que le triompha»
544 EXE
D ailleurs , je me fuis cru d'autant plus
autorifé à en prendre ici la dcfenfe , que
les écoles que je propofe. répondroient
pleinement aux vues fupérieures d'un mi-
nière , qui , par rétabliflemenc de l'école
militaire , nous a prouvé que les grands
hommes d'état s'annoncent toujours par
des monumens utiles & durables. ( e)
EXERESE , en ch'/yiirgie , ell: une opé-
ration par laquelle on tire du corps hu-
main quelque matière étrangère, inutile ,
& même pernicieufe.
Ce mot eft grec , e|«(/)e(r<f ; il vient du
Veibe£|«if8a, eruD, extrabo , j'ôte, je retire.
Vcxcrefe fe fait de deux façons ; par
cxtraâion , quand on tire du corps quel-
que chofe qui s'y eft formée ; & par détrac-
tion , quand on tire du corps quelque chorç
qui y a été introduite par dehors.
L'opération de la taille ou lythotomie ,
l'accouchement forcé, &c. font de la pre-
inicre clafTe ; «Se la fortie d'une balle , d'un
dard , feroit de la féconde. Quelques au-
teurs ne donnent le nom de detrc'.ct'ion , à
l'action de tirer un corps étranger qui eft
entré par dehors , que lorfqu'on eft obligé
de faire une incifion à une partie oppofée à
celle par où le corps étranger s'eft introduit;
cette dillinflion n'eft pas de grande utilité.
Le point important pour fe bien con-
duire ici , eft d'examiner avec attention ,
1". quelle eft la partie dont on veuttiier
quelque chofe , & s'éclairer fur la ftruûure
de cette partie : %°. quels font les corps
lïtrangers que l'on veut faire fortir , quelle
eft leur forme & leur nature , s'ils font
durs , mous , friables , compreftibles ,
ronds , quarrés , ovoïdes , triangulaires ,
Crc. 3°. quels font les ditférens inftrumens
qu'on y peut employer , & choifir les plus
propres à ce deftein , ou en imaginer de
plus parfaits : 4°. quand il faudra les met-
tre en ufage , & comment.
On a donné les autres principes géné-
raux qui concernent l'opération de Vexe-
reff, au mot CoRPS ÉTilANGERS. ( T
EXERGUE , f. f. ( f/?/. anc. & mod.
fignifie , chez, lis medatHiftes-, un mot , une
EXE
devife , une date , &c. qu'on trouve quel»
quetbis dans les médailles au-delFous des
figures qui y font repréfentées. royez,
MiiDAiiLE , Légende , &c.
Ce mot eft dérivé des mots grecs ^| , de^
& ïfyii , ouvrage.
Les exergues font ordinairement au re-
vers des médailles ;. cependant il y en a
qui font fur le devant ou fur la face.
Les lettres ou les chiffres, qui fe trou-
vent dans V exergue des médailles, fignifienc
pour l'ordinaire ou le nom de la ville dans
laquelle elles ont été frappées , ou la valeur
de la pièce de monnoie : celles-ci feule-
ment S C. [a) marquent par quelle autorité
elles ont été fabriquées. Cb.iinbers { G )
^ EXFOLIATION , en Chirurgie , eft la
féparation des parties d'un os qui s'écaille,
c"eft-à-dire, qui fe détache par feuilles ou
par lames minces. Voyez. Os.
Ce mot eft compofé des mots latins ex
& folium , feuille.
Quand une partie de la furfacedu crâne
a été à nud pendant quelque temps , elle
eft fujette à Vexfoliation : lufage de la pou-
dre céphalique ne fert de rien pour avancer
Vexfoliation. Lionis.
On ne doit point trop hâter la guérifon
des bleft'ures faites aux os ; mais on doic
laiffer aux os le temps de fe rétablir d'eux-
mêmes ; ce qu'ils font quelquefois uns
exfoliatien , fur-tout dans les enfans.
On ne peut pas guérir les caries des os
fans exfoliation. Foyez.CKKl'E. Les os dé-
couverts ne s exfolient pas toujours : on a
vu des dénudations confidérables qui ont
duré fix mois avec fuppuration , où la fur-
face de l'os s'eft revivihée au lieu de s'ex-
folier ; on peut lire à ce fujet desobferva-
tions de M. de la Peyronie , inférées dans
un mémoire de M. Quefnay furies exfo-
liations du crâne , dans le premier volume
des me'moires de facad. royale de chirurgie.
On trouvera , dans ce même mémoire, plu-
fieurs obfervations qui montrent l'ufage
du trépan pertbratif pour accélérer Vexfo-
liation & pour l'empêcher ; l'ufage de la ru-
gine & des couronnes du trépan pour pro-
(a) 1°. 11 n'eft pas très -certain que les lettres 5 C, marquent par quelle autorité les médailles oiit
ité frappées. %". On trouve dans Wxcri,uc d'autres lettres que S C. lui marqueroieiit l'autorité.
Voyei la Jcunce des mdailUs , Par le P. Jobert,
cuiei
E X H
cwrer Vexfolutioii ; les cas où il a fallu em-
ployer le cifcau & le maillet de plomb pour
enlever à plufieurs repiifes des portions
d'os alccrJes, & les obUacles particuliers
çui pc;uvent rerenir & engager une pièce
d'os qui doit fe féparer. ( 7")
C'écoit une opinion commune & reçue
parmi les anciens , que tous les os décou-
verts doivent s'exfolier ; c'eft pourquoi ils
tenoient pendant long-temps les lèvres de
la plaie c'carcées l'une de l'autre , en atten-
dant cette exfol'uttiJii. L'expérience & la
raifonont détruit ce préjugé, & ont fait
voir qu'en teniponnant les plaies ou les os
font fiinplen-.ent découveits , on en retar-
de la guéri(on , & l'on expofe les bleH'és à
des accidens fâcheux : ce n'çft pas cepen-
dant que Vexfoliation des os ne foit pref-
que tou;ours l'ouvrage de la pure nature ,
&que la plûpartdes précautions qu'on prend
pour produire cette ex foliation , ne foient
d'ordinaire inutiles ou nuifibles : il faut dire
hautement ces fortes de vérités.
En effet, combien de fois voit-on des
chirugiens , qui , pendant des mois entiers ,
pendant des annéesentieres,fef!attent vai-
nement de parvenir à Vexfoliation d'une par-
tie de quelque os, par le charpifecl'efprit de
vin , les cauftiques & la rugine , tandis que
d'autres fans fecours, voient en peu de temps
une heureufe exfofiation fe produire chez
leurs malades ; c'eft qu'alors la nature étoit
elle-même i'artifte de Vexfoliation. Le plus
grand fecret du chirurgien eft de laifTeragir
cette nature , d'obferver fes démarches ,
de ne pas contrecarrer fes opérations , de
conferver à la partie fa chaleur naturelle ,
ou de l'augmenter quand elle eft languif-
■ Tante. Il n'y a pas feulement de la droiture,
înais du bon fcns , à reconnoîrre dans les
* arts les plus utiles , lesbornes & les limites
deleurpuifiknce. Les habiles gens qui pro-
feffent de tels arts n'y perdent rien , & les
Frippons trouvent moins de àuçts. Addition
de Ai. le cbev.'Her de Javcourt.
On donne auill le nom à'exfoHation,i la
réparation d'uoe membrane , d'un tendon ,
& autres parties molles , froifrées& meur-
tries p.ir quelque caufe extérieure, ou alté-
rées par rcxpulllondel'air à l'occafion d'une
plaie , ou par des matières purulentes ; le
: riéfàut de cette fcparation dans cette der-
I Tome XllU
E X F H5
nrere circonftance , eft une caufe de fîftule.
royc^ Fistule. ( Y)
EXFOLL'\TIF ,terme de chirurgie , re-
mède propre à faire exfolier les os cariés ,
c'e(t-à-dire, à faire féparer par feuilles la
carie de la partie faine. Foyez. Carie &
Exfoliation.
On nomnie tuyau exfoliatif , un indru-
ment qui perce l'os en le ratifiant , &
en enlevant plufieurs feuil! js les unes après
les autres. La tige & la mitte de cet
inflrument ne différent point de celles
du trépan couronné , puifqu'il fe monte
fur l'arbre du trépan, de même que les
couronnes. Foyez. cette ftrudure au mot
Trépan. La partie inférieure du trépan
exfoliatif e{\ une efpece de lame inégale-
ment quarrée , épaiffe de deux lignes
dans fa partie fupérieure , un peu moins
dans l'inférieure, large d'environ fix lignes
&; demie , & longue d'un pouce. Du mi-
lieu de la partie inférieure de cette lams
fort une petite mèche d'une ligne de
longueur pour le plus , (^ui d'une bafe un
peu large fe termine par une pointe. Cette
petite mèche fert de pivot à toute la ma-
chine. Cette lame , qui eft tout-à-faic
femblable au vilebrequin des tonneliers ,
qu'ils appellent leur fermoir , doit avoir
fix tranchans oppofés , deux fur les par-
ties latérales de la lame , deux à fa partie
inférieure , & deux aux deux côtés de la
petite mèche. Ces tranchans font formés
par de véritables bifeaux tournés de droite à
gauche , afin de couper de gauche à
droite.
Cette lame doit être d'un bon acier,
mais la trempe doit en être douce : telle
eft la trempe par paquets , qui efl celle
qui convient le mieux pour les inflru-
mens qui doivent agir fur des corps durs ;
& fi les ouvriers voyent qu'elle foit encore
trop dure , ils ont le foin de donner un
recuit bleu , pour adoucir la trempe & la
rendre moins aigre.
L'ufage du trépan exfoliatif n'efl pas
fréquent ; il peut cependant trouver fon
utilité , & il ne faut pas le fouftraire de
l'arcenal de chirurgie , où quelques prati-
ciens le regardent comme inutile. Foyez. U
f,g.^,PLxn.{r)
Zzz
$4^ EXH
EXHALAISON , f. f. ( Phyftq. ) fume'e
ou vapeur qui s'exliale ou qui fort d'un
corps , & qui fe répand dans l'air. Voyez,
Emanations.
Les mots à'exhaiaifon & de vapeur fe
prennent d'ordinaire indifFJremmtnt l'un
pour l'autre ; mais les auteurs exads les
didinguent. I!sappellent^';^p«<ri,lesiumées
humides qui s'élèvent de leau & des autres
corps liquides ; & exbala'ijons, les fumées
feches qui viennent des corps folides ,
comme la terre , le feu , les minéraux ,
les foufres , les fels , &c. Foyez, Vapeur.
Les exhalaifoKs , prifes dans ce dernier
fens^ font des corpufcules ou écoiilemens
fecs , qui s'élèvent des corps durs & ter-
refères , foit par la clialeur du foleil , foit
par l'agitation de l'air , foit par quelque
autre caufe. Les corpufcules parviennent
jufqu'à une certaine hauteur dans l'air ,
où fe mêlant avec les vapeurs , ils forment
les nuages , pour retomber enfuite en rofée,
eij brouillard , en pluie , é' c. Foyez. AT-
MOSPHERE, Nu^GE , Pluie. Voyez, auljï
Evaporation!
Les exhaluifons nitreufes & fulfureufes
font la principale maciere du tonnerre ,
des éclairs, & des divers autres météores qui
.s'engendrentdans l'air. Fû>f.:L.Ï0NN ERRE,
Éclair , &c.
M. Newton prétend que l'air vrai &
permanent efl: formé par des exluiUijons
élevées des corps les plus durs & les plus
compads. Foyez. AiR. Hurr'is & Cba?nhcrs.
On voit quelquefois , dit M. Muffchen-
bioeck, flotter dansl'airde fort grandes traî-
nées d'e.v/;4/.î//oH.( qui fontd'une feule & mê-
me efpece;clles diiFérent feulement, quant â
la figure qu'elles avoient auparavant dans la
terre , en ce que de corps folides qu'elles
étoient , elles font devenues fluides ; ou
bien en ce que de fluides denfes qu'elles
étoient , elles ont été réduites en un fluide
plus rare , & dont les parties fe trouvant
alors féparées les unes des autres , peuvent
flotter dans l'air & y relier fufpendues :
«Iles doivent par conféquent avoir confervé
plufieurs des propri.'rés qu'elles avoient
auparavant ; favoir celles qui n'ont pas été
changées par la rarétaclion : c'Ies auront
doncauin les niême^ forces qu'elles avoient
déjà , lyrfqu'elles étoient encore un corps
EXH
folide ou un fluide plus denfe ; & ces for-
ces feront aiifTi les mêmes que celles qu'el-
les auront , lorfqu'elles fe trouveront chan-
gées en une mafle femblable à celle qu'elles
fbrmoient avant que d'être raréfiées. On
n'aura pas de peine à concevoir que la
chofe doit être ainfi , lorfqu'on viendra à
confidérer qu'il s'évapore beaucoup d'eau
en été dans un jour , & que cette eau s'é-
lève dans l'air. Lors donc qu'on fe repré-
fcnte cette portion d'air qui couvre un
grand lac, ou qui fe trouve au-deflus de la
mer , on doit concevoir alors que cette
partie de l'atmorphere fe charge en un jour
d'une grande quantiré de vapeurs , fur-touc
s'il ne fait pas beaucoup de venr. Il arrive
quelquefois que le mont Véfuve & le mont
Etna exhalent une fumée d'une épaiffcur
atireufe , & qu'ils vomiflTent dans l'air une
grande quantité de foutre ; ce qui y fait
naître de gros nuages de foutre. Après une
bataille fanglante où il y a eu beaucoup
de monde de tué , les corps , que l'on en-
terre alors ordinairement les uns proche
des autres , & peu profondément , doivenï
exhaler une très-mauvaife odeur , lorfqu'ils
viennent à fe corrompre ; & ces exhaluJfous
qui tiennent de la nature du phofphore ,
ne cefTent de s'élever chaque jour dans l'air
en très-grande quantité au- deflus de l'en-
droit où ces cadavres fe trouvent enterrés»
( On peut juger de-là , pour le dire en paf-
fant , combien eft pernicieufe notre mé^
thode d'enterrer dans les églifes , & même
dans des cimetières au milieu des grandes
villes. ) De grands champs où l'on n'a Cerné
qu'une feule forte de graine , remplifTenc
l'air qui fe trouve au-deffus d'eux , d'un
nuage tWxh.iUïjons qui Ibnt par-tout de-
même nature.
Ces amasde vapeurs ou d'eA-/;.</,f /^^';d'une
même efpece qui le font dans l'airiSc lercm-
plident , font poufTéspar lèvent d'un lieu.
dans un autre , où ils rencontrent d'autres
parties de nature ditil'rente qui fe font
aiifTi élevées dans l'air , & avec lefquelles
ils fe confondent. 11 faut donc alors qu'il
na.fTe de ce mélange les mêmes etFets , ou
des effets femblables à ceux que nous pour-
rions obfeiver , li l'on verloit ou mêloic
dans un verre des corps fombl.îL)!es à ceux
qui conlljcuent ces vapeurs. Qu'il Icroic
E X H
beau & utile en même temps , de connoî-
tre k's efi'ets que produiroient pliilleurs
corps par le mélange que I on en (erot !
Mais les phiIofopln;s n'ont encore fait que
fort peu de progrès dans ces fortes de mé-
langes ; car les corps que Ton a divifés en
leurs parties , & niilés enfuite enfemble ou
avec d'autres , foiic jufqu'à prcfent en très-
petit nombre. Puis donc que l'atmofphere
confient des parties de tonte forte de corps
terre flres qui y nagent & qui le rencon-
trent , il faut que bur mélange y produife
un très-grand nombre d'effets que l'art n'a
pu encore nous découvrir ; par conle'quent il
doit naître dans l'atmophere une infinité
de phénomènes que nous ne faurions en-
core ni comprendre ni expliquer claire-
ment. Il ne feroit pourtant pas impolfible
de parvenir à cette connoilFance , i'i l'on
faifoit un grand nombre d'expériences fur
les mélanges des corps ; matière immenfe ,
puifqu'nn petit nombre de corps peuvent
être mêlés enfemble d'un très-grand nom-
bre de manières , comme ilparoît évidem-
ment par le calcul des combinaifons. Il cil
donc entièrement hors de doute que les
météores doivent produire un grand nom-
bre de phénomènes dont nous ne compren-
drons jamais bien les caufes , & fur lef-
quels les philofophes ne feront jamais que
des conjectures, royez, MÉTÉORES.
Il y a quelquefois, continue M. Mu(F-
chenbroeck , de violens tremblemens de
terre , qui font fendre & crever de grofles
croûtes pierreufes de la grandeur de quel-
ques milles , & qui le trouvoient couchées
fur la furface de la terre. Ces croûtes em-
péchoient auparavant les exlhilaijons de
certains cor,JS fitués encore plus profondé-
ment , de s'échapper & de fortir de deffous
la terre; mais auifi-rôt que ces efpeces de
voûtes fe trouvent rompues & brifées , les
partages font comme ouverts pour les va-
peurs , qui venant a'ors à s'élever dans l'air,
y produiront de nouveaux phénomènes; ces
ph.'nomencs dureront aufTi long-remp;. que
durera la caufe qui les produit , & ils cefle-
ront dès que cette même caufe fe trou-
vera confumée. Muflch. effui di'pbyfique,
§. 1471 , u^^}. Foyez, VoiCAN,
On peut voir dans l'elfti fur lespo'ifons ,
du doiieur Mead , comment ck. par quelle;
E X H w
raifon les vapeurs minérales peuvent deve-
nir empoifonnées Foyezj POISON , & l'ar-
ticle fiiivant.
On trouve dans les naturaliftes plufieurs
exemples des eft'ets de ces cxhalaifons ma-
lignes : voici ce qui ell rapporté dans l'hlf-
toire de l'academe des Sciences pour L'anné'e
1701. Un maçon qui travailloit auprès d'un
puits dans la ville de Rennes , y ayant laiUe
tomber fon marteau , un manœuvre qui fuC
envoyé pour le chercher , fut fufFoqué
avan- d'hêtre arrivé à la furface de l'eau ; la
fnême chofe arriva à un fécond qui dcf-
cendit pour aller chercher le cadavre, &il
en fut de même d'un troifieme : enfin on y
defcendit un quatrième à moitié ivre, à
qui on recommanda de crier dès qu'il fenti-
roit quelque chofe : il cria bien vite dès qu'il
fut près de la furface de l'eau ; on le retira
auiTi- tôt ; mais il mourut trois jours après. II
dit qu'il avoir fenti une chaleur qui lui dé-
voro'.t les entrailles. On defcendit enfuite
un chien qui cria dès qu'il fut arrivé au
même endroit , & qui s'évanouit dès qu'il
fut en plein air ; on le fit revenir en lui
jettant de l'eau , comme il arrive à ceux qui
ont été jettes dans la grotte du chien pro-
che de Naples. Foyez^GKOTTE. On ouvrit
les trois cadavres , après les avoir retirés
avec un croc, & on n'y remarqua aucune
caufe apparent de mort ; mais ce qu'il y
a de plus fingulier , c'eft que depuis plu-
fieurs années on buvoit de l'eau de ce puits,
fans qu'elle fît aucun mal.
Autre fait rapporté dans Vh'ffioire de Ca-
cadenùe des Sciences , an:.'. 1710. Un bou-
langer de Chartres avoit mis dans fa cave ,
dont l'efcalier avoit ^6 degrés , fjpt à huit
poinçons de braife de fon four. Son fils ,
jeune homme, fort & robufle, y étant del^
cendu avec de nouvelle braife & de la lu-
mière , la lumière s'éteignit au milieu de
l'efcalier ; il remonta , la ralluma , & re-
defcendit. Dès qu'il fut dans la cave, il cria
qu'il n'en pouvoir plus, & cefik bientôt de
crier. Son frère , aufTi fort que lui , defcen-
dit à l'inflant ; il cria de même qu'il fe
mouroit , & peu de temps après fes cris
finirent: fa femme defeendit après lui ; une
fcrvante enfuite , & ce fut toujours la
même chofe. Cet accident jetta !a terreur
, dans tout le voifinage , & t-.erfunne ne fe
Z iz z
^48 E X IT
prtïïbitplus de defcendre dans la cave. Un
homme plus hardi que les autres , perfuadé
que les quatre perfonnes qui e'toient def-
cendues dans la cave n'^toient pas mor-
tes , voulut aller les fecourir ; il cria , &
on ne le revit plus. Un fixieme homme
demanda un croc pour retirer ces corps
fans defcendre en bas ; il retira la fer-
vante , qui ayant pris Pair, fit un fou-
pir & mourut. Le lendemain un ami du
boulanger voulant retirer ces corps avec
un croc , fe fit defcendre dans la cave par
le moyen d'une corde , & recommanda
qu'on le retirât dès qu il crieroit. Il cria
bien vite ; mais la corde s'étant rompue ,
il retomba , & quelque diligence qu'on
fît pour renouer la corde , on ne put le
tirer que mort. On l'ouvrit : il avoir les
méninges extraordinairement tendues , les
lobes du poumon tâchete's de marques
noirâtres , lesinteftins enflés & gros com-
me le bras, enflammés & rouges comme du
fang ; & ce qu'il y avoit de plus fmgulier ,
tous les mufcles des bras , des cuiffes &
des jambes comme féparés de leurs paieries.
Le magirtrat prit connoifTance de ce tait ,
&; on confuka des médecins. Il fut conclu
quelabraifequi avoit été mife dans la cave,
étoit fans doute mal éteinte ; & que comme
toutes les caves de Chartres abondent en
falpêtre , la chaleur de la braife avoit
fans ilouta fait élever du falpécre une
vapeur maligne & mortelle ; qu'il falloir
par conféquent jetter dans la cave une
grande quantité d'eau , pour éteindre le
feu & arrêter le mal , ce qui fut exécuté ,
enfuite de quoi on defcendit dans la cave
un chien avec une chandelle allumée ;
le chien ne mourut point , & la chan-
delle ne s'éteignit point : preuve certaine
que le péril étoit pafTé.
A ces deux faits nous pouvons en ajou-
ter un rroifleme , rapporté par le doâeur
Connor dans Ccsdiffcrt. medic.phyftq. Quel-
ques perfonnes creufoient la terre dans une
cave à Paris ,. croyant y trouver un tré-
for caché ; après qu'elles eurent travaillé
quelque temps , la fervante étant def-
cendue pour appeller fon maître , les trou-
va dans la poflure des gens qui travail-
Ibient ; mais ils étoient morts. Celui qui
i^tjoif; U bêche , & fon compagnon qui
E X H
reiettoît la terre avec la pelle , étoient tous
deux fur pié , & fembloient encore occu-
pés à leur travail ; la femme de l'un d'eux
étoit alHfe fur fes genoux , comme fi elle
eût été lafTe , ayant fa tête appuyée fur
fes mains , dans la pofture de quelqu'un
qui rêve profondément ; & un Jeune hom-
me avoit fon haut-de-chaufTes bas , &
fembloit faire fes néceffités fur le bord de
la foffe , ayant les yeux fixés en terre :
enfin rous paroifToient dans des attitudes
6i. des actions naturelles ; les yeux ouverts
& la bouche béante , de manière qu'ils
fumbioient encote refpirer ; mais ils étoienc
roides comme des flacues, & froids comme-
marbre. Chambers. ( 0 )
Exhalaisons minérales
ou MOUPHETE , habhus minérales , ;«;-
phlth , tHc. {Hlji.nat- mh'e'^al.) 11 part
des veines ou filons métalliques , fur-tout
Icrfqu'iisfont pfochi-s delà furfâce de I»
teire , des vapeurs q\ji fe rendent fenfibles,
& qui dans l'obfcunté de la nuit paroif-
fent quelquefois enflammées. La même
chofe arrive dans le fein de la terre , au
fond des galeries & fouterreins des minrs
dont ont tire les métaux , charbons de
terre & autres fubftances minérales. Ces
vapeurs ou exhalaiforts s'échappent par les
fentes , crevafTes & cavités qui fe trou-
vent dans les roches ; elles font de diffé-
rentes efpeces , & produifent des effets
tout différens. Tantôt elles échauffent l'ai»
fi confidérablement , qu'il eu impoffible
que les ouvriers puiffent continuer leurs
travaux fous terre; cela arrive fur-tout
durant les grandes chaleurs , où l'air exté-
rieur de l'atmofphete n'étant pas agité
par le vent , refte dans un état de flagna-
tion qui empêche l'air contenu dans les
fouterreins de fe renouveller & de circu-
ler librement. Les ouvriers font fort in-
commodés de ces exbulaifotis ; elles exci-
tent chez eux des toux convulfives, &
leur donnent la phthyfie , la pulmonie ,
des paralylies , & d'autres maladies qui
contribuent à abréger leurs jours : fouvent
même l'effet en e(t encore plus prompt ,,
& les pauvres mineurs font tout d'un,
coup fuffoqués par ces va^'urs dange-
reutes.
CaeKhdaifons paroUfent cominrae uaL
EX H
brouillard qui s'ckve dans les fout.'rreins
des mines ; quelquefois elles ne s'élèvent
que jufqu'à cinq ou fix pouces au-deHus du
fol de la mine; d'autres t'ois elles s'annon-
cent en atFoibliflant peu-à-peu , & mê-
me éteignant tout-à-t'ait les lampes des
ouvriers ; elles fe manittlient aufTi fous la
forme de filamens ou de toiles d'arai.^nées,
qui en voltigeant s'allument à ces lampes ,
& produifent , comme nous l'avons remar-
qué à r.irnf/(? CHARBON FOSSILE, les
effets de la poudre à canon ou du tonnerre.
Voyez, cet article. Mais le phénomène le
plus fingulier que les exbaUifons nous pré-
fentent , c'eft celui que les mineurs nom-
ment ballon. On prétend qu'on voit à la
partie fupérieure des galeries des mints ,
une efpece de poche arrondie , dont la
peau refTemble à de la toile d'araignée. Si
ce fac vient à fe crever , le m.a'iere qui y
ëtoit renfermée fe répand dans les fouter-
reins , & fait périr tous ceux qui la refpi-
rent. Voy^z, le diciionn. de Chaiuh.rs. Les
mineurs anglois croient que ce ballon efî
formé par les émanations qui partent de
leurs corps & de leurs lumières ; s'élèvent
vers la partie fupérieure des galeries fou-
terreines , s'y condenfent & fe couvrent
à la longue d'une pellicule , au-dedans de
laquelle elles fe corrompent &; deviennent
peftilentielles : au relie , chacun eft le maî-
tre d'en penfer ce qu'il voudra.
Les exbalaifons minérales , quoique tou-
jours pernicieufes > n'ont cependant point
toutes le même degré de malignité. Les
minéralogiftes allemands nomment [chwa-
ien les plus mauvaifes ; elles fe font fentir
principalement dans les mines d'où l'on
tire des minéraux fuiets à fe décompofLT
par le concad de l'air , telles que les terres
allumineufes & fu'phureufes ; & ceux dans
la compofition defquels il entre beaucoup
d'arfenic ; comme font les mines d'argent
rouges & blanches , les mines d'étain , les
mines de fer arfénicales , les pyrites ar-
fénicale": blanches , les mines de colbalt ,
&c. d'où l'on voit que la malignité de ces
exbala/joris ou mouphetes , vient de l'ar-
fenic dont elles font chaigées ; & il y a
lieu de croire que ce qui les excite , efl
Fefpece de fermentation que caufe la cha-
ku£ foucetreine.
EX H
U9
Heureufement ces exbalaifons ne régnent
pas touiours dans les mines ; il y en a qui
ne s'y font fentir que dans de certains
temps ; d'autres ne fe manifcrtent qu'acci-
dentellement , c'eil-à-dire , lorfque les ou-
vriers viennent à percer avec leurs outils
dans des fentes ou cavités, dans lefquelles
des minéraux arfénicaux ont été décom-
pofés, ou bien qui ont fervi de retraite à
des eaux croupies , â la furface defquelles
ces exbalaifons fe préfentent quelquefois
fous la forme d'une vapeur bleuâtre , qui
fort par le mouvement caufé à ces eaux ,
& fe répand dans les fouterreins par les
palTages qu'on lui a ouverts ; elle eh fou-
venc accompagnée d'une odeur très-fétide.
Il ne faut point confondre avec les mou-
phetes que nous venons de décrire , les
exbalaifons qui régnent dans certaines mi-
nes , où l'on a été obligé de mettre le feu ,
afin de détacher le minéral de la roche dans
laquelle il fe trouve enveloppé ; comme
cela fe pratique quelquefois , & fur- tout
dans les mines d'étain. On fent aifément
que par cette opération il doit s'exciter
dans les fouterreins des vapeurs & fumées,
qu'il feroit très-dangereux de refpirer.
Il y a d'autres exbalaifons mhie'ralesqm ,
fans être arfénicales , ne laiffent point que
d'être très-dangéreufes , & de produire
de funeftes effets ; telles font celles qui
font fulphureufes , & par lefquelles pour
parler le langage de la chymie , l'acide fuU
phureux volatil efl dégagé ; fouvent elles
font périr ceux qui ont le malheur d'y être
expofés. Celles dont il eft parlé dans Vap-
ticle Charbon fossile font de cette
efpece. Il y a lieu de croire ^u'il en eft de
même de celles qui fe font fentir en Italie ,
dans la fameufe grotte du chien , &c.
Souvent il fe fait à la furface de I* terre,,
& dans fon intérieur , des exbalaifons très-
fenfîbles & très - confidérables ; elles fe
monrrenr fur-tout le matin , dans le temps
que la rofée tombe;& à la fuite de ces f;c/j.<-
laîfons , les mineurs trouvent les filons des
mines qui font dans le vôifînage , ftériles
dépourvus du minéral qu'ils contenoienc,
& femblables â des os cariés ou à des-
rayons de miel ; pour lors ils difentqu'<7i
font venus trop tard. C'eft-là proprement
ce qu'on nomme exhalaifon , (xhaUtia, sjn-.
5J0 E X H
allemand auffw'ittcïng. Quelquefois l'effet
en c-lt plus rapide ; les vapeurs paroifFenc
enflammt'es , elles forcent de la terre ac-
compagnées d'une ^paifTe fumJe , & pro-
duifenc dese'ruptions , à la fuite defquelles
les veines niccalliques fe trouvent détrui-
tes. Ces phénomènes fembient avoir la
même caufe que les volcans. Voyez, cet
art u le. Enfin il y a encore des exhul.tifons
ou vapeurs que l'on appelle itih.ilji'ones ,
en allemand einwhtcrung ; on dc'iigne par-
la les vapeurs qui regnenr dans les fouter-
reirts des mines qui ont e'tc long - temps
abandonnées , & à la fuite defquelles quel-
ques auteurs difent qu'on trouve une ma-
tière vifqueufe ou gélatineufe , at tachée aux
parois des fouterriens , dont par la fuite
des temps il fe forme des minéraux méialli-
ques. Quoiqu'il enfoit, il paroît qu^il n'eft
point douteux que les exbalaifons qui s'exci-
tent dans les entrailles de la terre , ne con-
tribuent infiniment à la formation des mé-
taux , ou da moins à la compofition & dé-
compofition des minéraux métaHiques ,
puifqu'il eil aifé devoir que parleur moyen
il fe fait continuellement des difibiutions ,
qui enfuite font fuivies de nouvelles com-
binaifons. Pour peu qu'on falîe réflexion à
ce qui vient d'être dit , on verra que les
ex!), il ai feus >nliie/ales jouent un grand rôle
dans la nature , & fur- tout pour la cryf-
tallifation & laminéralifation. r. ces deux
Articles. Il y a aulTi tout lieu de croire que
c'eil à ces exhaUifons miner,'.les que toutes
les pierres colorées font redevables de leurs
couleurs ; parce que les parties métalliques,
mifes dans l'état de vapeurs, font atténuées
au point de pouvoir pénétrer les fubflances
les plus dures & les plus compactes. C'efl
le fenTiment du célèbre Kunckel.
M. Lehmann , favant minéralogifte , a
fait un excellent commentaire allemand
fur un afllz mauvais traité des 7i:oiiphetes de
Tliéobald. Il finit fon commentaire par
conclure, quelcs exbaLiifons fuitié'rales ou
inouphetes ne font autre chofe " qu'un
») corps compofé d'une terre très - atté-
»> nuée, d'un foufre rrcs-fubtil , &: d'un fcl
« très-volatil, qui produit fur les rochers
« & pierres , dans le fein de la terre , la
« même chofe que le levain produit fur
H b pâte; c'ell-à-dire , qu'il pénètre ,
E X H
M de'veloppe , mûrit , & augmente n.
Les exhaluifoHs minérales étant aulli
danger'eufes & incommodes qu'on l'a vu
dan , cet article , on prend un grand nom-
bre de précautions pour en garantir les
ouvriers , & pour faciliter la circulation
de l'air dans les fouterreins. On fe fert pour
cela des percemens , quand il ell polfible
de les pratiquer , c'eft-à-dire , qu'on ou-
vre une galerie liorifontale au pié d'une
montagne ; & cette galerie fait , avec les
bures ou puits perpendiculaires de la mine ,
uneefpece de fyphon qui favorife le renou-
vellement de l'air. Mais de toutes les mé-
thodes qu'on puifFe employer , il n en eft
pas de plus fûre que la machine de Sutton.
Fuyez, cet article. ( — ) .
* EXHALATOIRE,f. f. {Fontaine fa-
Idtite. ) c'elt une forte de conlirudion par-
ticulière aux falines de Rofieres. Derrière
les poêles il y a des poêlons qui ont vingt-
un pies de long fur cinq de large , & der-
rière ces poêlons , une table de plomb à-
peu-près de mém.e longueur & largeur ,
lur laquelle fonc établies piulieurs lames de
plomb , pofées de champ de la hauteur de
quatre pouces. Ces lames forment plufieurs
circonvallations , & la machine entière
s'appelle exbalatoire. La deflination de
\'exh.iLitolre eit d'évaporer quelques parties
de l'eau douce , en profitant delà chaleur
qui fore par les tranchées ou cheminées de la
grande poêle , & de dégourdir l'eau avant
qu'elle tombe dans la grande chaudière.
^ EXHAUSSEMENT , f. m. ( Arcbit. )
c'eft une hauteur ou une élévation ajoutée
lur la dernière plainte d'un mur de face,
pour rendre l'étage en galetas plus logea-
ble. On dit aulîi qu'une voûte , qu'un plan-
cher , &c. a tant d\-xhattjfjinent. ( P )
EXHAUSTION , f. f. terme de »utb/-
m.ititjues. La méthode à'exb.aifiion ert une
manière de prouver l'égalité de deux gran-
deurs , en faifant voir que leur différence
eil plus petite qu'aucune grandeur afîigna-
ble ; & en employant , pour le démon-
trer , la réduction à l'abfurde.
Ce n'ert pourtant pas parce que l'on y
réduit à l'abfurde , que l'on a donné â
cette méthode le nom de mctbode d'exbauf'
lion : mais comme l'on s'en fert pour dé-
montrer qu'il exille un rapport d'égalité
E X H
entre deux grandeurs ; lorfqu'on ne peut
pas le prouver diredement , on fercftreint
à faire voir qu'en fuppofand'une plus grande
ou pius petite que l'autre , on tombe dans
une abfurdité évidente : afin d y parvenir ,
on permet à ceux qui nient l'égalité fuppo-
fée , dedetcmiinî.r une différence à vo!on-
té ; & on leur démontre que fa différence
qui exifteroic entre ces grandeurs ( en cas
qu'il V en eût ) feroit plus petite que la
différence afiîgn 'e; & qu'ainfi cette diffé-
rence ayant pu être fuppofée d'une petitefle
qui, pour ainfi dire, epiiiy.t toute graniour
afiîgnable , c'eft une nécefîlté de convenir
que la diff.'rencc entre ces grandeurs
s'évanouit véritablement. Or c'elt cette
petiteffe indicible , inaffignable , & qui
fJ«//t'toutegrandeur quelconque, qui a fait
donner à la méthode préfente le nom de
méthode d'exh.uijlion , du mot latin exhauf-
t'io , épuifement.
La méthode à'exbitnfiion eftfort en ufage
chez les anciens géomètres , comme Eucli-
de , Archimede , &c. Elle efl fondée fur
ce théorème du dixième livre d'EucIide ,
que des quantités font égales lorfque leur
différence ei\ plus petite qu'aucune gran-
deur affignable ; car fi elles étoient iné-
gales , leur différence pourroit être affi-
gnée ; ce qui ed contre l'hypothefe.
C'efi d'après ce principe qu'on démontre
que , fi un polygone régulier d'une infinité
de côtés efl infcrit ou circonfcrit à un
cercle , l'efpace qui conftitue la diffé-
rence entre le cercle & le polygone s'e-
ptùfcra &: diminuera par degrés ; de forte
que le cercle deviendra égal au polygone.
r". Quadrature , Pofygone, c-r.
F. atijjî Limite , infini , 6^c. (£)
Le calcul différentiel n'efî autre chofe
que la méthode à'cxhaujiîon des anciens ,
réduite à une analyfe fimple & commode ;
c'eft la méthode de déterminer analyti-
quement les limites des rapports ; la méta-
phyfique de cette méthode e'I expliqnée
très- clair ment .tu mot DIFFÉRENTIEL.
EXHERÉDATION , f. f {Jurifpr'. )
eft une difpoficion , par laquelle on exclut
entièrement de fa fucceffion ou de fa légi-
time en tout ou en partie , celui auquel ,
!ans cette difpv)fition , les biens auroient
appartenu comme héritier j en vertu de la
EXH J5I
loi ou de la coutume, & qui devoir du
moins y avoir fa légitime.
Prononcer contre quelqu'un .Vexh/iY~
dation , c'ell exheredem facerc , c'eft le
déshériter. Ce terme deshe'riter fignifie
néanmoins quelquefois dcpuffs'dcr ; ëc dcs-
h/r'nunce n'eft point fynonyme A'cxhsre-
d.ttion , il fignifie feulement dcffaifine ou
depcjfijjion.
Pour ce qui eft du terme d\xheredation,
on le prend quelquefois pour la' difpofi-
tion qui ôte l'hoirie; quelquefois auffi pour
l'effet de cette difpofition , c'eft-à-dire ,
la privation des biens que fouftre l'héritier.
.Dans les pays de droit écrit , tous ceux
qui ont droit dé légitime doivent être inf-
titués héritiers , du moins pour leur légi-
time, ou être déshérités nommément , à
peine de nullité du teftament; de forte que
dans ces pays rr.r/«//(i.if/o« eft tout à la
fois une peine pour ceux contre qui elle
eft prononcée , & une formalité néceftaire
pour la validité du teftament , qui doit être
mife à la place de l'inftitution , lorfque le
tef]ateur n'inftitue pas ceux qui ont droit
de légitime.
En pays coutumier où l'inftitution d'hé-
ritier n'eft pas néceffaire , même par rap-
port à ceux qui ont droit de légitime ,
Vexh/redation n'eft confidérée que comme
une peine.
La difpofition qui frappe quelqu'un
à'exhé'rcd.itJoii eft réputée fi terrible, qu'on
la compare à un coup de foudre ; c'eft en
ce fens que l'on dit , lancer le foudre de
rexbe''rédatlon ; ce qui convient principale-
ment lorfque le coup par d'un père jufte-
menfirrité contre fon enfant, & qui le
déshérite pour le punir.
L'exh/redatioii la plus ordinaire eft celle
que les père & mère prononcent contre
leurs enfans & autres defcendans ; elle
peut cependant aufti avoir lieu en cer-
tains pays contre les afcendans , & contre
les collatéraux , lorfqu'ils ont droit de lé-
gitime , foit de droit ou flatutaire.
Mais une difpofition qui prive fimple-
ment rh.'ririer de biens qu'il auroit re-
cueillis , fi le déîunt n'en eut pas difpofé
I autrement , n'eft point une exbe're'datîotk
proprement dite.
11 y a une quatrième claffe de perfenaes.
$^x E X H
fujettes à une efpcce d'exhcredat'ion , qui
font les vafTaux , comme on l'expliquera
en fon rang.
Toutes ces différentes fortes à'exbere-
dations font expreifes ou tacites.
Il y a aufTi Vexheré'dation officieufe.
Suivant le droit romain , Wxhncdutîon
tie pouvoit être faite que par teiîament ,
& non par un codicile ; ce qui s'obfervoic
ainfi en pays de droit tcrit , a"u lieu qu'en
pays coutumier il a tou)o\jrs .'té libre d'ox-
ht'iéder par toutes fortes d'actes de der-
nière voîonté. Mais pr.'Ienternent , fui-
vantles articles iÇ & i6 de Tordonnance
des teflamens , qui admettent les icfta-
mens olographes entre eni'ans & delcen-
dans, dans les pays de droit écrie , il s'en-
fuit que Vexhe'réd.it'im des enbns peut être
faite par un tel teflament , qui n'elt , à pro-
prement parler , qu'un codicile.
On va expliquer dans les fubdivifions
fuivantes , ce qui eft propre à chaque efpece
à^xberediiùon. {A)
EXHÉRÉDATION DES ASCENDANS :
dans les pays où les afcendans ont droit
de légitime dans la fucceiîion de leurs en-
fans ou autres defcendans , comme en pays
de droit écrit & dans quelques coutumes ,•
ils peuvent être déshérités pour certaines
caufes par leurs enfans ou autres defcen-
dans , de la fucceflîon defquels il s'agit.
Quoique cette exhérédat'ion ne (oit per-
mife aux enfans , que dans le cas où les
afcendans ont grandement démérité de
leur part , on doit moins en ces cas
la conlîdérer comme une peine pronon-
cée de la part des enfans , que comme
une fimple privation de biens dont les
afcendans fe font rendus indignes ; car il
ne convient jamais aux enfans de faire au-
cune difpofition dans la vue de punir
leurs père & mère ; c'eft un foin dont ils
ne font point chargés ; ils doivent tou-
jours les refpeûer, & fe contenter Je
difpofer de leurs biens, fuivant que la loi
le It'ur permet.
Le droit ancien du digefte & du code ,
n'admcttoit aucune caufe pour laquelle il
fût permis au fils d'exhéréder fon pore.
A l'égard de la mère, la loi du z8 au
£ode df iiiojf. lejlaui. en exprime quelques-
E X H
unes , qui font rappellees dans la novelle
115 dont on va parler.
Suivant cette novelle , chap. jv. les
afcendans peuvent être exhérédés par leurs
defcendans , pour différentes caufes qui
font communes au père & à la mère , & au-
tres afcendans paternels & maternels ; mais
le nombre dès caufes de cetce exheredation
n'eft pas (i grand que pour celle des def-
cendans , à l'égard defquels la novelle ad-
met quatorze caufes d' xberedution ; au lieu
qu'elle n'en reconnoîr que huit à l'égard
des afcenJjps. Ces caufes font :
1°. Si les afci.'iîdans ont par méchanceté,
procuré la mort de leurs defcendans ; il
fulnt m^me qu'ils Its aient expofJs & mis
en danger de perdre la vit- par quelque ac-
cufation capitale ou r.iitrement , à moins
que ce ne fût pour crime de lefe-maielté,
1°. S'ils ont attenté à la vie de leurs
defcendans , par poifon , fortilege , ou
autrement.
3° . Si le père a fouillé le lit nuptial de
fon fils en commettant un incefte avec fa
belle- fille ; la novelle ajoute , ou en fe mê-
lant par un commerce criminel avec la
concubine de fon fils ; parce que , fuivanc
le droit romain", les concubines étoient ,
à certains égards , au niveau des femmes
légitimes : ce qui n'a pas lieu parmi nous.
4°. Si les afcendans ont empêché leurs
defcendans de tefler des biens dont la loi
leur permet la difpofition.
5°. Si le mari , par poifon ou autrement,
s'ell efforcé de procurer la mort à fa fem-
me , ou de lui caufer quelque aliénation ,
& vite verfâ pour la femme à l'égard du
mari ; les enfans dans ces cas peuvent dés-
hériter celui de leur père , mère , ou autre
afcendant qui feroit coupable d'un tel
attentat.
6". Si les afcendans ont négligé d'avoir
foin de leur defcendant , qui eft tomb^
dans la démence ou dans la fureur.
7*. S'ils négligent de racheter leurs def-
cendans qui font détenus en captivité.
S°. Enfin l'enfant orthodoxe peut dés-
hériter fes afcendans hérétiques ; mais
comme on ne connoît plus d'hérétiques
en France , cette règle n'efl plus guère
d'ufage. foyjz, ce qui eft dit ci-après de
ïexhàedatioii des defieiid.iiis. (A)
EXHÉRÉDATIOW
E X H
EXHÉRÉDATION DES COLLATÉRAUX,
eli celle qui peut être faite contre les frè-
res & fœurs & autres collatéraux qui ont
droit de légitime , ou quelqu'aucre réferve
coutumiere.
Les loix du digefte & du code qui ont
établi l'obligation de laiffer la légitime de
droit aux trercs & Iccurs germains ou con-
fanguins , dans le cas où le frère iniHtue-
roic pour feul héritier une perfonne in-
fâme , n'avoient point réglé les caufes pour
lefquelles , dans ce même cas , ces collaté-
raux pourroient être deshérités. C'eit ce
que la novelle 22. , ch. xlv'ij , a prévu. II y
a trois cauCes :
1°. Si le frère a attenté fur la vie de fon
frère.
2°. S'il a intenté contre lui une accufa-
tion capitale.
3°.Si jsarméchancetéilluiacauféouocca-
fionné la perte d'une partie confidérable de
fon bien.
Dans tous ces cas , le frère ingrat peut
être deshérité &: privé de fa légitime ; il
feroit même privé , comme indigne , de la
fucceflion ah 'inteftut ; & quand le frère
teflateur n'auroif pas inftitué une perfonne
infâme , il ne feroit pas néceffaire qu'il
inflituât ou deshéritât nommément fon
frère ingrat. Il peut librement difpofer de
fes biens fans lui rien lailTer , & fans faire
mention de lui.
Ce que l'on vient de dire d'un frère ,
doit également s'entendre d'une fœur.
Dans les pays coutumiers où les collaté-
raux n'ont point droit de légitime , il n'eft
pas néceffaire de les inliituer ni déshériter
nommément; ils n'ont ordinairement que la
! réferve coutumiere des propres, qui eft â
i Paris des quatres quints , & dans d'autres
coutumes plus ou moins confidérable
L'exbe'cdaion ne peut donc avoit lieu
«npays courumier , que pour priver les
collatéraux de la portion des propres , ou
autres biens que la loi leur defline , &
dont elle ne permet pas de difpofsr par
teftament.
La réferve coutumiere des propres ou
autres biens , ne pouvant être plus favo-
rable que la légitime , il eft fenfi'ole que
les collatéraux peuvent être privés de cette
réferve pour \■^s mêmes caufes qui pcu-
Tome XIII,
E X H y^5
vent donner lieu à priver les collatéraux de
leur légitime , comme pour mauvais traite-
mens, injures graves , & autres caufes ex-
primées en la novelle 2.2. ( y/)
ExHÉRÉDATioN DES Descend AN S,
foy. ci-après EXHÉRÉDATION DES EN-
FANS.
EXHÉRÉDATION cuiii elogio , eft celle
qui eft faire en termes injurieux pour celui
qui efl deshérité ; comme quand on le qua-
lifie d'ingrat, de fils dénaturé , débauché,
C^c. Le terme d'éloge fe prend dans cette
occafion en mauvaife part:c'eft uneironie,
(uivant ce qui eft dit dans la loi 4 , au code
théodof. de Icgitim. bxred.
Les enfans peuvent être exhérédes cum
elogio, lorfqu'ils le méritent. Il n'en eft
pas de même des colIatéraux;rrv/;t4f'(/^/;'fl«
prononcée contre euxraw elogio , annulle
le tefèament , à moins que les faits qui
leur font reprochés par le teltateur ne
foient notoires. Foyez, Mornac , fur la loi
zi , cod. de inoff. teft.tm. Barder , liv. I ,
ch. xiij, & terne II, liv. If, cl), xviij , Jonrn,
des atid. tom. /, liv. /, ch. xx.xjv. {A)
EXHÉRÉDATION DES Enfans df ^K-
tres defcendans , eft une difpofidon de leurs
afcendans qui les prive de la fuccefTion ,
& même de leur légitime : car ce n'efl
pas une exhé're''dation proprement ditequs
d'être réduit à fa légitime , & il ne faut
point de caufe particulière pour cela.
Si l'on confidere d'abord ce qui s'obfer-»
voit chez les anciens pour la difpofition
de leurs biens , à l'égard des enfans , on
voit qu'avant la loi de Moyfe les Hébreux
qui n'avoient point d'enfans , pouvoienc
difpofer de leurs biens comme ils jugeolenc
à propos ; & depuis la loi de Moyle, les
enfans ne pouvoient pas être deshérités ;
ils étoient même héritiers néceflàires de
leur père & ne pouvoient pas s'abftenir
de l'hérédité.
Chez les Grecs l'ufage n'étoit pas uni-
forme ; les Lacéd.'monicns avoient la li-
berté d'inftituer toutes fortes de perfonniâ
au préjudice de leurs enfans , même fanv
en faire mention ; les Athéniens au con-
traire ne pouvoient pas difpofer en faveur
des étrangers , quand ils avoient des en-
fans qui n'avoient pas dém.'rité , mail
pouvoient exhe'reder leurs enfans défo-
Aa aa
5T4 E X H
b;iflàns & les priver totalement de leur
fucceflion.
Suivant l'ancien droit romain , les en-
fans qui écoient en la puifTance du tefla-
teur , dévoient être inllitués ou deshérite's
nomn"(^ment ; au lieu que ceux qui étoient
émancipes devenant comme e'trangers à
la famille , & ne fuccédant plus , le père
n'e'coit pas obligé de les inftituer ou def-
he'ritcr nomme'ment ; il en e'toit de même
des filles & de leurs defcendans. Quant
à la forme de Vexhered.ition , il talloit
qu'elle fut fondée en une caufe légitime ;
& fi cette caufe écoit conteftée , c'étoit
â l'héritier à la prouver ; mais le teftateur
n'étoit pas obligé d'exprimer une caufe
d'exh/i/dation dans fon teflament.
Les édits du préteur qui formèrent le
droit moyen , accordèrent aux enfans
émancipés , aux filles & leurs defcendans ,
le droit de demander la poifelTion des biens
comme s'ils n'avoient pas été émancipés ,
au moyen de quoi ils dévoient être inf-
titués ou deshérités nommément , afin
que le teftament fût valable.
Ces difpolitions du droit prétorien fu-
rent adoptées par les loix du digelle &
du code , par rapport à la néceffité d'inf-
titution ou exhe'r/d.ttion expreffe de tous
les enfans fans dillinction de (exe ni d'état.
JulHnien fit néanmoins un changement
par la loi 30. au code de inoff. tcftatu.
& parla novelle 18 ch. j , par lefquelles
il difpenfa d'inftituer nommément les en-
fans & autres perfonnes qui avoient droit
d'intenter la plainte d'inofficiofité , ou de
demander la pofreflîon d^es biens connu
tabulas , c'ert-à-dire , les defcendans par
femme , les enfans émancipés & leurs def-
C'.n.^ans, ksafcendans & les frères germains
ou confanguins, turpl fcrfonâ '<nflttutâ\ il or-
d'innaqu'ilfuffiroitde leur lai.'Iér la légitime
à quelque titre que ce fût , même de leur
faire quelque libéralité moindre que la lé-
gitime , pour que le teilament ne pût être
argué d'inofficiofité. Cette loi , au fur-
plus , ne changea rien par rapport aux
enlars , étant en la puilfance du tcftareur.
Ce qui vient d'être dit ne concernoit
que le ptre & l'ayeul paternel , car il n'tn
étoit pas de même de la mcre & des autres
aicendans maternels j ceux-ci n'étoient pas
E X H
obligés d'inflituer ou deshériter leurs en-
fans & defcendans ; ils pouvoient lespaffer
fous filence , ce qui opéroit à leur égard
le même effet que Vexb/re'dation pronon-
cée par le père. Les enfans n'avoient d'autt 0
refTource en ce cas , que la plainte d'inof-
ficiofité , en établiffant qu'ils avoient été
injuftement prétérits.
La novelle ii^ , qui forme le dernier
état du droit romain fur cette matière , a
fuppléé ce qui manquoit aux précédentes
loix : elle ordonne , cb. uj , que les pères ,
mères , ayeuls & ayeules , &; autres aLen-
dans , fc:ro.it tenus d'in'lirutr ou dcshé-
riter nommément leurs enfans & dt.-*cen-
dan.^; elle détend de les pafTcr fous filence
ni de les exhe/e'dcr,i moins qu'ds ne foienc
tombés dans -quelqu'un des cas d'ingra-
titude exprmiuS dans la même novtlle ^
& il eft dit que le tellateut en feia men-
tion , que fon héritier en fera la preuve ,
qu'autrement le teflamcnt fera nul , quant
à l'iiiflitution , que la fuccefTion fera déférée
ab inteftat , & néanmoms que les legs &
fiJeicommii particuliers, & autresdifpo-
fitions particulières , feront exécutées par
les enfans devenus héritiers ub întcflat.
Suivant cette novelle , il n'y a plus de
différence entre les afcendans qui ont leurs
enfans en leur puilïknce , & ceux qui n'ont
plus cette puiflànce fur leurs enfans ; ce qui
avoir été ordonné pour les héritiers ftens ,
a été étendu a tous les defcendans fans,
diliindion.
A l'égard des caufes pour lefquelles les
defcendans peuvent être exhe'red/s , la no-
velle en admet quatorze.
1". Lorfque l'enfanta mis la main fur
fon père ou autre af.endant pour le frap-
per ; mais une fîmple menace ne luffiroit
pas.
2°. Si l'enfant a fait que'qu'in)ure grave
à Ton afcendant, qui fafle préjudice à Ion
honneur.
3 '^. Si l'enfant a formé quelqu' accufarion
ou adion crimir elle contre fon père , i
moins que ce ne (ût pour crime de Icfe-
maiolL'ou qui re^aidài l'état.
4°. S'il s*:i(îucie avi.'c des gens qui
men nt une mau aife vie.
5°. S'il a a! tel té lui la vie de fon pera
pui poifon ou autiement.
E X H
6*. S'il a commis un incefîe avec fa
mère ; la novelie ajoute : ou s'il a eu ha-
bitude avec la concubine de fon père ;
mais c^ni: dernière difpofition n'eit plus
de notre ulage , comme on l'a déjà
obfcrvé en parlant de l'exher/datioii des
afcendans.
7°. Si l'enfant s'efl rendu denonciatenr
de ion perc ou autre alccnc'ant , i>c que
par-là il lui ait caufé quelque préjudice
conlidcrabie.
8°. Si l'enfant mâle a refufe' de fe porter
caution pour délivrer fon père de prifon ,
foit que le père y foit détenu pour dettes
ou pour q'.;e!que crime , tel qu'on puifle
accorder à l'accu fé fon élargi fLment en
donnant caution ; & tout cela doit s'en-
tendi e fuppofé que le fîis ait des biens fuifi-
fans pour cautionner fon père, & qu'il ait
refufé de le faire.
9°. Si l'entant empêche l'afcendant de
tefter.
10°. Si le fils , contre la volonté de fon
1 pare, s'elèafTocié avec des mimes ou ba-
teleurs & autres gens de théâtre , ou parmi
des gladiateurs , & qu'il ait perfévéré dans
ce métier , à moins que le père ne fût
de la même profeflion.
1 1". Si la fille mineure , que fon perc a
I voulu marier & doter convenablement , a
refufé ce qu'on lui propofoir pour mener
une vie défordonnée ; mais fi le père a
négligé de marier fa fille jufqu'à 2^ ans ,
elle ne peut être déshéritée , quoiqu'elle
tombe en laute contre fon honneur , ou
qu'elle le marie fans le confentement de
fes parens , pourvu que ce foit à une per-
fonne libre.
Les ordonnances du royaume ont réglé
autrement la conduite que doivent tenir
les enlans pour leur mariage : l'édit du
mois de fJvrier 1^)6 , veut que les enfans
de famille qui conr raflent mariage fans le
confenrement de leurs père & mcre , puif-
(erxéti'c exhcred/.< fans efpérance de pou-
voir quereller ["exb/reddt'ion ; mais l'ordon-
nance excepte les fib àpés de jo ans & les
fille âgées de 25 , lorfqu'ils fe font mis
en devoir dï requérir le confentement de
leurs père &. meie : l'ordonnance de 1639
veut que ce confentemenc foit requis par
E X H 5^^
écrit ; ce qui eft encore confirmé par l'édit
de 1697.
12°. C'eft encore une autre caufe dVx--
beiedat'ion , fi les enfans négligent d'avoir
foin de leurs père, mère , ou autre afcen-
dant , devenus furieux.
13°. S'ils n 'gligent de racheter leurs
afcendans détenus prifonniers.
14°. Les afcendans orthodoxes peuvent
déshéiiter leurs enfans & autres defcen-
dans qui font hérétiques. Les exhcredutions
prononcées pour une telle caufe avoienc
été abolies par l'édit de 1576, confirmé
par r<«mV/i? 31 de l'édit de Nantes; mais
ce dernier édit ayant été révoqué , cette
règle ne peut plus guère être d'ufage en
France.
Il n'efi pas néceflaire en pays coutumier,
pour la validité du tefiamcnt , d'inlHcuer
ou déshériter communément les enfans &
autres defcendans ; mais ils peuvent y être
déshérités pour les mêmes caufes que la
novelie 1 15 admet ; &c lorfque Vexhereda-
t'ion eft déclarée injufte , tout le teftamcnc
eft nul comme fait ah iruto , à l'exception
de legs pieux faits pour l'ame du défunt ,
pourvu qu'ils foient modiques, foy. au di-
gefieliv. XXr/JI, th. Ij; au code, liv.
FI , th. xxviij ; aux inftit. liv. II, tit.
xiij. Furgole , tr. des teftutntns , tom. III ,
cb. VU] ,fecl. X. { A)
EXHÉRÉDATION DES FrERES &
S<EURS. Foy. c/-rff^'4«r'EXHÉRÉDATI0N
DES Collatéraux.
EXHÉRÉDATION OFFICIEUSE , eft
celle qui eft faite pour le bien de l'enfant
exherede, & que les loix mêmes confeillenc
aux pères fages & prudens , comme dans
la loi 16 j § 2. , ^. de cur.ttor'i furiofo dand'is.
Suivant la difpofition de cette loi, qui
a été étendue aux enfans diflipateurs ,
le père peut déshériter fon enfant qui fe
trouve dans ce cas , & inftituer fes petits-
enfans , en ne laifTant à l'enfant que des
alimens , &: cette ex/;// /^.r//»// eft appellée
ojfi h-ufc. /".Furieux ùVKomcvz.iyl)
EXHÉRÉDATION DES PeRE C^MeRE.
Voy.-z, ci-devant EXHÉRÉDATION DES
ASCENDANS.
EXHÉRÉDATIOV TACITE , eft cellequi
eft taire en partant fous fi'tncc dans le tef-
tament , celui qui devoir y être infticué ou
A aa a z
j^5 E X H
déshérita nommément ; c'eft ce que l'on
appelle plus communément fn'te'rh'ton.
Voyez. Prétérition. {J)
'EXHÉRÉDATION DES VASSAUX ;
ç'eflainfi que les auteurs qui ont éciit lous
les premiers rois de la troifieme race , ont
appelle la privation que le vaffal fouffroit
de fon fief , qui étoit confifqué au profit
du feigneur. L'origine de cette expreflîon
vient de ce que dans la première inftitu-
tion des fiefs , les devoirs réciproques
du vafTal & du feigneur marquoient , de
la part du vaffal , une révérence & obéif-
fance prefqu'égale à celle d'un fils envers
fon père , ou d'un client envers fon pa-
tron ; & de la part du feigneur , une
proteâion & une autorité paternelle ;
de forte que la privation du fief qui étoit
prononcée par le feigneur dominant contre
fon vaffal , étoit comparée à l'exheredation
d'un fils ordonnée par fon père. Voyez, le
facium de M. HufTon , pour le. Ceur Au-
bery , feigneur de Montbar.
On voit aufE dans les capitulaires &
. dans plufieurs conciles à-peu-près du mê-
me temps , que le terme d'exbere'dation fe
prenoit fouvent alors pour la privation
qu'un fujet pouvoit foufFrir de fes héritages
& autres biens de la part de fon feigneur :
Imc de liber'ts hom'mibus dixhnus , ne forte
parentes eorum contra ju/iitiiDii fiant exbs-
redati , é regale ohjeqittum 7n'niuatur , &
f,pfi hdredes porter indigentiam mendia vet
Utrones , &c. { j4)
E X H I B I T I O N , f. f. (Jurifprud. )
fignifie l'adion de montrer des pièces.
"L'exhibition a beaucoup de rapport avec la
communication qui fe fait fans déplacer ;
la communication a cependant un effet
plus étendu ; car on peut exhiber une pièce
çn la faifant paroître fimplcment , au lieu
que communiquer , même fans déplacer ,
c'efl laifier voir & examiner une pièce. {^4)
* EXHORTATION , f. f. ( Gr.wim. )
difcouis par lequel on fe propofe déporter
9 une adion quelqu'un qui eft libre de la
faire ou de ne pas la faire , ou du moins
qu'on regarde comme tel.
EXHUMATION, f. f . ( Junfpr. )
çûion d'exhumer, p'oyez. EXHUMER.
On ne peut en faire aucune fans ordon-
t^lQçde juiUçç.. Le. cQ,ni,JJe deïUie;mb,
E X H
tenu en 1583 , dépend à'exbHinerles corps
des fidèles fans la permiflion de l'évéque.
Mais cette difpofirion ne doit s'appliquer
que quand il s'agit d'cx/jH^/cr tous lesofTe-
mcns qui font dans une églife ou dans un
cimetière , pour en faire un lieu profane.
Loi fqu'il s'agit d'c'.v/j«W:T quelqu'un , foie
pour le transférer dans quelqu'autre lieu où
il a choifi fa fépulture , ou pour viliter le
cadavre à l'occafion de quelque procédure
criminelle , l'ordonnance du juge royal
fufiu, c'cfl-à-rdire, une fentence rendue fur
les conclufions du miniftere public. Voyez,
les mcm. du cierge', tom. III , pag. 401;. 4C9,
é'45i,fow. V/,pag 37>, 378 er 1113, &
tom. XII, pag. 419 d SÉPULTURE, (j)
* EXHUMER , V. aft. ( Gramm. ) c'eft
tirer un cac'avre de la terre ; ce qui fe tait
quelquefois licitement , comme lorfque les
loix Tordonnent.
On lit dans Brantôme & dans le diflion-
naire de Trévoux , qu'après la mort de
Charles-Quint, il futarrêtéà l'inquifition»
en prJfence du roi Philippe II , fon fils »
que fon corps feroit exhume'' &i brûlé com-
me hérétique , parce que ce prince avoic
tenu quelques propos légers fur la foi. Ces.
peuples font bien revenus de cette barba-
rie , comme il le paroît par les propofi^
tions avantageufes qu'ils ont faites récem«
ment à M. Linnœus.
EXHYDNA , forte d'ouragan. Voyea
Ouragan.
E X r
EXIGENCE , r f. {Jtmfprud. ) fignifie-
ce que les circonftances demandent que l'on
fafle. Il y a beaucoup de chofes qui doi-
vent être fuppléées par le juge , fuivant
Vexigence du cas. {A )
* EXIGER , V. aa. ( Granim.) c'eUde-
mander unechofe qu'on a droit d'obtenir >
& que celui à qui on la demande a de la
I épugnancevi accorder. On dit , il exige
le paiement flc cette dette. On peut f.v//;fr,.
même d'un min'llre d'état , qu'il foit
d'une probité fcrupuleufe.
} XIGfBLE , adj. {Jiirifpr. ) fe dit d'une
dette dont le terme eft échu &: le paie-
ment ot ut être demandé ; ce qui eil dû,,
i. rv'ellg^stouJQu;sf,v/'^/i'/f ; ilfaïutattepdta
\
E X I
IMchéance ; jufqu^ là , ciies ced'it , dits non
venir. ( yi )
EXiGUE , f. f.{Jiir}fprnd. ) cVft l'afte
par lequel celui qui a donné des bciliaux à
cheptel, fc dépare du bail & demande au
preneur exhibition, compte & partage des
belliaux. Ce mot vient d'exiguer. V. ci-après
EXIGUER. ( A)
EXIGUER , ( Jiir'fpr. ) qu'on dit aufTi
exiger ou exequer , terme dont on Ce fert
dans les coutumes de Nivernois , Bourbon-
nois , Berry , Sole, & autres lieux où les
baux à cheptel font en ufage , pour exprimer
que l'on fe départ du cheptel , & que l'on
demande exhibition , compte & partage
desbcftiaux quiavoient été donnés aupre-
neur à titre de cheptel.
Quelques-uns tirent ce mot ah cxigendis
ratioriibiis , à caufe qu'au temps de Texigue
ou réfolution du cheptel , le bailleur & le
preneur entrent en compte ; mais cette
^tymologie n'eft pas du goût de Ragueau ,
lequel en fonglofi'aire , aumotcxigmr , dit
que c'eft efiubulls ediicerepecudes , que chez
les Romams on fe fervoit de ce mot exi-
gere , pour dire f.ilre Jortir les hcjii.iux de
Te't.tble , & qu'en effet, Icrfqu'on veut fe
départir du cheptel , on tait fortir les bef-
tiaux de l'étable du preneur auquel on les
avoir confiés.
La coutume de Bourbonnois , art. ^n»
dit que quand bétes font exigées & prifes
par le bailleur , le preneur a le choix dans
huit jours de la prifée à lui notifiée & décla-
tée , de retenir les bêtes ou de les dé!aifTer
au bailleur pour le prix que celui-ci les aura
prifées.
M. Defpommiers dit fur cet article, n°.
3 & futvj.ns , qu'en fimple cheptel , félon la
forme de l'exiguë prefcrire en cet article ,
foit que le bailleur ou le preneur veulent
ixiguer , le preneur doit commencer par
rendre le nombre de béte^ qu'il a reçues
félon l'eftimation : après quoi on partage
le profit & le croîr fi aucun y a ; que l'efli-
mation ne transiere pas au preneur la pro-
priété des befiiauv ; qu'elle eft faite uni-
quement pour connoitre au temps de l'exi-
gue s'il y a du profit ou de la perte ; que
cette eflimarion efi fi peu une vente , qu'on
a fom de llipulcr dans les baux à cheptel ,
«<5ue le preneur, au ternes de l'exiguë, fera
EXI ^7
tenu de rendre même nombre & mêmes
efpcccs de befîiaux qu'il a reçus , & pour le
même ]jrix.
Ccr auteur remarque encore que l'exiguë
du bérail donné en cheptel avec le bail de
métairie , ne fe fait pas à volonté ; qu'on
ne peut le faire qu'après l'expiration du bail
de métairie, le cheptel étant un acceflbire
de ce bail.
A l'égard du fimple cheptel , la coutume
de Berry , tit. xvij , art. i& i , dit que le
bailleur & le preneur ne peuvent exigtier
avant les trois ans pafTés , à compter du
temps du bail , & fi le bail eft a moitié »
avant les cinq ans.
Celle de Nivernois , cb. 21 , art. 9, dit
que le bailleur peut ex'guer , demander
compte & exhibition de fon bétail , & icelui
prifer une fois l'an , depuis le dixième jour
devant la nativité de S. Jean-Baptifte juf.
qu'audit jour exclus , & non en autre temps.
Que fi le preneur traite mal les bétes , le
bailleur les peut exigtier toutes fois qu'il y
trouvera faute, fans forme de jufiice , fauf
toutefois au preneur de répéter fes intérêts
au cas que le bailleur a tort , ou en autre
temps que le coutumier. Mais , comme
l'obferve Coquille fur l'art. 9 , du ch. xxj.
de la coutume de Nivernois, cela dépend
de la règle générale des fociétés , qui
défend de les difToudre à contre-temps ,
& ne veut pas non plus que l'on foit con-
traint de demeurer en fociété contre fon
gré. _
Ainfi la claufe appofée dans le cheptel ,
que le bailleur pourra exigtier routes fois
&i quantes , doit être interprétée benigne-
ment & limitée à un temps commode •
de forte que le bailleur ne peut exigtier en
hiver , ni au fort des labours ou de la
moiffon.
Coquille , a l'endroit cit^ , remarque
encore que la faculté à' exigtier toutes fois.
-& quantes , doit être réciproque & com-
mune au preneur , qu'autrement la fo-
ciété feroit léonine.
Lorfqu'un métayer , après l'expiration
de fon bail , eft forti du domaine ou mé-
tairie fans aucun empêchement de la part
du propriétaire , ce dernier n'eft pas rece-
vable après l'an à demander l'exiguë ou
remife de fes bcftiaux , quoiqu'il juftifîe
558 E X I
de l'obligation du preneur ; n'étant pas
à prtliimer que le maître cû:: laifl'i forcir
fon métayer fans retirer de lui les bef-
tiaux , & qu'il eût gardé le filence pen-
dant un an.
Mais quand les beftiaux font tenus à
cheptel par un tiers , l'aftion du bailleur
pour demander l'exiguë dure 30 ans.
La coutume de Nivernois , < /;. xxj , art.
10, porte qu'après que le bailleur au:a
exiguë & prifé les bêtes , le preneur a dix
jours par la coutume pour opter de retenir
les bétes fuivant reilimafion , ou de les
laiffer au bailleur ; que fi le preneur garde
les beftiaux , il doit donner caution du
prix , qu'autrement le bailleur le pourra
garder pour l'elvimation.
L'article 1 1 , ajoute que quand le pre-
neur a tait la prifée dans le temps à lui
permis , le bailleur a le même temps &
choix de prendre ou laifler les be'iaux.
La coutume de Berry dit que fi le bétail
demeure à celui qui exiguë & prife , il doit
payer comptant ; que fi le bétail demeure
à celui qui fou ffre la prifée , il a huitaine
pour payer.
L\irt. îîi de U coutume de Bourbon-
rois charge le preneur qui retient les
beftiaux de donner caution du prix , au-
trement les bétes doivent être mifes en
main tierce, r. Cheptel. ( A)
_ EXJIA ou ECU A , ( Ge'og. modem. )
ville de l'Andaloufie , en Efpagne ; elle
eft fituée furie Xenil. Long. 13 , 2.3;
lat. 37 , 2-i.
EXIL , f. m. ( Hifi. anc. ) bannifTe-
ment. A'. /'.or. Bannissement.
Chez les Romains le mot exil , exiliuw,
fignifioic proprement une intcràiciion ou
cxcliifion de l'eau C~ du feu , dont la con-
féquence naturelle étoit que la pcifonne
ainfi condamnée étoit obligée daller vivre
dans un autre pays , ne pouvant fe paffer
de ces deux élémens. Auftl Cicéron , ad
Heren. ( fuppofé qu'il foit l'auteur de cet
ouvrage) obferve que lafentence ne por-
toit point précifément le mot d'm/ , mais
feulement à'imer diction de l'eau & du feu.
V. Interdiction.
Le même auteur remarque que Vexil
n'etoit pas à proprement parler un châti-
ment , mais une efpece de reluge & d'abri
E X I
contre des châtimens plus rigoureux : ix\~
lii'.m non (jf.- futifliàum , jtd perfugiuni
portuf(/ue fupplicii. Pro C^ecin. Fvy.Pv-
NITION ou Ch iTIMFNT.
Il ajoute qu'il n'y avoit point chez les
Romains de crime qu'on punit par Wxil ,
comme chez les autres narions : mais que
1 exil ttoit une efpece d'abri où on fe met-
toit volontairement pour éviter .^s chaî-
nes , l'ignominie , la laim , &c.
Les Athéniens envoy oient fou vent en
exil leurs géné'-aux & leurs grands hom-
mes , foie par jalouhe do leur mérite , foit
par la crainte qu'ils nepriffjnt trop d'au-
torit.'. f-pyez OSTRACISME.
Exil fe dit aufli quelquefois de la rélé-
gation d'une perfonne dans un lieu , d'où il
ne peut forcir fans congé, foyez, RelÉ-
GATIOM.
Ci mot efl; déiivé du mot latin exilium,
ou de exul , qui fign.fie exile ; & les mots
exilium ou exul font formés probablement
d'extra folum , hors de fon pays natal.
Dans le ftyle figuré , on appelle hone-
ïiible exil , une charge ou emploi , qui
oblige quelqu'un de demeurer dans un pays
éloigné & peu agréable.
Sous le règne de Tibère , les emplois
dans les pays éloignés étoient des efpeces
d'exils myftérieux. Un évéché en Irlande ,
ou même une ambaftade , ont été regardés
comme des efpeces d'exils : une réfidence
ou une ambaflade dans quelque pays bar-
bare , eft une forte d'exil, f^oyei le
Di(l'orni4ire d-: Trévoux & Cbambcrs. (C)
EXILEES, ( Geog mod. ) ville de
Piémont ; elle appartient au Briançonnois ;
elle eft fituée fur la Daire. Long. 24. , 35 ,
Lit. 4î , ï.
EXIMER , V. a<a. ( /;//?. Ô- droit puhl.
d'AUimagne.) On nomme ainfi en Allema-
gne l'adion par laquelle un état ou membre
immédiat de l'empire eft fouftrait à fa
jurifdiftion, & privé de fon fuffrage à la
diète. Les auteurs qui ont traité du droit
public d'Allemagne , diftinguent deux for-
tes d'exemption, \z tôt aie & \x partielle. La
première eft celle par laquelle un état de
l'cmpireeft entièrement déraciié , au point
de ne plus contribuer aux ch.arges publi-
ques, & de ne plus reconi^.oître l'autorité
de l'empire ; ce qui le fait ou par la force
E X r
èes armes, ou par celHon. C'eft ainfiquc
laSuifle, les provinces- Unies des Pays-
Bas , le landgraviacd'Alface , &c. ont été
txhnes de l'empire donc ces états relevoient
autrefois. L'exemption p.irtitilu ei\ celle
par laquelle un état eft foullrait à la jurif-
diâion iiiinii/dl.ite de l'empire, pour n'y être
plus foumis que mcd'i.ttcment , ce qui arrive
lorfqu'un état plus puifîant en fait ûcer un
autre plus foible de la matricule de l'em-
pire , & lui enlevé fa voix à la dicte ; pour
lors celui qui exiiite doit payer les charges
pour celui qui ellcxiin/, & ce dernier , de
fujet immédiat de l'empire , devient fujet
médiat , ou l.iiidf.^Jfc. F. at .irticle. { — )
EXINANITIDN, Cf. (Médecine. )Ce
terme lignifie la même chofc quev.uii.ition:
il eft employé de même pour défigner
l'aâion par laquelle il fort quelque maciere
du corps en général , ou de quelqu'une de
fes parties, foit par l'opération delanacure,
foit par celle de l'art, royez. Evacua-
tion, (d)
EXISTENCE , f f. ( Mâapbyf.) Ce mot
oppolé à celui de ne,tnt , plus étendu que
ceux de r/.ilite & à\icUt,iHté , oppofés , le
premier à Wtpparence , & le fécond à la
fojjîbiliteftiiiplc , fynonyme de l'un & de
autre , comme un terme général l'eft des
termes particuliers qui lui font fubordon-
nés( voyez. SYNONYME ) , fignifie dans
fa force grammacica'e , Ve't.it d'une chofe en
tant quelle ex!Jle. Mais qu'eft-ce quV.v//'/i'r?
quelle notion les hommes ont-ils dans l'ef-
prit lorfqu'ils prononcent ce mot? & com-
ment l'ont-ils acquife ou formée? La ré-
ponfe à ces queftions fera le premier objet
que nous difcuterons dans cet article ; en-
fuite , après avoir analyfé la notion de
lexiflence , nous examinerons la manière
dont nous paffons de la limpie impreflion
paflive & incerne de nos fenlacions , aux
jugemens que nous portons fur Ve.xijtoice
même des objets , & nous eflàyerons d'é-
tablir les vrais fbndemens de toute certi-
tude à cet égard.
D,Li no 'ion de l'exiflence. Je penfe , donc
je fiih , difoit Dcfcartes. Cegrand homme
voulant ''levé- fur des foodcmens foii.ie!.
le nou.'el éd.fice de fa philofophie , avoit
b'.en L'iiti la n C'-^rTué de le d ,>ouiI!er de
toutes les notions acquifes, pour apjjuyvt
E X I j^^
déformais toutes fes propoficions ufr des
principes dont l'évidence ne feroit fuf-
ccprible ni de preuve ni de doute; mais
il étoit bien loin de penfer que ce pre-
mier raifonnement , ce premier anneau par
lequel il prérendoit faifir la chaîne entière
des connoiffances humaines , fuppofât lui-
même des notions très-abffraites , 6c donc
le développement étoit très-difficile ; celles
de penfée & d'éxijtence. Locke en nous
apprenant , ou plutôt en nous démontrant:
le premier que toutes les idées nous
viennent des fens , & qu'il n'eft aucune
notion dans l'efprit humain à laquelle il ne
foie arrivé en partant uniquement des fen-
fations , nous a montré le véritable poinc
d'où les hommes font partis , & où nous
devons nous replacer pour fuivre la géné-
ration de toutes leurs idées. Mon defTein
n'eft cependant point ici de pren ire l'hom-
me au premier inftant de fon être , d'exa-
miner comment fes fenfacions font deve-
nues des idées , &. de difcuter fi l'expé-
rience feule lui a appris à rapporter fes
fenfations à des diftances déterminées , à
les fencir les unes hors des autres , & à fe
former l'idée d'étendue , comme le croie
M. l'abbé de Condillac ; ou {{ , comme
je le crois , les fenfations propres de la
vue, du toucher, & peut-être de tous
les autres fens , ne font pas nécefïaire-
ment rapportées à une diftance quelcon-
que les unes des autres , & ne préfentenc
pas par elles-mêmes l'idée de l'étendue»
t^oycz. Idée , Sensation , Vue , Tou-
cher, Substance spirituelle. Je
n ai pas befoin de ces recherches : fi l'hom-
me à cet égard a quelque chemin à faire ,
il eft tout tait long-remps avant qu'il fonge
à fe former la notion abftraite de l'exif-
lence', tk je puis bien le fuppofer arrivé à
un point que les brutes mêmes ont cer-
tainement atteint , fi nous avons droit de
juger qu'elles ont une ame. Voyei. Ame
des BeteS. Il eft au moins inconteftabîe
que l'homme a fu voir avant que d'ap-
orendre à raifonner & à parler ; & c'eft
à cette époque certaine que je commence
à le coniidérer.
En le dépouillant donc de tout ce quet
!e progrés de les réflexions lui a lait ac-
quérir depuis , je le vois, dans quelqu'inftana
j<?o E X î
que je le prenne , ou plutôt je me fens
moi-même aflailli par une foule de fen-
fations & d'images que chacun de mes fens
m'apporte , & dont l'aflemblage me pre'-
fente un monde d'objets diftinds les uns
des autres , &. d'un autre objet qui feul
m'eR préfent par des fenfations d'une
certaine efpece , & qui eu le même que
j'apprendrai dans la fuite à nommer moi.
Mais ce monde fenfible , de quels élémens
efl-il compofe' ? De points noirs , blancs,
rouges , verds , bleus , ombrés ou clairs ,
combinés en mille manières , placés les
uns hors des autres , rapportés à des dif-
tances plus ou moins grandes , & formant
par leur contiguicé une furface plus ou
moins enfoncée fur laquelle mes regards
s'arrêtent ; c'eft à quoi fe réduifent tou-
tes les images que je reçois par le fens de
la vue. La nature opère devant moi fur
un efpace indéterminé, précifément com-
me le peintre opère fur une toile. Les
fenfations de froid , de chaleur , de réfif-
tance , que je reçois par le fens du tou-
cher , me paroiflent aulTl comme difper-
f?es cà & là dans un efpace à trois di-
menfions dont elles 'déterminent les dif-
férens points , & dans lequel , lorfque
les points tangibles font contigus , elles
déffinent aufTi des efpeces d images , com-
me la vue , mais à leur manière , & tran-
chées avec bien moins de netteté. Le goût
me paroît encore une -fenfation locale ,
toujours accompagnée de celles qui font
propres au toucher , dont elle femble une
efpece limitée à un organe particulier.
Quoique les fenfations propres de 1 ouïe
& de l'odorat ne nous préfentent pas à
la fois (du moins d'une façon permanente)
un certain nombre de points contigus qui
puifTent former des figures & nous don-
ner une idée d'étendue , elles ont cepen-
dant leur place dans cet efpace dont
les fenfations de la vue & du toucher
nous déterminent les dimenfions ; &
nous leur aflignons toujours une iitua-
tion , foit que nous les rapportions à
une diHance éloignée de nos organes , ou
à ces organes mêmes. Il ne faut pas omettre
un autre ordre de fc-nfations plus péné-
trantes , pour ainfi dire , qui rapportées
à l'intérieur de notre corps , en occupant I
E X I
même quelquefois toute l'habitude , fem-
blent remplir les trois dimenfions de l'ef*
pace, & porter immédiatement avec elles
l'idée de l'étendue folide. Je ferai de ces
fenfations une clafie particulière , fous le
nom de t/fd intérieur ou fixieme fens , &
j'y rangerai les douleurs qu'on reflenc
quelquefois dans l'intérieur des chairs ,
dans la capacité des inteflins , & dans les
os mêmes ; les naufées , le mal-aife qui
précède l'évanouifTement , la faim , lafoif,
l'émotion qui accompagne toutes les paf-
fions ; les friffonnemens , loit de douleur,
fott de volupté ; enfin cette multitude de
fenfations confufes qui ne nous abandon-
nent jamais, qui nous circonfciivent en
quelque forte notre corps , qui nous le
rendent toujours préfent , & que par cette
raifon , quelques ménphyficiens ont ap-
pellées fem de U cocxiji,'nce de notre corps,
foyez^ les articles SenS & TOUCHER.
Dans cette efpece d'analyfe de toute nos
idJes purement fenfibles , je n'ai point
rejette les exprefTions qui fuppofent deS
notions réfléchies , & des connoiflances
d'un ordre bien poirérieur à la fimple
fenfation : il falloit bien m'en fervir.
L'homme réduit aux fenfations n'a point
de langage , & il n'a pu les défigner que
par le noms des organes dont elles font
propres , ou des objets qui les excitent ,
ce qui fuppofe tout le fyftême de ncs
jug>;mens fur Vex'/ience d.;s objets exté-
rieurs , déjà formé. Mais je fuis fur de
n'avoir peint que la fituarion de l'homme
réduit aux fimples imprefTions de fens ,
& je crois avoir fait l'énumJration exacle
de celles qu'il éprouve : il en réfulte que
toutes les idées des objets que nous ap-
percevons par les fens , fe réduifent, en
dernière analyfe , à une foule de fenfations
de couleur , de réliflance , de fon , (yc.
rapportées à différentes diftances les unes
des autres , & répandues dans un efpace
indéterminé, commeautant de points dont
l'alTemblage & les combinaiions forment un
tableau folide (fi l'on peut employer ici
ce mot dans la même acception que les
g 'omettes) , auquel tous nos fens à la fois
tourniffcnt des images variées & multipliées
indéfiniment.
Je fuis encore loin de la notion de
Vexijîcnce ,
E X I
Vexiflence , &: je ne vois jurqu'ici cfu'une
imprelTîon puremenr p.iilîve , ou tout au
pU:s le jugemenr naturel par lequel plu-
îicuTS mçtaphylîcicns prc'rendent que nous
tranfporcons nos propres Iciilations hors
de nous-mêmes, pour les répandre lur les
dilFJreas points de Telpace que nous ima-
ginons, l^oyc;^ Sensation, Vue &
Toucher. Mais ce t.iblcau compolc
de toutes nos feniations , cet univers
idéal n'eil jamais le môme deux inllans
de fuite ; & la mémoire qui confervc
dans le fccond infant l'imprellîon du pre-
mier , nous met à portée de comparer ces
tableaux pallagers , & d'en obierver les
difterences. (Le développement de ce phé-
nomène n'appartient point à cet article ,
■& je ciois encore le fuppofer , parce que
la mémoire n'cil pas plus le fruit de rios
réflexions que la lenfation mcme. ^^oyc:^
MÉMOIRE. ) Nous acquérons les idées de
changement & de mouvement. (Remarquez
que je dis /'tiV'e, & non \'>.\i, notic-is ; voyez
ces deux articUs). Plulieurs aikmblages
de ces points colorés , chauds ou froids , hc.
îTOus paroillcnt changer de diftance les uns
par rapport aux autres , quoique les points
eux-mêmes qui forment ces ailemblages ,
gardent entreux le même ai-rangement
ou la même coordination. Cette coordi-
nation nous apprend à diftinguer ces adèm-
blagcs de lenfatior.s par malles. Ces malTes
de (enfitious coordonnées , font ce que
nous appellerons un jour objets ou individus.
■ Voyez ces deux mots. Nous voyons ces in-
^vidus s'approcher , fe fuir , difparoîtrc
quelquefois entièrement , ou pour reparoi-
tre encore. Parmi ces objets ou grouppes
de fenfations qui compofent ce tableau
mouvant , il en eft un qui , quoique ren-
fermé dans des limites très - étroites en
comparaifon du ^'afte efpace où flottent
tous les autres , attire notre attention plus
jue tout le refte enfemble. Deux chofes
ur-tout le diftinguent , fa préfence con-
tinuelle , fins laquelle tout difparoît , &
la nature particulière des feniations qui
nous le rendent préfent : toutes les fen-
iations du toucher s'y rapportent , &
circonfaivenr exadement l'efpace dans
lequel il eft renfermé. Le goût & l'odorat
lu! appartiennent auflijmaisce qui attache
Tvme 2^11
l
E X I j«i
notre attention à cet objet d'une manière
plus irréfiftible , c'eft le plaifir & k dou-
leur , dont la fenfation n'efl: jamais rap-
portée à aucun autre point de l'efpace.
Par -là cet objet particulier , non feule-
ment devient pour nous le centre de tout
l'univers , Se le point dont nous racfu-
rons toutes les dili?nces , mais nous nous
accoutumons encore à le regarder comme
notre être propre ; & quoique les lenîa-
tions qui nous peignent la lune & les
étoiles , ne foien: pris plus diflinguées de
nous que celles qui fe rapportent à notre
corps , nous les regardons comme étran-
gères , & nous bornons le lentiment du.
moi à ce petit e'pace civconicrit par le
plaifir & par la douleur ; mais cet allem-
blage de fenfations auxquel'es nous bor-
nons ainfi notre être , n'elî dans li réalité ,
comme tous les autres aflemblages des
fenfations , qu'un objet particulier du grand
tableau qui forme l'univers idéal.
Tous les autres objets changent .\ tous
les inftans , paroiflènt & dirparoKIent ,
s'approchent & s'éloignent les uns des autres ,
& de ce moi , qui , par fa, prélcnce con-
tinuelle , devient le terme nécellaire au-
quel nous les comparons. Nous les apper-
ce\'ons hors de nous , parce que l'objet
que nous appelions nous , n'eft quf'un objet
particuher , comme eux , & parce que
nous ne pouvons rapporter nos fenfations
à différens points d'un efpace , (ans voir
les ailèmblages de ces fenfations les uns
hors des autres ; mais quoiqu'apperçus hors
de nous , comme leur perception eft tou-
jours accompagnée de celle du moi , cttt;
perception iimukanée établit esitr'eux Se
nous une relation de préfence qui doimc
aux deux termes de cette relation , le moè
Se l'objet extérieur , toute la réalité que k
confcience afliire au fèntiment du moi.
Cette confcience de la préfence des
objets n'eft point encore la notion de
Vexiflence , & n'eft pas même celle de
préfence ; car nous verrons dans la fuite que
tous les objets de la fenfation ne font pas
pour cela regardés comme préfens. Ces
objets dont nous obfervons les diftances
& les mouvemens autour de notre corps,
nous intéredent par les effets que ces
, diftances & ces mouvemens nous paroif-
Bbbb
5^1 E X I
lent produire fur lui, c^eft-à-dire, par
les fenfations de plaiiîr Ik. de douleur dont
ces mouvemcns font accompagnés ou
fuivis. La facilité que nous avons de changer
à volonté la diftance de notre corps aux
autres objets immobiles , par un mouve-
ment que l'etFort qui l'accompagne nous
empêche d'attribuer à ceux-ci , nous lert
à cîicrcher les objets dont l'approche nous
donne du plaifir , à éviter ceux dont l'ap-
proche eft accompagnée de douleur. La
préfence de ces objets devient la fource
de nos defirs & de nos cr.iintes , & le
motif des niou\'emens de notre corps ,
dont nous dirigeons la marche au milieu
de tous les autres corps , précilément
comme un pilote conduit une barque fur
une mer lemée de rochers ôc couverte de
barques ennemies. Cette comparaifon ,
que je n'emploie point à titre d'orne-
ment 3 fera d'autant plus propre à rendre
mon idée fenfbie , que la circonftance où
fe trouve le pilote , n'eft qu'un cas par-
ticulier de la fituation où le trouve l'homme
dans la nature , environné , preiTé , tra-
verfé , choque par tous les êtres : fuivons-la.
Si le pilote ne penfoit qu'à éviter les ro-
chers qui paroifTent à la iurfoce de la mer ,
le naufrage de fi barque, entre- ouverte
par quelque écueil caché ious les eaux , lui
?.pprcndroit fans doute à craindre d'autres
dangers que ceux qu'il apperçoit ; il n'iroit
pas bien loin non plus, s'il falloir qu'en
partant il vît !e port où il deiire arriver.
Comme lui , l'homme eft bientôt averti
par les eifets trop fenlibles d'êtres qu'il
nvoit cefié de voir , foit en s'élcignant ,
foit dans le fommeil , ou ieulemcnt en
fermant les yeux , que les objets ne Ibnt
point anéantis pour avoir dilparu , & que
les limites de Tes fenfations ne font point
les limites de l'univers. De là naît un nou-
vel ordre de chofjs , un nouveau monde
întelleduel , aulVi vafte que le monde fen-
fible étoit borné. Si un objet emporte
ioin du fpectateur par un mouvement
rapide , fc perd enfin dans l'éloignement ,
l'imagination fuit fon cours avi delà de
la portée cies feus , prévoit fes efforts ,
mefure fi vîteilc ■, elle confcrve le plan
des Situations relatives des objets que les
£«5 ne vciait.plusj clic tire des lignes de
E X I
communication des objets de la fcnGtion |
aétuelle à ceux de la (enfation paflée , elle •
en meiure la diliance , elle en décermme
la fituation dans l'efpace ; elle parvient .
même à prévoir les changemens qui ont •
dû arriver dans cette fituation , par la .
vîtefle plus ou moins grande de leur mou-
vement. L'expérience vérifie tous les cal-
culs , & dès là ces objets ablens entrent ,
comme les préfens, dans le fyftcme général
de nos dedrs , de nos craintes , des motifs
de Bos aétions , ôc l'homme , comme le .
pilote, évite & cherche des objets qui échap-
pent à tous fes fens.
Voilà une nouvelle chaîne & de nou-
velles relations par lefquelles les êtres fup-
pofés hors de nous fe lient encore à la
confcience du moi , non plus par la limplc
perception fimultanée , puiique louvent .
ils ne font point apperçus du tout , mais
par la connexité qui enchaîne entr'eux les
changemens de tous les êtres & nos pro-
pres Itnlations , comme caufes & eflcis les
uns des autres. Comme cette nouvelle
chaîne de rapports s'étend à_ une foule
d'objets hors de la portée des lens , l'hom-
me eft forcé de ne plus confondre les êtres
mêmes avec les fenfations , & il apprend
à diftinguer les uns des autres , les objets
prélens , c'eft-à-dire , renfermés dans les limi-
tes de la fenfuion aduelle, 6c liés avec la conf-
ciciîce du moi par une perception fimul-
tanée; &: les objets abfens, c'cfl-à-dire , des
êtres indiqués feulement par leurs effets ,
ou par la mémoire des fenfations paffées
que nous ne voyons pas , mais qui par un
enchaînement quelconque de caufès &.
d'eft'ets , agifl'ent fur ce que nous voyons }■
que nous verrions s'ils étoienr placés dans
une fituation & à une diftance convenable ,
& que d'autres êtres femblables à nous
voient peut-être dans le moment mêine^
c'eft - à - dire encore que ces êtres ,_ fans
nous être préfens par la voie des fenfa-
tions , forment entr'eux , avec ce que
nous voyons & avec nous - mêmes , une
chaîne de rapports , foit d'aélions réci-
proques , foit de difbnce feulement ; rap-
ports dans lefqucls le moi étant toujours
un des termes , la réalité de tous les autres
nous eft ceitijicc par la conlcicncc de ce
moi.
EXI
, Edâyons à préfen: de fuivre la notion
de Vcxijtence dans les progrès de fa for-
mation. Le premier fondomcnt de cette
J notion eft la confcience de notre propre
(enfation , &c le (entiment du moi qui ré-
fulre de cette conlcicnce. La relation né-
celTàire entre l'ccre appercevant Hc l'objet
apperçu , conhdéré hors du moi , fuppoie
dans les deux termes la même réalité; il
y a dans l'un &: dans l'autre un fonde-
ment de cette relation , que l'homme ,
s'il avoir un langage , pourroit défigner
par le nom commun 6.'exijknce ou de pré-
fince ; car ces deux norions ne feroient
point encore diftinguées l'une de l'autre.
L'habitude de voir rcparoitre les objets
fcnfibles après les avoir perdus quelque
temps , & de retrouver en eux les mêmes
cariK5teres & la même aâiion fur nous , nous
a appris à connoitre les êtres par d'autres
rapports que par nos (enfations , & à les en
diftinguer. Nous donnons, ii j'oie ainlî par-
ler , notre aveu à l'imagination qui nous
peijit ces objets de la lenfation palTée
avec les mêmes couleurs que ceux de la
(cniation prélente , & qui leur alTigne ,
comme celle-ci , un lieu dans l'eipace dont
nous nous voyons environnés , & nous
reconnoiflons par conféquent entre ces
objets imaginés èc nous , les mêmes rap-
ports de dillance & d'adtion mutuelle que
nous obfervons entre les objets actuels
de la (eniation. Ce rapport nouveau ne
fe termine pas moins à k confcience du
moi , que celui qui eft entre l'être apperçu
& l'être appercevant ; il ne fuppoie pas
moins dans les deux termes la même réalité ,
& un fondement de leur relation qui a pu
être encore défîgné par le nom commun
à'exijience ; ou plutôt Tacftion même de
l'imagination , loriqu'elle reprclentc ces
objets avec les mêmes rapports d'adtion
& de diftance , foit entr'eux , ioir avec
nous , eft telle , que les objets aétuelie-
ment prclens aux tens , peuvent tenir lieu
de ce nom génc'ral , & devenir com-
me un premier langage qui renferme fous
le même concept la réalité des objets
:»6tuels de la fenfation , & celle de tous
Les êtres que nous fuppofons répandus
dans l'efpace. Mais il -eft rrès-important
d'flbferver que ui U fixople fenfation des
objets préfens , ni la peinture que faic
l'imagination des objets abièns , ni le fim-
ple rapport de diftance ou d'adtivité réci-
pi'oque , commun aux uns & aux autres ,
ne iont précifément la chofe que l'efpric
voudroit délîgner pir le nom commun
d'exi/'L-ncc ; c 'eft le fondement même de
ces rapports , fuppofc commun au moi ,
à l'objet vu & à l'objet fimplcment di/^
tant , fur lequel tombent véritablemenr
& le nom d'exijlcnce & notre affirmation
lorfque nous diions qu'une choie exifte»
Ce fondement commun n'eft ni ne peuc
être connu immédiatement , & ne nou»
eft indiqué que par les rapports différent
qui le fuppo(ent:nous nous en formons cepen-
dant une efpece d'idée que nous tiron*
par voie d'abftradtion du témoignage que
la confcience nous rend de nous - mêmes
& de notre fenfation aéiuelle ; c'eft-à-dire,
que nous tranfportons en quelque forte
cette confcience du moi lur les objets
extérieurs , par une efpéce d'alïîmilatio»
vague , démentie aulTî-tot par la fcpira-
tion de tout ce qui caraitérile le moi »
mois qui ne iuffir pas moins pour deve-
nir le fondement d'une abftradlion ou d'un
(igné commun , & pour être l'objet de
nos jugemens. yoye:^ Abstraction &
Jugement.
Le concept de Vexijlence eft donc le
même dans un fens, ioit que l'efprit ne
l'attache qu'aux objets de la fenfation ,
Ioit qu'il rétende fur les objets que l'ima-
gination lui préfente avec des relations
de diftance & d'acl:ivité, puifqu'il eft tou-
jours primitivement renfermé dans la
confcience même du moi généralifé plus
ou moins. A voir la manière dont les
enfans prêtent du fentiment à tout ce
qu'ils voient, & l'inclination qu'ont eu
les premiers hommes à répandre l'intelli-
gence & la vie dans toute la nature ; je
me perfuade que le premier pas de cette
généraUiation a été cîe prêter à tous les
objets vus hors de nous tout ce que la con-
fcience nous rapporte de nous-mêmes , &
qu'un homme , à cette première époque
de la railon, auroit autant de peine à
reconnoître une fubftance purement ma-
térielle, qu'un matérialifte en a aujourd'hui
à croire une fubftance purement (pirituellcj
Bbbb a
5<Ç4 E X I
ou lui carti^fien à recevoir Pattraftion.
Les différences que nous avons obfervées
entre les animaux & les autres objets ,
nous ont fait retrancher de ce Goiiccpt
l'intelligence , & fuccelïivement la fenilbi-
lité. Nous avons vu qu'il n'avoit été d'abord
étendu qu'aux objets de la fenfîition aduelle,
& c'cft à cette lenfarion rapportée hors
de nous , qu'il étoit attaché , cnforte qu'elle
étoir comme le ii^ns inféparablc , &
en
que relprit ne penfoit pns à l'en diftinguer.
Les relations de diftance & d'activité des
objets à nous , étoient cependant apper-
çues; elles indiquoientauiTi avecle mo/ un
rapport tiui i'uppofoit également le fonde-
ment commun auquel le concept de l'exif-
tence emprunté de la confcience du moi ,
n'étoit pas moins applicable ; mais com-me
ce rapport n'étoit prclcnté que par la fen-
fation elle-même , on ne dur y attacher
fpécialement le concept de l'exij^ence , que
lorfqu'on reconnut des objets ab'ens. Au
défaut du rapport de fen'ationj q'.ii cefioi:
d'être générale , le rapport de diilarxe &
d'adivité généralifé par rim.aginarion , &
tranfporté des objets de la fenfationadluelle
à d'autres objets fuppofés , devint le figne
de Yexificnce commun aux deux ordres d'ob-
jets i éc le rapport de ienîation aduellc
ne fut plus que le figne de la pré;ence,
c'eft-à-dire , d'un cas particulier compris
lou5 le concept g 'néral d'exijience.
Je me fers de ces deux mots pour abré-
ger, & pour d''(îgner ces deux notions qui
commencent effedivement à cette époque
a être diftinguées l'une de l'autre , quoi-
«lu'elles n'aient point encore acquis routes
les limitations qui doivent les capdcriier
dans la fuite. Les fens ont leurs illufions ;
& l'imagination ne conno^t point de bor-
<ies : cependant èc les illulîons des fens &
les plus grands écarts de l'imagination,
nous préfentcnt des objets places dans
l'efpace avec les mêmes rapports de diftance
& d'pftivité , que les impreilions les plus
régulières des fens & de la -mémoire. L'ex-
périence feule a pu apprendre à dilLugutr
la dilfércnce de ces deux cas, de ;\ n'atta-
cher qu'à l'un des deux le concept de Vexif-
terxe. On remarquera bicun^t que parmi ces
tableaux , il y en avoir qui fe repréfen-
loicnt daiis uu certain ordre , dont les
E X I
objets produifoient conftamment les m'mes
effets qu'on pouvoir prévoir , hâter ou tuir,
tk. qu'il y en avoir d'autres abfolument
paflàgers, dont les objets ne produifoient
aucun effet permanent , & ne pouvoicnt
nous in'p.'rer ni crauites ni dehrs , ni
lervir de motift à nos démarches. Dès-lors.
ils n'entrèrent plus daus le iyitême géné-
ral des êtres au milieu defè^uels l'homme
doit diriger fa marche , &: l'on ne leur
attribua aucun rapport avec la conicience
permanente du mui , qui (uppolût un fon-
dement hors de ce moi. On diftingua donc
dons les tableaux des fens & de 1 imagina-
tion , les objets exijlcis des objets iim-
plemicnt apparens , £c la réalité de Villu-
fion. La liailon & l'accord des objets ap-
perçus avec le fy^ême général des êtres.
ilcja connus , devint la règle pour ju-
ger de la réalité des premiers , 6c cette,
règle fervit auiïi à dilLnguer la fenla-
tion de l'imagination daus les cas où la
vivacité des images &c le manque de
points de comparaiion auroir rendu l'er-
reur inévit.'.ble , comme dans les fonges
&c les délires; elle fervit aulTî à démê-
ler les illufions de fens eux - mêmes dans
les miroirs , jes réfractions , ùc. & ces
illulions une fois conftarées , on ne s'en
tint plus à féparer Vexifencc de la fen-
fation ; il fallut encore féparer la Ien-
îation du concept de Yexificnce , S<. mémo
de celui de prélence, & ne la rcgnrder
plus que comme un ligne de l'une &: de
l'autre , qui pourroit quelquefois trom-
per. Sans développer avec autant d'exac-
titude que l'ont fait depuis les phlloiophes
modernes, la diffcrence de nos fenfations
& des êtres qu'elles représentent , fans-
favo'r que les fenfitions ne ibnt que des
modificatioîis de notre ame, & fuis trop
s'embarralTèr fi les êtres exiibns & les
lenlations forment deux ordres de chofes-
entièrement féparés l'un de l'autre , &
liés feulement p.Tr une correfpondance plus,
ou moins cxaâe , & relative à de certai-
nes loix , on adopta de cette idée tout ce
de pratique. La feuie expér;eiicc
quelle a
iiffit porr diriger les craintes, les délits,
^ ks aérions des hommes les moins pW-
lofophes , relativement à Tordre réel des
cfkofes , teUts c^'cUes Cii-Cltiit hors <1b
EXI
lious , Se cela ne les empêche pas de conti-
nuer à confondre les lènfations avec les
objccs même , lorfqu'il n'y a aucun incon-
vénient pratique. Mais malgré cette con-
fulion, ceft toujours fur le mouvement &
la dilbnce des objets, que fe règlent nos
craintes, nos delirs, & nos propres mou-
vemens : ainll l'efprit dut s'accoutumer à
léparer totalement la lenlacion de la notion
d'criiknce , & il s'y accoutuma tellement ,
qu'on en vint à la icparer aulTi de la notion
de prcftnce , enlorte que ce mot préfence,
iignihe non leulement . i'cxi/knce d'un
objet aéluellement apperçu par les fens ,
mais qu'il s'étend même à tout objet
renferme dans les limites où les lens peu-
vent aducUement appercevoir , & placé
à leur portée , foit qu'il foit apperçu ou
non.
Dans ce fyflême général des êtres qui
nous environnent, lur lelquels nous agif-
fons & qui agilknt fur nous à leur tour,
il en efl: c^ue nous avons vus paroîtrc tk repa-
roKrelucceiTivement, que nous avons regar-
dés comme parties du fyftême oii nous fom-
mcs placés nous-mêmes , & que nous
ceîlons de voir pour jamais : il en eft
d'autres que nous n'avons jamais vus , &
qui !e montrent tout-à-coup au milieu des
cires , pour y paroitre quelque temps &
difparo tre enfin lans retour. Si cet effet
n'arrivoit jamais que par un tranfport local
qui ne fit qu'éloigner l'objet pour toujours
de la portée de nos fens , ce ne feroit
qu'une abfence durable : mais un médio-
cre volume d eau , expofé à un air chaud
dilparoîc fous nos yeux lans mouvement
apparent ; les arbres & les animaux cef-
fcnt de vivre, & il n'en refte qu'une très-
petite partie miconnoiflablc, fous la for-
me d'une cendre légère. Par-là nousacqué-
roiis les notions de defi:ru(5tion , de mort ,
d'anéantillemcnt. De nouveaux êtres, du
même genre que les premiers , viennent
les remplacer ; nous prévoyons la fin de
ceux-ci en les voyant naître , Se l'exp'ricnce
nous apprendra à en attendre d'autres
«près eux. Ainii nous voyons les êtres fe
Kiccéder comme nos penfées. Ce n'eÙ. point
"ici le lieu d'expliquer la génération de l.i
trotion du temps , ni de montrer comment
tùle de Vexijïc/xe couccuxc avec la lucccf-
EXI jffç
fîon de nos penfées à nous la donner. Voy.
Succession, Temps & Duréf. Il fuffit
de dire que lorfquc nous avons celle d'at-
tribuer aux objets ce rapport avec nous^
qui leur rcndoit commun le témoignage
que nos propres penlces nous rendent da
nous-mêmes , la mémoire , en nous rap-
pellani. leur image , nous rappelle en même
temps ce rapport qu'ils avoienc avec nous
dans un temps où d'autres penfées qui ne
(ont plus , nous rendoient témoio.ii.ige de
nous-mêmes, & nous difonsque ces objets
ont été ; la mémoire leur aiïigne des époques
& des diftanccs dans la dorée comme dans
l'étendue. L'imagination ne peut fuivrc le
cours des mouvemens imprimés aux corps ,
lans comparer ^a durée avec l'efpace par-
couru : elle conclura donc du mouvement
paifé & du lieu prefent , de nouveaux rap-
ports de diftante qui ne font pas encore ;
elle franchira les bornes du moment oii
nous lommes , comme elle a franchi les limi-
tes de la lenGition aétuelle. Nous fom-
mes forcés alors de détacher la notion d'exij^
tence de tout rapport avec nous & avec
la conicience de nos penfées qui n'exifte
pas encore, & qui n'exiftera peut-être
jamais. Nous fommes forcés de nous per-
dre nous-mêmes de vue , & de ne plus
confidércr pour attribuer l'c.T/y?Mcc aux objets
que leur enchaînement avec le fyftême total
des êtres, dont X'exijlence ne nous efl:, à
la vérité , connue que par leur rapport
avec la nôtre , mais qui n'en font pas moins
indépendans, & qui n'exi fieront pas moins,
lorfque nous ne ferons plus. Ce fyllcme ,
par la liaifon descaulès & des effets , s'étend
indéfiniment dans la durée comme d;ins l'ef-
pace. Tant que nous fommes un des termes
auquel fe rapportent toutes les autres parties
par une chaîne de relations aduellcs , dont
la conicience de nos peniées préfentes eftr
témoin, les objets exiftent. Ils ont exijié ^
Il pour en retrouver l'enchaînement avec
l'état préfent du fyftême, il £aut remonter
des effets à leurs caufes; ils exijiercnt, s'il
fuit au contraire dcf:cndre des caufes aur
efiets : ainli X'exijlcnce cft paflée , préfente »
ou future , fnivant qu'elle eft rapportée par
nos j'jgemens à differens points de la durée.
Mais Joit que ïexijlcnce des objets foie
pallce, fjsfmie £>u .tLiJLUi'e , liOus. avo:^';
^66 E X I
vu qu'elle ne peut nous être certifiée , Ci
elle n'a ou par elle-même , ou par l'enchaî-
nement des caufes & des effets , un rapport
avec la confcience du moi , ou de notre
exijfence momentanée. Cependant quoique
nous ne puifTîons fans ce rapport alfurer
Vexifience d'un objet , nous ne fommes pas
pour cela autorifés à la nier , puifque ce
même enchaînement de eau les & d'effets
établit des rapports de diftance &c d'aâivité
entre nous & un grand nombre d'êtres, que
nous ne connoiflons que dans un très-petit
nombre d'inftans de leur durée , ou qui
même ne parviennent jamais à notre con-
noiflànce. Cet état d'incertitude ne nous
préfente que la fimple notion de polTibilité ,
qui ne doit pas exclure Vexjlence , mais
qui ne la renferme pas nécellaircment.
Une chofe polfible qui exifte , ell: une
choie aftuellei ainfl toute chofe aétuelle
cft exiftante, & toute chofe exiftante
cft aftuelle , quoiqu'ex//?e/zce & aclualité
ne foient pas deux mots parfaitement fyno-
nymes , parce que celui d'exijience ei\ abfo-
lu , & celui à'aâualité eft corrélatif de
pojfibiljté. _ 1 , , , ,
Jufqu'ici nous avons développe la notion
d'exiflence , telle qu'elle eft dans l'efprit de la
■plupart des hommes , fes premiers fondc-
mens , la manière dont elle a été formée
par une fuite d'.ih!ba£tioiis de plus en plus
générales , &: très - différentes d'avec les
rotions qui lui font relatives ou fubordon-
nées. Mais nous ne l'avons pas encore fuivie
jufqu'à ce point d'abftraélion & de généra-
lité où la philofophie l'a portée. En effet ,
nous avons vu comment le fentiment du
tnoi, que nous regardons comme la lource
de la notion d'exi/îcnce , a été tranf porté
par abflradion aux fenfations même regar-
dées comme des objets hors de nous ; com-
ment ce fentiment du moi a été géuéralifé
en en féparant l'intelligence & tout ce qui
caraclérile notre être propre ; comment
cniiiite une nouvelle abftradfion Ta encore
tranfporté des objets de la fentation à tous
ceux dont les effets nous indiquent un rap-
port quelconque de diftance ou d'aélivité
avec nous-mêmes. Ce degré d'abfl:rad:ion
a fufti pour l'uiage ordinaire de la vie, &:
la philofophie feule a eu befoin de faire
quelques pas de plus, mais elle n'a eu qu'à
E X I
marcher dans la même route ; car puifgutf
les relations de diflance & d'adivité ne loue
point précifément la notion de Vexijiencc,
6c n'en font en quelque force que le ligne
néceflàire, comme nous l'avons vu; puif-
que cette notion n'efl que le fentiment du
moi tranfporté par abffradion , non à la
relation de diftance , mais à l'objet même
qui eft le terme de cette abftradion ,
on a le même droit d'étendre encore
cette notion à de nouveaux objets , eu
la refîerrant par de nouvelles abftrac-
tions, & d'en léparer toute relation avec
nous de diftance & d'activité , comme ou
en avoit précédemment féparé toute rela-
tion de l'être apperçu à l'être appercevanr.
Nous avons reconnu que ce n'ctoit plus
par le rapport immédiat des êtres avec
nous , mais par leur liaifon avec le fyltêmc
général, dont nous faifons partie , qu'il
alloit juger de leur exijîence. Il eft vrai que
ce fyftêmeetf toujours lié avec nous par la
confcience de nos penfées préf'entes; mais
il n'eft pas moins vrai que nous n'en fom-
mes pas parties eflèntielles , qu'il exifîoit
avant nous , qu'il exiftera après nous , &
que par conféquent le rapport qu'il a avec
nouj n'eft pas néceftaire pour qu'il exifte,
& Peft feulement pour que Ion exigence
nous foit connue : par conféquent d'au-
tres fyilêmes entièrement femblables peu-
vent exifter dans la vafte étendue de \'c[-
pace, ifolés au milieu les uns des autres,
fans aucune activité réciproque , & avec
la (èule relation de diifance , puifqu'ils font
dans l'efpacCi Et qui nous a dit qu'il ne
peut pas y avoir auffi d'autres f>'l^êmes
compoics d'êtres qui n'ont pas , même
entr'eux , ce rapport de ditVmce , & qui
n'exiftent point dans l'efpace î Nous ne les
concevons point. Qiii nous a donné le droic
de nier tout ce que nous ne concevons pas,
& de donner nos idées pour bornes à l'uni-
vers î Nous - mêmes fommes - nous bien
sûrs d'exiûer dans un lieu , & d'avoir avea
aucun être des rapports de dilbnce? Som-
mes-nous bien sûrs que cet ordre de fenfa-
tions rapportées à des diftances idéales
les unes des autres , corref pondent exac-
tement avec l'ordre réel de la dift.uice des
êtres exiftans? Sommes-nous bien sûr* que
la lèulliciou qui nous reud témoignage de
E X I
notre propre corps , lui fixe dans l'efpice
une place mieux déterminée , que la len-
ûtion qui nous rend témoignage de l'exif-
ience des étoiles , & qui , nécellairemeat
détournée par l'aberration , nous les fait
toujours V jir où elles ne font pas î Voye^
SENSATION 6> Substance spiri-
tuelle. Or fi le mo/ , dont la contcience
cil l'unique fource de la notion d\'xij!ence
peut n'être pas lui - même dans l'elpace ,
com.nent cette notion renfermeroit - elle
ncce'l'.irement un rapport de dillance avec
nouj ? Il faut donc encore l'en léparer ,
comTie on en a fépiré le rapport d'adtivité
&: celui de fenlation. Alors la notion d'exij-
tcnce icra auffi abilraitc qu'elle peut l'être ,
& n'aura d'autre ligne que le mot même
à'e.xi'L-n:e ; ce mot ne répondra , comme
on 1j voit , à aucune idée ni des lens ni de
^im^gination , Ci ce n'eft à la confcieuce
du moi , mais généralifée & féparée de tout
ce qui caractériie non feulement le moi ,
mais même tous les objets auxquels elle a
pu être tranfportée par abftraélion. Je fxis
bien que cette généralilation renferme
une vraie contradiction , mais toutes les
abftraftions lont dans le même cas , & c'eft
pour Cela que leur généralité n'eft jam.ais
que dans les lignes liv non dans les choies
( J'oye^IoÉH abstraite) : la notion à'cxif-
tencs n'étant compoféc d'aucune autre
idée particulière que de la con!cience même
du moi , qui efl: nccellairement une idée
iimple , érant d'ailleurs applicable à tous
les êtres fans e>;..eprion , ce mot ne peut
être, à propremeiit parler, défini, & il
fullit de montrer par quels degrés la no-
tion qu'il déligne a pu fe former.
Je n'ai pas cru neceflaire pcar ce déve-
loppement , de fuiv.re la marche tiu lan-
g;ige & la fiarmation des noms qui répon-
dent à ['cxi/tjnce , parce que je regarde
cette notion comme fort antérieure aux
noms qu'on lui a donnés , quoique ces
noms foient un des premiers progrès des
langues. Voye^^ Langues 6' Verbe subs-
tantif.
Je ne traiterai pas non plus de plufieurs
qucftiû;:s agitées par les Scholaitiques fur
Vexiftence, commt fi elle convient aux modes ,
fi elle n'ejî propre qu'a des individus , &c. La
fislution de ces queflioiis doit dépendre de
E X I t9i
ce qu'on entend par exiflcnce , il n'eft pas
dilHcile d'y appliquer ce que j'ai dit. y'oye'i^
Identité, Substance, Mode &
Individu. Je ne me fuis que trop
étendu , peut-être lur une analyle beau-
coup plus difficile qu'elle ne paroîtroit impor-
tante ; mais j'ai cru que la lituation de
l'homme dans la nature au milieu des
autres êtres , la chaine que fes fcnfuions
ctabliflent entre eux & lui , & la manière
dont il envilage fes rapports avec eux ,
dévoient être regardés comme les fonde-
mens même de la philofophie , fur leiquels
rien n'efl: à négliger. Il ne me refte qu'à
examiner quelle lorce de preuves nous avons
de ïexijlcncc des êtres extérieurs.
Des preuves di l'exijîence des êtres exté-
rieurs. Dans la fuppofition où nous ne
cjnnoîtrions d'autres objets que ceux qui
nous lont préiens par la fenlation , le
j 'igement par lequel nous regarderions ces
objets comme placés hors de nous, &
répandus dans l'efpace à différentes dif-
fances , ne feroit point une erreur; il ne
icroit que le fxit même de l'imprcil^on
que nous éprouvons , & il ne tomberoic
que fur une relation entre l'objet & nous ,
c'efl: -à-dire, entre deux chofes également
idéales, dont la diftance leroit aulîî pu-
rement idéale & du même ordre que les
deux termes. Car le moi auquel la diftance
de l'objet feroit alors comparé , ne feroit
jamais qu'un objet particulier du tableau
que nous offre l'enfemble de nos fenfations ;
il ne nous feroit rendu préfent , comme
tous les autres objets , que par des fenfa-
tions , dont la place feroit déterminée
ralativement à toutes les autres fcnfirions
qui compofent le tableau , & il n'en diffé-
reroit que par le flntiment de la conf-
cicnce , qui ne lui alîîgne aucune place
dans un elpace ablolu. Si nous nous trom-
pions alors en quelque chofe , ce feroit
bien plutôt en ce que nous bornons cette
confcieuce du moi à un objet particulier ,
quoique toutes les autres feulations répan-
dues autour de nous foient peut - être
également des modifications de notre fubf-
tance. Mais puifque Rome & Londres
exiftent pour nous lorfque nous fommes
à Paris , puilque nous jugeons les êtres
coiiime exillajis iiidépendanaxnent de nos
5<?3 E X I
fcnfations & de notre propre txiflence ,
l'ordre de nos fenfations qui fe préfenrent
à nous les unes hors des autres , 8c Tordre
des ûres plact's d:»ns refpace à des difiances
ix'elks les unes des autres , forment donc
deux ordres de chofes , deux mondes fé-
parés , dont un au moins ( c'cft Tordre
réel) eft abfolument indépeiKiant de l'autre.
Je dis un au moins , car les réflexions , les
rétractions de la lumière , & tous les jeux
de l'optique , les peintures de Timagination ,
ôc fur-tout les illufions des fonges , nous
prouvent lufiifamment que toutes les ini-
prcllions des lens , c'eft - à - dire , les per-
o.'ptions des couleurs, des fcns, du froid,
du chaud , du plailîr Se de la douleur ,
peuvent avoir lieu , & nous repréfenter
autour de nous des objets , quoique ceux-ci
n'aient aucur.e exif.ence réelle. Il n'y auroit
<lonc aucune conrradiélion à ce que le
même ordre des fenfations , telles que nous
les éprouvons , eût lieu fans qu'il exiftât
aucun autre être , & de là naît une très-
grande difficulté contre la certitude des ju-
gemens que nous portons fur Tordre réel
des chofes, puiique ces jugemens ne (ont
& ne peuvent être appuyés que fur Tordre
idéal de nos fenfations.
Tous les hommes qui n'ont point élevé
leur notion de VexiJIence , au delTiis du
degré d'abftraâiion par lequel nous rranf-
portons cette notion des objets immédia-
tement fentis , aux objets qui ne /ont
qu'indiqués par leurs effets & rapportés à
des diftances hors de la portée de nos fens
( t'ojT^ la première partie de cet article )
confondent dans leurs jugemens ces deux
ordres de chofes. Ils croient voir , ils
croient toucher les corps , & quand à
l'idée qu'ils le forment de VexiJIence des
corps invifibles , Timagination les leur peint
revêtus des mêmes qualités fenfibles ; car
c'ell: le nom qu'ils donnent à leurs propres
fenfations , &c ils ne manquent pas d'attri-
buer ainfi ces qualités à tous les êtres. Ces
liommes-là quand ils voient un objet où il
ii'efl: pas , croient que des images f uidcs
&: trompeufes ont pris la place de cet
objet , & ne s'apperçoivent pas que leur
jugement feul eft faux. Il faut l'avouer ,
la correfpondance entre Tordre des fenfa-
tio.T5 Se Tordre des chofes eft ccUc Ilir la
E X I
plupart^ des objets dont nous fommes en-
vironnés , &c qui font fur nous les impref-
fions les plus vives & les plus relatives à
nosbefoii:s, que l'exp'ricnce commune- de
la vie ne nous fournit aucun fecours contre
ce faux jugemeiiL, & qu'ainil il devient
en quelque forte naturel & in\'olontaire.
On ne doit donc pas être étonné que la
plupart des hommes ne puifltnt pas ima-
giner qu'on ait befoin de prouver lexiC-
tence des corps. Les philo'bphes qui ont
plus généralifé la notion de \'exijl:nce , ont
reconnu que leurs jugemens cSJ leurs 'l-nfi-
tions tomboient far deux ordres de cho'es
très - dirîirrens , &z ils ont fenti toute la
difficulté d'adurer leurs jugemens fur un
fondement folide. Quelques - uns ont tran-
ché le nœud en niant Vexiflcnce de tous les
objets extérieurs , & en n'admettant d'autre
réalité que celle de leurs idées : on les a
appelles Egoïjies&i Idéal/fles.VoyeiEcoisun
& Idéalisme. Quelques-uns le font con-
tentés de nier Vcxijlence des corps & de
l'univers matériel , & on les a nommés
Immatérialifles. Ces erreurs lont trop fub-
tiles , pour être fort répandues ; à peine
en connoît - on quelques partifans , h ce
n'eft chez les philofophes indiens , parmi
lelquels on prétend qu'il y a une (êflc
d'Egoïftcs. C'eftlecélebre évêque deCloyne,
le doéVeur Berkeley , comiu par un grand
nombre d'ouvrages tous remplis d'efprit
& d'idées fingulicres , qui , par fes dia-
logues d'Hylas & de Philonoiis, a dans
ces derniers temps réveillé l'attention des
métaphyiîciens fur ce fyftême oublié.
Fbje^ Corps. La plupart ont trouvé plus
court de le mépriler que de lui répondre,
& cela étoit en effet plus aifé. On efl u'era
dans l'article Immatérialisme , de réfuter
les raiionnemens , & d'établir VexiJIence de
l'univers matériel : on fe bornera dans
celui-ci à montrer combien il eft nccefTàire
de lui répondre , & à indiquer le leu!
genre de preuves dont on puiife fe fervir
pour aflurer , non feulement Vexi/lence des
corps , mais encore la réalité de tout ce
qui n'eft pas compris dans notre lenlation
aduclle îk inftantanée.
Qiiant à la nécelTîté de donner des
preuves de VexiJIence des corps & de tous
les êtres extérieurs j en dil'ant que Vexpé-
ricncc
EXT
rîence & le me'chanirme oc'-inu de nos fens,
prouve que la lenfacion n'e/^ point l'ol^jec ,
qu'elle peut exiftcr fans aujun objet hors
de nous , £: que cependant nous ne
voyons vJritablement que la fcnfation ;
l'on croiroit avoir tout dit , fi quelques
m^taphyficiens , même parmi ceux qui
ont pre'tenJu réfuter Berkeley , n'avcient
encore recours à js ne fais quelle préfence
des objets par le moyen des fcnfations ,
& â l'inclination qr.i nous porte involon-
tairement à nous fî..r iàdifFusà nos fens.
Mais comment la fenfarion pourroit-elle
être immédiatement & par elle-même un
témoignage de la préfence des corps ,
puirqu'el'e n'eil point le corps , & fur-tout
puifque l'expérience nous montre tous les
jours des occafions où cottefcnfation exifte
fans les corps ? Prenons celui des fens
auquel nous devons le plus grand nombre
d'idées , la vue. Je vois un corps , c'eft-à-
dire , que j'r.pperçois à une diHance quel-
conque une image colorée de telle ou telle
façon ; mais qui ne fait que cette image
ne frappe mon ame que parce qu'un faifceau
de rayons , mis avec telle ou telle vîtefTe ,
eft venu frapper ma rétine , fous tel ou
tel angle ? qu'importe donc de l'objet ,
pourvu que l'extrémité des rayons , la plus
proche de mon organe , foit mue avec la
même vîteire & dans la même direûion ?
Qu'impoire même du mouvement des
rayons , fi les filets nerveux qui trsnf-
merrent la fenfarion de la rétine au fcn-
/or;//;;.',tbnt agités des mêmes vibrations que
les rayons de lumière leur auroient com-
muniquées ? Si l'on veut accorder au fens
du toucher une confiance plus entière qu'à
celui de la vue , fur quoi fera fondée cette
confiance? Sur la proximité de l'objet &
de l'organe? Mais ne pourrai-je pas toujours
appliquer ici le même raifonHementque j'ai
fait fur la vue ? N'y-a-t-il pas auffi depuis
les extrémités des papilles nerveufes , ré-
pandues fous l'épiderme, une fuite d'ébran-
lemens qui doit fe communiquer au/tw/ô-
rîum ? Q'.ii peu: nous affurer que cette fuite
d'ebranlcmcns ne peut commen^'er que par
une impreffion faite fur l'extr.'micé exté-
«ieure du nerf, & non par une impreflion
•quelconque qui comr>;en;e fjr lo milieu?
Sn généra! , dans U mJchsnique de tous
T9me XI II.
EX I ^s^
nos fens , il y a toujours une fuite de mou-
vemens tranfmis par une fuite de corps
dans une certaine diredion , depui:. l'objet
qu'on lygarde conmie la calife de lafenfa-
tion lulqu'zwfcnfnium, c'eft-à-dirc, juf-
qu'au dernier organe, au mouvement du-
quel lafen'ationcfbttachée ; or dans cette
fuite le mouvement & la direction du point
qui touche immédiatement lefenfr/jtim ,
ne fi;fHt-il pas pour nous taire éprouver la
fenfarion , & n'efl-il pas indiftercnt à quel
point de la fuite le mouvement ait com-
mencé , & fuivant quelle direâion il ait
été tranfmis? N'eft-ce pas par cette rai-
fon , que quelle que foit la courbe décrite
dans l'atmofphereparles rayons, la fen-
farion eft toujours rapportée dans la direc-
tion tangente de cette conibc? Ne puis je
pas regarder chaque filet nerveuK par le-
que les ébranlemens parviennent jufqu'au
fcnforiinn , comme une efpece de rayon ?
Chaque point de ce rayon ne peut-il
pas recevoir immédiatement un ébran-
lement pareil â celui qu'il auroit reçu
du point qui le précède , ôr dans ce cas
n'éprouverons- nous pas la fenf.uion ,
fans qu'elle ait été occafionnée par l'ob-
jet^ auquel nous la raportons ? Qui a pu
même nous affurer que l'ébranlement de
nos organes eft la feule caufe polîîble de nos
fenfations ? En connoiffons-nous la nature.
Si par un dernier eiforr on réduit la préfence
immédiate des objets de nos fenfarions à
notre propre corps ,i je demanderai en
premier lieu , par oij fotre corps nous eft
rendu pre'fent ; fi ce n'eft pis auui par
des fenfations rapportées à diiférens points
de refpace;«ScpoLirquoi ces fenfarions fuppo-
feroient plutôrrfA://?^ Ktvd'uncorps di.'Hngué
d'ellesquelesfenfationsquinousrepréfentent
des arbres, des maifons, &c.&iqi\e nous rap-
portons aufti à diiférens points de l'efpace.
Pour moi je n'y vois d'autre différence ,
finon que les fenfarions rapportées à noae
corps font accompagnées de fentimenspîus
vifs ou de plailir ou de douleurs ; mais je
n'imagine pas pourquoi une fe.ifation de
douleur fuppoferoir plus nécefTairem'rntnn
corps 'naïade , qu'une fenfarion de bleu m
fuppofe un corps réHéchtffant des rayons
de lumière. Je demanderai en feron J li =u ,
fi Its hommes à qui on a coupé des mvm-
C c c c
çyo E X I
bres & qui fentent des douleurs très-vives
qu'ils rapportent à ces membres retran-
chés , ont par ces douleurs un fentiment
immédiat de la prefence du bras ou de la
jambe qu'ils n'ont plus. Je ne m'arrêterai
pas à réiiicer les confc'quences qu'on vou-
droit tirer de l'inclination que nous avons
à croire W'x'iftence des corps malgré tous
4es raifonnemens nittaphynques ; nous
avons la même inclination à répandre nos
fenlations fur la furface des objets exté-
rieurs , & tout le monde fait que l'babi-
tude fuffit pour nous rendre les jugemens
les plus faux prefque naturels. Foycz. COU-
LEUR. Concluons qu'aucune fenfation ne
peut immédiatement , & par elle-même ,
nous alfurer deVexifience d'aucun corps.
No pourrons-nous donc fortir de nous-
mêmes & de cette efpece de prifon , où la
nature nous retient enfermés & ifolés au mi-
lieu de tous les êtres? Faudra-t-il nous ré-
duire avec les idéalifles à n'admettre d'au-
tre réalité que notre propre fenfation? Nous
connoiflbns un genre de preuves , auquel
nous fommes accoutumés à nous fier ; nous
n'en avons même pas d'autre pour nous
aflurer de Vexiftence des objets , qui ne font
pas aduellement préfens à nos fens , & fur
lefquels cependant nous n'avons aucune
efpece de doute : c'eft rindu£lion qui fe
tire des effets pour remonter à la caufe.
Le témoignage , fourcede toute certitude
hiflorique,&lesmouvemensqui confirment
le témoignage , ne font que des phénomènes
qu'on explique par la fuppofition du fait
hiftorique. Dans la phyfique , l'afcenfion
du v<f-argent dans les tubes par lapreiïion
de l'air , le cours des aftres , le mouvement
diurne de la terre , & fon mouvement
annuel autour du foleil , la gravitation des
corps , font autant de faits qui ne font
prouvés que par l'accord exaci: de la fup-
pufiiion qu'on en a faite avec les phéno-
mènes obfervés. Or , quoique nos fenfations
ne foient ni ne puifTcnt être des fubftances
cxilîantes hors de nous , Quoique les fenfa-
tions aâuelles ne foient ni ne puifTent être
les fenfations patfées , eil^s font des faits ;
& fi en remontant de ces faits à leurs caufes,
on fe trouve obligé d'admettre un fyflême
d'êtres inteliigens ou corporels exiftans
|\ors, de nous , &: une fuite de fenfations
E X I
ante'rîeuresà la fenfation aâuelle , enchaî-
nées à l'état antérieur du fyftême des êtres
exiftans , ces deux chofes , Yexijtenre des
êtres extérieurs & notre exijltnce p^ffée , '
feront appuyées fur le feul genre de preuves
dont elles puifTent être fufceptibles : car
puifque la fenfation actuelle efi la feule
choie immédiatement certaine , tout ce
qui n'eft pas elle ne peut acquérir d'autre
certitude que celle qui remonte de l'effet
â ùi caufe.
Or on peutremonterd'uneffetàfa caufe
de deux manières : ou le fait dont il s'agit
n'a pu être produit que par une feule caufe
qu'il indique nécefl'airement , ou qu'on peut
démontrer la feule poffiole par lavoied'ex-
cKiiion ; &c alors la certitude de la caufe
ell précifément égale à celle de l'effet :
c'i;ft fur ce principe qu'efl fondé ce rai-
fonnement , quelque chofe exille : donc
de toute éternité il a exifte quelque chofe ;
& fel ell le vrai fondement des démonftra-
tions métaphyfiques de Vexifi/nce de Dieu.
Cette même forme de procé 1er s'emploie
auffi le plus communément dans une hypo-
thefe avouée , d'après des loix connues de
la nature : c'efl ainfi que ks loix Je la chute
des graves étant données , la vkeffeacquife
d'un corps nous indiquedémonftrativement
lahauteur dont il eft tombé. L'autre manière
de remonter des effets connus à la caufe
inconnue , coniifte â deviner la nature
précifément comme une énigme , à imagi-
ner fuccefîivement une ou plufieurs hypo-
thefes , a les fuivre dans leurs conféquen-
ces , à les comparer aux circonflances du
phénomène , à les eiluyer fur les faits
comme on vérifie un cachet en l'appliquant
fur fon empreinte ; ce font là les fondemens
de l'art de déchiffrer , ce font ceux de la
critique des faits , ceux de la phyfique ; &
puifque ni les êtres extérieurs > ni les faits
pafîls n'ont , avec la fenfation aûuelle,
aucune liailim dont la nécefTité nous foit
démontrée , ce font aufîi les feuls fonde-
mens pofables de toute certitude au fujet
de Vexiftence des êtres extérieurs & de notre
exi/huce paffée. Je n'entreprendrai point ici
de développer comment cc genrode preuve*
croît en force depuis la vrailemblance juf-
qu'à la certitude , fuivantque les degrés de
corrcfpondance augmentent entre la caufe
EX î
luppofîe & les phénomènes ; nî de prouver
qu'elle peut donner à nos jugemens toute
l'affurancc que nous dcfirons: cela doit être
exJcuté aux<trr;t-/i'^CERTiTUDE & Pro-
babilité. A rjgarJ de l'application de ce
genre de preuves à la certitude de la mé-
moire, ôcà W'xi/leine des corps, voy. Id EN-
tité personnelle , mémoire &
Immatériausme.
Existence , Subsistance ,{Gram.)
Il ne faut pas confondre les deux mots: IV-
xifti'iU'cCe donne par lanaidance ; hftih-
fifi.nice, parlei alimens. Le terme à^ex'ijlcr,
ciit à ce fujet l'abbc Giiard , n'efl d'u-
fage que pour exprimer l'évcnement de
la fimple exijleitce ; & l'on emploie ce-
lui de fiihfijler , pour défigner un événe-
ment de durée qui répond à cette ex/fience ,
ou à cette modification. Ex'ifter ne le dit
que des fubftances & feulement pour en
marquer l'être réel \fiibfifler s'applique aux
fubftances & aux modes , mais toujours
avec un rapporta la durée de leur être.
On dit de la matière , de l'efprit , des
■corps , qu'ils exigent. On dit des états , des
ouvrages , des affaires , des loix , & de tous
les écabfiflemens qui ne font ni détruits ,
ni changés, qu'ils fiibfi/fent. article de M- le
thev.iiter DE JauCOURT.
^*EXlTERIES,adi. prisfubft. ( Myth.)
fêtes que les Grecs célébroient pardes fa-
crifices & des vceux adrefTés aux dieux ,
Jorfque leurs généraux étoient fur le point
de le mettre en marche contre quelque
ennemi. Les particulers avoienc auiîi leurs
exiteries qu'ils fêtoient, lorfqu'ils partoient
pour quelque voyage.
EXMOUTH, {Giog. mod.) village de la
province de Devon en Angleterre. Long.
24, zo Jat so , 5f.
£ XO
^ EXOCATACELE,f.f.( H',ft.anc.)Azns
l'antiquité étoit une d.'nominacion géné-
rale , fous laquelle'on comprenoit plulieurs
grands officiers d-'l'-'glife de ConAantino-
J>le ; ils avoient féance dans les conciles
avant les évéqnes , iK écoient dans l'églife
greque à peu près ce que font les cardi-
naux dans r.-'^HR^ romaine.
EXOCIONLIES , f. m. p'. nom donné
aux Ariens d'un lieu appelle £A-(>f/V;//«w/ ,
E X O 571
dans lequel ils fe retirèrent & tinrent
leurs aliemblées. (g)
EXOiJE f. m. {rhM. & H'ift. f^cr/r.)
livre canonique de l'ancien tefiamende
fécond des cinq livres de Moyle. l^'oyez,
Pentateuque.
Ce nom , dans fon origine greque ,
fignifie à la lettre vi)YUgio\i (ortie ; & on
le donne à ce livre , pour marquer celle
des enfans d'Ifraël hors de l'Egypte fous la
conduite de Moyfe. Il contient Thiftoire
de tout ce qui fe pafTa dans le défcrt , de-
puis la mort de Jofeph iufqu'à la conftruc-
tion du tabernacle , pendant cent quarante-
cinq ans
Les Hébreuxl'appellent veelle femoth, des
premiers mots qui fe commencent , & qui
fignifîent en latin bttc fiint noniin.t ,fuivnnc
leur coutume de défigner les livres de l'é-
criture , non par des titres généraux qui
en défignent le contenu , mais par les pre-
miers mots de chacun de ces livres. Foyezi
Bible. {G )
Exode , exodium, (Tlicol) dans les fep-
tante fignifie la fin ou la conclufion d'une
fête, rayez. FÊTE.
Ce mot fignifioit proprement le huitième
jiur de la fête des tabertiaeles , qu'on célé-
broit principalement en mémoire de Vexode
ou de la fortie d'Egypte , & du féjour
des Ifraélites dans le défert
Exode, f.f. ( Littérut.) en latin cxodia,
poème plus ou inoins châtié , accompagné
de chants & de danfes , & porté fur le
théâtre de Rome pour fervirde divertiflè-
ment après la tragédie.
Les plaifanteriesgrofiîeres s'étant chan-
gées en art fur le théâtre des Romains , on
joua l'atellane , comme on joue aujour-
1 d'hui parmi nous la pièce comique à la
fuite delà pièce férieufe. Le mot exode ,
exodia , fignifie iffues. Ce nom lui fut donné
à l'imitation des Grecs , qui nommoient
exodton le dernier chant après lapiece finie.
L'auteur étoitappi. Il éf.voi'.ir/K.frcxcdiaire.
II entroit fur le rhéatrs à la fin des pièces
férieufcs , pour diiTiper la triflj/Te & les
larmes qu'excitent les partions de la tra-
gédie ,& il jouoit cependant la pièce co-
mique avec le même mafque & les mêmes
hab'ts qu'il avoit eu dans la pièce férieufe.
Mgj^ ce qui caradufoic particuliére-
C ce c *
^7î. ÎE X O
ment l^exoâe étoit la licence & la liberté
qu'on avoit dans cette pièce d'y jouer fous
le mafque , jufqu'aux empereurs mêmes.
Cette liberté qui permettoit de tout dire
dans les bacchanales , cette liberté qui exif-
toic dans toutes les fêtes & dans tous les
jeux, cette liberté que les foldats prenoient
dans les triomphes de leurs généraux , en-
iin cette liberté qui avoit régné dans l'an-
cienne comédie greque , fe trouvoit ainfi
dans les exodes ; non feulement les exo-
diairesy contretaifijient ce qu'il y avoit
de plus grave , & le tournoient en ridi -
cule , mais ils y repréfentoient hardiment
les vices , les débauches , & les crimes des
empereurs , fans que ceux-ci ofafTent ni
les empêcher ni les en punir.
Ils jugèrent apparemment qu'il étoit de
la bonne politique de laifl'er ce foible dé-
dommagement à un peuple belliqueux ,
prêt à fecouer le joug à la première occa-
lion , & d'ailleurs à un peuple fier & adif,
qui depuis peu de temps avoit perdu l'em-
pire , & qui n'avoit plus ni de magiiîrats
à nommer, ni de tribus à écouter. Sylla ,
homme emporté , mena violemment les
Romains à la liberté; Augiif}e,rufé tyran,
les conduifit doucement à la fervitude :
pendant que fous SyJ.'a la république re-
prenoit des forces , tout le monde crioit
à la tyrannie ; & pendant que fous Au-
gulle la tyrannie fe fortifioit par les jeux
du cirque &les fpedacles , on ne parloit
que de liberté.
On coinoît les débauches de Tibère ,
& on fait le malheur d'une dame de con-
dirion appellée Action ia , qui accufée d'a-
diiltere par l'ordre do ce prince , parce
qu'elle n'avoit pas voulu répondre à fes
infamies, s'ûta la vie d'elle-même après lui
avoir reproché fon impureté , Obfccenitate
er'i hirfuto atfjtie olido fent clare exprobtitâ :
ce repioche ne manqua pas d erre relevé
danhVexode mù i'i'.t chantée à la fin d'une
pièce atelîanc. On entendit avec plaifir
ï'exodiaire s'arrêter & pefer long-temps
fur ce bon mot , hircum vettilitm C.ipreis
n-*tuïit)it H^uïhe ; bon mot qui fe répandit
dans lour Rome , & qui fut appliqué gé-
néralement à l'empereur. Sué:one , vie de
Tibcre , ch. xlv.
OnfaitqucNérqn j entr'autres crimes,
E X O
avoit empoifonné fon père , & fait no/*]^
fa mère ; le comédien Datus , chanta en
grec , à la fin d'une pièce atellane , xd'iet*
mon père , .idieu i)ui mère ; mais en chan-
tant iiâieii mon père , il repréfenta par fes
geftes une perfonne qui boit ; & en chan-
tant iidleii ma mère , il imita une perfonne
qui fe débat dans l'eau , & qui fe noie ,
& eiifuite il ajouta , Fluton vous conduit 4
U mort , en repréfentant aufli par fesgefte»
le fénat que ce prince avoit menacé d'ex-
terminer. Suet. vie de Néron , ch. xxxjx.
roy. Atellanes.
Dans ces fortes d'exodes ou de fatyres ;
on intéroit encore fouvent des couplets de
chanfons répandus dans le public , dont on
faifoit une nouvelle application aux cir-
confiances du temps. L'acleur commençoic
le premier vers du vaudeville connu , &
tous les fpedateurs en chantoient la fuite
fur le même ton. L'empereur Galba étant
entré dans Rome , où fon arrivée ne plai-
foit point au peuple, Ï'exodiaire entonna
la chanfon qui étoit connue , vcnitio funits
* villa , le camar vient des champs : alors
tout le monde chanta la fuite , & fe fit un
plaiur de la répéter avec des acclamaiions
toujours nouvelles. Suétonne, vie de Galba.
CÀielquefuis on redemandoit dans une
féconde repréfentation l'exode qui avoic
déjà été chantée , & on la faifoit rejouer ,
fur-tout dans les provinces , où l'on n'en
pouvoit pas toujours avoir de nouvelles.
C'ett ce qui fait dire à Juvenal :
.... Tdndemque redit ad pu!j}ita notum
Exodium. Sa. ii; , •^. ly^
Les exodes fe jouèrent A Rome plus de
5 50 ans , fans avoir fouft-rrt qu'une légère
interruption de quelques années; & quoique
fous leiegnc d" Au^uile elles déplufrenranx
gens de bon goût, parce qu'elles porcoient
toujours des marques delagrofJîereté deleur
origine , cependant elles durèrent encore
long-temps après le fit-c'e de cet empereur.
Enfin elles ontrefTiifcité â pluiîcurs égards
parmi nous : car quel autre nom peuc- on
donner à cette efpece de tarce , que nous
appelions comc'.lie itali.nne , & dans quel
geni e d'ouvngc d'efprit peut-on placer des
pièces où l'on fe moque de routes k&
règles du théâtre ? des pièces où dans le
nœud & dans le dénouement , on fcroWft
E X O
Touloir éviter la vraifemblance ? des pièces
où l'on ne fe propofc d'autre but que d'ex-
citer à rire par des traits d'unî imagination
bifarre ? des pièces encore où l'on ofe avilir,
par une imitation burlefque, l'adion noble
& touchante d'un fujct dramatique ? Qu'on
ne difc point , pour la df'fcnfe de cette
Thalie barbouillée , qu'on l'a vue plaire au
public autant que les meilleures nièces de
Racine & de Molière : je répondrois que
c'ed à un public mal compofé , & que
même dans ce public il y a quantité de per-
fonnes qui connoillent très-bien le peu de
valeur de ce comique des halles ; en effet ,
quand la conjonâure ou la mode qui l'a
fait naître font paiîés , les comédiens ne
font plus reparcître cette même farce , qui
leur avoir attiré tant de concours & d'ap-
plaudi flemens. V. Farce & Parodie.
Ayt. de AL le chev.iHer De Jaucoukt.
Exode fîgnifioic auffi une ode , hymne ,
ou c.intinue , par lequel on terminoit chez
les anciens une fête , ou un repas. ( 6' )
EXODIAIRE , fublh m. ( Lltter.'t. )
dans l'ancienne tragédie romaine , écoit
un bouffon ou farceur qui paroifîbit fur le
théâtre quand la tragédie écoit finie , &
formoit ce qu'on appelîoit Vexodium , ou
la conclufîon du fpeflacie , pour divertir
les fpcâateurs. r. ExoDE. {G )
EXOfNE , { Jiirtfprudence.) fignifie
excujc de celui qui ne comparoît pas en
perfonne en juftice , quoiqu'il futi obligé
de le faire.
Quelques-uns tirent i'étymologie de ce
terme de /«««/j, qui dans les capirulaires
{igm'àe em^êc'ijeme;it , d'où l'on a iàlcjon-
n'iure , & enfuite exoriiare , pour dire , tirer
à'embarrds ; d'autres font venir exoine d'un
autre nior \)3.xhii:t,ex'idonUre, qu ifi !io>i tjfc
idanemn fe adjlrîii.ire : ne pourroit - on pas
fans tirer les chofes de iî loin , le faire ve-
nir d'exonerare , parce que exoine tend à
la décharge de l'abfent.
Il eft parlé d'ejfoini.' ou exoine , ce qui eft
la même chofe , dans les établifTemens de
S. Louis , ch. jx. On y voit qu'alors Vejfoine
etoit pour le défendeur ce que le contrem.tnt
éto!C pour le demandeur qui demandoit
lui-même la remife. f''. aaijî o.-aLi.rianoir ,
(h. iij \ Se l'auteur du grand coutu/oier ,
liv. 11/ , fhap. vij.
E X O ^73
TSexoitie a lieu quand celui qui dcvoic
comparoître en perfonne devant le juge ,
ne peut y venir pour caufe de maladie ,
ble/lure, ou autre empêchement légitime,
tel que la difficulté des chemins lorfqu'ils
font impraticables , ou lorfque la commu-
nication cft interrompue par une inonda-
tion , par la guerre , par la contagion , &c.
Dans tous ces cas, celui qui veut fefervir
de V exoine doit donner procuration fpéciale
devant notaire à une perfonne qui vienC
propofer fon exoine , & qui affirme pour
lui qu'il ne peut pas venir. La procuration
doit contenir le nom de la ville , bourg ou
village , paroifle , rue & maifon où Vexoiné
elî retenu. Si c'eff pour caufe de maladie,
il faut rapporter un certificat d'un médecin
d'une tsculté approuvée, qui doit déclater
la qualité de la maladie ou bleffure , &
que Yexoine' ne peut fe mettre en chemin
fans péril de la vie; & la vérité de ce
certificat doit être attcflé par ferment du
médecin devant le Juge du lieu , dont il
fera drefîé procès-verbal qui fera Joint à
la procuration.
On donne quelcfuefois le nom à\xoine
aux certificats & pièces qui contiennent
V exoine ou excufe ; ces pièces doivent être
communiquées au mhiiitere public & à la
partie civile , s'il y en a une , & on per-
met aux uns & aux autres d'informer de
la vérité de Yexoine.
On peut propofer fon exoine en matière
civile , comme en matière criminelle.
Celui qui propofe Yexoine n'efl pas obligé
de donner caution de rcpréfenter Yexoine' ,
ni d'affirmer qu'il efl venu exprès pour
propofer rf.v9/«c. L'effet de Yexoine , quand
il eft jugé valable , eft que l'abfent eft dif-
penfé de comparoître tant que la caufe de
Yexoine fubfifte ; mais dès qu'elle cefte , il
doit fe repréfenter. Voyez, le titre ij. de
rordo7injvce criminelle. [A)
EXOÎNER , iJurifprud. ) fignifie «,«-
fer ou prop <'er l'excufe de quelqu'un qui
ne comparoît pas en perfonn-j en juftice
comme il étoit obligé de le faire. Ce terme
paroît venir du latin exnnerare , décharger,
l/oyz, ci diffus Exoine. {A)
liXOiNLUR. , ( Jur'f^rud. ) eft celui
q M tfl poiteor dé l'excufe d un autre , on
qui propofe fon excufe au fujec de ce qu'U
574 EXO I
ne parok pas en perfonne en luftice. Foy. 1
ci-dejfus EXOINE & EXOINER. ( A )
EXOLICETUS, {hifi. nat.) on la
nomme aufïï bexecoiitbolitbos , pierre fort
petite qui fe trouvoit , dit-on , en Lybie ,
au pays des Troglodites , dans laquelle on
diftinguoit 60 couleurs, royez, Plinii hijL
nat. l'tb. XXXII. cap. x.
* EXOMIDE , f. f . ( Inft. anc.) vête-
ment des Grecs qui leur ferroit étroite-
ment le corps , & leur laiflbit les épaules
découvertes. Les efclaves, les domeftiques,
& le petit peuple portèrent Vexoniide {a)
chez les Romains ; ils y ajoutèrent feule-
ment un manteau : il fut aufïï à l'ufage du
théâtre. A Lacédémone , les hommes s'en
couvrirent , les femmes ailleurs. 11 feroit
difficile parmi nos vétemens d'aujourd'hui
d'en trouver un qu'on pût comparer â Vcxo-
m'iâs. Voyez, Endormis.
EXOMOLOGESE , f. f. ( Théol. &
h'ifl. eccl. ) confefjicn ; mot dérivé du grec.
Ce terme eft fortufité dans l'hiftoire ecclé-
iiaftique des premiers fiecles ; mais il pa-
roît employé en differens fens dans les
écrits des pares. Quelquefois il fe prend
pour toute la pénitence publique, tous les
exercices & les épreuves par lefquellcs on
faifoit pafTer les péniteos jufqu'à la récon-
ciliation que leur accordoic l'églife. C'eft
en ce fens queTertuliien dit l'ib. de PahU.
ch. jx. Exomologefiiprofiernendï & humUi'
jicAKd'i hominis difc'iplin.i efi . . . de ipfo qtio-
quehdh'itii atqiie v'tclu 7nandat , facco & ci-
nerîinciibare , cerpiis fordlbusobfcurare, ani-
tnum mAroùbii dejhere. Et les Grecs ont
donné fouventcenom à toute la pénitence.
Les Occidentaux l'ont reflreintplus par-
ticulièrement à la partie de ce facrement
qu'on nomme confcfjîon. Ainfi S. Cyprien
dans fon épître aux prêtres & aux diacres ,
fe plaignant qu'on reçoit trop facilement
ceux qui font tombés pendant la perfé-
cution , & que fans pénitence , ni exo-
ttiologefe , ni impofition des mains, on
leur donne l'euchariftie ; S. Cyprien ,
dis-je prend le mot d'exomologefe , non
pour toute la pénitence comme Tertul-
E X O
lien , maî<: pour une partie , c'eft-à-dirc ;
fuivant la l^giûlication du mot grec , pouc
une contcflion qui pouvoit fe faire après
avoir achevé la pénitence avant que de
recevoir rmTpufîcion des mr^ins ; n^ais on
ne faitfi cette confeflion étoit fecretteou
publique. Fleury , b'iji. eccléf. toni. II, llv.
Fl.tit.xlij. Voyez, CONFESSION.
Il paroît cependant que l'églife n'a ja-
mais exigé de confefTion publique pour les
fautes cachées , comme on le voit par les
capitulaires de Charlemagne & par les ca-
nons de divers conciles. ( G )
EXOMPHALE , {.f. terme de cbhur-
gien , eft un terme général qui comprend .
toutes les efpeces de defcentes ou de tu-
meurs qui furvitnnent au nombril par le
déplacement des parties folides qui foni
renfermées dans la capacité du bas-ventre.
Ainfi les auteurs ont mis mal à propos au
nombre des herniesde l'ombilicdes tumîuri
humorales qui n'ont point de caraflere
particulier pour être fituées en cette par-
tie. L'hydromphale eft une tumeur aqueufe
à l'ombilic , qui ne préfente pas d'autre
indication que l'œdeme dont il eft une
efpece. ^oj(?î, (Edeme. Nous en dirons
autant du pneumatomphale ou tumeur
venteufe de l'ombilic. Foy. EmphySEMB
du vurlcomphale. Voyez, VARICE. &c.
Les parties internes qui forment une tu-
meur extérieure après avoir pafTépar l'an-
neau de l'ombilic , font l'inteftin & l'épi-
ploon. Si l'inteftin fort fcul , c'eft un en-
teromphale ; l'épiploon feul forme l'épi-
plomphale ;& la tumeur formée par l'épi-
ploon & par l'inteftin conjointement, fe
nomme entc'ro cpiplompbul!.
Cette maladie ne diffère des autres her-
nies que par fa fituation : elle a les mémej
indications ; elle produit les mêmes fymp-
tômes ; elle eft fufcepci.île des mêmes acci-
dens : nous en parlerons au mot HeRNIE.
La réduéVion des par'-ies qui forment
cette hernie , & l'intention principale qu'on
doit fe propofcr dans fon traitement. Voy.
RÉDUCTION.
Loifque les parties font réhiitcs , il faut ,
( .1 ) Vcxomid:: étoit autant une tunique qu'un manteau. Il y en avoir <le trois fortes : les uns Tans man-
ches .qui étoient appelles proprement f A om/t/w; les autres avojent dejx nuochcs, & (0 portoiem pardei
Iierlbmies lib-es; & les autres, (|ue ponoient les elclaves , n'en avoieiu qu'une. Ci;t hibUlcincnt rclU
nu thcdtre , après que la mode en fut paiTéc. ( t )
E X O
îes contenir avec un bandage convenable.
Voyez. Brayer.
On fe fert pour maintenir les parties
rWuites dans la hernie ombilicale , d'un fil
de fer on de laiton afTez fort , contourné
comme on le voit fig 3 , VUncbe VI àc
Chirurgie. On le garnit de bourre , & on
le revêt de lutaine ou de chamois : on em-
ploie plus communément le brayer , f.g.
,7, Chiruïg. Planche XXIX.
On voit dans le fécond volume des mé-
moires de l'académie royale de chirurgie ,
un bandage méchaniquepourl'e.vûwp/j>«/t?.
M. Suret qui en efl l'auteur , a placé dans
la pelote du bandage , des re^rorts au
moyen defquels le ventre efl toujours éga-
lement comprimé dans fes différens mou-
vemens. Ce bandage a été trouvé très-utile
& fort ingénieux : la méchanique en eft
empruntée de l'horlogerie. M. Suret ell
toujours fort louable d'en avoir fait l'ap-
plication à fon bandage. ( Y)
EXOMPHALE , {M.inege , Afarnh.) ce
n'eft point par la fimple connoifïànce que
j'ai acquis de la difpofition & de l'arran-
gement des parties contenues dans la ca-
vité abdominale du cheval , & conféquem-
ment , à l'analogie , que je prétends que la
hernie dont il s'agit , peut avoir lieu dans
l'animal : j'en ai vu qui en étoient réelle-
ment aïtaqués , & il feroit affez inutile
d'entreprendre de démontrer par des rai-
fonnemens, la certitude & la poiïibilité d'un
fait dont d'autres yeux que les miens peu-
vent avoir été témoins. Il ne feroit pas
moins fuperflu de détailler les moyens
de remédier à cette maladie , en quelque
façon incurable , foit que l'on envifage
les différens efforts auxquels tout cheval
utile eft expofé , foit que l'on confidere
les embarras qu'occafionneroient & la né-
ceiïité d'opérer la rentrée de l'inteftin ,
car l'animal n'ell pas fufceptible de l'épi-
plomphale , & l'importance de maintenir
cet inteftin rentré , par le fecours d'un
bandage qu'on ne parviendroit jamais à
afTujettir parfaitement. Cette hernie fe
manifefte par une tumeur circonfcrice ,&
plus ou moins confidJrable , mais toujours
fenfible & douloureufe au tzSt & à la com-
preffion ; elle a fon (Tege à l'endroit de
Vanneau ombilical. Il eft étonnant qu'au-
E X O ^7^
cun auteur n'en ait fait mention ; ceux
qu'un défaut auffi eflèntiel a trompés , fe-
roient fans doute en droit de leur repro-
cher leur filence. ( <r )
EXOPHTHALMIE f. f. Med. ) mala-
die particulière des yeux.
Ce mot grec qui eft expreflif , & que je
fuis obligé d'employer , fignifie [ortie de
l'œil hors de fon orbite ; mais il ne s'agit
pas de ces yeux gros & élevés qui fe
rencontrent naturellement dans quelques
perfonnes, ni de cette cfpece de forjet-
tement de l'œil , qui arrive à la fuite de
la paralyfie de (es mufcles , ni enfin de
ces yeux éminens & faillans , rendus tels
par les efforts d'une difficulté de refpirer ,
d'un tenefme,d'un vomifTement , d'un
accouchement laborieux , & par toutes
autres caufes , qui interceptant en quel-
que manière la circulation du fang , le
retiennent quelque tems dans les veines
des parties fupérieures.
^ Nous entendons ici par cAropA/Z/rf/w/VC &
d'api es Maitrejan , qui en a feul bien parlé)
la grofteur & éminence contre nature du
globe de l'œil, qui s'avance quelquefois
hors de l'orbite , fans pouvoir être recou-
ver^t des paupières , & qui eft accompa-
gnée de violentes douleurs de l'œil & de
la tête , de fièvre & d'infomnie , avec
inflammation aux parties extérieures &
intérieures de l'œil. Cette trifte & cruelle
maladie demande quelques détails.
Elle efl caufée par un prompt dépôt d'une
humeur chaude , acre & vifqueufe , qui
abreuvant le corps vitré , l'humeur aqueu-
fe , & toutes les autres parties intérieures
du globe , les altère , & fouvent les dé-
truit. La chaleur & l'acrimonie de cette
humeur fe manifeftent par l'inflammation
intérieure^de toutes les parties de l'œil, &
par la douleur qui en réfulte. Son abon-
dance ou fa vifcofité fe font connoître
parla grofteur & i'éminence du globe de
l'œil , qui n'eft rendu tel que par le féjour
& le défaut de circulation de cette hu-
meur.
11 paroîr que le corps vitré eft augmenté
outre mefure par l'extrême dilatation de
prunelle , que l'on remarque toujours dans
cet te maladie. Il paroît auflî , que l'humeur
aqueufe eft femblablement augmentée , par
^7^ E X O
Ja profondeur ou l'^loignement de l'huv^e ,
& par r^minence de la cornée tranfparente.
Le globe de 1 œil ne peut grofTir extraor-
dinairement , & s'avancer hors de l'or-
biie , fans que le nerf optique , les muf-
cle5 de locil, & toutes fes membranes ,
ne foient violemment dilîendus. \'o!là
d'cù vient l'inflammation de tout le globe
de l'œil , la violente douleur qu't'prouve
le malade , la fièvre, l'infomnie , &c.
Vexophihalmle fait quelquefois des pro-
grès très-rapides ; & quand elle eft par-
venue à fon dernier période , elle y de-
meure long-tems. Ses effets font , que
l'œil revient rarement dans fa groffeur
naturelle , que la vue fe perd eu dim.inue
confidérablement.
Soit que cette maladie foit produite
par fluxion , ou par congeftion , fi le ina-
îade continue de fentir des e'iancemens de
douleurs terribles , fans intervalle de re-
pos , l'inflammation croît au-dedans & au-
dehors , les membranes qui forment le
blanc de l'œil , fe tuméfient extraordinaire-
ment , les paupières fe renverfent , le flux
de larmes chaudes & acres fuccede, &
finalement l'œil fe brouille ; ce qui eft un
figne avant- coureur de la fuppuration des
parties internes , & de leur deflruclion.
|*i Après la fuppuration iaite , la corne'e
tranfparente s'ulcére , & les humeurs qui
ont fuppurc au-dedans du globe , s'Jcoa-
lent. Alors les douleurs commencent à di-
minuer , & l'œil continue de fuppurer ,
jufqu'à ce que toutes les pariies altére'es
foient modifiées ; etifuite il diminue au-
delà de fa orofTeur naturelle , &. enfin il
finit par fe cicatrifer.
11 arrive fouvent que Ihumeur qui caufe
cette maladie , ne vient pas à fuppurer ,
mais s'atténue , fe reloue infenflblemcnt ,
& reprend le chemin de la circulation ;
dans ce cas , la douleur & les autres ac-
cidcns fe calment , l'œil fe remet quel-
quefois djns fa grofleiu" natmclle , ou ce
qui eft ordinaire , demeure plus petit. La
vue cependant fe perd prefque toujours ,
parce que le globe de l'œil ne peut s'éten-
dre fi violemment , fans que fes parties
intérieures nsfoufFent une altération qui
change leur organifaticn , fans que le corps
vitré ne fc détruife , & fans que le cryftal-
E X O
lin ne fe corrompe , de même que dan*
les catarades purulentes.
Le traitement de Ycxo^hthdmle demande
les remèdes propres à vuider la plénitude,
a détourner l'humeur de la partie malade ,
à adoucir & à corriger cette humeur
VK-ic'e. Aina la laijnée du bras doit être
répétée Aiivant la grandeur du mal & les
forces du malade : on ouvre enfuite la ju-
gulaire & i'artere des temples du même
côté ; on applique des vé-îcatoires devana
ou derrière les oreilles ; on fait un cau-
tère au de."riere de la tète, ou on y pafla
un féton. LesémolHens ; adouciffan.'. & ra-
fraîcliinTansfont r.éceffaires pendant tout le
cours delà maladie ; mais tous ces remèdes
généraux doivent être adminifircs avec
ordre & avec prudence.
Il ne faut pas non plus négliger les
topiques convenables , les renouveller fou-
vent , & les appliquer tiedes , foit pour re-
lâcher la peau , foit pour tempérer l'inflam-
mation extérieure de l'œil , car ils ne fervent
de rien pour l'ir^fiammation intérieure.
Lorfque le mal eft fur fon déclin , ce
qu'on connoît par la diminution de l'in-
flammation & de la douleur , on fe fert
alors de» topiques réfolutifs , c'eft-à-dirs,
de ceux qui parleurs parties fubtiles , vola-
tiles & balfamiques, échauffent doucc.Tient
l'œil, atténuenr& fiibtilifenr leshumcurs,
& fe difpofent i reprendre le chemin de
la circulation . C'eft aufli fur le déclin de
la maladie , &: quand la fièvre eft appai-
fée , qu'on doit commencer à purger le
mahde par intervalleî & à petites dofes,
en employant en même temps les décoc-
tions de farfepareiile & de fquine.
Si dans le cours du m,«l on s'apperçoit
que les accidens ne cèdent point aux
remèdes , & que l'œil fe difpofe à fup-
purer , on doit fe fervir de topiques en
forme de cataplafme pour avanrer davan-
tage la fuppuration ; on les appliquera
chaudement fur l'œil malade , & on les
renouvellera trois ou quatre fois le jour.
Quand le pus eft :ormé , & même ruel-
que'bis avaiit qu'il 1.* foir entièrement ,
on épargnera de cruelles douleurs au ma-
lade , en ouvrant l'œi! avec la lancette ,
en perçant avec art la cornée le plus bas
qu'il eft poinble , & dans le lieu le plut
propre
E X O
propre à procurer l'écoulement des hu-
meurs purulences.
A mefure que le globe fe vide , il fe
flétrit , & les douleurs diminuent à pro-
portion que les parties altérées fe mon-
ditient : on panfe enfuite l'ail avec les
collyres déterdts & mondifians , jufqu'à
ce que l'ouverture foit difpofée à fecica-
trifer , alors on fe fert de defllcatifs , &
l'on pourvoit à l'excroiftance de chair ,
qui furvient quelquefois après l'ouverture
ou après l'ulcération de la cornée. Article
de M. le Cheviller de Jaucourt.
-* EXORBITANT , adj. ( Granm. )
terme qui n'ell guère relatif qu'à la quan-
tité numérique : c'efl l'exceiîif de cette
quantité. Ainiî on dit : il exige de moi une
fomtne exorhit.inte. foyez, EXCES.
EXORCISME , f. m. ( Th/ol. & Hlfi.
eccle'f. ) prière ou conjuration dont on fe
fert pour exorcifer , c'eft-à-dire , chaftèr
les démons des corps des perfonnes qui en
font poflédées , ou pour les préferver du
danger, royez. De M ON.
Ce mot eft tiré du mot grec qui fignifie
ÂdjuTitre , conjurare , conjurer. Dans la plu-
part des didionnaires on fait exorcifme &
conjuration fynonymes; cependant la con-
juration n'eft proprement qu'une partie
de Vexorcifine ; & Vexorcijme eft la céré-
monie entière , la conjuration n'étant que
la formule par laquelle on ordonne au dé-
mon de forcir.
Les exfrtifmes font en ufagedans l'églife
romaine ; on en peut dîftinguer d'ordinai-
res , qui ont lieu dans les cérémonies du
baptême & dans la bénédiâion de l'eau qui
fe fait tous les dimanches ; & d'extraordi-
naires qu'on fait fur k-s démoniaques, contre
les maladies, les infedes, les orages , &c.
Si l'on en croit l'hifJorien Jofephe ,
Salomon avoit compofé des charmes &: des
exercijhes très-puiffans contre les maladies;
mais le fiience de l'écriture fur cet article,
a plus de poids que l'autorité de Jofephe.
Ce qu'il y 3 de certain , c'ell que l'ufage
des exorciftms eu auffi ancien que l'églife.
Jefus-Chrift même , fes apôtres & fes
difciples, & depuis les évéques, lespréfres
& les exorciHes , l'ont pratiqué dans tous
les fiecles. M. Thiers , dans fon traite' dis
fuferjiitions , rapporte différentes formules
Tome X II L
E X 0 J77
de ces exorcifwes , & cite en particulier
l'exemple de S. Grat , qui par le moyen
des exorcij'mes , obtint de Dieu qu'il n'y
auroit plus de rats dans les pays d'Aoft ,
ni à trois milles à la ronde. Le même
auteur pcnfe qu'on peut encore aujourd'hui
le fervir des exorcijmes pour une bonne
fin , contre les rats , les fouris, les chenilles,
les faucerelles , le tonnerre , &c. mais il
affure que pour cela il faut avoir le carac-
tère requis &: approuvé par l'églife ; fe
fervir des mots & des prières qu'elle au-,
torife , fans quoi ces exorcifiiies font des
abus & des fuperftitions.
Dans les temps où les épreuves avoienc
lieu , les exorcifvics y entroient pour quel-
que chofe ; on exorcifoit l'eau froide ou
bouillante, le fer chaud, le pain, &c..
avec lefquels devoir fe faire l'épreuve.
Ces pra'.iques étoient fréquentes en Angle-
terre du temps d'Edouard III ; le pain ainfî
exorcifé fe nommoit corfned, Lindembroge
rapporte des exemples d'exorcifmcs avec le
pain d'orge , d'autres avec le pain & le
fromage qu'on faifoit avaler à l'accufé
tenu de fe juftifier. On croit que c'efi de
là qu'eft venue cette imprécation popu-
laire : que ce morceau m'étrangle , fi je ne
dis pas la vente'. Foyez. EPREIJVE,
Ordatie , é-c. maionn. de Tre'voux &
Chambers.
On trouve aufïï dans Delrio , difrjuijtt.
magie, les formules des exorcifmes ulicées
en pareil cas. ( G )
Exorcisme magique , ( Diviv.at.)
formule dont fe fervent les magiciens ou
forciers pour conjurer, c'efî-à dire, attirer
ou chafTèr les efprics avec lefquels ils pré^
tendent avoir commerce.
Nous tirerons tout ce qu'on va lire fur
cette matière du mémoire de M. Blan-
chard , de l'académie des belles-lettres ,
concernant les exorcifmes magiques , &
qu'on trouve dans Is XII. vol. desmc'moires
de cette acadvme.
w Agrippa , dit cet académicien , rap-
porte trois manières de conjurer les efprirs;
la première naturelle, qui fe' fait par le
moyen des mixtes avec lefquels ils ont de
la fympathie ; la féconde qui eft cé!efte ,
fe fait par le moyen des corps célcftes ,
donc oa emploie la vertu oour attirer oïl
Dddd
$78 E X O
pour chafTer les efprits ; la troifieme qui
eft divine &' Ja plus forte , fe fait par le
moyen de? r.omf divins & des cérémonies
facrées : cette dernière conjuration ne lie
pas feulement les efprits , mais aufîî toutes
fortes de créatures , les dt^îuges , les tem-
pêtes , les incendies , les ferpens , les nia-
îadies épidémiques. &c.
» Il y a outre cela des fumigations pro-
pres pour attirer les efprits , & il y en a
d'autres pour les charfèr ; il faut favoir
les mêler & s'en fervir à propos. Les
anciens magiciens ont cru que l'homme ,
en vertu des facremens qui lui font
propres , peut commander aux efprits , &
les contraindre de lui obéir ; parce qu'en
ufant de ces inftrumens facrt's , il tient la
place des dieux , & eft en quelque forte
e'Ievé à leur ordre. Comme ces inflrumens
facrés viennent des dieux qui les donnent
aux hommes , il ne faut pas s'étonner s'ils
ont une vertu qui les élevé au-deifus des
efprits. Le livret intitulé enchiridion Leo-
tiis papa , a fervi à gâter les efprits , quoi-
qu'il n'y ait rien que de bon , dit M.
Blanchard, dans lesoraifons qu'il contient^
mais la grande quantité de croix dont il
eft plein , marque de la fuperftition ».
L'auteur ajoute qu'il a lu dans cet ou-
vrage une conjuration pour fe mettre à
couvert de toutes les armes offenfives ,
qui lui paroît illicite, parce qu'elle con-
fond témérairement les noms adorables
de Dieu , & les inftrumens facrés de la
paftion de Jefus - Chrift , avec les noms
des faints & les inftrumens de leur mar-
tyre On trouve dans le même livret
des paroles attribuées à Adam , lorfqu'i!
defcendit aux lymbes , & l'on prétend
que tout homme qui les porte écrites fur
lui , n'a rien à craindre dans quelque dan-
ger qu'il fe trouve ; on aftlire même qu'en
les mettant fur un bœufoufurun mou-
ton , le boucher ne peut pas les tuer.
Parmi les croix qui doivent accompagner
les exorc'ifmes magiques , il doit y en avoir
de rouges , faites avec du fang de l'index
ou du pouce , à certains temps de la Lune ,
à certaines heures de la nuit , à des jours
marqués ; d'autres noires avec du charbon
béni ; toutes pratiques fuperftitieufes &
condamnables. U en eu de même delà
E X O
verveine , & de l'ufage de la cueillir , en fe
tournant du côié de l'orient , en appuyant
la main gauche fur l'herbe, en prononçant
certaines paroles. Les cercles font encore
d'un grand ufage dans toutes ces opéra-
tions : on les trace avec de la craie exor-
cifte : ils font employés pour renfermer
les efprits , afin qu'ils ne nuifent ni à l'o-
pérateur , ni aux aftiftans. Tout le monde
fait l'analogie de la figure circulaire avec
runité qui eft le fymbole parfait de Dieu.
La différence de ces cercles confifte dans
les noms & les figures qui y font ou diffé-
rentes , ou indifféremment placées , & ce
changement a fes raifons dans les propor-
tions numériques.
On ne rapportera de tous ces exorc'ifmety
que celui qui fe fait fur le livre magique ;
pièce fuffifante pour faire juger que ces
extravagances font l'ouvrage de quelques
théologiens ignorans & impies. En Voici
la formule.
» Je vous conjure tous , & je vous
commande à tous tant que vous êtes
d'efprits ,• de recevoir ce livre qui vous tft
dédié , afin qu'autant de fois qu'on le
lira , vous ayez à paroître fans délai , &
en forme humaine douce & agréable , à
ceux qui liront ce livre , en telle façon
qu'il leur plaira , foit en général , foit en
particulier, c'eft-à-dire un ou plufieurs ,
au défir du ledeur , fans nuire ni faire
aucun mal à qui que ce foit de Ta com-
pagnie , ni au corps , ni à l'ame , ni â
«ioiqui le commande ; qu'auŒ-tôt que la
ledure en fera faire , vous avez à compa-
roître , ou plufieurs , ou un en particulier,
au choix de l'exorcifant , fans bruit , fans
éclat , rupture , tonnerre ni fcandale, fans
illufion , menfonge ou fafcination ; je vous
en conjure pas tous les noms de Dieu qui
font écrits dans ce livre. Que fi celui ou
ceux qui font appelles , ne peuvent ap-
paroître , ils feront tenus d'en envoyer
d'autres , qui diront leur nom , & pour-
ront faire leur même fonftion & exercer
leur pouvoir , & qui feront un ferment
folemnel & inviolable d'obéir aux ordres
du lefteur incontinent «Se aullî-tôt qu'il
voudra , fans qu'il ait befoin d'autre fe-
cours , aide, ou force & autorité. Venez
donc au nom de toute la cour célcfie ,41^
E X O
obififTcz au nom du pcre , du fils , & du
faini-efprir. Ainfi foit-il. Levez-vous , &
venez par la vertu de votre roi , & par
les fept couronnes de vos rois , & par les
chaînes (ulphurccs , fous lefquclles tous les
efprits & démons font arrêtés dans les
enfers. Venez , &. hâtez-vous de venir
devant ce cercle , pour repondre â mes
Tolontés , faire & accomplir tout ce que
je défire. Venez donc , tant de l'orient
que de l'occident , du midi & du fepten-
trion , & de quelque part que vous Ibyez.
Je vous en conjure par la vertu & par la
puifîance de celui qui eft trois &c un , qui
eft e'cernel Se co-é^al , qui efi un Dieu
invifible , confubftautiel , qui a créé le
ciel , la terre & la mer , fie tout ce qu'ils
contiennent , par (a parole v.
L'opinion commune , eft que les exor-
(ifiiies & les conjurations magiques font
conçues en des termes barbares & inintel-
ligibles ; ce'ui-ci n'efl pas du nombre , on
n'y voit que trop ciairement le mélange
des objets les plus refpeâables de notre
relijjion avec les extravagances , pour ne
rien dire de plus , de ces vifionnaircs. On
attribue celui-ci à Arnaud de Ville-neuve.
Seulement pour en entendre les dernières
paroles , i! eft bon de favoir que les ma-
giciens fajfoient préfider quatre de ces
efprits , aux quatre parties du monde :
c'étoient comme les empereurs del'unlv uoù.
Celui qui préfidoit à l'orient étoit nommé
Lucifer , celui de l'occident AJlb.iroth ,
celui du midi Lwiathnn , & celui du
feptentrion Air.a'imon ; & il y avoic pour
chacun d'eux des cxorcifmes particuliers &
un exorcifme général , que M. Blanchard
n'a pas jugé à propos de rapporter.
Comme les efprits ne font pas toujours
d'humeur â obéir : & font rebelles aux
ordres , on a tiré de la cabale un exorcifme
plus abfurde que tous les autres , qui don-
ne df s charges & des dignités aux démons ;
qui les menace de les dépouiller de leurs
emplois , & de les précipiter au fond
des enfers , comme s'ils avoient une
autre demeure. Il faut obferver que ,
félon les magiciens , le pouvoir de cha-
cun de ces efprits eft borné; qu'il feroit
mutile de l'invoquer pour une chofe qui
ne feroit pas de fa portée; & ç^u'il
E X O ^79
faut donner à chacun pour fa peine , une
récompcnfe qui lui foit agréable : par
exemple , Lucifer qu'on invoque le lundi
dans un cercle , au milieu duquel ell fou
nom , fe contente d'une fouris ; Nembroth
reçoit la pierre qu'on lui jette le mardi .-
Aitliaroth eil appelle le mercredi , poujr
procurer l'amitië des grands , tk ainfi de
fuite.
Au refle , ces cxorcifmes des magiciens
modernes font tous accompagnés de pro-
fanations des noms de Dieu & de J. C,
excès que n'ont pas même connu les
payens , qui dans leurs conjurations magi-
ques n'abufoient pas des noms de la divi-
nité , ni des myfteres de leur religion.
Mem. (le l'acad. des /nfcrip. tome Xll.
p.! g. U- à- fl''rv.{G}
EXORCISTE , f. m. ( Tb/olog. ) dans
l'églife romaine , c'eft un clerc tonfuré qui
a reçu les quatre ordres mineurs , donc
celui A'exorciflc fait partie.
On donne auflî ce nom à l'évéque , ou
au prêtre délégué par l'évéque , tandis qu'il
eft occupé à exorcifer une peifonne pof-
fédée du démon, ^^oyez. EXORCISME.
Les Grecs ne confidéroien: pas les exor-
cift-js comme tcant dans les ordres , mais
fimplement comme des miniftres. S. Jérô-
me ne les met pas non plus au nombre
des fept ordres. Cependant le père Goar ,
dans fes notes fur l'eiicbologe , prétend prou-
vers par divers pafi'ages de faint Denys Hc
de faint Ignace martyr , que les Grecs onc
reconnu cet ordre. Dans l'églife latine ,
les exorcifies fe trouvent au nombre des
ordres mineurs après les acolythes : & la
cérémonie de leur ordination ef 1 marquée»
tant dans le jv. concile de Carthage , can.
7 , que dans les anciens rituels. Ils rece-
voient le livre des cxorcifmes de la main
de l'évéque, qui leur difoit en même
temps : Recevez, ce livre , & L'apprenez, par
mémoire , & ayez, le pouvoir d'impofer les
mains aux energumenes , joit baptife' , foit
cathécumenes : formule qui eft toujours en
ufage.
M. Fleury parle d'une efpece de gent
chezles Juifs, qui couroient le pays, faifanc
profenion de chaflèr les démons par des
conjurations qu'ils attribuoient à Salomon :
on leur doiinoit le nom à' exorcifies. lien
Dddd z
58o E X 0
tft fait mention dans l'évangile, dans les *
aûes des apôtres , & dans Jofephe. S. Juftin
martyr , dans fon dialogue contré Tryphon ,
reproche aux Juifs que leurs exprcifies fe
fervoient, comme les gentils , de pratiques
fuperîHtieufes dans leurs exorcifmes , em-
ployant des parfums & des ligatures : ce
qui fait voir qu'il y avoir aufïl parmi les
payens des gens qui' fe mêloientd'exorcifer
les démoniaques. Lucien en touche quel-
que chofe.
Dans l'églife catholique il n'y a plus
que des prêtres qui fafîent les fondions
à'exorc'ifies , encore ce n'cft que par com-
milHon particulière de l'évêque. Cela vient,
dit M. Fleury , de qui nous empruntons
ceci , de ce qu'il eft rare qu'il y ait des
pofTc'd s , & qu'il- fe commet quelquefois
desimpoftures, fousprétexte de pofïtfTion
du démon ; ainfi il eft néceflàire de les
examiner avecbeaucoup de prudence. Dans
les premiers temps , les poïïeffions étoient
fréquentes , fur- tout entre les payens ; &
pour marquer un plus grand mépris de la
puifTance des démons , on donnoit la char-
ge de les chafier à un des plus bas miniftres
de l'églife , c'étoit eux auiïi qui exorcifoient
les cathécumenes. Leurs fondrions , fuivant
le pontifical , font d'avertir le peuple , que
ceux qui ne communioient point , fiftent
place aux autres ; de verfer l'eau pour le
miniflere ; d'impofer les mains fur les pof-
fédés. Il leur attribue même la grâce de
guérir les maladies Inji'it. au droit ecclef.
tom. /, ch.^p. l'j , f'ige Si. {G)
EXORDE , exordium , f. m. ( Belles-
Lettres. ) première partie du difcours ,
qui fert à préparer l'auditoire & à l'inftruire
de l'état de la queftion ; ou du moins à la
lui faire envifager en général.
Ce mot eft formé du latin ordiri , com-
mencer , par une métaphore tirée des
tifferands , dont on dit , ordiri telum , c'eft-
à-dire , commencer la toile en la mettant
fur le métier , & difpofant la chaîne de
manière à pouvoir la travailler.
Vcxorde dans l'art oratoire , eft ce qu'on
nomme dans une pièce de théâtre prologue ,
en mufique prc'lude , & dans !un traité
èialeftique préface, av.iut propos , en latin
■oroeniiui::.
Cicéron définit fexorde une partie du
E X O
difcours ; dans laquelle on prépare dou(îc-
ment l'efprit des auditeurs aux chofes qu'on
doit leur annoncer par la fuite. Uexorde
eft une partie importante , qui demande i
être travaillée avec un extrême foin : aufli
les orateurs l'appellent-ils difficillima pars
or.itionîs.
On diftingue deux fortes à^exordes ; l'un
modéré , où l'orateur prend , pour ainfi
dire , fon tour de loin ; l'autre véhément ,
où il entre brufquement & tout à coup ea
matière : dans le premier on prépare &
l'on conduit les auditeurs par degrés, &
comme infenfiblement , aux chofes qu'on
va leur propofer f dans le fécond , l'orateur
étonne fon auditoire, en paroiflant lui-
même tranfporté de quelque paftîon fu-
bite. Te! eft ce début d'Ifaïe , imité par
Racine dans Athalie :
Ciei'.x , écoutez^ \ terre , prête l'oreille.
ou celui-ci de Cicéron contre Catilina :
Qtiotifquc tandem r.biitere , CatiliHA , pd'
tientiâ noflra ?
Les exordes brufques font plus convena-
bles dans le cas d'une joie , d'une indigna-
tion extraordinaires , ou de quelque autre
paftion extrêmement vive , hors de-là , ils
feroient déplacés : cependant nous avons
des exemples de panégyriques d'orateurs
fameux , qui entrent en matière dès la pre-
mière phrafe , & pour ainfi dire , dès le
premier mot , fans qu'aucune paftîon l'exi-
ge : tel eft celui de Gorgias , qui commence
fon éloge de la ville & du peuple d'Elis par
ces mots : Elis , beata civitas : & celui de
S Grégoire de Nazianze , à la louange de
S. Aihanafe : ytibanafium Ltudans , vir-
tutem lauddbo. Les exordes brufques & pré-
cipités étoient plus conformes au goût &
aux mœurs des Grecs , qu'au goût & aux
mœurs des Romains.
Lesqualités de Vexorde font , i°. la conve-
nance ; c'eft-à-dire , le rapport & la liaifon
qu'il doit avoir avec le ref'e du difconrs ,
auquel il doit être comme la partie eft au
tout, enforte qu'il n'en puifte être détaché
ni adapté dans une occafion différente , &
peut-être contraire. Les anciens orateurs
paroift^ent avoir été peu fcrupuleux fur cette
règle ", quelquefois leurs exordes n'ont riere
de commun avec le rafte du difcours ; fi ce
E X O
r'cft qu'ils font placés à la tête de leuts
harangues.
2°. La modeflie ou une pudeur ingénue
qui intérefTe merveilleufement les auditeurs
en faveur de rorateur,& lui attire leur bien-
veillance. C'eft cequeCicéronloueleplus
dan lorateur CrafTus -.fiiiteniin in L. Crajfo
fU'iar ijiiid.an , (jiit non modo non obiflet ejus
cr.itioni, ffd et'uim probit.itis coinmendatione
fredtffit ; & il raconte de lui même , qu'au
commencement de fes harangues ,un trou-
ble involontaire agitoit fon efprit , & qu'un
tremblement univerfel s'emparoit de fes
membres. Un air fîmple & naturel porte un
caradere de candeur , qui fraie Ip chemin à
kpcrfuafion.
3°. La brièveté ; c'eft- à-dire , qu'un
exorde ne doit point être trop étendu , &
encore moins chargé de détails inutiles ;ce
n'ell pas le lieu d'approfondir la matière ,
ni de fe livrer à famplification : il ne doit
pas non plus être tiré de trop loin , tels
que ceux de ces deux plaidoyers burlefques
de la comédie des plaideurs , où les pré-
tendus avocats remontent jufqu'au ■cahos ,
à la naiffance du monde , & à la fonda-
tion des empires, pour parler du vol d'un
chapon.
4". Enfin le flyle doit en être périodique ,
roblc,grave,mefuré ; c'eft la partie du dif-
cours qui demande à être la pbstravaillée ,
parce qu'étant écoutée la première , elle eft
auffiplusexpoféeàla critique. Auffi Cicé-
ron a-t- il dit : vefiihuU aditiifque ad caufa,m
j.tci.is illujlres.
V exorde e(î regardé par tous les rhéteurs,
comme une partie efTentielIe du difcours;
cependant autrefois devant l'aréopage ,
on parloir fans exorde , fans mauvemens ,
Ir.ns péroraifon , félon julius Pollux ; mais
il faut fe fouvenir que le tribunal de l'aréo-
page , fi refpeâable d'ailleurs, n'étoit pas
un juge fans appel fur le bon goût & fur
les règles de l'éloquence- V"- ARÉOPAGE.
(0-)
LXOSTOSE , i|*f «f <f , ( Méd. ) eft une
tumeur extraordinaire qui vient à un os , &
qui eft fréquente dans les maladies véné-
EJennes. r. Os.
Les fcorbutiques & les écrouelleux font
auffi fortfujets aux «.vo/o/c^. Pour guérir
fes exojlofes , il faut combattre la c«ufe
E X O 58X.
intérieure par les fpécifiques , ou par les
remèdes généraux , s'il n'y a poiiir de fpé-
cifique connu contre le principe de la mala-
die. Les caufcs d'exofiofe peuvent être
détruites , & le vice local fubfifter ; on le
voit journellement dans le gonflement
des os par le virus vénérien. Il y a des
exojlofes qui fuppurent , & dont la fitua-
tion permet qu'on en faffe l'ouverture &
l'extirpation : on peut employer dans ce
cas tous les moyens dont on a parlé dans
l'article de la carie & de l'exfoliation. roy.
CCS mots.
En effet , le traité des maladies des os
contient beaucoup d'obfervations impor-
tantes fur la nature , les caufes & les
moyens curatifs de Vexoftofeen particulier.
L'auteur décrit ainfi la manière d'attaquer
les cxofiofes qui n'ont point fondu par I.»
traitement de la vérole , ou de toute autre
caufe interne.
On doit découvrir la tumeur de l'oS
en faifant une incifion cruciale ; on em-
porte une partie des angles ; on panfe à
fec , on leva l'appareil le lendemain , fit
on fe fert du trépan perforatif ; on fait-
plufieurs trous profonds & affez près les
uns des autres , obfervant qu'ils occupent
toute la tumeur qu'on veut emporter. On
fe fert enfuite d'un cifeau ou d'une gougô
bien coupante , & d'un maillet de plomb
avec lequel on frappe modérément, pour
couper tout ce qui a éré percé par le perfo-
ratif. Ces trous afFoibllfTent l'os ; il fe coupe
plus facilement, fans courir aucun rifque
de l'éclater en 1© coupant avec le cifeau.
C'eft un moyen dont fe fervent les menui-
fîers pour éviter que leur bois ne s'éclate
en travaillant avec le cifeau.
Si la tumeur eft confidérable , & qu'îL
faille répéter les coups de cifeau ou de
maillet, on peut remettre le rcfte del'o--
pération au lendemain , parce que les coups-
réitérés pourroient ébranler la moelle au
point de caufer par la fuite un abcès.
Quand on a tout enlevé, on panfe l'os-
comme il a été dit ; & pour que fexfolia-
tion foît prompte , on applique deffus ta =
diifolution du mercure faite par l'eau-forte;-
ou par l'efprit de nitre ; c'ell un des meil-
leurs remèdes qu'on puifTe employer : on
ne préfijre le feu que lorfque la carie elfc
582 E X O
profonde, qu'elle eft avec vermoulure ou
excroiflànce de chair conlidérable. (T)
EXOTÉRIQUE & ESOTERiQUE,
3d].{H':ft. de la Pbilofop.) Le premier de ces
mots lignifie f, Vf fV/cwj-, le fécond, intcr'ieur.
Les anciens philofophes avoienc une
double dodrine ; l'une externe , publique
ou exot/rique ; l'autre interne , fecrette
ou efoterique. La première s'enfeignoic
ouvertement à tout le monde , la féconde
eroit réfervée pour un petit nombre de dil-
ciples choifis. Ce n'e'toit pas dltTerens
points de dodrine que l'on enfeignoit en
public ou en particulier , c'étoit les mêmes
fujets , mais traités difFéiemment, félon
que l'on parloit devant la multitude ou
devant les difciples choifis. Les philo-
foplies des tems poilérieurs compofcrent
quelques ouvrages fur la doctrine caclie'e
de leurs prédexelfeurs , mais ces traités ne
font point parvenus iufqu'à nous ; Eunape ,
dans la vie de Porphyre, lui en attribue
un , & Diogene de Laérce en cite un de
Zacynthe. f^oyez. Eclectisme.
Les Grecs appelloient du même nom
1 es fecrets des écoles & ceux des myfteres ,
& les pliilofophes n'étoient gueie moins
circonfpeds à révéler les premiers , qu'on
reçoit A communiquer les féconds. La plu-
part des modernes ont regardé cet ufage
comme un plaifir ridicule , fondé fur le
myftere , ou comme une petitefTe d'efprit
qui cherdioit à tromper. Des motifs fi
bas ne furent pas ceux des philofophes :
cette méthode venoit originairement des
Egyptiens , de qui les Grecs l'emprun-
tèrent ; & les uns & les autres ne s'en
fervirent que dans la vue du bien public ,
quoiqu'elle ait pu , par la fuite des tems ,
dégénérer en petiteflè.
Il n'cfl pas difficile de prouver que cette
méthode venoit des Egyptiens , c'eft d'eux
que les Grecs tirèrent toute leur fcience
& leur fiigeffe. Hérodote , Diodore de
Sicile , Strabon , Plutarque , tous les an-
anciens auteurs en un mot , font d'accord
fur ce point : tous nous afTurent que les
prêtres égyptiens , qui étoient les dépofî-
taires des fciences , avoient une double
philofopbie ; Tune fecrette & facrée , l'au-
tre publique & vulgaire.
Pour juger quel pouvoit être le but de
E XO
cette conduite , il faut confid^rer quel
étoit le caradere des prêtres égyptiens.
Elien rapporte que dans les premiers tems
ils étoient juges & magiftrats. Confidérés
fous ce point de vue , le bien public dévoie
être le principal objet de leurs foins dans
ce qu'ils enfeignoient , comme dans ce
qu'ils cachoient j en conféquence ils ont
^té les pretTiiers qui ont prétendu avoir
communication avec les dieux , qui ont
enfeigné le dogme des peines & des récom-
penfes d'une autre vie, & qui, pour fou-
tenir cette opinion , ont établi les myf-
teres dont le fecret étoit l'unité de Dieu.
Une pffeuve évidente que le but des
inftrudions fecrettes étoit le bien public,
c'eft le foin que l'on prenoit de les com-
muniquer principalement aux rois & aux
magiRrats. " Les Egyptiens, dit Clément
»j d'Alexandrie , ne révèlent point leuts
» myfleresindiftindement à toutes fortes
» de perfonnes ; ils n'expofent point aux
>j prophanes leurs vérités facrées ; ils ne
» les confient qu'à ceux qui doivent fuc-
» céder à l'adminifîration de l'état , & à
» quelques-uns de leurs prêtres les plus
»j recommandables par leur éducation ,
>y leur favoir & leurs qualités w.
L'autorité de Plutarque confirme la
même chofe. " Les rois , dit-il , étoient
»> choifis parmi les prêtres , ou parmi les
» hommes de guerre. Ces deux états
» étoient honorés & refpedés , l'un â
» caufe de fa fageffe , & l'autre à caufe
» de fa bravoure ; mais lorfqu'on choifif-
» foit un homme de guerre , on l'envoyoit
n d'abord au collège des prêtres , où il
w étoit inftruit de leur philofophie fecrette,
» & où on lui dévoiloit la vérité cachée
>3 fous le voile des fables & des allé-
» gories ».
Les mages de Perfe , les druides des
Gaules & les brachm.anes des Lidcs , tous
femblablcs aux prêtres égyptiens , & qui
comme eux participoient à l'adminiflra-
tion publique , avoient de la même tna-
niere & dans la n>ême vue leur doflrine
publique & leur doclrine fecrette.
Ce qui a fait prendre le change aux
anciens & aux mordernes fur le but de la
double doclrine , & leur a fait imaginer
qu'elle n'écoit qu'un artifice pour confcr-
E X O
ver la gloire djs fciences & de ceux quî
en iaifoient profefTion , a été l'opinion
gc'nérala que les fables des dieux & des
hiros avoienc été iiiventt^es par les fages
de la première antiqciitt^ , pour di.'guirer
& cacher des vérités naturelles Se morales ,
donc ils vouloient avoir le piaifir de fe
réferver l'explication. Les pliilofoohes
grecs des derniers tems font les auteurs
de cette faufFe hypothcfe , car il eft évi-
dent que l'ancienne myhoiogie du paga-
nifme naquit de la corruption de l'an-
cienne tradition hi'lorique ; corruption
qui naquit elle même des préjugés & des
folies du peuple , premier auteur des
fables & des allégories ; ce qui dans la
fuite donna lieu d'inventer l'ufage de la
double doûrine , non pour le llrnple
p'aifir d'expliquer les prétendues vérités
cachées fous l'enveloppe de ces fables ,
mais pour détourner au bien du peuple
les fruits mêmes de fa folie & de fes
ptéiugés.
Les Légiflateurs grecs furent les pre-
miers de leur nation qui voyagèrent en
Egypte. Comme les Egyptiens éroient
alors le peuple le plus fameux dans l'art
du gouvernement , les premiers Grecs
qui projetterent de réduire en fociété
civile les différentes hordes ou tributs er-
rante de la Grèce , allèrent s'infiruire
chez cette nation favante , des principes
qui fervent de fondement à la fcience
des légiflateurs , & ce fut le feul objet
auquel ils s'appliquèrent : tels furent Or-
phée , Rhadamante , Minos , Lycaon ,
Triptoleme , &c. C'eft là qu'ils apprirent
l'ufage de la double doârine , dont l'inf-
titution des myfleres , une des parties les
plus elTentielles de leurs étabiiflemens
politiques , efèun monument remarquable.
Voyez, les d'ijfertaùons fur r union de la reli-
gion , de la morale & de la politique , tirées
de Varbuton par M. de Silhoiiete , tom.
JI , dilfert. viij , art. de M. Forme v.
EXOTIQUE , ( Jardin.) fe dit d'une
plante étrangère , d'un fruit. Cette fiante
tfi exotique.
E X P
EXPANSIBILITÉ , f. f ( Phyfiqtic )
propiécé de certains fluides, par laquelle
E X P <,%^
ils fendent fans cefTc à occuper un c!",\ice
plus grand. L'air & routes les fublb'r.ccs
qui ont acquis le degré de chaleur néccf-
faire pour leur v.tporifution , comme l'eau
au-doflus du terme de l'eau bouillante, font
expanfibles. Il fuit de notre définition ,
que ces fluides ne font retenus dans de
certaines bornes que par la force compri-
mante d'un obftacle étranger, & que l'équi-
libre de cette force avec la force expanfîve,
détermine l'efpace aduel qu'ils occupent.
Tout corps expanfiblc elt donc aufTi com-
prcfîible ; & ces deux termes oppofés n'ex-
priment que deux effets nécefTaires d'une
propriété unique dont nous allons parler.
Nous traiterons dans cQt article ,
^ Premiérement,de l'cxpanfibilité'confidé-
ree en elle-même & comme une propriété
mathématique de certains corps, de fesloix,
& de fes effets.
Secondement , de VexpanfIhilite''cot\fiâé-
rée phyfiquement , des fubfîances auxquel-
les elle appartient , & des caufes qui la
produifent.
Troifîémement , de Vexpanfibilitecom-
parée dans les différentes fubfîances aux-
quelles elle appartient.
Quatrièmement, nous îndiqueronsen peu
de mots les ufages de ï'expanfibilite", & la
part qu'elle a dans la produ'âion des prin-
cipaux phénomènes de la nature.
De ï'expanfibilite en elle-méme,de fesloix y
& de fes effets. Un corps expanfîble laiÂ^' à
lui-même, ne peut s'étendre dans un plus
grand efpace & l'occuper uniformément
tout entier , fans que toutes fes parties
s'éloignent également les unes des autres :
le principe unique de Vexpanfibiliie'eû donc
une force quelconque , par laquelle les
parties du fluide expanfîble tendent conti-
nuellement à s'écarter les unes des autres ,
& luttent en tout fens contre les forces
compre/Tives qui les rapprochent. C'efl ce
qu'exprime le terme de re'pulfion , dont
Newton s'efl quelquefois fervi pour la
défigner.
Cette force répulfîve des particules peut
fuivrp différentes loix , c'efl-â-dire, qu'elle
peut croître & décroître en raifon de telle
ou telle fonftion des diflances des particules.
La condenfation on la réduftion à un moin-
dre efpace , peut fuivre aufTi dans tel ou
^^«4 Ë X P
tel rapport, l'augmentation de la force
.comprimante ; & l'on voit au premier
coup d'œil que la loi qui exprime le rapport
:des condenfations ou des efpaces à la force
comprimante , & celle qui exprime le rap-
|3ort de la force répulfive à la diflance des
.particules , font relatives l'une à l'autre ,
puifque l'efpace occupé comme nous l'a-
vons déjà dit , n'eft déterminé que par
l'équilibre de la force com.primante avec
la force répulfive. L'une de ces deux loix
^tant donnée , il efl: aifé de trouver l'autre.
Newton a le premier fait cette recherche
■{liv. II , des principes , propr. 23.) ; & c'eft
(d'après lui que nousallons donner le rapport
de ces deux loix , ou la loi générale de Vtx-
.panfibilite".
La même quantité de fluide étant fuppo-
fée, & la condenfation inégale , le nombre
des particules fera le même dans des efpaces
inégaux ; & leur diftance mefurée d'un
centre à l'autre , fera toujours en raifon des
jracines cubiques des efpaces ; ou, ce qui eft
Ja même chofe,en raifon inverfe des racines
cubiques des condenfations : car la conden-
fation fuit.la raifon inverfe des efpaces , fi la
quantité du fluide efl la même ; & la raifon
^irefte des quantités du fluide , fi les efpaces
font égaux.
Cela pofé , foient deux cubes égaux ,
mais remplis d'un fluide inégalement con-
denfé;la preflTion qu'exerce le fluide fur cha-
cune des faces des deux cubes, & qui fait l'é-
fluilibreavec l'aûion de la force compriman-
te fur ces mêmes faces, efl égale au nombre
.des particules qui agifient immédiatement
fur ces faces , multiplié par la force de cha-
que particule. Or chaque particule prefTe la
furface contiguë avec la même force avec
laquelle elle fuit la particule voifine: car
ici Newton fuppofe que chaque particule
agit feulçment fur la particule la plus pro-
chaine ; jl a foin , à la vérité , d'obferver
en même tems que cette fuppoficion ne
pourroit avoir lieu , fi Ton regardoit la
force répullive comme une loi mathéma-
tique dont faâion s'étendit à toutes les
diftances , comme celle de la pefanteur , '
fans être arrêtée par les corps intermédiai-
res. Car dans cetre hypothefe il faudroit
pvoir égard à la force répulfive des parti -
gijles les plus éloignée!;, §c la force coni-
E X P
primante devroit être plus confiiérable
pour produire une égale condenfation ; la '
force avec laquelle chaque particule prefle
la furface du cube , eft donc !a force même
déterminée par la loi io rcpu'.fion , & par
la diflance des particules entr'cUes ; c'eft
donc cette force qu'il faut multiplier par
le nombre des particules , pour avoir la
prefllon totale fur la furface , ou la force
comprimante. Or ce nombre à condenfa-
tion égale feroit comme les furfaces ; à
furfaces égales , il eft comme les quarrés
des racines cubiques du nombre des parti-
cules , ou de la quantité du fluide contenu
dans chaque cube, c'eft- à-dire , comme les
quarrés des racines cubiques des condenfa-
tions , ou , ce qui eft la même chofe , en
raifon inverfe du quarré des diftances des
particules , puifque les diftances des parti-
cules font toujours en raifon inverfe des
racines cubiques des condenfarions. Donc
la preffion du fluide fur chaque face des
deux cubes , ou la force comprimante , eft
toujours le produit du quarré des racines
cubiques des condenfations , ou du quarré
inverfe de la diflance des particules , par
la fondion quelconque de la diftance , à
laquelle la répulfion eft proportionnelle.
Donc , fi la répulfion fuit la raifon in-
verfe de la diftance des particules , la pref-
fion fuivra la raifon inverfe des cubes de
ces diftances ; ou , ce qui eft la même
chofe , la raifon direfle des condenfarions.
Si la r:.'pulfion fuit la raifon inverfe des
quarrés des diftances , la force compri-
mante fi'ivra la raifon inverfe des quatriè-
mes puiflanceis de ces diftances , ou la rai-
fon direâe des quatrièmes puiftances des
racines cu'oiques des condenfations ; &
ainfi dans toute hypothefe , en ajoutanP
toujours à l'expofant quelconque « de la
diftance , qui exprime la loi de répulfion ,
l'expofant du quarré ou le nombre 2.
Et réciproquement pour connoître la
loi de la répulfion , i! faut toujours divi-
fer la force comprimante par le quarré dcî
racines cubiques dos condenfations ; ou ,
ce qui eft la même chofe , fouftraire tou-
jours 2. de l'expofant qui exprime le rap-
port de la force comprimante à la racine
cubique des condenfations : car on aura
par-là le rapport de la répulfion avec les
racines
î: xp
fàcines cubiques des condenfations , & l'on
fait que la diitance des centres de particules
fuit la raifon inverfc de ces racines cubiques.
D'après cette règle , il fera toujours aifé
de connoître la loi de la rcpulfion entre
les particules d'un fluide, lorfque l'expé-
rience aura détermine le rapport de la con-
denfation à la force comprimante: ainfi les
particules de l'air , dont on fait que la
condenfation eft proportionnelle au poids
qui le comprime ( voyez, AIR ) ,fe fuient
avec une force qui fuit la railon inverfe de
leurs diftanccs.
Il y a poiirtant une reflriâion nécefTaire
à mettre à cette loi : c'ef} qu'elle ne peut
avoir lieu que dans une certaine latitude
moyenne entre l'cxtrêm.e comprei;:on &
l'extrême e panuon. L extrême compref-
iion a pour bornes le contact , où toute
proportion cefîb , quoiqu'il y ait encore
quelque difl.ance entre les cenri es des par-
ticules. L'expar.fion , à la vcriré , n'a point
de bornes matliematiques ; mais fi elle eft
l'effet d'une caufe mcchanique interpofée
entre les particules du fluide , & dontl'ef-
lEbrt tend à les écarter , on ne peut guère
fuppofer que cette caufe agi/îè à toutes
les diffances ; & la plus grande diffance à
laquelle elle agira , fera la borne phyfîque
de Vexp.U!fibilite. Voilà donc deux points
où la loi de larJpulGon ne s'obferve plus du
tout : l'un à une diflance très-courte du
centre àes particules , & l'autre aune dii-
tance très- éloignée , &: il n'y a pas d'ap-
parence que cette loi n'éprouve aucune
irrégularité aux approches de l'un ou de
l'aiTre de ces deux termes.
Quant à ce qui concerne le terme de la
eomprejjion , fi l'attraâion de cohéfion a
lieu dans les petites diftances , comme les
phénomènes donnent tout lieu de le croire
( wjy^^ Tuyaux CAPILLAIRES , Ré-
fraction DE LA Lumière , Cohé-
sion , Induration , Glace , Crys-
TALLISATION DES SeLS , RAPPORTS
Chimiques , &c. ) ilefl évident au pre-
mier coup d'oeil que la loi de la répulfion
doit commencer à être troublée , dès que
les particules en ^'approchant atteignent les
limites de leur attraftion mutuelle , qui
agifTant dans un fens contraire à la répul-
fion , en diminue d'abord l'effet & le dé-
Tome XIII.
truit bientôt entièrement , même avant
le contaft ; parce que croiffant dans une
proportion plus grande que l'inverfe du
quarré des difîances , tandis que la répul-
fion n'augmente qu'en raifon inverfe des
diflances fimples , elle doit bientôt fur-
pafîèr beaucoup celle - ci. De plus , fi ,
comme nous l'avons fuppofé , la répulfion
eft produite par une caufe méchanique ,
interpofée entre les particules , & qui
fafî'e également effort fur les deux parti-
cules voifines pour les écarter , cet effort
ne peut avoir d'autre point d'appui que
la furface des particules ; les rayons ,
fuivant lef^uels fon aâivité s'étendra ,
n'auront donc point un centre unique ,
mais ils partiront de tous les points de
cette furface , & les décroiflemens de
cette activité ne feront relatifs aux centres
mêmes des particules , que lorfque les
diflances feront aflbz grandes pour que
leur rapport, avec les dimenfions dos
particules foit devenu inafTignable. ; &
lorfqu'on pourra fans erreur fenfible ,
regarder la particule toute entière comme
un point. Or , dans la démonflration ds
la loi de Vcxp.ir.fib'ilhe , nous n'avons
jamais ccnfidéré que les difîances entre
les centres des particules, puifque nous
avons dit qu'elles fuivoient la raifon in-
verfe des racines fcubiques des condenfa-
tions. La loi de la répulfion , & par con-
fiquent le rapport des condenfations avec
les forces comprimantes , doit donc être
troublée encore par cette raifon , dans
le cas où la comprefTion eft poufTée trc,";-
loin. Et je dirai en pafTant , que fi l'ori
peut porter la condenfation de l'air jufqu'à
ce degré , il n'eft peut-être pas impofTijIe
de former, d'après cette idée, des conjec-
tures raifonnables fur la ténuité des par-
ties de l'air , & fur les limites de leur
attraâion mutuelle.
- Quant aux altérations que doit fubir
la loi de la répulfion aux approches du
dernier terine de l'expanfion , quelle que
foit la caufe qui termine l'acfivité des
forces répulfives à un certain degré d'cx-
panfion , peut-on fuppofer qu'une force
dont l'activité décroît fuivant une progref^
fion qui par fa nature n'a point de dernier
terme, cefTe cependant tour-à-coup d'agir
Ee e e
fans que cette ptogre'-on 3.\tétiéa.\t''r6e
le moins du monde àiiib \ts diilanccs les
plus voifines de cette ceflation totale ?
& puifque la phyfique ne nous rior.tre
nulle paît de pareils fauts , ne leroit-il
pas bien plus dans l'analogie de penfer
que ce dernier terme a cté pre'paré dès-
long-temps par une efpece de correction à
la 'oi du fiécroifièment de la force ; cor-
redion qui la modifie peuc-ctre à quelque
diftance qu'elle agifTe , & qui t'ait de la loi
des décroifTemens une loi complexe , for-,
Tnée de deux ou même de plufieurs pro-
grefTions difFt'rentes , tellement inégales
dans leur marche, que la partie de la force
qui faitlaraifoninverfe des diiîances , fur-
pafll; incomparablement , dans toutes les
d;ftan:es moyennes , les forces réglées par
les autres loix , dont l'effet fera infenfible
alors ; & qu'au contraire ces dernières
l'emportent dans les diflances extrêmes ;
& piut-étre auffi dans les extrêmes proxi-
mités ?
Les obfervationsprouventefi>;ftivement
que la loi des condenfations proportion-
nelles aux poids dont l'air eft chargé ,
cefîe d'avoir lieu dans les degrés extrêmes
de compreiTion & d'expanGon. On peut
confutrer là-deflus les phyficiens qui ont
tait beaucoup d'expériences fur la com-
prefTion de l'air , & ceux qui ont tra-
vaillé fur le rapport des hauteurs du ba-
romètre à la hauceur des montagnes..
roy. Air, Machine Pneumatique,
& BahoméTRE. On a de p'us remarqué
avec raifon à l'article ATMOSPHERE , que
lî les condenfations de l'air étoient exac-
tement proportionnelles aux poids qui le
compriment , la hauteur de l'acmofphere
devroit être infinie ; ce qui ne fauroit
s'accorder avec les phénomènes, f^oyez.
Atmosphère.
Qi'elle que foit la loi , fuivant laquelle
les parties d'un corps expanfible le repouf-
fent les unes les autres , c'eft une fuite
de cette répulfion que ce corps forcé par
la compreflion à occuper une efpace moin-
dre , fe rctabliffe dans fon premier état ,
quand la compreflion cède, avec une force
égale à la force comprimante. Un corps
expanfible cft donc élafliquè par cela même
^■yo^f^ Elasticité ) , mais tout corps
E X P
élaflique n'eA point pour cela exoanfible ;
témoin une lame d'acier. L'éiafiicité efî
donc le genre. L'expatifibilite & le refTort
font deux cfpsces ; ce qui les caracférife
ofrenciellem.enc , c'eft que le corps expan-
fible tend toujours à s'étendre , & n'eft
retenu que par des obftacles étrangers :
le corps à refFort ne tend qu'à fe rétablir
dans un état déterminé ; la force com-
primante efi: dans le premier un obilacle
au mouvement , & dans l'autre un obf-
racle au repos. Je donne le nom de rcjfort
à une efpece particulière d'élafticité ,
quoique les phyficiens aient jufqu'ici em-
ployé ces deux mots indifféremment l'un
pour l'autre , & qu'ils aient dit également
le rejfort de ta'ir & Velafticite tCtin arc ;
& je choifis , pour nommer l'cfpece, le
mot de report , plus populaire que celui
à'éUfiic'ite , quoiqu'en général , quand de
deux motsiufque là fynonymes , on veut
rcftraindrc l'un à une fignification particu-
lière, on doive l'aire attention à conferver
au genre , le nom dont l'ufage efl: le plus
commun, & à défigner l'efpece par le mot
fc'wntifique. Foyez. SYNONYMES. Mais
dans cette occafion , il fe trouve que le
nom de rejfort n'a jamais été donné par le
peuple , qu'aux corps auxquels je veux en
limiter l'application , parce que le pt uple
ne connoît guère ni Vexpanfibirit/ ni l'é'.-if-
ticité de l'air : en forte que les favans leuls
ont ici confondu deux idées fous les mêmes
dénominations. Or , le mot à'eLtJliclie eft
le plus familier aux favans.
Il efl d'autant plus nécefTaire de diflin-
guer ces deux efpeces d'élaflicité , qu'à la
rtferve d'un petit nombre d'effets , elles
nont prefque rien de commun , & que la
confuflon de deux chofes aufTi différentes ,
ne pourroit manquer d'engager les phyfi-
ciens qui voudroient chercher la caufe
de l'élafticité en général^ dans un laby-
rinthe d'erreurs & d'obfcurité. En elFet,
Vexpunfibilite eft produite par une caufe
qui tend à écarter les unes des autres
les parties des corps ; dès - lors elle ne
peut appartenir qu'à des corps aduelle-
ment fluides , & Ion aftion s'étend à toutes
les diilances , fans pouvoir être bornée que
par la ceflation abfolue de la caufe qui l'a
produite. Le refTort, au contraire, eft
F X P
l'effet d'une force qui tend à rapprocher
les parties -des corps , écartées les unes des
autres ; il ne peut appartenir qu'à des corps
durs : & nous montrerons ailleurs qu'il e(l
une fuite nécelîaire de la caule qui les
conlHtuedans l'état de dureté. F. GlaCE,
iNDURATlg;^, & Ressort. Par cela
même que cërce caule tend à rapprocher
les parties des corps , la nature des chofes
établit pour borne de fbn aâion le contad
de ces p.3rties , & elle ceilé de produire
aucun effet fenfible , précifément lori-
qu'elie eft la pius Ibrte.
On pourroît pouOer plus Toin ce paral-
lèle , mais il nous fuffic d'avoir montré
que Vexpànf.bUireeli une efpece particulière
d'élailicité , qui n'a prefq^n; rien de com-
mun avec le reffort. J obforverai feule-
ment qu'il n'y a &: ne peut y avoir dans
la nature que ces deux elpeces d'élafliciré ;
parce que les particb d'un corps , confidé-
rées les unes par rapport aux autres , ne
peuvent fe rJtablir dans leurs anciennes fi-
tuacions , qu'en s'approchant ou en s'éloi-
gnant mutuellement. Il eft vrai que la ten-
dance qu'ont les parties d'un fluide pefant
à le mettre de niveau , les rétablit auflî
dans leur premier érat lorfqu'elles ont
perdu ce niveau ; mais ce rétablifTement
eft moms un changement d'état du fîuide,
& un retour des parties à leur ancienne
hfuation refpecrive , qu'un tranfport local
d'une certaine quantité de parties du fluide
en mafTe par l'effet de la pefanteur ; tranf-
port abfolument analogue au mouvement
d'une balance qui fe met en équilibre. Or,
quoique ce mouvement ait aufîi des loix
qui lui font communes avec les mouve-
mens des corps élafHques , ou plutôt avec
tous les mouvemens produits par une
tendance quelconque ( voyez, TEN-
DANCE ) , il n'a jamais été compris fous le
nom d'eL-Jlnite, parce que ce dernier mot
n"a jamais été entendu que du rétablifle-
ment de.la fituation refpeclive des parties
d'un coi:ps , & non du retour local d'un
corps entier dans la place qu'il avoit oc-
cupé.
Vexp.tJiJtbilitefiu la force par laquelle
les parties des fluides expanfibles fe re-
poufre-.t les unes les autres , & le principe
des Itfi'x qui s'obfervent foit dans la retar-
E X P 587
dation du mouvement /des corps qui tra-
verfent des milieux élalUques , foit dans
la naiffance & la tranfmifîîon du mouve-
ment vibratoire excité dans ces mêmes
milieux. La recherche de ces loix n'appar-
tient point à cet article. Fsycz. RÉSIS-
TANCE DES Fluides df Son.
Dt l' exp.infibUhe cotifide, ej pbyfiqucment ,
des fiibftances auxquelles elle appartient ,
des cdiijes qu'i la prodtiijent oh qui C Augmen-
tent, h'cxpatijibilite dppzràem à l'air; voy.
Air : elle appartient aiifTi à tous les corps
dans l'état de vapeur ; f. 'Va PEUR ; ainft
l'efprit de vin , le mercure , les aciJes les
pIu'; pefans , & un très-grand nombre de
liquides très-diîfJrens par leur nature &
par leur gravité fpéciflque , peuvent ceflèr
d'être incoinprelTibles , acquérir la pro-
priété de s'étendre comme l'air en tout fer.s
& fans bornes , de Ibucenir comme lui le
mercure dans le barom.étre , & de vaincre
des réfif^ances & des poids énormes. Voyez,
Explosion er Pompe a feu. Plufieurs
corps folides m.ême , après avoir été liqué-
fiés par la chaleur , font fufceptibles d'ac-
quérir auffi l'état de vapeur & à'expanfï-
bilite , fi l'on poufTe la chaleur plus loin :
tels font le foufre, le cinnabreplus pefant
encore que le foufre , & beaucoup d'au':res
corps. Il en efî même très-peu qui , fi on
augmente toujours la chaleur , ne devien-
nent à la fin expanfibles , foit en tour , f^ic
en partie : car dans la plupart des mixtes ,
une partie des principes devenus expanfi-
bles à un certain degré de chaleur , aban-
donnent les autres principes , tandis que
ceux-ci reftent fixes ; foit qu'ils ne foicnc
pas fufceptibles de Vexpan fibilite'' , îo'iC
qu'ils aient befoin pour l'acquérir d'un de-
gré de chaleur plus confidérabîe.
L'énumération des différens corps ex-
panfibles , & l'examen des circonfiances
dans lefquelles ils acquièrent cette pro-
priété, nous préfentent plufieurs faits gé-
néraux. Premièrement , de tous les corps
qui nous font connus , ( car je ne parle point
ici des fluides eleélriques & magnétiques ,
ni de l'élément de la chaleur ou érher donc
la nature eft trop ignorée ) , l'air efr le feul
auquel Vcxpanfibilite' paroifTc au premier
coup d'ccil appartenir conflammcnt ; &
cette propriété, dans tous les autres corps,
E ee c a
^88 E XP
paroît moins une qualité attachée à leur
fuijfiance , & un caracftere pariiculier de
leur nature , qu'un état accidentel & dé-
pendant de circonftances étrangères. Se-
condement , tous les corps , qui de folides
ou de liquides deviennent expanfibles , ne
ledeviennent que lorfqu'on leurapplique un
certain degré de clialeiir. Troifiémemenr,
il efl tièi-peu de corps qui ne deviennent
expanfibles à quelque degré de chaleur ,
mais ce degré n'eft pas le même pour les
difFérens corps. Quatrièmement , aucun
corps folide ne devient expanfible par la
chaleur , fans avoir pafle auparavant par
l'état de liquidité. Cinquièmement , c'eft
une obfervation confiante , que le degré
de chaleur auquel une fubftance particu-
lière devient expanffble , efl: un point fixe
& qui ne varie jamais lorfque la force qui
prefîe la furface du liquide n'éprouve au-
cune variation. Ainfi le terme de l'eau
lou'ilUnte , qui n'eft autre que le degré de
chaleur néceflaire pour la vaporifarion de
l'eau ( Foyez, le me'mohe de M. l'abbé Nol-
let fur le bouillonnement des liquides ,
mem. de l'acad.des Se. 1748) refte toujours
le même, lorfque l'air comprime égale-
ment la furface de l'eau. Sixièmement , fi
l'on examine les eiîets de l'application fuc-
cefîîve de difiérens degrés de température
aune même fubflance , telle par exemple
que l'eau , on la verra d'abord , fi le de-
gré de température eft au-deffous du terme
zéro du thermomètre de M. Reaumur ,
dans un état de glace ou de folidité. Quand
le thermomètre monte au-defilis du zéro ,
cette glace fond & devient un liquide. Ce
liquide augmente de volume comme la
liqueur du thermomètre elle-même , à
mefureque la chaleur augmente ; & cette
augmentation a pour terme la diffipation
même de l'eau , qui réduite en vapeur,
fait effort en tout fens pour s'étendre ,
& brife fouvent les vaiffeaux où elle fe
trouve refferrée : alors fi la chaleur reçoit
de nouveaux accroiftemens , la force d'ex-
par.Gon augmentera encore , & la vapeur
comprimée par la même force occuperoit
un plus grand efpace. Ainfi l'eau appliquée
fuccclTivement à tous les degrés de tem-
pérature connus , paffe fuccelîtvemcnt par
les trois états de corps fblide(/^. Glage),
E X P
de liquide ( Foyez, Liquide ) , & de va-
peur ou corps expanfible. Foy. VapeuR,
Chacun des paffages d'un de ces états à
Tautre , répond à une époque fixe dans la
fuccelfion des différentes nuances de tem-
pérature ; les intervalles d'une époque à
l'autre, ne font remplis que par de fim-
ples augmentations de volume ; mais à
chacune de ces époques , la progreffion
des augmentations du volume s'arrête pour
changer la loi , & pour recommencer une
marche relative à la nature nouvelle que
le corps femble avoir revêtue. Septième-
ment , fi de la confidération d'un feul
corps , & des changemens fucceffifs qu'il
éprouve par l'application de tous les de-
grés de température , nous paffons à la
confidération de tous les corps comparés
entre eux & appliqués aux mêmes degrés
de température , nous en recueillons qu'à
chacun de ces degrés répond , dans chacun
des corps , un des trois états de lolide , de
liquide , ou de vapeur , & dans ces états ,
un volume déterminé \ qu'on peut ainfi
regarder tous les corps de la nature-
comme autant de thermomètres dont tous
les états & les volumîs poflibics marquent
un certain degré de chaleur ; que ces ther-
momètres font conftniits fur une infinité
d'échelle"! & fuivent des marches entière-
ment différentes ; mais cju'on peut toujours
rapporter ces échelles les unes aux autres,
par le moyen des obfervations qui nous
apprennent que tel état d''un corps , &. tel
autre état d'un autre corps , repondent
au même degré de chaleur; en forte que le
degré qui augmente le volume de certains
folides, en convertit d'autres en liquides ,
augmente feulement le volume d'autres
liquides , rend expanfibles des corps qui
n'étoient que dans l'état de liquidité , &
augmente Vexpanfibllîte" des fluides déjà
expanfibles.
Il réfulte de ces derniers faits , que la
chaleur rend fluides des corps qui, fansfon
aélion , feroient reliés folides ; qu'elle rend
expanfibles des corps qui refleroitnt iim-
pl>jnient liquides , fi fon adion étoit moin-
dre ; & qu'elle augmente le volume de
tous les corps tant folides que liqui.les &
expanfibles. Dans quelqu'état aue fuient
les corps , c'efi donc un fait général que
E X P
la chaleur tend à en encarter les parties ,
& que les augmentations de leur volume ,
leur tufion & kurvaporifition, ne font que
des nuances de l'aftion de cette caufe ,
appliquée fans celTe à cous les corps , mais
dans des degre's variables. Cette tendance
reproduit pas les mêmes effets fenfibles
dans tous les corps ; il faut en conclure
qu'elle e(l inégalement contrebalancée par
l'aftion des forces qui en retiennent les
parties les unes auprès des autres , & qui
conftituenc leur dureté ou leur liquidité ,
lorfqu'elles ne font pas entièrement fur-
palfées par la répulfion que produit la
chaleur. Je n'examine point ici quelle efi
cette force , ni comment elle varie dans
tous les corps. Firyfi Glace cr Indu-
ration. Il me ("uffic qu'on puiffe tou-
jours la regarder comme une quantité
d^adion comparable à la répulfion dans
chaque diftance déterminée des particules
entr'elles , & agiflant dans une direction
contraire.
Cette théorie a toute l'évidence d'un
fait , fi on ne veut l'appliquer qu'aux corps
qui pafTent fous nos yeux d'un état à l'au-
tre ; nous ne pouvons douter que leur
ex^anfilnlhc , ou la répulfion de leurs par-
ties , ne foit produite par la chaleur , &
par conféquent par une caufe méchanique
au fens des cartéfiens, c'e!{-à-dire, dépen-
dante des loix de l'impulfion , puifque la
chaleur qui n'eft jamais produite origi-
nairement que par la chute des rayons de
lumière , ou par un frottement rapide ,
ou pai- des agitations violentes dans les
parties internes des coros , a toujours pour
caufe un mouvement aduel. Il eft encore
évident que la même théorie peut s'appli-
quer également à l'expanfil/ilite du feul
corps que nous ne voyons jamais privé de
cette propriété , je veux dire de l'air. L'a-
nalogie qui nous porte à expliquer toujours
les effets femblables par des caufes fembla-
bles , donne à cette idée l'apparence la plus
féduifar.te; mais l'analogie eft quelquefois
trompeufe : les explications qu'elle nous
préfente ont befoin , pour fortir du rang
des fimplus hypothefes , d'être dévelop-
pées , afin que le nombre &: la force des
indu£tions fupplécnt au défaut des preuves
direfles. Nous allons donc détailler les rai-
E X P ^89
fous qui nous perfuailent queVcxp.mftjjiliic
de l'air n'a pas d'autre caufe que celle des
vapeurs , c'elt-à-dire la chaleur ; que
l'air ne diffère de l'eau à cet égard , qu'en
ce que le degré , qui réduit les vapeurs
aqueufes en eau & même en glace , ne
fuffic pas pour faire perdre à l'air fon
expanjJbi/ite; & qu'ainfi , l'air eft un corps
que le plus petit degré de chaleur connu
met dans l'état de vapeur , comme l'eau
eft un fluide que le plus petit degré de
chaleur connu au-deflus du terme de la
glace met dans l'état de fluidité , &c que le
degré del'ébullition met dans l'état d'ex-
pdV.fihiUte.
\\ n'eft pas difficile de prouver que Yex~
panfib'ilite de l'air ou la répulfion de fes
parties , eft produite par une caufe mécha-
nique , dont l'effort tend à écarter chaque
particule de la particule voifine , & non
par une force mathématique inhérente à
chacune d'elles ,quitiendroit à les éloigner
toutes les unes des autres , comme l'at-
tradion tend à les rapprocher , foit en
vertu de quelque propriété inconnue de
la matière , foit en vertu des loix primitives
du créateur : en effet , fi l'attradion eft
un fciit démontré en phyfique , comme
nous nous croyons en droit de le fuppofer,
il eft impoftible que les parties de l'air fe
repouffent par une force inhérente & ma-
thématique. C'eft un fait que les corps
s'attirent à des diftances auxquelles jufqu'à
préfent on ne connoît point de bornes ;
laturne & les comètes , en tournant autour
du foleil , obéiffent à la loi de l'attradion :
le foleil les attire en raifon inverfe du quarré
des diftances ; ce qui eft vrai du foleil , eft
vrai des plus petites parties du foleil , dont
chacune pour fa part , & proportionnelle-
ment à fa maffe , attire auffi faturne fui-
vant la même loi. Les autres planètes ,
leurs plus petites parties & les particules
de notre air , font douées d'une force
attractive femblable , qui dans /es diftances
éloignées , furpaffe tellement foute fo'-ce
agifiante fuivant une autre loi , qu'elle
entre feule dans le calcul des mouvemens
de tous les corps céleftes : or i1 eft évident
que fi les parties de l'air fe repouffoienc
par une force mathématique , l'attraélion
bien loin d être la -tor ce dominante dans
590 Ë X P
les cfpaces célefles , feroit au contraire
proJigieufemcntruipaflee par la répuliion;
car c'efl un point de fait , que dans la dif-
tance aftuelle qui fe trouve entre les parties
de l'air , leur répulfion CurpaATe incompa-
rablement leur attradion : c'eft encore un
fait que les condenfations de l'air font
proportionnelles aux poids , & que par
'conféquent la répulfion des particules de-
Ci'oît en raifon jnverfe des diflances , &
même , comme Newton l'a remarqué ,
dans une raifon beaucoup moindre , fi
c'elt une loi purenient mathématique :
donc les décroiffemens de l'attraâion font
bien plus rapides , puifqu'ils fuivent la rai-
fon invcrfe du quarré des diftances ; donc fi
la répulfion a commencé à fuipaiTer l'at-
traflion , elle continuera de la furpaffer ,
d'autant plus que la réiiftance deviendra
plus grande ; donc fi la répulfion des par-
tics de l'air éfoic une force mathém.anque ,
cette force agiroit à plus forte raifon à la
diftance des planètes.
On n'a pas même la refTource de fuppofer
que les particules de l'air font des corps
d'une nature différente des autres , & aflu-
jettis à d'autres loix; car l'expérience nous
apprend que Taira une pefanteur propre;
qu''il obéit à la même loi qui précipite les
autres corps fur la terre , & qu'il fait équi-
libre avec eux dans la balance. Voy. AiR.
ta répulfion des parties de l'air a donc
une caufe méchanique , dont l'effort fuit
la raifon inverfe de leurs diftances : or
l'exemple des autres corps rendus expan-
fibles par la chaleur , nous montre dans la
rlafurè une caufe méchanique d'une répul-
fion toute femblable : cette caufe eft faris
celfe appliquées l'air ; fon effet fur l'air ,
fenfiblement analogue à celui qu'elle pro-
duit fur les autres corps, efr précifémerit
■l'augmentation de cette force d'exp^infibilite
ou de répulfion, dont nous cherchons la
caufe , & de plus , cette auj^mentation de
force eft exaftement afTu'jetrie aux mêmes
loix^que fuivoit la force avant que d'êcre
augmentée. Il eft certain que l'application
d'un det^ré de chaleur plus confidérable à
une mafïe cTair, augmente fon expaKjîbitJte;
cependant les phydctens qui ont comparé
les Condenfationï, de l'air aux poids qui les
compriment , ont toujours trouvé Ces dsux
E X P
chofes exaôement proportionnelles , quoi-
qu'ils n'ai'jnt eu dans leurs expériences au-
cun égard au degré de chaleur . & quel-
qu'ait été ce degré. Lorfque M. Amontons
s'eflafTuré {Mn'ni. de l'acad. des Sàtnces
170Z,) que deux mafîes d'air , chargées
dans le rapport d'un à deux, foutiendroisnt,
fi on leur appliquait un égal degré de cha-
leur , des poids qui feroient encore dans le
rapport d'un à deux, ce n'éroit pas , commo
on le dit alors, une nouvelle propriété da
l'air qu'il découvroit aux phyficiens ; il
prouvoit feulement que la loi des conden-
fations proportionnelles aux poids , avoit
lieu dans tous les degrés de chaleur ; &
que par conféquent , raccroifTement qui
furvitnt par la chaleur à la répuliion , fuit
toujours la raifon inverfe des diitances.
Si nous regardons maintenant la répul-
fion totale qui répond au plus grand de-
gré de chaleur cornu , comme une quan-
tité formée par l'addition d'un certain
nombre de parties a , b ,'c ,e , f , g, h , i.
Sic. qui foit le même dans toutes les dif-
tances , il efî clair que chaque partie de la
répulfion croît & décroît en même raifon
que la répulfion totale , c'efl- à-dire , en
raifon inverfe des diftances , que" chacun
des termes fera
abc
&c. or il elî certain
qu'une partie de ces termes, dont la fomme
eiîégaleàla différence de la répulfion du
grand froid au plus grand chaud connu ,
répondent à autant de degré de chaleur ;
ce feront , fi l'on veut , les termes a , b ,
c, c:or comme le dernier froid connu peut
certainement être encore fort augmenté;
je demande fi, en fuppolant qu'il fur-
vienne un nouveau degré de froid , la fem-
me des termes qui compofent la répulfion
totale , ne fera pas encore diminuée de la
quantité -', & fucceffivement par de nou-
veaux degrés de froid des quantités '-^ J-
je demande à quel terme s'arrêtera cette
diminution de la force répulfive , toujours
correfpondante à une certaine diminution
de la chaleur , & toujours affiijettie à la
loi des diflances inverfes , comme la par-
tie de la force qui fubfifte après la dimi-
nution : je demande en quoi les termes
, g,h,i, différent des termes >i,h yC\ pour-
E X P
quoi diffirentcs parties de !a force r^pnl-
hve , égales en quancité , & réglées par
la même loi, feioient accribuces à des cau-
fes d'une nature ditîl-rence ; & par quelle
rencontre fortuite des caiifes entièrement
différentes produiroient fur le même corps
des effets entièrement femblables & aflu-
jectis à la même loi. Conclure de ces ré-
flexions , que Yexp.fnfthilite as l'air n'a pas
d'autre caiife que la chaleur , ce n'eft pas
feulement appliquer à Vexpanfi'nUite d'une
fubftance la caufequi rend une autre fubf-
tancée^patifible ; c'eiîfuivre une analogie
plus rapprochée , c'eft dire que les caufes
de deux effets de même nature , & qui ne
différent que du plus ou rp.oins , ne font
aufîî que la même caufe dans un degré difté-
rent : prétendre au contraire que Vex'p.m-
fibilitecH elTeniielle à l'air , parce que le
plus grand froid que nous connoiirons , ne
peut la lui faire perdre , c'eft refleniblcr
â ces peuples de la zone torride , qui
croient que l'eau ne peut cefî'er d'écre
fluide , parce qu'ils n'ont jamais éprou-
vé le degré de froid qui la convertit en
glace.
Il y a plus : l'expérience met tous les
jours fous les yeux dcs phyficiens , de l'air
qui n'efl en aucune manière expanfible :
-c'eft cet air que les chimifles ont démon-
tré dans une infinité de corps, foit liquides,
foit durs , qui a contraâé avec leurs élé-
mens une vritable union , qui entre com-
me un principe efîentiel dans la combinai-
fon de plufieurs mixtes , & quîs'en dégage,
ou par des décompofitions & des combi-
■ naifons nouvelles dans les fermentations &
les mélanges chimiques , ou par la violence
du feu : cet air aind retenu dans les corps
les plus durs, & privé de toute exp4n(ibilitV,
n'eft-il pas précifément dans le cas de f'eau,
qui combinée dans les corps n'eft plus fluide,
& ceffe d'être expanfible à des degrés de
chaleur trés-fupérieurs au degré de l'eau
bouillante , comme l'air cefle de l'être à
des degrés de chaleur très-fupérieurs à celle
de l'atmofphere ? Qu'au degré de chaleur
de l'eau bouillante , l'eau foit dégagée des
autres principes par de nouvelles combinai-
fons , elle pafTera immédiatement à l'état
à'expaiifib'ilit!;: de même l'air dégagé &
fendu à lui-même dans la décompolition
E X P 591
des mixtes , n'a befoin que du plus pent
degré de chaleur connu , pour devenir ex-
panlible : il le deviendra encore , fans l'ap-
plication d'un intermède chimique , par
l'elîet de la feule chaleur , lorsqu'elle fera
affez forte pour vaincre l'union qu'il a con-
tradée avec les principes du mixte : c'eft
piécifément de la même manière que l'eau
dans la diftdlation fe fépare des principes
avec lefquels elle eft combinée, parce que
m.ilgré fon union avec eux , elle eft encore
réduite en vapeurs par un degré de chaleur
bien inférieur à celui qui pourroit élever
les autres principes : or dans l'un & l'autre
phénomène , c'eft également la chaleur
qui donne à l'air & à l'eau toute leur expati'
fib'd'ite, & il n'y a aucune différence que
dans le degré de chaleur qui vaporife l'une
& l'autre fubftance ; degré qui dépend bien
moins de leur nature particulière , que de
l'obftacle qu'oppofe à l'aâion de la chaleur
l'union qu'elles ont contradée avec les
autres principes, en forte que prefque tou-
jours lipr a befoin , pour devenir expan-
fible , d'un degré de chaleur fort fupé-
rieur à celui qui vaporife l'eau. Il réfuite
de ces faits , i °, que l'air perd fon expAii-
fibiUte^zt fon union avec d'autres corps ,
comme l'eau perd , dans le même cas ,'
fon expanfibUiteà. fa liquidité; 2° . qu'ainfi,
ni Vexpdnftb'ilite , ni la fluidité n'appartien-
nent aux élémens de ces deux fubftances ,
mais feulement à la mafle ou à l'aggréga-
tion formée de la réunion de ces clémens ,
comme l'a remarqué M. Venel dans fon
mémoire fur l'analyfe des eaux de Selters
( Além. des corrcfp. de l'.icad des Smences ;
tome II. ) ; 3°. que la chaleur donne éga-
lement à ces deux fubftances \'cxp.infibUite\
par laquelle leur union , avec les principes
des mixtes, eft rompue ; 4°. enfin , que
l'analogie entre Vexpanfib'ilite' de l'air &
celle de l'eau , eft complette à tous égards;
que pjr conféquent , nous avons eu raifon
de regarder l'air comme un fluide aâuel-
lementdans l'état de vapeur , & qui n'a
befoin , pour y peiféverer, que d'un degré
de chaleur tort au-deftbus du plus grind
froid connu. Si je me fuis un peu étendu
fur cette matière , c'eft afin de porter le
dernier coup à ces fiippofitions gratuites
de corpulcules braiichus, de lames fpirales,
^9i E X P
dont on compofoit notre air , & afin de
fubliituer à ces rêveries , honorées fi
mal -à-propos du nom de mccban'ifme , une
théorie fimple qui rappelle tous les phé-
nomènes deVexpanfiùilite dans différentes
fubftances , à ce feul fait général , que la
chaleur tend à écarter les unes des autres
les parties de tous les corps. Je n'entre-
prends point d'expliquer ici la nature de
la chaleur , ni la manière dont elle agit ;
le peu que nous favons fur l'élément qui
paroît être le milieu delà chaleur , appar-
tient à d'autres articles. F. Chaleur ,
Feu , FR.oir) , & Température.
Nous ignorons fi cet élément eft ou n'eft
pas lui-même un fluide expanfible , &
quelles pourroient être en ce dernier cas
les caufes de fon expiinJibUitc"; car je n'ai
prétendu afligner la caufe de cette pro-
priété, que dans les corps où elle eft fenfible
pour nous. Quant à ces fluides qui fe dé-
robent à nos fens , & dont l'exiltence n'eft
conftatée que par lears effets , comme le
fluide magnétique , le fluide éledri^ue , &
l'élément même de la chaleur , nous coii-
noiirons trop peu leur nature , & nous ne
pouvons en parler autrement que par des
conjedures ; à la vérité , ces conjeélures
femblent nous conduire à peni'er qu'au
moins le fluide éleârique eft éminemment
expanfible. Foyez. les urtiiles Feu ÉLEC-
TRIQUE , MAGNÉTISME j-EtHER, &
Température.
Quoique Vexpatifibilitedes vapeurs & de
l'air , doive être attribuée \ la chaleur
comme à fa véritable caufe , ainfi que
nous IVavons prouvé , l'expérience nous
montre une autre caufe capable , comme
la chaleur , d'écarter les parties du corps ,
de produire une véritable répulfion , &
d'augmenter du moins Vexpanfibilite, fi elle
ne fuffic pas feule pour donner aux corps
cette propriété ; ce qui ne paroît effec-
tivement pas par l'expérience. Je parle
de l'ékftricicé : on fait que deux corps éga-
lement éle6"brifés fe repoufl'ent mutuelle-
ment, & qu'ainfi un fyftême de corps
éleârique fourniroit un tout expanfible :
on fait que l'eau éledrifée fort par un jet
continu de la branche capillaire d'un fy-
phon , d'oij elle ne tomboit auparavant
que goutte à goutte ; l'éleftricité aug-
E X P
mente donc la fluidité des liqueurs , éc
diminue l'attraûion de leurs parties, puif.
que c'eft par cette attradion que l'eau
fe foutient dans les tuyaux capillaires
{voyezj Tuyaux capillaires) : on
ne peut donc douter quel'éledricité ne foit
une caufe de répulfion entre les parties de
certains corps , & qu'elle ne foit capable de
produire un certain degré d'expav.fthilite \
foit qu'on lui attribue une adion particu-
lière , indépendante de celle du fluide de I2
chaleur, foit qu'on imagine, ce quiell peut,
être plus vraifemblable , qu'elle produit
cette répulfion par Yexpanfibilite que le
fluide électrique reçoit lui-même du fluide
de la chaleur , comme les autres corps de
la nature.
Plulieurs perfonnes feront peut-être
étonnées de me voir diftinguer ici la ré-
pulfion produite par l'éledricité, de celle
dont la chaleur eft la véritable caufe ; &
peut-être regarderont-elles cette reffem-
blance dans les effets de l'une & de l'autre,
comme une nouvelle preuve de l'identité
qu'elles imaginent entre le fluide éledri-
que & le fluide de la chaleur , qu'elles
confondent très- mal-à- propos avec le feu,
avec la matière du feu, & avec la lumière,
toutes cliofes cependant très- différentes.
royez.¥EV , Lumière, 6-Phlogisti-
QUE. Mais rien n'eft plus mal fondé que
cette identité prétendue entre le fluide
éledrique & l'élém.ent de la chaleur. Indé-
pendamment de la diverfité des effets , il
fuffit pourfe convaincre que l'un decesélé-,
mens eft très-diftingué de l'autre , de faire
réflexion que le fluide de la chaleur pénètre
toutes les fubftances , & fe met en équilibre
dans tous les corps qui fe communiquent
tous réciproquement les uns par les autres ,
lànsque jamais cette communication puiffe
être interrompue par aucun obftacle : le
fluide éleârique , au contraire , rcfte accu-
mulé dans les corps élcârifés & autour de
leur furface, s'ils nefont environnés que des
corps qu'on a appelles e l c et >ii] tu.' s par eux-
mêmes , c'eft-à-dire , qui ne tranfmettent
pas l'éleâricité , du moins de la même ma-
nière que les autres corps ; comme l'air eft
de ce nombre, lefluideéleâriquea befoin, j
pour fe porter d'un corps dans un autre ; !
& s'y mettre en équilibre , de ce qu'on
appelle 1
E XP
appelle un cor.duàetn. ( royez, CONDUC-
TEUR) & c'eil à la promptitude du
rJtabiifî'ement de l'équilibre, due peut-
être à la prodigieufe exp.inftbil'itc de ce
fluide, qu'il faut attribuer l'étincelle, la
commotion , & les autres phénomènes qui
accompagnent le rétablin'ement fubit de
la communication entre le corps élec-
trifé en plus , & le corps éleftrifé en
moins, royez. Electricité & Coup
FOUDROYANT. J'ajoute que fi le fluide
éleftrique communiquoic univerfellement
d'un corps à l'autre , comme le fluide de
la chaleur , ou même s'il traveifoit l'air
auffi librement qu'il traverfe l'eau , il feroit
refté à jamais inconnu , comme il le feioit
nécefïairement pour un peuple de poiflons,
quelques philofophes qu'on pût les luppo-
fer ; le fluide exifteroit , mais aucun des
phénomènes de l'éledricité ne feroit pro-
duit , puilqu'ils fe réduifent tous à l'accu-
mulation'du fluide éledrique aux environs
de certains corps , & à la communication
interrompue ou rétablie entre les corps
qui peuvent être pénétrés par ce fluide.
PnifqLie l'éledrlcité eft une caufe de
répulfion très-diftérente de la chaleur , il
efl naturel de fe demander fi elle agit fui-
vant la même loi de la raifon inverfe des
diftances , ou fuivant une autre loi. On
r"a point encore fait les obfervations né-
ceflaires pour décider cette que'Hon ;
mais les Phyficiens doivent à MM. le
Roi & d'Arcy l'inftrumcnt qui peut les
mettre un jour en état d'y répondre. Foy.
au mot Electro METRE , l'ingénieufe
conriruct'.on de cet inftrumcnt , qui peut
fefvir à donner de très -grandes lumières
fur cettQ partie de la phyfique. Perfonne
ti'eft plus capable que les inventeurs de
profiter du fecours qu'ils ont procuré à
tous les phyficiens ; & puifque M. le Roi
Veft chnrgé de plufieurs articles de l'En-
cyclopédie qui concernent l'éledricité ,
j'ofe l'inviter à nous donner la folution de
'ce problème au mot RÉPULSION ÉLEC-
TRIQUE.
" J'ai dit qu'«7 K" p.?)'»/(fo/f pas par l'expé-
rience que l'eleânc'ite' feule pût rendre expan-
fible aucun corps de la nature ; & cela peut
fembler étonnant au premier coup-d'tcil ,
Vu les prodigieux effets du fluide éleârique
Tome X I II.
E X P 595
de l'a^lion tranquille de la chaleur , lors
même qu'elle fuffit pour mettre en vapeur
des corps aflèz pefans. Je crois pourtant
que cette différence vient de ce que dans
la vérité la répulfion produite par l'élec-
tricité eft fi foible en comparaifon de celle
que produit la chaleur, qu'elle ne peut
jamais que diminuer l'adhérence des par-
ties , mais non la vaincre , & faire pafler
le corps , comme le fait la chaleur , de
l'état de liquide à celui de corps expan-
fible. On fe tromperoit beaucoup , fi l'on
jugeoit des forces abfolues d'un de ces
fluides pour écarter les parties des corps
par la grandeur & la violence de fes cfFets
apparens. Les effets apparens ne dépen-
dent pas de la force feule , mais de la
force rendue fenfible par les obftacles
qu'elle arencontrés. J'ai déjà remarquéque
tous les phénomènes de l'éledricité ve-
noient du défaut d'équilibre dans le par-
tage de fluide entre les difFérens corps &
de fon rétablifTement fubit : or ce défaut
d'équilibre n'exifferoit pas, fi la commu-
nication éroit continuelle. C'eft pour cette
raifon que le fluide éledriquereprcduiroit
aucun effet fenfible dans l'eau , quoiqu'il
n'en eût pas une force moins réelle. Nous
fommes, par rapport à l'élément de la cha-
leur , précifément dans le cas où nous fe-
rions par rapport au fluide éledrique , fî
nous vivions dans l'eau. La communica-
tion de l'élément de la chaleur fe fait (ans
obflacle dans tous les corps ; quoiqu'il ne
foit pas aûuellement en équilibre dans tous,
cette rupture d'équilibre eff plutôt une
agitation inégale , & tout an plus une
condenfation plus ou moins grande dans
quelques portions d'un fluide répandu par-
tout , qu'une accumulation forcée d'un
fluide donc l'adivité foie retenue par des
obflacles impénétrables. L'équilibre d'agi-
tation & de condenfation entre les diffé-
rentes portions du fluide de la chaleur ,
fe rétablir de proche en proche &; fans
violence ; il n'a bcfoin du temps , & n'a
befoinquedu temps. L'équilibre dans le
partage du fluide éledrique entre les diffé-
rens corps fe rétablit par un mouvement
local & par une efpece de tranfvafion fu-
bite , dont l'effet efl d'autant plus violent,
que le fluide étoit plus inégalement par-
Ffff
J54 E X P
tagé. Cette tranfvafion ne peut fe faire
qu'en fupprimaat l'obltacle , & en réta-
blifîànt la communication; & dès que l'oLf-
Ucl.e eft fupprimé , elle fe fait dans un inf-
tant inaffîgnable. Enfin le rétabliflement
de l'équilibre encre les parties du fluide
éleflrique , fe fait d'une m.aniere analogue à
celle dont Teâ'u fe précipite pour repren-
dre fon niveau lorfqu'on ouvre l'cclufequi
la reteroit , & il en a toute l'impcruoiiré.
LerétaLliffement de l'équilibre entre les
différentes portions du fluide de la chaleur,
refTemble à la manière dont une certaine
quantité de fel fe diftribue uniformément
dans toutes les portions de l'eau qui le tient
en difîôlution , & il en a le caraûerelent
& paifîble. La prodigieufe activité du
fluide éleftrique , ne décide donc rien fur
la quantité de répulfion qu'il eii capable de
produire ; & puiiqu'efFedivement 1 éledri-
cité n'a jamais pu qu'augmenter un peu
la fluidité de l'eau fans jamais la réduire
en vapeur, nous devons conclure que la
répuHîon produite par l'éledricité eft in-
comparablement plus foible que celle dont
la chaleur eft la caufe : nous fommes fon-
dés par conféquent à regarder la chaleur
comme la vrai caufe de Vcxpapjibiliie , &
â définir Vexp.iufibiUte, conlidérée phj-fi-
quement, l'état des corps vaporijes par la
chaleur.
Vc l'expariftbilite comparée dans les diffé-
rentes fubflances auxquelh-s elle ttppartient.
On peut comparer Vexpar.fib: litc dar]s les
différentes fubflances, fousplufieurs points
de vue. On peut comparer i°. la loi de
Yexp,uifibilite\ ou des décroiffemens de la
force répulfive dans les différens corps : 2".
le degré de chaleur où chaque fubflance
commence à devenir expanfible ; ^°. le de-
gré d'expitr'.filiilitc des différens corps ; c'efl-
à-dire , le rapport de leur volume à leur
Riaffe , au même degré de chaleur.
A l'égard de la loi que fuit la répulfion
dans les différens corps expanfîbies , il
paroît prefque impoffible de s'aflurer di-
rectement par l'expérience, qu'elle eft dans
tous les corps la même que dans l'air. La
plupart des corps cxpanfibles qu'on pour-
roit foumettre aux expériences , n'acquiè-
rent cette propriété que par un degré de
chaleur ajisz conlldérable , &i henneferoit
E X P
fi difficile que d'entretenir cette chaleur
au même point, auffi long- temps qu'il le
faudroit pour les foumettre à nos expé-
riences. Si l'on ei'àyoit de les charger
fucceffivement, comme l'air, par différen-
tes colonnes de mercure , le refroidifte-
mtnt produit par m.ille caufes & par la
feule nécefuté de placer le vaiffcau fur
un fupport, & d'y appliquer la main ou
tout autre corps qui n'auroit point le mê-
me d.gré de chaleur , viendroit le join-
dre au poids des colonnes pour condenfer
la vapeur : or comment démêler la con-
denfation produite par l'aûion des poids ,
de la condenfation produite par un refroi-
diffement dont on ne connoît point la
mefure ? Les vapeurs de l'acide nicreux
très- concentré & furchargé de phlogifH-
que , auroit à la vérité cet avantage fur
les vapeurs aqueufes , qu'elles pourroienc
demeurer expaniibles à des degrés de cha-
L'urau-delTousniéme de celle de l'atmof-
pheredans des jours très-chauds. Mais de
quelle manière s'y prendroit-on pour les
comprimer dans une proportion connue;
puifque le roercure , le feul de tous les
êtres qu'on pût employer à cet ufage ,
ne pourroit les toucher fans être diflbus
avec une violente cffervefccnce qui trou-
bleroit tous les phénomènes de l'cxpan-
fihllhe ?
On lit dans les effais de phyfîque de
Mufîchenbroek , §. i3'5o , que des vapeurs
élaftiques produites par la pâce de farine ,
comprimées par un poids double , ont oc-
cupé un ePpace quatre fois moindie. Mais
j'avoue que j'ai peine à imaginer'comment
ce célèbre phyficien a pu exécuter cette
expérience avec les précautions néceftàires
pour la rendre concluante, c'eft-à-dire, en
confeivant la vapeur , le vaiflèau , les
fupports du vaifTeau , & la force compri-
mante , dans un degré de chaleur toujours
le même. De plus , on fait que ces mêmes
vapeurs qui s'élèvent des corps en fermen-
tation , font un mélange d'air dcpgé par
le mo'-ivcnient de la fermentation, &. d'au-
tres fubilances volatiles; fou vent ces (ubf-
tances abforbent de noiiveau l'air avec
lequel elles s'étoient élevées , & forment
par leur union chimique avec lui un nou-
veau mixte j dont l'f.vp,i>,-'j/'/7///pcut êti»
EX P
teaucoup moindre , ou mêmeabfolumcnt
nulle, foycz^ les art. EFFERVESCENCE
& ClYSSUS. m. Muflchenbroek n'enrre
dans aucun dé ail fur le procédé qu'il a
fuivi dans cette expérience ; & je préfume
qu'il s'eft contenté d'obferver le rapport
de la comprelFion à refpace , fans faire
atttnrion à toutes les autres circonflances
qui peuvent a!:.'rcr Vexpajifiiilitedii lava-
peur ; car s'il eut tenté d'évaluer ces cir-
conlhnces , il y eût certainement trouvé
trop de difficultés pour ne pas rendre
compte des moyens qu'il auroit employés
pour les vaincre; pcut-étie même auroit-
'U été in-.pollib'e d'y réuffir.
Il eftdonc très-probable que l'expérience
ne peut nous apprendre fi les vapeurs fe
•condcnfent ou non , comme l'air , en rai-
fon des forces comprimantes, & fi leurs
particules fe répoufiènt en raifon inveife
de leurs diftances : ainfi nous fommes ré-
duits fur cette queflion à des conjedures
pour & contre.
- D'un côté la chaleur étant, comme nous
l'avons prouvé , la caufe de Vexpavftb'dite
dans toutes' les fubftances connues , on ne
peut guère fe défendre de croire que cette
caiife agit dans tous les corps , fuivant la
même loi ; d autant plus -que toutes les
d iTérences qui pourroient réfulter des
obflacles que la contexture de leurs parties
& les loix de leur adhélion metrroient i
J'aôion de la chaleur , font abfolument
nulles ; dès que les corps font une fois
dans l'état de vapeur , les dernières molé-
cules du corps font alors ifolées dans le
fluide, où elles nagent; elles ne refirent
à fon aûion que par leur mafTe ou leur
figure , qui étant confiamment les mêmes
ne forment point des obftacles variables
«n raifon des diflances , & qui ne peuvent
■parconféqueut altérer parle mélange d'une
auf-re loi , le rapport de l'aâion propre de
la chaleur avec la diftance des molécules
fi:r lefquelles elle agit. D'ailleurs fair fiir
lequel on a fait des expériences, n'efh point
, un air pur ; il tient toujours en difTolution
une certaine quantité d'eau , & même
d'autres matières, qu'il peutauffi foutenir
au moyen de leur union avec l'eau. VoysK.
R iSÉE. La quantité d'eau , actuellement
diflbute par l'air , eft toujours relative à
E X P 595
fon degré de chaleur, r. Ëvaporation
& Humidité. Ainfi la proportion de
l'air à l'eau dans un certain volume d'air ,
varie continuellement ; cependant cette
différente proportion ne change rien à la
loi des condenfations , dans quelque état
que foit l'air qu'on foumet à l'expérience.
Il efî naturel d'en conclure , queT^X'/Mn-
fii'H're'de l'eau fuit la même loi que ce!b
de l'air, &l que cette loi ei\ toujours la
même , quelle que foit la nature du corps
expofé à l'aiïlion de la chaleur.
De l'autre côté on peut dire que l'eau
ainfi élevée & foutenue dans l'air par la
fimple voie d'évaporarion , c'cft-à dire »
par l'union chimique de fes molécules avec
celles de l'air, n'efi, à proprement parler,
cxpanfible que par Vex^anfiblitte propre de
l'air , & peut être afiîijettie à la m.ême loi,
fans qu'on puifie rigoureufement en con-
clure , que l'eau , devenue expanfible par
la vapjrifjî!0>? proprement dite , & par
une aétion de la chaleur qui lui feroit
appliquée immédiatement , ne fuivroit pas
des loix différentes. On peut ajouter qu'il
y a des corps qui ne fe confervent dans
l'état d'cxp4i?(ihilit/ , que par des degrés
de chaleur très-confidérabîes & très-fupé-
rieurs à la chaleur qu'on a jufqu'ici appli-
quée à l'air. Or , quoique la chaleur dans
un degré médiocre produife entre les mo-
lécules des corps une répulfion qui fuit la
raison inverfe des difîances , il efl très-
pofTibleque la loi de cette r'pulfion change
lorfque la chaleur eft pouflee à des degrés
extrêmes , ou fon aélion prend peut-être
un nouveau caractère ; ce qui donneroic
une loi différente pour la répulfion dans
les différens corps.
Aucune des deux opinions n'eft nppuyée
fur des preuves afîez certaines pour prendre
un parti. J'avouerai pourtant que je penche
à croire la loi de la répulfion uniforme dans
tous les corps. Tous les degrés de chaleur
que nous pouvons connoître, fontvraifem-
blablement bien loin que des derniers de-
grés dont c!!e efî fufreptible , dans lefquels
feuls nous pouvons fuppofer que fon adion
fouffre quelque changement ; & quoique
Tuniformité de la loi dans l'air uni à l'eau ,
quelle que foit la proportion de ces deux
fubf^ances , ne fuihfe pas pour en tirer une
Ffff 2»
^9^ E X P^
conféquence rigoureufe , généralement ap-
plicable à tous les corps ; elle éprouve du
moi ns que le corps expanfible peut être
fort altéré dans la nature & les dimenfions
de /es molécules , fans que la loi foie en
rien dérangée ; & c'en eu affez pour don-
ner à la propohtion générale bien de la
probabilité.
Mais fi l'on peut avec vraifemblance
fuppoQ;r la même loi d'expunftbiliie pour
tous les corps , il s'en faut bien qu'il y ait
entre eux la même uniformicépar rapport
au d^gvé dw chaleur dont ils ont befoin
pour devenir expanlibles. J'ai déjà remar-
qué plus haut que ce commencement de
la vaporifation des corps, comparé à l'échelle
de la chaleur, rtpor.doit toujours au même
f oint pour chaque corps , placé dans les
mêmes circonftances , & à diiTérens points
pour les difFJrens corps , en forte que lî
l'on augmente graduellement ta chaleur ,
tous les corps fufceptibles de VexpanJiliiHte
parviendront fucceffive'ment à cet état dans
un ordre toujours le même. On peut pré-
fenter cet ordre que j'appelle l'ordre de
vaporifation des corps , en drellânt, d'après
des obfervations exades, une table de tous
ces points fixes , & former ainfi une échelle
de chaleur bien plus étendue que celle de
nos thermomètres. Cette table , qui feroit
très-utile aux progrés de nos connoifîknces
fur la nature intime des corps , n'ef} point
encore exécutée : mais les phyliciens en
étudiant le phénomène de l'ébuîlition des
liquides , & les chimifles en décrivant l'or-
dre des produits dans les difFérentes dif-
tillations ( voyez. EbullITION & DIS-
TILLATION ) , ont raffemblé affez d'ob-
E X P
fervations pour en extraire les faits g^n^-
raux , qui doivent fournir la théorie
phyHque de l'ordre de vaporifation des
corps, ^'oici les faits qui réfultent de leurs
obfervations.
1°. Un même liquide dont la furface
eft également comprmiée, fe réduit en va-
peur & fe difTipe toujours au même degré
de chaleur ; de- là la confiance du terme
de l'eau bouillante. Foy. EbulliTION &
le me''m. de M. l'abbé Nollet. i°. La vupo~
rifationna befoin que d'un moindre degré
de chaleur , fi la furface du liquide eft
moins comprimée , comme il arrive dans
l'air raréfié par la machine pneumatique;
au contraire , la v.tporifition n'a lieu qu'à
un'plus grand degré de chaleur , fi la pref-
fion fur la furface du liquide augmente ,
comme il arrive dans le digeîfeur ou ma-
chine de Papin. Ployez, DlG EST EVK.Dc-
là l'exade correfpondance entre la varia-
tion légère du terme de l'eau bouillante
& les variations du baromètre. 3°. L'eau
qui tient en dilFolution des matières qui ne
s'élèvent point au même degré de chaleur
qu'elle , ou même qui ne s'élèvent point
du tout , a befoin d'un plus grand degré
de chaleur pour parvenir au terme de la
vaporifation ou de l'ébuîlition. Ainfi pour
donner à l'eau bouillante un plus grand
degré de chaleur , on la charge d'une cer-
taine quantité de fels. Foy. farticle B AIN-
MARIE. 4.". Au contraire , l'eau ou toute
autre fubiiance unie à un principe qui de-
mande une moindre chaleur pours'élever^
s'élève autli à un degré de chaleur moin-
dre qu'elle ne s'éleveroit fans cette unioa
{a) Ainfi l'eau unie à la partie aromati-
ia) Cette propofitlon eft trop générale, & les exemples qui l'appuient ne la prouvent pas. Le
mercure & le (outre , combinés pour taire le cinnabre , ont Leloin pour s'élever réunis , d'une chaUur
beaucoup plus jurande que celle qui élevé chacun de ces deux mixtes pris féparément ; ainfi celui des
de\',x qui eft le moins volatil , ne gagne point en volatilité par la combinaifon avec celui qui l'eft
le plus , au contraire ; & cela n'eft point étonnant. La manière dont les élémens des corivs font
unis nous eft trop peu connue , pour que nous puiflions décider ii les molécules, formées de deux mixtes
combinés feront plus ou moins adhérentes entr'elles , (]ue les molécules de chacun de ces mixtes pris
féparément. L'union agrégative des parties du nouveau compolé c'éi'endant descirconflances abfoiument
étrangères à l'union agrégative des parties de chaque rnixte , paroit ne devoir avoir avec elle aucune
proportion. AiilTi la chimie nous préfente-t-elle indift'éremment les deux exemples contraires de deux
corps fixes rendus volatils , & de deux corps volatils rendus fixes par leur union. L'exemple de l'eau
chargée de la partie aromatique des plantes qui s'élève à une moindre chaleur que l'eau pure , eUabfo-
Liment étranger à l'ordre de vaporil'ation des corps & Ion n'en peut tirer ici aucune induilion, parce
que l'évaporation a beaucoup plus de part que la vaporifation dans les reélitications de cette efpcce, &
même dans un très-grind nombre de diftillations. Ceci mérite d'être expliqué , Si va l'être quciquci
lignes plus bai.
E X P
que des plantes monte à un moindre de-
gré de chaleur dans la diflillation que l'eau
pure ; c'cft fur ce principe qu'eft fondé le
procédé par lequel on redifieles eaux & les
efprits aromatiques. Voye^ RECTIFICA-
TION. Ainfi l'acide nitrcux devient d au-
tant plus volatil , qu'il eft plus furchargé
de phlogiCiiqae ; & le même phlogiftique ,
uni dans le foutre avec l'acide vitrioiique ,
donne à ce mixte une volatilité que l'acide
vitrioiique feul n'a pas. î°. Les principes
qui fe féparent des mixtes dans la diOilla-
tion , en acquérant W'xp.tnfion vaporeufe ,
ontbefoin d'un degré de chaleur beaucoup
plus confidérable que celui qui fufiiroit
pour les réduire en vapeur,s'i!s étoient purs
& raffemblés en maflc ; ainfi dans l'analyfe
chimique le degré de l'eau bouillante n'en-
levé aux végétaux & aux animaux qu'une
eau furabondante , inftrument néceflaire
de la végétation & de la nutrition , mais
qui n'entre point dans la combinaifon des
mixtes dont ils font compofés. roj. ANA-
LYSE VÉGÉTALE & ANIiMALE. Ainfi
l'air qu'un degtéde chaleur très-au-deflbus
décelai que nous appelions fro'id, rend
expanfible , & cependant l'un des derniers
principes que le feu fépare de la mixtion
de certains corps. 6°. L'ordre de la v.ipo-
rifation des corps ne paroît fuivre dans
aucun rapport l'ordre de leur pefanteur
fpécifique.
Qu'on fe rappelle maintenant la théorie
que nous avons donnée de Vexpajifibilite.
Nous avons prouvé que la caufe de Vcx-
fAiifiùilite des corps eil une force par la-
quelle la chaleur tend à écarter leurs mo-
lécules les unes des autres , & que cette
force ne diffère que par le degré de celle
qui change l'agrégation (blide en agré-
gation fluide , & qui dilate les parties de
tous les corps dont elle ne détruit pas l'a-
grégation. Celapofé , le point de v.ipor/fa-
tlon de chaque corps, efl celui où la force
E X P 597
répuifive produite par la chaleur commence
à furpafïèr les obltacles ou la fomme des
forces qui retenoient les parties des corps
les unes auprès des autres. Ce fait général
comprend tous ceux que nous venons de
rapporter. En c^ei , ces forces font , i°. la
prefTion exercée fur la furface du fluide
par l'atmofpherc ou par tout autre corps :
2.°. la pefanteur de chaque molécule : 3°.
la force d'adhéfion ou d'affinité qui l'unie
aux molécules voifines , foit que celles-ci
foient delà même nature ou d'une nature
différente. L'inftant avant la vapor/fatioii
du corps , la chaleur faifoit équilibre avec
ces trois forces. Donc fi on augmente Tune
de ces forces, foit la force comprimante
de l'atmofphere , foit l'union qui retient
les parties d'un même corps aupi es les unes
des autres fous une forme aggrégative ,
foit l'union chimique qui attache les mo-
lécules d'un principe aux molécules d'un
autre principe plus fixe , la v.iporif^tt'ion
n'aura lieu qu'à un degré de chaleur plus
grand. Si la force qui unit deux principes
eft plus grande que la force qui tend à les
féparer , ils s'élèveront enfemble , & le
point de leur vaporifatio» fera relatif à la
pefanteur de deux molécules élémentaires
unies , & à l'adhérence que les molécules
combinées du mixte ont les unes aux au-
tres, & qui leur donne la forme agrégative;
& comme les molécules du principe le plus
volatil font moins adhérentes entr'elles que
celle du principe plus fixe, il doit arriver
naturellement qu'en s'interpofant entre
celles-ci, elles en diminuent l'adhérence,
{a) que l'union agrégative foit moins forte,
& qu'ainfi le terme de vaporifttion du
mixte foit mitoyen entre les termes aux-
quels chacun des principes pris folidaire-
ment commence à s'élever. Des trois forces
dont la fomme détermine le degré de cha-
leur nécefTaire à la vaporifation de chaque
corps , il y en a une , c'eft la pefanteur ab-
(a) Il ne s'enfait point du tout de ce que les molécules du principe le plus volatil font moins adhé-
rentes que celle du principe le plus fixe, que celles-là doivent, en s'intt- rpoCant entre les dernières, en dimi-
nuer l'adhérence. Cela peut dépendre de mille rapports de tnalTe ,de h|;ure , 6-c. qui nous font ahfolument
inconnus. Ainfi la théorie ne fauroit prouver que le terme de vaporilatlon d'un mixte doive être mitoyen
entre les termes auxtiuels chacun des principes pris folitairement commenceà s'élever. L'exemple déjà cité
du cinnabre qui s'élève beaucoup plus difficilement que chacun de Tes deux principes , le foutre &. le mer-
cure , prouve que cette propoùtion eft ablblument fauffe dans le fait. 11 eft naturel que lathéorie explique
mal un fait que l'eApérience dément.
59^ E X P
folue de chaque mo\é:u\s , qui ne fauroit
erre appréciée , ni mêms fort fenfiblepour
nous. Air.fi la prefllon fur la furface du
fi;iide étant à peu- près confiante , puifque
c'cit touiours celle de ratrnofphere , avec
Itq-.isl il faut toujours que les corps qu'on
veut élever par le moyen delà chaleur com-
muniquent aâuellement ( F'. Distilla-
tion ) , l'ordre de vaporifttian des corps
doit être principalement relatif à l'union
qui attache les unes aux autres les molécules
des corps ; c'eft ce qui elî effectivement
conforme à l'expérience , comme on peut
le voir à l'art'ule DlSTLLATION iinfin cet
ordre ne doir avoir aucun rapport avec la
pefanieur fp-icifiçue djs corps , puifque
cette pefanteur n'efl dans aucune propor-
tion , ni avec la pefanteur ablolue de cha-
que mok'cule , ni avec la force qui les unit
les unes aux autres.
Il fuie de cette Théorie , que fi on com-
pare lV.vp;;;3/?i-f ////des corps fous lerroifîe-
me point de vue que nous avons annoncé ,
c'ell-à-dire , fi l'on compare le degré d'ex-
panfion que chaque corps reçoit par l'ap-
plication d'un nouveau degré de chaleur ,
& te rapport qui en réfultera de fon volume
à fon poids , cet ordre d'expanfiLUitédes
corps , confidéré fous ce point de vue , fera
très-différent de l'ordre de leur vtiporifa-
(':nn. En effet, aufïï- tôt qu'un corps a acquis
rétat d'expanfion , les liens de l'union
chimique ou agrégative qui retenoient
fos molécules font entièrement brifées , ces
molécules font hors de la fpherede Icurat-
tradion mutuelle; & eette dernière force,
qui dan^Forclrc de v^tpoïlj.it'mn devoir être
principalement confidérée, cfî entièrement
nulle &■ n'a aucune part à la détermination
de l'ordre à'expartftbilite. La pefanteur pro-
pre à chaque molécule devient donc la
feule force, qui.avec laprefîîoneNtérieure,
toujours fuppofée confiante , fait équilibre
avec l'aâion de la chaleur. La réliitance
qu'elle lui oppofe eft feulement un peu
modifiée par la figure de chaque molécule,
& par le rapport de fa furface à fa mafib ,
s'il eft vrai que le fluide , auquel nous attri-
buons l'écartement produit par la chaleur,
3giflè fur chaque molécule par voie d'im-
pulfian; or cette force & la modification
>!u'cllc peut fccevoij: nét^-nt nullernçnt
E X P
proportionnelles à l'union chimique în>
agrégative des molécules , il eu éviient
que l'ordre à'expanfibilit/àes corps ne doit
pomt fuivre l'ordre de 'vnpor'ifdtion , & que
tel corps qui demande, pour devenir expan.
fible , un beaucoup plus grand degré de
chaleur qu'un autre , reçoit pourtant d'un
même degré de chaleur une expanfion
beaucoup plus confidérable ; c'eft ce que
l'expérience vérifie d'une manière bien
fenlible dans la comparaifon de l' expan ^i-
/'i////de l'eau & de celle de l'air. On fup-
pofe ordinairement que l'eau eft environ
huit cents fois plus pefante fpécifiquement
queI'air;admettons qu'elle le foit mille fois
davantage, il s'enfuit que l'air pris au de-
gré de chaleur commun de l'atmofphere,
& réduit à n'occuper qu'un efpace mille
fois plus petit , feroit auiti pefant que l'eau.
Appliquons n;aintenant à ces deux corps
le même degré de chaleur, celui où le verre
commence à rougir. Une expérience fort
fimple rapportée dans les leçons de phyfi-
que de M. l'abbé Noliet , prouve que l'eau,
à ce degré de chaleur, oi;cupe un efpace
quatorze mille fois plus grand. Cette expé-
rience ci>nfifte à faire entrer une goutte
d'eau dans une boule creufe, garnie d'un
tube , dont la capacité l'oit environ 14000
fois plus grande que cclla de la goutte
d'eau , ce qu'on peut cunnoître aiLment
par la comparaifon des diamètres; à faire
enluite rougir la boule fur des charbons ,
& à plonger l'extrémité du tube dans un
vafe plein d'eau : cette eau monte & rem-
plit entièrement la boule , ce qui prouve
qu'il n'y rtfte aucun air , & que par confé-
quent la goutte d'eau en rempliffoic toute la
capacité. Mais par une expérience toute
femblable, on connoît que l'air au même
degré de chaleur qui ro.igir le verre, n'aug-
mente de volume que dans le rapport de
trois à un.Et comme cet air, par fon expan-
fion, remplit déjà un volume mille fois plus
grand que celui auquel il faudroit le réduire,
pour le rendre fpécifiquement aufti pefant
que l'eau , il faut multiplier le nombre de 3,
ou, ce qui eft la même chofe , divifer celui
de 14000 par mille , ce qui donnera le
rapport des volumes de l'eau à celui de
l'air, à poids égal , comme 14 à 3; d'où
l'on voie combien Vcxpinil'.tilii/ d^ corj»
E X P
le plus difficilement expanfible , furpaffc
celle du corps qui le devient le plus ai-
fémenr.
L'application de cette partie de notre
théorie à l'air & à l'eau , fuppofe que les
particules de l'eau font beaucoup plus lé-
gères que izel'es de l'air , puifqu'étant les
nnes & les autres ifolées au milieu du
fluide de la chaleur , & ne réfi liant guè-
re à Ton aclion que par leur poids , l'ex-
panfion de l'eau cil fi fupt'rieure à celle
de l'air : cette fuppofition s'accorde par-
faitement avec l'extrême diffJrence que
nous remarquons entre les deux fluides ,
par rapport au degré de leur vaporifjtion :
les molc'cules de l'air , beaucoup plus pe-
fantes , s'élèvent beaucoup plutôt que cel-
les de l'eau , parce que leur adh.Vence
mutuelle eft bien plus intérieure à celle
des parties de l'eau , que leur pefanteur
n'eft fupérieure. Plus on fuppolera les par-
ties de l'eau petites &: légères , plus le
fluide fera divifé fous un poids égal en un
grand nombre de molécules ; plus l'élé-
ment de la chaleur , inperpofé entre elles ,
agira fur un grand nombre de parties ,
plus ion aclion s'appliquera fur une grande
furface , les poids qu'il aura à foulever
reftant les mêmes , & par conféquent plus
l'exp.tnfibilhe fera confidérable. Mais il ne
s'enfuit nullement de-là , que le corps ait
befoin d'un moindre degré de chaleur ,
pour être rendu expanfible. Si l'on ad-
met , avec Newton , une force attrafiive
qui fuive la raifon inverfe des cubes de
ces dillances ; comme il elî démontré que
cette attradlon ne feroit feiifible qu'à
des diftances très-petites , & qu'elle feroit
infinie au point de contad , il eft évi-
dent , 1°. que l'adhérence réfuîrante
de cette attraûion eft en partie relative
à rétendue des furfaces par Icfquelles les
molécules attirées peuvent fe toucher ,
puifque le nombre des points de contad:
eft en raifon des furfaces touchantes ; i".
que moins le centre de gravité eft éloigné
des furfaces , plus l'adhéfion eft forte : en
effet , cette artraclion qui eft infinie au
point de contad , ne peut jamais produire
qu'une force finie , parce que la furface
touchante n'eft véritablement qu'un infi-
niment pstit ; la molécule entière eft par
E X F y5)(>
rapport à elle un infini , dans lequel la
force fe partage en raifon de Tincrtic du
tout : fi cette molécule grolIifToit jufqu'à
un certain point , il eft évident que tout
ce qui le trouveroit hors des limites de
la fphere fenfible de l'attradion cubique ,
feroit une furcharge à foutenir pour celle-
ci , & pourroit en rendre l'effet nul ; fi
au contraire la molécule fe trouve toute
entière dans la fphere d'attradion , toutes
fes parties contribueront à en augmenter
l'eifèt, & plus le centre de gravité fera
proche du contaâ , moins cette force qui
s'exerce au contafl fera diminuée par la
force d'inertie dès parties de la molécule
les plus éloignées : or plus les molécules,
dont un corps ell formé, feront fuppofécs
petites , moins le centre de gravité de
chaque molécule eft éloigné de leur fur-
face , & p[us elles ont de fuperficie , re-
lativement à leur rrafîè.
Concluons que la petiteftè des parties
doit d'abord retarder la vaporifation , puis
augmenter ïcxpatiJJkHite, quand une fois
les corps font dans l'état de vapeur.
Je ne dois pas omettre une conféquence
de cette théorie fi:r l'ordre d'expatifibUité
des corps , comparé à l'ordre de leur
vupori fat/an : c'eft qu'un degré de chaleur
qui ne luffiroit pas pour -rendre un corps
expanfible , peut fi ffire pour le mainterir
dans l'état à'cxpur.^ibiHte. En eflet , je
fuppofe qu'un ballon de verre ne foie
rempli que d'eau en vapeur , & qu'on
plonge ce ballon dans de l'eau froide ;
ccrnme le froid n'a point une force
pohtive pour rapprocher les parties des
corps ( -joyez. Froid ) , il en doit être ce
cette eau comme de l'air', qui , lorfqu'il ne
communique point avec l'atmcfpî.ere, n'é-
prouve aucune conJenfation en fe refi'oi-
diffant. L'attraâion des parties de l'eau ne
peut tendre à les rapprocher , puifqu'elles
ne font point placées dans la fphere de
leur ad;on muruelle : leur pefanteur
beaucoup moindi^eque celle des parties de
l'a.r, ne doit point avoir plus de iorce pour
vaincre l'effort d'un degré de chaleur , que
l'air foutient fans fe condenfer. lapref-
fion extérieure eft nulle ; l'eau doit donc
refter en état de vapeur dans le ballon ,
quoique beaucoup plus fi-cide que l'eau
^oo
E X P
bouillante , ou du moins elle ne doit per-
dre cet e'tat que lentement & peu-à-peu ,
à meture que les molécules qui touchent
immédiatement au verre adhérent à fa fur-
face refroidie , & s'y réuni ffent avec les
molécules qui leur font contiguè's , & ainfi
fuccefTivement , parce que toutes les molé-
cules , par leur exfAnfih'iUte même s'ap-
procheront ainfi les unes après les autres
de la furface du ballon , jufqu'à ce qu'elles
foient toutes condenfées. Il eft cependant
vrai que dans nos expériences ordinaires ,
dès que la chaleur eft au-deflus du degré
de,J<'cau bouillante, les vapeurs aqueufes
redeviennent de l'eau ; mais cela n'eft pas
étonnant , puifque la prefilon de l'atmof-
phere agir toujours fur elles pour les rap-
procher , & les remet par là dans la fphere
de leur action mutuelle , quand l'obftacle
de la chaleur ne fubfifte plus.
On voit par là combien fe trompent ceux
qui s'imaginent que l'humidité qu'on voit
s'attacher autour d'un verre plein d'une
liqueur glacée , eft une vapeur condenfée
par le froid : cet eitet , de même que celui
de la formation des nuages , de la pluie ,
& de tous les météores aqueux , eft une
vraie précipitation chimique par un degré
de froid qui rend l'air incapable de tenir
en diflolution toute l'eau dont il s'étoit
chargé par l'évaporation dans un temps
plus chaud ; & cette précipitation eft pré-
cifément du même genre que celle de la
crème de tartre , lorfque l'eau qui la tenoit
en diftblutions'eft refroidie. Foyez^Wurn-
DiTÉ d^ Pluie.
On fent aifément combien une table qui
repréfenteroit , d'après des obfervations
exa6les, le réfultat d'une comparaifon fui-
vie des différentes fubftances , & l'ordre
de leur expaiifibilite, ponrroit donner de
vues aux phyficiens , fur- tout fi on y mar-
quoit toutes les différences entre cet ordre
& l'ordre de leur 'î;4po?'//^r/o?^ Je compren-
drois dans cette comparaifon des différen-
tes fubftances par rapport à rexpanftbUite,
h comparaifon des diiférens degrés à'ex-
pa)ifil>ilite entre l'air , qu; contient beau-
coup d'eau , & l'air qui en contient moins ,
ou qui n'en contient point du tout. Muf-
fchenbroek a obfervé que l'air chargé d'eau
« bcauconp plus d'tlifticité qu'un autre
E X P
air , &• cela doit être , du moins lorfque
la chaleur eft afTez grande pour réduire
l'eau même en vapeur ; car il pourroit arri-
ver aufTi qu'au-defTous de ce degré de cha-
leur , l'eau diffoute en l'air & unie à cha-
cune de fes molécules , augmentât encore
la pefanteur par laquelle elles réfiftent à la
force qui les écarte. D'ailleurs comme on
n'a point encore connu les m.oyens que
nous donnerons à l'article hiiiiiidite, pour
favoir exaâement combien un air eft plus
chargé d'eau qu'un autre air ( voyez, HU-
MIDITÉ ) ; on n'a point cherché à mefurer
les différens degrés d'expaiifibiliie de l'air,
fuivant qu'il contient plus ou moins d'eau ,
fur - tout au degré de la température
moyenne de l'atmofphere : il feroit cepen-
dant aifé de faire cette comparaifon par
un moyen aftez fimple , il ne s'agiroit que
d'avoir une cloche de verre aftez grande
pour y placer un baromètre , & d'ôter
toute communication entre l'air renfer-
mé fous la cloche & l'air extérieur ; la
cire , ou mieux encore , le lut gras des
chimiftes , qui ne fourniroient à l'air au-
cune hum.idité nouvelle , feroient excellens
pour cet ufage : on auroit eu foin de pla-
cer fous la cloche une certaine quantité
d'alkaii fixe du tartre bien fec , & dont on
connoîtroit le poids. On fait que l'air ayant
moins d'affinité avec l'eau que cet alkali ,
celui-ci fe charge peu-à-peu de Ihumidité
qui étoit dans l'air : fi donc en obfervant
de faire l'expérience dans une chambre ,
dont la température foit maintenue égale,
afin que les variations d'exp.ntfitilite, pro-
venantes de la chaleur , ne produifent
aucun mécompte ; fi , à mefure que l'alkali
abforbe une certaine quantité d'eau , le
baromètre hauffe ou baifle, on en con-
clura que l'air en perdant l'eau qui lui étoit
unie, devient plus ou moins expanfibic ;
& l'on pourra toujours , en pefant l'alkali
fixe, connoître, par l'augmentation de fon
poids , le rapport de la quantité d'eau que
l'air a perdu au changement qui fera arrivé
dans fon expA-fifibilhé: il faudra faire l'ex-
périence en donnant à l'air différens de-
giés do chaleur , pour s'afllircr fi le plus
ou le moins d'eau augmente ou diminue
Vexpitr.fibU'ite de l'air dans un méiiiC rap-
por:, quelle que foit h chaleur;& d'après ces
diffiicas
différans rapports conftamment obfervés ,
il fera ai'é d'en conftriiirc des tables:
l'cxtcution de ces tables peut feule don-
ner la connoifTance exaûe d'un des éle'-
. mens qui entre dans la théorie des varia-
tions du baroTietre ; & dès- lors il ait évi-
dent que ce travail eft un préalable né-
cedaire à la recherche de cette théorie.
D:s ujages de rcxp.infib'U'te, & de Lipart
qu'elle a dans l.i production des plus qraiids
phénomènes de la nature. i° . C'cft par iV.v-
panfibilite' que les corps s'élèvent dans la
'diftillation -Si dans la fublimation (a) ; &
c'eft rinjgalitj des dégrés de chaleur ,
néceiïa-res pour WxpanfibUhé'àQs difFérens
principes des mixtes , qui rend la diftilla-
tion un moyen d'analyfe chymique. Foye^,
Distillation.
2°. C'eiî y jxpitnfih'tl'ite'qvX fournit à l'art
& 3 la nature les forces motrices les plus
puifTantes & les plus foudaines. Injépen-
da-^-iment des mac^'nes où Ton emoloi;-
( j ) Ccll parr<>.v/',;/;/.'/);//'i.'iiue L'^ corps s'élever.t dans la dUlill.'^in^ f^. r'o. , 7^- :t-;
coup «■op,gé„érale. Iln'eft pas douteux 'eue l'eau bou Uan'e ne 'é eve pt fa fënir'^'' VT/'^'^^'^'-
toutesles toi> que l'eau ne bo-.it pas ,c'efï -à-dire dan. mi-^nriL l nif ■ t cxp.-,n[Mité ; mais
«ne infinité d'autres cas , la chaleur ne uffit pas notmeu el' au t If '°"' "''" ^^•"-■^,?^■= ' f dans
^h\M. Elle s'élève cependant; il faut donc recourîrTune" nre c J. t \T' ^'T ^af^'''^'^^-
folvante de l'air fur l'eau augmentée par la chalëu des va.ffpinv Fn ,' "i'^, ."".*« ^5 ' ««.on dif-
cette circonilance efl- un phénomène A.Xé^lZJZt^oâX"' "^°'> .^i^^^""" de l'eau dans
dansr.trr. Evaporation, que l'air chaud peut difllud^e Z ni ^:'^""-f '"'"'• M- e Roi amontré
{■roLJ.On peutaipCner que l'iau chaude oppora'fl^i^ l%âLreT«.Tr"aLn'd?^ôlv'"^ 'f
lair, parce que lunion aaréiîative de les molécules o{\ mr,;-^ f..,, • - f V. aillolvante de
fe charce donc d'une afl^z grande onantit/^iv'n M ':. "? Vf ^î^l'l' '^'^ ccbrufle dans les vaiffeaux
E X P Cox
la vapeur de l'eau bouillante ( voy:z. l\'.rt.
Fau) , l'effort de !a poudre â canon {zny.
Poudre a canon) Jes dangereux ttfjts
de la moindre humidité qui fe trouveroic
dans les moules où l'on coule les métaux:
en tonte , les volcans & les trembleraens
de terre , & tout ce qui , dans l'art &
dans la nature , agit par une explofion fou-
dame dans toutes les diredions à la fois
elt produit par un fluide devenu tout-à-
coup exp.mfible. On avoit autrefois attri-
bue tous ces eftecs à l'air comprimé vio-
lemment , puis dilaté par la chaleur ; mais
nous avons vu plus haut , que l'air ren-
fermé dans un tube de verre rougi au fëu
n augmente de volume que dans le rapporc
de trois à un ; or une augm.entation beau-
coup plus confidérabie , fcroit encore in-
lenfible en comparaifon de la prodigicufa
expanfion que l'eau peut recevoir. ^L'air
que le feu dégage des corps , dan. lèfqueh
Il elt romb'né , pourroic pro.-luire (\,^s
te charge clone. d'une allez grande qt.,nnécr^;u:M^sV;;^ Sntïn^Sl^^ri^l^f „.
i V ; ' r^r^^'i^^r^" >^Pr" -'"- d'airLtérie!;,; ,l^n<5^îai;|/''-
chaud & plus cha'°é d'c.... , u^.itm mus ii^^e-r nu un mi-j.i „„i ~ j' • i • ..„-.■ -- i
tandis que l'air extérieur v 'entre. Il VV fai atnfi' rd^'lacé^r^ '' ' -^ fondes vaificaux,
rair chaud des vaifTeaux & l'air froid dri'amôrhereoSltlA"'-^ '"'''''? f°"'""elle entrj
refroidit lubltement l'air qui en fort; & ceh i^d ceîfe de ;^^t V \ vn'i -^"'T- ^'"' '?=^ yailTeaux, il
Tifible fous la forme de brouillard, & ^attahe en n rites ^nnnp '^'«°''"i°" ' e^,". ¥' a'ors devient
air qui remplit les vaifTeaux s'échai^e i on .ou" ^ch!" ' I' """ ^œ"" "^^ '"'P'^^' ^^ """^-«l
premier pour la perdre de la même façon en cédant de nn7,v^ "7 ^f' ^"l^.^-" ^"='']*'^ ^'^^ ^"« '^
kpeces d'cfclllations & ces intervalles rTolés"u'onobfe?vedr I if-'" f ^''' extérieur. De-là ces
bent dans le récipient; de-là auffi la nécV^y de conferT'r t^^^^ des gou.tes d'eau qui tom-
extérieur, & l'impcffibîlité abfolue de d ft I lër & de Simer I T""""'^"""" ^°"V""'^"'^ aveci'air
car M. Rouelle remarque très-bien que ce n'elfnas fe U^^^^ çles va.ffeaux entièrement fermés,-
oblige de les tenir ouverts , ou au moisis de es ouvr d ,^n- "'""' ''"''^ '''"^''"'' 'l"
ne feferoit aucune diftillation; car^" concours de l'Iiret'/rlT ft ''^^'- S^'-'V"'^' Précaution il
le feu eft allez fort pour élever immédbtemen es matl'rérén v.n. '"'"'' ■'"•^a^" ^'"^ ""^'^°''
raifon que nous ne pourrions développer ici fans alU^nàr-hp '^ "" " """' ^I^ P"""" ""^ =»""-e
dirai follement qu'il n'eft pa, nécelLire ôue'dans ce d f L r^?"'' ""' """^ ''^''^ ""?, '°'^P'^- ^^
continue ; par exemple, dans la di Wlatbn dTs ea,.x fo r« '^ 'v°"^"^""'""on avec l'air foit au/T,
temps le trou duL.lMn.Au refte , 'e u n" (l unsla toù.T """"m ^'^"^"^ de temps en
d-évaporatlon. Les huiles elfentielles le cnm 4re 1' fnrh de v n r ' l V'i s eleve par la feule voie
folides on fluides, font dans le n"ême cas ' c''ft-à-di "T'.l'n ', '' ^ H?^^^ d'autres corps
d'afîinité avec l'air, & qu'ils peuvenTy être' tem s en d.lTo lit r "'"'"'' '""V J^", ""■""' '^'^'^
tillation, qtù eft une branche de L théone d^ M le Roi lu fen^; ?°""''' ""^ éth.olog e de la dif-
iln'eft pas étonnant qu. les chimiftesn°enrpoi^;, encore fi' iT^^^^^^ ' " ' ^°'-' T°'' ''' ''""''^^ •
guéries cas ou la dilWlation appartient à 'evâporation ou \ f ,."-)l"^"^''î«V""i?'^"'" l^""^ '-'''^'"-
immenfe qu'il el> utile, & un 'prél mi4ire iSen abL "our rèl^ '"^^ l'n travail aufll
complétée de la volatiliU des corps, ^y^î vSlUT£. ^"' °" """' ""' '"^'°^-'
Tome XI IL * ^
G ggg
éot E X P
effets un peu plus confidérables ; mais la
quanuri de cet airefl toujours fi petite ,
coirparée à celle de l'eau qui s'élève des
corps au même degré de chaleur , qu'on
doit dire avec M. Rouelle , que dans les
différentes explofions, attribuées commu-
ncment à l'air par les phyficiens , lî l'air
agit comme un , l'eau agit comme mille.
La promptitude & les prodigieux effets
de ces explofions ne paroîtront point éton-
nans , fi l'on confidere la nature de la
force expanfive & la manière dont elle
agit. Tant que cette force n'eft employée
qu'à luttercontre lesobftaciesquiretiennent
les molécules des corps appliquées les unts
contre les autres, elle ne produit d'autre
effet fenfible , qu'une dilatation peu con-
fidérable ; mais dès que l'obilacle eft
anéanti , par quelque caufe que ce ioit ,
chaque molécule doit s'élancer avec une
force égale à celle qu'avoit l'obftacle pour
la retenir , plus le petit degré de force ,
dont la force expanfive a dû furpaffer celle
de l'obftacle : chaque molécule doit dons
recevoir un mouvement local d'autant
plus rapide , qu'il a fallu une plus grande
force pour vaincre 1 obflacle ; c'eft cet
unique principe qui détermine la force de
toutes les explofions : ainfi plus la clialeur
nécenaire à la v.iporifat/on eft confidéra-
ble , & plus l'explofion eft terrible ; cha-
que molécule continuera de fe mouvoir
dans la même direction avec la même
vîceffe , jufqu'à ce qu'elle foie arrêtée ou
détournée par de nouveaux ob/îacles ;
& l'on ne connoît point les bornes delà
vîteffe que les molécules des corps peu-
vent recevoir par cette voie au moment
de leur expanfion. L'idée d'appliquer cette
réflexion à l'éruption de la lumière & à
fa prodigieufe rapidité , fe pré'ente natu-
rellement. Mais j'avoue que j'aurois peine
à m'y livrer , fans un examen plus appro-
fondi, car cette eypiicarion , toute fédui-
fantc qu'elle eft au premier coup d'aii ,
me paroît combartr.e par les plus gran-
des difficultés. Fuyez. INFLAMMATION
& Lumière.
q°. C'eft VeKpanfib'd'itcàc l'eau qui , en
foulcvant les molécules de l'huile embra-
fée , en les divifant, en multipliant les
furfaces , multiplie en même raifon le
E X P
nombre des points embrafés à la fois ;
produit la flamme , & lui donne cet éclac
qui la caraûerife. Foyez. FlAMME.
4°. L'inégale ^vp4Hy?i)/7//f' produite par
l'application d'une chaleur différente aux
différentes parties d'une mafl'e de fluide
expanfible , rompt par-là même l'équilibre
de pafanteur entre les colonnes de ce
fluide , & y forme différens courans :
cette inégalité de pefanteur entre l'air
chaud & l'air froid , eft le fondement de
tous les moyens employés pour diriger les
mouvemens de l'air à l'aide du feu ( voyez.
FOURNEAU cr Ventilateur A Feu).-
elle eit auffi la principale caufe des vents.
voyez. Vent.
5°. Cette inégalité de pefanteur eft
plusconfidérable encore , lorfqu'un fluide,
au moment qu'il devient expanfible , fe
trouve mêlé avec un fluide dans l'état de
liquidité: de-là l'ébullition des liquides par
les vapeurs , qui fe forment dans le fond
du vafe qui les contient; de-là l'effer-
velcence qui s'obferve prefque tou-
jours dans les mélanges chimiques au mo-
ment où les principes commencent à agir
l'un fur l'autre pour fe combiner , foie
que cette effervefcence n'ait d'autre caufe
que l'air qui fe dégage d'un des deux princi-
pes ou les deux, comme il arrive le plus fou-
vent(^'o>'t'tEFFERVESCENCE),foit qu'un
des deux principes foit lui-même en partie
réduic en vapeur dans le moment de la
combinaifon , comme il arrive , fuivant M.
Rouelle , à l'efprit de nitre , dan^ lequel
on a mis difloudre du fer ou d'autres
matières métalliques. De-là les m.ouve-
mens inteftins , les courans rapides qui
s'engendrent dans les co^p^ aftuellement
en termentarion , & qui par l'agita' ion-
extrême qu'ils entretiennent dans toute
la maile , font l'inflrument puiffant du
mélange intime de toutes fes parties , de
l'atténuation de tous les principes , des
dé.on-poficions & des recompofitions qu'ils
fuliff.nt.
6". Si le liquide avec lequel fe trouve-
mêlé le fluide devenu expanfible , a quel-
que vifcofité , cette vifcofiré foutienJra-.
plus ou nioini long- temps l'effort des va-
peurs , fuivant qu elle eft elle même plus,
ou moins conudérablc : la totalité du mé--
E X P
lange fe rempliia de bulles , dont le corps
vifqueux formera les parois , & l'elpace
qu'elle occupe s'augmentera julqu'à ce que
la vifcofité des parties foit vaincue par le
fluide cxpandblo ; c'eft cet effet qu'on
app^-lle gonflement. Foy. GONFLEMENT.
7°. Si tandis qu'un corps expanfible tend
i occuper un plus grand cfpace , le liquide
dont il eft environné , acquiert unz con-
fiftance de plus en plus jurande , & par-
vient enfin à oppofer par cette confiftance ,
un ûbdacleinfurmontabloà l'expanfion du
corps en vapeur ; le point d'équilibre entre
la réfilîance d'un côté & la force expan-
Cve de l'autre , déterminera & fixera la
capacité & la figure des parois , formera
des ballons , des vafes, des tuyaux, des ra-
mifications ou dures ou flexibles , toujours
relativement aux différentes altérations
de Vexpanftbilite d'un côté , de la confif-
tance de l'autre; en forte que ces vaifTeaux
& ces ramifications s'étendront & fe com-
pliqueront à mefure que le corps expanfi-
ble s'étendra du côté où il ne trouve point
encore d'obftacle , en formant une efpece
de jet ou de courant , & que le liquide,
en fe durciffant à l'entour , environnera
ce courant d'un canal folide : il n'importe
à quelle caufe on doive attribuer ce chan-
gement de confilîance , ou cette dureté
furvenue dans le liquide , dont le corps
expanfibie e(i environné , foit au feul re-
froidifTement ( voy. VERRERIE ) , foit à
la cryflallifation de certaines parties de li-
quide ( f. VÉGÉTATION chimique) ,
foit à la coagulation , ou à ces trois caufes
réunies , ou peut-être à quelqu'autre caufe
inconnue. ^. GÉNÉg-ATION & MoLÉ-
CU ES ORGANIQUES.
8° Il réfulte de tout cet article , que
prefque tous les phénomènes de la phyfique
fublunaire font produits par la combinaifon
de deux forces contraTCs; la force qui tend
à rapprocher les parties des corps ou l'at-
tradion , & la chaleur qui tend à les écar-
ter , de même que la phyfique celefte , eft
tonte fondée fur la comhinaifon de la
pefanteur & de la force projeâile : i'emploie
cette comparaifon d'après M. Needham ,
qii a le premier conçu l'idée d'expliquer les
myfleres dj lag'nération par la co-nb'nai-
fon des deux forces atcradive & répulfive
E X P ^03
( voy. les ohfcrvatiop.s wlcrofcopiques de fvi,
Needham , fur la compofition & la décom-
pofition des fubflances animales & végé-
tales ). Ces deux forces le balançant mu-
tucllemînt , fe mefurent exaftement l'une
l'autre dans le point d'équilibre , & il
fuffiioit peut-être de pouvoir rapporter
une des deux à une mefure commune &
à une échelle comparable , pour pouvoir
foumetcreau calcul la phyfique fublunaire,
comme Newton y a fournis la phyfique
célefte. L'expunJÏLilii/ de l'air nous en
donne le moyen , puifque par elle nous
pouvons mefurer la chaleur depuis le plus
grand froidjufqu'au plus grand chaud connu,
en comparer tous les degrés à des quantités
•(nnues , c'eft-à-dire , à des poids , & par
conféquenr découvrir la véritable propor-
tion entre un degré de chaleur tk un autre
degré. Il efl vrai que ce calcul eîl moins
fimple qu'il ne paroît au premier coup
d'œil. Ce n'efl point ici le lieu d'entrer
dansce d.'cail. /^'tfy. TEMPÉRATURE &
Thermomètre. J'obferverai feulement,
en fiuilTant , que plulieurs phyficiens ont
nié la poffibilité de trouver exaftement
cette proportion , quoique M. Amontons
ait depuis long-temps mefure la chaleur
par les difTérens poids que foutient le ref-
fort de l'air. Cela prouve que bien des vé-
rités font plus près de nous , que nous
n'ofons le croire. Il y en a dont on difputc ,
& qui font déjà démontrées ; d'autres qui
n'attendent pour l'être qu'un fimple rai-
fonnement. Peut-être que l'art de rappro-
cher les obfervations les unes des autres ,
& d'appliquer ie calcul aux phénomènes ,
a plus manqué encore aux progrès de la
phyfique , que les obfervaLions mêmes.
^ EXPANSION , r. f. en Phyfique , efl
l'action par laquelle un corps eu étendu &
dilaté , foit par quelque caufe extérieure ,
comme celles de la raréfddion ; foit par
une caufe interne , comme l'élaflicité. ^.
Dilatation , Raréfaction , Elas-
ticité.
Les corps s'étendent par la chaleur ; c'eft
pourquoi leurs pefanteurs fpécifîques (ont
différentes , fuivant les difFJi entes faifons
de l'année, f^oyez, PESANTEUR SPFXî-
FIQUE, Eau, &c. Voyez auffi Pï-RO-
G 888^
^04 E X P
MbTRE d?' Extension, l^oytz, ci-delfus
EXPANSTBILITÉ. Clhinibers.
Expansion , ( Anat. ) fignifie pro-
longement , cont':nuation ; c'eft ainfi que
J'on dit exp.uifion nièmbr.ineufe , ligamen-
teufe , vmfiiih-tife : cette dorniere répond
précifément au pLttvfm.t myoïdès des Grecs.
C'eft une idée très- phyfiologique de confi-
dérer toutes les fibres du corps animal
comme des expanfions d'autres fibres ; ainfi
les fiores du cerveau ne fo.it que des dé-
veloppemens & des expanjlons des vaifTeaax
fanguins qui y abourifTcnt. Les nerfs font
àeiexpdnjions des fibres du cerveau , & les
fibres de tous les vaifleaux font à leur tour
des expanjions des dernières ramification
des nerfs, [g) ^
EXPECTANT , ad), pris f. ( Jim(p. )
eft celui qui attend l'accompli (Tement d'une
grâce qui lui eft due ou promife , tel que
celui qui a l'agrément de la première charge
vacante , ou celui qui a une expeflative fur
le premier bénéfice qui vaquera. II y a quel-
quefois p'.ufieurs expeâans fur un même
collateur , I un en vertu de fes grades , un
autre en vertu d'un induit , un autre pour
le ferment de fidélité. />'. Expectative ,
Gradué , indult, &c. {A)
EXPECTATIVE , f. f. ( Juùfp.) en
matière bénéficiâle, ou gvdLCQ expcàatlve ,
eft l'efpérance ou droit qu'un eccléfiaftique
a au premier bénéfice vacant , du nombre
de ceux qui font fujets à fon expectative.
On ne connut point\es exp :itatives tunt
que l'on obferva l'ancieRne difcipline de
l'églife , de n'ordonner aucun clerc fans
ti:re ; chaque clerc étant attaché à fon
églife par le titre de fon ordination , &
ne pouvant fans caufe légitime être tranf-
féré d'une églife à une autre , aucun d'en-
tr'eux n'étoit dans le cas de de mander IVx-
pcftative d'un bénéfice vacant.
Il y eut en Orient dès le v fiecle
ques ordinations vagues & abfolues , c'eft-
à-dire ; faites fans titre; ce qui fut dé-
fendu au concile de Chalcédoine ; & cotte
difc:pH'i£ fi't confervée dans toute l'egiife
jufqu'à la fin du xj fiecle ; mais on s'en
re'âcha beaucoup dans lexij en ordonnant
des clercs fans titre, & ce fut la première
caufc qui donna lijuauv grâces iXp.-dutivcs
& aux rcfeives; dtux manières de pour-
quel
E X P
voir d'avance aux bénéfices qui viendroient
à vaquer dans la fuite.
Adrien IV , qui tenoit Icfaint fiegcvers
le milieu du xi) fiecle , pafte pour le pre-
mier qui ait demandé que l'on conférât
des prébendes aux peifonnes qu'il défignoir.
Il y a une lettre de ce pape qui prie l'évê-
que de Paris , en vertu du rcfpeâ qu'il
doit au fuccefteur du chef des apôtres ,
de conférer au chancelier de France la
première dignité ou la première prébende
qui vaqueroit dans l'églife de Paris. Les
fuccefTeurs d'Adrien IV. regardèrent ce
droit com.me attaché à leur dignité, & ils
en parlent dans les décrétales comme d'un
droit qui ne pouvoit leur être contefté.
Les expectatives qui étoient alors ufi-
tées , éroient donc une alTurance que
le pape donnoit à un clerc , d'obtenir
un bénéfice lorfqu'il fercic vacant ; par
exemple , la première prébende qui va-
queroit dans une telle églife cathédrale
ou collégiale. Cette forme de conférer
les bénéfices vacans ne fut introduite que
par degrés.
D'abord V expectative n'éroit qu'une fim-
ple recommandation que le pape t'aifoit
aux prélats en faveur des clercs qui avoienc
été à Rome , ou qui avo'.ent rendu quel-
que fervice à l'églife. Ces recommandations
furent appellées mandata de previdendt
mandats apoftoliques , expectatives , ou grâ-
ces expettut'tves.
Les prélacs déférant ordinairement à ces
forces de prières, par refpeft pour le faint
fiége , elles devinrent fi fréquentes que
les évêques , dont la collation fe trouvoit
gênée, négligèrent quelquefois d'avoir égard
aux expectatives que le pape accordoit fur
eux.
Alors les papes, qui commençoient à
étendre leur pouvoir , changèrent les priè-
res en commandemens , & aux lettres mo-
nicoriales qu'ils donnoient d'abord feule-
ment , ils en ajoutèrent de préceptcria-
li s , 6: enfin y en joignirent même d'exé-
cutoriales portant attribution de jurifdic-
tion à un commiftàire pour contraindre
l'ordinaire à exécuter la grâce accordée
par le p.ipa , ou pour conférer , au relus
ic Fordinaire ; & pour le cont: a^ndre on
alloit jufqu'à l'excommunication : cela fe
E X P
pratiqiioit dès le xii lîecle. Etienne , e'vc-
que tic Tournai , fut nommé par le pape ,
exécuteur des mandats ou expectatives
adrifll's au chapitre ce S. Agnan , &^il
d.'claia nulles les provifions qui avoientété
accordées par ce chapitre au préjudice des
lettres apoftoliques.
Les exft'ct.tt'ives s'accordoient fi facile-
ment à tous venans , que Grégoire IX
fut obligé en 1229 d'y inférer cette clau-
fe , fi non fcripfiihus pro ul'io. II régla aufTi
<5ue chaque pape ne pourroit donner
qu'une feule fArpi'c/^/«//i'f dans chaque églife.
Ses fuccefleurs érablircnt enfuite l'ufage
de révoquir au commencement de leur
pontificat , les expectatives accordées par
leurs prédéccfTeurs , afin d'être plus en
état de faire grâce à ceux qu'ils voudroient
favorifer.
L'ufage des expedatives & des réferves
ne s'étendit pas d'abord fur les bénéfices
éleflifs , mais feulement fur ceux qui
étoient à la collation de l'ordinaire ; mais
peu- à-peu les papes s'approprièrent de
diverfes façons la collation de prefque tous
les bénéfices.
La facilité avec laquelle les papes accor-
doient ces expectatives , fut caufe que la
plus grande partie des diocefes devint
déferte , parce que prefque tous les clercs
fe retiroient à Rome pour y obtenir des
bénéfices.
La pragmatique faniSion ou ordonnance
qui fut publiée par S. Louis en 1268 ,
abolit indiredement les expectatives &
mandats apolîoliques , en ordonnant de
conferver le droit des coHateurs & des pa-
trons. Quelques-uns ont voulu révoquer en
doute l'authenticité de cette pièce , fous
prétexte qu'elle n a commencé à erre citée
que dans le xvj fiecle ; mais elle paroît cer-
taine , & en effet elle a été comprife au
nombre des ordonnances de S. Louis dans
le recueil des ordonnaiicesde l.i tro'ificme race,
qui s'imprime au Louvre par ordre d\i roi.
Quelque temps api es faint Louis , on fe
plaignit en Fran.e des expectatives & des
mand )ts ; le célèbre Durant , évéque de
Mende , les mie au nombre des chofes
qu'il y avoic lieu de rétbimer dans le con-
cile général : cependdnc celui qui tue afl;m-
E X P ^o^
blé à Vienne en i i,\\ , n'eut aucun
c'giid à cette rtmontiaiicc , £: h s papes
continuèrent de difpofer des bénéfices ,
comme ils faifoient auparavant.
L'autorité des faufils dtcrétales , qui
s'accrut beaucoup fous Clément V &
Boniiace VIII , contribua encore a mul-
tipHer les grâces expictatives.
Mais dans le temps que les mandats &
les réferves étoient ainfi en ufage , les papes
en accordoienr ordinairement à ceux qui
éroient dans les univerfités. Boniface
VIII conféra fouvent des bénéfices aux
gens de lettre , ou leur accorda des expec-
tatives pour en obtenir.
L'univeififé de Paris envoya elle-même
en 1343 au pape CL'ment VI , la lifte de
ceux de fes membres auxquels elle fou-
haitoit que le pape accordât de ces grâces.
Pendant le fchifme qui partagea l'églife
depuis la mort de Grégoire XI , les Fran-
çois s'étantfouftralt à l'autorité des papes,
de l'une & de l'autre obédience , firent
pUifieurs régit mens contre les réièrves ,
les expeâatlves &i les mandats apoftoliques.
Il y a entr'autres des lettres de Char-
les VI , données à Paris le 7 mai 1399 ,
qui portent qu'en conféquence de la fouf-
traftion de la France à l'obédience de
Benoît XIII , on pourvoiroir par éleftion
aux bénéfices électifs ; & que les ordinai-
res conféreroient ceux qui étoient de leur
collation , fans avoir égard aux grâces
expectatives données par Clément VII,
& par Benoît XIII , & par leurs prédé-
cefîeurs.
Mais ces réglemens ne furent eiécutés
que pendant cette féparation , qui ne fut
pas de longue durée ; & Vexpeêtative des
gradués étoit fi farorablemer.t reçue en
France , que l'afiemblée des prélats fran-
ço'S , tenue en 1408 , s'étant fouftraiteà
l'obédience des ceux papes , ordonna en
même temps que 'on conféreroic des bé-
néfices à ceux qui ét&ient compris dans la
lifte de l'univerfiré.
Le concile tenu à BAleen 1438 , révo-
qua toutes les grâces exp'datiViS , laiftànt
reulemenc au pape la factlré d'ac order,une
lois en fa vie , un mai da- pour un Teul bé-
néfice , dans les églife^ 01 il y a pli > de dix
prébendes ; & deux mandata, dans Its églifes
Cod
E X P
où il y a cinquantes prébendes ou plus. Il
ordonm; auffi de donner la tioilL'me, parcie
des béiiw'fices à desgraduL-s , dodeurs , li-
centit's ou bacheliers dans quelque taculcv'.
C'eft-là l'origine du droit des gradués,
qu'on appelle auffi expctt.itive di-s graduù ,
parce qu'en vertu de leurs grades ils re-
quièrent d'avance le premier bénéfice qui
viendra à vaquer. Voyez, GRADUÉ.
La pragmatique fanâion laite à Bourges
dans la même année , abolit entièrement
Jes grâces expe^atlves , & rétablit les élec-
tions.
Mais par le concordat pafTé entre Léon
X & François I , on renouvella le règle-
ment qui avoit été fait au concile de Bàle ,
-par rapport aux expectalivcs &c mandats
apoftoliques.
Depuis , le Concile de Trente a con-
damné en général toutes fortes de man-
dats apoftoliques dk de lettres expeH^tlves,
même celles qui avoient été accordées aux
cardinaux.
Il ne refte plus en France de grâces ex-
pectatives que par rapport aux gradués ,
aux indultaires , aux brévetaires de joyeux
avènement , de ferment de fidélité , & de
première entrée : il faut néanmoins excep-
ter l'églife d'Elna , autrement de Perpi-
gnan , dans laquelle le pape donne , à des
.chanomes encore vivans , des coadjuteurs ,
fub expeciutione fittura prabefid.i: ; mais
cette églife eft du clergé d'Efpagne , &
ne fe conduit pas lelon les maximes du
royaume.
La difpofition du concile de Trente,
qai abolit nommément les expetiaùvcs ac-
cordées aux cardinaux , jointe à l'abroga-
tion générale, a fait douter fi le concile ne
comprenoit pas les fouverains aufTi-bien
que les cardinaux ; mais les papes & la
congrégation du concile ont déclaré le
contraire en faveur des empereurs d'Alle-
magne, en leur confervant le droit de pré-
fenter à un bénéfice de chaque collateur
de leur dépendance , qui eft ce que l'on
appelle droit de prem'i re prière.
Cet ufage a paflc d' AlL-magne en France
^ansle xvj fiecle, & Henri lil. par des let-
tres-patentes du 9 mars 1577, vérifiées au
grand confeil , mit les brevets de joyeux
E X P
avènement au nombre des droits royaux.
Voyez. Joyeux avènement.
Les brevets de joyeux avènement font
des efpeces de mandats par lefquels le roi
nouvellement parvenu à la couronne ,
ordonne à l'évéque ou au chapitre qui con-
fère les prébendes de l'églife cathédrale ,
de conférer la première dignité ou la pre-
mière prébende de la cathédrale qui va-
quera , à un clerc capable qui eft nommé
par le brevet du roi.
L'induit des offici^jrs du parlement de
Paris efî auffi une efpece de mandat , par
lequel le roi , en vertu du pouvoir qu'il a
reçu du faint fiege , nomme un cl. 'te , of-
fi.ier ordinaire du parlement de Paris , ou
un autre clerc capable , fur la préfencacion
derofficierdu parlement , à un collateur du
royaume, ou à un patron ecc!éfiafli.[ue,
pour qu'il difpofe en fa faveur du premier
bénéfice qui vaquera à fa collation ou à fa
préfentation.
L'ufage des mandats accordés par le
pape aux officiers du parlement de Paris
fur la recommandation des officiers de
cette compagnie , commença dès la fin du
xiij fîecle ; on voit un rôle de ces nomina-
tions dés l'an 1^05. Benoît Xll, Boni-
face IX, J.an XXIII , & Martin V don-
nèrent aux rois de France des expect.iiives
pour les officiers du parlement : ce droit
fe règle préfentement fuivant les bulles de
Paul III & de Clément IX. V. In'DULT.
Les brévetaires de ferment de fidélité ,
dont le droit a été établi par une décla-
ration du dernier avril 1599 > vérifiée
au grand conled , font encore des expec-
rans ; le brevet de ferment de fidélité
étant de même une efpece de mandat ou
grâce cxpect.itive , par lequel le roi or-
donne au nouvel évéque , après qu'il lui
a prêté ferment de fidélité , de conférer
la première prébende de l'églife cathédrale
â fa collation, qui vaquera par mort,
au clerc capable d'en être pourvu , qui efl
nommé par le brevet. Voyez. SERMENT
DE Fidélité.
Enfin nos rois font en pofTeffion imm^
moriale de conférer p.ir forme d'expeâ.itive
une prébende, après leur première année
dans les èglifes dont ils font chanoines. Le
parlement confirme ce droit, comme étant
E XP
fondé fur les traités particuliers ou fur des
ufages tort anciens.
Quelques évèques jouiffent d'un droit
femblableà leur avènement à i'épifcopat ,
notamment Tévéque de Poitiers.
Sur les grâces expectatives on peut voir
RebLifîe,p)-^.v. ber.ef.f.nt. I,de expcct.itivo;
Franc. Marc, totne l, quift. iioo & ii86,-
Chopin de f/icr. l'ib. I , tir. iij , «. 18; les
truite'sf.'iits par Joa. Sraphileus , Ludovic.
Gomelius & Joan. Nie. Gimonteus, Foy.
aulfi les mem. du Cierge , première e'dit.
tome II, pdrt. Il , tit. xj , les loix ecclef. de
d'Héricourt, p,z??. / , ebap. -viij & fiiiv. le
reci'.:-il de jurifpr. ran. au mot Expert. {A)
EXPECTORANT , adj. ( Aîcd. The-
r.ip. ) on dcfigne par cette tpithere les re-
mèdes ou m-'dicamens propres à faciliter,
procurer , rétablir l'expedoration ordinai-
re , ou la toux , qui eft Texpedoration
violente. T. EXPECTORATION , Toux.
Les exp. àoruiis peuvent être regardés
par conféquent comme des purgatifs de la
poitrine, qui fervent à préparer les hu-
meurs, dont l'excrétion doit fe faire dans
les voies de l'air pulmonaire ; qui rendent
ces humeurs ( attachées aux parois de ces
cavités , ou répandues dans les cellules ,
dans les ra.mifications des bronches) ful-
ceptibles d'être évacuées , jetées hors des
poumons par le moyen de l'expedoration ;
qui excitent , qui mettent en jeu les or-
ganes propres à cette fonftion.
Pour aue les matières excrémentielles
ou morbifiques , qui doivent être évacuées
par les vaifl'eaux aériens , foient fufcepti-
b!es de fortir aifément de", conduits excré-
toires, ou des cavités cellulaires bronchi-
ques dan»: lefqiielles en les conçoit extrava-
: fées , elles doivent avoir une ronni'ance
! convenable : loifqu'elles font troD épaifTes ,
trop vifqueufes , elles foi tent d fficilement
des canaux , qu'elle^ engorgt nt avant leur
excrétion ; ou , lorfqu'tlles en font for-
ties , qu'elles font répandues dans les
cellules & dans les ramifications des
bronches , qu'elles fort adhérentes aux pa-
rois de ces vaiffeaux aériens delà trachée-
artère ménie , elle réfift^-nt à être enle-
vées par l'impulfion de l'air dans les efforts
de l'expcâoratioii , & même de la toux :
il fcft donc nëcefTaire d'employer des
EXP êoy
moyens qui donnent à ces humeurs la flui-
dité qui leur manque, en lesdélayant, en
les atténuant au point de rendre leur ex-
crétion ou leur expulfion faciles.
On peut remplir ces indications par des
médJcamens appropriés , employés fous
différentes formes , comme celle de bouil-
lons , d'apozemes , de tifannes , de juleps :
mais comme aucun des remèdes ainfi com-
pofés , n'eft fufceptible d'être porté im-
m.édiatement dans les vaiffeaux aériens des
poumons , & qu'ils ne produifent leurs
effets qu'en agiffànt comme tous les alté-
rans , c'eff-à-dire , en tant qu'ils font por-
tés dans la maffe des hu;Tieurs , & qu'ils en
changent les qualités , on ne peut regarder
ces remèdes comme expeclorans propre-
ment dits ; on ne doit donner exaftement
ce nom qu'à ceux qui , étant retenus dans
la bouche , dans le gofier , tels que les
loochs , les tablettes , peuvent par leurs
exhalaifons fournir à l'air ( qui paffe par
ces cavités avant d'entrer dans les pou-
mons ) des particules dont il fe charge ,
& qu'il porte immédiatement dans les
cavités de ce vifcere , oi!i elles agiffent par
leurs différentes qualités fur les parois de
ces cavités, ou furies matières qui y fonC
extravafées : les vapeurs humides , émol-
lienres , réfolutivcs ou irritantes , portées
dans les poumons , avec l'air infpiré ,
agiffent à-peu-près de la même manière
pour favoi-ifer l'expeéloration.
Les autres remèdes que l'on emploie
comme expecioraiis , en les faifant parvenir
aux poum.ons par les voies du chyle , ne
doivent être regardés comm.e purgatifs de
ce vifcere , que comme la décoélion de
tabac , la teinture de coloquinte ( qui pur-
gent quoique feulement appliqués exté-
rieurement ) , font placées parmi les pur-
gatifs de? inteffins ; on ne peut rendre rai-
fon de l'opéi arion des remèdes qui ne fer-
vent à l'expeûoraiion , qu'après avoir été
mêlés auparavant dans la maffe des hu-
meurs, qu'en leur fuppofanf une propriété
fpcLifique , unearalogie qui les rend fuf-
cepiiKles de déve'opptr leur aflion dans les
glandes eu les cavités bronchiques, que dans
les autres parties du corps ( vcy. MiiDICA-
MENT ) ; à moins que l'on ne dife ques
les humeurs , qui doivent faire la matière
^o8 E X P
de rexpeâoration , ne font que participer
aux changeraens que les remèdes , dont il
s'agit , ont opéré dans toute la maHedes
fluides : mais la plupart des remeJcs em-
ployés comme expdtorans , produifent des
effets trop prompts , pour que l'on puiffe
les attribuer ainii à une opération générale.
On ne doit pas confondre , ainli qu'on
le fait fouvent , ks remèdes b/ch'njues-àvec
les cxpccîorant , attendu que ceux-là lont
particulièrement deftinés à calmer l'irrita-
tion , qui caufe la toux , lorfqu'elle eft
trop violente ; qu'elle n'eft pas néceflTaire
pour favorifer l'évacuation des matières
excrémentitielies ou morbifiques des pou-
mons ; & qu'elle ne confifte qu'en eftbrts
inutiles & très-fatiguans , occafionnéspar
cette irritation exceflive. Les béchiques
qui font indiqués dans ce cas , ne font
pas employés pour procurer l'expeûora-
tion , mais au contraire pour corriger le
vice qui excite mal à propos le jeu de
cette fonflion , puifqu'il l'excite fans l'efFot
pour lequel elle doit être exercée. Les bé-
chiques, en général, agiffcnt en incraffant ,
en émouflant les humeurs trop atténuées,
& dont l'acfimonie piquante irrite la tu-
nique nerveufc qui tapifle les voix de l'air
dans les poumons ; au lieu que les expec-
torais produifent leurs effets en incifant ,
en divifant les mucofirés pulmonaires , en
irritant les vaiffeaux qui en font l'excré-
tion , les organes qui en opèrent l'expui-
fion : ils font même quelquefois employés
à cette dernière fin , de manière à agir
feulement aux environs de la glotte , dont
lafenflbilité met en jeu tous les inftrumens
de l'expcdorationlaborieufc, c'eft- à-dire,
de la toux ; dans ce cas on peut comparer
les expeiiorans aux fuppcfitoires : Hippo-
crate connoifloit l'ufage de cette efpece de
remèdes propres à procurer l'évacuation
des matières morbihques contenues dans
les poumons. Dans le cas d'abcès de ce
vifcere , il conf illoit , lorfque le temps
critique approchoit , c'eft-à-dire, lorfque
la fuppur.ition éroit achevée , d'employer
du vin , du vinaigre mêlé avec du poivre ,
des liqueurs âcrtis en gargarifmes , des
errhins & autres iHmulans propres à vui-
der l'abcès , & à jn chafl^jr la matière hors
jjes poumons par l'exp^cloration,
£ X P
Comme il y a des maladies bien diffé-
rentes entrellcs , qui exigent l'ufage des
exp:clorans , les diftérens médicameiis que
l'on emploie fous ce nom, ont des qualités
plus ou moins adives ; on doit par confé-
quent les choifir d'après les différences in-
dications. Les maladies aiguës ou chroni-
ques , avec fièvre , telles que la peripneu-
monie , la phihilie , ne comportent que
les plus doux , ceux qui produifent leurs
effets fans agiter , fans échauffer , comme
les décoclions de racine de régliffc , de
feuilles de bourrache , le fuc de celles-ci ,
les infufions de fleurs ou fureau ; les po-
tions huileufes avec les huiles d'amandes
douces, de lin , récentes; les din'oîutions
de manne , de miel , de fucre dans les
décodions ou infufions précédentes ; de
blanc de baleine récent dans les bouillons
gras , dans les huiles fufdites , &c.
Les forts apéritifs , prc près à incifer , i
brifer la vifcofité des humeurs muqueufes,
tels que font les apozemes , les tifaniies de
racines apéiitives , des bois fudorifiques ;
les d'.fférentes préparations de foufre ,
d'antimoine , diaphorétiques , ô'c. con-
viennent aux maladies chroniques , fans
fièvre, comme le catarrhe, l'afihme : on
trouvera fous les noms de ces différentes
maladies , une énuméracion plus détaillée
des médicamens indiqués pour chacune
d entr'elles , les différentes formes fous
lefquelles on les emploie , & les précau.
tions qu'exigent leurufage dans les diffé-
rens cas. On ne peut établir ici aucune
règle gé.iérale , amCi T. Toux,PeriP-
NEUMONIE , PhTHISIE , RhUME ,
Catarrhe , Asthme , & autres nula-
d'ies qn'iov.t rapport ."î dlles-cl. { d)
EXPECTORATION , f. i\expccler.t:io
( Medcc. ) ce terme el^ compofé de U
prépofition ex , de , & du fubflantif pttT«/,
poitrine ; ainfi il eft employé pour expri-
mer la fonélion par laquelle L'S matières
excrémentitielies des voies de l'air , dans
les poumons , en font chaffJes & portées
dans la bouche , ou tout d'un trait hors
du corps , en traverfant cette dernière
cavité ; c'eft la purgation de lapoitrine-&
des parties qui en dépendent , dans l'état
de fanté & dans celui d'j maladie.
Comme cette purgation fe fait p.ir le
hautf
E X P
hifttt , elle a été mife par les anciens au
nombre des évacuations du genre de Wdia-
catbarfe ; Hippocrate lui a même Ipûcia-
lement donne ce nom ( 5. apbor. 8. )
iiiu<t eafiTiç , purgiit'io fer [put. t.
L'expcctoraiiûii efl donc une forte d'ex-
pullion de la matière des crachats tirés
des cavités pulmonaires , dont rifî'ue efl
dans legoljer ; c'eft une efpece de crache-
ment , (bit qu'il fe fade vo'oiitairement ,
foie qu'il le fafTe involontairement par l'ef-
t^t de la toux : mais tout crachement n'elî
pas une cxpedurAiion. (''oyez. Ckachat ,
Toux.
L'éjection de la falive , qui ne doit
point avoir lieu dans l'économie animale
tien réglée , ne peut aulTi être regardée
comme un expectoration ; cette dénomi-
nation-ci ne convient abfolument qu'à
l'évacuation des humeurs muqueufes def-
tmées à lubrifier tou:es les parties de la
poitrine expofées aurontaâdel'air refpiré;
LTquelles humeurs étant dénature à per-
dre la Huidité avec laquelle elles fe fépa-
r ?iit & à s'épaifTir de manière quelles ne
peuvent pas être abforbées & portées dans
la maiî'e des fluides , s'accumulent & fura-
èondent au point qu'elles fatiguent les
canaux qui les contiennent , ou par leur
volume , en empêchant le libre cours
■de l'air dans fos vailT^aux , ou par leur
acrimonie , etÎLt du féjour& de la cha-
leur animale , en irritant les membranes
<]ui tapiflent les voies de Tair. Ces diffé-
rantes caufes font autant de ftimulus , qui
excitent la puiffance motrice à mettre
fn jeu les organes propres à opérer l'^.v-
peitorjtio/! ; de forte qu'il en eft de cette
matière excrémentitielle , comme de la
mucofité des narines , de la morve : cette
mucofité feléparant continuellement dans
les organes fecrétoires de la membrane
P'.tuifaire , pouria défendre aulfi du contact
de l'air, eft continuellement renouvelée;
parconféquent il y en a de furabondante ,
qui doit être évacuée par l'écernuement
ou par Tafiion de fe moucher, roycz.
Morve, Ethunusment, Moucher.
Il eft donc très-naturel qu'il excite dans
l'économie animale , un moyen de jetter
hors du corps les humeurs lubrifiantes ,
quifurabondent dans les voies de l'air,
Tome :ŒI.
E X P 60g
plus ou moins , félon le tempérament
lec ou humide; ce moyen eft Vexpeiloration .
airdi il n'y a que l'excès ou le défaut qui
fafienc des léfions dans cette fondion ,
qui eft très-néccfTairc par elle-même dans
l'état de fanté , en tant qu'elle s'exerce
d'une manière proportionnée aux befoins
etabis par la conftitution propre à cha-
que individu : cependant il faut convenir
qu'en général ils fe font naturellemenC
très-peu fentir : mais il n'en eft pas de
même dans un grand nombre de maladies ,
fait qu'elles ayent leur fiége dans les pou-
mons , ou que la m.atiere niorbifique y
foit portée , dépoféedc quclqu'autre par-
tie ou de la mafte même des humeurs. Il
arrive très-fouvent que la nature opère
des crifes trcs-falutaires parle moyen de
l'expectoration : les obfervations à ce fujec
ont fourni au divin Hippocrate la matière
d'un grand nombre de pronoftics & de
règles dans la pratique médicinale. F'oycz,
fes œuvres pajjïin.
Le méchanifme de Vexpeiloration s'exercô
donc par l'aâion des organes de la refpira-
tion ; la glotte s'écant fermée pour un
inftant , pendant lequel les mufcles abdo-
minaux fe contradent , fe roidiffent , pref-
fent les vifceres du bas-ventre vers l'en-
droit où ils trouvent moins de réfiftance ,
c'eft alors vers la poitrine où le diaphrag-
me , dans fon état de relâchement , eft
pou fié dans la cavité du thorax ; il y for-
me une vovïte plus convexe , qui prelle
les poumons vers la partie fupérieure de
cette cavité , en même temps que les
mufcles qui fervent a l'expiration abail^
fent fortement & promptement les côtes ;
& par conféquent toutes les parois delà
poitrine s'appliquent fortement contre les
poumons , les compriment en tout fens ,
en expriment l'air qui eft poufte de tou-
tes les cellules bronchiques , de toutes les
bronches mêmes , vers la trachée-artere :
mnis l'orifice de celle-ci fe trouvant fer-
mé , ia direction de l'air , ( miî avec force
félon l'axe de toutes les voies aériennes )
change par la rélîftance qu'il trouve à
forcir ; il fe porte obliquement contre les
parois ; il leur fait efTuyer une forte de
trottcment qui ébranle , qui emporte ce
qui eft appliqué co.^^re ces parois , avec
H h h h •
^lo EXP
une adh^fion fufceptible de céder aifé-
ment; qui enrraîne par conféquent la mu-
cofit^ furabondante. Dans le mcmeinfiant
que l'effort a enlevé ainlî quelque portion
de cette humeur , la glotte , vers laquelle
cette matière eft portée , s'ouvre avec
promptitude pour la laiÏÏer pafl'er , fans
interrompre le courant d'air qui l'emporte
delà trachée- artère dans la bouche , &
quelquefois tout d'un trait hors de cette
dernière cavité , par conféquent hors du
corps : ce dernier effet a lieu , lorfque la
matière dont fe fait l'cxpulfion eft d'un
petit volume ( mais aflez pefante par fa
denfité , d'où elle a plus de mobilité ) ,
qu'elle ie trouve fituée par des efforts
précédens près de l'ouverture de la tra-
chée-artere , c'eft-à-dire ,dansce canal mê-
me ou dans les troncs des bronches. Dans
le cas , au contraire , où la matière ex-
crémenteu'e fe trouve fituée dans les
cellules ou dans les plus petites ramifica-
tions bronchiques , c'eft-à-dire , dans le
fond des cavités aériennes des poumons ,
il faut fouvent plus d'un effort expefîorant
pour l'en tirer ; il faut qu'elle foit ébranlée
& élevée par fecouffes , avant d'être â
portée d'être jettée hors des poumons :
of» peut cependant concevoir aulU un
moyen par lequel elle peut être tirée &
expulfée d'un feuî trait , même de l'extré-
mité des bronches , fi l'on fe repréfente
que l'air comprimé avec force & fubite-
ment par les organes expiratoires , font
comme s'il étoit fucé , pompé des plus peti-
tes ramifications & des cellules qui les ter-
minent ; d'où il doit fe faire , que les ma-
tières qui en font environnées , foient en-
traînées avec lui , & fuivent l'impétuofité
du torrent qu'il forme , dont le cours ne fe
termine que dans ia bouche ou dans l'air
extérieur.
Vexfeilorat'mi , pour être naturelle , c'efî-
â- dire , conforme à cequi fe doit faire dans
l'état de fanté , doit être libre & lé faire
fans effort ; elle diffère par conféquent de
la toux, qui eft une expulfion forcée (ex-
citée indépendamment de la volonté , opé-
rée par des efforts convulfifs , ) des ma-
tières étrangères ou excrémenteufes ou mor-
bifiques , contenues dans les vaifîeaux aé-
riens des poumons ; c'eft uoc exçe^orat'ion
EXP
lahor'ietife & ( comme on dit dans les éco^
les mais improprement ) contre n.'tiire ,
puifqu'elle eft alors un véritable effort ,
que la nature même opère pour produire
un effet falutaire , qui eft la purgation des
poumons .- il en eft comme des tranchées ,
oui difpofent à l'excrétion des matières
fécales. L'on doit même fouvent regarder
la toux , par rapport à l'évacuation , comme
un rénefme de la poirriiie , en tant que les
mou vemens violens en quoi confif^e la toux ,
ne font que des efforts lans effet , c'eft-
à-dire , qui tendent feulement à expulfer
quelque chofe des poumons , fans qu'il fe
tafte aucune autre e:<pulfion réelle que
celle de l'air. La toux peut auffi être regar-
dée comme une préparation à W'xpcctora'
t'ion : on peut dire que lesfecoiffl^s qu'elle
opère fervent à donner de la fluioité aux
matières qui engorgent les glandes bron-
chiques ; qu'elle facilite & procure l'ex-
crétion de ces matières hors des vaiffeaux
qui compofent ces glandes ; & qu'elle en-
levé enfin ces excrémens , & les jette hors-
du corps. Par cesconfidérationsne doit-oa
pas regarder la toux comme le plus puif-
fant de tous les remèdes expeftorans >
Voyez, Toux, Expectorant , Béchi-
QUE , Asthme , Péripneumonie ,
Phthisie. ( d )
EXPEDIENT, f. m.iJurifprud. ) e»
jlyle de palais , fignifie un arrangement fait
pour l'expédition d'une affaire. Ce terme
vient 'ou de celui d'expe^dier , ou du latin
expe'dicns , qui fignifie ce qui eft à propos &
convenable.
Il y a deux fortes à'expediens : l'un , qui
eft un accord volontaire figné des parties
ou de leurs procureurs ; l'autre , qui eft
l'appointementou arrangement fait par un
ancien avocat ou un procureur , devant
lequel les parties fe font retirées en con-
féquence deladifiofition de l'ordonnance,
qui veut que l'on en ufe ainfi dans cer-
taines matières , ou en conf'quencC'
d'un jugement qui a renvoyé les parties
devant cet avocat ou procureur pour en
paftcrpar fon avis.
Cet accord ou avis eft qualifié par les
ordonnances d'expédient ; c'eft une voie
ufitéc pour les affaires légères.
L'origine de cet ufage parolt venir d'ua
E X P
réglementdu parlement, du 24 janv. 173 Ç ,
qui enioignoic aux procureurs d'avifer ou
faire avifcr par cunfeil , dans quinzaine ,
fî l'aft'airc elt ioutenable ou non , & au
dernier cas de pafîer l'appointcment ou
expédient.
L'ordonnance de 1667 > "'• '^j- contient
plufieurs dirpoluions au fujet des marieres
qui fe vu'ident far expédient ; c'eft le terme
de palais.
■ Elle veut que les appellations de dt'ni , de
renvoi & d'incompétence l'oient inceifam-
mentvuidées par lavis des avocats & pro-
cureurs-géne'raux', &: les folles intimations
& uJiertions d'appel , par l'avis d'un an-
cien avocat , dont les avocats ou les pro-
cureurs conviendront ; que ceux qui luc-
comberont feront condamnés aux dépens ,
oui ne pourront être modérés , mais qu'ils
feronc taxés par les procureurs des parties
fur un fimp'.e mémoire.
Dans les caufes qui fe vuident par expé-
dient , la prcfence de procureur n'efl point
néceffaire lorfque les avocats font chargés
des pièces.
Les qualités doivent être fignifiées avant
que d'aller à \\'xpe''dtei!t , & les prononcia-
tions rédigées & lignées aulii- tôt qu'elles
auront été arrêtées.
En cas de refus de figner par l'avocat
de l'une des parties , l'appointement ou
expe'diitit .■ioicécre reçu , pourvu qu'il foit
figné de l'avocar de l'autre partie & du
tiers , fans qu'il foie befoin de fommation
ni autre prcduérion.
Les appointemens ou expc'dicns fur les
appellations qui ont été vuidées par l'avis
d'un ancien avocat , ou par celui des avo-
cats & procureurs-généraux , font pronon-
cés & reçus à l'audience fur la première
fommation, s'il n'y a caufe légitime pour
l'empêcher.
Au châielet , & dans plufieurs autres
tribunaux, lorfqu'on demande à l'audience
la réception de ces fortes d'accords &
arrangemens , on les qualifie d'expcdicus \
au parlement on les qualifie à'appoifiteweus.
Voy. Dispositif 6- Ai'POintement.
i^oy. auflî Imbcrt en fa pratique , liv. II ,
chup. ij , & les notes de Guenois , fur le
chapitre xiij , où ;1 remarque que les cxpé-
Àiens, pris entre les procureurs, ne f euvcnc
E X P 61 1
( être retracés par les parties , & ne font
fujets à défaveu à moins qu'il n'y ait du
dol. yoyezj M'.jji Bovn'ier fur le lit. vj. de
r ordonnance de 16 5y , art. 4. & fuiv.
EXPÉDIER , V. zQi. {Jurifpr._ ) ligni-
fie délivrer une groH'e , expédition , ou
copie collationnée d'un a(!îl:e public &i au-
thentique. On expJdie en la chancellerie
de Rome des bulles & provifions , de
même qu'en la grande & en la petite
chancellerie on cxp/die diverfes lettres &
commiiïïons. Les greffiers expédient des
grolfes , expéditions , & copies des arrêts,
l'entences , & autres jugemens. Les com-
miffaires , notaires , huiiTiers $ expe'dient
chacun en droit foit les procès -verbaux &
autres aéles qui font de leur minifîere.
yoyez. Expédition. {A)
Expédier, faire mie cbofe avec dili^
gcv.ce. On expédia des affaires , quand on
les termine promptement : on expédie des
pîrfonnes , qnand on traite avec elles
diligemment des aftiires qu'on a avec
elles.
Expédier, fignifier quelquefois /<»/r^
partir des m.ircliand'fes. On dit en ce fens
expédier un voiturier , un vaifleau , un
ba'ot pour quelque ville. Di^ionn.de Com-
merce.
EXPÉDITEURS , f. m. ( Commerce. )
On nomme ainfi à AmIIerdam une forte
de commifflonnaires , à qui les marchands
qui font le commerce par terre avec les
pays étrangers , comme l'Italie , le Piê-
moit , Genève , la Suiffe , & plufieurs
villes d'Allemagne , ont coutume de s'a-
drefilr pour y faire voiturer leurs mar-
chandifes.
Les expé'ditetirs ont des voituriers qui ne
charrient que pour eux d'un lieu à un autre,
& une correfpondance réglée avec d'au-
tres expe'diteurs qui demeurent dans les
villes par où les marchandifes doivent
pafler , qui ont foin de les faire voiturer
plus loin , & ainfi fucccffivement jufqu'au
lieu de leur defiinatiûn.
Lorfqu'un marchand a difpofc fa mar-
chandife , il l'envoie chez fon expéditeur
avec un ordre , fi^-né de fa main , conte-
nant à qui & où il doit l'envoyer. Les
f.vp/(//r«<n la font conduire par leurs gens ,
Hhhh i
6i% E X P
ont foin d'en faire la déclaration dans la
dernière place de la domination des Hollan-
dois ; & quelque temps après ils donnent
au marchand un compte des frais de
forrie & de voiture , à quoi ils ajoutent
un droit de commiffion plus ou moins
fort, fuivant l'éloignement des lieux. Ce
droit efl ordinairement d'une demi-riche-
dale , ou vingt-cinq fous par fcliifpont de
goo livres , lorfque les marchandifes font
pour Cologne , Francfort , Nuremberg ,
Leipfick , Breflaw , Brunfwick , & autres
places à - peu - prés également diftantes
d'Amflerdam ; pour celles qui font plus
éloignées , on en augmente la commiflion
à proportion.
C'eft auffi à ces expéditeurs , que s'adref-
fent les négocians d'Amflerdam lorfqu'ils
attendent des marchandifes de leurs cor-
i^fpondans étrangers , & qu'elles leur doi-
vent venir par terre. Alors en leur en
donnant une note , ces expe^ditcurs ont
foin d'en faire les déclarations , & d'en
payer les droits d'entrée , ce qui épargne
bien des lettres , des démarches & du temps
aux commerçans. Dutlonn. de Coin. Trév.
& Cbambers.
EXPEDITION ROMAINE , ( mft. )
Autrefois , lorfque les éleàeursavo:enté!u
un empereur , il étoit tenu , après avoir
reçu la couronne impériale en Allemagne,
d'aller encore fe faire couronner à Rome
des mains du pape , & les états de l'empire
lui accordoient des fubfides pour ce voyage ,
qu'on appelloit expé'd/tio roiuaua ; les em-
pereurs étoient par-là cenfés aller prendre
pofTeffion de la ville de Rome : mais depuis
Charles-Quint , aucun empereur ne s'eft
fournis à cette inutile cérémonie, l'^oyez,
i'rfrr. Empereur (i~ Mois ROM AiNs.(-)
Expédition d'un Acte, iJurifpr.)
fe prend quelquefois pour la rédadion qui
en eu faite ; quelquefois pour la grofle ,
ou autre copie qui efl tirée fur la minute.
Les greffiers & notaires diliinguent la grofTe
d'une fimple expe'dition ; la grofTe tl\ en
forme exécutoire; Vexpeàit'ion eft de même
tirée fur la minute , mais elle a de moins
la forme exécutoire. On difîingue \'expcd'i~
tion qui efi tirée fur la minute > de celle
qui eft faite fur la grofîe. La première
fait une foi plus pleine du contenu en
E X P
la minute : l'antre ne fait foi que du coi>î
tenu en la grofTe , & n'efl propremenc
qu'une copie collationnée fur la grofle.
On peut lever plufîeurs expéditions d'un
même aâe , foit pour la même perfonne ,
ou pour les différentes parties qui en ont
befoin.
Il y a eu un temps où l'on faifoit une
différence entre une copie collanonnée â
la mmute , d'avec une cxpeai ioii tirée fur
la minute ; parce que les expe'ditious pro-
prement dites , fe taifoient fur un papier
différent de celui qui fervoit aux copies
collaiionnées. Mais depuis que les notaires
font obligés de fe fervir du même papier
pour tous leurs acies , lexpe'.ti:ion Ûc la
copie tirée fur la minute font la même
chofe.
Dans les pays où il n'y a point de grofTe
en forme , la première exp/dition en tient
lieu ; &c dans ces mêmes pays , il faut rap-
porter la première f.vpc(f///o« pour étrecol-
loquée dans un ordre : comme ailleurs il
faut rapporter la grofTe. On diftingue en
ce cas la première expédition de la féconde,
ou autres fubféquentïs.
Expédition de cour de Rome,
t;o>Yi^/-<?|7îtiEXPÉDITIONN AIRES. (.•/)
Expédition , f. f. ( Art. miiit. ) ell la
marche que fait une armée pour aller vers
quelque lieu éloigné commettre des hufli-
htés. {QJ
Expédition maritime ,(Afar;nc.)
fe dit d'une campagne des vaifT^aux de
guerre ou marchands , foit pour quelque--
entreprife , foit pour !e commerce , Ibit
pour des découvertes. (Z)
Expédition /( Covim.) s'entend fou-
vent chez les marchands , & fur-tout chez
les banquiers , des lettres qu'ils écrivent
chaque ordinaire à leurs correfpondans»
D'autresfe ferventdumot dépêches. Voyez.
DÉPÊCHES. Dia. de Connu.
E'K\}ÉDniOU, {Ecriture.) on emploie ce
terme pour exprimer le liyle le plus vif de
l'écriture. Il y a cinq fortes d'expéditions ; la
ronde grofle de procureur, ou la minute des
procédures ou d'affaires ; la coulée panchée ,
liée de piéen tête , généralement fuivie de
tout le monde ; la coulée , mêlée de ■ onde ,
£c la bâtarde liée entête feulement, f'oy. Ut-
E X P
pl/tr.ches i où vous trouverez des modèles
de tontes ces fortes d'écriture.
EXPEDITIONNAIRES DE
COUR DE ROME ET DES LÉGA-
TIONS , ( Jurifpr. ) font des officiers
e'tablis en Franc<- pour folliciter en cour de
Rome , exclufivcment à toutes autres
peribnnes , par l'cntremife de leurs cor-
rcfpondans , toutes les bulles , refcrirs ,
provilîons , flgnatures , difpcnfes , & autres
ades , pour lefquels leségiifes, chapitres ,
communautés , bénéficiers , & autres per-
fonnes , peuvent fe pouvoir à Rome ; foit
que ces aûes s'expédient par conlifloire ou
par voie fecrette , en la chambre apofîoli-
que, en la chancellerie romaine, &: en
Ja daterie qui en dépend , ou en la péri-
tenceiie , qui eft auilî un des offices de la
cour de Rome.
Ils ont aulii le droit exclufif de follici-
ter les mêmes expéditions dans la légation
d'Avignon , & autres légations qui peu-
vent être faites en France.
On les appelloit autrefois hanqn'ers full'-
chcurs de cour de Ron:e; on les a depuis
appelés b.ii'.çuicrs-expeditionnaites de cour de
Rome& des Ic'gatioiis. La déclaration du 30
janvier 1675, leur a donné le titre de tu;/-
feillers du roi. On les appelle quelquefois
pour abréger, fimplement bur.qaiers en cour
de Ru me.
On diftingue , par rapport à eux , trois
temp^ ou érats difiérens ; favoir , celui qui a
précédé l'éditde i ) 50 , appelle Vedit des pe-
tites dates ; celui qui a fuivi cet édir, iufqu'à
celui du mois de mars 1673 , par lequel ils
ont été établis en titre d'office; & le troi-
fieme temps eil celui qui a fuivi cet édit.
D'abord pour ce qui eft du premier
temps , c'eft- à dire , celui quia précédé
l'édit de 1 550 , il faut obferver que tandis
que les Rouiàins écoient maîtres des Gau-
les, il n'y avcit de correfpondance à Rome
pour les affaires eccléuaftiques ou tempo-
relles , que par le moyen des argentiers ou
banquiers , appelés i^rger.taru , >:!ir}:niula-
ïii , & îrupcz.!tii.
La tonétion de ces argentiers ayant fini
avec l'empire romain , des marchands d'I-
talie , trafiquant en France , leur fuccéde-
rentpour la correfpondance à Rome.
ilais ce ne fut qus vers le douzième
E X P ^13
fiecle , que les papes commencéf ent à ufcr
du droit qu'ils ont préfentement dans la
collation des bénéfices de France.
Les marchands Italiens trafiquant en
France , & qui avoient des correl'pondan-
ces à Rome , étoient appelés Lombards ,
ou Caoriins , ou Caourfins , Ciorfini ,
Cutitrcini , Ctrrafsni & Corjini.
Quejques-uns prétendent qu'ils furent
nommés Caorfins , parce qu'ils vinrent s'é-
tablir â Cahors ville de Quercy, où étoit
né le pape Jean XXII qui occupoit le lîege
à Avignon depuis ijiéjufqu'en 13:54 : mais
ce furnom de Caerfius étoit plus ancien ,
puifque S. Louis fit une ordonnance en
1260 , pour chafTer de fej états tous Caor-
fins & Lombards , à caufe desufures énor-
mes qu'ils conimcttoitnt.
D'autres croient que ce fut une famille
de Florence appelée C.iorfina , qui lui
donna ce nom.
Mais il ell plus probable que ces Caour-
fins étoient de Caours, ville de Piémont ,
& que l'on a pu quelquefois appeler de ce
nom fingulier tous les Italiens & les Lom-
bards qui faifcient commerce en France.
En effet on les appeloit p'us communé-
ment Lombards, ItaUensySa Vitramentains.
Du temps des guerres civiles d'Italie ,
les Guelphes qui fe retirèrent à Avignon &
dans le pays d'obédience , étant tavorifés
des papes dont ils avoient fbutenu le parti ,
fe mêlèrent de fa-re obtenir les grâces &
expéditions de cour de Rome ; on les
appila mercatores & fcanhlatorcs dcmirii
pdp.t , com.me le témoigne Matthieu Paris,
lequel vivoit vers le n^'ïm du treizième
fiecle : ce tut- là Vfhuie des banquiers-'
expéditionnaires de ci,.9de Rome , qui fu-
rent depuis appelés ir.flltorcs btillarum &
negotiorum imperii romani.
Dans ce premier temps , ceux qui fe
méloient en France de faire obtenir les
grâces & expéditions de cour de Rome ,
étoient de fimples banquiers qui n'avoient
aucun caraclere particulier pour folliciter
les expéditions de cour de Rome ; ils n'a-
voient point ferment à jufuce , d'cù il arri-
voit de grands inconvéniens.
Les abus qui fe commcttoient par ces
banquiers & à la daterie de Rome, touchant
la réfignation des bénéfices , étoient por^
6i^ E X P ^
tés à tel point que ie clergé s'en plaignit
haiiremenr.
Ce fut à cette occafion qu'Henri II
donna au mois de Juin 1550, l'e'dit ap-
pela communément (/^jpt'firw .-i.rrfr , parce
qu'il fut fait pour en réprimer l'abus. M.
Charles Dumoulin a fait fur cec édit un fa-
vanc commentaire. Cst édit ordonna entre
autres chofes , que les banquiers tk autres
qui s'encrcmettoient dans le royaum.e des
expéditions qui fe font en cour de Rome
& à la légation , feroient tenus dans un
mois après la publication de cet édit, de
faire ferment pardevant les jug^s ordinaires
du lieu de leur demeure , de bien & loya-
lement exercer ledit état ; & défenfes
furent faites à tous ecc'éfialîiques de s'en-
tremettre de cet état de banquier & expe-
aitionn,tire de cour de Rome , ou légation.
On regarde communément cet édit comme
une loi qui a commencé à former la com-
pagnie des b.xnquiers- expéditionnaires de
cour de Rome.
Ceux qui éîoient ainfi reçus par le juge,
ne prenoient encore alors d'autre titre que
celui de h,tr^quicrs \ & comme ils étoient
immatriculés, on les furnomma dans la
Âiite niatriciilaires , pour les dif^inguer de
ceux qui furent établis quelque temps après
par commiffion du roi , & de ceux qui fu-
ient créés en titre d'office.
Les démêlés qu'Henri II eut avec la
cour de Rome , donnèrent lieu à une dé-
claration du 3 feptembre i^Çi , reg'fîrée
le 7 du m-'me mois , portant défenfes à
toutes perfonnes , banquiers & autres ,
d'envoyer à Ron.eyiucun ccurierpour y
faire tenir or & arfljgt , pour obtenir des
provifions de bénthties , & autres expédi-
tions. Cette défenfe dura environ quinze
mois. Pendant ce temps , le'^évéques don-
fioient des provifions des abbayes de leur
ûiocefe , fur la nomination du roi.
Kenri II donne un autre édit le pre-
mier février 1^53 , qui fut regiftré le 15
du même mois , portant défenfes à toutes
perfonnes de faire rofficede b.taç'iiér- ex^
fe'ditionndire en cour de Rome fans la per-
miilion du roi. C'efc !a première fois que
l'on trouve ces banquiers qualifiés d'c.vp/-
ditiouriiùres en cour de Rome. Au refîe , il
Baroît «^ue cet édit n'eut pas alors d'txécu~
E X P
tion par rapport à la nécefllté d'obtenir la
permiflîon du roi , & que les banquiers
matriculaires reçus par les juges ordinai-
res , continuèrent feuls alors à foiliciter
toutes expéditions en cour de Rome.
Le nombre de ces banquiers matricu-
laires n'étoit fixé par aucun règlement ; il
dépendoit des juges d'en recevoir autant
qu'ils jugeaient à propos , & ces banquiers
étoient tous égaux en foncrion , c'eft-à-
dire , qu'il étoit libre de s'adrefTer à tel
d'entr'eux que l'on vouloit pour quelque
expédition que ce lût.
Au commencement du dix-feptieme
fiecle, quelques perfonnes firent diverfes
tentatives , tendantes à refheindre cette
liberté , & à attribuer à certains banquiers,
exclufivement aux autres, le droit de
foiliciter feuls les expéditions des bénéfices
de nomination royale.
La première de ces tentatives fut faite
en 1607 par Etienne Gueffier , lequel fut
commis & députe à la charge de ban-
quier-foUiciteur , fous l'autorité des am^-
bafîadeurs du roi en la cour de Rome ,
pour expédier lui feul les affaires conlilro-
riales & matières bénéficiales de la nomi-
nation & patronage du roi , fans qu'aucun
autre s'en pût entremettre , & pour jouir
de tous les droits & émolumens qui l'on
a coutume de payer pour telles expédi-
tions.
Les banquiers & folliciteurs d'expédi-
tions de cour de Rome, demeurans tant
es villes de France que rélidans en cour
de Rome , fe pourvurent au confeii du
roi , en révocation du brevet accordé au
ficur Gueffier ; les agens généraux du clergé
de France intervinrent , & fe joignirent
aux banquiers ; & fur le tout il y eut arrêt
du confeii le 22. odobre 1609 , par lequel
le roi permit à tousfes fujets de s'adrcd'er
à tels banquiers & folliciteurs que bon leur
fembicroic , comme il s'éioit pratiq^je
jufqu'alors , nonobilant le brevet du (itur
Guclfier , qui fut révoqué & annullé ; &
le roi enjoignit à fes amhafTadeurs en cour
de Rome , de faire garder en toutes expé-
ditions de France en cour de Rome , l'an-
cienne liberté & règles prefcrites par les
ordonnances.
Il y eut une tentative à-peu-près fembi?-
E X P
ble, faife en i5iî par un (ieivr Efcliinarcl , j
qui obtint un brevet du roi pour être em-
ployé feul , fous l'autorité des ambafladeurs
de France réfidans à Rome , aux expédi-
tions de toutes matières qui fe traiteroient
en cour de Rome pour !e fervice du roi,
avec qualité d'exp/Jiiionn.iire t!ii roi en cour
de Rome , fans néanmoins préjudicier à la
liberté des autres expe'ditioiDhiires , en ce
qui regardoit les expéditions des autres fu-
jets du roi.
Les banquiers & folliciteurs de cour de
Rome de toutes les villes de France & les
agens généraux du clergé , ayant encore
demandé la révocation de ce brevet , il
fut ordonné , par arrêt du confeil du 25
janvier 1617 , qu'il feroit rapporté , & qu'il
feroit libre de s'adrefler à tel banquier
que l'on voudroit pour toutes fortes d'ex-
péditions.
Enfin par un autre arrêt du confeîîdu 30
des mêmes mois & an , il tut défendu
d'exécuter de prétendus flatuts ou régle-
mens , faits par l'ambartadeur de France à
Rome le premier novembre 1614 , de l'au-
torité qu'il difoit avoir du roi. Ce règle-
ment contenoit l'établifTement d'un cer-
tain nombre de banquiers pour la follicita-
tion des expéditions pourfuivies par les fu-
jets du roi , & plufieurs autres chofes con-
traires à la liberté des expéditions & fingu-
liéiement à l'arrêt de 1609 dont l'exécution
fut ordonnée par celui-ci , & en confé-
quence qu'il feroit libre de s'adrefTer à tel
banquier que l'on jugeroit à propos.
L'établiffement des banquiers-expédition-
naires en titre d'office , fut d'abord tenté
par un édit du 21 avril 1633, portant créa-
tion de huitoffices de banquiers expedition-
tiaires en cour de Rome dans la ville de Pa-
ris; de quarreen chacune des villes de Tou-
loufe & de Lyon ; & de trois en chacune
des villes de Bordeaux , d'Aix , de Rouen,
Dijon , Rennes , Grenoble , & Metz. Cet
édit fut publié au fceau le 22 )uin de la
même année : mais fur la requête que les
agens généraux du clergé préfenterent au
roi le 25 du même mois de iuin , il inter-
vint arrêt du confeil le to décembre fui-
vant , par Itquel il fut furfis à l'exécution
de cet édit.
Le nombre des banquiers matriculaires
E X P ^15
s'étant trop multiplié , tant à Paris que
dans les autres villes du royaume , Louis
XII f , par fon édit du mois de novem-
bre 1637, portant règlement pour le con-
trôle des bénéfices , ordonna ( .irt. 2. )
qu'avenant vacation des charges & com-
miflions des banquiers folliciteurs d'expé-
ditions de cour de Rome & de la légation ^
par la démifiion ou le décès de ceux qui
exerçoient alors lefdites charges , en vertu
des commiflîons à eux oélroyées par les
juges royaux , ils feroient éteints & fup-
primés jufqu'à ce qu'ils fufTcnt réduits au
nombre de quarante-fix ; favoir douze en
la ville de Paris, cinq en celle de Lyon ,
quatre à Touloufe & autant à Bordeaux ,
& deux en chacune des villes de Rouen ,
Rennes , Aix, Grenoble , Dijon, Metz ,
& Pau.
Ceux qui exerçoient alors ladite charge
de banquier dans les autres villes , furent
fupprimés.
Défenfes furent faites à tous juges &
officiers royaux de donner dorénavant
aucune commiffion , ni de recevoir au-
cune perfonne à l'exercice de ladite charge
de banquier , à peine de nullité.
Il fut auffi ordonné par le même édit ^
que quand les banquiers des villes dans
Icfquelles on en avoit confervé feroient
rJduits au nombre fpécifié par l'édit , il
feroit pourvu par le roi aux places qui
deviendroient enfuite vacantes , par des
commifTions qui feroient données gra-
tuitement.
Cet édit fut regiflré au grand confeil ,
le 7 feptembre 1638; mais il ne le fut
au parlement que le 2 août 1649, lorf-
qu'on y apporta la déclaration du mois
d'oftobre 1646 , qui y fut régifirée fur
lettres de furannation avec l'édit de 1637,,
pour les articles qui ne font pas révoqués
par la déclaration de i6/{6.
Cette déclaration contient p'ufieurs
difpofitions par rapport aux banquiers en
cour de Rome ; mais elle ne fait point
mention de la légation : ce qui paroîc
n'être qu'un oubli , les réglemens poiîé-
rieurs ayant tous compris la légation aufE
bi;n que la cour de Rome.
h'art. 2 veut q^\c\ei,ba1l]itiers-expé'dition-
naires puifTenc exercer Iturs char£çs , ainfi
6i6
E X P
qu'ils le pou'/oient faire avant l'cdit du con-
trôle , nonobflanc les réglemens portes par
icelui , & conrorirément à ce qui eil con-
tenu en la déclaration.
L'édic du 21 avril 1633, qui avoit le
premier ordonné la création d'un certain
nombre de bunquicrs^cxfe'd'ii'ioruuh-es en
titre d'office , n'ayant point eu d'exé-
cution , on revint fur ce projet en 1655 ;
& il parolt qu'il y eut à ce fujet deux édics ,
tous deux datés du mois de mars de ladite
année.
L'un de ces édits portoit création de
douze offices de bfXnqiilsrs-exf/d'nionn.ùres
de cour de Rome dans la ville de Paris ; cet
édic eft rapporté par de Châles , en fon dic-
tionnaire ; il paroit néanmoins qu'il n'eut
pas lieu ; on ne voit même pas qu'il ait été
enregiîli-é.
L'aurre é.^it , daté du même temps , &
qui fut regiî'rré au parlement le 20 du même
mois, 'portoit création de douze ofr.ces de
hznquicrs roy.v.ix exp/ditionjiaires en cour de
^û;/7« pour tout le royaume, auxquels on
attribua le pouvoir de faire expédier en
cour de Rome les bulles & provifions de
tous les bénéfices qui font à la nomination
du roi , comme archevêchés , évêchés ,
abbayes , prieurés conventuels , dignités ,
pen fions fans caufe ; avec détènfes aux
autres banquiers de fe charger direâemenr
ou indirefiement de l'envoi en cour de
Kome d'aucunes lettres de nomination ,
dérnUîion , prcreffion de foi , procès-
verbaux & autres procès fervant à obte-
nir des provifions & bulles , fur peine de
nul'icé , inrerdiilion de leurs charges , &
4000 liv. d'amende. L'édit déclaroit nulles
toutes les provifions de bénéfices & bul-
les , au dos defquclles le certificat de l'un
de ces douze banquiers ne fe trouveroit
pas appofé , & les b,.'néHces impérrabies ;
avec défenfes aux juges d'y avoir aucun
4?gard , & aux notaires & fcrgens de m.et-
tre les impétrans de ces bulles en pofTef-
iion des bénéfices, à peine d'inrerdiftion
& de nullité defdires pcfTeffions. Enfin
il cLoit enjoint aux fecrétaires des com-
mandemens de fa majefté , d'inférer dans
les brevets & lettres de nomina- ion aux
bénéfices qui s'expédieroient , la c'ajfe
nue les ijjipétrans Içroicnt expédier leurs
E X P
bulles & provifions par l'un des banquiers
créés par cQt édit.
Il y eut encore un autre édit du mois
de janvier 166:^ , portant création de
banquiers- expéditionnaires en cour de Rome
& de lit l/gation ; cet édit e'î rappelle dans
celui du mois de décembre 1689 , dont
on parlera ci-après.
Mais il paroît que toutes ces différen-
tes creaiionsde banquiirs-ixpiditionnaires
en titre d'office , n'eurent pas lieu ; la fonc-
tion de b.inqu'ter- expéditionnaire de cour de
Rome ecoic remplie par des avocats au
parlement , faifant la proiefTion & étant
fur le tableau.
Ce ne fut que depuis l'édit du mois
de mars 1673 > "^"j''' >' '^^ ^'■'^^ "" ^" ^'^f*
d'office ; & c'efl ici que commence ie troi-
fieme temps ou état que l'on a diflingud
par rapport aux b.-.yiquiers-exp/ditionnaires.
Cet édit fut regiihé dans les ditîérens
parlemens.
Le préambule porte entre autres chofes,
que les abus qui fe commettoient jour-
nellement dans les expéditions concer-
nant l'obtention des fignstures , bulles , &
prov fions de bénéfices, &: autres acfes apof-
toliquesqui s'expédioienc pour les fujetb du
roi en la cour de Rome & légation d'Avi-
gnon , étoient montés à tel point , que l'on
avoit vu débiter publiquement pîufieurs
écrits de cour de Rome faux & altérés , &
fort fouvent des difpcnfes de mariage fauf-
fes ; ce qui avoit caufé de grands procès ;
même troublé le repos des confciences , &
renverfé entièrement l'état & la fiireté des
familles : qu'ayant trou\é que ce défor:lre
provenoit de ce que plufiturs particuliers,
i'ous prétexte de matricules obtenues des
juges & offi :iers royaux , même des per-
lonnes fans qualité ni carailere, s'éroienc
ingérés de faire cette fonftion qui s'étend
aux affaires les plus importantes du royau-
n]e , & pour leurs peines , falaires , &
vacations , exigeofent impunément tels
droits que bon leur fembloit ; que pour y
apporter remède , il avoit été créé en titre
d'ofnce , des banquiers- exp/ditiounaircs de
cour de Ennie , par édit du mois de n:ars
1655 , fuivant lequel il devoit y en avoir
dpuze à .Paris ; mais que cet édit n'avoit
pas
E X P
pas hé exécuté , ce nombre n'étant pas
fuffifant.
En confëquence , par cet éà'it de 1673
il fut ctéé, en titre d'office formé & héré-
ditaire , un certain nombre de biinqu'wrs-
expcdiiioiinuirc's de cour de Rome & de la le'-
gittion ; favoir pour Paris vingt ; pour cha-
cune des autres villes où il y a parlement ,
& pour celle de Lyon, quatre, & deux
pour chacune des autres villes où il y a
prélî.iial. L'édit leur donne le droit de fol-
liciter feuls & àrexclufion de tous autres,
&t"aire expédiera leur diligence, parieurs
correfpondans , toutes fortes de relcrirs ,
(îgnatures , bulles & provilions , & gé-
néralement tous ades concernant les béné-
fices & autres matières pour tous les fujets
<Ju roi qui font de Ujurifdiclion fpiritih'lle
de U ccur de Rome & de Lt légation. Cette
reftridion fut mife alors , parce que cet
édit fut donné avant la révocation de celui
de Nantes , temps auquel les reiigionnaires
étoient tolérés dans le royaume.
L'expédition des aScts dont on vient de
parler , eft attribuée aux banquiers-exp/di-
tlonn aires i de quelque qualité que puifîènt
■être ces ades , & de quelque manière
qu'il foit befoin de les expédier , foit en
chambre ( c'ell-à-dire , apoftoHque ) , ou
en chancellerie , par voie fecrette , ou au-
trement.
L'édit défend à tous matriculaires ,
«ommifTionnaires , & autres , de fe char-
ger à l'avenir diredement ou indi-
redement d'aucun envoi en cour de
Rome & en la légation , & de s'entre-
mettre de foiliciter lefdites expéditions à
peine de punition exemplaire ; même à
tous particuliers de fe fervir du miniftere
d'aitres banquiers que ceux qui furent alors
créés, à p-ine de icoo liv. d'amende pour
chaque contravention ,• & tous refcrits &
ades apoifoliques qui auroient été obtenus
après lo 1 î mai fuivant , furent déclarés
tiuls 5 avec défenfes à tous juges d'y avoir
égard , ni de reconnoître d'autres ban-
quiers que ceux créés par cet édit , à
peine de délbbéiflànce.
Ces nouveaux offices furent d'abord
exercés par commilTion , fuivant un arrêt
duconfeildu 29 avril de la même année ,
portant qu'il y feroit commis ea attendant
Tome XIIL
E X P '617
la vente , favoir trois en la ville de Paris ,
deux à Lyon , & deux àTouloufe, en forte
qu'il y avoit alors deux fortes de batiquiers-
expe'ditionnaires ; les uns matriculaires ,
c'eiè-à-dire , qui avoient eu un matricule
du juge; les autres , commifTionnaires qui
avoient une commiffion du roi pour exercer
un des nouveaux offices.
L^n arrêt du confeil du 19 feptembre
1 674 , défendit aux banquiers matriculaires
& commifîionnaires , & autres perfonnes
de la province de Bretagne , de fe charger
d'expéditions pour aucuns bénérices , ou
perfonnes hors de cette province.
Il y eut encore le n novembre fuivant
un arrêt du confeil , qui ordonna l'exécu-
tion de l'édit du mois de mars 1673 , &
de la déclaration du mois d'odobre 1645.
Le nombre des banquiers - expédition-
naires , créés par l'édit du mois de mars
1645, fut réduit par une déclaration du
30 janvier 167$ , à douze pour^Paris,
trois pour chacure des villes de Touîoufe
& de Bordeaux , deux à Rouen , Aix ,
Grenoble , Dijon , JMets & Pau , & qua-
tre à Lyon. Cette même déclaration leur
attribue le titre de confeillers du roi, ban~
qtùers-expe''dition}taiïes de cour de Rome &
de la légation.
L'édit du mois de décembre 1689»
rétablit & créa luiit offices héréditaires
d'expe^ditionnaires de cour de Rome & des
légations dans la ville de Paris , un à Tou-
îoufe , deux à Rouen , Metz, Grenoble ,
Aix , Dijon , & Pau , pour faire , avec les
anciens établis dans lefdites villes , un i'cu!
& même corps dans chacune des villes
de leur établifîemcnc , aux mêmes hon-
neurs , privilèges, prérogatives , droits
de comiiiittimus , Iranc-falédont jouiifoient
les anciù-ns , & à eux attribués par l'édit
de création du mois de janvier 1663 , &
la déclaration du mois de janvier 167Î,
Par un autre édit du mois de janvier
1690 , on fupprima les huit offices tlecon-
fcilters-banquiers-cxp/ditionniires de cour de
Rome & des Ic'gations , créés par édit de
mars 11579 , fupprimés par la déclaration
du 30 janvier 1675 , & rétablis par l'édit
du mois de décembre 1689, pour fervir
en la ville de Paris ; & les fondions , hon-
neurs , droits , privilèges , & émolumcns
I i ii
6i^
E X P
attiibn^s â ces huit offices , furent unîs aux
douze offices confervcs , avec confirmation
de leurs droits & privilèges ; le tout moyen-
nant finance.
Ces huit offices fupprime's en 16^0 ,
furent rétablis par édit du mois de lep-
tembre 1691 , pour faire , avec les douze
anciens , le nombre de vingt , aux mêmes
honneurs , droits , & privilèges attributs
par les précedens éd'ns.
L'cdir du mois d'août 1712 porte , en-
tre autres chofes , création d'un office de
banquïers-exfedh'tcntuilres treforiers de la
hourfe commune , par augmentation dans
ladite communauté ; mais la compagnie
ayant acquis en commun cet office, fait
exercer la fonûion du tr^-forier par celui de
fes membres qui eft choifi à cet effet : au
moyen de quoi il n'y a préfentement à
Paris que vingt banquiers- expe'ditionnaires.
Pour ce qui efl des offices femblables qui
avoient été créés dans plufieurs villes de
province , fes bancjuiers-expe'ditionn.lires de
Paris en ayant acquis en commun la plus
grande partie , la déclaration du 9 oâo-
bre 171 2. leur donna un délai pour com-
mettre à ces offices ; en attendant ils ont
commis à l'exercice des perfonnes capables,
réfidenres dans les villes pour lelquelles
ces offices avoient été créés. Par la décla-
ration du 3 août 1718 , le roi dit qu'ayant
étéinforméque les b^nqn'icrs-expe'dttionnat-
res de Paris ont grande attention de ne
commettre à l'exercice de ces offices de
hiinqu'icrs- expe'dhîomuilres qui leur appar-
tiennent dans les provinces , que de bons
fujets , & capables d'en bien remplir les
fondions , il proroge de fix années le délai
qui leur avoir été accordé par la déclara-
tion du 9 odobre 1712. , pour commettre à
ces offices de province ; & depuis ce temps
ce délai a été prorogé de fix années en fix
années jufqu'à préfent.
Pour être reçu biinqn'ier-cxpe'ditionnahe
en cour de Rojne , il faut :
1°. Eti-e âgé de 2,^ ans , fuivant l'édit
de novembre 1637, iin. 11 , & la décla-
ration du mois d'udobre 1646 , art. 10.
2°. Les mêmes articles veulent auffl
qu'ils foient perfonnes laïques , non
officiers, ni domefliques d'aucuns eccléfiaf-
tiquesj l'édit du mois de juin 155 1, avoit
EX?
de'ià défendu à tous eccléiîafliques de s'en-
tremettre dans cet état.
3°. Suivant r^rf. 33 desPatutsde 1678,
& de 1699 , il faut être reçu avocat dans
un parlement.
4°. Il leur étoit aufïï défendu par
Vart. II de l'édit de 1637, de pofTcder
ni exercer conjointement deux charges de
contrôleur, banquier &: nota're , même le
père & le fils , oncle , gtnJre & neveu y
deux treres, beaux-freres, eu confins ger-
mains , tenir & exercer en même temps
lefdites charges de contrôleur , banquier
& notaire, comme aufli qu'aucun banquier
ne fe chargera en même temps des pro-
curations & autres ades, pour envoyer en
cour de Rome ou à la légation, fi le notait*
qui auroit reçu lefdits ades , où l'un d'iceux
étoit fon père, fils, frère , beau- frère, gen-
dre, oncle, neveu, ou coufin germain, &c.
Mais cette difpofition fut modifiée lors
de Tenrégifîrement au grand-confeil , qui
reflraint ces défenfes aux parens des con-
trôleurs & banquiers feulement, & non des
notaires ; & à l'égard des ades reçus par
des notaires , parens des banquiers , l'arrêt
d'enrégiflrement ordonne que cette défenfe
n'aura pas lieu.
Enfin la déclaration de 1646, art. 2 ,
ayant ordonné que les hanqiticrs-exp;d'ithn-
n,iircs feroient leurs fondions avec la mê-
me liberté qu'ils avoient avant l'édit du
contrôleur , on en doit encore conclure
que les incompatibilités , dont on a parlé ,
n'ont plus lieu , ni les défenfes faites pat
rapport aux ades reçus par les notaires ,
parens des b.inqti'urs-expe'ditloinuires.
Les offices de banquier s- expeditiomiaïres
font feulement incompatibles avec les
charges de greffier des infinuations ecclé-
fiaftiques , & de notaire apoffolique ; àvL-
refle , elles font compatibles avec toutes
autres charges honorables.
5°. Vartkle x de l'édit de i6]7 , &
Vart. 10 de la déclaration de 1646, veu-
lent que ceux qui fe préfentent pour être
reçus , aient été clercs ou commis de ban-
quiers de France pendant l'efpace de cinq
ans , ou de cour de Rome pendant l'ef-
pace de trois ans , dont ils feront tenus
de rapporter des certificats , qu'autrement
leurs réceptions feront déclarées nulles ^
E XP
& qu'il leur eft dJfendu de faire expédier
aucunes provifions , à peine [de iooo lir.
d'amende , & tous dépens , dommages &
intérêts des parties ; mais ces dirpofitions
• ne s'obfervenr: plus , n'ayant point été
rappelées par l'édit du mois de mars 1673 >
qui a créé les banquiers- expeditioiuhiircs en
titre d'office , & fixé leur capacité.
6°. L\tn. idel'éJitde i($37 ,ordonnoit
qu'on ne reçût que ceux qui [croient trou-
vés capables , apics avoir été examinés
p:iv\es butcjii'urs , qui feroiont commis par
le chancelier : cet examen fe fait préfen-
tementpar torte la compagnie des t.n;-
quiers-exVed'ttiovJiit'irL's , qui doiment au ré-
cipiendaire un certificat fur fa capacité, &
un consentement fur fa réception , fuivant
Y article 33 , des flatuts de 1699.
7°. Le même art. & le 10 de la déclara-
tion de 16^6 , ordonnoient encore que
ceux qui feroient reçus donneroienc cau-
tion & certificateurs folvables de le fom-
me de 3000 liv. devant les baillifs & féné-
chaux du lieu de leur réfidence , ce qui
nes'obfcrve plus.
8°. Enfin ils doivent prêter ferment
devant les baillifs & fenéchaux du lieu ,
fuivant \'art. z de l'édit de 1637 ; l'édit
du mois de juin 1^50 vouloir que ceux
qui cxerçoient alors , fifTent dans un mois
ferment devant les juges ordinaires du lieu
de leur demeure, de bien & loyaument exer-
cer ledit état ; de faire loyal regiftre ,& mê-
me ferment ; qu'incontinent qu'ils auroient
reçu les procurations pour faire expédier ,
ils prendroient la date d'icelles & les noms
des notaires , témoins infcrits , & le lieu
de la confsclion de ces procurations , &c.
Il ett déleniu à toutes autres perfon-
nes fans caradere , de s'immifcer en la
fonction de bancjtiier-cxpcditionfiaire , foit
par eux ou par perfonnes inrcrpoQîes ,
de procurer ou folliciter les expéditions
de cour de Rome , & aux parties d'y em-
ployer autres que les b.inqu'iers , h peine
de faux , &aux juges d'avoir aucun égard
à celles qui n'auront pas été exp'-diées à
la diliger.ce & follicitation defdits ban~
^u'iers , & qui n'auront pas été par eux
cotées Se entégiflrées comme ilefi: orJon-
n.' , lefquelles expéditions font déclarées
WillfiSjÔc les bénéfices obtenus furicdles ,
E X P €1^
impétrables : c'eft la difpofitîon expreflè
der.«)7. Il de Pédit de 1637.
II eft cependant permis par le même
article,! ceux qui voudront envoyer ex-
près en cour de Rome , ii y employer leurs
amis qui y font réfidens , de le faire ,
pourvu que les pièces , fujettes au contrôle,
aient été contrôlées , & toutes pièces ,
mémoires & expéditions enrégifîrées &
cotées par l'un des baïujtticrs de France,
chacun en fon département.
L^ article 7 de la déclaration de 16^6
ajoute une condition , qui efl que les pro-
curations ad refignandani , & autres ades ,
pour envoyer en ceur de Rome , foient
enrégiftrés au grefFc des infinuacions , &
que les fignatures apoftoliques , ainfi obte-
nues , foient enfuite vérifiées & reconnues
parades banquiers , ou autres perfonnes
dignes de foi à ce connoiffans , devant un
juge royal , & qu'elles foient regiftrées
efdits regiflres.
L'article 2 de la déclaration du 3 août
1718 , qui forme à cet égard le dernier état,
porte que le roi n'entend point empêcher
les parties de dépêcher à Rome ou à Avi-
gnon, des couriers extraordinaires , ou
d'y aller elles-mêmes , pour rétention de
dates & expéditions de bulles & fîgnatu-
re,en chargeant néanmoins, avant le départ
du Courier , le regifîre d'un banquier- ex-
fe'ditiûnnaire , de l'envoi qui fera fait ; le-
quel envoi contiendra fommairement les
noms de l'impétrant , du bénéfice & du
diocefe, le genre de vacance , le nom du
Courier , & l'heure de fon départ ; & fi
c'eft la partie elle-mémequi fait la courfe ,
il en doit être fait mention ; le tout à
peine de nullité .
h' article fuivant porte encore que S. M.
n'entend pas non plus empêcher les parties
préfentes en cour de Rome ou dans la ville
d'Avignon , de faire expédier en leur fa-
veur toutes bulles , refcrits & autres grâ-
ces , qui leur feront accordées , à la charge
par lefdites parties , de lev faire vérifier &
certifier véritables par deux defdits ban-
quiers- expéditionnaires , avant l'obtention
des lerties d'attache , dans le cas où il e(i
nécefTaire d'en obtenir , & avant de les
faire fulminer ; le tout à peine de nullité.
Il eft néanmoins défendu par l'^r?. 4.
I iii 2i
6io E X P
aux parties , piéfentes en cour de Rome
ou dans la ville d'Avignon , de faire expé-
dier fur vacances par more , aucunes pro-
vifions en leur faveur , dos bénéfices (ïtués
dans les provinces du royaume , fujettes
à la prévention du pape & des It'gadons ,
à moins qu'il n'apparoilfe de l'avis doiwié
auxdites parties , de la vacance des béné-
fices par le regiftre de Tun defdits banquiers,
qui en aura été préalablement chargé ; le
tout , à peine de nullité.
L'ambafladeur de France à Rome ,
avoit fait le premier novembre 1614, de
prétendus ftatuts ou réglemens , pour les
banquiers-expeditiomiaires, ^mvzntVzutonté
qu'il difoif en avoir du roi ; mais par arrêt
du confeil du 30 janvier 1617 , il fut
défendu de les exécuter , comme conte-
nant plufieurs chofes contraires à la liberté
des expéditions , & linguliérement à l'arrêt
de 1609 , dont on a déjà parlé.
Les b-inqu'iers-expedittcH}! aires drefferent
aufli eux-mêmes en 1624 d'autres ftatuts ,
pour la difcipline de leur compagnie , &
obtinrent au mois de février de la même
année des lettres-patentes , portant confir-
mation de ces flatuts , adreffées au parle-
ment, où ils en demandèrent l'enrégiftre-
ment ; mais les notaires apoftoliques y
ayant forme oppofition en 1626 , il inter-
vint un arrêt "de règlement entre eux , le
30 février 1629, ^^^ produdions refpec-
tives & fur les conclufions du miniftere
public, par lequel , fans s'arrêter aux lettres-
patentes du mois de février 1624. , & aux
ftatuts attachés fous le contre-fcel defdites
lettres , ni à l'oppofition formée par les
notaires apolloliques à l'enrégiftrement de
ces lettres , les parties furent mifes hors de
cour ; l'arrêt contient néanmoins plufieurs
difpofitions de règlement pour les notaires
apoftoliques & pour les banquiers ; mais
comme il ne fait , à l'égard de ces derniers,
que rappeler les difpofitions de l'édit de
lî'jo , il efi inutile de les rappotter d'après
cet arrêt.
Depuis ce temps , la compagnie des
lanquicrs en cour de Rome a obtenu le J
mars 1678 un arcêt du confeil, portant
Jiomolo^.ation de Hatuts , compofés de 54
articles , en date du 29 janvier précédent;
il y a encore d'autres fiatuts du 1 5 mai
E X P
1^99 , compofés de 44 articles , homolo-
gues par un arrêt du confeil du 21 août
lu;vant ; & par un autre arrêt du confeil
du 3 juillet 1703 ; il leur a encore été don-
né de nouveaux flatuts & régUmens en
21 articles , pour lervir de fuppk'mentaux
anciens.
Les fonûions & droits de banqtiiers-ex-
pe'ditionnaires ont en.ore été réglés par
divers édits , déclarations , lettres- paten-
tes, & arrêts de rjglfcmens, dont on va
faire l'analyfe.
D'abord , pour ce qui eft de leurs re-
giftres , ledit du mois de juin 1550 leur
ordonne de faire bon & loyal regiftre de
la date des procurations pour faire expé-
dier , des noms des notaires & témoins
infcrits , & le lieu de la confeûion , en-
femble du jour qu'ils auront envoyé ces
procurations à Rome ou à la légation ;■
qu'ils feront aufti tenus de figner au-deflbus
chaque expédition qu'ils feront & enré-
giftreront , afin que les parties en puif-
fent prendre des extraits ; que les banquiers
enrégiftreront le jour & l'heure que les
couriers partiront pour faire expéditions
à Rome ou à la légation ; il eft auflî
enjoint aux banquiers d'enrégiftrer la ré-
ponfe qu'ils auront eue de leurs follici-
teurs en cour de Rome , auifi-tôt qu'ils:
l'auront reçue , ou du moins lorfqu'ils
recevront les fignatures & bulles des ex-
péditions , & que faute de ce , il n'y fera
ajouté aucune foi : l'édit prononce aufîi
des peines contre ceux qui auront falfifié
les regiftres des banquiers.
L'article 3 de l'édit de 1037 , leur or-
donne pareillement de faire bon & loyal
regiftre , gui contienne au moins 300
feuille?, ii*-'avant d'y écrire aucun afte d'dx-
péditions apoftoliques , de le préfenter I
l'archevêque ou évêque diocéfain , ou i
fon vicaire ou officiai , ou au lieutenant
général de la fénéchauft'ée ou baillage du
lieu , lefquels feront coter de nombre tous
les feuillets du regiflre , parapheront &
feront parapher chaque feuillet par leur
greffier , 6: ligneront avec eux l'aâe qui
fera écrit à la fin du dernier feuillet , con-
tenant le nombre des feuillets du regiftre,
le jour qu'il aura été paraphé, Se quel quan
tieme eft le regiftre ; le tout à peine de
E X P
faux contre les banquiers, de 3000 liy.
d'am ;nde , & de tous dommages & inté-
rêts des parties : l'ul'age eft prélentement
de faire parapher ces regiftres par le lieu-
tenant ge'néral. L'arricle 6 de la déclara-
tion de 1646 , porte qu'au dJt'aut du lieu-
tenant général du bailliage ou ftnéchauf-
fée, on s'adrelTora au juge royal en chef
plus prochain du lieu.
Suivant V Article 4 du même éJit de 1637,
& Varticle î delà déclaration de 1646 ,
les hu>iiiu:ers-expe'dit!onn.iircs doivent écrire
en l'une des pages de chaque feuillet de
leurregiflre, le jour de l'envoi , avec arti-
cles cotés de nombres continus , qui con-
tiendront en fommaire la fubftancede cha-
que ade bénéficiaire, &c de toute autre
commifîîon pour expéditions apoUoliques ,
bénéficiales, & autres dont ils feront
chargés , le jour & le lieu de la confedion
de lade , du contrôle & enrégiflrement
d'icelui , les noms des parties , notaires ,
témoins , contrôleurs , & commettans ; &
cnfuite des jours d'envoi , le jour de l'ar-
rivée du Courier ordinaire & extraordi-
naire ; & en l'autre page , vis-à-vis de cha-
que article , ils doivent pareillement écrire
le jour de réception, la date , le quantième
livre & feuillet du regijiraca de l'expédition,
avec le jour du cov.jeiis , fi aucun y a , &
le nom du notaire qui l'aura étendu , ou
la fubftance fommaire du refus ou empê-
chement de l'expédition ; ils doivent aufîl
coter chaque expédition époftolique de leur
nom & réfidence, du n°. de l'article de
comiflîon d'icelle , du nom de leur cor-
refpondant , & du jour qu'ils l'auront dé-
livrée, le figner ou taire ligner parleur
commis ; & en cas de refus en cour de
Rome ou empêchement , les banquiers
feront oblig-'s d'en délivrer aux parties cer-
tificats; le tout fous pareille peine de
6000 1. d'amende , & de tous dépens ,
dommages & intt'réts des parties. L'a-
mende a depuis éré réduite à 3000 liv.
par Wiriide 7 de la déclaration de 1646.
Le fmp'us de l'.oîii.-/^ eft encore obfervé.
L\nticle 6 du même édit de 1637 ,
défend aux banquiers- expé'd'uionria'-ts d'à-
voir pluî d'un re^Ulre , ni d'enré Jflrer au-
cun ade d'expédition apoftolique fur un
xsouveau regiflre , que le piécéùent ne fcit
E X P 6iî
entièrement rempli , à peine de punition
corporelle contre les banquiers , privation
de leurs charges , éoooliv. d'amende , dé-
pens , dommages & intérêts des parties. Il
leur eft enjoint de repréfenter leurs regif-
tres aux archevêques & évéques de leur
rélidence , & au procureur général du
grand confeil , tant à Paris , qu'en tous
autres lieux où ledit confeil tiendra fa féan-
ce , à tous les autres procureurs généraux
du roi , & à leur fubflicut en la ville de
Lyon , lorfqu'ils en feront par eux requis ,
pour voir s'ils y ont gardé la forme pres-
crite par cet édit , fans néanmoins que
fous ce prétexte ils puiflent être défaifis de
leurregiftre.
On peut , en vertu de lettres de corn-
pulfoire & arrêts rendu fur icelles , com-
pulfer les regiflres des banquiers en cour de
Rome , comme il fut jugé par un arrêt rendu
en la grand'chambre le 10 févieri745 ,
rapporté dans le XIII tome des mémoires du
cierge'.
On peut encore, fur la forme en la-
quelle doivent être ces regiftres , voir C or-
donnance de M. le heutenant civil du 31
janvier 1689.
Voilà pour ce qui concerne les regifires
des banquiers- expe'dition naires.
Pour ce qui eft des autres réglemens qui
concernent leur fondions, l'édit du mois
de juin 1550 otdonue que les banquiers ,
en délivrant les expéditions par eux fai-
tes, feront tenus de mettre & écrire
leurs noms & demeures , à peine d'être
privés pour toujours de l'exercice dudit
état de banquier dans le royaume , d'a-
mende arbitraire , &c dommages & inté-
rêts des parties.
Ce même édit déclare que fi les banquiers
contreviennent à cesdifpofitions , ou fai-
foient faute autrement en leur charge &
regiftre , il feroit procédé contr'eux par
em;»ifonnementde leur perfonne , jufqu'à
pleine fatisfadion des dommages & inté-
rêts des parties , & de punition corporelle,
s'il y échet , avec défenfe à tous ecçlé—
fialiiques de s'entremettre de cet érar de
banquier , & expéditions de cour de Rome
ou légation.
L'élit de 1637. art. 13 , & la déclaration
de 1646 , art. 11 , défendent aux banquien
êit E X P
de fe charger à même jour d'envoi pour
diverfes perfonnes , de l'expe'dition d'un
même bénéfice , foie par même ou divers
genres do vacance ; &. il leur eii enjoint
de faire figner leur commettant en leur
regiftre , s'il cft préfent , l'article de la
commilîîon par lui donnée pour le fait
des béne'fices , s'il fait figner , finon qu'ils
feront mention qu'il a déclaré ne favoir
figner. Cette première partie de l'article
ne s'obferve plus • l'article ajoute que s'ils
ont été charges par des perfonnes abfen-
tes , ils en coteront les noms , qualités
& demeures en l'article de lacommiflîon;
le tout à peine de 2000 livres d'amende ,
& des dépens , dommages & intérêts des
parties.
Comme quelques hitnquîers , moyennant
certaines fommes dont ils compofoient
avec les parties , faifoient en forte que le
Courier , étant à une ou deux Journées de
la ville de Rome , fît porter le paquet
qui lui étoit recommandé , par quelque
poiHllon ou autre , qui par une diligence
extraordinaire le devançoit d'un jour ,
pour prévenir ceux qui par le même Cou-
rier avoient donné charge & commifTion
d'obtenir le même bénéfice , ce qu'ils ap-
peloient faire expédier par avantage : V ar-
ticle 14 de l'édit de ié)7 , qui prévoitce
cas , dérend très-exprc({émcnt à tous baii~
qiiiers de faire porter aucuns paquets ni
mémoires par avantage & gratification , à
peine de faux , & de 3000 livres d'amende.
Il eft enjoint à tous couriers de porter ou
faire porter , & rendre en un m.ême joui:
dans la ville de Rome , toutes les lettres ,
mémoires , & paquets dont ils auront été
chargés en un même voyage, fans fe retar-
der , faire ou prendre aucun avantage en
faveur des uns , & au préjudice des au-
tres , à peine de pareille amende , & de
to«s dépens , dommages & intérêts des
parties , auxquelles il eft défendu de fe fer-
vir de provifions prifes & obtenues par
tels avantages : ces provifions font décla-
rées nulles ; & il eft défendu aux juges d'y
avoir aucun égard.
Les banquiers ne doivent , fuivant Var- ,
ticle i") du même édit, recevoir aucunes
procurations ni autres actes fujers à con-
tple , ni les envoyer en cour de Rome ,
E X P
ni à la légation , s'il ne leur apparoir qu'ils
aient été contrôlés & enrégilirés ; ils doi-
vent les coter de leurs noms & numéro ,
à peme de nullité , de 2000 livres d'a-
mende contre le banquier , en cas de con-
travention , dépens, dommages & inté-
rêts des parties.
Varticle fuivant réitère les défenfes
qui avoient déjà été faites , par l'édit de
1550, aux td/z^a/e/x d'envoyer des mé-
moires , & de donner charge de retenir
date fur réfignations , fi par le même
Courier & par le même paquet , ils n'en-
voient les procurations , à peine de priva-
tion de leurs charges , 3000 livres d'a-
mende , & d'autre plus grande peine â
l'arbitrage du juge.
Y.' article 12 de la déclaration de 1646 ,
réitère les mêmes défenfes : l'édit de 1637
déclare de plus auffi nulles toutes provi-
fions par réfignation qui auront été expé-
diées & délivrées au correfpondant de
Rome , après la mort du réfignant , &
plus de fix mois après le jour d'envoi ,
comme étant grandement fufpeâes d'avoir
été expédiées fur procurations envoyées
après le décès , ou pendant l'extrême
maladie du réfignant , après avoir fur
mémoire tait retenir la date , â moins
que l'impétrant ne fafte voir que contre
la volonté , ifc fans fraude ni connivence ,
l'expédition a été retardée à Rome , ou
qu'il y a eu quelqu'autre empêchement
légitime.
Il eft ordonné par Varticle 24 du même
édit de 1637 , quQ\ts banquiers qui feront
convaincus d'avoir comm.is quelque fauflè-
té, antidate , ou autres malveriations eiji
leurs charges , feront punis comme faufTal-
res à la difcrétion des juges, même par pri-
vation deleuis charges ; mais afin qu ils ne
foient pas témérairement & impunément
calomniés, l'édit veut que perfonne nefoit
reçu à s'infcrire en faux contre leurs rei,i(-
très Si. expéditions faites par leur entremi-
fe , qu'auparavant il ne fe foumette par ade
reçu au greffe de la jurifdidion ordinaire ,
ou de celle en laquelle le différend des
parties fera pendant , à la peine de la
calomnie , amende extraordinaire envers
le roi , & en tous les dépens , dommages
& intérêts du bamiiùcr , au cas que le
E X P
yemandeur en faux fuccombeenla preuve
dclbnaccufation , fans que ces peines &
amendes puiilent être modcrées par les
juges. ,
La déclaration de 1646 , ttrt. 12 , dé-
fend de faire expédier aucunes providons
en cour de Rome pour be'nifices non con-
firtoriaux , & qui ne font pas delà nomi-
nation du roi , fur procurations furannées ,
à pemede nullité.
L'ordonnance de 1 66y , th. xv , art. 8 ,
porte qu'il ne fera ajouté foi aux fignatures
& expéditions de cour de Rome , fi elles
ne font vérifiées , & que la vérification (e
fera par un fimple certificat de deux ba>i-
quiers-exp/ditloiiuuires , écrit fur l'original
des fignatures & expéditions , fans autre
formalité.
L'édit de 1673 , enjoint aux banquiers-
expéditionnaires de gsvdev &: obfetver exac-
tement les ordonnances au fujet des folli-
citations & obtentions de toutes fortes
d'expéditions de cour de Rome & de la
légation fous les peines y contenues , en-
fembledemettreau dus de chacun desades
qu'ils auront fait expédier , leur certificat
figné d'eux , contenant le jour de l'envoi
& delà réception , â peine de nullité des
ades, dépens , dommages & intérêts des
parties.
Enfin la déclaration du 3 août 171 8, dont
on a déjà parlé , contient encore plufieurs
autres réglemens pour les fondions des b.uf
quiers-expeditionnaires.
L'article 5 ordonne que les banquiers-
expéditionnaires de Paris feront feiils , &
à l'exclufion de tous autres banquiers , expé-
dier les bulles de provifion des archevê-
chés, évéchés, abbayes ,& de tous autres
bénéfices du royaume étant à la nomina-
tion du roi,- qu'ils pourront auffi faire
expédier toutes fortes de provifions de
bénéfices , diîpenfes de mariage , & autres
expéditions de cour de Rome pour toutes
les provinces du royaume , & que les ban-
quiers, établis dans les autres villes, ne
pourront travailler que pour les bénéfices
Htués , & les perfonnes étant dans le ref-
fort oij ils font établis , à peine de 3COO
livres d'amende.
Pour prévenir toute contravention aux
réglemens , & procurer au public la facilité
__ E X F /Tij
des expéditions , l'article 6 de la même
déclaration ordonne que les banquiers-
expéditionnaires , foit en titre ou par com-
mifiîon , ne pourront s'abfenter tous â la
fois, & dans le même temps , de la ville
dans laquelle ils ont été établis par les régle-
mens , à peine de 5C0 livres d'amende ,
& de tous dépens , dommages & intérêts
des parties , auxquelles , en cas d'abfence
de tous les banquiers de la ville , il ell per-
mis de fe pourvoir devant le lieutenant
général , ou autre premier juge du prin-
cipal fiege , & en cas d'abfence ou em-
pêchement de celui-ci, devant le plus
ancien ofRcier du fiege , fuivant l'ordre
du tableau , pour y déclarer l'envoi qu'ils
défirent faire , & fommairemenc les noms
de l'impétrant du bénéfice &. du diocefe ,
le genre de vacance, &: le nom de la per-
fonne par le minifttre de laquelle ils défi-
rent faire l'envoi , dont il leur fera donné
acre & permiffion de faire l'envoi par la
pcrfonne par eux choi;ie , après qu'il fera
apparu au lieutenant général , ou autre
premier officier , de l'abfence de tous les
banquiers par un procès-verbal de perqui-
fition de leurs perfonnes, lequel fera dreffé
par deux notaires royaux ou un notaire
royal en préfence de deux témoins , avec
fommation auxdits banquiers de fe trouver
dans une heure devant le lieutenant gc-
' 1
neral.
Enfin Varticle 7 porte que fi les pro-
priétaires de ces offices négligent de les
faire remplir trois mois après la vacance ,
il y fera pourvu par des commifiions du
grand fceau , &c.
Comme les banquiers-expe'ditionnaires
qui font employés dans cette profefïïon ^
ne peuvent quelquefois expédier par eux-
mêmes toutes les aifaires dont ils (ont
chargés ', il leur efl permis , par Varti^'
cle 25 de l'édit de 1637, pour leur foula-
gement , d'avoir près d'eux , en la ville'
de leur réfidence , un ou plufieurs com-
mis laïques pour exercer leur charge en leur
abfence , maladie , ou empêchement , fans
néanmoins avoir de regiltre féparé.
On a même vu ci - devant que fuivant
l'édit de 1637, & la déclaration de 16^6^
il falloir avoir été clerc ou commis d'un
h.tnqu'iei'jx^eTttiannme pendant un certaja
^24 ^ E X P
temps pour être reçu en cette charge ,
mais cela ne s'obferve plus.
Les droits & cmolumens des banqulers-
expedltionnu'ircs de cour de Rome ont été
réglés par pluûeurs édits & déclarations ,
& par des tarifs arrêtés au confeil , nota-
nienc par les édits du zi avril 1633 , mars
i6îî & 1673, par '^ déclaration du 30 jan-
vier 1675 , &: le tarit" arrêié au confeil le
25 mai de la même année , lequel fut ré-
formé au confeil le 4 feptembre i6<ji , &
angmenté des droits portés par l'édit des
mêmes mois & an , l'arrêt du confeil du
3 juillet 1703 , contenant de nouveaux
fiatuts , l'édit de juin 171 3 , & les lettres-
patentes ou déclaration du 3 août 1718.
La bourfe commune qui a lieu entre
eux , avoir été ordonnée dès 1655 par
l'édit du mois de mars de ladite année ; ce
qui fut confirmé par un arrêt du confeil
du 15 mai 1676 , & par l'édit du mois
de janvier 1690.
Depuis l'établiflement de la bourfe
commune , il y avoit un tréforier de la-
dite bourfe , dont les fondions furent ré-
glées par un arrêt du confeil du 2Z janvier
1697. Cette fondion n'étoit point encore
érigée en titre d'office , mais par un édit
du mois d'août 171 z , il fut créé un vingt-
unième office de baïKjuicr-expeditioimaire ,
trs'forier de U bourfe commune ; & cet
office ayant été acquis par la compagnie
des banquiers-expeditionihiires de la viiie de
Paris , eft exercé par celui que la com-
pagnie nomme à ce effet.
Les privilèges des banquiers- expe'dhion-
na'ircs confillent :
i". En l'exemption de tutelie , cura-
telle , commiffion , & de toutes autres
charges publiques , qui leur a été accor-
dée par l'^mV/e 16, de l'édit de 1637,
qui porte que c'eft pour leur donner moyen
d'exercer leurs charges avec afliduité , &
fans diftradion.
2°. L'édit du mois de mars 1678 les dé-
charge de plus nommément de la col-
lecte des deniers royaux ^ & de guet &
garde.
' 3°. L'édit de 1637 , art, ^6 , leur donne
auîTi droit decommitt'uuusan)^ requêtes du
palai";) parlement de leur réfidcnce, pour les
•aufes qui concerneront la confervation
.- ^ ^ ^
de leurs privilèges, & les droits dépendans
&c attribués à leur emploi. Ce droit de corn-
mhtimus a depuis été étendu à toutes les
caufes perfonnelles & mixtes des i.<;;^«;Vn-
txpe'dit'ioiinaires , & leur a été confirmé par
la déclaration du 30 janvier 167^.
4". La même déclaration leur attribue
le droit de franc- falé , & confirme tous
leurs autres droics & privilèges portés par
les précédens édits.
Ils ont encore été confirmés par une dé-
claration du 3 août 17185 qui rappelle les
précédens réglemens , & explique plu-
îieurs de leurs difpofitions.
Au mois de juin 1703 , il y eut un édit
portant création en titre d'office de 20
confeillers contrôleurs des expéditions de
cour de Rome & dis légations , pour la
ville de Paris , & de quatre pour cha-
cune des villes de Touloufe , Bordeaux ,
Rouen , Aix , Grenoble , Lyon , Dijon,
Metz & Pau , pour contrôler & enrégif-
trer toutes les expéditions de cour de
Rome , & des légations.
Ces offices de contrôleurs , tant pour
Paris que pour les autres villes & les droits
qui y étoient attribués , furent réunis par
déclaration du 3 juillet 1703 , aux vingt
offices de banquiers- cxpéditioniuiires delà
ville de Paris , avec faculté à eux de com-
mettre un certain nombre d'entr'eux pour
faire à Paris les fondions de ces offices ,
& de les faire exercer dans les provinces
par qui bon leur fembleroit , après que
ceux qu'ils auroient commis auroient prêté
ferment devant le juge des lieux.
Ces mêmes offices de con'rôleurs fu-
rent enfuite fupprimés par édit du mois de
juin 1713 ; mais le même éJit créa en ti-
tre d'office formé , & à titre de furvi-
vance, 20 offices d'infpedeurs vérificateurs
des expéditions de cour de Rome & de la
légation pour Paris, & quatre pour cha-
cune des villes de Touloufe , Bordeaux ,
Rouen , Aix , Grenoble , Lyon , Dijon,
Metz & Pau. Cet édit contient auffi quel-
ques réglemens pour les droits des ban-
qn'urs-exped'nioyjn.xircs. _ ^
Enfin par édit du mois d'odobre fui-
vant , les infpedeurs vérificateurs furent
fupprimés , les contrôleurs furent rétablis
aveclesdroits&piivijéges portés parrédirJe
E X P
juin 1703 , & ces offices & droits de con-
trôleurs furent réunis , moyennant finance,
aux vingt offices de bun^uiers-expcdiiiori-
viires établis à Paris. ,
II avoit été créé au mois d'août 1709 -
des gardes des archives des banquiers- ex s
feditiûiDiaiiei en cour de Rome , lefquel
furent unis à hcowp3sn\e deQ. b,intjuiers ,
par déclarations des 18 avril, 1710, &: 4
février 171!; ils en furent défunis par
l'édit du mois d'août 1712., qui porte aufTi
création de l'office de tréforier dt la bourfe
commune , & par une déclaration du 9
odobrc fuivant, ces gardes des archives fu-
rent (upprimés.
Sur les b*nquiers-expeditiot>naires de cour
de Rome & des leg.itions , voyez les mc^noi-
Ks du clergé aux endroits que l'abrogé in-
dique fous le mot b.tnquiers-expédhionna:-
res; It traite' de Cufage & pratique de cour
de Rome , attribué a Perad Cartel , avec les
notes de Dunoyer , les loix ecclefiajliqucs de
d'Héricourt, féconde partie , tit. delà forme
des provifions ; la bibliothèque canonique au
root Banquier , & la jtni [prudence cano-
nique au même titre. ( A )
EXPERIENCE , f. f. terme abflrait ,
( Pliilofophie. ) fîgnifie communément la
connoiffaîice acquife par un long ulage de
la vie , jointe aux réflexions que l'on a faites
fur ce qu'on a vu , & fur ce qui nous efl ar-
rivé de bien & de mal. En ce fens , la lec-
ture de l'hi'îoire ei\ fort utile pour nous
donner de l'expérience ; elle nous apprend
des faits , & nous montre les cvénemens
bons ou mauvais qui en ont été la fuite &
les conféquences. Nous ne venons point au
Blonde avec la connoiffance des caufes
& des effets : c'ert uniquement Vexpe-
rience qui nous fait voir ce qui ert caufe
& ce qui eft: efFet ; enfuite notre propre
réflexion nous fait obferver la liaifon &
l'enchaînement qu'il y a entre la caufe &
l'effet.
Chacun tire plus ou moins de profit de
là propre expérience, félon le plus ou le
moins de lumières dont on a été doué en
venant au monde.
Les voyages font auffi fort utiles pour
donner de Vexperience ; mais pour en re-
tirer cet avantage , on doit voyager avec
Vefyùt d'obfervation.
Tomi XIII.
E X P 6is
Homère, au commencement de l'odiffi-e,
voulant nous donner une grande idée defoa
héros , nous dit d'abord qirUlyfl'e avoit vu
piufieurs villes , &c qu'il avoit obfeivé les
mœurs de divers peuples. Voici comment
Horace a rendu les vers d'Homère :
Die m'ihi , mufa , vtrum , capti poji tem»
para Trnj,f ,
Qtii mores hominum multoruni vidit &
urbes.
Art poét. verf i^i.
Ainfi quand on dir d'un homme qu'il a
de Vexpe'Tien-.e , qu'il efl expérimenté, qu'il
eft expert , on veut dire qu'outre les con-
noilFances que chacun acquierr par l'ufage
de la vie , il a obfervé particulièrement ce
qui regarde fon état. Il ne faut pas féparer
le fait de l'obfervarion : pour être un offi-
cier expérimenté , il ne fuffit pas d'avoir
fait piufieurs campagnes , il faut les avoir
faites avec refprit d'obfei^vation , & avoir
Tu mettre à profit ks propres fautes &
celles des autres.
Laraifon qui doit nous infpirer beaucoup
de confiance en {"expérience , c'eft que la
nature eft uniforme aufli-bien dans l'ordre
moral que dans l'ordre phyfique ; ainfi
toutes les fois que noi;s voyons les mêmes
caufes , nous devons nous attendre aux
mêmes effets , pourvu que les circonftan-
ces foient les mêmes.
Il eft afTez ordinaire que deux perfonnes
qui font de fentiment différent, allèguent
chacun Vexperience en fa faveur : c'eff l'oh-
fervateur le plus cxad , le plus défînrérefTé
& le mo' .spafîîonné qui feul a 1 aifon. Sou-
vent lespafTions font des lunettes qui nous
font voir ce qui n'eft pas, ou qui nous mon-
trent les objets autrement qu'ils ne font. II
eft rare que les jeunes gens qui enttent dans
le monde, ne tombent pas en inconvénient
faute d'expé'yience. Après les dons de la
nature , l'expérience fait le principal mérite
des hommes.
En ph) fique le mot expérience fe dit des
épreuves que l'on fait pour découvrir les
différentes opérations & le méchrinifme de
la nature. On fait des expériences fur la
pcfanteur de l'air , fur les phofphores , fur
la pierre d'aimant , fur l'éledricité, &~c. La '
Kkkk
€iG E X P
prarique de faire des exp/riences eî} fort en
ufagc en Europe depuis quelques années ,
ce qui a multiplié ies connoiii'ances philo-
fophiques, & les a rendues plus communes;
niais ces e'preuves doivent être faites avec
beau;oup de prccifion & d'exaditude , fi
l'on veut en recueillir tout le fruit qu'on
en doit attendre; fans cette précaution ,
elles ne feiviroient qu'à égarer. Les
fpécularions les plus fubcilts «Se les médi-
tations les plus profondes , ne font que
de vaines imaginations , fi elles ne font
pas fondées fur des expériences exades.
(F)
Expérience , ( Ph'ihfophie nxt. ) eft
l'épreuve de l'etFet qui réfulte de l'applica-
tion mutuelle ou du mouvement des (îorps
naturels , afin de découvrir certains phé-
nomènes & Iturs caufes. Foy. Expéri-
mental.
Expérience , ifc^ûf,» { Me'deche. )
c'eft la connoilfance acquife par des obfer-
vations aifidues & par un long ufage de
tout ce qui peut contribuer à la confer-
vation de !a fanté & à la guérifon des
maladies. Voyez, EMPIRISME & EMPI-
RIQUE.
Expérience fe dit aufli de l'épreuve que
font les médecins fur le corps humain ou
fur celui de quelqu'animal , d'un moyen ,
d'une opération , d'une drogue dont ils
ont lieu de croire , par le raifonnemeiir ,
que l'ufage peut être utilement appliqué
contre quelque maladie , ou dont ils cher-
chent à connoîire le bon ou le mauvais
effet. Voyez, i^ROGUE , ReMEDE , OpÉ-
KATION. ((/ )
EXPERIMENTAL, adi. ( philofophie
natiir.) On ^ppeWe philofophie cxpe'iimen-
lale , celle qui fe fert de la voie des expé-
riences pour découvrir les loix de la nature,
Voyez. Expérience.
Les anciens , auxquels nous nous croyons
fort fupérieurs dans les fcicnces , parce que
nous trouvons plus court & plus agréable de
nous préférer à eux que de les lire , n'ont
pas négligé la phyfique experiment.tle ,
comme nous nou' l'imaginons ordinaire-
ment; ils comprirent de bonne heure que
l'obfervation & l'expérience ttoicnt Je
feul moyen de connoître la nature. Les
ouvrages d'Hippocrate fcul feroient fuffi-
E X P
fans pour montrer l'efprit qui conduiroit
alors les philofophes. Au lieu de ces fyf-
témes , finon meurtriers , du moins ridi-
cules, qu'a enfantés la médecine moderne
pour les profcrire erfuite , on y trouve
des faits bien vus & bien rapprochés ; on
y voit un fyflème d'obfervation qui fert
encore aujourd'hui , & qui apparemment
fervira toujours de bafe à l'art de guérir.
Or , je crois pouvoir juger par l'état de la
médecine chez les anciens , de l'état où !a
phyfique étoit parmi eux, & cela pour
deux raifons ; la première , parce que les
ouvrages d'Hippocrate font les monumens
les plus confidérables qui nous refient delà
phyfique des anciens ; la féconde , parce
'que la médecine étant la partie b plus
effentielle & !a plus intéreflante de la phy-
fique , on peut toujours juger avec certi-
tude de la manière dont on cultive celle-
ci , par la manière dont on traite celle-là.
Telle eft la phyfique, telle eft la médecine;
& réciproquem.enr telle eft la médecine ,
telle eft la phyfique. C'tft une vérité
dont l'expérience nous affure , puifqu'à
compter feulement depuis le renouvel-
lement des lettres , quoique nous puf-
fions remonter plus haut , nous avons
toujours vu fubir à l'une de ces fciences
les changemens qui ont altéré ou dénaturé
l'autre.
Nous favons d'ailleurs que dans le temps
même d'Hippocrate plufieurs grands hom-
mes , à la tête defquels on doit placer
Démocrite , s'appliquèrent avec fuccès à
l'obfervation de la nature. On prétend que
le médecin envoyé par les habitans d'Ab-
dere pour guérir la prétendue folie du
philosophe , le trouva occupé à difféquer
& à obferver des animaux ; & l'on peut
deviner qui fut jugé le plus fou par
Hippocrate , de celui qu'il alloit voir , ou-
de ceux qui l'avoient envoyé. Démocrite
fou ! lui qui , pour le dire ici en partant ,
avoit trouvé la manière la plus philofo-
phique de jouir de la nature & des hom-
mes ; favoir , d'étudier l'une & de rire
des autres.
Quand je parle , aurefte , de l'application
que les anciens ont donné à la phyfique
cxpi'rimentale , je ne fais s'il faut prendre-
ce mot- dans toute fon étendue. La phyfi-
EXP
que expérimentale roule fur deux points
tju'ilnefaut pas confondre , Wxpe'r'ience pro-
prementdite,& Vobfcrv.tt'ion.CMQ-c\, moins
recherchée & moins fubtile , le borne aux
faits quelle a fous les yeux , à bien voir & à
détailler les phénomènes de toute efpece
que le fpedacle de la nature préfente :
celle-là au contraire cherche à la pénétrer
plus profondément , à lui dérober ce qu'elle
cache , à cri^er , en quelque manière , par
Ja diiFJrente combinaifon des corps ,
de nouveaux phénomènes pour les étu-
dier ; eniin elle ne fe borne pas à écouter
la nature , mais elle l'interroge & la prelFe.
On pourroit appeler la première, lu phy-
ftqt'.e (les faits , ou plutôt la phyfiqtie vul-
Ra'ire & palpable ; & réferver pour l'autre
Te nom de pbyfiquc occulte , pourvu qu'on
attache à ce mot une idée plus philofophi-
que &: plus vraie que n'ont fait certains phy-
ficiens modernes , & qu'on le borne à dé-
iîgner la connoilîànce des faits cachés dont
on s'afFure en les voyant , & non le roman
des faits fuppofés qu'on devine bien ou mal ,
fans les chercher ni les voir.
Les anciens ne paroiflènt pas s'être fort
appliqués à cette dernière phyfique , ils fe
contentoient de lire dans la nacure ; mais
ils y lifoient fort alTîdument , & avec de
meilleurs yeux que nous ne nous l'imagi-
nons : ptufieurs laits qu'ils ont avancé^ , &
qui ont été d'abord démentis par les mo-
dernes ,fe font trou\'és vrais quand on les
a mieux approibndis. La méthode que fui-
voient les anciens en cultivant l'obferva-
tion plus que l'expérience , écoit trcs-
philofophique , & la plus propre de toutes
à faire faire à la phyfique les plus grands
proj.rës dont elle foit capable dans ce pre-
mier â^e de l'efprit humain. Avant quj
d'employer & d'ufer norre fugacité pour
chercher un fait dans des combinaifons
fubtiles, il faut être bien afTiré que ce fàir
n'eft pa" près de nous & fous norre main ,
comme il faut en géométrie réferver fes
efforts pour trouver ce qui n'a pas été
réfolu par d'autres. La nature eft fi variée
& fi riche , qu'une fimple colled'on de
faits bien compl t e avanceroit prod^gieu-
fjmenr nos connoiflances ; & s'il éroir
poTible de poufler cette colleflion au point
que rien n'y manquât , ce feroit peut-étie
E X P 6ij
le feul travail auquel un phyficicn dût fe
borner; c'ell au moins celui par lequel il
faut qu'il commence, & voilà ce que les
anciens ont fait. Ils ont traité la nature
comme Hippocrate a traité le corps
humain ; nouvelle preuve de l'analogie
& de la relfemblance de leur phyfique
a leur médecine. Les plus fages d'en-
tr'eux ont fait pour ainfi dire , la table
de ce qu'ils voyoicnt , l'ont bien faite , &
s'en font tenus là. ils n'ont connu de l'ai-
mant que fa propriété qui faute le plus
aux yeux , celle d'attirer le fer : les mer-
veilles de l'éleâricité qui les enrouroient,
(Se dont on trouve quelques traces dans
leurs ouvrages ,ne les ont point frappés ,
parceque pour être frappé de ces merveil-
les , il eut fallu en voir le rapport à des
faits plus cachés que l'expérience a fu dé-
couvrir dans ces derniers tems ; car l'ex-
périence , parmi plufieurs avantages , a
entr'autres celui d'étendre le champ de
l'obfervation. Un phénomène que l'expé-
rience nous découvre , ouvre nos yeux fur
une infinité d'autres qui ne demandoii.nt>
pour ainfi dire , qu'à être apperçus. L'ob-
fervation , par la curiofi:é qu'elle infpire
& par les vuides qu'elle laifTe , mené à l'ex-
périence ; l'expérience ramené à l'obfer-
varion par la même curiofité qui cherche
à remphr & à ferrer de plus en plus ces
vuides :, ainfi on peut regarder en quel-
que manière l'expérience & robfervation
comme la fuite & le complément l'ur.e de
l'autre.
Les anciens ne paroifTent avoir cultivé
l'expérience que par rapport aux arts , &
nulLmen"" pour fa isf.ire , comme nous ,
une curiofité purement philofo.liique. Ils
ne déconipofoient &z ne combinoient les
corps que pour en tirerdes ufagcs utiles ou
agréablts , fans chercher beaucoup à en
connoî're le jeu ni la flruclure. Ils ne s'ar-
réroier.t pas même fur ks déta'ls c^ans !a
d-^f^ripcion qu'ils fa:foitnt des corp' ; &
s'ils avoienc hcfoin d'éfe iuftifiés fur ce
point, ils le feroient en quelque manière
fijffifamr:ient par le peu dutili é que les
nioderres ont trouvé à 'ii '.r; une m.éthode
contraire.
C'eft peut-être dnn"^ l'hifloiie des ani-
maux d'Arillote qu'i' tTU'^'fchtrcher le vrai-
K k k k i
^28 E X P
goût de phyfique des anciens , plutôt que
dans fes ouvrages de phyfique , où il efl
moins riche en ialts & plus abondant en pa-
roles , p!ub raifonneur & moins inOruit ;
car telle efl tout à la fols la fagefie & la
manie de l'efprit humain , qu'il ne fonge
guère qu'à amafler & à ranger des maté-
riaux , tant que la colledion en efl tacile
& abondance ; mais qu'à l'inflant que les
matériaux lui manquent , il fe met aufTi-
tôt à difcourir ; en forte que re'duit même
à un petit nombre de matcnaux , il eft
toujours tenté d'en former un corps , &
de délayer en un fîfléme de fcience , ou en
quelque chofe du moins qui en ait la forme,
un petit nombre de connoiffances impar-
faites & ifolées.
Mais en reconnoiflant que cet efprit
peut avoir préfidé jufqu'à un certain point
aux ouvrages phyfiques d'Arifiote , ne
mettons pas fur fon comptJ l'abus que les
modernes en ont fait durant les fîecîes
d'ignorance qui ont duré fi long-temps , ni
toutes les inepties que fes commentateurs
ont voulu faire prendre pour les opinions
de ce grand homme.
Je ne parle de ces temps ténébreux ,
que pour faire mention en pafFant de quel-
ques génies fupérietirs , qui abandonnant
cette méthode vague & obfcure de phi-
lofopher , laiflbient les mots pour les
choies , & cherchoient dans leur fagaciré
& dans l'étude de la nature des connoif-
fances plus réelles. Le moine Bacon , trop
peu connu & trop peu lu aujourd'hui , doit
être mis au nombre de ces efprits du pre-
mier ordre ; dans le fein de la plus pro-
fonde ignorarice il fut , par la force de
fon génie , s'élever au-deffus de fon fiecle,
& le laifTtr bien loin derrière lui: aufîl fut-
il perfécuté par fes confrères , 6c regardé
par le peuple comme un forcier ; à-peu-
prés comme Gerbert l'avoit été près de
trois fiecles auparavant pour fes inventions
méchaniques \ avec cette différence que
Gerbert devint pape , & que Bacon relia
moine & malheureux.
Au refîe le petit nombre de grands génies
qui étudioient ainfi la nature en elle-mê-
me, jufqu'à la renaiflànce proprement dite
de la plnlofophie , n'ttoient pas vraiment
adonac's à ce quàÉo app^Uj fbjj'iç::c (xpi~
E X P
riment aie. Chimiflts plutôt que phyficiens,
ils paroUrenc plus appliques à la décom-
pofition des corps particuliers , & au détail'
des ufages qu'ils en pouvoient taire , qu'à
l'étude générale de la nature. Riches d'une
infinité de connoifTances utiles ou curieu-
fes , mais détachées , ils ignoroient les
loix du mouvement, celles de rH)drofra-
tique, la pelanteur de l'air dont ils voyoient
les effets , & plufisurs autres vérités qui
fent aujourd'hui la bafe & comme les élé-
mens de laphyfique moderne.
Le chancelier Bacon , Anglois comme
le moine , ( car ce nom & ce peuple font
heureux en philofophie ) , embrafTa le pie-
mier un plus vafle champ , il entrevit les
principes généraux qui doivent fervir de
fondament à l'étude de la nature ; il pro-
pofa de les reconnoître par "a voie de
l'expérience ; il annonça un grand nombre
de découvertes qui fe font faites depuis.
Defcartes qui le fuivit de près , & qu'on
accufa ( peut-être afTez mal à propos ) d'a-
voir puifé des lumières dans les ouvrages
de Bacon , ouvrit quelques routes dans la
phyfîque expérimentale , mais la recom-
manda plus qu'il ne la pratiqua , & c'efl
peut-être ce qui l'a conduit à plufieurs er-
reurs. Il eut, par exemple , le courage de
donner le premier des loix du mouvement J,
courage qui mérite la reconnoiflance des
philofophes , puifqu'il a mis ceux qui l'ont
fuivi , fur la route des loix véritables ^
mais l'expérience , ou plutôt , comme
nous le dirons plus bas , des réflexions
fur les obfervations les plus communes ,
lui auroient appris que les loix qu'il
avoir données écoient infoutenablcs. Def-
cartes , & Bacon lui - même , malgré
toutes les obligations que leur a la philo-
fophie, lui aurOient peut-être été encore
plus utiles, s'ils eufTent été plus phyfî-
ciens de pratique & moins de théorie;
mais le plaifir oilif de la méditation 6c
de la conjedure même , entraîne les
grands efprits. Ils commencent beaucoup
& liniffcnt peu ; ils propofenr des vues ,
ils prefcrivent ce qu'il faut faire pour en
conftater la juflefl'e & l'avantage & laif-
fent le travail méchanique à d'autres , qui
éclairés par une lumière étrangère , ne
vont pas auin loin que leurs maîtres au-
E X P
foient ét^ feuls : ainfi les uns pcnfent ou
lèvent , les autres agilVent ou manœu-
vrent , & l'enfance des fciences ei\ longue ,
ou , pour mieux dire , tternellc.
Cependant refprit de la phyfique expai-
tnentalc que Bacon & & Defcartes avoient
introduit , s'e'tendit infenfiblement. L'aca-.
dtmie dcl Cimcnto à Florence , Boyie &
Mariotte , & aprèi eux pluheuis autres ,
firent avec fucccs un grand nombre d'ex-
périences : les académies fe formèrent &
faifirent avec empreirément cette manière
de philofopher : les univerfités plus lentes ,
parce qu'elles étoient dJja touces formées
iors de la naiffance de la phyfique expc.i-
nentaUf fuivirent long-temps encore Lur
in<?thode ancienne. Peu à peu la phyfique
de Defcartes fucct'da dans les écoles à
celle d'Arifiote , ou plutôt de fes commen-
tateurs. Si on ne touchoit pasencore à la
vérité , on étoit du moins fur la voie : on
fit quelques expériences ; on tenta de les
expliquer : on auroit mieux fait de fe
contenter de les bien faire , & d'en faifir
l'analogie mutelle : mais enfin il ne faut
pas efpérer que l'efpritfe délivre fi promp-
tement de tous fcs préjugés. Newcon
parut , & montra le premier ce que fes
prédéctfTeurs n'avoient fait qu'entrevoir ,
l'art d'introduire la géométrie dans la
phyfique , & de former , en réunifTant
l'expérience au calcul , une fcicnce exade,
profonde , lumineufe , & nouvelle : aufli
grand du moins par fes expériences d'op-
tique que pour fon fyfléme du monde , il
ouvrit de tous côtés une carrière immsnfe
& fûre ; l'Angleterre faifi: ces vues ; la
fbciété royale les regarda comme fiennes
dés le moment de leur naiîTance : les aca-
démies de France s'y prêtèrent plus lente-
ment & avec plus de peine, parla même
raifon que les univerfités avoient eue
pour rejeter durant plufieurs années la
phyfique de Defcartes : la lumière a enfin
prévalu : la génération , ennemie de ces
grands hommes , s'eft éteinte dans les
iicadcmies & dans les univerfités , aux-
quelles les académies femblent aujourd'hui
donner le ton : une génération nouvelle
s'eft élevée ; car quand les fondemens
d'une révolution font une fois jetés , ç'eft
prefque toujours dans la génération fui-
E X P ^x9
vante que la révolution s'achève ; rare-
ment en - deçà , parce que les obftaclcs
périffent plutôt que décéder; rarement
au - delà , parce que les barrières une fois
franchies , l'efprit humain va fouvcnt plus
Vite qu'il ne veut lui-même, jufqu'à ce
qu'il rencontre un nouvel obftacle qui
l'oblige de fe repofer pour long-temps.
Qui jetcroit les yeux fur î'univeifité de
Paris , y trouvcroit une preuve convain-
cante de ce que j'avance. L'étude de la géo-
métrie & de la phyfique expérimentale com-
mencent à y rcgner. Plufieurs jeunes pro-
fefTeurs pleins de favoir , d'efprit , & de
courage (car il en faut pour les innova-
tions , même les plus innocentes ) , ont
ofé quitter la route battue pour s'en frayer
une nouvelle; tandis que dans d'autres
écoles , à qui nous épargnerons la honte
de les nommer , les loix du mouvement de
Defcartes, & même la phyfique péripa-
técicienne , font encore en honneur. Les
jeunes maîtres dont je parle forment des
élèves vraiment infiroits , qui, au fort ir
de leur philofophie , font iniriés aux vrais
principes de toutes les fciences phyfico-
mathématiques, & qui bien loin d'être
obligés ( comme on l'étoit autrefois ) d'ou-
blier ce qu'ils ont appris , font au contraire
en état d'en faire ufage pour fe livrer aux
parties de la phyfique qui leur pîaifenc
le plus. L'utilité qu'on peut retirer de
cette méthode efî fi grande , qu'il fe-
ro'.t à fouhaicer ou qu'on augmentât
d'une année le cours de philofophie des
colIéc;es , ou qu'on prit dés la première
année le parti d'abréger beaucoup la mé-
taphyfique & la logique , auxquelles cette
première année eft ordinairement con-
facrce prefque toute entière. Je n'ai garde
de profcrira deux fciences dont je rccon-
nois l'utilité & la nécefîîté indifpenfable,
mais je crois qu'on les traiteroit beaucoup
moins longuement, fi on les réduifoit â
ce qu'elles contiennent de vrai & d'utile "
renfermées en peu de pages , elles y
gagnercicnt , & la phyfique aufîî qui doit
les fiiivri.
C'eft dans ces circonfïances que le roi
vient d'établir dans l'univcrfité de Paris
une chaire de phyfique expe'rimentdle,.
L'état préfent de la phyfique parmi nous
6^0 E X P
le goût que les ignorans mêmes t^mo^gnent
pour elle , l'exemple des (étrangers , qui
jouifTent depuis long- temps de l'avantage
il'un tel érablidement , tout iembloit de-
mander que nous fongeaflions à nous en
procurer un femblable. L'occaîion ne fut
jamais plus favorable pour affermir , dans
un corps auffi utile Se auili ellimable que
l'univerfité de Paris , le goût de la faine
phyfique , qui s'y répand avec tant de
fuccès depuis plufieurs années. Le mérite
reconnu de l'académicien qui occupe cette
chaire , nous répond du fuccès avec lequel
il la remplira. Je fuis bien éloigné de lui
tracer un plan que fa capacité & fon ex-
pc-rience lui ont fans doute déjà montré
depuis long-temps. Je prie feulement qu'on
me permette quelques réflexions généra-
les fur le véritable but des expériences.
Ces réflexions ne feront peut- être pas
inutiles aux jeunes élevés , qui fe difpofent
â profiter du nouvel établifTement fi avan-
tageux au progrès de la phyfique. Lês
bornes & la nature de cet article m'obli-
geront d'ailleurs à abréger beaucoup ces
réflexions , à ne faire que les ébaucher ,
pour ainfi dire , & en préfenter l'efprit &
la fubflance.
Les premiers objets qui s'offrent à nous
dans la phyfique , font les propriétés gé-
nérales des corps , & les effets d, l'adion
qu'ils exercent les uns fur les autres. Cette
aûion n'efl point pour nous un phénomène
extraordinaire ; nous y fommes accoutu-
més dès notre enfance : les effets de l'é-
quilibre & de l'impulfion nous font con-
nus , je parle des tffets en général ; car
pour la mefure & la loi précife de ces
effets , les philofophes ont été long- temps
à la chercher, & plus encore à la trouver :
cependant un peu de réflexion fur la na-
ture des corps , jointe â l'obfervation des
phénomènes qui les environnoient , au-
roient dû , ce me femble , leur faire dé-
couvrir ces loix lieaucoup plutôt. J'avoue
que quand on voudra réfoudre ce problème
fnétaphyfiquemenc & fans jeter aucun
regard fur l'univers , on parviendra peut-
être difficilement à fe fatistaire pleine-
ment fur cet arricle , & à démontrer en
toute rigueur qu'un corps qui en rencontre
iin 3ut?e doic lui communiquer du mou-
E X P
vement ; mats quand on fera attention
que les loix du mouvement fe réduifent à
celles de l'équilibre , & que par la nature
feule des corps il y a antérieurement à
toute expérience & à toute obfervation
un cas d'équilibre dans la nature , on dé-
terminera facilement les loix de l'impul-
fion qui réfultent de cette loi d'équilibre.
roye:^ ÉQUILIBRE. Il ne refte plus qu'à
favoir fi ces loix font celles que la nature
doit obferver. La queûion feroit bien-tôc
dicidée , fi on pouvoit prouver rigou-
reufement que la loi d'équilibre efl unique;
car il s'enfuivroit de - là que les loix du
mouvement font invariables & néceffai-
res. La métaphyfique , aidée des raifon-
nemens géométriques , fourniroit , fi je ne
me trompe , de grandes lumières fur
l'unité de cette loi d'équilibre , & par-
viendroit peut-être à la démontrer ( voyez.
ÉQUILIBRE ) : mais quand elle feroit
impuifîànte fur cet article , l'obfervation
& l'expérience y fuopléroient abondam-
ment. Au déiaut des lumières que nous
cherchons fur le droit , elles nous éclairent
au moins fur le fait , en nous montrant
que dans l'univers , tel qu'il cfl , la loi de
l'équilibre eft unique ; les phénomènes les
plus fimples & les plus ordinaires nous
affurentde cette vérité. Cette ohfetv'ation
commune, ce phénomène populaire , fi
on peut parier ainfi , fuifit pour lervir de
bafe à une théorie fimp!e& lumineufe des
loix du mouvement; la phyfique experi'urn-
talc n'efl: donc plus néceffaire pour confîa-
ter ces loix , qui ne font nullement de fon
objet. Si elle s'en occupe , ce doit être
comme d'une recherche de fimple curio-
fité , pour réveiller & foutenir l'a: tention
des commencans, à- peu -près comme on
les exerce dès l'entrée de la géométrie à
faire des figures juftes , pour avoir le plai-
fir de s'alFurer par leurs yeux de ce que la
raifon leur a déjà démontré: mais un phy-
ficien proprement dit , n'a plusbefoin du
fécoursde l'expérience pour démontrer les
loix du mouvement & de la llatique ,
qu'un bon géomètre n'a befoin de règle &
de compas pour s'afiTurer qu'il a bien réfolu
un problême difficile.
La feule utilité véritable que puiffcnt
procurer au phyficien les recherches ex-pC'
E X P
rimeittales fur les loix de l'^quifibre , du
mouvement, & en général furlesaficûions
primitives des corp^ , c'eft d'examiner at-
tentivement la diftJrence entre le rélulcat
que donne la théorie & celui que t'ouinic
l'expéiicnce , & d'employer cutre diffé-
rence avec adrefTe pour déterminer , par
exemple , dans les effets de l'impulfion ,
l'altération caufée par la réfilLince de l'air ;
dans les effets des machines fimples , l'alté-
ration occafionnée par le frottement Se par
d'autres caufes. Telle eft la méthode que
les plus grands phyficiensont fuivie , &
qui cft la plus propre à faire faire à la fcien-
ce de grands progrès: car alors l'expérience
ne fervira plus limplement à confirnier la
théorie ; mais différent de la théorie fans
l'ébranler , elle conduira à des vérités nou-
velles auxquelles la théorie feule n'auroit
pu atteindre.
Le prem.ier objet réel de la phyfique ex-
ferimcntule , font les propriétés générales
des corps , que l'obfervation nous fait con-
noitre , pour ainfi dire, en gros, mais
dont l'expérience feule peut mefurer &
déterminer les effets ; tels for.t , par exem-
ple , les phénomènes de la pefanteur. Au-
cune théorie n'auroit pu nous faire trou-
ver la loi que les corps pefans fuivent dans
leur chute verticale ; mais cette loi une fois
connue par l'expérience , tout ce qui ap-
partient au mouvement des corps pefans ,
foit reftiligne , foit curviligne , foit incliné ,
foit vertical , n'efl plus que du reffort
de la théorie ; & fi l'expérience s'y joint ,
ce ne doit être que dans la même vue
& de la même manière que pour les loix
primitives de l'impulfion.
L'obfervation journalière nous apprend
de même que l'air eft pefant , mais l'ex-
périence feule pouvoir nous éclairer fur la
quantité abfohie de fa pefanteur : cette
expérience eft la bafe de l'aérom.'trie ,
& le raifonnement achevé le refte. Foyez,
Akrométrie.
On fait que les fluides prefTent & réfif-
tcnt quand ils font en repos, & pouffent
quand ils font en mouvement; mais cette
connoiffance vague ne fauroit être d'un
grand ufage. (I faur,pourlarendrepluspréci-
fe & par conféquent plus réelle & plus utile,
avoir recours à l'expérience ; en nous fai-
E X P ^jî
Tant connoitre les loix de l'hydroflatiquc ,
elle nous donne en quelque manière beau-
coup plus que nous ne lui demandons ; car
elle nous appi end d'abord ce que nous n'au-
rions jamais foupçonné , que les fluides
ne prefient nullement comme les corps
folides , ni comme feroit un amas de petits
corpufcules contigus & prefîés. Les loix
de la chiJte des corps , la quantité de la
pefanteur de l'air , font des faits que
l'expérience feule a pu fans doute nous
dévoiler , mais qui , après tout , n'ont rien
de furprenant en eux-mêmes : il n'en efl
pas ainfi de la preflïon des fluides en touc
fcns , qui e/t la bafe de l'équilibre des
fluides. C'efl un phénomène qui paroîc
hors des loix générales , & que nous avons
encore peine à croire , même lorfque nous
n'en pouvons pas douter : mais ce phéno-
mène une fois connu , l'hydroflatique n'a
guère befoin de l'expérience : il y a plus ,
l'hydraulique même devient une fcience
entièrement ou prefqu'entiérement ma-
thétiiatique ; ]q àisprc(quentierem;nt , car
quoique les loix du mouvement des fluides
fe déduifent des loix de leur équilibre , il
y a néanmoins des cas ou l'on ne peut
réduire les unes aux autres qu'au moyen
de certaines hypochefes , & l'expé-
rience eft néceffaire pour nous afllirer
que ces hypothefes font exaâres & non
arbitraires.
Ce feroit ici le lieu de faire quelques
obfervations fur l'abus du calcul & des
hypothefes dans la phyfique , fî cet objet
n'avoir été déjà rempli par des géomètres
mêmes , qu'on ne peut accufer en cela de
partialité. Au fond , de quoi les hommes
n'abut'ent-ils pas ? on s'eft bien fcrvi de la
méthode des géomètres pour embrouiller
la méraphyflque : on a mis des figures de
géométrie dans des traités de l'ame ; &
depuis que l'aftion de Dieu a été réduite
en théorèmes , doit- on s'étonner que
l'on ait effayé d'en faire autant de l'aâion
des corps ? royez, DegRÉ.
Que de chofes n'aurois-je point à dire
ici fur les fciences qu'on appelle phvfiio~
m.ubntiatiqties , fur l'aftronomie phyfique
entr'autres , fur l'acouftique , fur l'optique
& fes différentes branches , (ïir la manière
dont l'expérience & le calcul doivent s'unir
6t,i E X P
pour rendre ces fciences les plus parfaites
qu'il eft poïïible ; mais afin de ne point
rendre cç^t article trop long , je renvoie
ces réflexions & plulieurs autres au mot
Physique , qui ne doit point être fépare'
de celui-ci. Je me bornerai pour le préfcnt
à ce qui doit être le véritable & comme
l'unique objet de la phyfique expcrintenta-
le ; à ces ph'nomenes qui fe multiplient à
l'infini, fur la caufe defquels leraifonne-
ment ne peut nous aider , dont nous n'ap-
percevons point la chaîne , ou dont au
moins nous ne voyons la liaifon que très-
imparfaitement , très-rarement , & après
les avoir envifagés fous bien des faces : tels
font , par exemple , les phénomènes de la
chymie , ceux de l'éleftricité ; ceux de l'ai-
mant , & une infinité d'autres. Ce font- là
lestait que le phy!iciendoitfur- tout cher-
cher à bien connoîcre : il ne fauroit trop
les multiplier ; plus il en aura recueilli ,
plus il fera près d'en voir l'union : fon
objet doit être d'y mettre l'ordre dont ils
feront fufcepîibl es , d'expliquer les uns par
les autres autant que cela fera pofîible , &
d'en former , pour ainfi dire , une chaîne
où il fe trouve le moins de lacunes que
fa\re fe pourra ; il en reliera toujours aflez ;
la nature y a mis bon or Ire. Qu'il fe garde
bien fur-tout de vouloir rendre raifon de
ce qui lui échappe ; qu'il fe défie de cette
fureur d'expliquer tout , que Defcartes a
introduire dans la pliyfique , qui a accou-
tumé la plupart de fes fedateurs à fe con-
tenter de principes -Se de raifons vagues ,
propres à foutenir également le pour & le
contre. On ne peut s'empêcher de rire ,
quand on lit dans certains ouvrages de
phyfique les explications des variations du
baromettre , de la neige , de la grêle , &
d'une infinité d'autres faits. Ces auteurs ,
avec les principes & la méthode dont ils fe
fervent, feroient du moins aulîi peu embar-
raflés pour expliquer des faits abfolument
contraires; pour démontrer , par exemple,
qu'en temps de pluie le baromètre doit
haufTer , que la neige doit tomber en été &
la grêle en hiver , & ainfî des autres. Les
explications dans un cours de phyfique doi-
vent être comme les réflexions dans l'hif-
toire, courtes, fages, fines, amenées parles,
faits , ou renfermées dans Içs faits mêmes
E X P
par la manière dont on les préfente."
Au reî^e , quand je profcris de la phy-
fique la manie des explications , je fuis bien
éloigné d'en profcrue cet efprit de con-
jeâure qui , tout-à la-fois timide & éclai-
ré , conduit quelquefois à des découver-
tes , pourvu qu'il fe donne pour ce qu'il
ell , jufqu a ce qu'il foit arrivé à la dé-
couverte réelle : cet efprit d'analogie ,
dont la fage hardiefle perce au-delà de ce
que la nature femble vouloir montrer , &
prévoit les faits , avant que de les avoir
vus. Ces deux ta'ens précieux & fi rares,
trompent à la vérité quelquefois celui qui
n'en tait pas allez fobrement ufage : mais
ne fe trompe pas ainfi qui veut.
Je finis par une obîervation qui fera
courte , n'étant pas immédiatement de
l'objet de cet article , mais à laquelle je
ne puis me refufer. En imitant l'exemple
des étrangers dans l'établifiement d'une
chaire de phyfique expeYiinctitule qui nous
manquoit, pourquoi ne fuivrions-nous pas
ce même exemple dans l'établifl'ement de
trois autres chaires très-utiles , qui nous
manquent entièrement , une de morale »
une de droit public , & une d'hiftoire ;
trois objets qui appartiennent , en un cer-
tain fens , à la philofophie cxpeYimentale,
ptife dans toute fon étendue. Je fiiis certai-
nement bien éloigné de mJpriler aucun
genre de connoifl'ance ; mai,^ il me femble
qu'au lieu d'avoir au collège royal deux
chaires pour l'arabe, qu'on n'apprend plus ;
deux pour l'hébreu , qu'on n'apprend
guère; deux pour le grec , qu'on apprend
allez peu , & qu'on devroit cultiver da-
vantage ; deux pour l'éloquence , dont la
nature ell prefque le feul maître , on fe
conrenteroit aifément d'une fcule chaire
pour chacun de ces objets ; &: qu'il manque
à la fplendeur & à l'utilité de ce collège
une chaire de morale , dont les principes
bien développés intérefleroient toutes les
nations ; une de droit public , dont les
élémens même font peu connus en Fran-
ce ; une d'hiftoire enfin qui devroit être
occupée par un homme tout-à-ia-fois
lavant & philofophe , c'efl-à-dire par
un homme fort rare. Ce fouhait n'eft pas
le mien feul , c'eft celui d'un grand nom-
bre de bons citoyens ; & s'il n'y a pas
beaucoup
E X P
beaucoup d'efpérance qu'il s'accomplilTe ,
il n'y a du moins nulle indifcrccion à le
propofer, { O )
EXPERTS f. m. pi. ( Jinjfpr. )fonc
des gens verll's dans la connoiflance d'une
fcience , d'un art , d'une certaine efpece
de marchandife , ou autre chofe ; lefquels
font choiiis pour taire leur rapport & don-
«er leur avis fur quelque point de fait
d'où dépend la décidon d'une contefîa-
tion , & que l'on ne peut bien entendre
fans le fecours des connoillances qui font
propres aux perfonnes d'une certaine pro-
fenion.
Par exemple , s'il s'agit d'efiimer des mou-
vances féodales , droits feigneuriaux , droits
àc iiiliice& honorifiques , on nomme
ordinairement des feigneurs gentilshommes
pofledant des biens & droits de même
qualité ; & pour l'eftimation des terres
labourables , des labours , des grains , &
uftenfilesde labour, on prend pour experts
des laboureurs ; s'il s'agit d'cltimer des
bâtimens , on prend pour fA,-pt'?-r/ des archi-
tectes , des maçons , & des charpentiers ,
chacun pour ce qui eft de leur refibrt;s'il s'a-
git de vérifier une écriture , on prend pour
experts des maîtres écrivains ; & ainfi des
autres matières.
Les experts font nommés dans quelques
anciens auteurs iur.ttores , parce qu'ils doi-
vent prérer ferment en juftice avant de
procéder à leur commi'îîon ; & comme
on ne nomme des experts que fur des
matières de fait , de-là vient l'ancienne
maxime : ad qutfl'ioncm fAct't refpondent jn-
ratores , ad qudjUonem jurh refpondcnt ju-
d'ices ; c'eft auffi de-là qu'ils font appelés
parmi nous jure's , ou experts jurc's. Mais
préfenrement cette dernière qualité ne fe
donne qu'aux experts qui font en titre d'of-
fice , quoique tous experts doivent prêter
ferment.
L'ufage de nommer des experts nous
vient des Romains ; car outre les arpen-
teurs , men'jorcs , qui taifoienr la mefure
des terres , & les huiffiersprifeurs , fum-
w^Wi , qui e.^imoiant les biens , on prenoit
auflî de'i gens de chaque profefTlon pour
les chofes dont la connoifTance dépendoit
des principes de l'art. Ainfi nous voyons
en la novelle 64, que l'eflimation des lé-
Tome XIII.
E X P ^33
gumes devoitétre faite par des jardiniers
de Conllantinople , ab horliilanîs & ipfis
horiim peritiani haboitibns ; ce que l'on rend
dans notre langue par ces termes , 6" gens
a ce connoijfaiis
Les experts étoient choifis par les partie?,
comme il cft dit en la loi hac éditait per
eosqtios utraque pars clcgerit ; on leur fai-
foit prêter ferment fuivant cette même
loi iiiterpofito facraniento ; & la novelle
64 fait mention que ce ferment fe prêtoic
fur les évangiles , divlnis niniirum propo-
fit'is evitngcliis.
Ils lont qualifiés à\'.rbttres dans quelques
loix , quoique la faction d'arbitres foie
différente de celle des experts , ceux-ci n'é-
tant point juges.
Le droit canon admet pareillement l'u-
fage des experts , puifqu'au chap. vj , de
fr'igidts & ?naleficiatis il eft dit qu'on ap-
pelle des matrones pour avoir leur avis •
volens babere ccrtitudinem pLev.iorem , quap-
dam matronas (un p.troch'ia providas &ho~
nefias ad titam pnfent'iani evocafl't.
En France autrefois il n'y avoir d'autres
experts qi\e ceux qui écoient nommés par
les parties , ou qui étoient nommés d'of-
fice par le juge, lorfqu'il y avoic lieu de
le faire.
Nos rois voulant empêcher les abus qui
fe commtttoient dans les mefurages Se
prife'es des terres , vifites & rapports en
matière de fetvitude , partages , roifées , &
autres acles dépendans de l'architeâure &
conftrudion , créèrent d'une part des ar-
penteurs jurés , & de l'autre des jurés ma-
çons & charpentiers , en toutes les villes du
royaume.
La création des jurés arpenteurs fut
faite par Henri II , parédit du mois de fé-
vrier i')54 , portant création de fix offices
d'arpenteurs & mefureurs des terres dans
chaque bailliage , fénéchauffée , &: autres
refTorts. Henri III , par autre édit du mois
de juin i57î , augmenta ce nombre d'ar-
penteurs de quatre en chacune defdites
jurifdiaions ; il leur attribua l'hirédiré &
la qualité de prudbomnus prJ feins de terres.
Il y en eut encore de créés fous le titre
d'experts jure's arpenteurs dans toutes les
villes où il y a jurifiic'lion royale , par
édit du mois de mai 1680. Tous ces arpen-
L 111
^34 . E X P
teurs prifeurs de terres furent fupprimes
par édit du mois de décembre 1690,
dont on parlera dans un moment.
D'un autre côté Henri III avoit crée par
édit du mois d'odobre 1574 , des jurés
maçons & charpentiers en toutes les villes
du royaume , pour les vifites , toifées , &
prifées des bâtimens , & tous rapports en
matière de fervitude , partage , & autres
ades femblables.
Il y eut auffi au mois de feptembre i663 ,
un édit portant création en chaque ville
du refTort du parlement de Touloufe , de
trois offices de commifTaires prudhommes
experts jures , pour procéder à la vérifi-
cation & effimation ordonnées par juflice
des biens & héritages faifis réellement , à
la liquidation des dégâts, pertes & détério-
lation à l'audition & clôture des comptes
de tutelle & curatelle.
Mais la plupart des offices créés par ces
ià'xs ne furent pas levés à caufe des plain-
tes qui furent faites contre ceux qui a voient
été les premiers pourvus de ces offices ;
c'eft pourquoi l'ordonnance de 1667 , tit.
xxj , art. 1 1 , ordonna que les juges &
les parties pourroient nommer pour ex-
perts des bourgeois ; & qu'en cas qu'un
artifan fût intérefle en fon nom , i! ne pour-
roit être pris pour expert qu'un bourgeois.
Mais comme il arrivoit tous les jours
que des pcrfonnes fans expérience fuffi-
faiite s'ingéroient de faire des rapports
dans des arcs& métiers dont ils n'avoient
ni pratique ni connoiflànce , Louis XIV
crut de pouvoir remédier à ces défordres ,
en créant des experts en titre ; ce qu'il fit
par différens édits.
Le premier eft celui du mois de mai 1 690,
par lequel il fupprima les offices de jurés
maçoi.s & charpentiers créés par l'édit du
mois de décembre 1 574 , & autres édits &
déclarations qui auroient pu être donnés
en confc'quence ; & par le même édit il
crJa , en titre d'office héréditaire pour la
ville de Paris, cinquante experts jures; favoir
vingt- cinq bourgeois ou architedes , qui
auront exprcflémcnt & par afte en bonne
forme ,, renoncé a faire aucunes entrepri
fes diredcmcnt par eux , ou indiredcment
par peifonnes interpofées , ou aucune,'^
aflociarions avec des entrepreneurs , à
E X P
peine de privation de leur charge ; & vingt-
cinq entrepreneurs maçons, ou maître ou-
vriers : & à l'égard des autres villes , il créa
fix jures experts dans celles où il y a par-
lement , chambre des comptes , cour des
aides ; trois dans celles où il y a généralité ,
& autant dans celles où il y a préfidial ,
avec exemption de tutelle , curatelle , lo-
gement de gens de guerre , & de toutes
charges de ville & de police ; & en outre
pour ceux de Paris , le droit de garde gar-
dienne au chàtelet de Paris.
I! eft dit que les pourvus de ces offices
pouront être nommés experts ; favoir ceux
de la ville de Paris , tant dans la prévôté
& vicomte que dans toutes les autres
villes & lieux du royaume ; ceux des villes
où il y a parlement , tant dans ladite ville
que dans l'étendue du reflbrt du parlement;
ceux des autres villes , chacun dans les lieux
de leur établifTement , & dans le refibrt
du préfidial ou autre jurifdidion ordinaire
de ladite ville , pour y faire toutes les vifi-
tes, rapports des ouvrages , tant à Tamia-
ble qu'en juftice , en toute manière pour
raifon des partages , licitations , fevvitu-
dcs , alignemens , périls immincns , vifites
de carrière , moulins à vent& à eau , cours
d'eaux , & chauffées defdits moulins , ter-
rafles & jardinages , toifées , prifées , efti-
mation de tous ouvrages de maçonnerie,
charpenterie , couverture , menuiferie ,
fcnlpture , peinture , dorure , marbre , fer-
rurerie , vitrerie , plomb , pavé , &: autres^
ouvrages & réception d'iceux , & généra-
lement de tout ce qui concerne & dépend
de l'expérience des choies ci-deflus expri-
mées ; avec défenfes à coures aucres per-
fonn';s de faire aucuns Kipports & autres
ades qui concernent ces fortes d'opérations ,
& aux parties de convenir d'autres experts ,
aux juges d'en nommer d'autres d'offices,
& d'avoir égard aux ra;5ports qui pour-
roient être faits par d'autres.
Ce même édit ordonne qu'il fera fait
un tableau de cinquante experts , diftingué
en deux colonnes , l'une des vingt-cinq ex-
perts bourgeois architeclcs , l'autre des
vingt cinq experts entrepreneurs. Il règle
leurs falaires & vacations ; ordonne qu'ils-
prêteront ferment devant le juge des lieux p
qu'à Paris les vingt- cinq experts entrepren»-
|E X P
»eurs feront tour- à-tour toutes les femaî-
Besla vifite datons le? attcliers & bâti-
mens qui fe conftruifent dans la vi'Ie &
fauxbourgs ; qu'ils feront à cet effet afTiiys
. de fix maitLCS maçons , pour faire leur
rapport des contraventions qu'ils remar-
queront , dont les amendes feront perçues
par le fermier du domaine ; qu'on ne rece-
vra aucun maître maçon , que les jures
experts entrepreneurs n'aient été' deman-
das pour être pr^fens à l'expérience &
chef-d'œuvre des afpirans , & qu'ils n'aient
^té certifiés capables par deux defdits ju-
rés , & par le plus ancien ou celui qui fera
député de la première colonne , qui affile-
ra , fi bon lui fcmble , au chef-d'ctuvre.
II y avoir déjà des greffiers de l'écritoi-
te , pour écrire les rapports des experts ;
le nombre en fut augmenté par cet édit.
rejt'^ Greffiers de l'écritoire.
Le fécond édit , donné par Louis XIV
fur cène matière , eft celui du mois de
juillet de la même année, donné en inter-
prétation du précédent. Il porte création
en chaque ville du royaume où il y a baillia-
ge , féiiéchaufîee , viguerie , ou autre fiége
& jurifdiaion royale , de trois experts , &
un greffier Je l'écritoire dans chacune de
,ces villes pour recevoir leurs rapports.
Le troifieme édit efî celui du mois de
décembre de la même année , par lequel
Louis XIV fupprima les offices d'arpen-
iteurs prifeurs de terre , créés par édits des
mois de février i 5^4 & juin 1 57, ; & en
leur place il créa en titre d'office trois
experts prifeurs & arpenteurs jurés dans
chacune des villes où il y a parlement ,
chambre des comptes , & cour des aides ,
& auifi dans les villes de Lyon , Marfeille,
Orléans &. Angers , pour faire avec les
fix experts jurés , créés par édit du mois de
mai précédent , pour chacune des villes
où il y a parlement, chambre des comp-
tes , & cour des aides , le nombre de
neuf experts prifeurs & arpenteurs jurés ;
& avec les trois créés par le même édit,
pour les villes de Lyon , Marfeille , Or-
léans & Angers , le nombre de fix experts
•prifeurs & arpenteurs jurés; création de
deux dans les villes où il y a généralité
ou prtfidial , pour faire , avec les trois
créés par le premier édit , le nombre de
E X P 6^s
cinq , & un quatrième dans les autres villes
où il y en avoit d'ja trois : en forte que
tous ces experts , à l'exception de ceux de
Paris , fuffent dorénavant experts prifeurs
& arpenteurs jure's , pour faire feiils à
l'exclufion de tous autres , tout ce qui cil
porté par l'édit du mois de mai 1Ô90 ;
comme auffi tous les arpentages , mcfu-
rages , & prifées de terres , vignes , pi-cs ,
bois , eaux , îles , patis , comm.unes , &
toutes les autres fondions attribuées aux:
arpenteurs prifeurs par les édits de i^ï-l-
& 157^. rayez. Arpenteurs.
Le quatrième édit eft celui du mois de
mars 1696 , portant création d'offices d'ex-
perts prifeurs & arpenteurs jurés , par
augmentation du nombre fixé par les édits
des mois de mai , juillet , & décembre
1690. Au moyen de ces différentes créa-
tions, il y a prJfentement à Paris foixante
experts jurés ; favoir trente experts bour-
geois , & trente experts entrepreneurs.
L'édit de 1696 porte auffi création de
deux offices de prifeurs nobles dans chaque
évéché de la province de Bretagne. ]!)ans
le même temps il y eut un femblable édic
adrefîé au parlement de Rouen , & un
autre au parlement de Grenoble.
Il avoit été créé des offices de petits
voyers , dont les fondions , par édit du
mois de novembre 1697, furent unies â
celles des experts créés par édits de 1689 ,
i(?93 , & 1696.
En conféquence de ces édits , on avoic
établi des experts jurés dans le duché de
Bourgogne & dans les pays de BrefTe ,
Bugey , & Gex , de même que dans les
autres provinces du royaume. Mais fur les
remontrances des états de la province de
Bourgogne , ces officiers furent fupprimés
par édit du mois d'août 1700 , tant pour
cette province , que pour les pays de
BrefTe , Bugey , & Gex.
Les maîtres graveurs cifeleurs de Paris
font experts en titre , pour vérification^ &
ruptures des fcellés.
Lorfqu'il s'agit d'écriture , on nomme
des maîtres écrivains experts pour les véri-
fications.
Dans toutes les villes où il y a des experts
en titre , les parties ne peuvent convenir,
& les juges ne peuvent nommer d'office
L 111 2.
^3<? E X P
que des experts du nombre de ceux qui font
en titre , à moins que ce ne foie fur des
matières qui dépendent de connoifTjnces
propres à d'autres perfonnes : par exemple ,
s'il s'agit de quelque fait de cor^merce ,
on nomme pour experts des marchands ; fi
c'eft un fait de banque , on nomme des
banquiers.
Le procès-verbal que font les experts
pour confiater l'état des lieux ou des chofes
qu'ils ont vu , s'appelle rapport ; & quand
on ordonne qu'une chofe fera eftime'e à
dire d'expert , cela fignifie que les experts
diront leurs avis fur l'eflimation , & efli-
meront la chofe ce qu'ils croient qu'elle
peut valoir.
Lorfque la conteftation eft dans un lieu
où il n'y a point d'experts en titre , on
romme pour experts les perfonnes le plus
au fait delà matière dont il s'agit.
Suivant l'ordonnance de 1667 , tit. xxij,
les jugemens qui ordonnent que des lieux
& ouvrages feront vus , vifites , toifés ,
ou eftimés par experts , doivent faite men-
tion exprefTe des faits fur lefquels les rap-
ports doivent être faits , du ')uge qui fera
commis pour proce'der à la nomination des
experts , recevoir leur ferment & rapport ,
comme aufïï du délai dans lequel les par-
ties devront comparoir paidevant le com-
mifTaire.
Si au jour de l'affignaiion une des par-
ties necomparoit pas , ou efl refufante de
convenir d'experts , le commifFaire en doit
nommer un d'office pour la partie abfenre
ou refufante , pour procéder à la vifite
avec Vexpert nommé par l'autre partie.
Si les deux parties refufent d'en nom-
mer , le juge en nomme aufll d'office,
le tout fauf à récufer ; & fi la récufa-
tion eft jugée valable , on en nomme
d'autres à la place de ceux qui ont été
récufés.
Le commifTaire doit ordonner , par le
procès-verbal de nomination des experts,
le jour & l'heure pour comparoir devant
lui & faire le ferment ; ce qu'ils feront
tenus de faire fur la première affigna-
tion; & dans le même temps on doit leur
remettre le jugement qui a ordonné la
vifire , à laquelle ils doivent vacquer in-
ceffamment.
E X P
Les juges & les parties peuvent nom-
mer pour experts des experts bourgeois ;
& en cas qu'un artifan foit intérefïi; en
Ion nom contre un bourgeois , on ne
peut prendre pour tiers qu'un expert bour-
geois.
Il efî de la règle que les experts doivent
faire rédiger leur rapport fur le iieu par leur
greffier , & figner la minute avant de par-
tir de defFusle lieu. r. Cordonn. de Churles
IX, de Lan. 1^67.
Les experts doivent délivrer au commif-
faire leur rapport en minute , pour être
attaché â fon procès-verbal , &. tranfcric
dans la même groffe ou cahier.
Si les experts font contraires en leur rap-
port , le juge doit nommer d'office un tiers
qui fera affilié des autres en la vifite ; &
fi tous les experts s'accordent , ils ne don-
nent qu'un feul avis & par un même
rapport , fînon ils donnent leurs avislepa-
rtment.
L'ordonnance abroge l'ufage de faire
recevoir en jufiice les rapports 'd'fA-'pt'rri ,
& dit feulement que les parties peuvent les
produire ou les contelîer , ii bon leur fem-
ble. Laprodudion dont parle l'ordonnance^
ne fe fait que quand l'aftaire eft appointée ;.
l'ufage eit de demander l'entérinement
du rapport : ce que le juge n'ordonne que
quand il trouve le rapport tn bonne forme ,.
& qu'il n'y a pas lieu d'en ordonner un
nouveau.
Il eft défendu aux experts de recevoir
aucun préfent des parties , ni de foufîrir
qu'ils les détraient ou paient leur dépenfe ,
direflement ou indiredement , à peine de
concuffion & de 300 livres d'amende appli-
cable aux pauvres des lieux. Les vacations
des experts doivent être taxées par le com-
miflaire.
La partie la plus diligente peur faire don-
ner au procureur de l'aufe partie , copie
des procès-verbaux & rapports d'experts \.
& trois jours après pourfuivre l'audience
fur un fimple ade, fi l'affaire eft d'audience,
ou produire le rapport d expetts , li le pro-
cès eft appointe.
Les experts ne font point juges ; leur rap-
port n'eft jamais confidùé que comme un
avis donné pour inliruire la religion du juge^
E X P-
& celui-ci n'eft point aftreint à fuivre l'avis ,
des ixperts.
Si le rapport eft nul , ou que la matière
ne fe trouve pas furtilamment ^claircie ,
le juge peut ordonner un fécond , &
même un troifieme rapport. Si c'eft une
des parties qui requiert le nouveau rap-
port, & que le juge l'ordonne , ce rap-
port doit être fait aux dépens de la partie
qui le demande. Foyez. Cayt'icle 184, àc
la. couttuhe de Pans , &. les coutumes de
Nivernais , Bourbonnais , Alelun , Eftam-
fes , & Montfort.
Pour ce qui concerne la fonction des
experts en matière de faux principal ou
incident , ou de reconnoiflance en ma-
tière criminelle, lorfque Ton a recours
à la preuve par comparaifon d'e'criture ,
voyez, Cardonnance du faux , du mois de
juillet ij^y, FaUXCt-ReCONNOISSAN-
CE. {A)
Expert- ARCHITECTE au Expert-
bourgeois , eii celui qui n'eft point en-
trepreneur de bâcimens. Foyez, ce qui en ejl
dit Cl- devant.
Expert-arpenteur- mesureur-
PRISEUR , étoit un expert deftiné à me-
furer & eftimer les terres , pre's, bois ,
&c. Ces experts-arpenteursor\ é-téÇu^çn-
me's. Foyez, ce qui en e/l dit ci-devant an mot
Expert.
Expert-bourgeois , eft différent
d'un bourgeois que l'on nomme pour
expert. Avant qu'il y eût des experts en
titre , on nommoit pour experts des bour-
geois , comme cela fe pratique encore dans
les pays oii il n'y a pas à^cxperts. Mais
depuis la création des experts , dans les
pays où il y en a, on entend par expert
bourgeois, un expert en titre quin'cflpas
entrepreneur de bâtimens. Foyez, ci devant
Expert.
Expert juré, eft celui qui eft en titre
d'office. F", ^■-(/f^',^7/f Expert.
Expert noble; il en fut créé par édit
de 1696. F . ce qui en eft dit ci- devant au mot
Expert.
Expert nommé d'office , eft celui
que le juge nomme pour une partie abfente,
ou qui refufe d'en nommer , ou pour les
deux parties , lorfqu'elles n'en nomment
point, ou enfin qu'il nomme pour /if r.f t'A;-
E X P 6^j
pcrt , lorfque les parties ne s'accordent pas
fur le choix.
Expert surnuméraire 0:1 sur-
numéraire : quelques auteurs appellent
ainfi le tiers expert , parce qu'il ell nommé
outre le nombre ordinaire.
Expert tiers, eft celui dont les par-
ties conviennent, ou que le juge nomme
d'office , pour départager les experts qui
font d'avis différent. ( A )
^ EXPIATION , f. f. ( Théologie. ) C'eft
l'adion de fouffrir la peine décernée contre
le crime , & par conféquent d'éteindre la
dette ou de fatisfaire pour une faute ;
ainfi l'on dit qu'un crime eft expié ^-ài l'ef-
fufion du fangdecelui quil'a commis. F,
Lustration, Propitiation, Satis-
faction.
Les catholiques romains croient que les
âmes de ceux qui meurent fans avoir entiè-
rement fatisfait à la juftice divine, vont
après la mort dans le purgatoire , pour
expier les reftes de leurs péchés. F. Pur-
gatoire
Expiation fe dit auftî des cérémonies par
lefquelles les hommes fe purifient de leurs
péchés , & en particulier des facrifices
offerts à la divinité , pour lui demander
pardon & implorer fa miféricorde. voyez.
Sacrifice.
La fête de Y expiation chez les Juifs ,
que quelques traducteurs appellent le jour
du pardon , fe célébroit le dixième jour
du mois de Tifri, qui répondoit à une
partie de nos mois de feptembre &; d'oc-
tobre. On s'y préparoit par un jeûne ; &
enfuitelegrand-prétre revêtu de fes habits
facerdotaux , après avoir offert un bœuf
en facrifice, recevoir du peuple deux
boucs & un bélier, qui lui étoient pré-
fentésà l'entrée du tabernacle ou du tem-
ple. Il tiroit le fort fur ces deux boucs ,
en mêlant deux billets dans l'urne, l'un
pour le Seigneur , & l'autre pour azazel ,
c'tft-à-dire , pour le bouc qui devoir être
conduit hors du camp ou de la ville char-
gé des péchés du peuple, & appelé /;/Vf«5
eniijfurius , bouc émiftaire , & par les Hé-
breux az.azel. Foyez. APOPOMPÉE &
Azazhl.
Le grand-prêtre immoloit pour le pé-»
cbé \i bouc qui étoit deftiné par le fort à
($38 E X P
être offert au Seigneur , & réfervoit celui
fur lequel le fort du bouc cmilfaire étoit
tombé : enfuite prenant l'encenfoir , du
feu facré des holocauttes , & d'un encens
fjrépaié qu'il jetoit defîus, il entroit dans
e fanduaire , y faifoit fept afperfions du
fang du bouc qu'il avoit immolé; après
quoi il revenoit dans le tabernacle ou
dans le temple , y faifant des arperfions de
ce même fang , & en arrofant les quatre
coins de l'autel des holocaudes. Le fanc-
tuaire , le tabernacle & l'autel étant ainfi
purifiés , le grand-prétre fe faifoit amener
le bouc émiffaire , mettoit fa main fur la
tète de cet animal , conteffoit fes péchés
& ceux du peuple & prioit Dieu de
faire retomber fur cette viâime les ma-
lédictions & la peine qu'ils avoicnt méri-
tées. Le bouc étoit alors conduit dans
un lieu déftrt , où il étoit mis en liberté ,
& , félon quelques-uns , précipité. Le
grand-prétre quittant alors fes habits , fe
lavoit dans le lieu faint ; puis les ayant
repris , il offroit en holocaufle deux bé-
liers, l'un pour le peuple , & l'autre pour
lui-même. Il mettoit fur l'autel la graiflTe
du bouc immolé pour le péché du peuple ;
après quoi tout le relie de cette vidime
étoit porté hors du camp , & brûlé par
im homme qui ne rentroic dans le camp
qu'après s'être purifié en le lavant : celui
qui avoit conduit le bouc émiiîaire dans
le défert , en faifoit de même. Telle étoit
Vexpiition folemnelle pour tout le peuple
parmi les Hébreux. Les Juifs modernes y
ontfubfUtué l'immolation d'un coq. Outre
cette expiation générale , leurs ancêtres
avoient encore plufieurs expiations parti-
culières pour les péch.'s d'ignora-'ce , foit
pour les meurtres involontaire? , foit pour
les impuretés légales, foit par des facrifi-
ces , foit par des ablutions ou des afperf-
fions : on en peut voir l'énumération &
le détail dans le cbap. xvj. & plufieurs
autres endroits du Lévitique.
Les chrétiens qui fe font lavés du fang
de l'agneau fans tache , n'ont point eu
d'autres cérémonies d^expiaiion particuliè-
re , que celle de l'application des mérites
de ce fang répandu furie calvaire , la-
quelle fe fait par les facremens , & en
particulier par le facrifice de la mefTe ,
'E XP
qui eft un même facrifice que celui du
facrifice de la croix ; les cérémonies , com-
me l'afperfion de l'eau bénite , n'étant que
d-s fignes extérieurs de la purification in-
térieure qu'opère en eux le S. Efprit. On
expie fes péchés par la fatisfadion , c'efl-à-
dire , par les œuvres de pénitence qu'on
pratique & qu'on accomplit par les mérites
de Jçfus-Chnil. roydz, SATISFACTION,
MÉRITES , &C. ( G )
Expiation , { Litt/rature.) aâe de
reliijion éiabli génér jlement dans le paga-
n Ime pour pui ifi.r les coupables Scies lieux
qu'on croyoit fo.ùl'és , ou pourappaifer la
colère des dieux qu'on fup,)ofoit irrités.
La cérémonie de V expiation ne s'employa
pas feulement pour les crimes , elle fut
pratiquée dans mille autres occafions dif-
férentes ; ainfi ces mots fi fréquens chez
les anciens , expiare , liifirare , piirgare ,
febriiare , {i^niRoient faire des actes de re-
ligion pour effacer quelque faute ou pour
détourner des malheurs , à l'occadon des
objets que la folle fuperftition préfentoic
comme de finiftres préfages. Tout ce qui
fembloit arriver contre l'ordre de la natu-
re, prodiges, monflres , fignes céleffes,
étoit autant de marques du courroux des
dieux ; & pour en éviter l'effet , on in-
venta des cérémonies religieufes qu'on crut
capables de l'éloigner. Comme on fe forma
des dieux tels que les infpiroit ou Ja
crainte ou l'efpérance , on établit à leur
honneur un culte où ces deux paflions
trouvèrent leur compte : il ne faut donc
pas être furpris de voir i^ntà^xpiatîons en
ufage parmi les payens. Les principales ,
dont je vais parler en peu de mots , fe fai-
foientpour l'homicide, pour les prodi-
gues , pour purifier les villes , les temples
& les armées. On trouvera dans le re.ueil
de Grœvius & de Gronovius , des traités
pleins d'érudition fur cette matière.
1°. De toutes les fortes d'expiations ,
celles qu'on employoit pour l'homicide ,
étoient les plus graves dès les fiecles hé-
roïques. Lorfque le coupable fe trouvoic
d'un haut rang , les rois eux mêmes ne
dédaignoient pas de taire la cérémonie de
l'expiation: ainfi dans ApolIodore.Copréus
qui avoit tué Iphice , el\ expie' par Euryf-
thée roi de Mycenes ; dans Hérodote ,
E X P
Adrafle vient fe faire expier par Crc'fiis
roi de Lydie ; Hercule elî cxpiif par Céix
roi de Trachine ; Orefte , par Démophoon
roi d'Athènes ; Jafon , par Circé , fouve-
raine de Tile dVEa. Apollodore , Jrgo-
tiautic. l'tb. IF , nous a laiflé un grand dé-
tail de la cére'monie de cette dernière ex-
piation , qu'il elt inutile de tranfcrire.
Cependant tous les coupables de meur-
tre involontaires n^xpio'wnt pas leur faute
avec tant d'appareil , il y en avoit qui fe
contentoient de fe laver fimplement dans
une eau courante : c'eft ainfi qu' Achille
fe purifia après avoir tué le roi des Léle-
ges. Ovide parle de 'plufieurs héros qui
avoient été purifiés de cette manière ; mais
il ajoute qu'il faut être bien crédule pour
fe perfuader qu'on puifTe être purgé d'un
meurtre à fi peu de frais :
Ah n'iniitnn faciles qui triftia crimitta aedis
Flumineâ tolli pojfe putatis aqua.
Fafî. lib. II. 4f.
Les Romains , dans les beaux jours de
!a république , avoient pour l'expiation de
l'homicide , des cérémonies plus férieufes
que les Grecs. Denys d'HalicarnafTe rap-
porte comment Horace fut expie' pour
avoir tué fa fœur ; voici le pafTage de
cet hiflorien : « après qu'Horace fut abfous
» du crime de parricide , le roi , con-
»> vaincu que dans une ville qui faifoit pro-
»> feffion de craindre les dieux, le juge-
f> ment de hommes ne fuffit pas pour
>j abfoudre un criminel , fir venir les pon-
« tifes , & voulut qu'ils appaifaffent les
j) dieux & les génies , & que le cou-
ty pable pafTât par toutes les épreuves qui
« étoient en ufage pour expier les crimes
« où la volonté n'avoit point eu de part.
« Les pontifes élevèrent donc deux autels,
» l'un à Junon prottôrice des fœurs ,
?j l'autre au génie du pays. On offrit fur
» ces autels plufieursfacrifices à' expiation,
« après lefquels on fit pafler le coupable
» fous le joug ».
La féconde forte à^expiation publique
avoit lieu dans l'apparition des prodiges
extraordinaires, & étoit une des plus
folemnelles chez les Romains. Alors le
fénat , après avoir confulté les livres fibyl-
£iis , ordonnoic des jours de jeûne , des
E X P ^39
fêtes , des prières , des facrifices , des
leftifternes , pour détourner les malheurs
dont on fe croyoit menacé ; toute la ville
étoit dans le deuil & dans la confternation ,
tous les temples étoient ornés , les facrifices
expiatoires renouvelles , & les leâillernes
préparés dans les places publiques. Voyezj
Lectisterne.
La troifîeme forte d'expiation fe prati-
quoit pour purifier les villes. La plupart
avoient un jour marqué pour cette céré-
monie; elle fe faifoit à Rome le ^ de fé-
vrier. Lefacrifice qu'on y offroit , fe nom-
moit amhiiïbitim , félon Servius ; & les
victimes que l'on immoloit , s'appelloient
amhurhiales , au rapport de Fefius. Outre
ctttç. fête , il y en avoit une tous les cinq
ans pour expier tous les citoyens de la ville ;
& c'elt du mot liiflrare , expier , que cet
efpace de temps a pris le nom de Itiflre. Les
Athéniens portèrent encore plus loin ces
fortes de purifications , car ils en ordonnè-
rent pour les théâtres & pour les places ou
fe tenoient les aflemblées publiques.
Lf lie quatrième forte ai' expiation , étoit
celle des temples & des lieux facrés : fi
quelque criminel y mettoit les pies , le lieu
étoit profané , il falloir le purifier. (Edipe,
exiié de fon pays , alla par hafard vers Athè-
nes , & s'arrêta dans un bois facré près du
temple des Euménides ; les habitans fa-
chant qu'il étoit criminel , l'obligèrent aux
expiations nécefTaires. Ces expiations con-
fiftoient à couronner des coupes facrées ,
de laine récemment enlevée de la toifon
d'une brebis ; à des libations d'eau tirées
de trois fources ; à verfer entièrement &
d'un feu] jet ladernierelibation , le tout en
tournant le vifage vers le foleil : enfin il
falioit offrir trois fois neuf branches d'oli-
vier ( nombre myflérieux, ) en prononçant
une priereaux Euménides. (Edipe, que fon
état rendoit incapable de faire une pareille
cérémonie , en chargea Ifmene fa fille.
La cinquième & dernière forte à^expia-
tion publique, étoit celle des armées, qu'oti
purifioit avant & après le combat : c'eft
ce qu'on nommoit armiln/rrte. Homère
décrit au premier livre 'de l'Iliade , l'expia-
tion qu'Agamemnon fit de fes troupes.
royez, Armilustrie.
Outre ces expiations, il y en avoit encore-
pour être initié aux grands & petits myl-
teresde Cérès , à ceux de Mythra , aux
orgies , &c. Il y en avoit même pour tou-
tes°le' aâ'ons de hi vie un peu importantes,
les noces , les funérailles , les voyages.
Enfin le peuple recouroit aux purifications
dans tout ce qu'il eftimoit être de mauvais
augure , la rencontre d'une belette , d un
corbeau , d'un lièvre ; un fonge , un orage
imprévu , & pareilles fottifes. Il eft vrai
que pour ces fortes à^xfuitions particuliè-
res il fuffifoit quelquefois de fe laver ou de
changer d'habits ; d'autres fois on em-
ployoit l'eau , le fel , l'orge , le laurier &
le fer pour fe purifier ;
Et v.tnim Ventura hom'inum geniis om'inn
noctis
F.irre plo plaçant , & fdlente [aie.
Tibuli. /ik///, eleg.iv,verj.%.
On croiroit , après ce détail , que tout
fans exception i'expoU dans le paganilme ;
cependant on fe tromperoit beaucoup ,
car il paroît poficivement par un paflage
tiré du livre des pentifes , que cite Ciceron
(les.lw IL) qu'ilyavo.t chez les Ro-
mains , comme chez les Grecs , des crimes
inexpiables : facrum cominijlum quod neque
expuri poterit , implè commfm eji iquod
explan poterh , publul facerdotes cxpiamo.
Tel eft ce paffage décifif , auquel )e croîs
pouvoir ajouter ici le commentaire de
l'auteur ioVefprhdes loix , parce que Ion
parallèle entre le chriftiamfme & le paga-
nifme fur les crimes inexpiables , et un
des plus beaux morceaux de cot excellent
livre ; il mériteroit d'être grave au frontif-
pice de tous les ouvrages thcologiqucs lur
cette importante matière.
,> La religion payer ne ( dit M. de
« Montefquieu ) , cetre religion qui ne
„ d-fendoit que quelques crimes grolhers,
„ qui arrêtoit la main & abandonnoit le
,5 cœur , pouvoir avoir des crimes inex-
n piahles ; mais une religion qui enveloppe
„ toutes les paffions , qui n'eft_ pas plus
„ jaloufe des aûlons que des dehrs & des
„ penfées ; qui ne nous tient point atta-
w chés par quelques chaînes , mais par un
„ nombre innombrable de fils ; qui lailie
» derrière elle la juftice humame , &
E X P
» commence une autre jufîice ; qui eft m
>j faite pour mener fans cedè du repentir |i
•) à l'amour , & de l'amour au repentir ;
» qui met entre le juge & le criminel un
»> grand médiateur , entre le jafte & le
» médiateur un grand juge : une telle i
fi religion ne doit point avoir de crimes |l
>3 inexpiables. Mais quoiqu'elle donne des
» craintes & des efpérances à tous , elle
» fait aflez fentir que s'il n'y a point de
>j crime qui par fa nature (o'it inexpiable ,
>j toute une vie peut l'être ; qu'il feroit
» très- dangereux de tourmenter la miféri-
w corde par de nouveaux crimes & de
n nouvelles expiations ; qu'inquiets furies j
» anciennes dettes , jamais quittes en-
» vers le Seigneur , nous devons crain.
» dre d'en contracter de nouvelles , de
» combler la mefure , & d'aller jufqu'au
» terme où la bonté paternelle finit w,
Efprit des loix, liv. XXIV, cb,xiij.^
LaiiTons au ledeur éclairé par l'étude
de i'hiftoire , les réflexions philofophiques
qui s'offriront en foule à fon efprit fur
l'extravagance des expiations de tous les
lieux & de tous les temps ; fur leur cours ,
qui. s'étendit des Egyptiens aux Juifs , aux
Grecs , aux Romains , CTf. fur leurs
différer.ces , conformes aux climats & au
génie des peuples : en un mot , fur les
caufes qui ont perpétué dans tout le
monde la fuperllition du culte à cet égard,
& qui ont fait profpérer le moyen com-
mode de contrafter des dettes, & de les
acquitter par de vaines cérémonies.
Je fâche peu de cas où l'on ait tourné
les idées religieufes de Vexpiation au bien
de la nature humaine. En voici pourtant
un t'xemple que je ne puis pafTer fous filen-
ce. Les Argiens, dit Plutarque, ayant con-
damné à mort quinze cents de leurs ci-
toyens , les Athéniens qui en furent infor-
més , frémirent d'horreur , & firent ap-
porter les facrifices d'expiations , afin qu'il
plût aux dieux d'éloigner du cœur des Ar-
giens une fi cruelle penfée. Ils comprirent
fans doute que la févérité des peines ufoic
les refforts du gouvernement; qu'elle ne
corrigeoit point les fautes ou les crinies
dans leurs principes , & qu'enfin l'atrocite
des loix en empêchoit fouvent l'exécution.
Article de M. le Cixvalier i^^-f^^^covRT.
EXPILATION
E X P
EXPILATION D'HÉRÉDITÉ ,
( J'"''fp- ) ^'^^ '^ fouflraction en tout ou
partie des effets d'une hérédité jacente ,
c'eft-à-dire , non encore appréhendce par
l'héritier. Il faut aulïï , pour que cette fouf-
tradion foit ainfi qualifie'e , qu'elle foit
faite par qu'elqu'un qui n'ait aucun droit à
la fucceffion ; ainû cela n'a pas lieu entre
co-héritiers.
Ce délit chez les Romains étoit appelle
crhnen expilata hxredit.itis , &: non pasfiir-
ttiiit, c'eft-à-dire, larcin , parce que l'héré-
dité étant jacente , il n"y a encoreperfonne
à qui on puiffe dire que le larcin foit fait.
L'héritier n'eft pas déportedé des effets
fouftraits , tant qu'il n'en a pas encore
appréhendé la pofielTion ; & par cette rai-
fon l'aûion de l'avoir appelée aclio furti ,
n'y avoit pas lieu : on ufoit dans ce cas
d'une pourfuite extraordinaire contre celui
qui étoit coupable de ce délit.
Cette aftion étoit moins grave que celle
appelée ailio furti ; elle n'étoit pas publi-
que, mais privée ; c'eft-à-dire, que celui
l'intentoit , ne pcurfuivoit que pour fon
intérêt particulier , & non pour la ven-
geance publique.
Le jugement qui intervenoit, étoit pour-
tant infamant ; c'efl pourquoi cette pour-
fuite ne pouvoit être intentée que contre
des perfonnes contre lefque'les on auroit pu
intenter i'aâion furti , fi rhérédité eût été
appréhendée ; ainii cette aâion n'avoir pas
lieu contre la femme qui avoit détourné
quelques effets de la fu cceflïon de fon mari :
il y avoit en ce cas une aclion particulii.re
contre elle , appelée actio rerum amataruni ,
dont le jugement n'étoit pas infamant.
Au refle la peine du dé]iz S'expil.ition
à'hcréditt étoit arbitrait^ chez les Ro-
mains , comme elle l'eft encore parmi
nous.
Outre la reftitutior des effets enlevés ,
& les dommages & intérêts que Ton accor-
de à l'héritier , celui qui a foullraic les
effets peut être condamné à quelque peine
affliftive , & même à mort , ce qui dé-
pend des» circo 'iil:j.ncef' ; comme , par exem-
ple , fi c'efl un domefiique qui a fouftrait
les effets.
L'iiéritier , qui après avoir répudié la
fucceflior, , v;^ a foufirait quelques effets ,
TomtX UL
E X P 641^
peut être pcurfuivi pour caufe d\xpiUtio>t
d' h ne dite'.
A l'égard du conjoint furvivant , ou des
héritiers du prédécédé qui recèlent quel-
ques effets, voy. Recelé, royez. le titre
du digefte cxpil.it^ hsreditutis. { ^ )
EXPIRATION , {. f. expiratio , ( Phy^
Jiolog. ) c'tft une partie effentiellede l'ac-
tion par laquelle s'exhale la refpiration ;
c'eft celle qui fait forcir des poumons l'air
qui y a pénétré pendant l'infpiration. (^oy.
Respiration.
Expir.itisn , quand on joint l'épithete de
dernière, fignifie la même chofe que la ?«»?•/.
C'eft cette dernière adion du corps qui
s'exerce , non par une force qui dépende
de la volonté , ou qui foit l'effet de la
vie , mais par une force qui lui eft com-
mune avec tous les corps , même inanimés;
ainfi l'air eft chaffé de la poitrine dans
ce dernier inftant , parce que les forces
de la vie , ceffant d'agir , & les mufcles
intercoftaux étant rendus comme paralyti-
ques par le défaut d'influence du fluide
nerveux , les fegmens cartilagineux des
côtes qui ont été fléchis & bandés par
l'action de ces mufcles , fe drefTent par
leur propre relîort, dans le moment qu'elle
cefîe ,• ils rabaiffent les cotes en même
temps que le diaphragme fe relâche &
remonte dans la poitrine ; ce qui en di-
minue la capacité en tout fens , &; en ex-
prime l'air pour la dernière fois. J/oyez,
Mort. ( d )
Expiration , {Comm. ) fin du terme
accordé, jugé ou convenu pour faire une
chofe ou pour s'acquitter d'une dette.
On dit V expiration d'un arrêt de furféance,
l'expiration des lettres de répi , V expiration
d'une promeffe, d'une lettre de change, d'un
billet payable au porteur. Diii. dt comm.
EXPIRER , ( Comm. ) finir, être à la fin
ou au bout du terme , en parlant d'écrits ou
de conventions , pour l'exécution defquels
il y a un terme préîix. On dit en ce fens ,
votre promejfe eft expirée , il y a long-temps
que j'en attends le paiement. Il faut faire
fon protêt , faute de paiement d'une lettre
de change , dans les dix jours de faveurs ;
on court trop de rifque de les laifîer expi-
rer. DictioHn. de Commerce,
EXPLÉTIF , EXPLÉTIVE , adj. terme
Mmm ni
642 E X P
de grammaire. On dit , mot explétif , ( mé-
thode greque , liv. vi'/j , c. xv , art. ^ r)
& l'on dit , particule exple'tive. Servius
( yEiiœid. verf. 424 , ) dit , expletiva con-
juiictio , & l'on trouve dans liiclor , liv. I ,
chap. xj , conjuncliones expUtiv£, Au lieu
à^expleVif & à' exple'tive , on die aufll , fa-
perflii , oifif , furabondant.
Ce mor exple'rif vient du latin explere ,
remplir. En effet *, les mots exple'tifs ne
fervent , comme les interjections , qu'à
remplir le difcours , &- n'entrent pour rien
dans la conftrudion de la phrafe , dont on
entend également le fcns , foit que le mot
expleYtf foit e'noncé ou qu'il ne le foit
pas.
Notre moi & notre vous font quelquefois
exple'tifs dans le ftyle lamilier : on fe fert
de ?«oi quand on parle à l'impératif & au
préfent : on fe fert de vous dans les nar-
rations. Tartuffe , dans Molière , aci. iij ,
fe. z , voyant Dorine , dont la gorge ne
lui paroiiïbit pas affez couverte , tire un
mouchoir de fa poche , & lui dit :
.... ^h , mon Dieu , je vous prie »
Avant que de parler , prenez,-moï ce
mouchoir !
& Marot a dit :
Faites-les moi les plus laids que fon
puijfe ;
Pochez, cet œil , feJfez,-mo\ cette cuijfe.
En forte que lorfque je lis dans Térence
( Heaut. aci. j , fc. 4 , verf. 32: ) , fac me ut
fciam , je fuis fort tenté de croire que ce
me ed explet/f en latin, comme notre ?«o/
en françois.
On a auflî plufieurs exemples du vous
explétif , dans les façons de parler tam.ilie-
res : il vous la prend , & V emporte , &c.
Notre même efl fouvent explétif : le roi y
e(i venu lui-même : j'irai moi-même ; ce
même n'ajoute rien à la valeur du mot roi ,
r,i à celle dejV.
Au troifieme livre de VEuelde de Virgile,
vers 6^1 , Achéménide, dit qu'il a vu lui-
même ie Cyclope fe faifir de deux autres
compagnons d'Ulyffe , & les dévorer :
Fidi , ego- met , duo de numéro , &c.
Où vous voyez qu'après vidi & après
tgo , la particule met n'ajoute rien au fens;
E X P
ainH met eft une particule exple'tive , ^ont
il y a plufieurs exemples: ego- met uar-
ruho ( Térence , Adelphes , act.jv , fc. 3 ,
verf. 13 ) , & dans Cicéron , au liv. r,
epit.jx , Vacinius prie Cicc'ron de le rece-
voir tout entier fous fa protedion ; jiifcipe
memet tottim : c'eft ainfi qu'en lie dans les
manufcrits.
La fyllabe fy , ajoutée à l'infinitif paf-
fii d'un verbe latin , eli expletive , puif-
qu'elle n'indique ni temps, ni perfonne»
ni aucun autre accident particulier du
verbe ; il eft vrai qu'en vers , elle fert
à abre'vler Vi de l'infinitif, & à four-
nir un daétyle au poète : c'eft la raifoa
qu'en donne Servius fur ce vers de-
Virgile :
Didce caput , magicas Invltam acctngi-er
artes.
III. En. V. 493,
Acclngler,, îd efi , praparari, dit Serviusf
ACCJNGIER aiitem ut ad infinitum modum
ER addatur , ratio ejfcit metri ; nain cum in
eo ACCiNGi ultima fit longa , additâ er
fyllabâ , brevls fit ( Servius , ibid. ) Mais
ce qui eft remarquable , & ce qui nous
autorife à regarder cette fyllabe comme-
exple'tive , c'eft qu'on en trouve auffi de»
exemples en profe : Fatinius cliens , pro fe
caufam vicier viilt. apud. Cic. liv. V ,
ai famiUares , epift. jx. Quand on ajoute
ainfi quelque fyllabe à la fin d'un mot ,
les grammairiens difent que c'eft une fi-
gure qu'ils appellent paragoge.
Parmi nous , dit M. l'abbé Régnier ,
dzns Ça. grammaire , pag. 56^, /«-4"*. ily
a auffi des particules exple'iives \ par exem-
ple les pronoms me , te,fe , joints à la par-
ticule c?; , comme quand ondit:jV»»V»
retourne , il s'en va ; les pronoms moi , toi y
lui , employés par répétition : s'il ne veut
pas vous le dire , je vous le dirai , moi ; it
ne m'app.irtient pas à moi , de me mêler de
vos alf.ù;\'s ; // ///.' appartient bien., à lui de
parLr comme il fait , &c.
Ces mots enfin , feulement , à tout ha fard,
après tout , & quelqu'aurrcs , ne doivent
fouvent être regardés que comme des mots
f.v/>/t7//i & furabondans , c'eft-à-d;re, des-
mots qui ne contribuent en rien à la conC-
E X P
tniftion ni au fens delà propofitian, mais
ils ont deux fervices.
1°. Nous avons remarqué ailleurs que
les langues fe font formJes par ufage
& co.Ti;-ne par une efpece d'inltina , &
non après une délib-'ration raifonnée de
tout un peuple ; ain(î quand certaines
façons de pa 1er ont cré auconfées par
une Imgue pratique, & qu'elles font reçues
parmi les honnêtes gens de la nation ,
nous devons les admettra , quoiqu'elles
nous paroifTent compofees de mots redon-
dans ix. combinés d'une manière qui ne
nous paroît pas régulière.
Avons-nous à traduire ces deux mots
d'Horace ,fsint quos , &c. au lieu de dire ,
^lU'lqnes-uns [ont qui , &c. nous devons
dire , /'/ y en a qui ,&:c. ou prendre quel-
<qu'autre tour qui foit en u(age parmi nous.
L'académie Françoife a remarqué que
dans cette phrafe -.s'eflune affaire ou il y va.
du Ij.lm de l'et.it , la particule V pnolt inu-
tile, puifque où fuffic pour le fens ; m.tis ,
dit l'académie , ce (ont !à des form-ilcs dont
en ne petit rieti ôter ( remarques & décifions
de l'acad. Franc. ci\ez Coignard, 1698 ) :
Ja particule ne eft aufTi fort fouvent ^.v-
fiStiv? , & ne doit pas pour cela être re-
tranchée -.fui affaire y & jette veux pas qu'on
■vienne in interrompre ; je crains pourtant
•qu( vous m veniez, : que fait là ce ne ? c'eji
votre venue que je crains ; je devrois
donc dire (împlement ,7V ;.('<</«.' ^«t' vous
meniez, : mn dit l'académie , il efl cert.un ,
ajoute-t-elle, auffi-bien que Vaugelas Bou-
'hours , &c. qu'avec craindre , empêcher , &
tjuelques autres verbes , il faut nccs/faire-
nient ajouter la négative ne : j'empêche-
rai bien que vous ne foyez du nombre ,
é'c. Remarq. & dëcif. de Yacud, pi^g. 30
C'eft la penfée habituelle de celui qui
parle , qui attire cette négation : je ne
VHix plis que vous veniez ; je crains , en fati-
haitant que vous ne veniez pus : mon efprit
tourné vers la négation, la met dans le
difcours. frayez, ce que nous avons dit de
la fyllepfe & de l'attraction , an mot
Construction , tom. il", p.ig. 78 & -j^.
. Ainfi le premier fervice des particules
ixple'tives , c'eft d'entrer dans certaines fa-
çons de parler confacrées , par i'ulage.
Le fécond fervice , &: le plus raifon^
E X P (?^3
nahie , c'eft do répondre au fenriment in-
térieur dont on cft alftâé , & de donner
ninh plus de force & d'éncri^ie à l'ex-
predion. L'intelligence eft prompte ; elle
n'a qu'un iniiant , fpiritus qnidcm promptus
efi ; mais le fcniiment eft plus durable ;
il nous affede , &: c'eft dans le temps que
dure cette affeclion , que nous laiftbns
échapper les interiedions , & que nous
prononçons les mots exple'tifs , qui font
une forte d'interjedion , puifqu'iis font
un effet du fentiment.
C'efl à vous àjortir , vous qui parlez..
Molière.
f^ous qui parlez. , eft une phrafe expletive ,
qui donné plus de force au difcours.
Je l ai vu , dis-je , vu, de mes propres yeux vu*
Ce quon appelle vu.
Molière , Tartuffe , act. v. fc. 3.
Et je ne puis du tout me mettre dans P efprit ,
Qu'Hait ofc tenter les cbofesque l'on dit. là ib.
Ces mots , vu de mes yeux , du tout , font
explétifs , & ne fervent qu'à mieux afTurer
ce que l'on dit; ;> ne parle pas fur le té-
moignage d'un antre \ je l'ai vu moi-même ;
je l'ai entendu de mes propres oreilles : & dans
Virgile , au neuvième livre de l'ene'ide ,
vers 457.
Aiemeadfum quifecifin me convertiteferrttm.
Ces deux premiers me nô font là que
par énergie & par fentiment .• elocutio efi
dolnre turvdti , die Servius. ( F )
EXPLICITE,adj.( (7r/?w?«.& Tbeolog.)
terme de l'école ; expliqué , développé. Le
contraire & corrélatif eft implicite ,quî
fignifiec^^«// n'ef}pas d'ftinciement exprimé.
On dit, volonté e.xplicite , volonté implicite.
Folonté explicite eft une volonté bien
exprefle & bien marquée. Volonté impli-
cite au contraire eft celle qui fe manifefle
moins par des paroles que par des circonf-
tances & par des faits. On dit de même,
foi explicite , foi implicite.
La foi explicite , de la manière qu'on
l'encend d'ordinaire, eft un acquiefcement
formel à cliacune des vérités que î'é-
giiie nous propofe ; au lieu que la foi
implicite eft un acquiefcement vague , in-
déterminé , mais refpedueux & fincere ,
pour tout ce qui peut faire l'objet de no-
tre croyance. C'eft ce qu'on appelle la foi
du charbonnier.
M m mm 3
^44 EXP
La plupart des hommes n'ont propre-
ment qu'une foi implicite ; ils n'ont com-
munément ni affez d'intelligence , ni afTez
de loifir , pour difcuter tant de propofi-
tions que les the'ologiens nous préfentent
comme des dogmes , & dont la connoif-
fance approfondie eft néceffaire pour la
foi explicite , prife au fens le plus étendu.
Mais ils ont prefque tous plus de temps
& de pénétration qu'il n'en faut pour
faifir le dogme explicite & fondamental
que le Sauveur nous recommande ; je
veux dire la confiance ou la foi que nous
devons avoir en fa parole , en fa puif-
fance , & en fa miffion.
C'eft principalement dans ce dernier
fcns que le mot foi eft employé dans le
nouveau teftament , comme on pourroit
]e prouver ici par la citation d'un grand
riombre de paffages. C'eft même fur la
foi que nous devons avoir en J. C. qu'efl
fondée celle que nous devons à l'églife ;
dès qu'il eft certain qu'elle a parlé , nous
devons nous foumettre fans réferve :
mais le refpeét que les décifions de l'é-
glife exigent de nous , ne doit être don-
r.é qu'à des décifions incontefiables , &
non à de fimples opinions débattues
pirmi les fcholalîiques. C'eft fur quoi les
fidèles ne fauioient être trop attentifs.
yoy."z FOT , Eglise. Cet article eft de M.
Fajguet.
EXPLOIT , f. m. ( Jurifprud. ) fignifie
en général tout afte de juflice ou procé-
dure fait par le miniftcre d'un huiffier
ou fergent ; foit judiciaire , comme un
exploit £ ajourne ment , qu'on appelle auiTi
exploit iïafjiguiition ou de demande ; foit les
aûes extrajudiciaires , tels que les fom.ma-
tions , commandemens , faifies , oppofi-
tions , dénonciations , proteftations , &
autres ades femblables.
Quelques- uns prétendent que le terme
Cl exploit vient du latin explic.ne , feu expe-
dire ; mais il vient plutôt de placituni ,
f/;î/(/:ondifoitauffi par corruption plaitum,
& en françois plet. On difoit aufli expUci-
tare fe , pour fe tirer d'un procès > & dû-là
on a appe'lé exploits ou exploite , les aâes
du miniftere dos huifticrs ou fergens qui
font ex placito , ou pour exprimer que ces
aftes feiveni à fe tirer d'une conteftation.
E X P
Les formalités des exploits d'ajournemem
& citation font réglées par le titre ij. de
l'ordonnance de 1667 : quoique ce titre
ne parle que des ajournemens , il paroit
que fous ce terme l'ordonnance a compris
toutes fortes à'exploits du miniftere des
huiffiers ou fergents , même ceux qui ne
contiennent point d'affignation , tels que
les commandemens , oppofitions , &c.
On ne voit pas en effet que cette or-
donnance ait réglé ailleurs la forme de
ces autr?s exploits ; & dans le titre xxxiij.
des faifies & exécutions, art. 3 , elle or,
donne que toutes les formalités des ajour-
nemens feront olif.'rvées dans les exploits
de faille & exécution , & fous les mêmes
peines ; ce qui ne doit néanmoins s'enten-
dre que des formalités qui fervent à ren-
dre l'exploit probant & authentique , & à
le faire parvenir à la connoiftance du
défendeur , lefquelles formalités font
communes à tous les exploits en gé-
néral ; mais cela ne doit pas s'enten-
dre de ceptaines formalités qui font
propres aux ajournemens , comme de
donner afîignation au défendeur devant un
juge compétent, de déclarer le nom & la
demeure du procureur qui eft conftituépar
le demandeur.
11 eft vrai que l'ordonnance n'a pas
étendu nommément aux autres exploits les
formalités des ajournemens , com.m.e elle
Ta fait à l'égard des faifies & exécutions ,
mais il paroît par le procès-verbal , & par
les termes mêmes de l'ordonnance , que
l'efprit des rédaâeurs a été de comprendre
fous le terme d'ajournement toutes fortes
d'exploits , & qu'ils luflent fujets aux mê-
mes formalités , du moins pour celles qui
peuvent leur convenir , l'ordonnance
n'ayant point parlé ailleurs de ces diffé-
rentes fortes d'exploits qui font cepen-
dant d'un ufage trop fréquent^ , pour
que l'on puifie préfumer qu'ils aient été
oubliés.
C'eft donc dans les anciennes ordon-
nances , dans ce que celle de 1667 pref-
crit pour les ajournemens , & dans les
ordonnances , édits & déclarations pof-
ti rieures que l'on doit chercher les forma-
lités qui font communes à toutes fortes
d'exl^oits.
E X P
Les premières ordonnances de la troifieme
race , qui font mention des fergens , ne fe
fervent pas du terme d'exploits en parlant
de leurs aftes ; ces ordonnances ne difent
pas non plus qu'ils pourront exploiter , mais
le fervent des termes d'ajourner , exécuter ,
exercer leur office.
La plus ancienne ordonnance oij j'aie
trouvé le terme ^'exploi: , eft celle du roi
Jean , éa pénultième mars 13^0 , où il
dit que les fergens royaux n'auront que
huit fous par four , quelque nombre d'f.v-
floits qu'ils faffenten un jour, encore qu'ils
en taffent plufieurs , & pour diverfes per-
fonnes ; qu'ils donneront copie de leur
commifTionau lieu où ils feront l'exploit, &
auffi copie de leurs refcriptions s'ils en font
requis;le terme des refcriptions femble figni-
iîer en cet endroit la mêmechofe qa'exploit
rédigé par écrit.
Pendant la captivité du roi Jean , le
dauphin Charles , en qualité de lieutenant
général du royaume , fit une ordonnance
au mois de mars 1356 , dont \\nticle 9
porte que les huiffiers du parlement , les
fergens à cheval , & autres en allant faire
leurs exploits menoient grand ttat , &
faifant grande dépenfe aux frais des bon-
nes gens pour qui ils faifoient les exploits ;
qu'ils alloient à deux chevaux pour gagner
plus grand falaire, quoique s'ils alloient pour
leurs propres affaires , ils iroient fouvent
à pie, ou fei oient contens d'un cheval;
le prince en conféquence règle leurs falai-
res ; & il défend à tous receveurs, gruyers ,
ou vicomtes d'établir aucuns fergens ni
commiffairesjmais leur enjoint qu'ils faffent
faire leurs exploits & leurs exécutions par
les fergens ordinaires des bailliages ou pré-
vôtés. Ces exploits étoient comme on voit
des contraintes ou ades du miniftere des
fergens.
Dans quelques anciennes ordonnances ,
le terme d'exploits fe trouve joint à celui
à\tiiiendc. C'eft ainfi que dans une ordon-
nance du roi Jean ^ du 2 J feptemb. 1 361 ,
il tft dit que certains juges ont établi plu-
. fleurs receveurs particuliers pour recevoir
les amendes , compoficions , & autres
exploits qui fe font pardevant eux II fem-
bleroit que le terme exploit fignifie en cet
endiGJt une peine pécun'hùre y comme l'a-
E X P ^4^
mende , à moins que l'on n'ait voulut par-
là défigiTer les frais des procès. verbaux,
& autres ades qui fe font devant le juge ,
& que l'on n'ait défigné le coût de l'ade
par le nom del'ade même. Le terme d'ex-
ploit fe trouve auffi employé en ce fens dans
plufieurs coutumes, & i! eft évident que l'on
a pu comprendre tout à la fois fous ce terme
un ade fait par un huiflier ou fergent , &
ce que le défendeur devoit payer pour les
frais de cet afte.
L'ordonnance de Louis XII , du mois
de mars 1498, parle des exploits des fergens
& de ceux des fous-fergens ou aides : elle
déclare nuls ceux faits par les fous-fergens;
& à l'égard des fergens , elle leur défend
de faire aucuns ajournemens pu autres ex-
ploits fans records & atteftations de deux
témoins , ou d'un pour le moins , fous
peine d'amende arbitraire, en grandes ma-
tières ou autres dans lefquclles la partie
peut emporter gain de caufe par un feul
défaut. L'ordonnance de 1667 obligeoit
encore les hkiiffiers à fe fervir de records
dans tous leurs exploits ; mais cette forma-
lité a été abrogée au moyen du contrôle,
& n'eft demeurée en ufage que pour les
exploits de rigueur , tels que les comman-
demens recordés qui précédent la faifie
réelle, les exploits de faifie réelle, les failles
féodales , demandes en retrait lignager ,
emprifonnemens , &c.
L'article 9 de l'ordonnance de 1539,
porte que fuivant les anciennes ordon-
nances , tous ajournemens feront faits à
perlonne ou domicile, en préfence de re-
cords & de témoins qui feront infcritsaa
rapport Siexploit de l'huifTier ou fergent,
& fur peine de dix livres parifis d'amende.
Le rapport ou exploit eft en cet endroit
l'ade qui contient l'ajournement. On ap-
peloit alors l'exploit rapport de l'buiffier ,
parce que c'tft en effet la relation de ce
que l'huiffier a fait , & qu'alors l'exploit fe
rédigeoit entièrement fur le lieu ; préfen-
tement l'huiffer dreffe l'fxp/o/V d'avance ,
& remplit feulement fur le lieu ce qui efl
néce (faire.
Cotte ordonnance de 1539 n'oblige pas
de libeller toutes fortes d'cxploits^mûi feu-
lement ceux qui concernent la demande &
l'adion que la novelle uz appelle LihiUi
(64-^ E X P
conveationem , & que nous appelons exploit
mrodiicTif de Vlnjl.wce ; } quo»l'ordon-
nance de 1667 paraît conforme. _
L'éd't de Charles IX du mois de jan-
vier 1573, veut que les huiffiers & 1er-
gens fafîent regiftre de leurs exflohs en
bref pour y avoir recours par les parties
en cas qu'elles ayenC perdu leurs expions ;
cette formalité ne s'obferve plus , mais les
regiftres du contrôle y fuppléent.
Les formalités des exploits font les me-
mes dans tous les tribunaux tant ecckliai-
tiques que féculiers : elles font aufli a peu
près les mêmes en toutes matières perfcn-
r,elles, réelles, hypothécaires , ou mixtes
civiles, criminelles, oubenéhaalss, taut
le libelle de V exploit , qui eit diftc'rcnt félon
î'obietdelaconteilation.
Dansla Flandre, l'Artois, le Haynaut,
î'Alface , & le Roufîillon , on donnoit
auTefois des affignations verbalement &
fans écrit; mais cet ufage à été abrogé
par l'édit du mois de février 1656, & la
première règle à obferver dans un exploit ,
eu qu'il doit être rédigé par écrit à peine
de nullité.
Il y a néanmoins encore quelques exploits
qui fe font verbalement , tels que la cla-
pieur de haro : les gardes-chafTe afTignent
verbalement à comparoître en la capitai-
nerie j les fergents veidiers , les fergents
dangereux, & les mefllers donnent aufli
des alTignations verbales ; mais hors ces cas,
l'exploit dokêtre écin. ' ,. r-
Il n'efl pas néceiTaire que 1 exploit loit
entièrement écrit de la main de l'hui/Tier
ou feigent qui le fait; il peut être écrit
de la m.ain de fon clerc ou autre pcrfonne.
Bornier prétend que Vexploit ne doit pas
être écrit de la main des parties ; mais cela
ne doit s'entendre que dans le cas où IVx-
plûit feroit rédigé fur le lieu , parce que
les parties ne doivent pas être prél^entes
aux exécutions , afin que leur préfence
n'anime point leur adverfaire.
Les huiffiers ou fergens font feulement
dans l'ufage d'écrire de leur propre main ,
tant en l'original qu'en la copie de Vexploit ,
leurs noms i>: qualités & le nom de la per-
ibnne à laquelleils ont parlé & laifie copie
àe Vexploit; ce qu'ils obfervent pour juf-
rjfîer qu'iils ont donné eux-mêmes lV.«^/oi/.
E X P
Il n'y a cependant point de r 'glement qu'il
les afrujetifTe à écrire aucune partie de
Vexploit de leur propre main.
Il eft vrai que VarticU 14 du titre ij , de
l'ordonnance de 1667, qui veut que les
huifliers fâchent écrire & figner , femble
d'abord fuppofer qu'il ne fuffit pa'^ qu'ils
lignent r^vf/o if , qu'il faudroit au (H qu'ils
en écrivifTent le corps de leur propre
main : mais l'article ne le dit pas expref-
fément, & les nullités ne fuppléent pas.
L'ordonnance n'a peut - être exigé que
les huiffiers fâchent écrire , qu'afin qu'ils
lifent & fignent Vexploit en plus grande
connoiirance de caufe, & qu'ils ioient ea
état d'écrire la réponfe ou déclaration que
le défendeur peut faire fur le lieu au mo-
ment qu'on lui donne Vexploit , & d'écrire
les autres mentions convenables fuivant
l'exigence des cas , fuppofé qu'ils n'euflent
perfonne avec eux par qui ils pulTent faire
écrire ces fortes de réponfes ou mentions :
il efï mieux néanmoins que l'huifiierrem-
pliflTe du moins de Çzmiinlt p. triant a ,
c'efi-à-dire, la mention delà perfonne à
laquelle il a parlé en donnant Vexploit , &
les réponfes , déclaration , & autres men-
tions qui peuvent être à faire.
Au relie il eft nécefFaire , à peine de nul-
lité, que les huifuers ou fergens fignenc
l'original & la copie de leur exploit.
Il efl défendu aux huiffiers & fergens ,
par plufieurs arrêts de réglemens , de faire
faire aucunes fignifications par leurs clercs,
à peine de faux , notamment par un arrêt
du 22 janvier 1606; & par un règlement du
7 feptembre 1654, article 14 ,^ il eft défen-
du aux procureurs , fous les mêmes peines ,
de recevoir aucunes fignifications que pat
les mains des h'ùffiers : mais ce dernier
réglem.ent ne s'obferve pas à la rigueur ;
les huiffiers envoyant ordinairement par
leurs clercs les fignifications qui fe font de
procureur à procureur.
Depuis 1674 que le papier timbre a été
établi en France, tous exploits doivent
être écrits fur du papier de cette'efpece ,
à peine de nullité. Ilfautfefervir du papier
de la généralité & du rempç oij fe fait l't.v-
p/o/r; l'original & la copie doivent être
ççrilsfur du p.apier de cette qualité. 11 y a
E X P
pourtant quelques provinces en France où
l'on ne s'en fert pas.
Tous exploits doivent être r^dig^s en
François, à peine de nullité, conforme'ment
aux ordonnances qui ont enjoint de rédiger
en françois tous aftes publics.
Ondoitaufli, î peine de nullité, mar-
quer dans ^exploit la date de l'année , du
mois & du )our auquel il a été tait. On ne
trouve cependant point d'ordonance qui
enjoigne d'y marquer la date du mois & de
l'année ; mais cette formalité eft fondée en
raifon , & l'ordonnance de Bloisla fuppofe
nécedaire, puifque Vuritcle 173 de cette
ordonnance , enjoint aux huiffiers de mar-
quer le jour & le temps de devant ou après
midi. Il eft vrai que cet article ne parle que
àes exploits contenant exécution, f^ifie ,
ou arrêt , qui font en effet prefque les feuls
où l'on fade mention du temps de devant
ou après midi. A l'égard des autres exploits,
il fuflir d'y marquer la date de l'année , du
mois , &■ du jour , comme cela fe pratique
dans tous les ades publics : ce qui a été fage-
ment établi , tant pour connoître fi l'huif-
fier avoir alors le pouvoir dinftrumenter ,
& fi l'exploit a été fait en un jour conve-
nable, que pour pouvoir juger fi les pour-
fuites étoient bien fondées lorfqu'eiles ont
été faites.
On ne peut faire aucuns exploits les jours
de dimanche & de fêtes à moins qu'il n'y
eut pénis en la demeure, ou que le juge ne
l'eût permis en connoiifance de caufe ;
hors ces cas, les f.icp/ff/rj- faits un jour de
dimanche ou de fête font nuls , comme il
eft attefté par un ade de notoriécé de M.
le lieutenant civil le Camus , du 5 mai 1703;
mais fuivant ce même aûe , on peut faire
tous exploits pendant les vacations & jour
de férié du tribunal.
La plupart des exploits commencent par
la date de l'année , du mois , du jour ; il
n'tft pourtant pasefl'cntiel qu'elle foit ainfi
au commencement : quelques huiflîers la
metrenià la fin , & cela paioît même
plus régulier , parce que Y exploit poui roît
n avoir pas été fini le même jour qu'il a été
commencé.
Il n'y a point de règlement qui oblige de
majquer dans les exploits à quelle heure ils
ont été faits , l'ordonnance de Blois ne l'or-
E X. P ^47
donne même pas pour les faifîes : il feroic
bon cependant que l'heure fut marquée
dans tous les c.v^/o/fi , pour connoître s'ils
n'ont pas été donnés à des heures indues ;
car ils doivent être faits de jour : quelques
praticiens ont même prétendu que c'étoic
de -là que les cvp/cifi d'a'iignation ont été
nommés ujournoiiens ; mais ce mot fignifie
ajjign.it ion à certain Jour.
Four ce qui eft du lieu où l'exploit eft
fait , quoiqu'il ne foit pas d'ufage de le
marquer à la fin comme dans les autres
ades , il doit toujours être exprimé dans
le corps de Vexploit; fi l'huilTier inftru-
mentedans le lieu defaréfidence ordinaire,
& que Vexploit foit donné à la perfonne ,
il doit marquer en quel endroit il l'a trou-
vé ; fi c'eft à domicile , il doit marquer
le nom de la rue ; s'il fe tranfporte dans
un autre lieu que celui de fa rtfidence , il
doit en faire mention.
L'étendue du reffort dans lequel les huif-
fiers Ôc fergens peuvent exploiter , eft plus
ou moins grande , félon le tirre de leuE
office, roye^ Huissiers & Sergens.
'Vexploit doit contenir le nom de celui
à la requête de qui il t.ft fait ; mais cette
perfonne ne doit pas y être préfente : cela
eft exprefT-ment défendu par l'ordonnance
de Moulins, article 32 , qui porte que les
huiffiers ne pourront aucunement s'accom-
pagner des parties pour lefquelles ils ex-
ploiteront , qu'elle^ pourront feulement y
envoyer un homme de leur part , pour
défigner les lieux & les perfonnes ; auquel
cas celui qui fera ainfi envoyé , y pourra
alFifter fans fuite & fans armes.
L'ordonnance ne donne point de recours
à la partie contre l'huiflier , pour raifon
des nullités qu'il peut commettre ; c'efl
pour cela qu'on dit communément , a mal
exploite point de garant : cependant lorf-
que la nullité eft telle qu'elle emporte la
déchéance de l'adion , comme en matière
de retrait lignager , l'huifTier en eft ref-
ponfable.
Les huifîiers doivent , à peine de nul-
lité , marquer dans Vexploit leur nom ,
furnom , & qualités , la jurifdiûion où ils
font immatriculés , la ville , rue & pa-
roifle où ils ont leur domicile , & cela
tant en la copie q.u'en l'originaJ , de l'^x^
648 E X P
plolt ; ils font même dans l'ufage d'écrire
leurs qualités , matricule & demeure de
leur propre main , pour faire voir qu'ils
ont eux-mêmes dreffé Vexploit : mais il
n'y a pas de règlement qui l'ordonne.
Ils doivent aufll , à peine de nullité ,
marquer dans Vexploit le domicile & la
qualité de la partie : ce n'eft pourtant pas
une nullité de mettre quelqu'une des qua-
lités des parties , pourvu que les perfonnes
foient défignées de manière à ne pouvoir
s'y méprendre.
Outre le domicile aSuel , la partie fait
quelquefois par Vexploit éleftion de domi-
cile chez le procureur qu'elle conftitue ,
ou chez quelque autre perfonne.
Tous exploits doivent être taits à per-
fonne ou domicile , & faire mention en
l'original & en la copie , de ceux aux-
quels Vexploit a été laiflé ; le tout à peine
de nullité & d'amende. Il eft d'ufage que
l'huiffier rempliffe cette mention de fa
propre main.
Les exploits concernant les droits d'un
bénéfice , peuvent cependant être faits
au principal manoir du bénéfice ; comme
aufll ceux qui concernent les droits &
fondions des offices ou commiflions ,
peuvent être faits au lieu où s'en tait
l'exercice.
Quand les huifliers ou fergens ne trou-
vent perfonne au domicile , ils font tenus ,
fous les peines fufdites , d'attacher leurs
exploit* à la porte , & d'en avertir le proche
voifin, par lequel ils font figner l'c.vp/ff/V ;
& s'il ne le veut ou ne le peut faire , ils en
doivent faire mention ; & en cas qu'il n'y
eût point de proche voifin , il faut faire
parapher Vexploit par le juge , & dater le
jour du paraphe ; & en fon abfence ou
refus , par le plus ancien praticien , aux-
quels il ell enjoint de le faire fans frais.
Tous huifliers & fergens doivent met-
tre au bas de l'original de leurs exploits ,
les femmes qu'ils ont reçues pour leur fa-
laire , â peine d'amende.
Enfin ils font obligés de faire contrôler
leurs exploits dans trois jours de leur date ,
â peine de nullité des exploits & d'amende
contre les huifliers. royez, Contrôle,
EXI'LOIT D'AJOURNEMENTjc'eftune
E X P
aflîgnation : on comprend cependant quet-
qucfois fous ce terme , toutes fortes d'ex-
ploits. F. Ajourmement.
Exploit d'assignation , eft celui
qui ajourne la partie à ^umparoître devant
un ju-e ou officier public. Vùy. AJOUR-
NEMENT & Assignation.
Exploit contrôlé , eft c>.-lui qui
eft enrégiftré fur les regifires du con-
trôle , & fur lequel il eft fait mention
du contrôle.
Exploit de cour , eft un avan-
tage ou ade que l'on donne à la partie
comparente , contre celle qui fait dé-
faut de préfence , ou défaut de plaider ,
ou de farisfaire à quelque appointement.
l^oytz, U coutume de Bïetagv.e , articlt
159 , Sedan , 3ZI.
^ Exploit domanier , c'eft la faifie
féodale dont ufe le feigneur fur le fief
pour lequel il n'eft pas fervi : elle eft
ainfi appellée dans la coutume de Berri ^
tit. V , art. 25.
Exploit de justice ou de ser-
gent, c'eft le nom que quelques coutu-
mes donnent aux ades qui font du minif-
tere des fergens. Foyez, la coutume de
Bretagne , art. Jj, 92 , 229; Berri , tit. ij,
art. 29 & 32.
_ Exploit libellé , eft celui qui con-
tient le fujet de la demande , & les titres
&: moyens , du moins fommairement.
Exploit nul , eft celui qui renferme
quelque défaut de forme , tel que Ve.xploit
ed regardé comme non fait.
Exploit in p.iUs , eft une forme par-
ticulière d'explo't y ufitée entre les habi-
tans du comtat d'Avignon & les Proven-
çaux, Il y a des bateliers fur le bord
d'une rivière , qui fait la féparation de ces
deux pays , ces bateliers font ob!i,:;és de
recevoir tous les exploits qu'on leur donne, .
& de les rendre à ceux auxquels ils font
adrefles ; c'eft ce que Ton appelle un
exploit;;; palis. F. Dcfmaifons,/fr, A,n. 4.
Exploit de retrait , c'eft une
demande en retrait.
Exploit de saisie, c'eft le procès,
verbal de faifie.
Exploit du seigneur , c'eft la faifie
féodale. F. la coût, de Montargis, Dreux ,
Berri ,
E X P
Béni , Ork'.iv.s , & ci-devant EXPLOIT
DOMANIER.
Exploit verbal , efl celui qui cft
fai: fans écrit. Les cas où les exploits peu-
vent être ainfi faits , font marqués ci-devant
au mot Exploit.
Sur les f.vp/ff/w en général , voy. Imbert,
Papon , Bornier. {A)
EXPLOITABLE, zà\. (/«W/p. )fedit
de ce qui peut être exploité.
On appelle bois exploitables , ceux qui
font en âge d'être exploités , c'eft-à-diie ,
coupés.
Biens exploitables , font ceux qui peuvent
être faifis.
Meubles exploitables, font ceux qui peu-
vent être faifis & exécutés. Il y a en ce
fans deux fortes ds meubles qui ne font
point exploitables ; favoir ceux qui tiennent
à fer & à clou, & font mis pour perpé-
tuelle demeure , lefquels ne peuvent être
faifis qu'avec le fonds : les autres font ceux
que l'on eil obligé de laifTer à la partie fai
fia, telsquelelit, lesuftenfiles de labour,
& autres chofes réfervées par l'ordonnance
roy:'i, Exécution, Meuble, Saisie.
* EXPLOITATION , f f (Agricultu-
re. ) l'adion d'exploiter des terres ou des
bois. Vexploitationàes terres eft la pratique
des moyens propres à les faire valoir. On dit
une grande exploitation , pourfignifier une
grande quantité d'arpens de terre tenus
en valeur , foit à titre de ferme , foit
comme bien propre. L'exploitation des
bois eft leur coupe: exemple , on demande
quatre ans pomVexploitation de ces bois,
♦EXPLOITER, V. a. ( Agriculture.) fe
*dit des terres de des bois. Exploiter des
terres , c'eft les faire valoir , l-^s tenir en
valeur. Un gentilhomme ne'^em (Xploiter
par fes mains qu'autant de terre qu'il faut
pour occuper quacres charrues; c'eft ce
qui lui eft accordé pour jouir de l'exemp-
tion de taii'es. Mais la loi ne lui interdit
pas d'exploiter par fes mains tout le reile
de fa poffedion , pourvu que ce reftc foit
fournis à la loi commune des biens rotu-
riers. Exploiter des boi;: , unefcrct , c'ell
les couper. On a exploite' cette foiêt en
moins de fix ans.
Tome ^IIL
E X P 649
EXPLOSION , f f. enph'fique , fedic
proprement du bruit que tait la poudre i
canon quand elle s'enflamme , ou en gé-
néral l'air , quand il eft chafte ou dilaté
avec violence : c'eft pour cela que le mot
cxplofion fe dit an'H du bruit qui fe fait
quelquefois lorfqu'on excite la fermenta-
tion dans des liqueurs en les mêlant en-
femble. Il paroît que Vexplofioii vient de
l'efFort de l'air qui , refterré auparavant , fe
dilate tout d'un coup avec force. Mais
comment l'inflammation de la poudre &
le mélange de deux liqueurs produifent-ils
cette dilatation fubice & bruyante ? com-
ment & pourquoi l'air étoit-il auparavant
refterré ? voilà ce qu'on n'explique point ,
& , à parler vrai , ce qu'on ignore parfai-
ment. Foyez, Poudre a Canon , Fer-
mentation , &c. Voyez ci - devant
EXPANSIBILITÉ. (O)
Explosion, {Chimie.) voyez, Fvl~
MINATION.
EXPONENTIEL,adi.( Geomet. tranf-
cend. ) Quantité' exponentielle , eft une
quantité élevée à une puiftànce dont l'ex-
pofant eft indéterminé & variable. Foyez.
Exposant.
I! y a des iy.tantite's exponentielles de pUi-
fieurs degrés ou de plufieurs ordres. Quand
l'expofant eft une quantité {impie & indé-
terminée , on l'appelle une quantité' expo-
nentielle du premier degré'.
Quand l'expofant eft lui-même une ex-
ponentielle du premier degré, alors la quan-^
tité èû une exponentielle du fécond degr^.
Ainfi ijy eft une exponentielle du pre-
mier degré , parce que la quantité y
eft une quantité fimple : mais ^^ eft un©
quantité exponentielle du fécond degré, parce
que ■^ efl une exponentielle du premier
y
degré. De même ^ eft une exponentielle
\.
du troifieme degré , parce que rexpofar.c
y
y en eft une du fécond.
Il faut remarquer de plus que dans les
quantités exponeiridles , la quantité é'evée
I à l'expofant variable , peut être con.ftante
N n n n
^JO
E X P
comme dans^, ou variable comme dans ^ ;
ainfi on peut encore à cet égard diftinguer
les quantite's exponentielles en différentes
efpeces.
La théorie des quantités exponentielles
eR expliquée avec beaucoup de clarté dans
un mémoire qu'on trouvera au tome I , du
recueil des œuvres de M. J. Bernoulli, Lau-
fannei743. Le calcul des quantités cat^o-
j'.cvtielles , de leurs différent!. "Iles , &c. Ce
nomme calcul exponentiel. On peut aufïï
voir les règles dece calcul, expliquées dans
la première punie du truite' du C'icul inté-
gral àe M. de Bougainville. Au refte, c'efî
à M. JeanB^rnouiii que la géométrie doit
la théorie du calcul exponentiel yhnnche du
calcul intégral devenue depuis fi féconde.
Outre les quantités exponentielles dont
les expofans font réels, i! y en a aufîî dont
les expofans font imaginaires ; & ces quan-
tités font fur- tout fort utiles dans la théorie
desfinuSj&descofinusdesangles./^.SlNUS.
La méthode générale pour trouver aifé-
ment les différentielles des quantités expo-
ventielleSyC'eH defuppofer ces exponentielles
égales à une nouvelle inconnue, de prendre
enfuite les logarithmes de part & d'autre ,
de différencier , & de fubiiituer , aiiifi fai-
fant yx = z, , on aura .v log. y = log. ^ ;
X d y di.
donc dx X log. y -+- ~~y~ = i^ ". V. LO-
GARITHME. Doncf/ ~ou ^ (*)=!:, f/ AT
t X à y
log. y -h ~y~ = > à X log. y -h
'3 ^y : Donc fi on a à différencier a" ;
comme a efl alors égal 4 ^ , & que </ y = o,
on aura pour différentielle d-^ d xX log. a ;
& ainfi des autres.
Courbe exponentielle , eft celle qui eft
exprimée par une équation exponentielle.
Voyez, Courbe.
Les courbes exponentielles 'ç>'^ït\c\pent de
la nature des algébriques & des tranfcen-
dantes ; des premières , parce qu'il n'entre
dans leur équation que des quantités finies;
& des dernières , parce qu'elles ne peuvent
pas être repréfentées par une équation
algébrique. Car dans les courbes à équa-
tions algébriques , les expofans font tou_
jours des nombres déterminés & conflans
E X P
au lieu que dans les équations des courbes
exponentielles les expofans font variables.
Par exemple , ay^=^x'^ e(î l'équation d'une
courbe algébrique ; y = a" eft l'équation
d'une courbe exponentielle ; cette équation
y = a" lignifie qu'une ordonnée quel-
conque ^ , eft à une ordonnée confiante
que l'on prend pour l'unité , comme une
confiante a élevée à un expofant indiqué
par le rapport de l'abfcifie x à la ligne que
l'on prend pour l'unité , eft à la ligne prife
pour l'unité , élevée à ce même expo-
fant. C'eft pourquoi fi on prend b pour
cette ligne qui repréfente l'unité , l'é-
quation y =,î* réduite à une expref-
fion & à une traduûion claire , re-
vient à celle-ci i, = x ; l'équation^ i=
T
I,
a^ eft celle de la logarithmique. Foy. Lo-
garithmique. De méme>'= xy ligni-
t
ne b = j ; & ainfi des autres.
b
k
Equation exponentielle , eft celle dans
laquelle il y a des quantités exponentielles,
&c. Ainfi_y==i-^ eft une équation e.vpo-
nentielle.
On réfoud les équations exponentielles
par logarithmes , lorfque cela eft pofiible.
Par exemple , fi on avoir a"' =b , x étant
l'inconnue , on auroit .v log. a = log. b &
Iog_ft
X =■ log a ; de même fi on avoir a c" + *
-+- b C + I -hg c" = /:_, on en tireroit l'é-
quation c" ( a c^ — I- b c-^-g ) = k.,&: X
logarith. f-+-Iogarirh. ( a c^ -f-t c-h g)
= log. Z;^; d'oij l'on tirera .v. Mais il y a
une infinité de cas où on ne pourra trouver
v que par tâtonnement , par exemple , fi
on avoir 4^ — f- i^ * = f , &c. Foyet, LO-
GARITHME.
C'efi par les équationsf.vpo«c;;nV//c/ qu'on
pratique dans le calcul intégral ropéracion
qui confifie à repajfer des log.nithmes aux
nombres. Soit , par exemple , certe é-jua-
tion logarithmique a; = log. y , fuppofant
E X P
quef foie le nombre qui a pourlogarirlime
1 , on aura i = loj. c & .v log. c =r= .v =:
,\og. y. Donc {V. Logarithme) log.
'<•»: = log. v,&c*= y. ( O )
EXPORLE; {Jun(. ) vay. EspoRLE.
EXPORTATION , Tîl \NSPORT ,
dans le commerce , ell l'aâion d'envoyer
des marchandifes d'un pays â un autre. F.
Commerce.
On cranfporce tous les ans de l'Angleterre
une quantité immenfe de marchandifes ;
çs principales fortes font le^blé , les bef-
'tiaux , le fer , la toile , le plomb , l'étain ,
le cuir, le charbon , le houblon , !e lin,
le chanvre , les chapeaux , la bière , le
poidon , les montres , les rubans.
Les LhjIs ouvrages de laine qu'on tranf-
porte tous les ans , font évalués à deux
millions de livres fterl. & le plomb , l'é-
tain & le charbon , à 500000 livres fîerl.
Voyez. Laine.
La laine , la terre à dégraifTcr , &c.
font des marchandifes de contrebande ,
c'eft-à-dire , qu'il eîl défendu de tranfpor-
ter. F. Commerce & Contrebande.
Po'.ir les droits de fortie; voyez. iMPÔT ,
Droits , &c. Cbambers.
EXPOSANT , f. v:i. [Algèbre. ) Ce ter-
me a différentes-acceptions fclon les diité-
rens objets auxquels on le rapporte. On die ,
Vexpûfant d'une raifon , l'cx-pspwf du rang
d'un terme dans une fuite , Vexpojant d'une
puifTance.
h^expofant d'une raifon ( il faut entendre
la ge'ométriqiie , car dans l'arithmétique ce
qu'on pourroit appelier de ce nom , prend
plus particulièrement celui de differer.a^ )
Vexpofafit donc d'une raifon gjomé-rique
cft le quotient de la diviiîon du conféquent
par l'antécédent. AinG dans la raifon de z à
8 , Vexpofarit eft I = 4 ; dans celle de S à 2 ,
Vexpof.'.nt eli\=i , à-c. T. PROPORTION.
C'eft l'égalité des cxpofans de deux raifons
qui les rend elles-mêmes égales , & qui
établit entr'eiles ce qu'on appclleprApor/io».
Chaque conféquent eft alors le produit de
fon antécédent par Vcxpofant coriimun. Il
fenible donc , pour le dire en paMant ,
qu'ayant à trouverle quatrième terme d'une
proportion gécm.érriquc , au lieu du circuit
qu'on prend ordinairement , il feroit plus
fimple de multiplier dirtciemen'c le troi-
E X P 6ii
Iî->me terme par W'xpnfunt de la première
rauon , au moins quanl celui-ci eil un
nombre entier. Par exemple , dans la pro-
portion commencée 8. 24: : 17. * , le qua-
trième terme fe trouveroit tout d'un coup ,
en multipliant 17 par l'expo fuiit 3 de la pre-
mière raifon ; au lieu qu'on preftrit de
multiplier 24 par 17 , & puis de diviferle
produit par 8. Il eft vrai que les deux mé-
thodes exigent également deux opérations ,
pusfque la recherche de l'expofant fuppofe
elle-même une divifion , ;mais dans celle
qu'on propofe , ces deux opérations , s'exé-
cutant lur des termes moins compofcs , en
feroient plus courtes & plus faciles. Fuyex^
Règle de Trois.
Uexpofant du rang eft, comme cela s'en-
tend afFez , le nombre qui exprime le quan-
tième & un terme dans une fuite quelconqu 3.
On dira , par exemple , que 7 cft l'expo 'a :t
du rang du terme 1:5 dans la fuite des im-
pairs ; que celui de tout autre terme Tde
la même fuite eft -' ; & plus générale-
ment que Vexpofitnt du rang d'un terme pris
où l'on voudra dans une progrefïïon arithmé-
tique quelconque , dont le premier terme
eft dtfîgné par p & la différence par i
eftI-:Lf-4-i.
d
On nomme expopint , par rapport à une
puiflance , un chiffre ( en caradere minul-
cule ) qu'on place à la droite , & un peu
an-cieîTus d'une quantité , foit nttmérique ,
foit algébrique , pour déiigner le nom de la
puiflance à laquelle on veut faire entendre
qu'elle eft élevée. Dans ai , par exen.ple ,
4 cft Vcxpof.int qui marque que a eft fuppofi;
élevé à la quatrième puiffance.
Souvent , au lieu d'un chiffre , on em-
ploie une lettre ; & c'eft ce qu'on appelle
expofant indé'term'ine'. ii'^ eft .t élevé à une
puiflance quelconque défignée par». Danis
n
va , n défigne le nom de la racine qu'on
fuppofe extraite de la grandeur a , & c.
Autrefois , pour repréientcr la quatrième
puiflance de a , on éciivoit a aaa ; expref-
lion incommode , & pous l'auteur , & pour
leled'iur, fur-tout lorfqu'il s'agiftoit- de
puiiTanccs fort élevées. Uefcartes vint ,
qui à cette répéJ'ion faftidicufe dg U
N n n M 2
652. EXP
même racine fulflitua la racine fimple ,
furmontée vers la droite de ce chiffre
qu'on nomme expoffUit , lequel annonce au
premier cciip d'ceil combien de fois elle
c-ll cenfée rt-pétée après elle-m.éme.
Outre l'avantage de la brièveté & de la
netteté , cette exprefTion a encore celui de
faciliter extrêmement le calcul des ptiij-
fa".:es de la viênie racine , en le réduifant à
celui de leurs expofans , leiquels pouvant
d'ailleurs être pris pour les logarithmes des
puiflances auxquelles ilsfe rapportent , les
font participer aux commodités du calcul
Jogarithmique. DansTexpoié qui va fuivre
du calcul des expoj'cxr^s des puiflances , nous
aurons,foîn de ramener chaque réfultat à
l'exprefiïofi deTancicnne méthode, com-
rne pour feivir à la nouvelle dém.onftra-
tion provilîonnelle ; renvoyant pour une
démonftration plus en forme à Y article LO-
GARITHME , qui eft en droit de la reven-
diquer.
Multiplication. Faut-il multiplier a^ par
4« ? On fait la fommedes deux expofans ,
6c l'on écrit a"^ +"". En effet que »/ = 3 ,
&in = ^
^m + n
il a.
i' -l-i;
a î aaaaaa
on
= a a a y.
Divifton. Pour divifer 4"' par
prend la differ.ence de deux expofans , &
l'on écrit a'" " ". En effet que tn = ^ , &
a a a a a
lin - n
■ ai
-aaa-
Si «= m , Vexpofant réduit devient o ,
& le quotient eft rf° = i ; car ( au lieu de
H, fubftituant m quilui eft égale par fuppo-
fition) ^° = ^'" - " =^ = I.
a
Si n > f>h Vexpofant àa quotient fera né-
gatif. Par exemple, que h/ = 2, & ?; = î ;
^m - n z=a' ■■i = a- '. Mais qu'eft-ce que
rf-3 ?Pour le favoir, interrogeons l'an-
cienne méthode. «î- 5 eft donné pour l'ex-
il a I I
preffion àe'aaua a == aaa ^= a 3. Ce qui
fait voir qu'une puift'ance tie'gative équivaut
à une fraâion , dont le numérateur étant
l'unité , le dénominateur & cette puifTance
même devenue pofuive : comme récipro-
EXP
quf ment une puifTance pofitive équivaut â
une fraction, dont le numérateur eft encore
l'unité , Ê: le dénominateur cette même
•+ m
puifTance devenue ne'gativeiEn général a —
= a ~j- jii. On peut donc fans inconvé-
nient fuKftitucr l'une de ces deux expref-
fions à l'autre : ce qui a quelquefois fon
utilité.
Elévation. Pour élever <i'" à la puifTance
dont Vexpofant eft n , on fait le produit des
deux expofans , & l'on écrit a"^ X". • .
En effet que ;« = 2, &;/=3;/i'" X»
X 3
: aaaaaa = a a X a*
X a a.
Exir.^Bion. Comme cette opération efl le
contraire de la précédente, pour extraire la
racine « de rf'" , on voit qu'il faut divifer
m par ?;, & écrire a ^. En efFetque ;«=6,
m 6 a
&« = 3;'î'» = 4' =<î =a a =
3
y a a a aa a
On peut donc bannir dn calcul les
fignes radicaux qui y jettent fouvent tant
d'tmbanas , & traiter les grandeurs qu'ils
affectent comme des puifTances , dont les
expofans font des nombres rcm.pus. Car
delà
ni la
V' a=-A" ; V am = " n, &iC.
On ne dit rien de Vaddition , ni
fouftration ; parce que ni la fomme ,
différence de deux puiflànccs de la même
racine , ne peuvent fe rappeller à un expo-
fant commun, & qu'elles n'ont point d'ex-
preflîon plus fimple que celle-ci, am ~^f"-
Mais elles ont d'ailleurs quelques propriétés
particulières , que ]e ne facbe pas avoir
iufqu'ici été remarquées, quoiqu'elles puil-
ient trouver leur application. Elles ne fe-
ront point déplacées en cet article.
Première propriété'. La différence de deux
puifiances quelconques de la même raci-
ne , eft toujours un multipie exact de cette
racine diminuée de l'unité , c'efl-à-dire ,
m a
4 ~ "
que 7^ I docne toujours un quotient
exàd.
E X P
4'— f
60
f — 4"
64
=10
^3
Cins refte.
•=ij
J î 3
Oblervez en paffant que dans le premier
3 I
exemplc4 — \. =6o=3X4X5.Cequin'eft
point un h !uird, mais une propriété conf-
tante de la d-jjercnce des tro'fwme 6~ première
piiij'f^i.nces , laquelle eft toujours égale au
produit continu des trois termes confécutifs
de h progiciïïon naturelle , dont le moyen
efi la première puidance mémo ou la racine.
a — a = c'.— i X aX t-j- i-
Seconde propf/Vr/. La différence de deux
puifisnces quelconques de la même racine
eii un miilriple exaci de cette racine .r.v^-
mente: de l'unité , quand la différence des
txpofans des deux puiffances efl: un nombre
pair j c'efl- à-dire, que? pionne un
* -r- !
quoti;nt ex ad , quand m — n exprime un
rombre pair.
4? 4' fA 4 ^O r n
■ — =-î- — ^= — ^= 1 2 , Ims refte ,
parce que 3
Mais =
— I = 2 , nombre pair.
e^ — I 63
■ = — Itiiffc un rcfie ,
s s s
parce que3 — 0=3 -neft p.'.s un nombrep-î/V.
Tro'ifiviiie propriété'. La fomme de deux
puifTances quelconques delà même racine
eft un mi;!:iple exsd de cette racine ang-
nurte'e de Tuniré , quand la différence des
expvfans des deux puifîances eft un nombre
impair ; c'efi-à-dire , que? f donne un
quand m- n exprime un
— = -- -— =.~fans refte ,
quotient exa<3
rombre imo.tir
s s
parce que 3 0= 3 nombre irupair.
Mais — ' = =— Uil e un re te ,
parce que 3 — 1 = 2 n'eft pas un nombre
impulr.
Demonftraùon commune.
m [ n
Si l'on compare a — a, conGdéréd'une
part comme dividende avec itri, confi-
déré de l'autre comme divifcur , il en ré-
E XP . , ^O
fuite quatre combinaifons différentes ;
favoir ,
+
^
a. — I a — I a \ ï a \ it.
Maintenant fi l'on vient à effeâuer fur
chacune la divifion indiquée , on trouvera
( & c'ell une fuite des loix générales de la
divifion algébrique, )
1°. que dans toutes les hypothefes , les
termes du quotient ( fuppofé exa£l ) font
par ordre les puifTances confécutives & dé-
croifTantes de /« .depuis & y compris a '^
jufqu'à a. " incluiivement ; d'oi\ il fuit que
nombre des termes du quotient exuti , ou ,
ce qui eft la même choie l'expofiintdu rang
de Ion dernier terme eft »« — «.
2°. Que dans les deux premières hypo-
thefes les termes du quotient ont tous les
fignes -f-, & que dans les deux dernières
ils ont akernatlvement & dans le même
ordre les fignes -+-& — ; de forte que le
figue H- appartient à ceux dont Vexpofant
du rang eft impair , & le figne à ceux
dont Vexpofant du rang eft pair.
3°. Que pour rendre la divilion exade ,
le dernier terme du quotient doit avoir le
figne — dans les première & troifieme
hypothefes , & le figne -f- dans la féconde
& dans la quatrième.
La figure fuivante met fous les yeux le
réfuicat des deux derniers articles. La ligne
fupérieure repréfente l'ordre des fignes qui
affedent les divers termes du quotienc
relativement aux quatre différentes hypo-
thefes ; l'iiiférieure marque le figne que
doit avoir dans chacune le dernier terme
du quotient , pour rendre la divifion exade.
Seconde. Troifieme.
f.+. f. &:. f — + —di.
I. hypothefe.
Onatrieme.
H 1 &c.
-h .
La feule infpedion de la figure fait voir
quela divifion exade ne peut avoir lieudans
la prem.iere hypothele , puifqu'elle exige
le figne — ; au d.^rnier terme du quotient,
& que tous y ont le figne — |- ; que par une
raifon contraire elle a toujours lieu dans la
féconde; qu'elle l'a dans la troifieme,quand
^
^54 E X P
ïcxpofaiit du rang du dernier terme, où
Ifiiprà ) m—n eft pair; dans la quatrième,
quand }n — « eft impair.
J'ai remarqué ( & d'autres fans doute
l'auront fait avant moi) que la différence
des troifieme & première puifiances de la
même racine ,eft égale au produit continu
de trois termes confécuti'i^ de la progLe(ïîon
naturelle , dont le moyen eft la première
puilfance même ou la racine . , . r3 — r^
= >• — I X >• X r-+- 1.
Cette propriété au refte à'nve d'une
autre ultérieure. Les cxpofans des deux puif-
fances étant qneUonquss , pourvu que leur
différence foit % , on a généralement r"^ —
j.n z=:r — I Xr" X;— l-i;-..& ladémonftra-
tion en eft aifée.Car dans le fécond membre
le produit des extrêmes eft r i i : or , fi
l'on multiplie le terme moyen r" parrr — i,
on aura >-« + ^ — r" _: mais »•« + ^ = r f" ,
puifque ( par fuppoiiticn ) m — » ;= 2 ,
d'où m = n -{- 2..
Ceci eft peu de jhofe en foi : mais n'en
pourroit-on pas faire ufage , pourrélouJre
avec facilité toute équation d'un d \^rc
quelconque , qui aura ou à qui o>' potnr 1
donner cette forme x "^ — a:" — a =0 , de
forte que m — n y foit = 2 , & dont une
des racines fera un nombre entier.
En effet , cherchant tous les dis'ifeurs ou
faéheurs de 4 , & pour plus de commodité
les difpofant par ordre deux à deux , de
façon que chaque p^i'ire contienne deux
fadeurs correfpondans de 4, comme on voit
ici ceux de ii... i' «. '• • • • o" eft aftùré
qu'il s'en trouvera une paire qui fera
T^iXx f I
n . Choififtant donc dans la ligne
X
inférieure ( que )e fuppofe contenir les plus
grands fadeurs ) ceux qui font des puiflan-
cesdu degré n , ou bien il ne s'en trouve-
ra qu'un , & dés-là fa n''"^" racine fera la
valeur de x , où il s'en trouvera plufieurs ;
& alors les comparant avec leurs cofadeurs,
on fe déterminera pour celui dont le coiac-
deur eft le produit de fa k'""- racine dimi-
nuée de l'unité par la même racine aug-
mentée de l'unité. Par exemple :
Soit l'écjuation à réfoadre....^'— .\' — ^coo
E X P
=0 , on trouve que les fadeurs de 3009
font par ordre ,
I 2 •{ 4 <; 6 8 10 II i^-
■5000. i^co. iooo.7';o.6oo. ^00. 'îyv'îoo. 2i;o. 200.
20 24 1^ ■?o 40 <;o
l'îo. 121;. 120. loo.y;. 60.
En confultant , fi on le juge néceflaire ,
la table des puiflances , on trouve que la
ligne inférieure ne contient quedeuxcubes
1C00& IZ5. Le premier ne peut convenir
parce que fon cofadeur eft 3 , & que
({y,
1000 étant 10 ) il devroit être
10— I X 10 -f- I = 9 X II "= 99 '
mais le fécond convient parfaitement , par
ce que d'un côté fa racine cubique étant 5 ,
de l'autre fon cofadeur eft 24:= 4 X 6^=.
5 — 1X5 -+- I ... On a donc x = 5.
Refte à trouver le moyen de donner à
toute équation propofée la forme requife ,
c'eft-à-dire , de la réduire à fes premier ,
troifieme & dernier termes ; de façon
que les deux premiers foient fans cocffi-
ciens , les deux derniers négatifs. C'eft laf-
fiiire des algébriftes , & pour eux une occa-
fion précieufe d'employer utilement l'art
des ti aniformatioHS , s'il va iufques-là.
Il eft au moins certain que dans le cas
où l'on pourra ainfi transformer l'équa-
ùim , la méthode qu'on propofe ici aura
litu , pourvu qu'une des racines de léqua-
t on foit un nombre entier. On convient
que cette méthode ne s'étend jufqu'ici qu'à
un très-petit nombre de cas , puifqu'oa
n'a point encore, & qu'on n'aura peut-être
jamais de méthode générale pour réduire
les équations à la former & à la condition
dont il s'agit ; mais on ne donne auffi la
méthode dont il s'agit ici , que comme
pouvant être d'ufage en quelques occa-
fions. Annie de Ai. B ALLIER DES
O u RM E s.
I! ne nous refte qu'un mot à ajouter a
cet excellent ait'nie , fur le calcul des expo-
fins. Que figniîie, d'ra-t-on, cette expref-
fion rt-"'? Qu'elle idée nette pr,'fente-t-elle
à l'efprit ? Le voici. II n'y a jamais de quan-
tités négatives & abfolues en elles-mêmes.
Elles ne font telles , que relativement à des
quantités pofuives dont on doit ou dont on
peut fuppofcr qu'elles font retranchées ;
ainfi ,%-"' ne défigne quelque chofe de dif-
E X P
tiniS , que relativement à une quantité 4 "
exprimée ou fous- entendue ; en ce cas a^"^
marque que fi on vouloic m.uhiplier <jn par
a^'", il faudroit retrancher de Vexpoftnt n
autant d'unitcs qu'il y en a dans m \ voilà
pourquoi a"""' équivaut j'», ouàune divinon
par<i'" : ^"'"n'eft autre çhofe qu'une rna-
1
niera d'exprimer a~^ , plus commode
pour le calcul. De méme.t° n'indique autre
chofe que a'" X a "* ou ~ = i ; rf° in-
dique, fuivant la notion des expefans, que la
quantité a ne doit plus fe trouver dans le cal-
cul ; & en effet elle ne s'y trouve plus com-
me .«"'"indique que laquantitéjdoit fe trou-
ver dans le calcul avec ?n dimenfions de
moins , & qu'en général elle doit abaifrer
de 711 dimenfions la quantité algébrique où
elle entre par voie de multiplication. Foy.
Négatif.
Partons aux expofans fraâionnaires. Que
fignifie a^ ? Pour en avoir une idée nette,
je fiippofe a ^= b h ; donc 4 -7 eft la mê-
me chofe que {bb)\:oT dans (bb ) > , par
exemple , Vcxpoftr.t indique que b doit
être écrir un nombre de fois triple du
nombre de fois qu'il eft écrit dans le pro-
duit {b b) ; & comme il y eft écrit deux
fois {bb) , il s'enfuit que ( bb ) indique
que b doit être écrit 6 fois ; donc { bb ) 3
eft égal à b^ ; donc parla même raifon
( bb)l indique que b doit être écrit la
moitié de fois de ce qu'il eft écrit dans la
quantité b b ; donc il doit être écrit une
fois ; donc (bb)\ = b ; donc ^ i = i =
Il n'y aura pas plus de difficulté pour
les expof.iv.s radicaux , dont très- peu
d'auteurs ont parlé. Que fignifie , par
exemple, a l/% ? Pour le trouver , on re-
marquera que V^ 1 n'eft point un vrai
nombre , mais une quantité dont on peut
approcher auffi près qu'on veut , fans l'at-
teindre jamais ; ainfi fuppofons que — ^''-
prime une fraâion par laquelle on appro-
che continuellement de y ^ ; aV 2. aura
pour valeur approchée la quantité a —dans
laquelle p & î feront des nombres entiers
E X P (T^j
qu'on pourra rendre aufTi erzâs qu'on
voudra , jufqu'à l'exaftitude abfolue ex-
cluiivement. Ainfi a K 2 indique propre-
ment la limite d'une quantité , & non une
quantité réelle ; c'efl la limite de a élevé à
un expofant fradionnaire qui approche de
plus en plus de la valeur de K i. f-^oyez.
Exponentiel, Limite , à-f. ( O )
EXPOSANT , {Juïifp.) eft le terme
ufité dans les lettres de chancellerie pour
défigner Viiupârarit , c'eft-à-dire , celui
qui demande les lettres , & auquel elles
font accordées. On l'appelle expofant, parce
que ces lettres énoncent d'abord que de la
part d'un tel il a été expofé telle chofe ;
& dans le narré du fait , en parlant de celui
qui demande les lettres , on le qualifie
toujours à'expofant ; & dans la partie des
lettres qui contient la difpofition , le roi
mande à ceux auxquels les lettres font
adreffées , de remettre Vexpofant au mê-
me état qu'il étoit avant un tel aâe ; fi ce
font des lettres de refciûon , ou fi ce fort
d'autres lettres , de faire jouir Vêxpofant
du bénéfice defdites lettres. Voyex. les
ftyles de chancellerie. { yl)
'EXPOSE , adj. {Jurifp. ) en ftyle dô
chancellerie & de palais , fignifie le narre
du fait qui eft allégué pour obtenir des
lettres de chancellerie , ou pour obtenir un
arrêt fur requête. Quand les lettres font
obtenues fur un faux expofe' , on ne doit
point les entériner ; & fi c'eft un arrêt ,
les parties intéreftees doivent y être reçues
oppofantes. ( yl)
EXPOSER une marchandife en ■vente »
V. ad. ( Commerce. ) c'eft l'étaler dans fa
boutique , l'annoncer au public , ou l'aller
porter dans les maifons.
Cette derniers manière à^expofer en
vente fa marchandife, eft ce qu'on appelle
colp0rtage,&i eft défendue par lesftatuts de
prefque toutes les communautés des arts&
métiers de Paris, ^oy. COLPORTAGE &
Colporter. Dictionnaire du Comm. {G)
EXPOSITION D'ENFANT ou DE
PART , ( Jurifpr. ) eft le crime que com-
mettent les père & mère qui expofent ou
font expofer dans une rue ou quelqu'au-
tre endroit , un enfant nouveau né , ou
encore hors d'état de fe conduire , foie
^i^G E X P
qu'ils le fafTeni: pour fe décharger de la
nourriture & entretien de renfant , faute
d'être en état d'y fournir, ouquecefoit
pûur éviter la honte que leur pourroit cau-
fer la naiïTance de cet enfant , s'il n'eft pas
légitime.
Ce crime eft puni de mort , fuivant
iV'dit d'f Isnri II , vérifie au parlement le 4
mars 1556, (xioy. Jul. Clarus, &}usav.not.
que Ixxxiij. n. 7. ) ; mais on s'ell peu re-
lâché de cette rigueur , & l'on fe contente
ordinairement de faire fouetter & mar-
quer ceux qui font convaincus de cecrime.
Ceux qui en font complices ,_ leit pour
avoir porté l'enfant , ou pour avoir fu qu'on
devoir l'expofer , font auffi puniffables ,
félon les circonftances.
La facilité que Ton a préfentement de
recevoir dans l'hôpital des enfans trouvés
tous les enfans que l'on y amené , fans obli-
ger ceux qui les conduifent de déclarer d'où
ils viennent, fait que l'on n'entend plus
parler de ce crime dans cette ville. Foyez,
Enfans EXPOSÉS.' (/4)
Exposition d'un Fait, eft le récit
de quelque chofe qui s'efl paffé.
Exposition de Moyens, fe dit
pour établifiTement des moyens ou raifons
qui établiflent la demande. Une requête,
un plaidoyer, une pièce d'écriture , con-
tiennent ordinairement d'abord l'expofi-
tion du fait , & enfuite celle des moyens.
■ Exposition de Part , voyez, ci-
devant Exposition d'Enfant é" En-
fans EXPOSÉS. ( A)
Exposition de Bâtiment , en
^rchitetiure ; c'eiî la manière dont un bâ-
timent eft expofé par rapport au foleil &
aux vents. La meilleure expofition , lelon
Vitruve , eft d'avoir les encoignures oppo-
fées aux vents cardinaux du monde.
Exposition ou Soulage, royez.
Aspect, Espalier , Fruitier , '&c.
Exposition, f. f. {Belles- Lettres.
Poc'fie. ) Le premier foin qu'on doit avoir
en écrivant , c'eft d'eypofer le fujet que
l'on tr::ite. Ainfi des parties de quantité
d'un ppeme , Vexpclitloii eft la première.
Ariftote l'appelle fvologiu dans le poëme
dramatique ; & dans l'épopée , c'eft la
même chofe que le dclut ou la propofiticn.
Comme le poème épiquv' annonce lui-
E X P
mémie fon fujet , cette expofition direéle
ne demande pas beaucoup d'art ; elle doit
étrefimple, majeftueufe , claire & préci-
fe ; affez intéreftante pour fixer l'atrtn-
tion , mais fans orgueil & fans aucune
emphafe ; en forte qu'au lieu de promettre
de grandes chofes , elle en fafiè efp'rer.
" Mufe, dis- moi la colère d'Achille, cette
M colère fi fatale aux Grecs , & qui pré-
'J cipitadans le noir empire de Pluton , les
w âmes de tant de héros » Voilà le mo-
dèle du début ou de Vexpofitiov épique.
Dans le poem.e dramatique , Vexpofition
eft plus difficile , parce qu'elle doit être
en adion , & que les perfonnages eux-
mêmes , occupés de leurs intérêts & de
l'état préfent des chofss , doivent en inf-
truire les fpectateurs fans autre intention
apparente que de fe dire l'un à l'autre ce
qu'ils fediroient s'ils étoient fans témoins.
Vivt deV expofition dramatique confifte
donc à la rendre li naturelle , qu'il n'y ait
pas même le foupçon de l'art ; pour cela
il faut qu'elle réunilfe les trois convenan-
ces du lieu , du temps & des perfonr.es.
Elchyle , inventeur de tragédie , eft
peut-être de tous les poètes grecs , celui
qui expofe fes fujets de la manière la plus
iimple & la plus frappante. Quoi de p'us
impofant en effet que de voir dans les
£unie''iiides , à l'ouverture de la fcene ,
Orefte environné des furies endormies par
Apollon , de le voir , la tête ceinte du
bandeau des fupplians , tenant une bran-
che d'olivier d'une main, & de l'a-itrsune
épée encore teinte du fang de fa mère !
Quoi de plus impofant que de voir dans
les Perfes une aflemblée de vieilbr.is at-
tendre avec inquiétude des nouvelles de
leur roi , & de cette armée innombrabla
qu'il a menée dans la Gre;e ; & s'enrrote-
nir de la grandeur & du danger de cette
entrepriie. Dans la tragédie des/pf Chefs ,
le début eft encore plus en action. Etéocle,
au moment de voir fa ville alFiégée, paroic
entouré de fon peuple, d'hommes , de
liimmes & d'entans ; i! leur annonce! ar-
rivée d'une armée nombreufe qui les me-
nace , & il exhorte les uns à bien défendra
la ville , les autres à faire des facrinces &
des prières aux dieux. Arrive un de fes
efpions quia reconnu l'armée des Argiens ;
l' témoin ,
E XP
« témoin , dit-il , de ce que Je viens vous
») raconter , j'ai vu leurs fept chefs immo-
» 1er un taureau fur un bouclier , tremper
» leurs mains dans le fang , oc faire d'hor-
» ribles fermens par le dieu Mars & par
>j Bellone, ou qu'ils détruiront de fond en
» comble la ville de Cadmus , ou qu'ils péri-
w ront fous fes murs ; la pitié ei\ bannie de
f> leur bouche & de leur caur ; leur courage
» s'enflamme comme celui des lions à l'ap-
f) proche du combat.
Le théâtre grec a plufieurs exemples
de l'art d'expofer en adion : c'eft ainfi que
dans VOrefte d'Euripide , on voit Eledre
aflife à côté du lit de ion frère endor-
mi , & pour un moment délivré du tour-
ment de fes remords ; on la voit , dis-je ,
verfer des larmes & fe retracer depuis
Tantale jufqu'à Orefle , tous les malheurs
de fa famille , tous les crimes de fes
parens.
Le théâtre moderne , il faut l'avouer , a
peu à'expofitions de cette force. Mais en
cela même qu'elles font moins pathétiques ,
elles font plus adroites. Car une des pre-
mières règles du théâtre eft que l'intérêt
aille en croiflant ; & après une expofi-
t'ion aufTi terrible , aufli touchante , il
feroit difficile durant cinq ades de gra-
duer les iituations. Ainfi nos poètes au
lieu de jeter l'intérêt dans Yexpofition fe
contentent de l'y annoncer & de l'y faire
prefl'entir.
Racine en imitant Vexfofnhn d'Euripide ,
dans /p/^/g/w/VjilaifTe entrevoir ce qui fe paf-
fedansl'ame d'Agamemnon :
Non , tu ne mourras point , je n'y puis
confentir.
■mais les mouvemens de la nature font
encore retenus ; fes efforts déchirans font
réfervés pour le moment oi!i il embrafllna
fa fille, où il ordonnera qu'elle foit arra-
chée des bras d'une mère & conduite à
l'autel.
'Vi'xpofttion fe fait ou tout d'un coup ou
fucceflivement , félon que le (ujet l'exige ;
tantôt le voile qui dérobe au fpedateur
î'état préfent des chofes , fe levé en un
inftant; tantôt il eft de fcene en fcene
infenfiblement foulevé : c'eft ainfi que dans
Hâacl'iui le fecret de l'aâion fe développe
Tome XIIl.
E X P ^57
d'aile en aâe ; & n'ell pleinement éclairci
qu'au moment de la catalLophe ; au lieu
que dans le C/(/ , dès la première fcene
tout eft connu.
Dans les tragédies à double intrigue ,
Vt:xpolition etl nécefîairement double, &
Racine eft adezdans l'ufage d'en réfervec
une partie pour le fécond aâe : formule
qui a mis dans fes fables un peu trop d'uni-
formité.
Les fables donc le fond eft un intérêt
public , donnent communément lieu à de
belles exportions , parce que l'inrércc pu-
blic ne devant pas être la fource du pathé-
tique , on peut l'employer fans ménage-
ment dès la première fcene à donner de
l'importance & de la majeflé à l'adion ;
ainfi deux des plus beaux modèles d'expofi-
tion fur notre théâtre , font la première
fcene de la mort de Pompée, & le premier
-ade de Brutus.
La plus froide , la plus pénible , la plus
longue , & en même temps la plus obfcure
àeiontesles expofuions , eft celle de Ro-
dogune. Elle efi longue , obfcure & péni-
ble , parce que le trait d'hiftoire dont il
s'agit n'étant pas connu , il a fallu tout dire ,
que les faits en font compliqués , & les
noms mêmes inouis pour le p'us grand nom-
bre des fpedateurs. Elle eft froide non-
feulement par fa lenteur laborieufe , mais
par l'indifiérence réciproque des deux per-
fonnages qui font en fcene , lelquels ne
font , ni l'un ni l'autre , intéreflés dans
l'adtion que comme fimplesconfidens. C'eft
quelque chofe d'inconcevable que la négli-
gence qu'a mife le grand Corneille dans
Vexpofitien d'une pièce qu'il regardoit com-
me fon chef-d'œuvre. Supérieur à tout
dans les chofes de génie , il eft toujours
au-deffous de lui- même dans tout ce qui
n'eft que de lart.
La célébrité d'un fujeten rend Vcxpofttiow
infiniment plus fimple & plus facile ; aux
noms d'Ipliigénie , d'(Edipe , de Didon,
de Céfar , de Brutus , on fait d'avance ,
non feulement quels font les caraderes,
mais quels font les antécédens, & les rap-
ports de l'adion. Voyez de combien de
détails Racine a été difpenfé dans Vcxpojî-
tion d'Ipbigehie , par la connoiffance qu'on
avoic déjà de l'enlèvement d'Hélène , du
0 0 o o
658 E X P
ferment fait de venger Ton époux , de ce
qu'étoient Achille , Uiifie , Agamemnonj
de ce qu'étoient Paris & Troie , & fup-
pofé que cette fable eût été de l'inven-
tion du poète , ou qu'il en eût pris le
fuiet dans quelque hiftorien obfcur , con-
cevez dans quel embarras l'eût mis cet
Éxpofé de l'avant- fcene. Lorfqu'une
aflion n'eft pas célèbre , ils faut qu'elle
foit claire & frappante par elle-même ,
& que les perfonnages qu'on y emploie
aient un caraâere fi marqué , qu'à la pre-
mière vue ils laiffent leur empreinte dans
les efprits.
Laàion comique ne fauroit avoir des
rapports éloignés : c'eft communément
dans le cercle d'une fociété , d'une famille
qu'elle fe pafTe; & par conféquent Cexfo-
fitlon n'en eîl jamais fi difficile. Les inté-
rêts domefliques , les qualités , les affec-
tions , les inclinations particulières , qui
en font les mobiles & les refTorts , nous
font tous familiers ; un feuî mot les indique;
une fcene nous met au fait. Dans le comi-
que même cependant on voit peu à\'xpoJt-
f/oB.i ingénieufes : on cite avec raifon comme
un modèle rare , celle du Tartuffe , à côté de
laquelle on peur mettre celle du 3/;/.î>.'rrepf,
ceWe deV Ecole des ni.nii,S^ celle du MaUde
imaginaire , rlus originale peut-être encore
& plus comique.
Dans cette partie , comme dans toutes les
autres , il faut avouer que Molière eit bien
fuptrieur aux anciens. Ceux-ci n'em-
ployoient aucun art dans l'expofition de
leurs comédies : tantôt c'étoit un mono-
logue oifeux , tantôt un prologue adreffé
au parterre , comme dans les Guêpes à A-
riflophane , où l'un des afleurs annonçoit
au publiccequ'il ailoit voir. Cette manière,
la pluscom^mode fans doute , mais la moins
adroite, fut apparemment celle de Cratinus
& de Ménanr're, puifque Plaute & Térence,
leurs imitateurs l'adoptèrent. Nos poètes
comiques , à leurs exemples , firent ufage
du prologue , avant d'avoir appris à faire
mifiix ; & Molere en traitant l'un des fujets
de Plaute , n'a pas dédaigné de prendre de
lui cette manière d'expofer ; mais que l'on
compare le dialogue de Mercure & de la
Nu't , dans le comique françois , avec le
iioiple récit de Mercure dans le comiq^ue
E X P
latin ; & du coté de l'imitateur , on recon-
noîtra , n'en déplaife à Boileau , la fupério-
rité du maître. ( M. AI ARM on tel. )
EXPRESSiF , ( Mufiq. ) parndpe. Mufi-
que exprefjive , air exprcjjif , où il y a beau-
coup d'exprelTion. rayez, EXPRESSION.
( MxfJj. )
EXPRESSION , f. f. ( Algèbre. ) On
appelle en algèbre expreljton d'une quantité,
la valeur de cette quantité exprimée ou
reprefentéefous une forme algébrique. Par
exemple , fi on trouve qu'une inconnue
X ei\= Vauj- b b , a &c b étant de*
quantités connues , Va a j- b b fera Vex-
preffîoM de x. Une équation n'eft autre
chofe que la valeur d'une même quantité
préfentée fous deux exprejjïûiis différentes..
rovez. Equation. ( O )
§ Expression , ( B^aux arts. ) Ce
terme , dans le langage des arts fe
rapporte au mouvement de l'ame , à fes
pafîions excitées ou repréfentées par des
îîgnesextéiieurs. On donne ce nom tantôt
au figne , comme à la caufe du mouvement
de l'ame , tantôt à l'effet que ce figne
produit. Les mots , les termes d'une lan-
gue excitent certaines idées ; ces idées,
font des expreffioiis de l'état de l'ame , &
les mots eux-mêmes font encore des expref-
fions en tant qu'ils font le moyen qui les
excire. Nous ne confidererons dans cet
article que les moyens dont les beaux arts
fe fervent pour exciter des mouvemens dans
l'ame.
Dans les arts de la parole , ce5 moyens
ou ces exprcfjïons font les mots ik les phra-
fes ; dans la mufique , les tons & leurs
combinaifons ; dans les arts du delîin , les
traits du vifage , les gefles & même le colo-
ris ; dans la danfe , l'attitude les geftes &
le mouvement.
Le but commun & gén 'rai des bcaur
arts , fans exceptions , c'eft d'exciter cer-
taines idées dans l'ame , certains fentimens-
dans le cœur ; ainfi tout le tmvail de l'ar-
tifte fe réduit à inventer de^ idées heureu-
fes, &: à les bien exprimer. Vexpnffion conf-
titue donc la moitié du talent requis dan»
l'artifte. En vain airoit- il les inventions les
plus admirables , s'il n'avoit pas le don de
les bien rendre.
E X P
Comme les manières de s'exprimer dif-
férent d'un art à l'autre , il faudra traiter
fépart'ment de Vexprejfion dans chaque
genre. Tout ce qu'on pourroit dire fur IV.v-
freffîori dans les arts de la parole , ne feroit
d'aucun fecours au peintre.
Expression , ( An de la parole. ) Le
poète , l'orateur qui veut exceller dans fon
art , doit pofll'der au plus haut degré le
talent de s'exprimer. Il (aut qu'il fâche , à
l'aide des mots & de leur arrangement ,
exciter précifément l'idée ou le mouve-
ment qu'il fe propofe , & dans le degré de
clarté ou de force que fon but exige. La
chofe n'eft rien moins que facile , fur-tout
dans les langues qui n'ont pas encore toute
la perfeftion dont elles font fufceptibles ;
qui ne font pas encore aflfez riches pour
fuffiieàtous les befoins de l'artifte.
L'expreffïon fera parfaite , lorfque les
termes défigneront précifément ce qu'ils
doivent fignifier , & qu'en même temps
le tour àefexpreljion répondra exadement
au caradere de la notion générale ou du
fentiment qui réfulte de l'afTemblage des
idées que chaque mot féparé fait naître.
Quand chaque terme en particulier, &
la période entière auront cette double
propriété , l'exprejfion fera ce qu'elle doit
erre.
II y a donc deux chofes à confidérer dans
fexprcljion , le fens & le caraftere ; & cela
tant à l'égard des fimples mots qu'à l'égard
des phrafes , & des périodes complectes.
Même dans le difcours ordinaire, on exige
par rapport au fens, que Vtxprefjion foit
jufte , précife , claire & d'une certaine
brièveté. Toutes ces propriétés doivent
donc fe retrouver dans un degré plus e!mi-
■nent ; dès qu'il eft queftion d'un ouvrage
de l'art , d'un morceau de poéfie ou d'élo-
quence, le fon même des mots doit y être
ifTorti.
Les mots confidérés comme de fimples
tons, ne doivent rien avoir d'indécis,
d'obfcur , de trop ferré, ni de trop traînant.
L'efprit re conçoit que comme les fens
font afFeftés ; ce qui n'efl pas diilintfi à la
vue, ne produit dans l'ame qu'une idée
confufe ; par la même raifon , les idées
que nous recevons par l'ouie feront plus
juftes , plus claires , plus déterminées ,
EX? ^j^
lorfque les tons eux-mêmes auront ces
qualités. Une fyllabe équivoque, un mot
dur i prononcer , nuifent à la clarté du
difcours ou à fon eiTet.
Une expreffioH )ufl:e, précife & claire ,
excite , non feulement l'idée qu'on a en
vue, mais elle donne encore à cette idée
une énergie eflhétique , lorfque l'expreffion
a ces qualités dans un degré éminent ,
parce que toute pei feciion a un charme
qui plaît. Sans égard à l'importance de la
chofe dont on nous parle , nous fentons
du piaifir à entendre nomm.er chaque
chofe par fon nom propre. Mêm.e lorf-
qu'un objet efl fous nos yeux , que nous
en avons déjà une idée jufie , fa defcription,
C\ elle eft bonne , nous eft encore agréable.
Combien plus feront nous charmés , lorf-
que le poète ou l'orateur développera par
la juftefte de Vexpreljïon , des idées qui
n'étoient jufqu'alors que vagues , 'imbrouil-
lées & obfcures dans notre efprit !
Le langage eft de toutes les inventions
de l'efprit humain la plus importante , au
prix de laquelle toutes les autres ne font
rien. C'eft d'elle que dépendent la raifon ,
les fentimens , les mœurs qui , diftinguant
l'homme de la clafte des êtres matériels ,
i'élevent à un rang fupérieur. Perfec-
tionner les langues , c'eft placer l'homme
un échelon plus haut. Quand l'éloquence
& la poc'fie n'auroient que cet avantage ,
ces deux arts méritoient déjà la plus grande
confidéracion.
Pour acquérir la juftefTe de Wxprejjion ,
deux chofes font également indifpcnfàbles :
la connoifTance des mots d'une langue,
& la fcience philofophique de leur figni-
fication. Inutilement fauroit on penfec
jufte , fi l'on ne fait pas trouver les termes
pour rendre chaque idée ; mais en vain
connoîtroit-on tous les termes , fi l'on
ignore leur fignificarion exade. L'étude
du langage doit néceftairement embraftec
ce double objet. Pour être en état de
s'exprimer toujours bien , il faut avoir
acquis par la converfation & pat la ledure,
l'abondance des termes , & avoir examiné
avec fagacité le vrai fens qui convient à
chacun d'eux : c'eft par-là que les grands
orateurs & les poètes célèbres fe font
diftingués de la foule.
0 O G O 3
'(,6o E X P
La iuftefTe , cette première qualité efTen-
tielle à l'exprcffion , ne concerne pas fim-
plement le choix des mots , mais aufli leur
arrangement & le tour de la phrafe entière;
fouvent une particule déplacée , un mot
tranfpofé fuffit pour rendre la phrafe
louche : cela dépend quelquefois d'une
minutie prefque imperceptible. On apper-
Î:oit de ces inadvertances dans nos meil-
eurs poètes , & fi nous en remarquons
moins dans les anciens , c'efl apparem-
ment parce que nous n'entendons plus
afltz leurs langues pour en bien juger.
Ce n'eft qu'à force de limer & de polir
un ouvrage que l'auteur le plus pénétrant
peut fe mettre en garde de ce côté là. Si
l'on pèche contre la iuflefTe de VexpreJJîon ,
ou le poète manque fon but , & dit ce qu'il
n'a pas voulu dire , ou lorfque la fagacité
au Icdeur y fupplée , il en réfulte au moins
un fentiment défagréable. On voit que l'au-
teur vouloir exprimer telle chofe , on fent
en même temps que fon exprefjîon ne ré-
pond point à fa penfée , & ce contrafte
choque.
La féconde qualité effentielle , c'eft
la clarté ; c'eft m.éme la première ,
félon Quintilien ; tjeb'is prima fit virtiis
pcïfpicuitas l. Vllî , c. ij. 22. Le poète
& l'orateur doivent s'emparer de toute
l'attention de leurs auditeurs , & la
clarté de Yexpre/Jion peut feule foutenir
cette attention ( F", ci-devant CLARTÉ.)
Une exprcjjion obfcure ne fait pas feule-
ment perdre les idées qu'elle enveloppe
d'un nuage , elle affoiblit encore celles qui
fuivrcnt , parce que l'attention s'elt
rebutée. Pour que le difcours foit clair , il
faut que chaque mot ait une fignification
exadtment connue , & que la liaifon des
idées foir facile à faifir. L'une & l'autre de
ces conditions fuppofent qu'il règne une
grande clarté dans l'efprit de l'orafenr
même. De- là nous pofons pour première
règle qu'on ne doit jamais fonger à Vcxpref-
fi^n avant d'avoir conçu bien clairement la
chofe qui doit être exprimée. Les penfées
qu'on veut communiquer aux autres , doi-
vent premièrement former un tableau net
& diftinâ dans l'efprit de celui qui parle.
C'eft ainfi qu'Homère voyoit fans doure
chaque objer qu'il nous décrit. Le talent de
E X P
penfer avec clarté ne s'acquiert pas par de«
règles. C'eft un don précieux que la naturu
accorde à certains efprits ; ils ne goûtent
aucun repos jufqu'à ce qu'ils aient diftinc-
tement conçu tout ce qui s'offre à leur
penjl'e. Quand on lit de ces auteurs qui
pofiédent dans un degré éminent l'arc
d'être clairs ; quand on voit comment ils
favent rendre lumineufes tant de penfées
que nous avions déjà fouvent eues , mais
que nous n'avions jamais conçues fi claire-
ment, on cft tenté de croire que ce qui
difîingue leur génie du nôtre , ce n'eft que
leur opiniâtreté à méditer chaque ma-
tière , à s'arrêter fur chaque objet jufqu'à
ce qu'ils l'aient parfaitement conçu ; c'eft
cette infatigable fagacité qui , appliquée aux
notions générales , confticue le génie de
l'artifte. Pour que dans les arts de la parole
Vexpreffion foit lumineufe , il faut favoir
réunir les deux génies à la fois.
Un des meilleurs moyens de fortifier le
talent de s'énoncer avec clarté , c'eft la
lecture aflîdue des auteurs qui ont eu ce
don à un haut degré. Pour Vexprefjion des
objets fenfibles , on doit lire Homère,.
Virgile , Sophocle & Euripide , & pour
celle des objets moraux & philofophiques ,
on a Ariftophane , Plante , Horace , Cicé-
ron , Quintilien , parmi les anciens ; &
d'entre les modernes , Voltaire & Rouf.
fcau de Genève.
Il y a encore diverfes remarques à faire
fur ce fujet. Quintilien a raftemblé en peu
de mots toutes les qualités qui concourent
adonner de ia clarté iVexpreffion. Pro-
pria verba , reclus ordo , non in longtim dilat*
conclu fij\ nihil neqiie défit , neque ftiperfluat
ita ferma & doctis prohahilis , & plantis im-
peritis erit. înft. lib. FUI, c. ij , i2. Il
n'eft cependant pas toujours indifpenfable
pour ia clarté du difcours que Vexprejfion
fo:t prife dans le fens propre ; fouvent
une idée eft plus lumineufe , elle fait
v.n tableau plus net , lorfqu'on l'exorime
par un terme impropre ; c'eft ainfi que
Haller a pu dire : un efprit gâte' répand
l'.ib(ynthe de tous estes. Le terme propre
n'eft requis pour la clarté que lorfqu'ir
s'agit d'idées fimples ; mais dés qu'elles
font complexe; , que la penfée a une
certaine étendue , W-xpreJJîon métaphoii-
E X P
que & pittorefque contribue infiniment à
la clarté : elle nous épargne un dévelop-
pement trop circonftancié qui par (a lon-
gueur rendroit le difcours moins clair. Il
n'y a qu'une image qui puiife exprimer
'dillindement plufieurs chofes à la fois ;
c'eft donc une règle , qui peut-être n'ad-
met point d'exception , que toute penfée
qui renferme plufieurs idées partielles ,
doit être exprimée par quelque image
■ bien choifie. Où eft le terme propre qui
pût rendre avec la même clarté ce que
Cicéron a fi heureufement nommé nun-
dlnatto juris ac fortunartim ? Du lege agrur.
Or. I.
La partie la plus importante de la règle
de Quintilien , que nous avons rappor-
tée , c'eft celle qui prefcrit d'éviter égale-
ment l'excès & le défaut : l'excès confiîîe
à exprimer des idées acceflbires qui n'é-
claircifTcnt point la chofe , ou que tout
auditeur attentif pouvoit fuppléer , le
dcfaut , c'eft l'omiflion de quelque idée
effentielle.
La dernière des qualités qu'on exige
d'une exprefffon , c'eft qu'elle foit correcle
ou conforme aux règles de la pureté gram-
maticale. Une manière de s'exprimer qui
n'eft pas ufitée , peut produire un bon
effet par fa nouveauté ; mais elle eft
contraire à l'ufagereçujparce qu'elle heurte
des principes donc on eft déjà convenu.
Telles font donc les qualités nécelfaire-
ment requifes : toute exprejjîon doit être
jufte , précife , claire & corrtde ; mais cela
ne fuffit pas encore pour qu'elle foit par-
faite à tous égards. Les grarrimairiens grecs
nous ont tranfmis une longue énumération
de défauts qui rendent lexpreflion vicieu-
fe. Les principaux font lesluivans :
K«K«(p«To,. Un fon défagréable qui rap-
pelle une idée acceflbire peu gracieufe.
Quintilien donne pour exemple de ce dé-
faut l'exprefjjon , duciare ixcrcittim.
Aixiio^'yix. Une exprejjîon qui renferme
des Liées obfctnes ou indécentes.
Tea-uvorjf . Exprefflon bafte qui avilit la
divinité du fujet qu'on traite , telle eft ,
faxea verrucu in [iimmo montis yert'uc ;
l'autre extrême n'eft pas moins vicieux. Il
n'eft permis que dans le ftyle badin d'expri-
mer de petites chofes par de grands mots.
E X P 6^1
Miiarii. Exprefflon mcomphtteqm laifte
le fens imparfait , c'eft le défaut commun
du langige vulgaire.
TavTtXoyta. Répétition de la même idée
en d'autres termes qui n'ajoutent rien â
la force des premiers.
Oy-oioXsyia. Uniformité à\xpre(fion dont
la marche eft languifFante & ennuyeufe
par cette monotonie. Il femble que ce dé-
faut concerne plutôt le ftyle en général
que des expreffïons particulières.
MaxpoAoyi». ProHxité inutile , comme
quand Tite - Live dit : legati non inipe-
trata pace rétro domiim undè vénérant ,
ahiiïtmt. Peut-être pourroit-on citer ici
ces deux vers de Virgile :
Quan f, fata virum firvanl , fi vefchur aura :
yEtherca , nec adhuc cruJctibus occupai umbris.
uxiôjacrfio!. Abondance ftérile d'épithetes
oifives , pléonafme.
nipiff'/'". Exprejjîon trop recherchée.
K«xo|>;Xo». Le précieux.
On ne finiroir pas cet article , fi l'on
vouloit énumérer tous les défauts de Vex-
preffion , & en citer des exemples. Ceux
que nous avons rapportés peuvent fuffire
pour avertir les jeunes poètes & les ora-
teurs novices d'être plus attentifs à faire
un bon choix des termes , & à éviter les
exprcjjîons vicieufes.
C'eft déjà beaucoup faire que de s'ex-
primer fans défaut ; mais en éloquence &c
en poéfie il faut faire plus : il faut donner
à Vexpnjjîon une force efthétique , &
précifément celle qui convient au fujet.
L'énergie efthétique eft en général fubdi*
vifée en trois efpeces , l'une agit fur l'en-
tendement , l'autre fur l'imagination , &
la troifieme fur le cœur.
Tout ce qui dans un degré éminent eft
vrai , bien placé , lumineux , nouveau ,
naïf, fin ou délicat, donne à VexpreJJîon
une énergie efthétique qui afFeÛe l'enten-
dement & qui frappe l'efprit. On en trou-
vera des exemples dans les articles qui
traitent de ces diverfes qualités.
L'imagination fe plaît aux expreffïons pit-
torefques , ingénieufes ; aux images fortes
ou gracieufes : une idée acceflbire qu'on
ne fent que très-obfcurément peut même
donner de l'agrément â Vexpr-effton. Quin-
é^^-^ E X P
tilien dit , par exemple , que dans ce vers
de YEnetde.
Cxfâ jungehmt fœdera força.
il fentoit une aménifé qui auroit manqué
à YcxPre(r^on , fi Virgile avoir fubRitue
Ponoiporu. La raifon en eft fans douce
que le genre féminin d'un nom , réveille
dans l'imagination quelque choie de plus
gracieux. C'eft ce qu'un fchohaftc avoir
déjà remarqué à l'occallon de ce pallage
d'Horace :
jSIunc & inumbrofis fauno decet immoUre
Itu'is
Seu pofcat agna feu main h^do.
il dit fur le mot agna ; nefcio quomodo
qtudani clocuûoms per faminium genus
e.^iion's fiant. „ . , , r
Enfin le cœur eft touche par les exprej-
ftons où il entre du fcnciment ; elles doi-
vent répondre à la palFion qu'elles expri-
ment , être tendres , ou patli.'tiques ,
douces , ou véhémentes comme celle-ci.
Expression , ( Anthemal.) Le
talent de Wxpnjjlon ell aufli néceflaire à
l'adcur & au danfeur , qu'au peintre & au
fculpteur ; illeurert même en quelque ma-
nière plus indXpenfable. Un danleur qui n'a
point à'expnfion n'eit qu'un fauteur , &
le comédien dénué de ce talent n'elt rien.
I! gâte les meilleures chofes que le poète
lui faifoit dire ; il offcnfe au lieu d'amuier
& de plaire : ainfi tout ce que nous avons
dit dans les arLicles précédens ftr 1 étude
de la belle exprejjion , fur l'obfervacion
affidue de la nature , & des bons modèles ,
J^ous le répétons ici au comédien. Il doit
{avoir prendre toutes les impreifions ,
faifir iufqu'au moindre coup d'œil, au plus
léger mouvement du vifage & du corps ,
imprimer dans fon imagination tout ce
que l'art & la nature lui auront découvert
de plus expreiïif , & s'exercer à s'en rendre
i'imitation aifée & familieie.
Il femble que le moyen le plus fur
d'atteindre àunef.vpr(#o«parla!te , feroit
que l'aûeur entrât vivement lui-même dans
lesVentimens du perfonnage qu'il repré-
fente. Ce n'eft cependant pas l'avis de
Riccoboni le fils , qui cro^it que ce prin-
cipe n'eft pu'une erreur éblouillante. Il
E X P
tient pour certain , qu'un aûeur qui aura
le malheur de fentir réellement la paflîon
qu'il doit exprimer , fe met hors d'écat
de ioucr fon rôle. Il penfe à cet égard bien
différemment de cet ancien adeur grec
qui , pour mieux exprimer la douleur d'E-
ledre , à la vue de l'urne de fon frère
Orefte , remplit cette urne des cendres de
fon propre fils ; fans douce que M. Ricco-
boni eftperfuadé qu'au moyen de certai-
nes règles diftin^es & précifes , on peuc
rout imiter. Il femble néanmoins que les
pafaons fe manifeftent par un grand nom-
bre de petites marquas , dont aucune n'eft
diftindement apperçue , mais qui réunies
forment la vraie expreffijn de la nature.
Dans la paffion , tout fe fait machinale-
ment & à notre infu ; & comme nous ne
connoiflbns point quelles forces agiflent
fur nos mufcies lorfque v.ojs avons telle
ou telle pafTion , la fimpic intention de
paroître l'avoir ne fauroic la produire au
dehors. Il n'y a point de théorie qu»
nous enfeigne à imprimer la triUefTe lur
notre vifage ; mais fi nousfommes réelle-
ment affligés , tous les traits s'arrangent
d'eux-mêmes. , / i- • »
Nous ofons donc , maigre i autorité
d'un maîcre de l'art , em^xafTer l'avis
contraire , & recommander au comédien
de s'exercer affi Jument à entrer dans tous
les genres de fentimens. Si fon ame n'eft
pas aifez flexiSle pour pleurer avec l'afïli-
gé , pour s'emporter avec le colérique , il
fera bien de ne pas fe charger d'un rôle
pour lequel le fentiment lui manque. Un
homme dont les inclinations font douces ,
tendres , complaifantes , ne doit pas faire
le tyran.
Le comédien à qui la nature a accordé
le don de tout fentir , pourra perfea'cmner
ce talent par l'exercice. La leifture aflidiie
des meilleurs poètes y rontrii-u?ra beau-
coup. Il s'attachera aux fcenes interef-
fintes jufqu'à ce que fon imaginanon les
lui peigne vivement : par ce moven , il
entrera réellement dans la paffio:) , &
confervera cependant aflez de liberté
d'efprit pour penfer à rf.vpr.r//?j?.'. ^ ^
Bien que dans la nature les caufeseinies
produifent des effets égaux , co"; eff-'Cj
ne font cependant pas les mêmes a 1 t^aro
E X F
des pafîîons qui dans ditfcrentes perfonnes
fe manitertent diverfement. Une grande
ame exprime chaque fenclmenc avec plub
de nobleffo & de dignité qu'un ame vulgai-
re. Deux perfonnes d'un caradjre diffé-
rent marquent autrement le même degrt^
de joie ou de triîîed'e. Il ne fuffit donc
pas que le comédien enrre d,ins le fenti-
ment qu'il doit exprimer , il tiut encore
qu'il lui donnele ton qui répond au caradere
de fon perfonnage. On manque le but
du poète auffi - bien par une sxpreljîon
outrée , que par une exprcffîan tanife.
L'auteur aura voulu peindre une noble
fierté , fadeur repréfente un fanfaron ;
c'eft rendre mJpriîable le perfonnage qui
devoir infpirer de l'elHme. Le poète fuppo-
fe une douleur renfermée au fond du cœur,
fi le comédien y fubftiiue des hurlerricns ,
on rira au lieu de pleurer.
Une expreffïon parfaite exige tant de
chofes , qu'il ne faut être furpiis du petit
nombre d'adeurs excellens. Il tàuoroit que
la nature & l'étude concourufl^nc pour
former le comédien partait ; qu"il tût doué
d'un jugement exquis , pour co.icevoir
difîindement chaque caradere ; d'une ima-
gination vive qui lui préfente chaque objet
avec les couleurs les plus forces ; d'un
cœur fufceptible qui fe livre à toutes les
imprefïïons. Mais fans uneétudeappliqu.ée,
ces talens même n'en feront pas un par. ait
adeur. Il doit favoir approfondir enàére-
ment le caradere de fon rôle , en connoî-
tre jufqu'aux plus légères nuances ; avoir
préfentes à l'cfprit les moindres circunibn-
ces de l'adion par laquelle ce caradere fe
développe; mefurer exadem.ent la torce
de chaque refTort qui met en jeu les
pafllons , & méditer fi bien le tout ,
qu'il parvienne à s'oublier lui - même ,
& à fe transformer en celui qu'il rcpré
fente.
On a demandé fi , pour rendre l'f.v-
frcjjîon plus frappante , il ne falloit pas
un peu outrer la nature. Riccoboni le
père difoit que pour toucher il falloit
aller deux pouces au-delà du naturel ;
mais l'adeur qui outre , rifque d'être
froid. Ri jcoboni le fils a très- bien obfcrvé
que la nature eft aflèz forte par elle- mê-
me , fans qu'il foit befoin d'exagérer.
E X P (;6j
Ceux qui fe livrent fans réferve aux
imprefiions^ de la paifion , ce qui n'cf?
que tiop fréquent chez le bas-peuple, mon-
trent aiii.z combien la llinple nature etl
expreilivc. Si le comédien faifit bien ce
degcé de torce, & qu'il fâche l'allier avec la
dignité qui convient aux perfonnes d'un
rang plus relevé , il n'aura pai Lefoin d'ou-
trer Ion rôle.
Ce principalement à l'égard de la partie
de Yexpnljîon qui confiite dans l'attitude du
corps Ci. dans le gelle , qu'il eft nécefTaire
au comédien d entrer , comme nous l'avons
dit , dans la paflion qu'il doit exprimer.
■•-n effet , il n'y a point de r> gles qui puif-
fenc ij diriger à cet égard. La nature nous
a ca.hé les reiîôrts qu'elle faic agir dans ces
occaiious ; de même qu'un homme qui perd
féquuibre , prend par inftind en tombant
l'aLutude la plus propre à le garantir ;
attiiude qu'aucune réflexion ne lui feroic
t:ouvers'ii fentoitdiilindementla peur de
ic oLiTer : de même aufR la nature agit-elle
dans toutes les palfions, fur les divers nerfs
du corps , d'une manière qui nous eft in-
connue. Que fadeur fe remplifie bien du
fentimenc qu'il doit faire paroitre , Vexpref-
fion du geiie & oe l'attitude fera vraie &
naturelle.
Ce n'tft pas ici le lieu de parler de Vexpref-
fiun , en tant qu'elle d -pend de la voix &
de la prononciation : cet article concerne
la déclamation.
Quand à la danfe , c'eft de tous les art»
celui où YexpnffioH a le plus de difficulté.
Le daileurne peut pasconfulter la nature;,
il ny trouve point les mouvemens qu'il
doit exécuter : il ne peut l'imiter que de
loin; & rendre d'une manière toure diffé-
rente ce qu'elle lui aura indiqué. Tous fes
pas , tous fes mouvemens tiennent à l'art ;,
'a nature n'en a point de femblables , &
cependant ils doivent porter le carac-
tère de la nature. Il faut que dans chaque
mouvement du danfeur , on puifte lire le
fentiment qui le m sut ; fes pa-; font autant
de mots qui nous difent ce qui fe pafTe dans-
fon caur.
C'eft à ces grandes difficultés qu'il faut at-
tribuer l'imperfedion de l'art de la danfe#,
c'eft^ce qui fait que les danfeurs s'occupenc
plurôcàinventerdesmouvcmensinâénieuX'
(?<?4 E X P
des fauts difficiles , des attitudes uniques ,"
qu'à imiter la \v2Lie exprejjton delaiiacure.
11 eft pourtant certain que chaque paillon
capitale , & même chaque nuance i;arti-
culiere de cette paffion , a dans la nature
fon cxpreffion propre , marquée par l'atti-
tude & le mouvement du corps. Ces iiver-
fes attitudes , ces mouvemens expreffifs ,
font l'alphabet de la ve'ritable danfe ; fi
elle n'eft pas fondée fur ces élemens , on
peut dire qu'elle n'a aucuns principes. L'ou-
vrage d'un danfeur vraiment danfeur , doit
être de de'couvrir ces t'iémens , de les re-
préfenter par des mouvemens réguliers &
bien liés , & de favoir , à l'aide de leur
diverfité & de leur combinaifon , compo-
fer un ballet entier qui exprime une adion
bien déterminée. ( Cet article eft tire' de la
the'orie générale des beaux arts de M. SuL-
ZE R.)
Expression , (Belles - Lettres. ) en
général eft la repréfentation de la penfée.
On peut exprimer fes penfées de trois
manières ; far le ton de la voix , comme
quand on gémit ; par le gejle , comme
quand on fait figne à quelqu'un d'avancer
ou de fe retirer ; & par la parole , foit
prononcée , foit écrite. Voye^ Elocu-
TION.
Les exprefftons fuivent la nature des pen-
fées ; il y en a de fimples , de vives ,
fortes , hardies , riches , fublimes , qui
font autant de repréfentations d'idées
femblables : par exemple, la he^nté s\'iivole
avec le temps ; s'envole eft une exprcfjîon
vive , & qui fait image ; fi l'on y fubfii-
tuoit s'en va , on afïoibliroit l'idée , &
ainfi des autres
ISexprelJion eft donc la manière de pein-
dre fes idées , & de les faire pafter dans
l'efprit des autres. Dans l'éloquence & la
poéfie, Vexprejjîon eft ce qu'on nomme au-
trement diction , e'iocution , choix des mots
qu'on fait entrer dans un difcours ou dans
un poëme.
Il ne fuffit pas à un poète ou à un ora-
teur d'avoir de belles penfées , il faut en-
core qu'il ait une heureufe expreffion ; fa
première qualité eft d'être claire , l'équi-
voque ou l'obfcurité des expreffions mar-
que néceftàirement de l'obfcurité dans la
penfée ;
E X P
I SeJ-'H que notre idée eft plus ou moins ohfcure J
, Vexpr Ijîon la juit ou moins netteoupluspure;
Ce qu.- l'en conçoit bien s'énonce. clairement^
, £t les niots pour le dire arrivent aije'ment.
\ Boil. Art. poét.
I Un grand nombre de beautés des an-
î ciens autn.rs , dit M. de la Mohe , font
attachées à des expri'fjiuns qui font parti-
culières à leur langue , ou à des rapports
qui ne nous étant pas fi familiers qu'à eux,
ne nous font pas le même plaifir. Voyez,
Elocution , Diction , Style , La-
tinité , &c. {G}
Expression , ( Ope'ra. ) C'eft le ton
propre au fentiment , à la fituation , au
caïadere de chacune des parties du fujet
qu'on traite. La poéfie , la peinture &
la mufique font une imitation. Comme
la première ne confifte pas feulement en un
arrangement méthodique de mots , & que
la féconde doit être tout autre chofe
qu'un fimple mélange de couleurs , de
même la mufique n'eft rien moins qu'une
fuite fans objet de fons divers. Chacun
de ces arts a & doit avoir une expreffion ,
parce qu'on n'imite point fans exprimer ,
ou plutôt de Vexprejfion eft l'imitation
même.
Il y a deux fortes de mufique , l'une
inftrumcntale , l'autre vocale, & ['expreffion
elt néceftaire à ces deux efpeces , de quel-
que manière qu'on les emploie. Un con-
certo , une fonate , doivent peindre quel-
que chofe , ou ne font que du bruit ,
harmonieux , fi l'on veut , mais fans vie.
Le chant d'une chanfon , d'une cantate ,
doit expiimer les paroles de la cantate &
de la chanfon , finon le mulicien a man-
qué fon but ; & le chant , quelque beau
qu'il foit d'ailleurs , n'eft qLi'un contre-
fens fatiguant pour les oreilles délicates.
Ce principe , puifé dans la nature , &
toujours fur pour la mufique en général ,
eft encore plus particulièrement applica-
ble à la mufique dramatique ; c'eft un
édifice régulier qu'il faut élever avec rai-
fon, ordre &i fymmétrie : les fymphomes&l
le chant font les grandes parties du total, h
perfedion de l'enfemble dépend de l'expref-
fion répandue dans toutes fes parties.
* Lulli a prefqu'acteint à la perfec^fion
dans
E X P
^ansnn des points principaux de ce genre.
J.e chant de déclamation , qu'il a adapte fi
heiireufement aux poèmes inimitables de
Quinault , a toujours été le modèle de
VexpreJJîon dans notre mufique de récitatif.
Fuyez. RÉCITA riF. Mais qu'il foit pei-mis
de parler fans déguifement dans un ouvrage
confacré à la gloire & au pro,;;rès des arts.
La vérité doit leur fervir de flambeau ; elle
peut leule , en éclaira.t les artiftes , en-
flammer le génie , & le guider dans des
routes fûtes vers la perfection. Lulli qui a
quelquefois excellé dans Vtxpreffîoti de fon
récitatif, mais qui fort fouvent l'a man-
qiiée , a été très-fort au-delfous de lui-
même dans Vexprefjîon de prefque toutes
les autres parties de fa mufique.
Les fautes d'un foi bleartifte ne font point
dangereufes peur l'art ; rien ne les accré-
dite , on les reconnoît fans peine pour des
.çrreurs , & perfonne ne les imite ; celles
des grands maîtres font toujours fureftes
à fart même, fi on n'a le courage de les
développer. Des ouvrages confacrés par
des fuccès conltans , font regardés comme
des modèles ; on confond les fautesavec les
beautés ; on admire les unes , on adopte
lesautres. La peinture feroit peut-être en-
core en Europe un art languifîant , fi en
jefpeflanr ce que Raphaël a fait d'admira-
ble , on n'avoi: pas ofé relever les parties
d.'feéiueufes de fes compofitions. L'efpece
de culte qu'on rend aux inventeurs ou aux
ref^aurateurs des Arts , eft apurement
très-légitime ; mais il devient un odieux
fanatifme , lorfqu'il cft poufle jufqu'à ref-
peder les défauts que les génies qu'on ad-
mire auroient corrigés eu5;-mémes , s'ils
Evoient pu les reconnoître.
Lulli donc , qui en adaptant le chant
françois déjà trouvé , à l'efpece de décla-
mation théâtrale qu'ila créée , a tout d'un
coup faifi le vrai genre , n'a en général ré-
pandu VexprcJJlo)i que fur cette feule par-
tie ; fes fymphonies , fes airs chantans de
mouvement, fes ritournelles , fes chœurs,
manquent en général Ae cette imitation ,
de cette efpece de vie que Ycxpreffiori feule
peur donner à la mufique.
On fait qu'on peut citer , dans les opéra
de ce beau génie , des ritournelles qui font
• ^ l'abri de cette critique , des airs de vjo-
Tome XJII
E X P 6(;$
Ion &■ quelques chœurs qui ont peint ,
des accompagnemens même qui font des
tableaux du plus grand genre. De ce nom-
bre font fans doute le monologue de Re-
naud , du fécond acle d'Armide ; l'épifude
de la haine du troifieme ; quelques airs
de violon d'ifis , le chœur , Atysli'j-tnémc ,
&c. Triais ces morceaux bien faits font fi
peu nombreux en comparaifon de tous
ceux qui ne peignent rien & qui ne di-
fent toujours la même cliofe , qu'ils ne fer-
vent qu'à prouver que Lulli connoifîbit
aflez la necelTicé deVcxpniJîon , pour étte
tout-à-fait inexcuLable de l'avoir fi fouvent
négligée ou manquée.
Pour faire fcntir la vérité de cette pro-
pofition , il faut le fuivre dans fa mufique
inrtrumenta'e & dans la mufique vocale.
Sur la première ilfuffit de citer les endroits
fi frappans , qu'ils foient feuls capables
d'ouvrir les yeux fur tous les autres. Tel
eft , par exemple, l'air de violon qui dans
le premier acte de Phaéton fert à toutes
les métam.orphofes de Protée ; ce dieu fe
transforme fucceiïîvement en lion, en ar-
bre, en monfire marin , en fontaine , en
flamme. Voilà le deflin brillant & varié
que le poète fournifToit au muficien. Voyez
l'air froid , monotone & fans expreflion ,
qui a été fait par Lulli,
On regarde comme défeélueux le qua-
trième a6le d'Armide ; on fe demande
avec furprife depuis plus de 60 ans ,
comment un poète a pu imaginer un zâe
n miférable. Seroit-il poflible que fur ce
point, fi peu conteflé , on fût tombé
dans une prodigieufe erreur ? èz quelqu'un
oferoit- il prétendre aujourd'hui que le
quatrième afte d'Armide , reconnu géné-
ralement pour mauvais , auroit paru peut-
être, quoique dans un genre différent,
auffi agréable que les quatre autres, fi
Lulli avoir rempli le plan fourni par
Quinault ? Avant de fe récrier fur cette
propofition ( que pour le bien de l'art on
ne craint pas de mettreen-avant ) , qu'on
daigne fe refTouvenir qu'il n'y a pas trente
ans qu'on s'efl avifé d'avoir quelque eftime
pour Quinault ; qu'avant cet époque , &
fur- tout pendant la vie de Lulli, qui
jouiffoit de la faveur de la cour & du
defpotifme du théâtre » toutes les beautés
PPPP
i^S
E X F
de leurs opcra étoient conflammenf rap-
portées au muficicn ; & que le peu de
vices que le de'taut d'expérience des fpec-
taceurs y laiiTbic appercevoir , trcit lans
examen rejeté fur le poète. On fait que
Quinault étoit un homme modefte & tran-
quille , que Lulli n'avoir pas honte de
lailTer croire à la cour & au public , fort
au-de(Tous de lui. Après cette obfervation,
qu'on examine Armide ; qu'on 'réfléchifle
fur la pofition du poète & du muflcien ,
fur le deffin donné , & fur la manière dont
il a été exécuté.
L'amour le plus tendre , déguifé fous
les traits du dépit le plus vioknt dans le
cœur d'une femme toute- puifTante , eft le
premier tableau qui nous frappe dans cet
ooéra. Si l'amour l'emporte fur la gloire,
fur le dépit , fur tous les motifs de ven-
geance qui animent Armide , quels moyens
n'employera pas fon pouvoir ( qu'on a eu
Fart de nous faire connoître immenfe )
pour foutenir les intérêts de fon amour?
Dans le premier ade , fon cœur eft le jouet
tour-à-tour de tous les mouvemens de la
paffion la plus vive : dans le fécond elle
vole à la vengeance , le fer brille , le bras
efl prêt à frapper ; l'amour l'arrête, & il
triomphe. L'amant & l'amante font tranf-
portés au bout de l'univers ; c'eft - là que
la foible raif( n d'.Ximide combat encore ,
e''eft-!à qu'elle appelle à fon fecours la
hainti qu'elle avoit cru fuivre , & qui ne
fervoit que de prétexte à l'amour. Les
efforts redoublés de cette divinité barbare
cèdent encore la victoire à un penchant
plui fort. Mais la haîne menace; outre les
craintes fi naturelles aux am.vis , Armide
entend encore un oracle fatal c,ui , en re-
doublant fe^ terreurs , doit ranimer fa pré-
voyance. T'.lîc eft la pofition du poète &
du muficien au quatrième ade.
Voilà do^nc Armide livrée fans retour à
fa tendrefle. luftruite parfon art de l'éiat
du camp de Godefioy , joui/îant des
tranfports de Renaud , elle n'a que fa
fuite à craindre ; & cette fuite , elle ne
peut la redouter qu'autant qu'on pourra
détruire l'enchantement dans lequel fa
beauté , autant que le pouvoir de fon art,
a plongé fon heureux amant. Ubalde ce-
pendant & le chevalier Danois s'avan- ,
E X P
cent ; & cet épifode qui eft très- bien li^
àTadion principale , lui eft néceflaire , &
forme un contre-nœud extrêmement ingé-
nieux. Armide , que je ne puis croire
franqui'le , va donc développer ici tous
les refforts , tous les efforts , toutes les
refTources de fon art , pour arrêter les deux
feuls ennemis qu'elle ait à craindre. Tel ell
le plan donné , & quel plan pour la mufi-
que ! Tout ce que la magie a de redouta-
ble ou de féduifant , les tableaux de la
plus grande force , les images les plus
voluptueufes , des embrafemens , des ora-
ges , des tremblemens de terre , des
fêtes brillantes, des enchantemens déli-
cieux ; voilà ce que Quinault demandoit
dans cet aâe : c'eft là le plan qu'il a tracé ,
que Lulli auroit dû fuivre , & terminer en-
homme de génie par un entr'ade, dans
lequel la magie auroit fait un dernier efForc
terrible , pour contrafter avec la volupté qur
devovt régner dans l'aéïe fuivanr.
Qu'on fe repréfente cet aâe exécuté de
cette manière , & qu'on le compare avec le
plat aflemblagedes airs que Lulli y a faits ;,
qu'on daigne fe reffouvenir de l'effet qu'a
produit une fête très-peu efiimable par fa'
compofition , qui y a été ajoutée lors de la
dernière reprife , & qu'on décide enfuite
s'il efl pofTible à un poète d'imaginer un plus;
beau plan , & à un muficien de le manquer
d'une façon plus complette.
C'eft donc le défaut feul d'exprefjion dans
la mufique de cette partie d'Armide , qui'
l'a rendue froide , infipide & indicne c^e
toutes les autres. Telle efl la fuite (me du
défaut à^cxprejjîon du muficien dans les
grands defïins qui lui font tracés; c'efl'
toujours fur l'effet qu'on .les juge ; expri^
mes , ils paroiffent fublimes ; fans c::pre/Jîo>!^,
on ne les apperçoit pas , ou s'ils font quel-
que fenfation , c'eft toujours au défavan-
tage du poète.
Mais ce n'eft pas feulement dans fes
fymphonies que Lulli eft reprthenlible fur
ce point; fes chants , à l'exception de fon
récitatif, dont on ro p~rle point ici , &c
qu'on fe propofe d'examiner ailleurs ( P".
Récitatif,) n'onr aucune extrcffion par
eux-mêmes, & celle qu'on leur trouve n'efî
que dcns les paroles auxquellesilsfont unis.
Pour bien développer cette prof oiicicn ,,
E X P ^
qui ieurfe de front un préjugé de près de
quatre - vingts ans , il faut remonter aux
principes.
La mufiqiie eft une imitation , & l'imi-
tation n'eft & ne peut être queVcxpreJJlon
véritable du fentiment qu'on veut peindre.
La poéfie exprime par les paroles , la pein-
ture par les couleurs , la mufique par les
chants ; & les paroles , les couleurs , les
chants doivent être propres à exprimer ce
^u'on veut dire , peindre- ou chanter.
Mais les paroles que la poéfie emploie,
reçoivent de l'arrangement, de l'art, une
chaleur, une vie qu'elles n'ont pas dans le
langage ordinaire, & cette chaleur , cette
vie doivent acquérir un chant , parlefe-
cours d'un fécond art qui s'unit au premier ,
une nouvelle force; & c'eft-là ce qu'on
nomme exprefjl.'tt en mufique. On doit
donc trouver dans la bonne mufique vo-
cale, Vexpreffion que les paroles ont par
elles-mêmes ; celle qui leur eft donnée par
la poéfie ; celle qu'il faut qu'elles reçoivent
de la mufique, & une dernière qui doit
réunir les trois autres , & qui leur eft don-
née par le chanteur qui les exécute.
Or , en général , la mufique vocale de
Lulli, autre, onlerépete, quelepur réci-
tatif, n'a par elle-même aucune f.vp)':';(/?o«
du fentiment que les paroles de Quinault
ont peint. Ce fait eft fi certain, que fur le
même chant qu'on a fi long-temps cru plein
de la plus forte f.vpff/^o;; , on n'a qu'à mettre
des paiol«s qui forment un fens tou-tà-fait
contraire , & ce chant pourra être appliqué
E X P C(;r
â ces nouvelles paroles, anflîbien pour/e
moins qu'aux anciennes. Sans parler ici du
premier chœur du prologue d'Amadis ,
où Lulli a exprimé ew/V/ow-wow Comme
il auroit fallu eTiY>^\mer endorwonsnous ,
on va peindre pour exemple & pour preuve
un de (es morceaux de la plus grande
réputation.
Qu'on life d'abord les vers admirables
que Quinauît met dans la bouche de U
cruelle, de la barbare Médufe :
Je porte tépouvante & la mort en tous lieux ;
Tout fe change m rocher à mon afpefl horrible.
Les traits que Jupiter lance du haut des cieux.
N'ont rien de fi terrible
Qu'un regard de mes yeux.
Il n'eft perfonne qui ne fente qu'un
chant qui feroit Vexpreffion véritable de
ces paroles , ne fauroit fervir pour d'au-
tres qui préfenteroient un fens abfolu-
ment contraire ; or , le chant que Lulli
met dans la bouche de l'horrible Médufe ,
dans ce morceau & dans tout cet ade ,
eft fi agréable , par conféquent , fi peu
convenable au fujet , fi fort en contre-fens,
qu'il iroit très-bien pour exprimer le por-
trait que l'amour triomphant feroit de
lui-même. On ne repréfente ici , pour
abréger , que la parodie de ces cinq vers ,
avec les accompagnemens , leur chant & la
bafie. On peut être sûr que la parodie ,
très-aifée à faire du refte de la fcene ,
offriroit par- tout une démonftration aufli
frappante.
ni ujvMi ; j jv. Il ivrrn hh ' ; -'!'-5
Prélude.
1
:}^^3:^^^
d
35?
Ppppi
668
Je porte l'épon-vaTUe & la mort en tciis lieux , tout fe
Je porte falU-greffe 6* ta vie en tous lieux , tout i'a-
change
nimz
rocher à mon afpcff horrible , rikle; les traits ^ue Jupi-tcr lan-
■nflamme à mon afpcâ aimable , niable ; les feux que le fuleil lan-
^^
.' ' 1 I I I II I I i . \ i %
ce du haut des deux , n'ont rien de fi terrible qu'un regard de mes yeux,
ce du haut des deux , nom rien de comparable aux regards de mes yeux.
E XP
Il n'y a donc évidemment , ni dans le
chant de ce morceau , tii dans les accom-
pagnemens qui n'en font qu'une froide
te'pc'tition , rien qui cara£l:érife l'affreux
perfonnage qui parle , & les paroles fortes
qu'il dit : l'expreffion , en un mot , y eft
totalement mar.quée.
D'oiJ vient donc ce preftige?car il eft
certain que ce morceau & tout l'acte pro
duifent un fort grand effet. L'explica-
tion de ce paradoxe eft facile , fi l'on veut
bien remonter auç fources. Dans les com-
mencemens on n'a point apperçule poète
dans les ope'ra de Lul'i : ce muficien n'eut
point de rival à combattre , ni de critique
lumineufe à craindre. Quinault étoit dé-
chire' par les gens de lettres à la m.ode ,
&c on fe gardoit bien de croire que fes
vers puflent être bons. Or\ entendoit des
chants qu'on trouvoit beaux ; le chanteur
aioutoit Vexpreffion de l'aftion à celle des
paroles , & toute rimpreffion ttoit imputée
au muficien , qui n'y avoic que très-peu
ou point de part.
Cependant par l'effet que produit l'aâe
de Médufe , dépouillé , comme il eft réel-
lement , de Vexprejfion qu'il doit recevoir
de lamufique ; qu'on juge de J'impreffion
étonnante qu'il auroit faite , s'il avoit eu
cet avantage qui lui manque abfolument.
Quelques réflexions fur ce point font feules
capables de rendre très-croyable ce qu'on
lit dans l'hiftoire ancienne de la mufique
des Grecs : plufieurs de leurs poefies nous
reftent ; leur mufique leur prétoit fûrement
une nouvelle exprcffion , les fpedateuis
d'Athènes n'étoient pas gens à fe contenter
à moins ; & par les parties de leurs fpec-
tacles que nous admirons encore , il eft
facile de nous convaincre combien devoit
être furprenante la beauté de leur en-
femble.
Comment fe peut-il , dira- ton , peut
être , qu'en accordant \'expre(Jïon à Lulli
dans prefque tout fon récitatif , en con-
venant même qu'il l'apouffée quelquefois
jufqu'au dernier fublime , on la lui refufe
dans les autres parties qu'il connoif^it fans
doute auffi bien que celle qu'il a h habi-
lement maniée ?
E X P ^ 6C.C)
On pourroit ne répondre à cette con-
jedure que par le fait : mais il eft bon
d'aller plus avant , & d'en développer la
caufe phyfique. La fcene & le chant de
déclamation étoient l'objet principal de
Lulli ; tel étoit le genre à fa naiffance.
Lorfque l'art n'éfoit encore qu'auberceau ,
Quinault n'aroit pas pu couper fes opéra ,
comme il les auroit fûrement coupés de
nos jours , que l'art a reçu fes accroiffe-
mens. royez, EXÉCUTION. Ainfi Lulli
appliquoit tous les efforts de fon génie
au récitatif , qui étoit le grand fond de
fonfpedacle ; fes airs de mouvement, pour
peu qu'ils fuflent différens de la déclama-
tion ordinaire , faifoient nne diverfion
agréable avec la langueur inféparable d'un
trop long récitatif ; & par cette feule
raifon , ils étoient conihmment applaudis :
les aâeurs les apprenoient d'ailleurs fans
beaucoup de peine , & le public les rete-
noit avec facilité. En falloit-il davantage
à un muficien que la cour & la ville
louoient fans cefte , qui pour foutenir
fon théâtre , fe trouvoit fans doute prefte
dans fes compofitions , & qui marchoit
au furplus en proportion des forces de
fes exécutans & des connoiffances de feS
auditeurs
Mais eft-il bien fur que le chant doîc
avoir par lui-même une expreffion , qui
ajoute une nouvelle chaleur à Vexpreffîon
des paroles ? cette prétention n'eft - elle
pas une chimère ? ne fuffît-il pas qu'un
chant pour être bon , foit beau , facile ,
noble , & qu'il faffe paffer agréablement
à l'oreUle,des paroles, qui par elles-mêmes
expriment le fentiment?
On répond , i°. que la mufique étant
une imitation , & ne pouvant point y avoir
d'imitation fans exprejlïon , tout chant qui
n'en a pas une par lui-même , pèche évidem-
ment contre le premier principe de l'art.
2°. Cette prétention eft fi peu chimérique ,
que dans Lulli même on trouve , quoiqu'en
petit nombre , desfymphonies, des chœurs,
des airs de mouvement qui ont V expreffion
qui leur eft propre , & qui par confé-
quent ajoutent à Vexpreffîon des paroles.
3°. Que cette expreffion eft répandue en
^7o E X P
abondance fur les compofitions modernes ;
que c'eft-là précifement ce qui fait leur
grand mérite aujourdhui , & qui dans leur
nouveauté les faifoit regarder comme bar-
bares , parce qu'elles étoient en contra-
diâion entière avec celles qui en man-
quoienc , & qu'on étoit en pofTeflîon d'ad-
mirer. 4*. Un chant , quelque beau qu'il
foit , doit paroître difforme , lorfqu'ap-
pliqué à des pa'oles qui expriment un
fentiment , il en exprime un tout contraire.
Tel eft le premier chœur du prologue
d'Amadis dont on a déjà parlé ; qu'à la
place de ces mots éveil loiis-notis , on chante
ceux-ci endormons-nous , on aura trouvé
une très-belle expreffion : mais avec les
premières paroles on ne chante qu'un
contre- fens , & ce chant très-beau devient
infoutenableàquifaitconnoître, dillinguer,
jSc réfléchir. Le contre-fens & la lenteur
de ce chœur font d'autant plus infuppor-
tables , que le réveil ell caufé par un 'coup
de tonnerre. 5°. Je de mande ce qu'on en-
tend par des chants faciles ? La facilité
n'eft que relative au degré de talent , d'ex-
périence , d'habileté de celui qui exécute.
Ce qui étoit fortdifEcile il y a quatre-
wingts ans , eft devenu de nos jours d'une
très-grande aifance ; & ce qui n'étoit que
facile alors , eft aujourdhui commun , plat ,
infipide. Il en eft des fpedateurs comme
des exécutans ; la facilité eft pour eux plus
ou moins grande , félon leur plus ou moins
d'habitude & d'inftruflion. Les Indes ga-
lantes , en 173Ï , p^oiftbient d'une diffi-
culté infurmontable ; le gros des fpeda-
teurs fortuit en déclamant contre une
mufique furchargée de doubles croches ,
dont on ne pouvoit rien retenir. Six mois
après , tous les airs depuis l'ouverture
jufqu'à la dernière gavote , furent parodiés
& fus de tout le monde. A la reprife de
175 1 i notre parterre chantoit brillant
foleil , &c. avec autant de facilité que nos
pères pÇalmodment ^r mi de ejl encore plus
étimable , &c.
C'eft donc dans Vexprefjîon que confifte
îa beauté du chant en général ; & fans cette
partie cfTentielIe , il eft abfolument fans
j^nérite. Il refte maintenant à examiner en
E X P
quoi confifte en particulier VexprefJioniM
chant de déclamation ; ( c'eft ce qu'on expli-
quera à r^rfzV/t' Récitatif )&celleque
doit encore y ajouter l'afteur qui l'exé-
cute.
Quoique ce que nous nommons très-
improprement récitatif doive exprimer
réellement les paroles , & qu'il ne puifte
pas porter trop loin cette qualité impor-
tante , il doit cependant être toujours
fimple , & tel à-peu^près que nous con-
noiftbns la déclamation ordinaire : c'eft la
manière dont un excellent comédien
débiteroit une tragédie , qu'il faut que le
muficien faififle & qu'il réduife en chant,
/^oj^r- Récitatif. Et comme il eft certain
qu'un excellent comédien ajoute beaucoup
à W'xprcjjîon du poète par fa manière de
débiter , il faut aufti que Le récitatif foit
un furcroît (ïexprefjîon , en devenant une
déclamation notée & permanente.
Mais i'aâeur qui doit le rendre, ayanr,par
ce moyen , une déclamation trouvée , de
laquelle il ne fauroit s'écarter j quelle eft
donc l'exprcfjion qu'il peut encore lui prêter ?
Celle que fuggere une ame fenfible , toute
la force qui naît de l'aftion théâtrale , i^
grâce que répandent fur les paroles les
inflexions d'un bel organe , l'impreffioa
que doit produire un gefte noble , naturel ,
& toujours d'accord avec le chant.
Si l'opéra exige de Vexprefjîon dans toui
les chants & dans chacune des différentes
fymphonies , il eft évident qu'il en demande
auffidansladanfe.rby^iBALLET , Dan SE,
Chant , Dépit , Débiter , Maîtrb
a chanter, décf amation , exécu-
TION , Opéra , Récita tif & Rôle.
{ B)
Ohfervations fur l'' article prcce'dent.
Dans cet article on fe berne prefqu'en-
tiérement à prouver que fouvent Lulli
manque d'exprefJîon.M.. Roufleau, dans fon
diftionnaire de mufique , trace plus parti-
culièrement ce qui produit une bonne ex-
prcjjîon ; c'eft pourquoi je mets ici fou
article : je l'ai déjà dit quelque part ,
plus Une-partie d'un art eft difficile 1
E X P
réduire en principes , p'us il eft bon de
rapprocher les idées des gens de goût fur
cette partie. ( F. D. C. )
"Vexpreffion eft '.re qualité par laquelle
le muficien fent viv^ement & rend avec
énergie toutes les idées qu'il doit rendre ,
& tous les fentimens qu'il doit exprimer.
Il y a une expnjjtort de compofition &
une d'exécution, & c'eft de leur con-
cours que réfulte l'effet muficai le plus
puifîànt iSc le plus agréable.
Pour donner de Vexprrffon à fes ouvrages,
le compofiteur doit faifir & comparer tous
la rapports qui peuvent fe trouver entre
les traits de fon objet & les produdions de
fon art ; il doit connoître ou fentir l'effet de
tous les caraderts , afin de porter exaâe-
ment celui qui choifit au degré qui lui con-
vient ; car, comme un bon peintre ne donne
pas la même lumière à tous fes obiets, l'ha-
bile muficien ne donnera pas non plus la mê-
me énergie à tous fes fentimens , ni la mê-
me force à tous fes tableaux , & placera
chaque partie au lieu qui convient , moins
pour la faire valoir feule , que pour donner
un plus grand effet au tout.
Après avoir bien vu ce qu'il doit dire , il
cherche comment il le dira , & voici où
commence l'application des préceptes de
Part , & qui eft comme la langue particu-
lière dans laquelle le muficien veut fe faire
entendre.
La mélodie, l'harmonie, le mouvement ,
le choix des inftrumens & des voix font les
élémens du langage mufical ; & la mélodie ,
par fon rapport immédiat avec l'accent
grammatical & oratoire, eft celui qui donne
le caraftere à tous les autres. Ainfi , c'eft
toujours du chant que fe doit tirer la prin-
cipale exprefjlon , tant dans la mufique inf-
trumenrale , que dans la vocale.
Ce qu'on cherche donc a rendre par la
JHc'Iodie , c'eft le ton dont s'expriment les
fentimens qu'on veut repréfer.ter , & l'on
doit bien fe garder d'imiter en cela la décla-
mation théâtrale qui n'eft elle - même
qu'une imitation , mais la voix de la nature
parlant fans affeclation & fans art- Ainfi le
E X P èji
muficien cherchera d'abord un genre de
mélodie qui lui fourniffeles inflexions mu-
ficales les plus convenables au fens des paro-
les , en fubprdonnant toujours l'exprcffion
des mots wcelle de la penfée , & celle-ci
même à la ficuation de lame de l'interlo-
cuteur: car, quand on eft fortement affeélé,
tous les oJcours que l'on lient , prennent,
pour ainfi dire , la teinte du fentiraent gé-
néral qui domine en nous, oc l'on ne que-
relle point ce qu'on aime , du ton donc
on querelle un indifférent.
La parole eft diverfementaccentuéejfelon"
lesdiverfes palficns qui l'ir.fpirenf, tantôt
aiguë (Si véhémente , tantôt remifte & lâ-
che , tantôt variée & impétueufe , tantôt
égale & tranquille dans fes inflexions. De-la
le muficien tire les différences des modes
de chant qu'il emploie , & les lieux divers
dans lefquels il maintient la voix , la fai-
fant procéder dans le bas par des petits
intervalles pour exprimer les langueurs de
la triftefte & de l'abattement, lui arrachant
dans le haut les fons aigus de l'emporte-
ment & de la douleur , & l'entraînant ra-
pidement par tous les intervalles de fon
diapafon dans l'agitation du défefpoir ou
l'égarement des paffions contraftées. Sur-
tout il faut bien obferverque le charme de
la mufique ne confifte pas feulement dans
l'imitation, mais dans une imitation agréa*
ble ; & que la déclamation même , pour
faire un fi grand effet , doit être fubor-
donnée à la mélodie ; de forte qu'on ne
peut peindre le fentim.ent fans lui donner
ce charme fecret qui en eft inféparable,
ni toucher le cœur fi l'on ne plaît â l'o-
reille. Et ceci eft encore très- conforme à
la nature , qui donne , au ton des perfonnes-
fenfibles , je ne fais quelles inflexions tou-
chantes & délicieufesque n'eût jamais celui
des gens qui ne fentent rien. N'allez donc
pas prendre le baroque pour l'expreftif, ni'
la dureté pour de l'énergie , ni donner un
tableau hideux des paffions que vous vou-
lez rendre , ni faire en un mot, comme ai
l'opéra françois, où le tonpaftionné reffem-r
ble aux cris de la colique , bien plus qu'aux;
tranfports de l'amour.
Le plaifir phyfique qui réfulte de l'har--
^7* E X P
monie augmente à fon tour !e plaifîr moral
de l'imitation , en joignant les fenfations
agri^ablcs des accords à Vexprefjion de la
mélodie , par le même principe dont je
viens de parler. Mais l'harmolie fait plus
encore ; elle renforce l'exprefflon même ,
en donnant plus de jurteffe & de préci-
fîon aux intervalles mélodieux ; die anime
leur caradere , & marquant exadement
leur place dans l'ordre de la modulation ,
elle rappelle ce qui précède , annonce ce
qui doit fuivre , & lie ainiî les phrafes
dans le chant , comme les idées fe lient
dans le difcours,
L'harmonîe,envIfagée de cette manière,
fournie au compofiteur de grands moyens
â'expreffion , qui lui échappent quand il ne
cherche l'expreffton que dans la feule har-
monie ; car alors , au lieu d'animer l'ac-
cent , il l'étouffé par fes accords ; &: tous
les intervalles , confondus dans un conti-
nuel remnliflage , n'offient à l'orei'le
çu'une fuite de fons fondamentaux qui
n'ont rien de touchant ni d'agréable , &
dont l'elfet s'arrête au cerveau.
Que fera donc l'harnionifle pour con-
courir à Yexpreffion de la mélodie & lui
donner plus d'effet? j! évitera foigneufa-
menc de couvrir le fon pi incipal dans la
combinaifon des accords ; il fubordonp.era
tous fes accompagnemens à la pai tie chan-
tante ; il en aiguifera l'énergie par le con-
cours des autres parties ; il renforcera
Tefïet de certains pafTages par des accords
fenfibles ; il en dérobera d'autres par
fuppofition ou par fufpenfion, en les comp-
tant pour rien fur la baffe ; il fera fortir
les exprejjîotis fortes par des difTonances
majeures ; il réfervera les mineurs pour
des fentimens plus doux ; tantôt il liera
toutes fes parties par des fons continus &
coulée ; tantôt il les fera contrafter fur le
chant par des notes piquées ; tantôt il frap-
pera l'oreille par des accords pleins ; tantôt
il renforcera l'accent par le choix d'un feul
intervalle. Par-tout il rendra préfent &
fenfible l'enchaînement des modulations ,
& fera fervir la baflè & fon harmonie à
déterminer le lieu de chaque pafTage dans
le joiode , afin qu'on n'entende jarnaisun
fntetvalle on un trait de chant , fans fcntir
E X P
en même- temps fon rapport ivec le tout,
A l'égard du rhythme , jadis fi puif-
fant pour donner de la force, de la va-p
riété , de l'agrément à l'harmonie poé-
tique , fî nos lar .. ^s moins accen-
tuées & moins prolutliques , ont per-
du le charme qui en réfultoit , notre
mufique en fubflitue un autre plus in-
dépendant du difcours , dans l'égalité
de la mefure , & dans les diverfes
combinaifons de fes temps, foit à la fois
dans le tout , foit féparément dans chaque
partie. Les quantités de la langue font
prefque perdues fous celle des notes ;
& la mufique , au lieu de parler avec
la parole , emprunte , en quelque forte ,
de la mefure un langage à part. La force
de VcxpreJJîon confifte , en cette partie,
à réunir ces deux langages le plus qu'il
efl poffible , &: à faire que , fi la mefure
& le rhythme ne partent pas de U
même manière , ils difent au moins les
mêmes chofes.
La gaieté qui donne de la vivacité à
tous nos mouvemens , en doit donner
de même à la mefure : la trifteffe refferre
le cœur , rallentit les mouvemens ; & la
même langueur fe fait fentir dans les
chants qu'elle infpire ; mais quand la dou-
leur efl vive ou qu'il fe paffe dans l'ame de
giands combats , la parole eft inégale ; elle
marche alternativement avec la lenteur du
fpondée , & avec la rapidité du pyrrique ,
& fouvent s'arrête tout court comme dans
le récitatif obligé : c'eil pour cela eue les
mufiques les plus expreffives , ou du moins
les plus paffionnées , font communément
celles où les temps, quoiqu'égaux entr'eux,
font les plus inégalement divifés ; au lieu
que l'image du fommei! , du repos , de la
paix de l'ame , fe peint volontiers avec des
notes égales qui ne marchent ni vite ni len-
tement.
Une obfervation que le compofiteur ne
doit pas négliger, c'eft que plus l'harmonie
e't recherchée , moins le mouvement doit
ê-re vif, afin que l'efprit ait le temps de
faifir la marche des diffonances & le ra-
pide enchaînement des modulations : il
n'y a que le dernier emportement des paf-
fions qui permette d'allier la rapidité de
la mefure & la dureté des accords. Alors
quan4
E X P
çuand la tête eft perdue & qu'a force
d'agitation l'adeur fenible ne favoir plus
ce qu'il dit , ce défordre énergique &
terrible peut fe porter ainfi jufq'uà i'ame
du fpedateur , & le mettre de même
hors de lui. Mais fi vous n'êtes bouillant
& fublime , vous ne ferez que barroque
& froid : jetez vos auditeurs dans le dé-
lire , ou gardez- vous d'y tomber ; car celui
qui perd la raifon n'efl jamais qu'un infenfc
aux yeux de ceux qui la confervent , êc
les fous n'intéreffent plus.
Quoique la plus grande force de Vcx-
prejjîonfe tire de la combinaifon des fons ,
la qualité de leur timbre n'eft pas indiffé-
rente pour le même effet. Il y a des
voix fortes & fonores qui en impofent
par leur étoffe ; d'autres légères & flexi-
bles , bonnes pour les chofes d'exécution ;
d'autres fenubles & délicates , qui vont
au cœur par des chants doux & pathéti-
ques. En général , les deffus & routes les
voix aiguës font plus propres pour expri-
mer la tendreffe & la douceur , les baffes
& les concordans pour l'emportement &
la colère. Mais les Italiens ont banni les
baffes de leurs tragédies , comme une
partie dont les chants font trop rudes
pour le genre héroïque , & leur ont fubf-
titué les tailles , ou ténors , dont le chant
a le même caractère avec un effet plus
agréable. Ils emploient ces mêmes baffes
plus convenablement dans le comique
pour les rôles à manteaux , & générale-
ment pour tous les carafteres de charge.
Les inflrumens ont aulîi des exprcjjîons
très-différentes , félon que le fon en c-fî
aigre ou doux , que le diapafon en ed
grave ou aigu , & qu'on en peut tirer des
fons en plus grande ou moindre quantité.
La flûte eft tendre ; le hautbois , gai ; la
trompette , guerrière ; le cor , fonore ,
rnajelîueux , propreaux grandes exprefflons.
Mais il n'y a point d'inflrument dont on
lire une exnrcjfion plus variée & plus uni-
verfelle que du vio'on. Cet infirument ad-
mirable fait le fonds de tous les orcheftres ,
& fuffit au grand compQfiteur pour en
tirer tous les effets que les mauvais mufî-
ciens cherchent inutilement dans l'alliage
d'une multitude d'inftiumens divers. Le
compofiteur doit connoître le manche du
Tome XI IL
E X P (Ç73
violon pour doigter fes airs , pour difpofer
fes arpèges , pour favoir l'effet des cordes
à vuide , & pour employer & choifir fes
tons félon les divers caradteres qu'ils ont fur
cet inflrument.
Vainement lecompofiteur faura-t-il ani-
mer Ion ouvrage , fi la chaleur qui doit y
régner ne paffe à ceux qui l'exécutent : le
chanteur qui ne voit que des notes dans
fa partie , n'eft: point en état de faifir
Icxprejjion du compofiteur , ni d'en donner
une â ce qu'il chante , s'il n'en a bien
faifi le fens. Il faut entendre ce qu'on lit ,
pour le faire entendre aux autres ; & il ne
fuffit pas d'être fenfible en général , fi on
ne l'efi pas en particulier à l'énergie de
la langue qu'on parle. Commencez donc
par bien connoître le caradere du chant
que vous avez à rendre , fon rapport au
fens des paroles , la diftindion de fes
phrafes , l'accent qu'il a par lui-même ,
ce qu'il fuppofe dans la voix de l'exécu-
tant , l'énergie que le compofiteur adon-
née au poète , & celle que vous pouvez
donnera votre tour au compofiteur. Alors
livrez vos organes à toute la chaleur que
ces coniidérations vous auront infpirées ;
faites ce que vous feriez fi vous étiez à îa
fois le poète , le compofiteur , l'aôeur &
le chanteur ; & vous aurez toute ï'expref-
fi»H qu'il vous eft pofîible de donner à l'ou-
vrage que vous avez à rendre. De ceLte
manière , il arrivera naturellement que
vous mettrez de la délicateffe & des orne-
n.ens dans les chants qui ne font qu'élégans
& gracieux , du piquant &: du feu dans ceux
qui font animés & gais , des gémiffemeriS
& des plaintes dans ceux qui font tendres
& pathétiques , & toute l'agitation Anfor-
tvp'utno dans l'emportement des pafHons
violentes.
Par- tout où l'on réunira fortement
l'accent mufical à l'accent oratoire ; par-
tout où la mefure fe fera vivement fenrir
& fervira de guide aux accens du chant ;
par-tout où l'accompagnement &" la voix
fauront tellement accorder & unir leurs
effets , qu'il n'en réfuice qu'une mélodie ,
& que l'auditeur trompé attribue à la
voix les palfagcs dont l'orcheftre l'em-
bellit ; enfin par-tout où les ornemens
fobrement ménagés porteront témoignage
Qqqq
^74 EX?
de h facilita du chanteur , fans couvrir &
défigurer léchant , Vexprefficn fera douce ,
agre'able & forte , l'oreille fera charmée
& le cœure'mui le phyfîque & le moral
concourront à la fois au plaiiîr des e'cou-
tans , & il régnera un tel accord entre
la parole & le chapt , que le tout fem-
blera n'être qu'une langue dc'Iicieufe qui
fait tout dire & plaît toujours. (S) _
On me permettra dts joindre ici mon
fentiment fur Vcxpr^Jjîon en mufique. Peut-
être trouvera- t-on que je n'ai fouvent fait
qu'e'tendre les idées de M. Roulfeau. Il
eft vrai , mais elles le méritent.
VexpreJJion muficale fe fonde fur trois
chofes,
I. Sur la mélodie.
II. Sur l'harmonie.
III. Sur le genre de l'accompagnement.
Pour porter Vexpieffien à fon comble ,
il faudroit que le mulicien fiât poète , ou
celui-ci muficien. Un homme qui réuni-
roit ces deux talens feroit un peintre ha-
bile , non-feulement à defHner correâe-
ment un portrait , mais encore à lui don-
ner le coloris , l'attitude , & l'habillement
de fon original. Mais la poéfie & la mu-
fique ne fe réunilfent guère aujourd'hui
dans la tête d'un feul homme , quoique
l'exemple de l'illuflre M. Rouffeau en
prouve la poflibilité ; un air eft donc un
tableau fait pour deux maîtres. Le premier
trace exadement les traits de fon original ;
c'eft le poète. Le fécond rend le tableau
plus reflemblant en lui donnant le coloris
de la perfonne imitée ; il augmente encore
l'ilkilion en mettant fa figure dans l'atti-
tude ordinaire à l'original ,• enfin il rend
la reffemblance frappante , en habillant
fa copie comme fon modèle ; voilà le
muficien , la mélodie , l'harmonie & l'ac-
compagnement.
I. De l'expr (fîon de la mélodie. L'expref-
fion de la mélodie a deux fources : i°.
l'imitation qui ne peut abfolument fe rap-
porter qu'à l'organe de l'ouie ; ainfi ta
mélodie ne peut imiter que des fons ,
leur durée & leur fuccefîîon. Si le com-
pofiteur veut imiter un bruit quelconque,
tel que celui d'un orage , d'un moulin , c^c.
c'eft à lui d'étudier ce bruit dans la nature ,
& à l'imiter enfuite de foa mieux : per-
E X P
fonne ne peut donner des règles fur cette
forte d imitation.
Si le compofiteur veut imiter les infle-
xions des voix , c'eft-à-dire , s'il veut faire
une vraiment bonne déclamation notée , il
faut qu'il fâche déclamer parfaitement lui-
même ; & c'eft au bon aâeur à lui fournir
les règles de cette forte d'imitation.
2.°. L'analogie , c'eft-à dire , que la
mélodie produit, par l'organe de l'ouie,
un effet analogue ou femblable à celui
qui produit un autre organe , ou une au-
tre caufe. L'analogie peut avoir lieu lorf-
que l'imitation eft impoftible.
Que quelqu'un s'obihne à jouer très-
long-temps une mélodie toute compofée
de notes lentes , égales , & fur le même
ton , à la fin il endormira fon auditeur.
Certainement l'on ne dira pas pour cela
que cette mélodie imite le jus de pavots
ou un mauvais livre , mais elle produit ,
par l'organe de l'ouie , un effet femblable
à celui de ce jus ou de ce livre. Qu'après
vous avoir endormi , le muficien difcon-
tinue fon jeu monotone & en commence
un autre vif & varié, il y a mille à parier
contre un que vous vous réveillerez en
furfaut , comme fî l'on vous avoir tiré
par le bras. Dira-t-on que la mufique imite
l'aûion d'un homme qui vous tire le bras >
L'exprefîlon de la mufique fondée fur l'ana-
logie a fa fource dans la nature même ;
ainfi recherchons , autant qu'il eft en nous ,
ce qui peut ia produire.
La mélodie eft com.pofée , ou d'un feul
ton que l'on répète plufieurs fois , telle eft
celle d'un tambour ; Sa alors la mélodie ne
dépend que du mouvement , ou deplufieurs
tons diiFérens qui fe fuccédent avec le mê-
me mouvement , ou enfin de plulîeurs tons
différens qui fe fuccédent avec différens
moiivemcns.
Une mélodie toute compofée de notes
lentes , égales & fur le même ton , ennuie
par fcn uniformité , & caufe par-là même
un fentiment délagréable.
Augmentez la vîtelTe de ces mêmes
notes , vous diminuerez le défagrément j
vous parviendrez même au point de pro-
duire un fentiment tranquille , qui par-là
devient agréable.
Partez le point cij la vîceiTc du raouve-^
E X P
ment met l'ame dans une fituation tran-
quille : cetre vîtefTe, en augmentant , aug-
mente aufll l'agitation de l'auditeur , juf-
. <[u'â ce que cette agitation devenant trop
violente, farigue, étourdit, & caufede
nouveau un Icntiment défagr^able.
Voilà donc le fimple mouvement uni-
forme capable d'exciter par fon impreffion
phyfiquedeux fenrimensdéfagréables ; l'un
qui provient de l'ennui; l'autre de l'en-
nui mêlé de fatigue , & un fentiment agre'a-
ble , ou du moins tranauiilc. Je crois inu-
tile d'avertir que ces différens mouvemens
continue's plus long-temps qu'il ne le faut,
ne font plus d'effet , parce que l'-on s'y ac-
coutume. Celui qui demeure auprès d'un
moulin à eau, dort, travaille, o~''. com-
me s'il n'y avoit aucun bruit dans le voi-
lînage.
Si, au lieu de notes toutes égales , j'em-
ploie des notes dont la première foit poin-
tée, & par conféquent d'une valeurtriple
de la valeur delà féconde, l'eftet de cette
efpecede mélodie eft différent ; il a quelque
cbofe de plus fombre , fi le mouvement eft
rrifte; quelque chofe déplus grand , fi le
mouvement eft modéré ; quelque chofe de
plus fier, fi le mouvement efl: plus vif: cette
efpecedemouvemencn'eft pas bon très- vite.
Je ne parle pas ici d'une note fuivie
d'une autre la moitié plus courte : cette
forte de mouvement ne peut avoir lieu que
pour une forte particu'iere de mefure ,
celle à trois temps : & je ne parle que du
mouvement en général.
Un ton qui commence pianJffiwo , &:
augmente continuellement jufqu'au fortif-
fimo , augmente auffi en nous l'agitation :
rediminue-t-il, notre agitation diminue
aufîi.
Si donc un muficien entremêle différens
mouvemens en plaçant à props le piano ,
le f^tè , le crefcendo , il pourra non-feu-
lement nous amufer, nous occuper , mais
auffi produire en nous de l'ennui , de l'éga-
Jité, de la gaieté, de la colère , de la fureur ,
de la fatigue & de 1 etourdilTement , &
enfin nous ram.ener â l'ennui ; non à un
ennui tel quecepremier qui réfultoit uni-
quement de trop d'uniformités , mais à un
jSnnui mêlé de fatigues.
Les différentes marches & les airs qu'un
E X P €j^
bort tambour peut exécuter , prouvent
ce que je viens d'avancer. Cela eft encore?
prouvé par la mufique des fauvages , prin-
cipalement compoféed'inftrumens de per-
cufTion , qui n'ont qu'un feul ton , & avec
lefquels ils accompagnent pourtant toutes
leurs danfes ; & peut-être que le meilleur
moyen de trouver les vrais principes de
Vcxpreljlon par analogie , feroit d'étudier
avec foin la mufique des Sauvages. A force
de charger la nature , nous l'avons cou-
verte d'ornemens au point de l'étouffer.
Hâtons- nous de la foulager , ou bif nrôt il
ne nous reftera qu'un cadavre magnifique-
ment habillé.
Si , au milieu d'une fuite de notes len-
tes & égales fur le même ton , on prend
une fuite de notes afcendantesdiatonique-
ment , ce trait de chant caufera un fenti-
ment moins défagréable que celui qui n'eft
compolé que de notes fur le même ton ;
& fuivant le degré de mouvement, la fuite
de notes afcsnJantes deviendra propre à
produire de la gnieté , de la colère, de la
fureur même , s'il y a beaucoup de notes
diatoniques; enfin répété trop longtemps
& avec trop de vîtefTe , il étourdira , &
reproduira un effet défagréable. Une fuite
de notes afcendantes produit donc les mê-
mes effets que le fimple mouvement ; mais
comme cette fiiite de notes ne produit ces
effets qu'autant qu'elle eft alliée avec le
mouvement , je me crois en droit d'en
conclure qu'elle donnera un degré de plus
à la force de ces effets.
Une (uite de notes diatoniques , en def^
cendant , fait fur notre cœur une impref-
fion plus trifte qu'une fuite de notes afcen-
dantes: en donnant toutes fortes de mou-
vemens à ces notes defceniantes , vous
produirez de la gravité , de la col; re < de
la fureur , mais fombres ; & à coup fur ,
les notes defcenda.'ites ne peui^ent pas pro-
duire le même effet que le. afcendantf s.
De toutes les mélodies qui von»- par fauts,
celle qui parcourt l'accord parfait majeur
en montant , doit être la plus agréable &
remuer le moins , parce que tous les fons
qui fefuccédcnt font déjà contenus & an-
noncés dans le premier. Une mélodie qui
va diaroniquement, remue plu.. La nu'l. -
die qui parcourt l'accnrd parfait en allant
Qqqq i
^7^ E X P
de l'aigu au grave , eft moins naturelle ,
elle elt aiiiïî plus trifte. Si la mélodie , au
lieu d'aller par fauts confonnans , va par
fauts dirtbnans , elle frappe plus , & en
montant exprime de l'étotinement & de
l'emportement ; en defcendant , de la gra-
vité , de la trifttffe , de l'horreur. Le faut
defauffe- qninte j en montant , eft doux
& trifte , celui de triton eft dur ; il caufe
un étonnement mêlé de fureur. Les petits
fauts font en effet moindres que les grands.
Un faut de fixte mineure en montant , &
un de fixte majeure , font un effet tout
différent. Montez diatoniquement un in-
tervalle de quinte , en y inférant un triton
étranger au mode , comme ut ,re , mi, fa ,
fol ; & pour peu que le mouvement foit
Vif, vous fentirez que cela vous agite, vous
infpire de la colère. Defcendez diatonique-
ment un intervalle de quinte , en y infé-
rant un b mol , comme ut , fi, la, fol , fa ;
& vous fentirez un fentiment trifle. Si l'on
monte par femi-tons avec un mouvement
lent, on imprime de la trifteffe : defcendez
par femi-tons avec le même mouvement, &
la triftefl'e fera portée à fon comble. Aug-
mentez-vous la vîteffe de ces deux traits
de chant , le premier infpirera delà fu-
reur ; le fécond , de l'horreur.
Arrêtons- nous ici pour ce qui regarde
le mouvement & la marche de la fimple
mélodie. J'en ai dit affez pour montrer
comment ces deux chofes peuvent aug-
menter l'expreffion par l'analogie ; en
allant plus loin , je courrois rifque de
ir.'égarfrr.
La mefure eft encore une des principa-
les fources de l'expreffion de la mélodie.
La mefure à quatre temps eft trifle , lorf-
qu'elle eft très - lente ; moins lente , elle
n'ef^ que grave ; moins lente encore , elle
a quelque chofe de grand , de majeftueux.
Lorfqu'elle eft allegro , elle devient im-
pofante , fiere ; enfin plus vite , elle eft
impétueufe , emportée , furieufe. Faites
pafTer la mefure à trois temps par tous ces
degrés , elle ne perdra jamais fa douceur :
ainfi , lente elle exprimera une triftefte
afftdueufe ; moins lente , de la tendreffe ;
un peu vite , du contentement ; plus vîre,
de la gaieté,mais jamais de la colere;à moins
que vous n'écoufliez fa douceur naturelle
E X P
par le genre de votre chant , par l'ac-
compagnement , &c.
La mefure de » participe de la mefure
à deux temps & de celle à trois ; car elle
eft compofée de deux temps égaux , qui le
font chacun de trois. Cette forte de mefure
eft propre aux affeâions douces & gra-
cieufes : c'eft aufti celle des paftorales ,
quand elle eft modérée. Plus vite , elle
devient gaie ; mais on a beau faire , ja-
mais elle ne devient aufïï furieufe que la
mefure à quatre temps. La mefure à » eft
très-propre à exprimer le défefpoir , fur-
tout quand il eft mêlé d'un fentiment
tendre. La mefure à î ne fouffre ni une
trop grande lenteur , ni une trop grande
vîtefte.
Avant de continuer , il faut obferver
que fouvent c'eft la faute du poète quand
le muficien choifit mal la mefure. Lorf-
que le rhythme d'un air demande une
mefure à trois temps , & que l'expreffion
en demande une à quatre , le compofiteur
eft embarraffé , & choifit d'ordinaire la
mefure convenable au rhythme ; & il a
raifun , parce que la faufte expreffion de
la mefure peut fe pallier , mais jamais le
défaut de profodie.
Le mode majeur eft propre à la gaieté ,
à !a gravité , à la colère , à 1 emportement,
à ia triftelfe même , mais non à une trif-
t^fCi aufti douce , auffi touchante que
celle du mode mineur.
Le mode mineur eft doux , tendre ;
i! a quelque chofe d'affligeant ; il peut
bien exprimer un emportement doulou-
reux ; mais de la colère , de la fureur ,
jamais.
Que font cependant plufieurs mufi-
ciens ? Ils pervertiffent ces propriétés : ils
veulent exprimer une profonde triftefte
par le mode majeur , & une violente colère
par le mineur. Ils réuffiffent fouvent , me
répliquera-t-on. Oui, comme une femme
réuffit à devenir homme , en prenant fes
habits.
Je dis plus : ce font ces tours de force
en mufique qui perdent l'art. Que fera
le compofiteur pour pallier la torce du
mode majeur dans un air trifte & tou-
chant ? 11 prodiguera les diffonances mi-
neures , il entrelacera Ion luimonie dac-
E X P
cords mineurs, il accompagnera fa mélodie
de flûtes , de cors , de violons avec des
fourdines ; & en attendant il nous accou-
tume mal-à- propos à toutes ces reflburces
de l'art , qui , bien ménagées , peuvent pro-
duire le plus grand effet , &: le tout , pour
ne pas fe fervir du mode mineur quand il
le faudroit.
Ce n'eft pas tout ; la même mélodie exé-
cutée dans les tons les plus graves , doit
produire un effet différent de celui qu'elle
produiroit dans des tons plus aigus. Si la
mélodie exprime quelque chofe de gai,
plus on la portera au grave , plus on dimi-
nuera cette gaieté ; on pourra même la di-
minuer tellement qu'enfin l'effet en fera
nul ; pafle ce point , je crois que cette mé-
lodie deviendra ridicule , à caufe du con-
trefens du ton avec le chant ; tout comme
une déclaration d'amour tendre & paflîon-
née , devient ridicule dans la bouche d'un
grave vieillard.
Une mélodie douce & tendre , leparoîtra
toujours plus, quand elle fera jouée par une
flûte , que quand on l'exécute furie violon;
leviolonlui ôtera moins de fa douceur que
le hautbois ; & celui-ci moins que la trom-
pette. Quant au cor-de-chafle, c'eft, à
mon avis , un indrument dont on peut tirer
un très-grand parti; mais peu de mélodies
peuvent s'exécuter en entier fur cet inftru-
ment: ainfi , fon plus grand ufage , fera
dans l'accompagnement.
Une marche guerrière l'eft bien plus avec
des trompettes , qu'avec deshautbois;avec
des hautbois , qu'avec des violons; avec det
violons , qu'avec des flûtes.
Enfin choififfez un ton convenable. In-
dépendamment du plus ou moins de gra-
vité de ton , chaque mode a encore un
effet phyfique fur nous qui dépend de fon
tempérament. Il e(l clair que plus il y aura
de tons altérés dans l'échelle du mode ,
moins ce mode peut faire fur nous une im-
preflîon agréable. Chaque inftrument a fon
tempérament ; c'efl au compoficeur à s'en
inftruire.
Je ne parlerai pas du piano , du forte ,
du crefcendo , du m'inuendo , des fourdines ,
du piz,z,!Cuto ; tous moyens d'augmenter
YexpreJJJon de la fimple mélodie , parce que
E X P é77
leur effet phyfique eft trop frappant pour
s'y tromper.
Après ce que je viens de dire des moyens
de renforcer VexpreJJion de la fimple mé-
lodie, niera-t- on encore les effets de la
mufique des anciens? Je ne le crois pas ;
au moins fi l'on fait attention que ne con-
noiifant pas l'harmonie , tous les foins des
anciens durent fe tourner vers la mélodie ;
que chaqne mode avoit chez eux fon emploi
afiigné ; qu'enfin ils n'entre-mêloient guère
les inllrumens. Quand un Grec enten-
doit préluder dans le mode phrygien , il
favoit qu'on alloit parler de guerre , de
coni bats. Eft- il étonnant que ce mode l'en-
flammât ?
Au refte , tout ce que j'ai dit de Vex-
prejfion de la mélodie , a tellement fon
fondement dans la nature , qu'on en
trouve des traits dans prefque tous les airs
un peu paffables. D'où vient donc , ms
dira-t-on , que notre mélodie produit fi peu
d'effets ? Je l'ai déjà dit , parce qu'on abufe
des moyens , parce qu'on les emploie mal
à propos.
Un air a-t-il quelque chofe de trifte , au
lieu d'un mouvement un peu lent , on lui
en donne un très-lent ; on prodigue tous
les moyens , on les mêle mal enfemble.
Nous l'avons déjà remarqué , & perfonne ,
je crois , ne voudra le nier : une fuite de
notes ascendantes & diatoniques ne peut
pas produire le même effet que la même
fuite de notes defcendantes avec le même
mouvement ; cependant on trouve très-
fouvent ces deux traits de chant dans le
même air & fous les mêmes paroles. Un
compofiteur a un motif très - expreflif;
ce motif va en mentant ; en le tranfpofant
dans un des modes adjoints , ce motif ne
peut plus aller en montant , à caufe de l'é-
tendue de la voix ; on le renverfe, & il pro-
cède endefcendant. Peut- il avoir la même
expreffion ?
Nous avons donné à notre portrait
fon coloris. Donnons lui l'attitude & l'ha-
billement.
II. De l'exprcffion de l'harmonie. L'on
accufe ordinairement les muficiens d'attri-
buer par préjugé, de l'exprejjion à ce qui n'en
a point. Cette accufation fe porte fur- fout
coniiQ\'exprej]ion de l'harmonie; c'efl pour-
^78 E X P
quoi je me bornerai fimplement au phyfique
de l'harmonie.
Tout fon porte avec lui fon oâave , fa
douzième & dix-feptieme majeure : fi
donc vous accompagnez un fon de fon oâa-
ve , de fa douzième & de fa dix-feptieme
majeure, vousaure^ l'accord le plusconfon-
nant poffible : c'eft l'accord que donne la
nature même.
Subllituez la quinte à la douzième , en
laifTant tout le reAe , vousfentirez plus dif-
tindement la tierce que dans l'accord pré-
cédent, àcaufedefonéloignement des au-
tres parties ; & comme latierce majeure a
toujours quelque chofe de fort , c'eft, je
crois , la face de l'accord parfait qui fera le
plusdebruit.
Subftituez la dixième majeure à la dix-
feptieme , en forte que votre accord foit
compofé de quinte, odavie & dixième , &
vous fentirez que cet accord moins confon
nant que le premier , eft aufli moins bruyant
que le fécond.
Enfin baiffez encore la dixième d'une
oélave , en la réduifant à la tierce majeu-
re , vous aurez un accord de tierce ma-
jeure , quinte & oûave , le moins con-
fonnant de ces quatre.
Quand on voudroit nier VexpreJJîon que
j'attribue à la féconde & à la troifieme
face de l'accord parfait , toujours ne
pourra-t-on me nier que l'accord parfait
fous la première face ne foit le plus confon-
dant , le plus un , & que les autres le font
moins.
L'accord parfait majeur eft donc moins
fufceptible de faire un effet phyfique , plus
ou moins agréable.
L'accord de fixte qui en eft renverfé ,
fait un effet moins plein que l'accord paifait.
L'accord de fixte - quarte eft le moins
confonnant.
La difTonance, quelle qu'elle foit,faitune
impretTion défagréable fur l'ouie , on peut
augmenter ou diminuer ce défagrément.
Les premières diftbnances n'écoient que
des fufpenfions qu'on fauvoit toujours en
defcendant ; je crois qu'on peut en con-
clure que les fufpenfions fauvées en def-
cendant, font celles qui caufent l'impref-
fion la moins défa^rcable.
Quant à la feptieme mineure , ou la dif-
E X P
fonance proprement dite , mettez-fa dans
l'éloignement convenable , elle ne difîon-
ne prefque plus ; elle fera donc l'effet le
moins défagréable de toutes les diflbnan-
ces effedives.
L'expérience confirme ce que je viens
de dire. Frappez fur un clavecin un accord
compofé de Vut le plus grave , de fon
odave , de fa douzième , de fa double
odave , de fa dix-feptieme majeure , &
de fa feptieme mineure , & vous ne fenti-
rez aucune dillbnance ; feulement cet
accord femble avoir quelque chofe de plus
ferré que l'accord parfait.
Après les accords confonnans , celui de
dominante tonique eft donc le moins dif-
fonanr.
Enfuite vient celui de fimple dominante
qui a même quelque chofe de plus doux que
le précédent à caufe de fa tierce mineure.
L'accord de feptime avec quinte-fauffe
eft moins agréable , il eft plus trifte que les
deux autres.
L'accord de feptieme majeure avec
tierce majeure , eft dur & bruyant.
Enfin celui de feptieme mineure , ac-
compagné de tierce majeure & quinte-
faufîè, eft fombre.
Arrêtons - nous là ; une énumération
étendue de l'effet de chaque accord nous
meneroit trop loin.
Si donc un muficien , après avoir com:-
pofé une mélodie douce , y met une har-
monie , où fe trouvent beaucoup d'accords
mineurs , peu de diftbnances , & parmi
celles-ci plus d'accords de feptieme que
d'autres, & fur-tout plus de fimples do»
minantes que de dominantes toniques ,
néceflairement fa mélodie , bien loin de
perdre de fon expreflîon , ne peut qu'a-
voir gagné ; parce qu'outre l'expreftionde
cette mélodie , il a encore employé Itlîêt
phyfique de l'harmonie ; mais là le mufi-
cien n'a point d'égard à ce que nous ve-
nons de dire , bien loin de renforcer l'effet
de fa mélodie , il diminuera , jl en viendra
même jufqu'à le rendre nul.
Si, à une mélodie qui exprime du grand,
du majeftueux , on ijoute une harmonie
pleine, compofée d'accords parfaits, pUirôt
que de ren'-'erfés , nattant toujours autant
qu'on le peut la tierce majeure dans le
E X P
deflbus , évitant les accords de dominante ,
& leur préférant ceux de dominante toni-
que , l'on rendra certainement fa mélodie
encore plus expreflive.
Mais une difTonance doit être préparée
& fauvée pour faire l'effet le moins défa-
gréable ; en omettant , quand cela fe peut ,
la préparation , ou bien rendant la pré-
paration très - courte & la diJTonance
longue , on augmente donc fa dureté ,
& il avec cela on change fon fauve-
mcnt , ou qu'on le faute par ellipfe ,
on porte la dureté au plus haut point ; on
caufe phyfiquement un défordredans l'or-
gane de l'auditeur ; ce défordre joint à une
mélodie, exprimant de la colère, par exem-
ple , doit néceflairement rendre cette ex-
preflion plus forte.
Je ne fais fi je me trompe , mais il
me femble que fi l'on employoit à propos
le phyfique de la mufique , on parvien-
droit bientôt à une expreflion dont nous
n'avons aucune idée.
Mais que faudroit - il pour cela ? Un
compofueur philcfophe , obfervant toutes
les impreffions de la mufique , fur- tout
écoutant les jugemens de tout le monde ,
cfTayant tous les changement pofT.bles dans
un feul air , & remarquant avec foin quand
il fait le plus d'effet , recherchant pourquoi
il fait alors le plus d'effet , afin de s'épar-
gner dans la fuite la peine de tâtonner de
nouveau , & afin de fe former peu -à- peu
un recueil d'obfervations , ou plutôt de
règles fûres , moyennant lefquellesil pourra
produire tel ou tel effet donné , femblable
à un chymifle qui augmente , diminue ,
modifie à fon gré la vertu d'une drogue ,
en la mêlant à propos avec d'autres.
Mais l'harmonie agit encore phyfique-
ment fur nous par un autre moyen , celui
de la modulation harmonique , ou le paf-
fage d'un mode dans un autre.
Certainement en majeur, le m.ode delà
quinte eft le plus relatif au régnant; il elt
majeur comme lui ,• il n'y a dans leurs deux
échelles qu'un ton feu! de différent le/4 ^ ;
enfin l'expérience le prouve, puifque nous
pafTons toujours de l'accord de dominante
tonique à celui de tonique , pour faire une
cadence parfaite , par laquelle on puifTe
finir. La modulation lapius naturelle , celle
E X P 679
qui nous frappera le moins , & nous biffera
par conféquent le plus tranquille , c'elt
celle du mode régnant à celui de fa domi-
nante tonique.
Si avec cela l'on ménage la tranfition
en paffant d'un accord à l'autre fans chan-
ger le fu en f,t j^ , & rue parmi ces
accords celui de fol fe fa/fl entendre plus
fouvent que celui à rit , vous pafîerez (î
imperceptiblement en fol , au'à peine or»
s'en appercevra , &: ainfi vous aurez laiffé
votre auditeur dans une fitiiation tran-
quille,* vous l'aurez tranfporcé d'un lieu
dans un autre fi doucement , qu'à peine
il le fait.
Mais fi après l'accord du tonique tn vous
frappez celui de dominante tonique , re ,
fu ^ , Lt , ut , vous ébranlez l'organe de
l'auditeur , par cet acccord abfolumenc
étranger au mode que vous lui avez an-
noncé.
Après le mode de la dominante , celui
de la fixre ta eu le plus relatif au régnant ;
mais il efl mineur ; il ne faudra donc pas
y pafTer fi Vcxpreffion demande de la force.
Le mode de la quarte fa a quelque chofe
de fombre quand il fuccede au régnant , à
caufe de la note fenfible/i , qu'il faut bé-
molifer , &i. &c.
La fuccefîlon de l'harmonie nous donne
donc encore un nouveau moyen de ren-
forcer l'expreflion de la mélodie.
IIL De l'.iccompapiement. Ceci fe fous-
divife encore en deux articles.
• 1°. Le mouvement de l'accompagne-
ment : 2.°. Les inifrumens dont il efl
compofé.
1°. Du mouvement de l'acompagne-»
ment.
Nous avons déjà remarqué ci-deffus que le
fimple mouvement peut caufer une impref-
fion défagréable & pénible par fa lenteur
& fon uniformité ; qui peut en augmen-
tant de vîteffe changer ce f-ntiment défa-
gréable , en un fentiment agréable ,
ou du moins indifférent , & qu'en-
fin cette vîtefTe à force d'augmenter, caufe
une impreflion fatigante & étourdiffante.
Cette remarque peut être d'un grand
fecours pour augmenter l'expreflion. Avez-
vous une profonde ttiff efle à exprimer ,
donnez à votre accompagnenisnt uns
68o E X P
marche lente , ^gale & uniforme , plutôt
en defcendant qu'en montant , & certai-
nement le fentiment pénible & dc'fagréa-
ble que caufera cet accompagnement ,
augmentera la triflefTe qui caufe votre
mélodie.
Avez- vous une mélodie qui exprime un
fentiment doux , agréable , accompagnez-
la de notes d'une vîtefTe modérée qui reftent
fur le même ton , ou fafiènt du moins peu
de faurs , & fur-tout de petits fauts.
Voulez- vous en impofer à votre auditeur ,
joignez à une mélodie noble un accom-
pagnement compofé de notes inégales ,
dont la première foit pointée , & qui
aient un mouvement modéré. Ici les fauts
en montant feront un bon effet , fur-tout
les confonnans.
Voulez-vous étourdir , que l'accompa-
gnement marche avec vîtefle , &c.
Mais il y a encore une obfervation im-
portante à faire dans le mouvement de
l'accompagnement ; obfervation qui con-
court beaucoup à augmenter ou diminuer
Vexpreljîon par le phyfique , c'efî que cha-
que partie a une marche qui lui convient
mieux que les autres ; j'entends ici par
partie la baffe , la taille , & les deux deffus ,
fans avoir égard aux inftrumens qui les
exécutent.
La marche de la baffe doit être la plus
lente , parce que les tons graves vibrent len-
tement ; d'ailleurs quand un ton fonda-
mental vibre une fois , fon oftave vibre
deux fois , fa douzième trois , &c. & il eft
tout clair qu'en donnant aux parties qui
fonnent ces intervalles , un mouvement
qui s'accorde avec les vibrations de ces
intervalles , vous produifez l'effet le plus
agréable & le plus fimple , parce qu'il ap-
proche le plus du naturel.
Si donc vous donnez à la baffe des blan-
ches , à la taille des noires , au fécond
deffus des croches , & au premier defliis
des doubles croches , l'effet qui en réful-
tera fera le plus un poffible. Plus vous
pervertirez cet ordre , plus votre effet s'é-
loigne de la nature , plus il doit faire une
impreffon drfagréable.
i". Des inflrumens qui forment l'accom-
pagnement.
M. Rouffeau l'a déjà remarqué , il n'y a
E X P
point d'inftrument dont on puîffe tirée
un plus grand parti que du violon , parce
que , fuivant la manière d'en jouer , on
en tire un fon analogue à celui des autres
inftrumens : joué avec force , on en tire
prefque le ton fier de la trompette ; joué
avec douceur & unefourdine , vous imitez
la flûte la plus gracieufe , c'eft donc avec
raifon que les inftrumens à corde & à
archet font la bafe de tout accompagne-
ment : je dis les inftrumens à corde & à
archet , parce que du plus au moins ils
produifent tous les mêmes effets que le
violon.
On pourra donc exprimer avec les feuls
inftrumens à archets , toutes les paftîons
que l'on voudra , en obfervant d'ailleurs
tout ce qui peut faire l'exprejjîon & l'aug-
menter j mais fi l'on joint des inftrumens
analogues à VexpreJJîon,2ux violons, on ren-
foncera encore cette expreffîon.
La trompette eft fiere , guerrière ,
bruyante : réfervez-!a pour les batailles,les
triomphes , les airs guerriers.
Le cor- de-chaffe , donné avec force,
peut remplacer la trompette en partie ,
mais il devient tendre , même trifte &
plaintif , fi on l'adoucit.
Le hautbois eft brillant , gai , on peut
l'adoucir , mais jamais le rendre vraim.ent
propre à la tendreffe ; il conferve toujours
quelque chofe d'aigre & de perçant. Ser-
vez-vous-en pour faire du bruit , renforcer
les violons , pour exciter la gaieté , pour
exprimer une joie vive : joignez - le aux
trompettes
La flûte eft douce, tendre, gracieufe.
Une d.'claration d'amour , une plainte fur
une abfence , une joie tendre , tout cela eft
de fon reftbrt.
Rien à mon avis de plus touchant que
des flûtes accompagnées de cors-de-chafie
adoucis.
N'allez donc pas employer ces inftru-
mens à tout propos. Sur-tout ne mêlez
pas indifcrettement,comme le font aujour-
d'hui tant de compofiteurs , n'allez pas ,
dis-je , mêler les flûtes aux trompettes , la
douceur des premiers ôtera aux dernières
une partie de leur fierté ; cela n'eft bon
que dans des occafions où une efpece de
tendreffe doit percer parmi les cris de
g
uerre.
E XP
f nerre & les chants de triomphe ; lorfque,
par exemple , un héros bien aime rentre
triomphant dans la capitale , & que la joie
aiïeûueufe qu'a le peuple de revoir fon
père , fe mêle aux cris des guerriers.
Les tenues des inllrumens à vent font
encore un effet fingulier. Une tenue de
cor-dechaffé , dans le bas , a quelque cho-
fe de fombre ; celle d'une flûte eft plus
trifte , plus tendre ; celle d'un hautbois
plur grande , plusmajeftueufe, fur-tout fi
ellevaencroiflanr.
On a banni des orcheflres la harpe , la
guitarre , le luth , d~r. parce qu'on y re-
médie en quelque façon par le pi^-z.icato
des violons. J'abandonne volontiers ces
înfîrumens , pour^'u qu'on me laiffe la
harpe : fes longues cordes pincées rendent
un ton fi doux , h cendre , qu'il va droit
a l'ame , pourvu que rien ne gène leurs
vibrations ; & je penfe qu'un air trifle ac-
compagné d'une feule harpe & d'une flûte ,
feroit une profonde impreflîon. Mais je
m'explique ; point de harpe organifée ; une
bonne fimple harpe , à laquelle on aura
adapté le mode de l'air , en forte qu'il n'y
entre point de femi-tons, qui manquent à
cet inftrument.
Souvent une mélodie eft tellement ex-
prefllve , que tout .îccoîiipagneîiientVaffoi-
blit , au lieu de la renforcer. Voilà le mo-
ment de l'union ; mais n'en abuf< z point ,
comme quelques-uns , qui le placent , non
quand il le faut, mais quand l'ignorance les
empêche de trouver une bonne balTe à leur
chant.
Je crois qu'un compoGteur qui travail-
leroit fur les principes que je viens d'a-
yancer, les confirmant , les modifiant, ou
même les rertiplaçant par d'autres , quand
^'expérience l'exigeroit ; je crois , dis- je ,
que ce compofiteur parviendroit bien-
tôt à maîcrifer fes auditeurs à fon gré,
[F.D.C.)
Expression , ( Peinture. ) Il eft plus
aifé de développer le fens de ce terme ,
qu'il n'eft facile de réduire en préceptes la
partie de l'art de la peinture qu'il fignifie.
Le mot exprejjion s'applique aux aâions &
aux pafîions , comme le mot imitation s'a-
dapte aux formes & aux couleurs : l'un eft
l'art de rendre des qualités incorporelles j
Tome XIII.
E X P (;8i
telles que le mouvement: & les affe(?lions de
l'ame ; l'autre eft l'art d'imiter les formes
qui diftinguent à nos yeux les corps des uns
des autres , & les couleurs que produit l'ar-
rangement des parties qui compofent leur
furfàce.
Repréfenter avec des traits les formes
des corps , imiter leurs couleurs avec des
teintes nuancées & combinées entr'elles ,
c'eft une adrefîê dont l'effet fournis à nos
fens , paroîc vraifemblable à l'efprit ; mais
exprimer dans une image matérielle & im-
mobile , le mouvement , cette qualité abf-
traite des corps ; faire naître par des figures
muettes & inanimées , l'idée des paffions
de l'ame , ces agitations internes & ca-
chées , c'eft ce qui , en paioifTant au-def-
fus des moyens de l'art , doit fembler in-
compréhenfible.
Cependant cet efFort de l'art exifte ; &
l'on peut dire des ouvrages qu'ont compo-
fés les peintres d'exprejjion , ce qu'Horace
difoit des poéfies de Sapho :
Spirat adhuc amor ,
Vivuntqtie comynijjl culores
/EoUa fidibttspuelU.
Pour parvenir à fentir la pcfTibilité de
cet effet de la peinture , il faut fe repré-
fenter cette union fi intime de l'ame & du
corps , qui les fait continuellement partici-
per à ce qui eft propre à chacun d'eux en
particulier. Le corps fouffre-t-il une alté-
ration, l'ame éprouve de la douleur; l'ame
eft-elle affeSée d'une paffion violente , le
corps à l'inftant en partage rimprefTion : il
y a donc dans tous les mouvemens du corps
& de l'ame une double progrelfion dépen-
dante l'une de l'autre ; & l'artifte obfer-
vateur , attaché à examiner ces différens
rapports , pourra , dans les mouvemens du
corps , fiisvre les imprefïions de l'ame.
C'elf-là l'étude que doit faire le peintre qui
afpire à la partie de Vexpnfjion ; fonfucccs
dépendra de la fineffe de fes obfervations,
& fur-tout de la jufteffe avec laquelle il
mettra d'accord ces deux mouvemens. Les
paffions ont des degrés , comme les cou-
leurs ont des nuances ; elles naiffent, s'ac-
croifTent, parviennent à la plus grande force
qu'elles puifTent avoir , diminuent enfuite
& s'évanouifTenC, Les leviers que ces
Rrrr
6Bz
E X F
forces font fiTouvoir , fuivent la progref-
fion de ces états diiîerens ; & l'artillequi ne
peut repiéfenter qu'un moment d'une paf-
lîon , doit connoître ces rapports , s'il veut
que la vt'rité fafîe le mérite de fon imita-
tion. Cette vérité , qui ef: une exacte con-
venance , naîtra donc de la précifion avec
laquelle (après avoir clioifi la nuance d'une
paffion ) i! en exprîmera le jufle effet dans
les formes du corps , & dans leur couleur :
s'il fe trompe d'un degré , for. imitation fera
moins parfaite; fi fon erreur eft plus con-
fîdérable , d'une contradidion p'us fenfible
naîtra le défaut de vraifembîance , qui dé-
truit l'illufion.
Mais, pour approfondir cette partie im-
portante , puifque c'efl elle qui ennoblît
l'art de la peinture , en la faifant partici-
per aux opérations de l'efprit , il feroit né-
celfaire d'entrer dans quelque détail fur les
pafîîons ; & c'eft ce que je tâcherai de faire
au mot Passion. Je reprendrai alors les
principts que je viens d'expofer ; & les ap-
pliquant à quelques développemensdes mou-
vemensdu corps rapportés aux mouvemens
de l'ame , je donnerai au moins l'idée d'un
ouvrage d'obfervations quiferoientcurieu-
fes & utiles , mais dont l'étendue & la diffi-
culté extrêmes pourront nous priver long-
tcms. Cet .'.rticle eji de M. Watelet.
Rejicxion de M. SULZER fur l'cxpref-
fion dans les ar/s du dejjhi.
On dit du deffmateur qu'il excelle dans
Vcxprefjïon , lorfque fes figures femblent
avoir de la vie , des penfées , du fentiment.
C'eft l'exprejjïon qui dans m-, tableau rend
l'efprit vifibîe : un art fi niblim.e eft l'inven-
tion de la nature même. 11 n'y avoit qu3
le génie infini qui pût animer la matière ;
c'efl par- là que la peinture eft le plus mer-
veilleux des arts. Quoi de plus admirable
que de pouvoir , avec defimples couleurs ,
réveiller tous les fentimens de l'ame , mé-
tamorphcfer par la magie de Vexprcffion des
ombres en êtres qui penfent & qui fentent ?
Sans cet art , une image peinte & fcLilptée
n'efi qu'une forme vaine , qui ne fauroit
plaire à un être penfant. L'exprejjïon en fait
un être animé & agiffant , avec lequel notre
cœur aime à fe communiquer.
Les plus grands efforts des arts du deffin
doivent fe tourner du côte de Vexprcljîon ;
Ê X P
fans elle tout le refte n'eit rien. Calliflrate
dénniiToir la fculpture , V>trt d'exprimer les
mœurs , ^/S-oiroofTsf nx'iyi. En effet , après les
fccnes réelles de la vie , & leur repréfen-
tation au théâtre , rien ne fait plus d'im-
preffion fur notre efprit , qu'un tabkau ou
les mouvemens de l'ame font bien expri-
més. De telles peintures ouvrent le cccur
au fentiment , & excitent dans l'efprit des-
efforts vers la perfedion. Com:me la force
de la beauté produit dans le cœur d'un jeune
homme un amour qui s'empare de toute
fon ame , de même la force de Vexprtfjîùti
d'un bon tableau remplir toute ame lenlible
d'admiration pour la véritable grandeur ,.
d'amour pour le bien , & d'horreur pour le
mal. Le fouvenir des trophées deMiltiade
fit perdre le fommeil à Thémillocle , tanc
ils enfiammerent fon am.e d'une noble am-
bition. Que ne doit pas fentirun cœur hon-
nête à la vue d'un tableau qui luipréfente,.
non les fimples fignes d'une grande ame,
mais cette ame elle-même dans fa grandeur?
Si l'idée de la vertu , qui ne s'offre à l'ima-
gination que fous une image fantafiique ,
peut néanmoins exciter en nous l'admira-
tion la plus lorte , que ne doit -elle pas
faire , lorfqu'on la voit fous une forme vi-
fible , & dans fon plus beau jour ? Lorfque
dans les fcenes réelles de la vie , nous avons
le bonheur de voir des liommes au momient
même où leurs âmes font exaltées par le
fentiment , ce moment précieux s'écoule
avec rapidité ; mais l'artifte fait le fixer :
notre œil , grâces au talent du peintre ,
peut s'y arrêter à fon aife; il pourront s'en
raft'afier , fi un tel objet ttoit capable de
produire la faciété : nous jouiffons de fa
contemplation jufqu'à ce qu'il ait opéré fur
nous fon effet entier.
Mais par quelle route , par quels degrés
l'artifte arrive-t-il à ce point fuprême de
fon art qui le rend maître des cœurs'' Ce
n'eftpoint une routebattue; elleeftinvifibla
aux yeux du vulgaire. Si l'artifte n'a pas reçu
de la nature une ame profondément fenli-
blc à tous les genres du bon, qui éclaire_e!le-
même fcs yeux , il fe tourmentera vaine-
ment à réufîir dans la force de VcxpreJJion.
Les fens ne portent rien dàr.s l'ame ; ils ne
font qu'y réveiller le fentiment jufqu'alors-
endormi. Un ail dirigé par une ame funfi"
EX P
r®e fe tourne en vain vers la beauté la pins
attrayante , i! n'y djcouvre rien. Lana-
• tnre f^ale pro iuit les grands artift^s ; mais
l'exercice & l'application les perfeâion-
nent.
Le premier pas vers cette perfccHon
•confifle àobferver ; fans l'obfervation rou-
tes les facultés ca.-jiées clans l'ame y crou-
pitTent pour toujours ; le germe du bon qui
<f} en nous ne commence à fe développer
■que lorfque nous obfervons fon dévelop-
pement dans les autres. La vertu apperçuc
jiorsdenous , eft la chaleur fccondanre qui
fait germer les femences de verra dépolée
dans notre propre fein. L'artifle doits'np-
pliq-ierà obferver la nature humaine par-
tout où elle s'eft bien développée. Il n'eft
p?s éronnant que les arnite!- grecs aient ex-
cellé dans Vexpiejjîon , eux qui avoientfoas
le; yaux la nation où l'on donnoit l'efTor le
plus libre à toute; les difpofitions naru-
rel'oi de l'an-.e. Un Phidias , un Raphaël ,
né dans la Groenlende , feroit incapable
.d'exprimer un feul fentiment délicat. C'efl;
le commerce intime avec des hommes dont
la culture a développé les grands principes ,
cui mettra le peinrre fur la voie à^Vcxpref-
jion : ce qu'il ne verra pas de fes propres
yeux , les tableaux des hiftoriens & des
poètes le lui montreront ; ils formeront fon
eforit&échau (feront fon imagination. Phi-
dias avouoit que c'éfoit Homère qui lui
.avDit appris à exprin'ier les traits de Jupi-
ter. Quan 1 à force d'obferver , l'ame s'efl
exercée à fentir , l'imagination de l'artifle
lui préfente des im3,s;es vivantesde ce qu'il
fînt ; il n'a qu'à laifU.T agir fa main pour les
ce^Hner. Ce n'eft ni lecompas , ni la ré-
ilex on , ni le tâtonnement qui donnent *t:x-
prejjïon ; c'elî l'imagination échauffée par
le cœur qui peut feule l'appercevoir.
Il faut enfuite joindre à i'obfervation
lin goût épuré qui , entre plufieurs traits
d'un même genre , fâche choifir ce qui
affortit le rnicnix aux perfonnes & aux
circonftances. Un roi en colère n'a pas
l'air d'un particulier qui fe fâche , & la
douleur d'un cœur magnanime ne reff'em-
He pas à celle d'une ame efféminée. L'ar-
tifte doit fenrir ces ditfjrences ; i! doit de
plus fentir tout ce qui dans YexprelJJon
pourroit choquer ou déplaire ; de même
E X P 683
que le compofiteur en employant des dif-
fonances n'oublie jamais l'ordre & la ré-
gularité, le deffinateur doit pareiUtmenc
éviter dans VcxprcJJion tout acceffoire
défagréable. Il ne iaut pas enlaidir un
vifage pour lui faire exprimer l'averfion :
la beauté des formes eft aufil iuféparable
du defiin , que la juft.;fîede 1 harmonie l'cft
de la miifique. Le plus beau vifage peut
aufîi-bien fe prêter à toutes les altérations
que les diveri'es paffions y font paroître ,
qu'un viiàge moins beau; l'artiHe auroit
donc grand tort de préférer ce dernier.
11 n'y a qu'un goût très-Hn qui fâche
diftinguer dans VexPrcIfion l'eflentiel du
fm-.ple accefîbire. Le commun dïS hom-
mes n'apperçoit les fentimens de la joie ,
de la colère , de la douleur, que par les
cris ou les emportemens. Les perfonnes
d'un goût plus délicat , n'ont pas befoin de
ces indices acct/foires pour fentir la paffion.
Ce n'eft pas aii'ez que l'arcifle ait le don
d'obferver, & le goût exquis ; il ne fuîfiC
pas qu'il voye dans fon imagination ce
qu'il doit exprimer ; il faut de plus qu'il
ait le talent de le rendre vilible aux au-
tres : celafuppofe un coupd'œil très-jufte,
& une main bien exercée. Il n'y a qu'un
grand deffinateur qui fâche tout exprimer ,
un œil qui faifir les moindres variations des
formes , & un pinceau qui les repréfente
fidèlement.
Le jeune artiî^e trouvera des fecours à
cet égard , en étudiant les remarques que
1«; grands maî-res ont faites fur la manière
deconnoître les paffions par 1 attitude , les
airs de tèce , & les traits du vifage. En
deffinant les caractères de le B:un , il fe
formera le coup-d'œil , il app;endra ce qui
diflingue efl^entiellement une pailîon d'une
autre; & quel eft le trait principal qui la
caraftérife ? Tous les m.embres du corps hu-
main ont leur langage ; tout vient au fecours
de Torateur : les mains , fur tout , fup-
pléent en quelque manière à la parole. Un
habile critique ( Junius , de pUlur.x vctcrum ,
/. /// , f. 4. ) obferve qu'elles fnvcnt cxigjr ,
promettre , appeler , détefter , interroger ,
refufer , indiquer la crainte , la joie , la
triftefte, le douté , l'aveu , le regret , la
mefure , le temps & le nombre. Divers
' mafcles ont chacun leur exprejfion fixe.
E r r r 2.
684 E X P
L'aitirte qui fe propofe d'exceller dans
Texpreijion , doit être un obfervateur infa-
tigable ; il ne doit manquer aucune occa-
fion daffifterauxfcenes delà vie oij les
pafTions fe manifeflent un peu vivement ;
aux concours du peuple , où les monvemens
de la crainte , de l'effroi , de la joie , de la
dévotion paroiffent à la fois fur mille vifa-
ges , & dans autant de différentes attitudes,
A L'obfervation de la nature, il faut join-
dre l'étude des antiques; Vexprefjïon eft par-
faite dans la plupart de ces morceaux pré-
cieux j & dans les moindres même , elle
n'eft pas entièrement négligée : les meilleurs
ouvrages de Michel Ange &: fur- tout de
Raphaël , entre les modernes , doivent
faire l'étude journalière de l'artifte ; les
profondes recherches de ces grands géni:s
ont donné à leurs ouvrages ce degré de
perfeflion qu'on y admire , & c'eft en
les étudiant que l'artifte peut fe frayer la
route qu'ils ont découverte. L'Allemagne
a la gloire d'avoir produit un artifie qui
efi digne d'être propofé pour modèle
d'une belle expreffion ; c'eft Schluter dont
le nom eft beaucoup moins célèbre qu'il
ne devrait l'être. Berlin a feul l^avantage
de poftéder les beaux morceaux d'archi-
tedure de ce grand homme. Les étran-
gers qui n'ont pas vu l'arfenal de cette
capitale , peuvent au moins fe procurer les
deftins que M. Rode a gravés à l'eau-
forte , des mafques qui ornent cet édifice.
Expression , ( Pharm. chimie.) eft l'ac-
tion de preffer un corps pour en faire
fortir une liqueur.
Vexpreffionk fait, ou à l'aide d'une preflè, j
ou à l'aide d'un linge , dans lequel on ren- |
ferme les matières , & qu'une ou deux per-
fonnes tordent plus ou moins fortement :
cette dernière manière eft fufiitante pour
exprimer certaines infufions , décodions ,
les émulfions , les fèces des teintures , 6~r.
Mais on a communément recours à la pref-
fe , lorfqu'on veut tirer les fucs des fruits ,
des plantes , des fleurs , &c. fur-tout quand
ces fruits ne font pas três-fucculens : ces
dernières matières doivent être difpofées à
lâcher leurs fucs par une opération préala-
ble , qui confifte à les piler ou les râper. /'.
Piler & Râper.
VexpreJJiQti par le fecours de la preflè ,
E X P
eft encore employée pour retirer dés
femences émulfives les huiles qui font
connues dans l'art fous le nom d^huile par
exprefJîoH : telles font les huiles d'aman-
des , de noix , de femences froides , de
graine de lin , de chenevis , &c. l^oyez.
Huile. ( h )
EXPULSER , terme de médecine, chaf-
fer avec effort , poufler hors les humeurs,
&c.
Expulser , terme de pratique , chafler
avec une forte de violence & par autorité
de juftice ; expulfer fe dit fur- tout d'un
propriétaire qui voulant occuper fa maifon
par lui-même , force un locataire à la lui
céder avant rexpiration de fon bail. Foy,
Évincer.
L'ufage eft communément à Paris ,"
qu'au cas d'expulfion par le propriétaire
ou par l'acquéreur , on accorde fix mois
de jouiftànce gratuite au locataire , comme
en dédommagement des dépenfes qu'il a
faites pour s'arranger dans la maifon qu'on
lui ôte , & de celles qu'il doit faire enfuira
pour s'arranger dans une autre ; ce qui
fort fouvent n'eft pas fufceptible de com-
penfation.
Quoiqu'il en foit, la faculté que la loi
donne en certain cas d'expulfer un loca-
taire avant le terme convenu , paroic
abfolumeut contraire à l'eftence de tous les
baux : car enfin la deftination , la nature
& la propriété d'un bail , c'eft d'aftlirer
de bonne foi au locataire l'occupation
aftuelle d'une maifon pour un temps limité,
à la charge par lui de payer certaine
fomme toutes les années , mais avec égale
obligation pour les contradans , de tenir
& d'obferver leurs conventions récipro-
ques , l'un de faire jouir , & l'autre de
payer , &£.
Quand je m'engage à donner ma maifon
pour fix ans, je conferve,il eft vrai, la pro-
priété de cette maifon , mais je vends en
effet la ioiiiiïance des fix années ; car le
louage (^ la vente font à peu près de même
nature, fuivant le droit romain; ils ne diffé-
rent proprement que dans les termes; &
comme dit Juftinien , ces deux contrats-
fuivent les mêmes règles de droit : locati».
& conândio proxima eft emptioni & vendi~
tioni , iifdem juris regulis conftJJit. Lil>.>-
E X P
JII , Inflh. th. XXV. Or quand une cliofe
eft vendue Se livrée , on ne peut plus la
revendiquer, l'acheteur ell quitte en payant,
& il n'y a plus à revenir : de-là dépendent la
tranquillitJdes contraâans & le bien géné-
rrl du commerce entre les hommes; fans
cela nulle décifion , nulle certitude dans les
afiàires.
La faculté d'occuper par foi- même accor-
dée au propriétaire malgré la promeire de
faire jouir , portée -dans le bail , efi donc
vifiblement abuîîve & contraire au bien
de la fociété. C'elt ce qu'on nomme le pri-
vilège bourgeois ; c'eft, à proprement parler,
" le privilège de donner une parole, & de ne
la pas tenir : pratique odieufe , par laquelle
on accoutume les hommes à la fraude &
à fe jouer des (Hpulations & des termes ;
outre que par-là on fait pencher la balance
en faveur d'une partie au défavantage de
l'autre ; puifque tandis qu'on accorde au
propriétaire la faculté de reprendre fa mai-
fon , on refufe au locataire la liberté de ré-
fîlier fon bail.
Au furplusjfi cette prérogative efrin;ufîe,
elle eft en même- temps illufoire ; puifque
le propriétaire pouvant y renoncer par
une claufe particulière , les locataires qui
font inftruits ne manquent point d'exiger
la renonciation : ce qui anéantit dès-lors le
prétendu droit bourgeois ; droit qu'il n'eft
pas poflfible de conferver , à moins qu'on
ne traite avec des gens peu au fait de
€es ufages , & qui foient induits en erreur
par les notaires, lerque!s,au refte^manquent
efientiellement au miniftere qui leur eu
confié f quand ils négligent de guider ]es
o particuliers dans la paflàtion des baux &
autres ades.
Un avocat célèbre m'a fait ici une diffi-
culté. Le notaire , dit-il, doit être impar-
tial pour les contraûans : or il cefTeroit de
l'être fi, contre les vues & l'intérêt du pro-
priétaire, il inflruifoic le preneur de toutes
ks précautions dont la loi lui permet l'ufage
pour affermir fa location. Tant pis pour lui
s'il ignore ces précautions ; que ne s'inf-
truit-il avant que de conclure? que ne va-t-il
confulter un avocat , qui feul eft capable de
le diriger ?
Il n'eft pas difficile de répondre à cette
difficulté : on avoue bien que le notaire
EXP 6Si
doit être impartial , c'eft un principe des
plus certains ; mais peut-on le croire impar,
tial , quand il n'avertit pas un locataire de
l'infuffifance d'un bail qui ne lui afTure point
un logement fur lequel il compte , & qui
eft fouvent d'une extrême conféquence
pour fa proib/Tion , fa fabrique , ou fon
commerce ? Peut-on le croire impartial ,
quand il cache les moyens de remédier à
cet inconvénient , & qu'il n'exige pas les
renonciations autorifécs par la loi? On veut
que le moindre particulier, avant que d'al-
ler chez un notaire, falFe une confultation
d'avocat pour les affaires les plus fimples :
on veut donc que les citoyens pafient la;
moitié de leur vie chez les gens de pratique.
On fent que l'intérêt fait parler en cela
contre l'évidence & la juftice ; que fur h
difficulté dont il s'agit, un notaire peut aum-
bien qu'un avocat donner des infhudions^
fuffifantes ; & l'on fent encore mieux qu'il
le doit , en qualité d'officier public , chargé
par état d'un miniftere de confiance , qui
fuppofe néceflairement un homme intègre
& capable , kquel fe doit également à tous
ceux qui remploîent,&: dont la fondion efi
de donner aux aftes l'authenticité, la forme
& la perfeûion nécefîàire pour les rendre
valides.
Le notaire en faifant un bail doit donc
affurer autant qu'il eftpofnble, l'exécutiont
de toutes les claufes qui intéreffent les par-
ties; il doit les interroger pour démêler
leurs intentions , leur expliquer toute l'é-
tendue de leurs engagemens ; ^i en un mot
puifque la promeite de faire jouir , faite
par le propriétaire , ne fiiffit pas pour l'o-
bliger , s'il ne renonce exprefTément au
privilège qu'il a de ne la pas tenir , il eft de'
la religion du notaire d'inférer cette renon-
ciation dans tous les baux , jufqu'à ce
qu'une légiflation plus éclairée abroger
tout-à-fait la prérogative bourgeoife ,
& donne à un bail quelconque toute la
force qu'il doit avoir par fa deflination ,
en fuivant l'intention des parties contrac-
tantes.
Au furplus , notre jurifprudence paroîc
encore plus déraifonnable , en ce qu'elle-
attribue à l'acquéreur d'une maifon le droit
à'expulfer un locataire malgré la renoncia-
tion du vendeur au droit bourgeois. :. cas-
CfvCy E X P
enfin fur quoi fonde peut- on accorder l'ex-
pr.lfion dans ce dernier cas ? L'acquéreur
luppofé ne peut pas r.voir plus de droit que
n'en avoit le premier maître ; l'un ne peut
avoir acquis que ce que l'autre aj)u vendre :
or l'ancien propricCaire ayant cédé la jouil-
fance de fa maifon pour un no.iibre d'an-
nées , ayant même renonce , con'imie on le
fuppole , au droit d'occuper par lui-même
& d\'xputfer fon locataire pour quelque
caufe que ce puifle être , cette jouiilance
ne lui agp^tient plus , & il n'en fauroic
idifpofer en faveur d'un autre. Ainfi lié par
fes engagemens & par fa renonciation , il
ïie peut plus vendre !"a maifon fans une ré-
i'erve b:eu liprmelleen laveur du locataire ;
re'ferve eifertielle & tacite , qui quand elle
ne feroit pas énoncée dans le concrat de
vente , ne perd rien pour cela de ù\ force ,
attendu que fuivant les termes employas
dans pU'fieurs biux , & fuivant l'eipnc
dans lequel ils font tous faits , le fonds & la
fuperficie de la maifon deviennent l'iiypo-
théque du locataire. En un mot, l'ancien
propriétaire ne peut vendre de fa maifon
que ce qui lui appartient , que ce qu'il n'a
pas- encore vendu , je veux dire ia pro-
priété ; il la peut vendre véritablement
cette propriété , mais avec toutes les fervi-
tudes , avec toutes les charg;es qui y font
attachées , & auxquelles il eit adliietti lui-
mime : telle efl entre autres la promefî'e
de faire )ouir , ftipulée par un bai! anté- ■
rieur , & fortifiée des renonciations ufittes
en pareil c;;s ; promeiTe par coniequent qui
n'oblige pas moins l'acquéreur que le pro-
priétaire lui- même.
Au furplus , fi Tufage que ncus fuivons
facilire la vente & l'achat des maifoiîs dans
les villes j comme quelque; -uns me l'ont
.obi.iâé bien légèrement, quelle gêne &
quelle inquiétude ne jette- t-il pas dans tou-
tes les locations , lefquelles au refie font
infiniment plus communes, & dès-là beau-
coup plus intéreflantes. D'ailleurs , _fi le
privilège bourgeois étoit une fois aboli , on
n'y penferoit plus au bout de quelques an-
nées , & les rnaifons fe vendroient comme
auparavant , comme on vend tous les jours
les rnaifons de campagne & les terres , fans
,qu'il y ait jamais eu de privilège contre le
4iQJt d.es locataires.
E X P
De Cour cela il rci'ulte que le prince lé-
glilateur étant proprement le père de la
patrie, tous les fu jets étant réputés entre
eux comme les enians d'une m.ème famille,
le chef leur doit à tous une égale proreâion :
qu'ainfi toute loi qui favorife le petit nor?.-
bre des citoyens au grand dommage de la
fociéré , doit être cenfée loi injui're & nui-
lible au corps national ; loi qui par confé-
quent demande une prompte réforme. Telle
e(i la p/ércgar ve dont il s'agit , & dont
il elî aifé de voir l'injuftice tk l'inconfé-
qucnce.
Au refie , il n'eft pas dit un m.ot du pri-
vilège bourgeois dans la coutume de Paris.
"La pracique ordinaire que nous fuivons fur
cc'a , vient origi.-'airement des Romains,
dont la gloire ,plus durable que leur empire,
a long-temps maintenu des ufagesquelafa-
gefî'e & la douceur du chriflianifme doi-
ver.t , ce me î'emble , abolir.
Quoiqu'il en foit , les inflituteurs de ce
privilège , tant ceux qui l'ont introduit
dans le droit romain , que ceux qui , éblouis
par ce grand nom , l'ont enfuice adopté
parmi nous ; tous , dis-je , ont été des gens
dillini^ués , des gens en place , des gens en
un mot qui poffL-doient des rnaifons , lef-
queis entraînés par le m.onverrent imper-
ceptible de l'intérêt, ont écouté avcccom-
plaifanc; les allégations du propriéraire qui
leur étoient favorables , & qui en confé-
quence leur ont paru décifives : au lieu qu'à
peine ont- ils prêté l'oreille aux repréfenta-
ticns du locataire , qui tendoient à refhain-
dre leurs prérogatives , & qu'ils ont reje-
tées prefque fans examen. De forte que
ces lédaâeurs , éclairés fans doute & bien o
intentionnés , mais féduits pour lors par
un intérêt mal entendu , ont dépofé dans
ces momens le car^clere d'impartialité , fi
nécefTaire dans la formation des loix : c'eft
aii.iâ qu'ils ont établi fur la matière pré-
fente des règles qui répugnent à l'équité
naturelle , 6c qu'un légillateur plfflofophe
& déilntérefle , im Socrate , un Solon ,
n'auroir jamais admiics.
J'ai voulu favoir s'il y avoit dans les
pays voifîns un privilège bourgeois pa-
reil au nôtre , j'ai fj qifil n'exilroit dans
aucim des endroits dont j'ai eu des inf-
tr^ôjons j fçultment en Piulie , Tufage
E X P
eft favorable à l'acquéreur, mais nullement
à l'ancien proprictaire. En Angleterre &
dans le comtat Venaiflîn , Tufagc eft abfo-
iumcnc contraire au nôtre ; & la re'ponfe
que j'en ai eue de vive voix & par e'crit ,
porte qu'un bail engage également le pro-
priétaire , l'acquéreur , lesadminiflrateurs,
& autres ayant caufe , à laifTer jouir les
locataires jufqu'au terme convenu ; pourvu
que ceux-ci de leur côré obfervent toutes
les claufes du bai! ; iurifprudence raifonna-
ble & décifîve , qui prévient à coup fur
bien des embarras &c des procès.
Au furplus , j'ai inlmué ci-devant que
» les propriétaires n'avoient dans le privi-
lège bourgeois/qu'un intérêt mal entendu ;
nouvelle propoiicion que je veux démon-
trer fenfiblement ; il fuffit d'obfcrver pour
cela que fi cette prérogative étoit abro-
gée, & que les locataires fulLnt pour
toujours délivrés des follicitudes & des
pertes qui en font les fuites ordinaires ,
ils donneroient volontiers un cinquantième
en fus des loyers actuels. Dans cette fup-
pofition qui n'eft point gratuite , ce feroit
une augmentation de trente livres par an-
née fur une maifon de quinze cent livres
de loyer , ce feroit foixante francs d'aug-
mentation fur une maifon de trois mille
livres ; ce qui feroit en cinquante ans
cinq cents écus fur l'une , & mille écus
fur l'autre ; or peut-on évaluer l'avantage
du privilège dont il s'agit , & dont Tufage
eft même afTez rare par les raifons qu'on a
vues ; peut-on , dis-je, évaluer cet avan-
tage à des fommes fi confidérables , indé-
pendamment des pertes que le propriétaire
elTuie de fon côté par lesembairas & les
[ frais de procédures , dédommagement des
; locataires , &c .■'
! ^ur cela , c'eft aux bons efprits à déci-
der il l'ufage du privilège bourgeois n'eft
pas véritablement dom.mageable à toutes
les parties intéreffJes , & par conféquent ,
comme on l'a dit , à toute la fociété.
Mais je fouriens de plus , que quand il
y auroit du défavantage pour quelques pro-
priétaires dans la fuppreftion de ce privi
lege, ce ne feroit pas une raifon fuffi-
faute pour arrêter les difpenfateurs de nos
loix; parce qu'outre que la plus grande
partie des fujets y eft vifiblemcnc léfée ,
E X P ^87
ce'tte partie eft en même temps la plus
foible , & cependant la plus laboricufe &
la plus utile. C'eft elle qui porte prefque
feule la maife entière des travaux nécef-
faires pour l'entretien de la fociété , &
c'eft conféquemment la partie qu'il fauc
le plus ménager , pour l'intérêt même des
propriétaires : vérité que notre jurifpru-
dence reconnoît bien dans certains cas ,■
par exemple , lorfqu'elle permet au loca-
taire de rétrocéder un bail , malgré la
claufe qui l'aftujettit à demander pour
cela le confentement du maître. C'eft que
les juges inftruits par l'expérience & par le
raifonnement , ont fenti que l'intérêt
même du propriétaire exigeoit cette tolé-
rance, le plus fouvent néceffaire pour la
lûreté des loyers.
Les anciens légiflateurs qui ont admis.!*
prérogative bourgeoife , ne comprenoienc
pas fans doute que l'utilité commune des
citoyens devoit être le fondement de leurs
loix, & devoit l'emporter par conféquent
fur quelques intérêts particuliers. Ils ne
confideroient pas non plus qu'air même
temps qu'ils étoient propriétaires , pîa-
fieurs de leurs proches & de leurs amis
étoient au contraire dans le cas de la loca-
tion , que plufieurs de leurs defcendans y
fercient infailiiblem.ent dans la fuite , &
qu'ils travailloient fans y penfer contre
leur patrie & contre leur poflérité. Article
de M. Faiguet.
EXPULSIF , ad), terme de chirurgie ;
efpece de bandage dont on fe fert pour
chafTer en-dehors le pus du fond d'un ulcère
fiftuieux ou caverneux , & donner occa-
lîon à la cavité de fe remplir de bonnes
chairs , ou procurer le recolement des pa-
lois. Ce bandage n'eft que conrentif des-
conipreftes graduées riommées expuîfives.
Foytz. Compresse.
On obferve dans ce bandage , que les
circonvolutions de la bande s'appliquent de
façon qu'elles comp iment du fonddel'ul-
cere vf r.' fon ouvjiture. ( 7" )
EXPUfSiLN , f. f ( JuriÇp. ) en terme
de PuUis , fignifie la force que l'on em-
ploie pour faire fortir quelqu'un d'un en-
droit où il n'a pas droit de refier. Le pro-
cès-verbal (ïexpulfioH eft le récit de ce qui:
fe pafie à cette octaiîon; il eft ordinaire-r
^88
î: X p
Eient fait en vertu d'un jugement ou or-
donnance qui permet Vexpnljion. On ex-
pulfe un locataire ou fermier qui eft à fin
de bail & qui na veut pas fortir , ou faute
de paiement de loyers & fermages : le juge-
ment qui p;rmet Wxfulfion autorife ordi-
pairement aufli à mettre les meubles fur
le carreau. On cxptdfe auffi un poflerteur
tut) us , qui eft condamné à quitter la jouif-
iance d'un héritage, roy. CoNGÉ , Fer-
jjiiER , Locataire ;, Résiliation.
Expulsion , f. f . ( Med.) ce terme
lignifie la même chofe qxicxcre'tiori , eva-
cuation \ c'elî l'action par laquelle la nature
décharge le corps de quelque matière ré-
çrémenticielle ou morbifîque , foit par la
voie des felles ou des urines, foit par tout
^utre organe fecrétoire & excrétoire.
Voyez, les art. EXCRÉTION , EVACUA-
TION , DÉJECTION , CrJSE. ( d )
E X S
EXSPECTATION , f. f. ( Me'd. ) c'eft
yn terme emprunté du latin parles méde-
cins , qui , en général , ne l'emploient mê-
irie que rarement : il eft prefque affedé à la
doûrine de Stahl& de fes fedateurs , dans
les écrits defquels on le trouve fouvent ,
fuit qu'ils l'adoptent fous certaines fignifica-
tions, foie qu'ils le rejettent fous d'autres.
En effet, ce mot peut être pris dans dif-
férentes acceptions , qui ont cependant cela
de commun , qu'elles fervent toutes à défî-
gner le genre de conduite du malade ou du
médecin dans le cours de la maladie , qui
confifte en ce que l'un ou l'autre évite, plus
ou moins, d'influer fur l'événement qui la
termine , laifTe agir la nature , ou attend
fes opérations pour fe déterminer à agir.
On peut donc diftinguer pluiieurs fortes
à^exfçeciittions; la première peut être confi-
dérée , par rapport au malade , en tant
qu'elle a lieu , ou parce qu'il n'y a pas
d'autre parti à prendre , ou parce qu'il
prend celui-là de propos délibéré , c'eft-
à-dire , dans le premier cas , lorfqu'il n'eft
pas à portée de recevoir des fecours de
l'art , ou qu'il n'eft pas en état , en difpo-
fition de s'en fournir par quelque caufe
£116 ce fpic : dans U fççond cas , lorfqu'il
E X P
eft dans l'idée que les fecours font inutiles
ou nuifibles , & qu'il s'obftine à ne vouloir
point en recevoir. Comme il y a bien des
maladies qui fe font guéries par la nature
feule livrée à elle-même, une telle con-
duite , toute hafardeufe & imprudente
qu'elle eft , peut être par conféquent fui-
vie d'un heureux fuccès dans bien des oc-
cafions ; c'eft par cette confidération que
Si-ihl n'a pas craint d'établir dans unedif-
fertation , qu'il exifte une médecine in-
terne , c'eft-à-dire , des moyens de guérir
les maladies indépendamment d'aucun fe-
cours de l'art , ergo exlfllt nicdicinafine »«-
dico 5 conclud cet auteur.
JJexfpcclation de cette première efpece
peut auffi être confîdérée , par rapport au
médecin , comme ayant lieu dans le cas
où il affede de ne point employer des re-
mèdes, des médicamens, dans le traitement
des maladies , ou pour mieux dire , lorfqu'il
ne les traite point , & qu'il fe borne à être
fpeclateur oiftf des efforts de la nature , à
en attendre les effets.
L'exjpeiiittion ainfi conçue â l'égard du
malade & du médecin , eft une attente
pure & fimple: elle n'eft autre chofe qu'une
véritable inadion , de laquelle on ne peut
aucunement dire qu'elle foit une méthode
de traiter les maladies. Nous verrons dans
la fuite ce qu'on doit penfer d'une telle
conduite , qui eft diredement oppofée à
celle que tiennent ceux dont le fyftéme les
porte à ne compter que fur les fecours de
l'art pour la guérifon des maladies.
\Sexfpcctiition de la féconde efpece nç
diffère de la précédente , que par les ap-
parences d'un traitement fous lefquelles
on la mafque ; elle n'elt pas plus métho-
dique , quoiqu'elle puiffe quelquefois être
plus fondée en raifon ; elle a donc lieu
lorfqu'un m.édecin ayant pour principe,
dans la pratique, de tout attendre de la
nature pour la guérifon de la maladie ,
cache fa défiance des fecours de l'art , par
l'ufage des feuls remèdes qui font lans
conféquence, & qui ne produifent prefquç
d'autreeffetque celui d'amuferles malades,
& de remplir le temps en attendant l'évé-
nement des maladie,'.
La même chofe peut avoir lieu , lorf-
que le médecin trop jgnoranc , en géné-
ral ,
E X s
irai! , pour favoi.- orûonner des remèdes à
propos , ou ne connoiflant pas le genre de
maladie qu'il a à traiter , eft afTez timide
ou aiV-'Z prudent pour éviter de nuire ,
lorfqu'il ne peut pas être utile , & fe borne
aiifTi à ne faire que gagner du tems , & à
ibutenir la confiance du malade , en paroif-
fànt travailler à fa guérifon , fans faire réel-
lement rien de ce qui peut contribuer à la
procurer.
L'exfpectation dans ce dernier cas,efl pro-
prement ce que les Latins appellent ctinc-
tatio ; c'eft un retardement motivé ; c'efl
le rôle du tetnporifeiir fage & adroit , qui
attend à connoitre avant d'agir; qui ne fe
détermine point tant qu'il ne voit pas clair,
& qu'il efpere d'avoir des indications plus
décidées à fuivre.
Ces différens traitemens , quoique fans
conftquence dans la fuppolîtion , font fou-
vent fuivis d'un heureux fuccès , dont le
médecin fe fait honneur &: profit , tandis
qu'il n'a , tout au plus , d'autre mérite que
•celui d'avoir laiHé agir la nature , de ne
l'avoir pas troubk'e dans fes opérations.
Ceft la confidération de pareilles cures ,
^ui a fourni à Stahl le fujet d'une diffèr-
tation inaugurait; , de curatione dtquivocâ ,
dans laquelle il diminue très-confidérable-
ment le très-grand nombre de prodiges
en fait de guérifon , que l'on attribut fou-
vent , même de bonne foi , au fecours de
l'art. Il prouve que les médecins anodyns
font des vrais exfpe3,ins , fans s'en douter,
fans favoir même en quoi confifte l'exfpecr
tation , fans en connoîrre le nom : ils n'or-
donnent que des remèdes doux , bénins ,
des petites faignées , des purgatifs légers,
<les iuleps , des eaux diftillécs , qui ne pro-
duifentque peu de changement dans la dif-
pofition des malades ; qui n'empêchent
pas, ne troublent pas l'op. 'ration de la na-
ture , quoiqu'ils foient le plus fouvent pla-
cés fans être indiqués , & même contre ce
qui eO indiqué.
Enfin Véxfpnàmon de la troificme ef-
pece peut être regardée comme un moyen
d'obferver ce que la nature fait dans les
maladies , en reconnoiffint fon autocratie
{voyez Nature) , en lui laifTant le tems
d'agir conformément aux loix de l'écono-
jmie animale , fans s'oppofer aux efforts de
Tome XIII.
E X S 6»^
cette puîiïànce motrice , par des remèdes
qui pourroient produire des changemens
contraires à ce qu'elle fait pour détruire la
caufe morbifique (voyez, CoCTION ) , en
attendant qu'elle donne le fignal de lui
fournir des fecours par les phénomènes in-
diquans ; en forte que les médecins qui
prennent cette Cotte d'ex fpcclation pour rè-
gle dans le traitement des maladies , ne ref-
tent dans l'inaûion qu'autant qu'il faut
pour être déterminés à agir de concert avec
la nature.
Telle eu h méthode que fuivoit , &
qu'enfeigne dans toutes fes (Suvres admi-
rables , le grand Hippocrate , curatio me—
thodica : c'efl donc raa!-à propos que l'on
repiocheroit à ceux qui s'y conforment
dans leur pratique , d'être des fpect.iteurs
oiftfs : ce n'eft que cette fage exfpectatioft
qu'a célébrée & recommandée le fameux
Stahl , en profcrivant toute autre inadion
dans le traitement des maladies , qui ne
f-roit pas fondée fur les règles qui éta-
blifTent le concours de la nanire & de l'art ,
dans tous les cas où celui - ci peut être
utile.
Pour fe convaincre que la grande maxi-
me , Vexfpcciti de cet auteur , ne mérite pas
le ridicule qu'on a voulu y attacher , en
ne jugeant , pour ainfi dire , que fur CeTi-
quette du ftc, on n'a qu'à lire avec atten-
tion fon commentaire fur le Traité de
GJdéon Ha! vé , de curAtione niorborun? per
exfpeci/t'ionem ; on y verra qu'il n'a tait
qu'infifter fur la pratique des anciens ,
qui étoit toute fondée fur l'obfervation ,
à la fa/eur de iaïuelle ils attendoient , à
la vérité , Ls t fFet^ qui fourniflènt les in-
dications pour fe déterminer à agir , mais
qui agiffoient lorfqu'ils jugeoient que les
fecours pouvoient être uiies , à plus forte
raifon lorfqu'ils leur paroi'lbient néteflai-
res ; qui voyoienc par conféquenr dans la
plupart des précepte du père de la méde-
cine , des confeik d'agir , mais après l'at-
tente du temps favorable , des mouve-
mens préparatoires aux crifes annoncées
parla marche de la nature ctudiée , connue
par une longue fuite d'obfervations ; cnfes
que l'art peut favorifer , diriger , maii qu'il
ne peut pas fuppléer , parce qi:e la narure
feule opère les coâions : qu. doivent né-
S s ss
ëc,o E X s
ceffairement précéder les crifes. Fbyez.
COCTION,
Il n'eft pas moins aifé de juftifier les
modèles que fe propofent les partifans de
Yexfpeït.ition me'thodique dont il s'agit ac-
lueilement , & de les ludifier par leurs
propres écrits , des imputations des mo-
dernes fyftt'matiques : ceux-ci , fans égard
pour les obfervations des anciens , pour
les règles que ceux-ci ont établies d'après
l'étude de !a nature , de la vraie phyfique
du corps humain , regardent cette dodrine
( avec autant d'iniuftice , de hardiefle &
d'ignorance qu'Afclépiade le fit autrefois )
comme «.'/t- longue medit.ition fur la mort ;
ils croient qu'Hippocrate & fes feâateurs
n'agiflbient point dans le cours des mala-
dies , ne fournifToient aucuns fecours , &
fe bornoient à obferver , à peindre la na-
rure aux prifes avec la caufe morbifique ;
à attendre l'événement , fans concourir à
faire prendre aux maladies une tournure
avantageule ; & cela , parce que ces an-
ciens maîtres ne fe hàtoient pas , comme
on fait de nos jours , d'ordonner des re-
.medes fans attendre qu'ils fuiïènt indiqués
par les phénomènes de la maladie ; parce
qu'ils ne faifoient pas dépendre, comme
on fait de nos jours , la guérifon des m.ala-
dies de la feule adion des remèdes; parce
qu'ils n'avoitnt point de méthode de trai-
ter indépendante de l'obfervation de cha-
que maladie en particulier ; parce qu'ils n'a-
voient point de règle générale , d'après la-
quelle ils duffent , par exemple , faigner ou
purger dans les fièvres continues , alternis
(lii'hus , fans examiner fi la difpofition ac-
tuelle du malade comportoit l'ufage des re-
mèdes qu'ils emplsyoient.
Mais toutes ces raifons , bien loin de
fournir des conféquences contre ce grand
m^^'decin , ne peuvent fervir , lorfqu'on
les examine fans prévention , qu'à démon-
trer l'imprudence de la pratique impé-
rieufe des modernes , & établir , par
oppofition , la fageffe de la méthode mo-
defte & circonfpede des anciens : celle-
ci n'ell continuellement occupée! obfer-
ver , que pour agir avec connoiflance de
eaufe y que porir ne pas empêcher des
fecours , fans qu'ils foient indiqués par la
mature même qui en a befoio-, c'eû- à-dire,
E X S
par l'état aéluel de la maladie qui les exige i
par la difpofition aux effets qu'ils doivent
opérer.
11 faut cependant convenir que fur ces
principes ils agiifoient très- peu , parce que
la nature ayant la faculté par elle-même
de guérir la plupart des maladies , pré-
fente très-rarement des occafions de fup-
pléer à fon défaut par le fecours de l'art ;
ils ne les employoient donc que pour aider
dans les befoins bien marqués ; ils ne con-
noiflbient pas une infinité de moyens de
l'aider fans la troubler , parce que leur
matière médicale étoit encore trés-bor-
née , & réduite à des drogues prefque tou-
tes très-fortes , très-adives: s'iU avoienteu
nos minoratifs , ils auroient moins craint
de purger ; ils en auroient fait ufage pour
favorifer , pour foutenir la difpofition de
la nature , fa vergence à procurer une éva-
cuation de la matière morbifique par la
voie des Telles ; mais ils ne connoiflbient
pas ces minoratifs ; ils ne pouvoient donc
pas agir dans bian des cas où nous pouvons
le faire , pour aider la nature dans fes opé-
rations. Ils connoifibient encore moins
l'art de ne faire qu'amufer par des fecours
inutiles , fans conféquence : la médecine
politique n'étoit pas encore inventée, &
fubfiituée à la vraie médecine ; on n'avoit
pas encore l'adreffe de favoir s'attribuer ,
comme on fait à prtfent , l'honneur d'une
cure qu'on n'a pas même fu favorifer , à
laquelle on a peut-être eu la mal-adrelTe de
s'oppofer , en contrariant la nature qui
travailloit à la procurer; en forte que cette
puilfance médicatricea fouventàfurmontec
tous les obftacles de la guérifon, autant par
rapport au traitement de la maladie , qu'à
la maladie elle-même.
Les principes de la méthode ex fpcclante
des anciens , que l'on trouve répétée par-
tout dans leurs ouvrages , étoient bien
difFérens, ainfi qu'il a été ci-defTus établi.
Le divin Hippocrace les a admirablement
rédigés dans Ces aphorifm.es , & les a ainfi
réduits en règles faciles à fuivre , & foli-
dement appuyées fur fon recueil d'ob-
fervations concernant les maladies epid/~
m'iques ; règles qui ont été adoptées par
le plus grand nombre: des médecins qui
l'ont fuivi.» convaincus par leurs proprei
E X s
©^fervatîons , de la vérité de celles de leur
chef.
C'eft donc d'après ces règles que l'on
doit juger les anciens ; que Ton doit voir
fi leur fpécalation ne menoit qu'à l'inac-
tion , ce tendoit qu'à taire des fpcdateurs
oififs : il fuffira , pour le fujet dont il s'agit
ici , d'ouvrir le livre des aphorilmes , &
d'examiner quelques-uns de ceux qui fe
préfentent : ne voit- on pas , par exemple ,
que dans VaphoriJ. jx , fcct. i , cet auteur
recommande qu'avant de purger les ma-
lades , on rende leurs corps fluides , c'eft-
à-dire , qu'on difpofe aux excrétions les
humeurs morbifiques, en les délayant fufîi-
famment , en favorifant la codion de ces
humeurs , afin qu'elles puifient fortir avec
facilité : ce précepte ne renferme-t-il pas
des confeils d'agir ? n'annonce-t-il pas que
l'art doit favorifer & procurer la purga-
tion ? mais en même temps notre auteur
veut qu'on attende le temps convenable
pour la procurer ; voilà donc aufîl un con-
feil à'exfpe^anon; mais elle n'eft pas oifive
cette exfpiii.ition , puifqu'il entend qu'on
«mploie le temps à préparer le corps à l'é-
■yacuation qui doit fuivre.
Telle eft la manière dont ce grand maî-
tre établit fes règles : manière raifonnée ,
qui a fervi de fondement à la médecin^;
dogmatique , qui lui a fait connoître les
exemptions à ces mêmes règles , lorf-
qu'elles erront été fufceptibles ; ainfi , par
rapporta celle qui vient d'être rapportée ,
comme il eft des cas dans lefquels la pré-
paration à lapurgation n'efl pas néceflaire,
lorfque Chumeur marh'ifiqHe eft abondante &
difpof/e à pouvoir être évacuée tout de fuite :
il recommande ( apbor. xxjx , feci. 2. , )
^ue , les chofes étant ainfi , même au com-
mencement des maladies , l'on fe hâte de
procurer P évacuation de cette humeur : il
condamne Vexfpeàat'ion dans ce cas, comme
pouvant être nuifible , fans être en con-
tradiélion avec lui-même: à l'égard de
Vapbor. xx'ij , fect. i , dans lequel il établit
expreflTément , que Con doit feulement pur-
ger les hmnettrs <^ul font cultes , & non pas
celles qui font encore crues , & qiCll faut
bien fe garder de purger au commencement
des maladies : dans le premier cas , il fup-
pofe que la coûion n'eft pas néceflaire ;
E X S ^91
que les humeurs morbifiques ont aftuelle-
ment les qualités qu'elle pourroit leuc
donner ; il n'y a donc pas de difpofition '
plus favorable à attendre : dans le fécond
cas , cette difpohtion à l'excrétion des
humeurs n'exifte pas ; il y a donc lieu à
Yi'xfpeilatlon pour préparer à la coclion, &
donner le temps à ce qu'elle fe fafîè avant
que d'agir , pour procurer l'évacuation :
il donne une leçon bien plus importante
( aphor. xxj , fect. 1. ) , qui prouve d'une
manière convaincante , qu'il étoit bien
éloigné de ne confeiller qu'une exfpeStatlon
oifive : cette leçon confifte à faire obfer-
ver qulleft très-neicffahe de prendre garde
au cours que la nature donne aux humeurs ;
d'eu elles viennent ; où elles vont , & d'en
procurer t évacuation par les voles vers lcf~
quelles elles tendent : il faut donc agir dans
ce cas, pour procurer cette évacuation:
mais il ne faut pas le faire fans confidération;
il faut attendre que les humeurs à évacuer
fe foient portées dans les couloirs qui leur
conviennent , & en favorifer , en procurer
l'excrétion par ces mêmes couloirs.
On pourroit rapporter un très -grand
nombre d'autres preuves de ce que l'on a
avancé ci-devant , tirées de toutes les par-
ties des ouvrages du prince des médecins,
pour démontrer qu'en recommandant Vex-
fpectatlon dans plufieurs cas , il ne fe pro-
pofoit point de défendre l'ufage des fecours
de l'art , mais il le perfeâionnoit , en la:
faifant fervir à le diriger , en lefubordon-
nant à l'obfervation des phénomènes que
l'expérience a appris à être propre à indi-
quer les cas , où ces fecours peuvent étra
employés utilement ; en un mot , en éta-
blifiant que c'eff la nature qui guérit les
maladies , qu'elle n'a befoin du médecin ,
que pour l'aider à les guérir plutôt , plus
fûrement & plus agréablement, lorfqu'elle
ne fe fuffit pas à elle-même pour cet efFet ;
que celui qui fait les fondions de médecin ,
peut tout-au-plus fe flatter d'avoir bien
fécondé cette puilïance dans les cures qu'il
paroît opérer, parce qu'il efl par confé-
quent très-rare que l'art foit inutile dans le
traitement des maladies , parce que fes vé-
rita'ales règles , qui ne doivent être diâées
que par l'obfervation , font très-peu con-
nues , parce qu'il n'efl: de vrais médecies
S s s s 2
i:)%
E X S
que ceux qui les connoifTent , & qui font
perfuadés que la principale fcience du gué-
rifleur confifte à bien étudier & à bienfa-
roir qu'à n.tturafdciat &fcï,it , & à ne faire
que concourir avec elle.
On ne peut s'afuirer de ce que la nature
s'etForce de faire , & de ce qui peut réfulter
de fes efforts, qu'en attendant les phéno-
mènes qui indiquent le tems où on peut
placer les remèdes avec fuccès ( voyes:, ol-
GNE, Indication ) ^c'eft par cette con-
fidération que le célèbre HoiTrnan ( tom. III,
fed. 1 1 , chaf. xj. vcrf. J.) regarde IV.v/pec-
tation méthodique, comme un grand fecret
pour réuiïir dans la pratique de la médeci-
ne. Cette expc'Hation , qui non feulement
n'elt pas une inadion pure & fimpîe , ni
une fpéculation oifive, mais une conduite
éclairée du médecin , qui influe réellement
fur l'événement des maladies , & qui tend
à le rendre heureux : conduite qui confifte
à attendre de la nature le fignal d'agir ,
lorfqu'elle peut le donner à propos, &à
employer ce temps d'attente à préparer par
des moyens convenables, qui n'excitent
aucun trouble , aucun mouvement extraor-
dinaire , les changemens , à l'opération dsf-
quels il fe propofe de concourir enfuite
par des moyens plus adifs , plus propres à
procurer les excrétions , les crifes , fi elles
ont befoin d'être excitées, à laifler ces
monvemens falutaires à eux-mêmes , lorf-
que la préparation fuffit pour que les coc-
tions , les crifes s'effeftuent autant qu'il eft
néceflaire , lorfque la nature eft aflêz forte,
&, pour ainfi dire, en aflez bonne fanté
( quoique dans un corps où font des caufes
morbifiques ) pour fe fuffire à elle-même ,
ainfi qu'elle tait dans prefque tous les fujers
robuftes , bien conflLtués , qui guérifient fi
fouvent de bien de maladies confidérables ,
fans fecours de médecins ; mais non pas
fans ceux de la médecine naturelle , que la
divine providence a attachée à la feule
difpofition de la machine animale , mife en
auvre par une puilTance motrice , tou-
jours portée à éloigner fout ce qui peut
Duircàlaconfervaiiondelindiviiu , même
dans les efforts qui paroifTent être les plus
contraires à cette conl'ervation ; puiflànce ,
dont Itflence eft autant inconnue, que fes
©aérations iont évidentes & alïtz généra-
EXS
lement utiles , pour qu'on doive y avo'r
égard. C'eft fur ce fondement que porte
abfoluraentladoftrinede VexfpeHation ,qui
confifte par conféquent à oblerver l'ordre
le plus confiant de ces opérations , ce qui
les précède & ce qui les fuit : dodrine dont
les connoiflances qui la forment , ne peu-
vent qu'être acquifes avec beaucoup de
peine, & par une étude continuelle de
l'hiftoire des maladies , recueillie par les
grands maîtres qui ont fuivi cette doûrine ;
par une extrême application à obferver , à
recueillir , à comparer les faits , ainfi qu'ils
l'ont pratiqué eux-mêmesx'eftle feul moyen
que l'on ait pour parvenir à être aufli utdes
qu'eux au genre humain , préfent & futur.
Mais c'eft un m.oyen trop difficile à em-
ployer , pour qu'il n'ait pas été négligé , &
même rejeté par ceux qui ont voulu abré-
ger le chemin qui conduit à la réputation
& à la fortune : la facilité de faire des fyf-
témes , de les adopter, d'en impofer au
public , pour qui le rideau eft toujours tiré
fvv les vérités qui caradérifent la fcience
médicinale , a fourni l'expédient : on a étu-
dié la phyfique du corps humain dans le
cadavre , mais non pas celle du corps vivant,
qui parolt être généralement plus ignorée
que jamais : on s'eft montré plus favant
dans les écoles , dans les livres , depuis la
découverte de la circulation du fang , mais
on n'a prefque rien fait pour l'avancement
de l'art de guérir :ona multiplié les re-
m,'des à l'iiifini : on en a même trouvé de
nouveaux ; mais il n'y a pas moins de ma-
ladies mortehes , de maladies longues , in-
curables. Tous ce défauts ne peuvent rai-
fonnablernent être attribués qu'à l'aban-
don qu'un a fait de la route tenue parles
anciens , c'eft-à-dire , de l'obfervation à la
faveur de laquelle ils avoient fait de très-
grands progrès, en très- peu de temps ;
progrès qui ont été fufpendus , dés qu'on
a cefté d'obferver ; par conféquent , depuis
plufieurs fiecles, &: particulièrement de-
puis que l'on ne s'eft occupe dans l'éiude
de la médecine , que des prod'jdions de
l'imagination, auxquelles on s'eft efforcé
defoumetrre, d'adopter la pratique de l'art;,
depuis qu'on fait ccnfifier cet art dans le
feul ufage des remèdes , dont on ne tire,
l'indication ^ue de l'idée que Ton le tbrmfc
E X s
Ar la nature de la eaufe morbifique : idée
le plus fouvent conçue d'après les hypothe-
fes que Ion a embraflees ; enfin depuis que
Tonne fait aucune attention auxditïerens
mouvemens falutaires, ou tendans à l'être,
qui s'ope'rent d^ns le cours des maladies ,
indépendamment d'aucun (ecours , aux
efforts de la puillance confervatrice, pour
le bien de fon individu (Tov-Effort) ,
& que l'on trouble tout dans l'ordre des
maturations , des codions , des crifes , qui
font les opérations fur Icfquelles les mala-
dies les plus violentes peuvent être termi-
nées heureufement , même fans aucun fe-
cours , dont le défaut , par conféquent ,
eft bien moins nuifible que le mauvais ufa-
ge ; d'où on feroit fondé à conclure , que
labus de la médecine a rendu cette fcience
pluspernicieufe que fécourableàlhumanité.
Mais comment a-t-on jamais fu que la
nature feule pouvoit produire de bons
effets , fî ce n eft par le moyen de l'obfer-
vation ? & a-t-on pu obftrver ces effets ,
fans laiffer à elle même la caufe qui les
produit ? Il a donc fallu attendre pour ob-
ferver : on ne peut , par confjquent , ré-
parer tous les défauts de la pratique de nos
jours , qu'en récaolillant lexfpcftatioti , à la
faveur de laquelle feule , on peut appren-
dre à agir avec méthode , pour fécourir les
hommes dans leurs maladies , & fans la-
quelle on ne paivien jra jamais à rendre
l'art de guérir , digne de fon nom , & aufli
utile au genre humain , qu'il efl fufceptible
de l'être. Foy. Médecine , Méthode
CURATIVE , à-c. ( d)
EXSUCTION , f. f. Ce terme efl em-
ployé par M. Quefnay , cff.ii pbyfiq. pour
lignifier V extraction qui fe fait du Çuc des
alimens , par le méchanifme de la digef-
tion. Tc^. Digestion, {d)
EXT
EXTASE , f. f. ( Tbsolog.) ravifîbment
de l'efprithors de fon affiete naturelle, ou
fituation dans laquelle un homme eft tranf-
portéhors de lui-même , de manière que
les fondions de fes fens (ont fufpendues.
Le raviffementde S. Paul jufqu'au troi-
lîeme ciel , étoit ce que nous appelions
<)ita[e. L'hifioire eccléiiaftique fait i^ que
EXT ^93
plufieurs faints ont été ravis en extafe pen-
dant des journées entières. C'eft un état
réel , trop bien attefté pour qu'on puiffe
douter de fon exiftence.
Mais comme le menfonge & l'impof-
ture s'efforcent de copier la vérité , &
d'abufer des chofes d'ailleurs innocentes ,
il eft bon d'oferver que les faux myfti-
ques , les enthoufiafîes , les fanatiques
ont fuppofé des ext.tfes , pour tâcher d'au-
torifer leurs rêveries ou leurs impiétés.
Le faux prophète Mahomet perfuada aux
Arabes ignorans que les accès d'épilepfie
auxquels il etoit fujet , étoient autant
à'uxtafes où il recevoit des révélations divi-
nes. ( G )
Extase , fubft. mafc. ( Médecine. )Ce
terme , dérivé du grec , eft employé fous
différentes fignifications par les auteurs ;
Hippocrate s'en fert en plufieurs endroits
dj fes ouvrages , pour marquer une alié-
nation d'efprit très - confidérable , un dé-
lire complet , tel que celui des frénéti-
ques , des maniaques. Foyez, les coaqi^es ,
text. 486 , lih. Il ; les poreWiqiws , X^J ,
12 , 13 6~ 14.
Sennert , pr.tx. tnedic. lih. I , part. II f
cap. XXX , parle auffi de Vextafc en diffé-
rens fens ; il lui donne entr'autres , avec
Scaliger , celui à'enthouftafme , quoique
très -impropre. P^. ENTHOUSIASME.
L'ufage a prévalu d'appeler extafe une
maladie foporeufe en apparence , mais
mélancolique en effet , dans laquelle ceux
qui en font affectés , font privés de tout
fentim.ent & de tout mouvement, fem-
blent morts , & paroiffent quelquefois
roides comme une ftacue , fans l'être ,
autant que dans le tetatie & le catochiis ;
ils n'ont par conféquent pas la flexibilité
des cataleptiques : ils en font diftingués
d'ailleurs , en ce qu'ils avoient avanc l'at-
taque , l'efpric fortement occupé de quel-
qu'objet , & qu'ils fe le rappellent fouvenc
après l'accèi extatique. Ils ont cependant
cela de commun, que s'ils font debout
ils reftent dans cette fituation immobile
& de même de toute autre attitude dans
laquelle ils peuvent être furpris par l'atta-
que. r\ycz. Catalepsie.
Nicolas Tulpius,Henri deHers & autres,
rapportent des obfervacions , par Itiq^uelJe.*
694 EXT
ils airurent avoir vu des filles & de jeunes
hommes paflTionnc'ment amoureux tomber
dans Yextafe , par le chagrin de ce qu'on
leur refufoit l'objet de leur paliion , & n'en
revenir que parce qu'on leur crioic qu'on la
fatisferoit. La dévotion produit auffi quel-
quefois cet effet , comme il en confte ,
par l'obfervation du capucin , dont parle
le même Henri de Hers. M. de Sauvage dit
dans fes cLtffes de muLtdles , avoir vu en
17Z8 à Montpellier , un homme qui, ayant
oui dire qu'on devoir le taire prendre pour
le traduire en prifon , en fut fi frappé de
peur, qu'il en perdit le mouvement & le
îentiment : on avoit beau crier , l'inter-
roger , le pincer , il ne bougeoir ni ne di-
foit mot, il tenoit les yeux à demi-ouverts,
retenant toujours la même attitude dans
laquelle il avoit été faifi d'épouvante.
Les faignées , les émériques , les clyfte-
res acres , irritans ; les llernutatoires , les
cautères aftuels ; tous ces remèdes , em-
ployés avec prudence , féparément ou
conjointement , félon que le cas l'exige ,
peuvent remplir toutes les indications dans
cette maladie. On doit avoir attention de
ne faire d'abord ufage que des moins vio-
lens , en pailant par degrés aux plus
adifs. ( d )
EXTENSEUR, adj. pris fubft. ( Anat.)
eft le nom d'un rnufcle qui produit le mou-
vement des os , que les anatomiftes ap-
pellent extetifion.
Ce mouvement eft oppofé à la flexion ,
& devient même une flexion en fens con-
traire , h la forme de l'articulation ne s'y
oppofe , comme on le voit dans les fple-
rius & complexus , dans les cubitaux &
radiaux externes , dans les extenfeurs des
doigts du pié , &c.
Les mufcles extenfeurs des doigts de la
main& du pié , n'ont point d'autre nom
que celui qu'ils tirent de leur fonftion. M.
Morgagni obferve que les mufcles du pouce
& des autres doigts de la main , fur-to'ut
les extenjeurs , préfentent beaucoup de
variétés dans les différens fujets , pour ce
qui regarde le nombre & la difiribution
de leurs tendons , & qu'on ne peut en
promettre une defcription bien certaine.
Voyez. l'es adverfar. .in.it. II , p.tg. 40. On
peut appliquercette remarque aux e.vrf«/c«n
EXT
des orteils , comme nous verrons plus basj
h'extenjeiir commun des doitgs delà
main , vient de la partie poltérieure &
intérieure du condyle externe de l'humé-
rus ; il fort d'une gaine tendineufe qui
enveloppe & pénètre les mufcles anconé,
radial & cubital externes : il fe divife en
trois portions charnuesj terminées par trois
tendons qui paUent fous le ligament annu-
laire commun externe du poignet. Un
quatrième tendon qui va au petit doigt ,
mais qu'on ne trouve pas toujours , pafle
pour un anneau particulier du même liga-
ment. Les extrémités de ces tendons s'm-
ferent aux tubercules oblongs & tranlVer-
fes des parties fupérieures externes des
fécondes phalanges ; enfuite elles s'écar-
tent latéralement en deux bandelettes qui
fe réunifient encore , & s'attachent aux
faces convexes des troifiemes phalanges
près de leurs bafes.
L^extenfeiir propre du petit doit efl
enveloppé dans foa principe de la gaine
tendineufe du coude , dont il eft parlé
ci-deflus. Il eft attaché le long de la moitié
fupérieure externe de l'os du coude. Son
tendon divifé fuperficiellement dans le
trajet fur le dos de la main, accompagne le
quarrieme tendon de Vextenfeur commun ,
& s'unit avec lui fur le quatrième os du
métacarpe.
Uextenfeur propre de l'index , qu'on
appelle aufli indïc.tteur , vient par un
principe tendineux de la partie exrerne &
moyenne du cubitus , au-defîous de l'at-
tache du grand extevfeur du pouce II eft
encore un peu attaché au ligament inter-
offeuK ; il fe termine par un tendon qui
pafTe par le ligament annulaire des ten-
dons de Vextenfeur commun , & qui s'unit
avec le tendon de ce rnufcle qui va au
doigt index , au - deflus de la tête du pre-
mier os du métacarpe.
Le périt extenfeur du pouce de la main
vient de la partie externe & prefque fu-
périeure de l'os du coude ; il s'attache
enfuite au ligament inter-ofl'cux, forme un
tendon qui pafTe dans le linus antérieur de
la tête inférieure du rayon, & s'unit avec le
tendon du grand extenfeur du pouce, fur la
partie convexe de la baie de la fccond*
phalange.
ï: X f
Le grand extetifeur du pouce delà main,"
tire fon origine de la partie externe &
moyenne du cubitus ; il s'attache aufli au
ligament inter - ofleux , & à la partie
moyenne du radius. Son tendon pafle fous
le ligament tranfverfal externe du poignet ;
& après s'être uni avec le tendon du petit
extérieur , va fe terminer à la partie
convexe de la troifieme phalange , prés
la Isafe.
Le long extenfeur des doigts du pié ,
vient du côté externe de la tête du tibia ,
de l'épine antérieure de la tête du péroné ,
de la partie fupérieure du ligament inter-
ofleux : il ett attaché le long de la face in-
terne du péroné.En paflant fous le ligament
annulaire commun , il fe divife en quatre
tendons qui fe portent fur la face fupérieure
des quatre derniers orteils.
Le coure extenfeur des orteils vient de
la partie fupérieure & antérieure du calca-
néum & de l'aftragal ; il fe divife en quatre
tendons , dont le premier s'attache à la
partie convexe de la première phalange du
pouce. Les autres tendons forment dans
le trois doigts fuivans , avec les tendons
du long extenfeur , des tendons communs
qui s'infèrent aux fécondes phalanges de
ces doigts : de- là les tendons des deux
extenfeurs fe féparent ; & s'uniflTant de-
rechef, fe terminent aux troifiemes pha-
langes.
L'extenfeur propre du pouce efi attaché
aux trois quarts fupérieurs de la face in-
terne du péroné , à la partie voifine du
ligament inter-ofi'eux , & un peu à l'extré-
mité inférieure du tibia. Son tendon s'in-
fère à la partie fupérieure de la première
tête de la denier ; phalange du pouce.
Cowper , & après lui Douglas , ont ad-
mis un court extenfeur du gros orteil ; mais
ce mufcle , par leur defcription , femble
faire partie du court extenfeur des orteils ,
ainfi que l'a penfé M. Albinus. F'oyez, fon
ouvrage '\nîhu\é,Hiftoria mufculorum homi-
nis , p.:g. 603.
Il eft aifé d'expliquer l'extcnfion libre
de chaque doigt de la main , èz l'extenfion
ndceiïairement fimulcanée des quatre
doigts du pié après le pouce , par la diffé-
rence des extenfeurs des doigts de la main
& du pié. La myographie comparée du
E X "P ^95
chien , donné par M. Douglas , explique
aulTi la fimultanéité de l'extenfion des
doigts de cet animal.
On trouvera la comparaifon des mufcles
extenfeurs &c fléchiflTeurs , dans Varticlt
Fléchisseur, {g)
EXTENSIBILITÉ , f. f. (Phyf.) eftla
propriété que certains corps ont de pou-
voir fouffrir de l'extenfion. Ce mot fe
dit principalement des cordes , des mé-
taux , &i:. Voyez, DUCTILITÉ & EX-
TENSION.
EXTENSION , f. f. ( Phyf ) en par-
lant des corps , eft la même cliofe qn' éten-
due. Voyez, ÉTENDUE.
Extension fignifieauffi la mêmechofe
que dilatation , expanfion , rarejéiclion.
Voyez ces mots.
On voit une preuve bien fenfible de
Vextenfion des métaux par la chaleur , à
la machine de Marly ; toutes les barres
qui fervent à communiquer le mouvement
des roues , varient tellement de longueur,
qu'on a été obligé de faire plufieurs trous
à l'ândroit de leur jonâion , pour les ajuf-
ter entr'elles à proportion de leur lon-
gueur. Suppofant deux tiers de ligne pour
l'allongement d'une barre de fer de fîxpiés,
ce feroit (îx pouces fur cent toifes ; ce qui
produiroit dans le jeu des piltons un dé-
rangement confidérable , fans la précau-
tion dont on vient de parler, La chaleur ,
ainfi que le froid , doivent par cette raifon
déranger fouvent les horloges de clocher:
la même raifon peut influer quelquefois
fur les montres de poche. D'habiles artif-
tes ayant remarqué que Vextenfion du
fer par le chaud , efi à celle du cuivre
comme 335, ont employé cette idée
d'une manière ingénieufe pour donner aux
verges des pendules une forme telle, qu'elles
ne foufFrent point d'extenfion par la cha-
leur. Voici en général & en peu de mots
une idée des moyens qu'ils ont employés
pour cela. Ils ont attaché la verge de fer
à la partie fupérieure d'un cylindre de
laiton : ce cylindre eft fixement attaché
par fa partie inférieure ; il fe dilate de
bas en haut , tandis que la verge fe dilate
de haut en bas , & en faifant la longueur
du tuyau à celle de la verge , comme 3 à ^ ,
il eft vifible que le tuyau fera autant dilate
6ci6
EXT
de bas en haut , que la verge de liaut en
bas , & qu'ainfi la diftance de l'extrémité
inférieure de la verge à l'excrémité infé-
rieure & fixe du tuyau , fera confiance :
donc fi le point autour duquel la verge
ofcille , eft placé près de l'excrém't J inf -
rieure du tuyau , le pendule conlervera
une longueur confiance, roy. PenduLE ,
& les mémoires de Cacad. 1741. Voyez
aulji lesleç. ae phyf. de M. l'abbé Noltet,
tow. /r, pag 365,' &c. & r article EXPAN-
SIEILirÉ.
Extension , enfin fe dit des métaux
dudiles , qui étant frappés ou tirés , font
étendus par cette opération , & occupent
une plus grande furface ou une plus grande
longueur qu'auparavant , fans occuper pro-
prement un plus grand efpace , parce qu'ils
perdent en folidité & en profondeur , ce
qu'ils gagnent en fuperficie. /^oy^^ DUC-
TILITÉ. (O)
Extension fe ditaufîi , en me'decine ,
des membres que l'on allonge aux appro-
ches du fommeil , du froid fébrile , & des
accès d'hyftcricité. C'efl: l'efpece de Mou-
vement du corps que les Latins appellent
pandici'Jatio , qui eft prefque toujours ac-
compagné du bâillement.
L'allongement des membres fe fait prin-
cipalement par l'adion de tous leurs muf-
cles extenfeurs. Il femble , die M. Halier
dans une note fur le § 6z8 , des inftitutions
de Boerhaave , que l'aftion des mufcles
fiéchiffeurs , qui eft prefque continue , &
qui eft dominante même pendant le fom-
meil , en forte qu'elle détermine la figure ,
l'attitude du corps pendant ce temps- là ,
gène & plie tellement les troncs des vaif-
feaux fanguins Si des nerfs , qu'il eft né-
ceft'aire que les mufcles extenfeurs fe
mettent en aâions pour les dégager , en
donnant aux membres un état contraire à
celui de flexion , dans lequel ils font le plus
long-temps , c'eft-à dire , en les étendant ;
ce qui met les vaifteaux dans une diredion
e'gale , & rend plus libre le mouvement des
humeiu-s qui y font contenues : la diftri-
bution des efprits eft aufli conféquemment
plus facile dans les nerfs , qui font alors
exempts de toute comprelfion. Voyez.
J^ÎUSCLE. {d)
jEXTENSlON , ( Me'i}) allongement des
EXT
fibres du corps humain par des caufes ex-
ternes ou internes.
Quoique nous ignorions d'où procède
la cohéfion mutuelle des élémens qui conf-
tituentla fibre, rous favons par expérience
que le principe qui les unit , peut augmen-
ter ou diminuer. Ilentft des fibres du
corps humain comme des parties de fer
qu'on allonge en forme de fi!, comme d'une
corde d'inftrument de mufique , qui s'al-
longe avec des poids jufqu'au moment de
la rupture. Nos fibres font pareillement
fufceptibles d'allongement & d'accourcifle»
ment avec élafticit^. Voyez. FiBRE.
Nos vaifteaux qui font compofés de
fibres , font également capables de fe prê-
ter à l'impulfion du fiuide , & peuvent
erre diftendus jufqu'à un certain point
fans rupture. Il faut donc qu'il y ait non-
feûlement dans les fibres folides , mais dans
les membranes , les vaiffeaux, & les vif-
ceres qui en font formés , une faculté
d'allongement , d'accourciflcment , & de
reftbrt , un degré fixe & décerminé de
cohéfion jufqu'à un certain point. Or le
défaut , ou l'excès de cette cohébon
dans les fibres , qui leur permet d'être
diftendus jufqu'à un certain point , peut
donner naiflance à une infinité de dtfor-
dres.
La trop grande extenfion des fibres , des
vaifteaux, & des vifceres du corps humain,
peut être occafionnée , 1°. par une trop
grande plénitude , un amas d'humeurs , la
compreilion , l'obftrudion , la fuppreftioii
des évacuations , la violence de la circula-
tion , le manque de foutien ou do point
d'appui dans les bleftures. z". Elle peut
être produite femblablement par des vents,
l'inflammation , la conftipation , Thydro-
pifie , l'ccdeme , l'empieme , &c. Dans
tous ces cas , il faut détruire les caufes
qui produifent l'abord des liquides dans
leurs canaux , ou qui les y retiennent , &
fi l'on n'y peut parvenir , tirer rhumeuc
contenue par une nouvelle ouverture.
Les fuites de la trop grande exteiifion
des parties du corps humain , font palpa-
bles par les effets de la torture , de la
rétention d'urine , & même par la grof-
fefte. En effet , dans les états de l'Europe
où fe donne la quefiiou , ce tourment
inutile
EXT
inutile & barbare qui fait frémir l'huma-
nitc ; il y a des pays , où après avoir fui-
pendu des criminels , on leur attache au
bout des pies des poids de centaines de
livres , qu'on augmente par dcgrJs. 11
réfulte de cette diftention exceflive, une
efpece de paralyde fur les parties inférieu-
res qui deviennent immobiles pendant
piufieurs iours. La même chofe arrive à
la vefHc , qui n'eft plus capable de fe
refTcrrer , quand elle a foufFert une trop
violente diflention par une ifchurie ; enfin
la peau & la membrane adipcufe du bas-
ventre , font fi confidérablement diflen-
dues dans les femmes grolTes , qu'après
qu'elles ont été' délivrées , cette peau
refte ilafque &. ridée toute leur vie.
La trop grande diftention arrive encore
dans les luxations , les fradures, les efforts
avec réfilbnce, le foule vement d'un poids,
une courbure trop forte , & autres efforts
femblables , dans lefquels cas, les parties,
trop étendues , demandent à être remifes
dansleur état naturel, avantqu'elles foient
rompues. La trop grande extenjion des
mufcles, des tendons , des ligamens , qu'on
éprouve dans des maladies convuliives &
fpafmodiques , exige la guérifon particu-
lière de ces maladies.
Lorfque les vaifTeaux du cerveau ont été
rompus par une exceflive diftention , ils
déchargent les flui/^es qu'ils contenoient ,
d'où naiffent une infinité d'accidens, de-
puis le vertige jufqu'à l'apoplexie la plus
complet te. Les feuls remèdes confîftent d ans
la faignée , la révulfion , le trépan , &l.
pour l'évacuation des humeurs extravafées.
On empêche que les vaifleaux foibles ne
foient diftendus à l'excès par les fluides
qu'ils contiennent , au moyen d'une com-
prefTion générale , car plus la fibre eft tirail-
lée , & plus elle s'affoiblit. Ainfl les ban-
dages & les appareils qui preffent fur la
chair, en donnant auxvaiffeaux une efpece
de foutien & de point d'appui, font ce que
ne fauroient faire les folides trop affoiblis ,
c'eft-ù-dire, qu'ils s'oppofent à la diftention
des vaifleaux.
La diftention qui vient de b trop grande
féchereffe & rigidité des fibres , le guérit
par les émolliens , leshumeftans , les adou-
cifîim
Tome XIIL
EXT <fp7
Les fibres diftendues par quelque caufe
que ce foit , acquierene de la dureté , de la
réfiftance , de la maigreur, enfuite perdent
leur élafticité , ou fe rompent. Leur contad
mutuel eft moins preffé , les interftices des
membranes deviennent plus grands , &
laiflent paftèr les humeurs qu'ils devroient
retenir : les cavités des vaifTeaux s'étrécif-
fent , & enfin le ferment. Les nerfs éprou-i
vent la douleur, la ftupeur, laparalyfie : !a
partie où les liquides abordent, fe tuméfie^
s'appéflmtit, jaunit, ou pâlit.
Après qu'on a détruit les caufes de la
trop grande extenjion , il faut rapprocher les
parties & les fourenir ; mais le relâchement
qui en réfulte , quand il a été extrém.ement
violent , eft un mal incurable. Article de
M. le chevalier de J au COURT.
Extension , terme de chlnugie , aflion
par laquelle on étend , en tirant à foi , une
partie luxée ou fradurée , pour remettre
les os dans leur fituation naturelle. Ellefe
fait avec les mains , les lacqs ou autres inf-
trumens convenables. Elle fuppofe tou-
jours la contre-extenlion par laquelle on re-
tient le corps, pour l'empêcher de fuivre la
partie qu'on tii-e.
Pour bien i-MiaVextenfion & la comre-ex-
tenjïon , il faut que les parties foient tirées
& retenues avec é^ale force; & que les
forces qui tirent & qui retiennent , foient ,
autant qu'il eft poffible , appliquées aux
parties mêmes qui ontbefoin de V extenjion
& àQl^contre-extenJion. "Les extenjionî ào\~
vent fe faire par degrés , & on les propor-
tionne à l'éloignement des parties, & à la
force des mufcles quiréfiftentà r<fjfff/7//o/i.
Si l'on tiroit tout à coup avec violence,
on courroit rifque de déchirer & de rom-
pre les mufcles , parce que leurs fibres n'au-
roient point eu le temps de céder à la force
qui les allonge. Si les mains ne fufîifent
pas , on emploie les lacqs. Voye:{ LacQS.
Extension, en Mujîqiie , eft, felen
Ariftoxene, une des quatre parties delà
mélopée , qui confifte à foutenir long-temps
le même fon : nous l'appelons aujourd'hui
tenue. J^ojeiTE^VE. (S)
EXTENUATION , f. f. {Belles-Lettres.)
figure de rhétorique , par laquelle on dimi-
nue une chofe à deffein. Par exemple ,
T ttt
6cjS EXT
fi un adverfaire qualifie une aflionde crime
énorme, de méchanceté' exécrable , on
l'appelle fîmplement unefauts , une fragilité
pardonnable. Cette figure elloppofe'e à l'hy-
perbole. Voje:[ Hyperbole. (.G)
Exténuation, f. f. (Médecine.) en
latin excenuatio : c'eft une forte de mai-
greur qui arrive en peu de temps , par
l'affaifTementdes vaifieaux de tout le corps
en général , après de grandes évacuations j
de fortes diflipations d'humeurs quelcon-
ques. Vojei Maigreur , Affaisse-
ment, (d)
EXTERNE , on EXTÉRIEUR , ad].
{Phjf.) ell un terme relatif qui fe dit de
tout ce qui eft au dehors d'un corps. La
furface d'un corps , c'eftà-dire , cette par-
tie qui paroît & fe préfente aux yeux ou
au toucher , eft la partie externe du corps.
Dans ce fens , externe eft oppofc à interne
ou intérieur. Koyei INTERNE.
Extern es , (angles) en Géométrie , font
les angles de toute figure re6l;ligne , qui
n'entrent point dans fa formation ; mais
qui font formés par fes côtés prolongés au
dehors. Foye:^ Angle ,& Interne.
Les angles externes d un poligonc quel-
conque, pris enfemhle, font égaux à quatre
angles droits. Dans un triangle , l'angle
externe DO A [Flanch. Gcorn. fig. j6.) eft
égal à la forame des angles intérieurs op-
pofés j, \. Voyei TRIANGLE. Ces propo-
litions font démontrées par-tout. (E)
Externe , ad;. (Anat.) terme relatif,
qu'on prend dans le fcns connu de tout le
monde , quand on dit, par exemple , tégu-
mcns externes: M WiuiloW appelle externe
ce qui eft le plus éloigné d'un plan qu'on
imagine partager également tout le corps
en partie droite & en partie gauche , & in-
terne , ce qui en eft le plus proche ; c'eft ainfi
qu'on oppofe les mufcles externes , & inter-
nes. Hippocrate donne le nom à'cxternes
aux parties les plus éloignées du cœur, (g)
^ j^XTINCTION , f £ (Phyf.) eftl'adlon
d'érsindre , c'eft-à-dire, d'anéantir ou de
détruire le feu , la flamme ou la lumière.
Fbye;i; Lumière , Flamme, &■.
Boerhnave nie qu'il y ait proprement rien
qui foit capable d'éteindre le ieu : c'eft , dit-
il , un corps /;// ;^e/2e77,î , d'une nature im-
Wiaûlc , & nuui ne pouvons pas plus le
EXT
détruire que nous ne pouvons le créer.'
Vcyci Feu.
Cela peut-être; mais il n'en eft pas moins
vrai qu'on arrête 1 action de cette matière
qui forme ce que nous appelons le feu. Ainfl
dire que l'eau n'éteint pas le feu , parce
qu'elle ne détruit pas la matière du feu ,
c'eft éluder la difficulté au lieu de la ré-
foudre.
Les fedateurs d'Ariftote expliquent Yex~
tinêion du feu par le principe d'antipériftafe
ou de contrariété ; ainfi , difent-ils , l'eau
cl'.afi'e le feu, parce que les qualités de l'eau
font contraires à celles du tcu , l'une étant
froide & humide , & l'autre chaud & fec.
Mais outre que ce n'eft pas là une explica-
tion , puifqueile ne rend point raifon do
cette contrariété , elle ne paroît pas même
fatisfaifante pour ceux qui fe contentent de
mots vuides de fens ; car le feu eft éteint
avec l'eau chaude aiilli bien qu'avec l'eau
froide, (Sv. Koj'. Antipéristase.
Quelques modernes apportent deux cau-
fes plus plauilbles de VextinClioiiàviÏQVL ,
favoir la diflipation , -comme quand les
matières qui lui fervent d'aliment font dif-
perfées par un vent trop violent ; & lafufFo-
cation , quand il eft tellement comprimé
qu'il ne peut plus conferver fon mouvement
libre, comme il arrive quand on jette de
l'eau defti'.s.
On fent bien que calte explication eft'
encore trés-légereik très-vague. Avouons
franchement qiie nous ignorons pourquoi
l'eau éteint le feu comme nous ignorons
pourquoi une i)ierre tombe , pourquoi nous
remuons nos doigts , & la caufe de cent
autres phénomènes aufti communs ,& aufli
inexplicables pour nous. (())
Extinction , (Jurf prudence.) s'ap-
plique en cette matière à differens objets ,
favoir :
Extinction de la chandelle: c'efi lorlqu'on
fait une adjudication ^iVextinclion de petites
bougies ou chandelles , comme cela fe prati-
que dansles fermes du roi. V. Chandelle
éteinte.
Extinction d'une charge foncière , réelle ,
ou hypothécaire ,' c'eft lorfqu'on amortit
quelque charge qui étoit impofée fur un
fonds.
Extinâion du douaire ,• c'eft lorfque la
EXT
femme & les enfans qui avoient droit de
jouir du douaire , lent dcct'dés , ou que
ron a compofé avec eux , & racheté le
douaire-
Extincfion d'une famille ; c'efl: lorfqu'il
n'en refte plus perfonnc.
Extinâion d'un fidcicominis , ou d'une
fuhftiwtion ; c'eft lorfque le fiJcicommis
ou fubftitution cft fini , foit parceque tous
les de,",rcs font remplis , & que les biens de-
viennent libres jMbit parcequ'il ne fe trou-
ve plus perfonne habile à recueillir les
biens en vertu de la difpofition.
Extinc/ion d'unA ligne directe owcolLi-
te'rale ; c'efl lorfque dans une famille ujie
ligne fc trouve encicrement défaillante ,
c'efî - à - dire , qu'il n'en refl^e plus per-
fonne.
Extincfion de nom ; c'efl lorfqu'il ne fe
trouve plus perfonne de ce nom.
Extincîion d'une rente ,* c'efl lorfqu'une
rente eil amortie ou rem'Dourfee.
Extincîion d'une fervitude ,• c'efl quand
un héritage efl dccliargé de quelque fervi-
tude qui y étoit impofée.
Exiinclion d'une fubJJitution , voyez ci-
deffus Extinâion d'un fidéicommis. ( ^ }
EXTIRPATION , f f cfl un terme de
chirurgie , qui fîgnifie couper entièrement
une partie comme une loupe , un polype ,
un cancer , &c.
L'amputation du bras dans l'article, efl
une extirpation de l'extrémité fupérieure.
Voye?^ Amputation.
EXTIRPER , V. a. ( jardin. ) détruire ,
déraciner les plantes qui nuifenr à la végé-
tation des autres. Ces plantes qui tracent ,
telles fur-tout que certains gramens , font
difficiles à extirper. [ -\- )
EXTISPICE, f m. {Antiquité.) infoec-
tion des entrailles des vidimes , dont les
anciens tiroient des préfages pour l'avenir
Varron & Nonius dérivent ce mot de exta
& fpccio. Voyei ÀNTHROPOMANTIE ,
Aruspices.
Si l'on ajoutoit foi aux conjcélures de
Mercerus , de Salden , & de Lomeyer fur
le facrifice d'Abel , &: à celles du rabbin
Eliezer fur les Teraphim, on feroit remon-
ter les extifpices jufqu'au temps des patriar-
ches. Il efl au moins douteux qi^e cette cf-
pece de divination fe foit introduite chez
Ext cp^
les juifs ; les pafTages de l'écriture qu'on
allègue pour le prouver , regardent feule-
ment les Chaldéens ; cependant Jac. Lydius
afTure que les extifpifces ont paffé des prê-
tres juifs aux gentils. Voy. fes Agonifiicci
filera , p. m. 60.
On ne voit dans les poèmes d'Homère
aucun vefljge de cette divination , fi ce
n'eft peut-être dans le douzième livre de
rOdyflée, l'ers 35)4 - 6" ; il l'a pourtant
connue , s'il en faut croire Euflathe , dont
la note fur le lers xxt du dernier livre de
l'Iliade efl citée par Feith , /•. m. i^i de
ces antiquitates homericce. Feith auroit pu
citer encore le commentaire d'Eulîathe fur
le vers 6^ du premier livre de l'Iliade , les
remarques de Didyme aux mêmes endroits,
Hefychius au mot 'V'"'? . Mais une autorité
bien plus déclfive efl celle de Calien , qui
explique de même que ces grammairiens
Vîif^v. du vers 63 du premier livre de l'I-
liade. T'oy. le V tom. de Védit. grecque de
Bâle des œuvres de Galien , p. 41. Les ex-
tifpices étoient connus long-temps avant
Homère. Hérodote , livre II , nous ap-
prend que Ménélas , après la guerre de
Troie , étant retenu en Egypte par les
vents contraires , facrifia à fa barbare cu-
riofité deux enfans des naturels du pays ,
& chercha dans leurs entrailles l'éclaircif-
fement de fa deflinée. Ce fait , & plufieurs
autres recueillis par Geufius , à la fin de
la première partie de fon traité furies vielle
mes humaines , prouvent évidemment que
Peucerus s'efl trompé lorfqu'il a cru que
Héliogabale avoir le premier eu recours à
l'anthropomantie. î^oy. Peucerus <^e divi"
natione , p. m. '^yi.
Vitruve, chap. jv , liv. I , donne aux
extifpices une origine bien vraifemblable :
il dit que les anciens confidéroient le foie
des animaux qui paffoient dans les lieux où
ils vouloient bâtir ou camper ; après en
avoir ouvert plufieurs , s'ils trouvoient
généralement les foies des animaux gâtés ^
ils concluoient que les eaux & la nourri-
ture ne pouvoient erre bonnes en ce pays
là , deforte qu'ils l'abandonnoient auffitût.
On ne fera pas furpris que les anciens don-
naffent au foie une attention particulière,
fi l'on confidere qu'ils attribuoient à ce
vifcere la fanguificarion : cette opinion efi
Tttt a
7C0 E X t
très-ancienne. Martiniiis , dans fon cacUmus
grœco - phxnix , veut que cubbada, nom
que les habitans d'Amathonte donnoient
au fsng j vienne de l'hébreu cavcd , qui
veut dire /o/c Le P. ThomaiTin a approuvé
cette conjecture dans fon gloflaire hébraï-
que ; ce qui la confirme & la rapproche
du fujet que nous traitons , c'efl que S.
Grégoire de Nazianze croit que l'art des
extifpices eft venu des Chaldéens & des
Cypriots.
Bulengerus , tom. I de fcs opufcules ,
pag. ^i8 , fait dire à Onofander , in flrate-
gicis , que c'étoit la coutume , avant que
de fixer un camp , de confidérer les en-
trailles des vittimes pour s'afUirer de la fa-
lubrité de l'air , des eaux , & de la nourri-
ture du pays. Onofander dans ion fi raté -
gique , ne dit rien de femblable , quoiqu'il
parle du choix d'un lieu fain pour l'afliette
d'un camp. 75. m. i6 , i-j.
M. Peruzzi , tom. Ides me m. de Vacad.
de Cortone , pag. 46" , dit que la fagacité
qui fait prefFentir aux animaux les chan-
gemens de temps , a pu faire croire aux
anciens qu'ils portoient encore plus loin la
connoiflance de l'avenir. Il obferve que,/f
erano biione ( le interiora ) dà cio ne argc-
mentat'ano una perfetta confiitujione d'na,
e benigno influjjb di ftelle , chi rendejje i
cibi falubrl , e tenejje Lontane le malattie ,
che ilpià délie volte dalla cattira qualitâ de
medejimi propengano, eparimente mail au-
giiri , qiiando era il contrario , ne argomen-
tarano. Ce palfage développe la penfée de
Démocrite , qui fbutenoit que les entrailles
des viâimes préfageoient par leur couleur
& leurs qualités , une conltitution faine ou
peftilentielle , la ftérilité même ou l'abon-
dance, r. Cicéron , /. I, de div. chap. h'ij.
Hippocrate de vicl. acut. nous apprend
que les principes de l'art des extijpices n'é-
toient pas invai^iables : il fembîe que les
fyftémes des Philofophcs , les fourberies
des prêtres & des magiflrats ont obfcurci
les premières notions de cet art , fruit pré-
cieux des obfervations faites pendant une
longue fuite de fiecles. En effet Apollo-
nius de Tyane dans Philoftrate, lib. VIII,
ch. vij, /. 25, prétend que les chevreaux &
les agnea\>x dévoient être préférés pour les
extifpices j aux coqs & aux cochons , parce
EXT
qu'ils font plus -tranquilles , & cjue le fenti-
ment de la mort , plus foible chez eux ,
n altère point ces mouvemens naturels qui
révèlent l'avenir. On peut dire , avec la
même vraifemblance , que l'extrêm.e irri-
tabilité rendoit les mouvemens naturels
bien plus énergiques & plus fenfibles , &
c'cxl fans doute ce qui a déterminé certains
peuples à regarder comme les plus prophé-
tiques les entrailles des coqs, des cochons &
des grenouilles. Par une fuite de fon fyflê-
me , Apollonius foutient que les hommes
font de tous les animaux, les moins propres
à faire connoître Tavgnir par l'infpection
de leurs vifceres. Cette conféquence , qu'il
eût été à fouhaiter que tous les hommes
eufTent adoptée y étoit djreâement con-
traire à l'opinion générale. Voy. Porphyre,
de ahflin. lib. II , an. 52.
La friponnerie des prêtres païens , &
leur ignorance , nous doivent faire fufpen-
drenotre jugementfur ces victimes auxquel-
les on ne trouvera point de cœur , dont
parlent Cicéron , Pline , Suétone , Julius
Obfequens , Capitclinus , Plutarque , Ùc.
Les incilions fuperficielles des vifceres re-
tardoient les eutrepriles , quoique tout pro-
mît d'ailleurs un fuccès heureux. Le P.
Hardouin , fur Pline , tom. J , p. Gx"] j col.
2 , imagine qu'alors ces vifceres étoient
bleffés imprudemment par le couteau du
viftimaire. Peut-être y avoit-il aufTi de la
fourberie de la part des facrificateurs. Les
règles particulières que les anciens fuivoient
dans les extifpices font li incertaines, qu'il
eft inutile de s'y arrêter. Tous les compila-
teurs , par exemple , & fur-tout Alex, ab
Alexandre , tom II, p. m. 1^6-6. Peuce-
reus , de dii-inat. p. m. ^6i. alfurent qu'on,
n'a jamais douté qu'un foie double , ou
dent le lobe appelé caput jecinoris étoit
double , ne préfageât les plus heureux évé-
nemens. On lit pourtant dans Vasdipe de
Séneque , vers ^^g -^Go , que c'a toujours
été un figne funefte pour les états monar-
chiques.
Ac ,femper omen unico imperio grave ,
En capita paribiis bina confurgunt toris..
j'oye\ les notes de Dcirio & de Farabius-
(ur ces vers , où ils étendent cette règle i ,
tous les états , fe fondant fur les témoigna-,
£es de divers auteurs. 11 refte à examiner fi
EXT
le principe fondamental de la divination
par ext'ifpicc , a moins d'incertitude que les
.détails de cet art qui font parvenus jufqu'à
nous.
Perfonne n'a regardé cela comme une
queftion , j'ofe dire que c'en eu: une , &
qu'elle tient aux queftions les plus curieu-
fes & les plus di'liciles de la philofophie
ancienne.
Les partifans de cette divination ont
fait valoir l'argument tiré du confente-
ment général des peuples , qui ont eu
recours aux extlfpices. Voyei Cicéron ,
de d'il'. 2 . La foiblefTe de cet argument efl
reconnue. Voy€\ Bayle , continuation des
penjees far h comète , § _:?i. Par ce que
nous avons dit de l'origine des extifpices ,
on voit que quelques anciens avoient des
idées trcs-philotbphiqncs fur l'influence du
climat. 11 eft évident qu'on n'a pu appliquer
les extifpices , qui avoient d'abord fervi à
s'affurer de la falubrité d'une contrée , &
tout au plus de fa fertilité ; il eft évident ,
dis-ie , qu'on n'a pu les appliquer aux acci-
dens de la vie humaine , qu'en fuppofant
que le climat dJcidoitdes mœurs, des tem-
péramens , & des efprits , dont les variétés
dans un monde libre doivent changer les
événemens.
D'un autre côté ceux qui foutenoient
le fatalifme le plus rigoureux , étoient par
là même obligés de reconnoître que cette
divination eft poffible ; car puifque tout
eft lié par une chaîne immuable , on eft
forcé de concevoir qu'une certaine victime
a un rapport avec la fortune du particulier
qui l'immole , rapport que l'obfervation
peut déterminer.
Le fyftème de l'amp du monde favori-
foit aufti les extifpices ; les ftoïciens , à la
vérité , ne vouloient pas que la divinité
habitât dans chaque fibre des vifceres ,
& y ren4it fes oracles ; ils aimoient mieux
fuppofer une efpece d'harmonie préétablie
entre les fignes que préfentoienc les en-
trailles des animaux , & les événemens
qui répondoient à ces fignes. Voye\ Cicé-
ron , de dh'in. I , chap. lij. Mais quoique
ces philofophes renonçaftent à une applica-
tioiîjieureufe & évidente de leurs principes,
c'éwit une opinion aftez répandue , que
cette poition de la divinité qui occupoit
EXT ' 7CI
les fibres des animaux , imprimoit à ces
fibres des mouvemens qui découvroienc
l'avenir. Staceledit formellement. Theb.
liv. VlIIy i: ijS.
Aut ccefis faliat qiiod numen in extis.
Et Porphyre y fait allufion , quand il dit
que le philofophe s'approchant de la divi-
nité qui rélide dans les entrailles , eV tc~;
lK<)tc~i »m\£ irxr\ùfx<"s , y puifera des afTu-
rances d'une vie éternelle ; & quelques
philofophes penfoient que les âmes fépa-
rées des animaux répondoient à ceux qui
confulroient leurs vifceres. Mais le plus
grand nombre attribuoit ces fignes pro-
phétiques aux démons , ou aux dieux d'un
ordre inférieur ; c'cft ainfi qu'ont penfé
Apulée & Martianus Capella. Laftance &
Minutius Félix ont attribué l'arufpicine aux
anges pervers ; cette opinion , autant que
les raifons politiques, a déterminé l'empe-
reur Théodofe à donner un édit contre les
extifpices.
Je finis par une réflexion de l'Epiclete
d'Arien,/ù'. /, C'A. xvij , qui eft très belle;
mais il eft aftez fingulier qu'elle foit dans
la bouche d'un arufpice. Les entrailles des
vidimes annoncent , dit-il , à celui qui les
confulte , qu'il eft parfaitement libre , que
s'il veut faire ufage de cette liberté , il
n'accufera perfonne & ne fe plaindra point
de fon fort ; il verra tous les événemens fe
plier à la volonté de Dieu & à la fienne.
ig)
EXTORNE , EXTORNER , ( Com-
merce. ) termes de teneurs de livres : ils fe
difent , mais improprement , des fautes
que l'on fait par de fauffes pofitions. Les
véritables termes font reftornc & refiorner,
Voy. Restorne «S-Restorner. Dicl.
de Comm.
EXTORQUER, v. acl. {Jurifprud)
c'eft tirer quelque chofe par force ou par
importunité , comme quand on tire de
quelqu'un un confentement forcé par ca~
relfes ou par menaces ; un teftament ou
autre ade eft extorqué , quand on s'eft fervi
de pareilles voies pour le faire figner. Les
ades extorqués font nuls par le défaut de
confentement libre de la part de celui
qui les foufcrit , & à caufe de la fuggeftion
& captation de la part de celui qui a cliev'
7ca EXT
chc' i\ fe procurer ces aftes. Voye^ CAP-
TATioN , Contrainte, Force,
Menaces , Suggestion. (A)
EXTORSION , f. f. ( Junfprud. ) le
dit des fc'molumens exceflïfs que certains
officiers de juftice pourroient tirer d'au-
torité de ceux qui ont affaire à ^eux ,
ce que l'on appelle plus commune'ment
conçu ffion.
Ce terme fe dit aufTi des aftes que 1 on
peut faire pafier à quelqu'un par crainte ou
par menaces. Voye^ EXTORQUER. {A)
EXT
car 4eft le quotient de 64 , divlfé par i^,"
quatre de 4. C'eft là ce qu'on entend par
V extraction des racines.
Par confc'quent extraire li racine quarrù ,
cubique , &c. d'un nombre donné , par
exemple , 1 6 ou 64. , c'eft la même chofe
que trouver un nombre , par exemple, 4,
qui , multiplié une ou deux fois , &j. par lui
même , forme la puiflance donnée. Voye\
'puissance. Harris Si Chambers.
Éxtraclion des racines quarrée & cubique.
De h racine quarrée. Extraire la racine
EXTRA , {junf.)_ efl un terme J^tin! ^/^"^;^r/J^';;^;^;3,.;]'c'eft décompofer un
dont on fe fert ordinairement pour dcli-l u„„ „„„i^„„„,,o Ap famn mio l'on
gner les décrétales en les citant par écrit ,
pour dire qu'elles font extra corpus juris ,
parce que dans le temps que cette manière
de les citer fut introduire , le corps de droit
canon ne confiftoit encore que dans le
décret de Gratien.
Extra elî auîïï en ftjle de palais , une
abréviation du terme extraordinaire. Au
parlement , les caufes qui ne font pas em-
ployées dans les rôles des provinces , font
portées à des audiences extraordinaires ; ce
que l'on défigne en mettant fur le dofTier ,
extra , pour dire extraordinaire. {A)
E X T R A C T I O N , C f (A'ith.-n. &
Algeb.) L'extraction des racines cftla mé-
thode de trouver les racines des nombres
ou quantités données. Voy- RACINE.
Le quarré , le cube , & les autres puif-
fances d'une rrxine ou d'uit nombre , fe
forment de la multiplication de ce nombre
par lui-même plus ou moins de fois , félon ^
que la puifTance eft d'un degré plus ou
moins élevé. Foye^ PUISSANCE.
La multiplication forme les puifTances ,
V extraction des racines les abaille ,^ & les
réduit à leurs premiers principes ou à leurs
racines; deforte qu'on peut dire que Vex-
tracfion des racines efl à la formation des
puifTances par la multiplication, ce que l'a-
nalyfe elt à la fynthefe.
Ainfi 4, multiplié par 4 , donne 16 ,
quarré de 4 ; ou produit de 4 par lui-
même. 1 6 multiplié par 4 , donne 64 , cube
de 4, ou produit de 4 par fon quarré. C'eft
ainfi q«e fe forment les puilfances.
AuiTi la racine quari'ée de 1 6 eftelle 4 ;
car 4 efl le quotient de 1 6 , divifé par 4 : la
nombre quelconque , de façon que l'on
trouve un nombre moindre , lequel mul-
tiplié par lui-même , produife exactement
le premier , ou du moins en approche^ le
plus qu'il eft poflible. Cette règle eft d'u-
îage en plufieurs cas ; je me contente d'en
rapporter un exemple , pour faire juger des
autres. Un officier commande un détache-
ment de 62J hommes, dont il veut faire
un bataillon quarré : pour cela il n'a qu'à
e.Tfra/re la racine quarrée de 6ij ; il trou-
vera, s'il a le temps &: le talent, qu'il faut
mettre Xj hommes de front & autant fur
les eûtes , c'eft à-dire, qu'il faut mettre
15 rangs de ij hommes chacun.
Sur quoi j'obferve que l'extraction des
racines, étant proprement la décomnofition
d'un produit formé par une ou plufieurs
multiplications , il fuit confidérer d^' abord
la génération de ce produit , & c'eft ce
que nous allons faire. ^
Si )e multiplie 15 par Z5 , i'ai le quarré
625. Que fais-je pour avoir ce produit?
je multiplie i dixaines & 5 unités par Z
dixaines & 5 unités ; & pour cela je prends
d'abord le quarré des'unités , en difant 5
fois j ou î X 5 font 1 j ,
je pofe j & retiens 2. ; je multi-
plie une fois les dixaines 1 par les
unités 5 , lorfque je dis j X i font
10 & 2. retenues font i ^ , que je
pofe à gauche de mon j .
50
615
Je multiplie une féconde fois les dixaines
2 par les unités 5 , lorfque je dis 2 :jj| y
car 4 eu le quotient cie lo, uivi.c pui 4 . u. .font 10 , je pofe «d & retiens i. _Enfir)e
racine cubique de 64 eft pareillement 4 ; 'multiplie les dixamcs 2. par eUes-memes , ce
EXT
qui me donne le quarr^ de ces dixaines , en
difant, z -+-zfont4, & i de retenue font
î , que jepofe à gauche du o. J'ajoute ces
femmes, & j'ai le produit 62.5 dont on
propole de tirer la racine quarrce ; c'eft-
à-dire , qu'il s'agit de trouver le nombre
qui multiplié par lui-même , a formé le
quarréôiç. Mais avant que de commen-
cer cette opération y on doit avoir la table
fui vante fous fcs yeux, ou plutôt dans fa
mémoire.
Racines
nés.
\hiJ.rres.
Lub
I
I
1
2.
4
8
3
9
2-7
4
16
64
î
if
laî
6
3^
216
7
49
343
8
•64
512.
9
81
719
10
ICO
looo
Cela pofé, je partage mon nombre 6-î? I
total 62. j en deux tranches ,
comme l'on voit ci à côté. La
première tranche à gauche qui
pourrait avoir deux chiffres ,
peut auiîi n'en avoir qu'un ; mais
toutes les autres tranches à droite font né-
cefTairement de deux clùfFres ; & pour
le démontrer , prenons les plus petits
chiffres po'fibles , par exemple, ico. Si
on multiplie 100 par loc , on aura le quarré
I , 00 , oc en trois tranches , dont la pre-
mière à gauche n'a qu'un cliifFre, tandis
que les autres en ont deux. Prenons à
préfent les plus grands chiffres poîlibles ,
999- Si on les miiitiplie par eux-mêmes ,
on aura le quarré 99, 80, 01, qui fait
trois tranches chacune de deux cliifrres ,
& non davantage. Au f.irplus les différen-
tes tranches , fuivant le fylléme de la pro-
greflion décuple , expriment les unités ,
dixaines ,
totale.
2 2,
4
centaines , Sic. de la racine
Ces premières notions une fois éta-
blies , je dis : la racin*,' quarrée de 6 ell 2.
pour 4; voilà déjà i;os di-xaines trouvées ;
EXT <-jo'^
)C les pofe en forme de quotient 6-2ç|2.5
à côté de 6n , comme l'on voit
dans l'exemple : puis je les
quatre en difant ,2X1 font 4,
& je tire ce quarré 4 de la pre-
mière tranche 6 , difant , 4 , de 6
refle 2.
Il faut obferver que ces deux dixaines ,
dont j 'ai formé le quarré , font ao ; &
qu'ainfi en difant 2 X a font 4 , 4 de 6
refle 2 , c'efl comme fi je difois zo X 20
font 400 de 60c refle 200.
Je baiffe à préfent le 2 de la féconde
tranche 2 j ; ce qui fait avec mon premier
2 , réfidu de mon 6 , aa ; je m'attache
enfuite à chercher le fécond chiffre de la
racine totale ; & comme dans le produit
de la multiplication ci-defliis expofée, j'ai
em.ployé deux fois les dixaines 2 , autre-
ment une fois 4 dixaines multipliées par les
unités 5 , j'y dois trouver la même fominc
ou quantité , en décompofant , pour i'^:r-
traâion de la racine.
Je prends donc deux fois les dixaines
2 , ce qui fait 4 dixaines : j'écris ce 4 fous
le 2 de ma féconde tranche , & je dis : en
aa combien de fois 4 ? il y efl 5 & refle
2 , qui avec le ^ de la féconde tranche ,
que je n'ai point baifîé, pour éviter l'em-
barras, fait 2j , c'efl-à-dire , le quarré
juiie des unités f que je cherchois , &
que je viens de trouver pour fécond
chiflre de la racine totale aç : je pofe
donc 5 en forme de quotient à côté du 2
déjà trouvé auparavant.
Je forme le quarré 2f de ces unités f ;
puis je multiplie les mêmes unités 5 par
!o double 4 des dixaines 2, & je tire ces
deux produits de ma dernière tranche &
du réfidu de la première ,
c'eft-à dire , de 215 , ci 225
en difant 5X5 font 2 ^ , a j de 2 ç refte o coo
& retiens 2 ; 5 X 4 font 20 & 1 de rete-
nus font 22, 22 de 22 refie o.
Ces deux produits fe tirant exaâement
fans aucun rcfie , je conclus que la racine
quarrée de 625 efl tout jufle 25. Pour
dernière preuve je multiplie 25 par - 5 , &
retrouvant le produit 625 , je demeure
pleinement convaincu que mon opération
efl exade.
704 EXT
Mais voici une autre méthode que je
préfère , à plufieurs égards. On commence
l'opération à l'ordinaire pour la première
tranche ; la différence ne paroît qu'à la
féconde, & elle eft la même dans toutes
les fuivantes. Au lieu donc de tirer deux
fois nos dixaines z , c'eft-à-dire , 4 dixaines ,
& de dire , comme on fait communé-
ment , pour trouver le fécond chiffre
d'une racine, en 22 combien de fois 4, il
y eft j ; ne prenons que la moitié 1 1 du
nombre aa ; ne prenons auflî que la moitié
de nos 4 dixaines , c'eft-à-dire , ne tirons
qu'une fois nos dixaines x de notre moitié
1 1 . Ecrivons i fous 1 1 en
cette forte , 11
& difons , en 1 1 combien de fois 2 , il 2
s'y trouve j fois , comme 4 s'cft trou-
vé 5 fois en 21 , 2 étant à 1 1 comme 4 a 21.
Je pofe donc s pour le fécond chiffre
delà racine totale du quarré, 6ij ; mais
comme ce 5 pourroit quelquefois être trop
fort , je le pofe féparément , comme chif-
fre que je dois éprouver : & alors , pour
■vérifier s'I eft bon , &: fans examiner fi
je pourrai tirer du dernier réfidu le qunrré
a; des unités j , quarré qui doit encore
fe trouver en 6a 5 , puifqu'il y efî entré par la
mulnplication ; je procède tout de fuite
à la pi-euve : pour cela je multiplie 25
par ij ; & trouvant au produit 615, je
m'afTure que la racine quarrée de 62,5 eft
tout jufte i;.
Si la fomme à décompofer, ou dont
on cheixhe la racine, au lieu de 61^
n'étoit , par exemple , que 610, pour lors
le procédé donneroit encore 25 pour i-a-
cine totale ; mais venant à la preuve , &
multipliant 2f par 2.5 , on auroit le pro-
duit 61 j plus fort que 6io : on verroit
par là que le chiffre à éprouver ç , qu'on
3uroit mis pour fécond chiffre de la ra-
cine totale , feroit im peu trop fort. On
mettroit donc 4 , & l'on en feroit l'é-
preuve en multipliant 24 par 24 ; on tire-
roit le quari-é 576 de 620 ,
en cette forte , 620
& l'on verroitpourlojrs avec certitude 576
que la racine quarrée de 62o eft 24 , 44
outre le réfidu 44 , qui fait une el-
pece de friidion dont il ne s'agit pas ici.
Si après avoir mis 4 pour fécond , troi-
E X T
fieme , quatrième chiffre d'une racine , ce
4 fe trouvoit encore trop fort par l'épreuve
qu'on en feroit , alors au lieu de 4 on ne
mettroitque3, &ron viendroit à la preuve,
comme on a vu ci-deffus.
Cette manière d'extraire eft préférable ,
en ce qu'elle dmiinue les nombres fur lef-
quels on opère , & qu'il y a toujours
moins à tâtonner. C'eft là proprement
l'avantage de cette méthode , laquelle eft
fur-tout bien commode pour l'^'av/ar/io/z de
la racine cubique, où elle abrège beau-
coup l'opération ; c'eft pourquoi il eft bon
de s'y accoutumer dès la racine quarrée ;
il eft plus facile de l'employer enfuite dans
l'extrac/ion de la racine cubique.
Au relie la démonftration qu'on vient de
voir de l'extraaionàQlti racine quarrée, &
que je n'applique ici qu'à un quarré de deux
tranches dont la racine ne contient que
des dixaines & des unités ; cette démonf-
tration , dis-je , convient également à un
nombre plus grand , dont la racine contien-
droit des centaines, des mille , &s. en y
appliquant les décompofitions &: les rai-
fonnemens qu'on a vus ci-deffus. 11 fuflit,
en arithmétique , de convaincre & d'é-
clairer Tefprit fur les propriétés & les
rapports des petits ncm.hres que l'on dé-
couvre par là plus facilement , & qui
font abfol liment les mêmes dans les plus
crands nombres , quoique plus difiiciies à
débrouiller. *
D'ailleurs je n'ai prétendu travailler ici
que pour les commençans , qui ne trou-
vent pas toujours dans les livres ni dans
les explications d'un maître de quoi fe
fatisfaire, & je fuis periiiadé que plufieurs
verront avec fruit ce que je viens d'expofer
ci-deffus. Si quelques-uns n'en ont pas
bcfoin, je les en félicite, &l les en eftime
davantage.
Le plus grandréndu poffble d'uneracine
quarrée, eft toujours le double de la racine
même ; ainfî la racine quarrée de 8 étant i
pour 4 , le plus grand réfidu poflible de la
racine 1 eft 4 , double de 2.
La racine quarrée de i j étant 5 pour 9 ,
le plus grand réfidu po/lible de la racine 3
eft 6, double de 3.
La racine quarrée de 24 e tant 4 pour 1 6 ,
le plus grand rélldu poliiblc de la racine 4
efî
EXT
cft 8 , double de 4 , & ainfi de tous les
autres cas.
De la. racine cubique. On peut dire à peu
près de la racine cubique ce que nous avons
dit de la racine quarrûe ; extraire la racine
cubique , c'eft dccompcfcr un nombre
quelconque , de façon que l'on trouve un
nombre moindre , lequel étant multiplié
d'abord par lui-même , & cnfuite par Ion
quairé , ou par le produit de la première
multip'ication , donne exaftement le
premier nombre propofc , ou du moins
en approche le plus qu'il eft pofTit.le.
Ainfi txcraire la racine cubique de i j6i5 ,
c'ert trouver par une djcompofition mé-
tliodique la racine cubique iï , laquelle
•t'cant multiplite d abord par elle -même ,
produit le quarrJ 62 ç , & multipliée une
féconde fois par fon quarré 6^5, forme le
cube ij6i)-.
On a trouvé , en examinant les rapports
&: la progreflîon des nombres , que cette
multiplication double de ij par 25 , & de
2..J par fon quarré 625 , produit première-
ment le cube des dixaines 2 du nombre
propofé 2j ; cube qui tait 8000 , parce
que le 2 dont il s'agit eft 20. Or 10 X 20
font le quarré 400 , 10 X 400 font le
cijbe 8000.
Secondement , cette cabification pror
duit le triple du quarré des dixaines 2 ,
multiplié par les unités > , ce qui tait <5oco;
&: cela , parce que le 2. dont il s agit eft véri-
tablement 2 dixaines 20. Or enlequarrant ,
& difant 10 X 2.0 , on a 400 , en triplant e.n
quarré 400 , on a 1 ico ; en multipliant
ce produit 1 2.00 par les unités ç , on a 6000.
Troifiém.ement , cette cabification de
25 , & ainfi à proportion de toute autre ,
produit le triple 60 des dixaines 2 ; triple
éo multiplié par le quarré 2 y des unités j ,
ce qui fait 1500.
Enfin cettec2/3//?car/o/2produitle
cube 125 des unités f. Ces quatre
produits partiels , favoir :
1°. Le cube des dixaines . . 8000.
a°. Le triple du quarré des
dixaines 2 multiplié par les
unités 5 . . ... 6000
3°. Le triple des dixaines 2,
n ukiplié par le quarré 2 y
des unités s • • . i foo
Tome XI IL
70;
Ê X T
4®. Le cube des unités 5 . .
Ces produits forment, d,s-je,
le cube total . . • 1562?
Au refte la génération de ces divers
produits eft plus difficile à démontrer dans
les deux multiplications que l'on emploie
pour former un nombre cube , que dans
la feule multipl cation que l'on emploie
pour former un nombre quarré. La raifon
en eft , que dans ces deux multiplications
les pi oduitspartitls^fe confondant entr'eux,
& rentrant les uns dans les autres , on ne
les découvre guère que par la décompofi-
tion , au moins tant qu'on emploie l'arith-
métique vulgaire.
On fait parla pratique & par l'examen ,'
que ces divers pioduits réfultent nécefTai-
rement de' ces deux multiplications par une
propriété qui leur eft elîentielle , & qui
fuiîit , lorfqu'elle eft connue , pour con-
vaincre & pour éclairer. Il ne s'agit donc
que de favoir procéder à la décompofition
d'un nombre quelconque , & d en tirer ces
diftércns produits d'une manière facile &
abrégée , ce qui a fon utilité dans l'occa-
fion
Par exemple , on dit qu'un bloc de mar-
bre quarré de tout feus a 1561; pouces
cubes ; & fur cela on demande quelle eft fa
longueur , largeur , & profondeur. Je le
trouve, en tirant la racine cubique de 1 5627,
Pour cela je pai ta ce ce nombre en deux
tranches , dont la première à gauche n'a
que deux chiffres , la féconde en a trois.
La première tranche à gauche pour avoir
trois , ou deux , ou même un feul chlffie ;
mais les fuivans doivent toujours être com-
plètes , & toujours de trois chiffres , ni
plus , ni moins : c'eft ce que l'on peut vé-
rifier aiféinent par le produit cubique des
nombres 100 & 999 ; produit qui donne
d'un côté I ) ooG ^ oco ^ & de 1 autre
997:, 001 , 999.
Je dis donc , la racine cubique de 1 5 eft
2 pour 8 i j'écris i en forme de quotient ;
comme l'on voit ci à cûté ; puis 1 5-615 I 2
je tire de la première tranclie .
1 5 le cube de ce 2 , en diiant 7 6
1X1 font 4,1X4 font 8 , c'eft i dire , 8
mille : or 8 mille tirés de i s mille , refte 7
mille que j écris au deflous de 1 j ^ comme
l'on voit dans l'exemple.
V V V V
7o5 - EXT
Enfnite , pour trouver le fécond chiffre
de la racine totale , & ainfi du troifieme ,
quatrième , &l\ en fuppofant le nombre à
décompofer beaucoup plus grand, je baifTe
le 6 de la féconde tranche , le- 15 625 [ 1
quel avec le 7 re'fidu de la prc- •
miere à gauche fait 76 ; puis 7 6
je prends 11 triple du quarrc du i i
premier chiftre trouvé 2. , j'écris ce nom-
bre 12 fous 76 ; & je dis , en 76 combien
de fois 11, il y efl 6 pour 72. , & refle 4 ,
lequel avec les 1 j qui reftent de la féconde
tranche , fait 42 f , fur lefquels je dois tirer
le triple dupremiey chiffre - dixaines , c'eft-
à-dire, 60 muldpliJpar !e quarré 56 du fé-
cond chiffre trouvé , ou chiffie éprou/a-
ble 6 , dont le produit 2160 ne fe peut
tirer du refte 42 5 , fans parler du cube 1 1 6
du même chiffre 6 , cube qui devroit en-
core être contenu dans le refle 425.
je vois donc que le chiffre à éprouver 6
que j'ai trouvé pour fécond chiff.e de lara-
c ne totale , & que j avois mis à part , ne
convient en aucune forte. J éprouve donc
le chiffre 5 , & pour cela je d.s j X i i lont
éo, 60 tirés de 76, refle i (-, lefquels avec le
refle z 2 de la féconde tranche
font i6ij '5-'^^5l
6 7
6 G
I 6
7 6
6 c
I 6
I S
I
- i$
00
Je forme à préfent le triple
du premier chiffre 1 dixaines ,
c'efl-à-dire , 60 multiplié par
lequarré2ç du fécond chiffre 5,
je tire le produit i j 00 de 162 s,
après quoi refle 1 1 j > ce qui
fait jufîement le cube des uni-
tés 5 , que je dois encore tirer.
Je vois par là que la racine cubique du
nombre 15015 eft 2ç lans refle , & quainfi
je puis pofer 5 en forme du quotient pour
fécond chiffre de la racine totale-
Pour dernière preuve je prends le cube
de i 5 , & retrou a it 1 5 6 1 j , je ne puis plus
douter que mon opération ne ioit exade.
Mais fans tirer tous ces produits partiels
enfemble ou féparément , on peut pren-
dre un ch:min phisTourt , comme on l'a
marqué en pailant de la racine quarrée ; on
dira donc , en fe fervant du
EXT
nombre propofe' , la racine eu- i^-6i')\ 2.
bique de 1 ç efl i-pour 8, j'é-
cris 1 en forme de quotient ,76
j'en forme le cube 8 que je tire 1 j
de la première tranche i y , en 4
djfant 1X2 font 4, iX4fonto ,
y de 1 5 , refle 7. Voilà l'opéracion faite pour
la première tranche , &: le cube du premier
clriffre 2 tiré.
Pour trouver maintenant le fécond chif-
fre de la racine totale , & ainfi du troi-
fieme , quatrième , &c-. en fuppo(ant le
noiTibre propofé plus grand , je ne , triple
point , comme ci-devant , le quarré 4 du
premier chiffie 1 , ce qui feroit i2. Je ne
prends que le tiers de cette forr.me , c efi-
à dire , que je prends fimplemer.t le quarré
4 du cliifïie 1 , fans le tripler. En récom-
penfe , 6c pour conferver la proportion ,
aprèi avoir baiffé le premier chiffre 6 de la
féconde tranche y lequel avec le 7 réfidu
de la première fait 76 : je n en prends que
le tiers 15 , de même qu'au lieu de 1 1 , je
ne prends que 4 , j'écris ce 4 fous if.,
comme on voit ci-deiTus , & pour lors je
dis , en 2ç combien de fois 4 ,
il y efl ^1 , comme 1 2 eft fîx fois i f -6 1 ç | ^
en 7 .Je pofe donc 6 pour fe-- —
cond chiffre de ma racine , mais 76 I
(^mme 6 n'efl proprement 2 5 1
qu un chiffre à éprouver , dont 4 '
e ne fuis pas fur , je le pofe à
l'écart pour m'en fouvenir , & je fais mon
épreuve.
Ayant donc trouvé 16 pour racine to-
tale , je vois bien qu'il y a un réiidu dans
le nombre propofé , réfîdu qui doit fatis-
faire aux deux autres produits que je né-
glige de tirer : favoir le tri] le du premier
chiffie 2 dixaines , ou (o multiplié par le
quarré 36 du chiffre à éprouver 6 , plus le
cube it6 du même 6. Mais encore un coup
je néglige la formation & la fouflradion de
ces derniers produits qui font les moins con-
fidérables . & dès que jai trouvé un nombre
pour le fécond , troifieme , ou quacneme
cliiffre d'une racine , je procède à hcu/nji-
cation de tous les chiffres que j'ai trouvés
pour racines, & je tire le produit , s il efl
pofTible , de toutes les tranches dont j'ai
fait Vextrdcfion.
Ainlî , dans l'exemple propofé , ayant
EXT
trouvé 1(3 » je cuhifie xS , c'eft-à-dîre , que
je multiplie 16 par lui-même, &: que je
mulciplie enfuite le quarro 676 par le même
26 , & trouvant alors 17576 pour cube de
26, je vois que je ne le faurois
tirer de mes deux tranches ij-6ij|i
I f 6a 5 , ce qui m'eft une preuve ■ —
que le chiffre à éprouver 6 de 76
la racine trouvée i6 eft trop ^ 5
fort. Je prends alors le chiffre 4
inférieur j pour l'éprouver , ce
qui fait la racine totale i j . Je cuhifie ce der-
nier nombre 25 , &: trouvant le produit
ou le cube 15625 , qui fe peut tirer ians
refte des deux tranches ij — 625 , je vois
avec évidence que la racine cubique de
I jéiç ert tout jufte 2j.
Si le nombre propofé au lieu de 15625,
n'étoit que 15610,1e procédé donneroit
encore 1 5 pour racine , mais alors le cube
1 561Î de la racine 25 , ne fe pouvant tirer
de 1 5620 , je verrois évidemment que 25
n'eflpas au jufte la racine cubique de 1 5620:
je mettrois donc pour fécond chiffre 4 au
lieu de 5 , ce qui feroit 24 pour racine to-
tale : je l'éleverois au cube , & je tirerois
le cube 1 5824 de 1 56^0 ; &
pour lors je verrois, à n'en 15620
pouvoir douter, que la racine 13S24
cubique de 15610 eft 24, outre 1796
le refte 1796 , lequel fait une
efpece de fradiondont on pÊut
tirer la racine cubique par des procédés
connus ; mais dont je ne parlerai point ici ,
pour ne pas alonger davantage ce morceau
qui paroitra peut-être déjà trop étendu
Au refte , ce qu'on vient d'expofer ici
fur de petits nombres , peut s'appliquer à
tous les autres cas , & pourra même répan-
dre quelque lumière fur ces opérations dif-
ficiles que je n'ai point encore vues traitées
d'une manière fatisfaifante, & que j'ai fait
comprendre à des enfans de dix ans par le
feiil moyen de l'arithmétique employée ci-
defTus.
Le plus grand réfldu poffible d'uneracine
cubique eft la racine elle-même multipliée
par 6 , &* outre cela le plus grand réfidu
pofïïble de la racine immédiatement infé-
rieure. Par exemple , la racine cubique de
26 étant 2 pour d , le réfidu 18 eft le plus
grand réfidu poiïibîe de la racine 2. Or, ce
EXT 707
réfidu efl formé du fextuple 1 2 de la rpcine
1 , & du plus grand réfidu pofTible 6 de la
racine inférieure.
La racine cubiquede 63 étant 3 pour 27,'
le réfidu 36 eft le plus grand réfidu pofTible
de la racine j , or ce réfidu eft formé du
fextuple 18 de la racine ; , & du plus
grand réfidu poffible xS de la racine infé-
rieure 2.
La racine cubique de 1 24 étant 4 pour
64 , le réfidu 60 eft le plus grand réfidu
poffible de la racine 4 , or , ce réfidu eft;
formé du fextuple 24 de la racine 4 , & du
plus grand réfidu poffible 16 de la racine
inférieure 3 , & ainfi des autres. Cet article
eft de M. FaiGUET y m ai ire de penfion
à Paris.
Lorfqu'un nombre n'a pas de racine
exad , il eft facile d'approcher auftl près
qu'on veut de la racine par le moyen du
calcul décimal , fur quoi voye\ les articles
Approximation & Décimal. Il ne
s'agit que d'ajouter au nombre propofé un
certain nombre de zéros , & d'extraire en-
fuite la racine à l'ordinaire.
11 y^a des cas , tels que ceux où la racine
n'eft pas exafte , où il eft plus commode
d'indiquer Vextraâion. Alors on fe fert de
ce figne \/ , auquel on ajoute l'expofant
de la puiffiince , s'il ne s'agit pas de la puil^
fance faconde , car dans ce cas on le fouf-
a
entend quelquefois. Ainfi j/ ou j/ figni-
)
fient racine quarre'e ; V , racine cubique ,'
&c. Voyci Racine.
Au Heu d'extraire la racine quarrc'e-
quarrée , on peut extraire deux fois la
quarrée , parce que j/ = ?/. Au lieu
d'extraire la racine cubo-cubique , on peut
extraire la racine cubique ; & enfuite la
6 2X5
racine quarrée , car y^ = }/ ■ Il y en a
qui n'appellent point ces racines cuto cubi-
ques , mais quadiato-cuhiqut s. Il faut ob'er-
ver la même règle dans les autres cas où les
expofans des puifTances ne font pas des
nombres premiers entr'eux.
Preuve de V extraclion des racines. 1 ' .Preu-
ve de la racine quarrée. Multiphez la racine
trouvée par elle-même ; ajoutez au produit
le refte, s'il y ena un ; & dites quel'opéra-
V V V V 2
7o8 EXT
tion a ké bien faite , fi vous avez une fomme
égale à celle dont on vous avoit propolc
d'extraire la racine quarrée.
2« Preuve de la. racine cubique. Mul-
tipliez la racine trouvée par elle-même , &
Je produit par la racine. Ajoutez a ce dcr-
■ ^ ._ J..L 1,. .«Oa c'i V en a un . & con
nier produit le refte , s'il y en a un , & con-
cluez que Vextraclion a ete bien faite s il
vous vient une fomme égale a celle dont
vous aviei à extraire la racine cubique.
11 n'y a point à' extractions de racines ,
dont la preuve ne fe faiîe de cette maniare.
Extraire les racines des quantité al-ebn-
aues. Le figne radical annonce feul d une
manière évidente V extradition des racinesdes
quantités ajgébriques fimples. Ainfi V aa
eft a , V aacc eûac ,}/ 'jaa ce eft ^ac ,
1/49 a^ XX eik 7 a a x. Pareillement
V „ aa ya'^hh f.aah ,9 a a U
jaj ,A «a ..-8 5 6
i$bb
2 h^
eft
5i
, V/^eft--,K7^3 eft —
& ]/ a a A è eft |/ J è. On a auffi M-^aa ce
ou h^V aa ce = b X ac = abc ,• & 5 c-
ib X X
&
o4- ? '
V
bb »1-_
Il a u
= ^^±^X
9 "
OU
Ifl^l+i^- Je dis que dans ces cas l'ex-
/ra(r7/o/î eft évidente , parce qu on voit du
premier coup-d'œil que les quantités pro-
pofées ont été engendrées par la multipli-
cation des racines qu'on leur attribue , &
aueaa=^aXa,aacc=acXac çiaacc
=3 acX^ac ,&:c. Mais lorfqueles quan-
tités algébriques font complexes ou font
compofées de plufieurs termes , alors / ex
tracfion s'en fait comme celle des nombres.
Soit propofé d'extraire la racine quarree
deaa-\- 1 ab+ bb. Écrivez d'abord a la
racine la racine quarrée du premier terme
a a , favoir a. Souftrayez le quarré de a il
reftera zab-^-bb. Pour trouver le re.te
aa4-zab-{-bb a + b de la racine , di-
— ' vifez le fécond
J'.^lab+bb Î^TW5'^.'n
' , i Z.2. le double de a ou
— 2 ab — pD o j'..
— • par 2. a ; & dites
o o em ab , combien
de fois i a j vous trouverez b de fois, b fera
EXT • ^
doncle fécond terme de la racine cberche'e;
Multipliez i par z (2 + 3 , & fouftrayez le
produit. La fouftraction faite , il ne refte
rien : d'où il s'enfuit que a + b eft la même
racine exaûe deaa-]-2.ab+bb.
Soit propofé d'extraire la racine quarrée
de u'* + 6aib+ y aa 56 — i i a/73 -I- 4 b*.
Mettez d'abord au quotient la racine quar-
rée a a du premier terme a'^. Souftrayez le
quarré de a a , il reftera 6 a' 3 + S ^àbb
_iia/^' + ^b". D'.tes en 6 a^ b, combien _
de fois laa, vous trouverez ^ab; écrivez
donc ? a 3 à la racine. Multipliez 3 a 3 par
xaa + lab , & fouftrayez le produit 6
ai b ■\- <) aa bb. La fouftraâ on faite , il
reftera — 4 iz a bb — it a P + 4 **•
Continuez l'opération , & dites derechef
en a, aa bb — l^ a b^ , combien de fois
xaa+ 6 ab, ou \e double des deux pre-
miers termes , vous trouverez — i bb-
Ecrivez donc à la racine — 1 b b; multi-
pliez — 2. bb part aa -\- 6 ab — i bb , &
fouftrayez ce produit. La fouftradion faite,
il ne reftera plus rien.
D'où il s'enfuit que la racine cherchée eft
aa -^^ ^ab — ibb. Voici l'opération tout
au long.
a'^ + 6a-b + saa bb — iiab' + ^b^' aa+iai
ifet a* I
+ 43*
0—6 a' b-\-s aabb—i2.ab
-\- n a^ b—9 -a-J '"''■•
0—4 aa bb — 1 i ab^ + 4 ^*
4 4 jj bb -t-iioèî — 4_^
Pareillement la racine quarrée de a: -r —
ax^-l=^x-h; celledej-» + 4J -
8y + 4 = 2 J + i.r — i, celle de 16 j*
— i^aaxx-^<)x'^-\- Il bbx X— i6
aa bb + .\l'^— 3 XX.— 4^ a i- Xbb:
comme il paroît par ce qui fuit.
X X — ax -{- \aa\ X
.T X
o — ax •\' 2 eta
o o
9x4 — 24 f
'4-
— 9 r
4-12 i'X^ — 16 "''^^
.4
iX
■—'Haa-\-^bi
O — i4a^ai + '6 a-*
EXT
+ j^Px'— i6a' bb
+ 4 ^*
4
o +4j' +4JJ
o — 4J.y
— 4J'J' — .^J + 4
Soit propofJ dVxrra//£ la racine cubique
dea'4" 5 aaè+ 3 abb-\- ^'. Voici com-
ment cette opération fe fait
_ g» +^aab-\-^abb+ b^\d-\-b
j g g I + 3 aa b\ h
'~â^~TTTâV+J7bT+T^
Extrayez la racine cubique du premier
terme a' , & vous aurez a ; mettez donc a
à la racine. S'ouilrayez le cube de a ou g' ,
il reftera ^ aab-^ ^ abb -{- b^ . Dites :
combien de fois le quarré de g multiplié
par 5 , eft-il dans 3 aa^ ? 11 vous viendra
b de fois ; écrivez donc b à la racine. Souf-
trayez de a' -\- -^ aab -{• ^ jbb-\- b^ , le
cube de a -j- b. La fouftraftion faite , il ne
vous refîera plus rien : donc a-\- b eft la
racine que vous cherchiez. Paieillement 7^
•+ 2. \ — 4 fera la racine cubique de ?* +
6 jj' — 40 ;(' -|- 96 ;j: — 64 : & ainh des
racines des puifîances plus élevées. ( E )
Sur Yextraâion des racines des équations,
voyez Cas irreduclible , Equxtion , Ra-
cine , &c.
On peut extraire facilement "çzx logarith-
ATzej les racines des quantités numériques,
ceft la méthode de tous les calculateurs.
Voyez Logarithme.
Extraire la racine d'une quantité' irra-
tionnelle. Soit, par exemple, 3 — 1 |/ z ,
dont on veut extraire la racine quarrée.on
fuppofera que a- _ j/ y foit la racine cher
chée, & on aura .r x -f-j ^x 1^ J'^^^= ? — 1
l^i\&: faifanc les parties rationnelles égales
aux rationnelles , & les irrationnelles aux
irrationnelles , ci aura x x •]- y = 3 , x
y^y = j/ 1 ; d'où l'on tire x' = — , & —
EXT 7°9
= |-|-] = I ou 1 ; Jonc x = i ou a ;
donc I — 1/ a , ou [/ i — i , efl la quan-
tité cherchée. On peut appliquer cette mé-
thode aux cas plus compofés. 1^. lajlicnce
du calcul du P. Keyneau , Vanalyfe dé-
montiez du même auteur , l'algèbre de
M. Clairaut , & d'autres ouvrages.
C'efl par cette méthode à extraire les
racines des quantités irrationnelles , qu'on
trouve fou vent la racine commenfurable
d'une équation du troifleme degré ', car
5 i
\/ a-\- ]/ b -\- a — \/ b exprimant la
racine d'une telle équation , fi on trouve x
-^rV' y pour la racine cubique de a + ï^ '^
X — y y fera la racine cubi(^ de a — V" b\
ainfi la racine cherchée de l'équation fera
1 x.r;mais lorfque la racine efl commenfu-
rable , il efl plus court de la chercher par
le moyen des divifeurs du dernier terme.
En général l'artifice de la méthode pour
extraire les racines des quantités irration-
nelles , ceft de les fuppofer égales à un
polynôme 'compofé de radicaux &: de quan-
tités rationnelles inconnues , félon qu'on
le jugera le plus convenable. On formera
enfuite autant d'équations qu'on aura pris
d'inconnues ; & chacunes de ces équations
doit avoir des racines commenfurables , fî
le polynôme qui repréfente la racine a été
bien choifi. Aind la l'éfolution de ces équa-
tions n'aura aucune difficulté.
Au relie , le mot extraction fe dit plus
proprement & plus ordinairement de l'opé-
ration par laquelle on trouve les racines des
quantités algébriques ou numériques , que
de celle par laquelle on trouve les racines
des équations , le mot racine ayant deux
fens très-ditférens dans ces deux cas 'V^oy.
Racine. ( O )
Extraction ou Defcendance , en Généa-
logie , fîgnifie la fouche ou la famille dont
une perfonne efl defcendue. ^^oyez Def-
cendance & Généalogie. Il faut qu'un can-
didat prouve la noblefTe de fon extrac-
tion , pour être admis dans quelqu'ordre
de chevalerie ou dans certains chapitres ,
àc. Voyez Chevalier , Ordre , &c.
Extraction , Naijfùnce ou Généalogie.
Voyez Naijfance & Généalogie.
Extraclion , en chirurgie , eft une
-lo EXT
opération par laquelle . à l'aide de qiiel-
qu infîrument ou de l'application de la
main , on tire du corps quelque matière
étrangère qui s'y eft formée , ou qui s'y eft
introduite contre l'ordre de la nature.
Telle eft Vextraâion de la pierre , qui
fe forme dans la vefTie ou dans les reins ,
d'r. Voyeï Pierre. Voyez aufli Lytho-
tomie.
\J extraction appartient à l'exérefe, com.-
me l'efpece à fon genre. Voyez Exérefe &
Corps étrangers.
Extraction , ( Chimie. ) L,'extracrion eft
une opération chimique par laqucl'e en fé-
pare d un mixte , d\m comnoféou d'un fur-
compofé , ua^de leurs principaux confti-
tuans , en apjînquant à ces corps un menf-
true convenable. Cette opération a été
appelée par plufieurs chimiftes , folution
partiale. U extraction eft le moyen général
par lequel s'exécute cette analyfe fi utile à
la découverte de la conftitution intérieure
des corps , que nous avons célébrée dans
plufieurs articles de ce diclionnaire , fous
le nom d'analyfe menjlrueue. Voyez
Analyfe menftruelle , au mot Menjhue.
EXTRADOS , f. m. {Coupe de pierres)
c'eft la furface extérieure d'uiie voîite lorf-
qu'elle eft régulière , comme Vintrados y
foit qu'elle lui foit paraiïele ou non. La
plupart des voûtes des ponts antiques
étoient extradojfe'es d'égale épaift'eur. Le
pont Notre-Dame à Paris eft ainfi extra-
dojfé. ( D )
EXTR ADOSSÉ , adj. en Architecture ,
On dit qu'une voûte eft extradojje'e , lorf-
que le dehors n'en eft pas brut , & que les
queues des pierres en font coupées égale-
ment , enforte que le parement extérieur
eft auïïi uni que celui de la douelle , com-
me à la voûte de l'églife de S. Sulpice à
Paris. ( P )
EXTRAIRE , tirer quelque chofe d'une
autre. Voyez Extraction. En termes de
Commerce,i\ fignifie/a/re le dépouillement
d'un journal ou de quclqu'autre livre à
l'ufage des marchands &; banquiers , pour
voir ce qui leur eft dû par chaque parti-
culier , ou les foitimes qu'ils en ont re-
çues à-compte. ( G )
EXT
EXTRAIT . f m. ( Belles-Lettres ) Çq
dit d'une expo firion abrégée , ou de l'é-
pitome d un plus grand ouvrage. Voyez
Epitoine.
Un extrait eft ordinairement plus court
& plus |uperficiel qu'yn abrégé. Voyez
Abrégé.
Les journaux & autres ouvrages pério-
diques qui paroift'ent tous les mois , & où
Tan rend compte des livres nouveaux,
contiennent ou doivent contenir des ex-
traits des matières les plus importantes, ou
des morceaux les plus frappans de ces li-
vres. Voyez Journal. ( G )
L'extrait d'un ouvrage philofophique ,"
hiftorique , &c. n'exige pour être exad ,
que de la jufteffe & de la netteté dans l'ef-
prit de celui qui le fait. Exprimer la fubf-
tance defouvrage , en préfcnter les raifon-
nemens ou les faits capitaux dans leur ordre
& dans leur jour , c'eft à quoi tout l'art fe
réduit ; mais pottr un extrait difcuté , com-
bien ne faut-il pas réunir de talens & de
lumières ? ^'oyez Critique.
On fe plaignoit que Bayle en impo.Q)itr
à fes leâeurs , en rendant intéreffant l'ex-
trait d'un livre qui ne l'étoit pas : il fiiut
avouer que la pîupartde fes fucceffeurs ont
bien tait ce qu'ils ont pu pour éviter ce re-
proche ; rien de plus fec que les extraits
qu'ils nous donnent , non feulement des
hvres fcientifiques , mais des ouvrages lit-
téraires.
Nous ne parlerons point des extraits dont
l'ignorance & la mauvaife foi ont de tout
temps inondé la littérature. On voit des
exemples de tout ; mais il en eft qui ne
doivent point trouver place dans un ou-
vrage férieux & décent , & nous ne devons
nous occuper que des journaliftes eftima-
blcs. Quelques-uns entr'eux , par égard
pour le public , pour les auteurs & pour
eux-mêmes , fe font une loi de ne parler
des ouvrages qu'en hiftoricns du bon ou du
mauvais fuccès , ne prenant fur eux que
d'en expofer le plan dans une troide ana-
lyfe. C'eft pour eux que nous hafardons
ici quelques réflexions que nous avons
faites ailleurs fur l'art des extraits , appli-
quées au genre cU-amatique, comme à celui
de tous qui eft le plus généralement connu
&: le plus légèrement critiqué.
EXT
%,a partie dii fentimen!: eil du refTort
3e toute perfonne bien organifee ; il ncû
Sefoin ni de combiner ni de réfléchir
pour favoir fi 1 on efl; ému , & le fuffrage
du cœur efl un mouvement fubit & rapide.
- Le public à cet égard ed donc un excellent
juge. La vanité des auteurs méconte:îS peut
bien fe retrancher fur la légèreté françoife ,
îî contraire à riilulîon , & fur ce caradere
enjoué qui nous difirait de la htiiation
■ la plus pathétique , pour faifir une allufion
ou une équivoque plaifante. La figure , le
ton , le gcfte d'un adeur , un bon mot
placé à propos , ou tel autre incident plus
étranger encore à la pièce, ont quelque-
fois fait rire o j Ton eût dû pleurer ; mais
quand le pathétique de l'afiion efl fou-
tenu , la plaifaacerie ne fe foatient point :
on rougit d avoir ri , & l'on s'abandonne
au plaifîr plus décent de verfcr d^s lar
, mes. La fenfibilité & 1 enjouement ne
s'excluent point , & cette alternative cft
commune aux François avec les Athéniens,
*qui n'ont pas laifle de couronner Sopho-
cle. Les François frémifTent à Kodogune ,
& pleurent à Andromaque : le vrai les
touche , le beau les faifît ; & tout ce qui
n'exige ni étude ni réflexion , trouve en
eux de bons critiques. Le journalifle n'a
donc rien di mieux à faire que de rendre
compte de rimpreffion générale pour la par-
tie du fentiment. Il n'en efl pas ainii de la
partie de l'art; peu la connoiHent , & tous
en décident : on entend fouvent raifonner
là defTus . & rarement parler raifon. On
lit une infinité d^extraits & de critiques des
ouvrages de théâtre ; le jugement fur le
Cid efl le feul dont le goût foit facisfait ;
encore n'efl- ce qu'une critique de détail,
où lacadémie avoue qu'elle a fuivi une
mauvaife méthode en fuivant la méchode
de Scudéri. L'académie étoit un juse éclai-
ré , impartial &: poli , peu de perfonnes
l'ont imitée ; Scudéri étoit un cenfeur ma-
lin , groflïer , fans lumières , fans goût : il a
eu cent imitateurs.
Les plus fages , effrayés des difficultés
que préfente ce genre de critique , ont pris
modeflement le parti de ne faire des ouvra-
ges de théâtre que de fimples analyfes; c'efl
beaucoup pour leur commodité particu-
lière , mais ce n'efl rien pour l'avantage
EXT -711
des lettres. Suppofons que leur extraie em-
brafTe & développe tout le defîein de 1 ou-
vrage , qu'on y remarque 1 ufage & les rap-
ports de chaque fil qui entre dans ce tifTu ,
1 analyfe la plusexatle & la mieux détaillée
fera toujours un rapport infuflifant donc
fauteur aura droit de fe plaindre. Rappe-
lons-nous ce mot de Racine , ce qui me
diflingue de Pradon, c'ejî que je fais écrire:
cet aveu efl fans doute trcs-modefle ; mais
il G^ vrai du moins que nos bons auteurs
différent plus des mauvais par les détails &
le coloris, que par le fond & l'ordonnance.
Combien de fituations, combien de traits,
de caraderes que les détails préparent ,
fondent , adouciffent , & qui révoltent
dans un extraie ? Qu'on dife fimplementdu
Mifantrope qu'il efl amoureux d'une co-
queite qui joue cinq ou fix amans à la fois ;
qu on dife de Cinna qu'il confeille à Au-
gufle de garder I empire , au moment où
il médite de le faire périr comme ufurpa-
teur ; quoi de plus choquant que ces difpa-
rates ? mais qu'on life les fcenes où le
Mifantrope fe reproclie ù pafïïon à lui-
même , où Cinna rend raifon de fon def-
fein à Maxime, on trouvera dans la nature
ce qui choqiiùit la vraifemblance. Il n'efl
point de couleurs qui ne fe marient , tout
l'art confifle à les bien nuer, & ce font ces
nuances qu on néglige de faire appercevoir
dans les Lnéamens d'un extrait. Un croit
avoir a^'ez fait quand on a donné quelques
échantillons du flyle \ mais ces citations
font très - équivoques , & ne laifTcnt pré-
fumer qus très- vaguement de ce qui les
précède ou les fuit, vu qu il nefl point
d ouvrage o'i l'on ne trouve quelques en-
droits ail defî'us ou au deflous du flyle gé-
néral de I auteur. Un efl donc injufle fans
le vouloir , peut-être même par la crainte
de 1 être , lorfqu on fe borne au fimple
extrait Ik à l'analyfe hrîlorique d un ouvrage
de théâtre. Que penferoit on d'un critique
qui , pour donner une idée du S. Jean de
Raphaël , fe borncioit à d re qu'il efl de
grandeur naturelle , porté fur un aigle ,
tenant une table de la main gauche , &
une plume de la main droite ? Il efl des
traits fans doute dont la beauté n'a befoin
que d'être indiquée pour être fentie ; tel
eft , par exemple , le cinquième ade de
711 EXT
Rodogune : tel eft le coup de gc?nie de
ce peintre qui , pour exprimer la douleur
d'Agamemnon au facrifice d'iphigénie ,
1 a reprJlenté le vifage couvert d un voile;
mais ces iraits font auffi rares que prc
cieux. Le mûite le plus ge'nJral des ou-
vrages de Peinture , de Sculpture , de
Poche tft dans lexécuticn ; & dès qu'on
fe bornera à la fimple analyfe d un ou-
vrage de goût , pour le faire connoitre ,
on fera auffi peu raifonnaLle que fi 1 on
prjtendoit fur un plan gtométral faire
juger de l'architeclure d'un palais. On ne
peut donc s'interdire e'quitablement dans
un extrait littéraire , les re'flexions & les
remarques inféparables de la bonne critique.
On peut parler en fimple hiflorien des
ouvrages purement didactiques ; mais on
doit parler en homme de goût des ouvra-
ges de goût. Suppofons que l'on eut à faire
V extrait de la tragédie de Phèdre; croiroit-
on avoir bien inflruit le public , lî , par
exemple , on avoir dit de la fcene de la
déclaration de Phèdre à Hyppolite.
» Phèdre vient implorer la proteiflion
d'Hyppolite pour fes enfans , mais elle
oublie à fa vue le dertein qui l'amené. Le
cœur plein de l'on amour , elle en laifïe
échapper quelques marques. Hyppolite
lui parle de Thc'fc'e , Phèdre croit le re-
voir dans fon fils ; elle fe fert de ce détour
pour exprimer la palTion qui la domine.
Hyppolite rougit & veut fc retirer ; Phe
dre le retient , cefTe de diffimuler , &
lui avoue en même temps la tendrefl'e
qu'elle a pour lui , & 1 horreuf qu'elle a
d'elle même ».
Croiroit-on de bonne foi trouver dans
fes Icdeurs une imagination afTez vive
pour fuppléer aux détails qui font de cette
efquifle un tableau admirable ? Croiroit-on
Ls avoir mis à portée de donner à Racine
les éloges qu'on lui auroit refufés en ne
parlant de ce morceau qu'en fimple liiflo-
■^rien ?
Quand un journalifte fait à un auteur
l'honneur de parler de lui , il lui doit les
éloges qu'il mérite ; il doit au public les
critiques dont l'ouvrage efl fufceptible ; il
fe doit à lui-même un ufage honorable de
l'emploi qui lui cft confié: cet ufageconfilfe
à s'établir médiateur entre les auteurs Se
_^E X T
le public ; r éclairer poliment Paveugle
vanité des uns , & à rectifier les jugemens
précipités de l'autre. C eft une tâche péni-
ble & difhcJe ; mais avec des talens , de
l'exercice & du zèle , on peut faire beau-
coup pour le progrès des lettres , du goût
&: de la raifon. Nous l'avons déia dir , la
partie du ientiment a beaucoup de con«
noiffeurs , la partie de l'art en a peu ,
la partie de 1 efprit en a trop. Nous enten-
dons ici par efpnt, cette efpece de chicane
qui analyfe tout , ôc même ce qui ne doit
pas être analyfe.
Si chacun de ces juges fe renfermoit dans
les bornes qui lui font prefcrites , touc
feroit dans 1 ordre : mais celui qui n'a que
de l'efprit , trouve plat tout ce qui neft
que fcnti : celui qui n'eft que fenfible ,
trouve froid tout ce qui n'eft que penfé ;
&; celui qui ne connoît que l'arc , ne fait
grâce ni aux penfées ni aux fencim.ens , dès
qu on a péché contre les règles : voilà pour
la plupart des juges. Les auteurs de leur .
côté ne font pas plus équitables ; ils
traitent de bornés ceux qui n'ont pas été
frappés de leurs idées , d infenfibles ceux
qu'ils n'ont pas émus , & pédans ceux qui
leur parlent des règles de lart. Le journa-
lifte eft témoin de cette diffention , c'cft à
lui d'être le conciliateur. Il faut de l'auto.-
rité , dira-t-il , oui , fans doute , mais il lui
eft facile d'en acquérir. Qu'il fe donne la
peine de faire quelques extraits , où il exa-
mine les caraderes & les mœurs en philofo-
phe , le plan & la contexture de l'intrigue
en homme de l'art , les détails &: le ftyle en
homme de goût : à ces conditions , qu'il
doit être en état de remplir , nous lui fem-
mes garans de la confiance générale. Ce
que nous venons de dire des ouvrages dra-
matiques , peut & doit s'appliquer à tous
les genres de littérature. \'oy. Critique.
EXTRAIT , f m. ( BtUes-Lettres.) On a
calculé qu à lire quatorze heures par jour ,
il faudroit huit cens ans pour épuîfer ce que
la bibliothèque du roi contient fur l'hif-
toire feulement. Cette difproportion défef^
pérante de la durée de la vie avec la
quantité des livres dont chacun peut avoir
quelque chofe d'intéreftant , prouve la né-
cefTité des extraits. Ce travail bien dirigé
feroit un moyen d'occuper utilement une
multitude
EXT
jnultitude de plumes que l'oifiveté rend
nuifibles ; & bien des gens qui n'ont pas
le calent de produire avec l'intelligence que
la nature donne , & le goût qui peut s'ac-
quérir , réufFiroit à faire des extraits pré-
cieux. Ce feroit en littérature un attclier
public , où les défœuvrés trouveroient à
vivre en travaillant. Les jeunes gens com-
menccroient par là ; &: de cet attelier il
fortiroit des hommes illulîres & formés en
dilférens genres.
Il n'y a point de fi mauvais livres dont
on ne puifTe tirer de bonnes chofes , difent
tous les gens d efprit & de goût. Il n'y a pas
non plus de fi bons livres dont on ne puilie
faire un extrait malignement tourné qui
défigure l'ouvrage & 1 avil fie : c'eft le mi-
férable talent de ceux qui n'en ont aucun ;
c'efl: l'indu flrie de la baffe malignité , &
l'aliment le plus favoureux de l'envie ; c'ell
par cette leSure que les fots fe vengent de
l'homme d'efprit qui les humilie , & qu'ils
goûtent le plaifir fecret de le voir humilié
.à fon tour. C'eft- là qu'ils prennent l'opi-
nion qu'ils doivent avoir des produdions
du génie, le droit de le juger eux mêmes
& des armes pour l'attaquer. De là vient
iquedans un certam monde, les plus chéris
■de tous les écrivains , quoique les plus mé-
prifés , font des barbouilleurs de feuilles
périodiques , qui travaillent les uns honteu-
.fement & en fecret , & les autres à décou-
vert avec une fiere impudence , à dénaturer
par leurs extraits les produirions du talent.
On reproche à Bayle d'avoir fait d'excellens
extraits de mauvais livres , & d'avoir
trompé les lefteurs par l'intérêt qu'il favoit
prêter aux ouvrages les plus arides ; les cri-
tiques dont nous parlons ont trouvé plus
facile de dépouiller que d'enrichir, 6?le re-
proche qu'on fait à Bayle eft le feul qu'il ne
mérite pas.
Suggon Fiflejfo fior , ne prati Hiblei ,
Ape henigna e l'ipera crudele;
E fecondo grinJJtnti , o buoni , o rei ,
L'una in tofio il coni-'erte , & l'ahra in
melle. ( M. Mabmontel. )
Extrait {Jurifpnid. ) fignifie ce qui
eft tiré d'un afte ou d'un regiftre , ou au-
tre pièce. Quelquefois on entend par cet
.extrait un abrège y quelquefois une copie
entière.
- Tome XIIL
EXT
7ï;
Extrait baptiftere , eft une expédition
d'un ade de baptême , tiré fur le regiftre
deftiné à écrire ces fortes d'ades. \'oyez
Baptême & Regiflres.
Extrait h'galife , eft celui dont la vé-
rité eft atteftéc par une perfonne fupérieure
à celle qui a délivré l'extrait. Voyez Le'ga-
lifation.
Extrait de mariage , eft une expédition
ou copie authentique d'un afte de célébra-
tion de mariage , nré fur le regiftre deftiné
à écrire les mariages. Voyez Mariage &
Regijlre des- mariages.
«
Extrait fur la minute , eft une expédi-
tion tirée fiu* la minute même d'un ade ,
à la différence de ceux qui font tirés feu-
lement fur une expédition ou fur une copie
co'.lationnée. Le premier , c'eft - à - dire >
celui qui eft tiré fur la minute , eft le plus
authentique.
Extrait mortuaire , eft l'expédition d'un
ade mortuaire , c'eft à-dire , la mention
qui eft faite du décès de quelqu'un fur le
regiftre deftiné à cet effet. Voy. Mortuaire
& Regijlre mortuaire.
Extrait d'un procès , eft l'abrégé d'un
procès , c'eft - à - dire , un mémoire qui
contienne la date de toutes les pièces , &
le précis de ce qui peut fervir à la décilion
du procès. Les rapporteurs ont ordinaire-
ment un extrait à la main , pour foula-
ger leur mémoire , lorfqu'ils font le rap-
port d'un procès. Le fecrécaire du rappor-
teur fait ordinairement fon extrait du pro-
cès , pour foulager le rapporteur ; mais je
rapporteur doit voir les chofes par lui-
même , & ne doit pas fe fier à l'extrait de
fon fecrétaire , qui peut être infidèle , foit
par inadvertance , ou pour favorifer une
des parties au préjudice de l'autre. Le rap-
porteur doit donc régulièrement faire lui-
même fon extrait i ou fi bien vér fier celui
de fon fecrétaire , qu il puifte attefter les
faits par lui-même. On voit dans le ftyle
des cours , des lettres-patentes du roi , de
l'année léij , pour difpenfer un confeiller
de faire lui-même les extraits , à caufe qu'il
avoit la vue bafte. Ceux qui fe fervent de
Y extrait de leur fecrétaire , font ordinaire-
ment, en le vérifiant , un extrait à leur
Xxxx
EXT EXT
manière, & plus concis, qu'on appelle le 1 ici. Voyez Suc , fnfufion , DécocTion , &
Fécule.
7Ï4
fous- extrait.
Extrait des Regiflres , ceft ce qui eH
tiré de quelque regiftre public. Cet in
ritulé fe mec en tête des expéditions des
jugemens qui ne font délivrés qu'en abrégé,
c'eft-à-dire , qui ne font pas en forme exé-
cutoires. Les extraits des regiflres des bap-
têmes ) mariages , fépultures , Ùc. font or-
dinairement des expéditions entières des
ades qu'ils contiennent. Voy. Expédition ,
Regijires & Jugement.
Extrait de Sépulture , voyez Extrait
mortuaire.
Extrait de Bâtard dans quelques cou-
tumes , comme Boulenois , Hainaut &
Montreuil, fignifie le droit que les feigneurs
haut jullicicrs ont de partager cntr'eux les
biens dun bâtard décédé fans harnois &
ab intejlat. Voyez Extrayeres. {A)
Extrait , ( Chimie , Pharmacie , &
Thérapeutique. ) Ce mot pris dans le fens
chimique le plus général , fignifie un prin-
cipe quelconque , féparé par le moyen d'un
menftnie d'un autre principe , avec lequel
il étoit combiné , ou pour le définir en
deux mots , le produit de lextradion. Voy.
Extraclion.
Le nom d'extrait eu beaucoup plus ufité
dans un fens moins général, & il eil prefque
reflreint par Fufage à défigner une matière
particulière, retirée de certaines fubllances
végétales , par le moyen de l'eau.
Len.enflrue aqueux , qui efiTinflru ment
de cette féparacion , ou fe trouve dans
la plante même , ou on le prend du dehors :
dans le premier cas , qui efï celui des
plantes aqueufes , on les écrafe & on les
exprime ; par là on obtient un fuc chargé
par diflbhition réelle de lapartie extradive,
& par contufion de la fécule de la plante,
& de fa réfine particulière , lorfqu'elle
eft réfineufe. Si on applique une eau étran-
gère à une plante , on en fait rinfufion
ou la décodion , & enfuite l'expreffion :
la liqueur , fournie par ces opérations , eft
auïïi ordinairement, troublée , par la pré-
fence de quelques matières non difToutes :
or ce n'eft que la matière réellement dif-
foute , combinée chimiquement avec l'eau,
qui efl le véritable extrait dont il s'agit
Pour préparer un extrait , c'eft- à-dire ,
pour le retirer de l'eau , & le féparer des
paities étrangères ou féculentes , on n'a
donc qu'à prendre certaines infufions, cer-
taines décodions , certains fucs , les défé-
quer par la réfidence , par la filtration à
travers la chauffe , ou les clarifier par le
blanc d'oeuf ( voyez Défécation , Filtra-
tion ) Clarification ) , &c évaporer enfuite,
à ieux doux , ordinairement au bain-ma-
rie y jufqu'à la confiftance appelée dVr-
tratt mou , ou fimplement à extrait ; ex-
prelfion fufRfamment exade, parce qu'on
ne réduit que rarement les extraits fous
forme folide.
La confiftance d'extrait , eft l'état de
la mollefte à peu près , moyen entre la
confiftance firupeufe,& la confiftance des
tablettes , ou l'état Iblide ( voyez Snop ,
Tablettes. ) On apprend fuiiiiamnient par
l'habitude , à failir quelques lignes fenfi-
bles , auxquels on reconnoit cet état , qui
eft eflentiel à la perfëdion de l'extrait, &
fur-tout à fa confervation ; il faut que le
doigt éprouve quelque réfiftance , en prcf-
fint un extrait refroidi ; il doit laifter à fa
furface une preffion durable, & s'en déta-
cher fans en rien emporter , c'eil-à-dire ,
ne pas coller.
'L'extrait que nous voulons défigner ici,
eft d'une couleur noirâtre, & d'une faveur
plus ou moins amere, toujours mêlée d'un
goût de réfine , ou de caramel. Les fubf-
tances végétales , qui fourniflent un pareil
extrait , font les racines, les tiges, les bois,
les écorces , les plantes , celles des fruits
& des femences , & enfin les fleurs.
Vitrait confidéré généralementcomme
la matière des décodions par leau de ces
fubftances végétales , ou comme leur fuc
clarifié , épaifti , & auquel convient la
defcription que nous venons d'en faire ,
peut contenir diverfes fubftances ; favoir,
toutes les matières végétales , folubles par
1 eau ( voy il Eau , Chimie ) , le corps
doux, le mucilage , & les autres cfpeces du
corps muqueux : mais les fubftances retirées
par l'évaporation des décodions & des
fucs végétaux , ne font appelés extraits _,
qu'autant qu'une certaine fubftance parti-
EXT
ciiîiere , favoir , celle qui donne lieu à cet
article , y prédomine.
Cette fubftance particulière , appelée
fpécialement extrait , eft mal connue des
chimifles. Voici cependant les propriétés
auxquelles on la reconnoit : l'extrait pro-
prement dit , a éminemment cette faveur
, amere , fuivie d'un arrière goût de fu-
cre brûlé , que nous avons énoncé plus
haut. Diftillé à la violence du feu ( dans
des vaiffeaux très- élevés , car ilfe gonfle
facilement , voyez Diftillation ) , il donne
à peu près les mêmes principes qu'une
plante purement extraûive ( voyez Ana-
lyfe i^e'ge'tjle , au mot Végétal ) ,• il elî
combuftible : on' retrouve dans fes cen-
dres , comme dans celles d'une plante de
l'alkali fixe , du tartre vitriolé &: du fel
marin : lorfqu'il cft bien delTéché, il ell
en partie foluble par l'efprit de vin ; mais
ce qui le caradérife proprement , c'eft fon
unirerfalite dans toutes les fubflances que
nous avons nommées plus haut. Les diffé-
rentes efpeccs de corps muqueux , fe trou-
vent dans un petit nombre de ces fubilan-
xes , & y font comme accidentelles ou
étrangères : Vextrait eft le principe de la
compofition intérieure des organes de la
plante ; il eft cette matière générale , qui
le retire par l'eau de toute feuille , racine ,
Ùc. Comme ce n'efî ordinairement que dans
des vues pharmaceutiques qu'on prépare
des extraits , & qu'on n'a pas obfervé que le
mélange des fubflances muqueufes altérât
la vertu médicinale de l'ifxrriiz/ proprement
dit , on ne fe met point en peine de les en
féparer , excepté qu'elles n'empéchafient
que le m.édicament ne tût de garde ; car
dans ce cas , ou il faudroit les féparer , ou
renoncer à pofféder fous la forme d'extrait,
la matière médicamentale d'une pareille
plante : on ne s'avife point , par exemple ,
de préparer l'extrait de guimauve , par
iette dernière raifon.
Mais fi on vouloir préparer un extrait
dans des vues philofophiques , il faudroit
tâcher de le féparer de ces diverfes fubf-
tances ; ce qui n'eft pas aifé : l'unique moyen
que nous connoifTons aujourd'hui; c'eflde
partager le temps pendant lequel on ap-
plique l'eau , ou d'en varier la chaleur,
6z d'obferver dans quel tçmps ou à quel
EXT jrs
degré fe fépare la fubftance qu'on veut
rejeter , & celle qu'on veut retenir.
Les extraits renferment fous un petit
volume tous les principes utiles des fubf-
tances , dont la vertu médicinale ne réfi-
doit point dans des principes yolatils ,
diffipés par la décodion ou l'évaporation ,
ou dans des parties terreufes ou réfineufes ,
léparées par la défécation , ou épargnées
par le menftrue aqueux.
Les plantes aromatiques , & celles quî
contiennent un alkali volatil Lbre , ne
doivent donc point être expofées aux opé-
rations qui fourniftent des extraits ,• au
moins ne doit- on pas efpérer de concentrer
toute la vertu de la plante dans l'extrait :
on ne doit pas non plus fe propofer d'ex~
traire , par le moyen de l'eau , les parties
médicamenteufesdes fubftanccs, qui n'opè-
rent que par leurs racines ; c'eft ainfi qu'on
ne doit point fubftituer la décoftion ou
l'extrait du jalap à fa poudre. Certaines
écorces très-terreufes , comme le quinqui-
na , peuvent être dans plulieurs cas , des
remèdes bien difFérens de ces matières
données en fubftance , à caufe de l'effet
abforbant dû à leur terre , qui ne pafTe
qu'en petite quantité dans l'extrait.
Certains végétaux inodores , tels que le
féné , l'ellébore , qui font des purgatifs
três-efîîcaces , donnés en fubftance ou ea
infufion , fourniftent des extraits qui ne
purgent que très- foiblement : les rofes
perdent auflî par une longue évaporation ,
leur vertu purgative ; quelques autres au
contraire , tels que l'écorce de fureau ,
donnent des extraits qui retiennent toute
leur vertu purgative.
Le principal avantage que nous four-
nifTent les remèdes réduits fous la forme
d'extraits , c'eft la facilité de les con-
ferver & de les faire prendre aux ma-
lades.
Uextrait eft toujours une préparation
officinale. On trouve dans diverfes phar-
niacopées plufieurs extraits compofés. La
pharmacopée de Paris n'a retenu que
l'extrait panchymagogue. Voyez Panchy^
magogue.
Les fels de la Garaye font des extraits.
^'^oyez Hydraulique. ( Chimie. )
Certains fucs épaifUs, comme le cachouj
Xxxx i
7îô' EXT
l'hypoclftis , l'opium , & l'aloès , font des
extraits folides ; voye^ ces articles, h^tht-
riaque ct'lefte eft un extrait compole. V oy.
Tliérlaque.
Outre les mc'dicamens dont nous venons
de parler-, on connoît encore fous le nom
^extrait pluficurs préparations pharmaceu-
tiques , tire'es des lubftances métalliques ;
mais ces préparations font plus connues
fous le nom de teinture. [ Voyez Sitbjran-
ces métalliques & Teinture j : le leul ea--
tralt de mars eft fpécialement connu fous
ce nom .Voyez Fer. ( b')
Extrait , dans le commerce y a diverfes
fignifications.
11 fignifie I*. un projet de compte qu'un
négociant envoie à fon correfpondant , ou
un commiffionnaire à fon commettant ,
pour le vérifier.
2°. Ce qui eft tiré d'un livre ou d'un re-
giftre d'un marchand. 'L\xtralt d'un jour-
nal forme un mémoue.
3°. Ceft aufli un des livres dont les
marchands & banquiers fe fervent dans leur
commerce : ('U l'appelle autrement Inre de
ralfon , & plus ordinairement le grand li-
vre. Voyez Lh're. Chamhers.
EXTRA JUDICIAIRE , adj. ( Jun^fp.)
fe dit des ades qui non feulement font faits
hors jugement & non coram jiidice pro
trlhunall fedente , mais auffi qui ne font
point partie de la procédure & inftruc-
tion.
Ce terme extrajudlclalre eft oppofé à
judiciaire:, ainfi une réquifition eft judi-
ciaire , ou fe fait judiciairement , quand
elle eft formée fur le barreau. Les affi-
gnations , défenfes , & autres procédures
tendantes à inftruire l'aftaire & à en
pourfuivre le jugement , font auflî des
aâes judiciaires , c'eft-à-dire , formés par
la voie judiciaire ; au lieu qu'un fimple
commandement , une fomfnation , un pro-
cès-verbal , & autres ades femblables ,
quoique faits par le miniftere d'un huiftier
ou fergent , font des ades extrajudlclal-
res , lorfqu'ils ne contiennent point d'aftl-
gnation.
Les afles judiciaires ou procédures tom-
bent en péremption , au lieu que les a^es
EXT
extrajudlclalres ne font fujets qu^à la pref-
cription. {A) ,■ r r
EXTRAORDINAIRE , ad), figmfie
quelque chofe qui n'arrive pas ordinaire-
ment. Voyez Ordinaire.
Courlers extraordinaires , font ceux
qu'on dépêche exprès dans les cas preflans.
Ambaffàdeur ou envoyé extraordinaire^,
eft celui qu'on envoie pour traiter & né-
gocier quelque affaire particulière & im-
portante , comme un mariage , un traité ,
une alliance , &f. ou même à l'occafion
de quelque cérémonie , pour des compli-
mens de condoléance , de congratulation,
èc. Voyez Ambajfadeur S>i oniinalre.
Une gazette , un journal , ou des nou-
velles extraordinaires , font celles qu'on
publie après quelqu'événement important ,
qui en contiennent le détail & les particu-
larités , qu'on ne trouve point dans les
nouvelles ordinaires. Les auteurs des ga-
zettes fe fervent de poft-fcrif)ts ou fiip-
plémens , au lieu d'extraordinaires. Cham-
bers. r \ r ■
Extraordinaire , ( Junfpr. ) iigni-
fie fouvent procédure criminelle. Quelque-
ibis les procureurs mettent ce mot fur
leurs dolTiers , pour dire que la caufe n'eft
point au rôle d'aucune province , mais doit
fe pourfuivre à une audience extraordi-
naire.
Audience extraordinaire , eft celle que le
juge donne en un autre temps que celui qui
eft accoutumé.
Frais extraordinaires de criées , voyez
Criées & Frais.
Jugement à l'extraordinaire , c'efl-a-
dire, celui qui eft rendu fur une inftruÔion
criminelle.
Procédure extraordinaire , c'en en géné-
ral la procédure criminelle , il faut néan-
moins obferver ce qui eft dit dans l'article
fuivant. > a i r
Règlement à V extraordinaire ^ c eft lorl-
que le juge ordonne que les témoins feront
récolés & confrontés ; car jufque-là la pro-
cédure , quoique criminelle , n'eft pas ré-
putée vraiment extraordinaire.
Reprendre l'extraordinaire , c'eft lorfqu'a-
près avoir renvoyé les parties à l'audience
fur la plainte & information, ou même
avoir converti les informations en en-
EXT
quêtes , on ordonne , attendu de nouvelles
charges qui font furvenues, que les tc'moins
feront re'colés & confrontés.
Voie extraordinaire , c'eft la procédure
criminelle. Prendre la voie extraordinaire,
c'dl fe pourvoir par plainte , information ,
ùc. au lieu que la voie ordinaire eft celle
d'une fimple demande civile. {A)
EXTRA TE MF OR A, {Junfprud.)
eft une exprefîion purement latine , qui
eft de ftyle dans la chancellerie romaine ,
pour fignifier une difpenfe , par laquelle
le pape permet de prendre les ordres hors
les temps de l'année prefcrit par les canons ,
& fans garder les interftices de droit. Voj.
Interstices. Ces temps prefcrits pour
Ja réception des ordres facrés font les quatre
femaines qu'on appelle quatre temps. Voy.
Quatre temps. {A)
EXTRAVAGANTES , [Jun/pr.) eft
le nom que l'on donne aux conftitutions
des papes , qui font poftérieures aux clé-
mentines : elles ont été ainfi appelées guq/i
vagantes extra corpus juris , pour dire qu'el-
les étoicnt hors du corps de droit canoni-
que f lequel ne comprenoit d'abord que le
décret de Gratien ; enfuite on y ajouta les
décrétales de Grégoire I X , le fexte de
Boniface VIII & les clémentines. Enfin les
extravagantes ont été elles-mêmes inférées
dans le corps de droit canonique ; elles font
placées à la fuite des clémentines , à la fin
du troifieme tom.e , qu'on appelle commu-
nément le fexte , ou liber fextiis decretalium
de Boniface VIII.
Il y a deux fortes A' extravagantes , favoir
celles de Jean XXII & les extravagantes
comrrmnes.
Les extravagantes de Jean XXII font
vingt épîtrei décrétales ou conftitutions
de ce pape , qui ont été diftribuées fous
quatorze titres fans aucune divifion par
livres , attendu la brièveté de la matière.
On ignore précifément en quel temps cette
collection parut. Son auteur mourut en
François de Pavinis , Guillaume de Mon-
telauduno & Zenzelinus de Caffan , ont
fait des glofes & apoftilles fur ces extrava-
gantes.
Celles qu'on appelle extravagantes com-
fiunes font des épitres , décrétales ou conf-
EXT 71;
titutions de divers papes qui tinrent le faint-
fiege , foit avant Jean XXII ou depuis ;
elles font divifJes par livres comme les
décrétales , & l'on y a fuivi le même ordre
de matières : mais comme il ne s'y trouve
aucune conftitution fur les mariages , qui
font l'objet du quatrième livre des décré-
tales , on a fuppoié que le quatrième livre
âi^s extravagantes communes manquoit ; de
forte qu'il n'y a que quatre livres qui font
intitulés premier , fécond , troijieme , &
cinquième.
Ces extravagantes n'ont par elles-mêmes
en France aucune autorité , fi ce n'eft au-
tant qu'elles fe trouvent conformes aux
ordonnances de nos rois & aux ufages du
royaume ; de forte qu'elles font rejetées
toutes les fois qu'elles fe trouvent contrai-
res aux libertés de l'églife gallicane , ou à
notre droit françois. i^A)
EXTRAVASAT1.0N, EXTRAVA-
SION , f. f. [Médecine.) font des termes
fynonym.es en médecine , qui fignifient une
effujion hors des vaijfeaux , de quelque
humeur que ce foit ^ dans le corps humain;
foit qu'elle fe foit répandue dans le tifTu des
parties , comme le fang dans l'échymofe ;
ou dans quelque grande cavité , comme la
féroiité dans l'hydropifie.
L'un & l'autre de ces mots font formés
du latin extra , dehors , & va/a , vaifTeau ;
ils ne différent que par la terminaifon , qui
eft arbitraire.
L'extravafation peut être caufée par une
replétion extraordinaire , ou une trop forte
diftention , qui dilate trop les orifices des
vaifTeaux , ou en déchire les parois. Voye^
Pléthore.
L'excoriation & l'erofion des parties con-
tenantes peut aufti donner lieu à l'épanche-
ment des parties contenues. Voye\ ACRI-
MONIE. Il peut auiTi être une fuite de la
faignée , des contufions , lorfque le fang
fe répand entre chair & cuir. Voye\
ECHYMOSE.
Les remèdes propres à prévenir l'extra-
vafation ou à la corriger , ne peuvent être
déterminés que relativement aux diffé-
rentes caufes qui peuvent la pi'oduire , ou
qui l'ont produite : tels font la faignée , les
évacuons contre la pléthore y les adoucif-
7i8 EXT
fans contre l'acrimonie, les réfolndfs contre
la contufion , £'f-
Lorfque Wxtravafatïon eft fuivie d'un
e'panchement confidàable d humeurs dans
quelque cavité , le remède le plus fur eft de
fe hâter d'en faire l'évacuation , par le
moyen des opérations propres a cet ettet ;
telles que celle du trépan pour 1 intérieur du
crâne , l'empyeme pour l'intérieur de la
poitrine , la paracenthefe pour 1 intérieur
EXT
enfuite tirez C A , dont le quatre eft égal à
Donc
AB^ ^- CB" ='Tiaa.
A C
poitrine , la paracenincic p.^-. ■ ;, ,
du bas ventre, la ponéhon pour Ihydro-
cele, 6v. Koye^ Trépan , Empyeme ,
Paracenthese , Ponction , t'c. Kd)
EXTRA VASE , fe dit en agriculture du
fuc qui fort de fes vaiffeaux lymphatiques ,
pour fe répandre dans le tifTu cellulaire.
Le fuc propre des plantes étant extrauaje ,
leur caufe des maladies ou des accidens ,
comme le fang extrai'afé en produit dans les
animaux. i r •
Ce fuc végétal s'extravafe quelquefois,
de manière qu'il fort entièrement des vaii-
feaux , &: fe montre au dehors , tantôt tous
la forme de réfine , comme au pm &
à l'épicia ; tantôt fous celle de gomme .
aux cerillers , aux pruniers pêchers ,
abricotiers , aux ormes, en fève epaillie ,
Ùc. En fortant ainli des plaies des arbres ,
il caufe moins de dommage que lorlqu il
fe répand dans les vaiffeaux lymphatiques
ou dans le tilTu cellulaire. ( + )
EXTREME, {_Géom.) Quand unehgne
eft divifée , de manière que la ligne entière
eft à l'une de fes parties, comme ^cette
même partie eft à l'autre , on dit en geome-
t- e que cette ligne eft divifée en moyenne
& extrême railbn. Voici comme on trouve
cette divifion : Soit la ligne donnée A B
^u{Pl. i^éom. fig. 6i, n. i ,• )foitle grand
fegment x , le petit fera a — x ,-aIors par
1 hypothefe a:x::x:x- a. Donc a a
— a x = x X, par confuqucnt a a — xx
A-ax:&:en ajoutant laade chaque cote ,
pour faire àex x -]- ax + i a ann quarre
parfait , l'équation fera .^.aa^xx + ax
Or , " puifque la dernière quantité eft
cxaacment un quatre, fa racine x+ï^
y ijg ; & par tranfpofition on trouvera
l/J77^ia = x. Celapofé, fur^^ B
= a, élevés à angles droits C B — ? a j
l/ ^ aa ; avec A C décrivez l'arc AD,
vous aurez CA = CD ; ainfi BD = CD
— CB = Vi a a — ^a = x. Portez
donc B D fur la ligne A B , depuis B juf-
qu'en E; & la ligne ^ ^ fera coupée ea
moyenne & extrême raifon au point £.
Cela ne peut pas fe faire exaftement par
les nom'ores ; mais fi on veut avoir une ap-
proximation raifonnable , il iaut a)outer
enfemble le quatre d'un nombre quelcon-
que & le quarré de fa moitié , & extraire
par approximation la racine quarree de toute
la fomme .d'où, ûtant la moitié de la gran-
deur donnée , le refte fera le plus granfj
fesment. Voy- APPROXIMATION,
Extraction, & l'article Equation,
ùc.(E) , ,
Extrême d'une proportion , lont le
premier & le quatrième terme. Voy. Pro-
portion &i moyen. , r\T /- Xyf
Extrême , ( Metaphyf.) En 1767, M.
Changeux fit imprimer à Pans deux volu-
mes nz-i a, qui ont pour titre , traite des
extrêmes, ou e le mens de la jcience de La.
réalité. Nous allons donner une notice de
ce favant ouvrage ; nous croyons qu elle
pourra être utile & agréable aux phi ofophes
& aux littérateurs. Ce traite eft divile en
dix livres ; dans le premier qui ne contient
que 60 pages , l'auteur établit la théorie de
tout fon fyftême, & dans les neuf livres fui-
vans, il fait une application de fes prmcipes
aux arts & aux fciences. L'avertift^mentou
plutôt la préface nous apprend que 1 auteur
avoir entrepris défaire, ^om\ encyclopédie,
l'article RÉALITÉ , que peu a peu les idées
en fe développant , ont forme deux volu-
mes ; il ajoute qu'il commence par dilhn-
guer la réalité de la vérité , &: qu il a cher-
ché à découvrir le caraflere de la réalité ,
de la même manière que Delcartes avoïc
découvert celui de la vérité : qu 1 a trou-
vé que le moyen de reconnoitre la réalité
étoit fondé fur un principe , d ou decou-
loient une foule de conféquences dans tous
les genres de connolft^inces : il a)0ute que
la fcience de la réalité eft plus dure que celle
de la vérité, avec laquelle on ne pourra
1 plus à l'avenir la confondre. Il dit : voici 1«
EXT
principe fur lequel porte toute cette fcîence.
JDjns la conflitution préfente de l'homme ,
Us extrêmes fe touchent fans fe confondre ,
6* la réalité ne fe trout-'e que dans le milieu
qui e/î entre les deux extrêmes.
L'auteur dit que les extrêmes ne font pas
feulement des mots qui n'expriment que
des rapports ; ils font encore relatifs aux
difFérens efprits : c'cfl l'infini appliqué à
tous les genres de connoifTances, à tous
les objets de ces connoiffances. M.
Changeux croit que l'infini eft conçu
différemment par tout les hommes ,
& que ce qui efl infini par rapport à un
ignorant , ne l'eft point par rapport à un
favant ; qu'il y a autant d'ordres d'infinis
qu'il y a d'hommes qui font ufage du
raifonnement , & quoique tous les cha-
pitres de cet ouvrage puifTent être enten-
dus différemment , cependant tous les
hommes en tireront nécefïairement les
mêmes conféquences ^ & les mêmes lumiè-
res fur la réalité, parce que la réalité
occupe le milieu entre les extrêmes. Il
ajoute que , quoique les hommes fe fou-
cient peu de la réalité , & que l'on ne
puifTe pas fe flatter de leur faire aban-
donner leurs chimères , il eft cependant
utile de les entretenir du vrai bien : ils ne
font pas fâchés de connoître les moyens
d'être fages & heureux , lors même qu'ils
font le plus déterminés à ne point faire
ufage de leurs connoiffances ; ils jouiffent
alors , au moins en idée , des biens dont
ils fe privent. Enfin M. Changeux obferve
que dans la jeuneffe où l'empire tout puif-
fant de l'habitude n'a point encore détruit
la nature , il eft probable que fi l'on en-
feignoit la fcience de la réalité comme
elle doit l'être, on pourroit rendre la jeu-
neffe infiniment plus fage , parce que cette
fcience , efl propre à l'iiomme , & c'eft
peut-être la feule que les fouverains doi-
vent pofféJer à fond : il faut en effet qu'ils
fâchent en quoi coufifte la réalité en tout ,
pour ne point fe tromper & pour n'être
point trompés : dans cet objet ils n'ont be-
foin que de connoître parfaitement le
principe unique &: fimple dont il efl quef-
tion j & d'apprendre à en faire ufage.
Dans le chapitre premier , au premier
livre j M. Changeux définit les extrêmes ,
EXT
7ip
& 11 en examine les propriétés. Il dit que k.
extrêmes font toutes les chofcs ou les quali-
tés des chofes , lorfqu'on les étend, ou lorf~
qu'on les diminue autant que l'imagination
le permet ; c'eft-à-dire, qu'on leur donne,
autant qu'elles en font fufceptibles , un
caradere d'infini dans les deux genres op-
pofés : il dit , que fans ce caraftere d'in-
fini il eA évident que plufieurs chofes ne
feroient point parfaitement extrêmes. Ce
mot à'injini marque donc une impoffibilité
d'ajouter ou de retrancher quelque chofe
de l'objet ; en un mot il n'y a que l'infini ,
ou le nombre infini en grandeur, & le
nombre infini enpetiteffe, qui puificntêtre
dc\\\ extrêmes ; ce font alors deux abfolus
parfaitement oppofés. Il eft évident qu'il
faut raifonner des êtres & de leurs qualités
différentes comme de la grandeur ou de la
petiteffe numérique qui font extrêmes.
Dans le chapitre fécond , M. Changeux
montre comment deux extrêmes font op-
pofés entr'eux : telle cft V extrême grandeur
& l'ra-rrf /72e petiteffe. L'oppofitionparcon-
tradidion , telle que l'exiftence 6c la non-
exiflence ne font pas des extrêmes , parce
que l'être & le non être n'ont rien de com-
mun ; l'on ne peuf rapprocher ni éloigner
leurs parties.
Dans le chapitre troifîeme , on prouve
que les extrêmes fe touchent, par exemple,
les angles exceffivement aigus , & les an-
gles exceffivement obtus , qui font deux
extrêmes, fe rapprochent infiniment de la
ligne droite ; il en eft de même dans tou-
tes les fciences. Nous avons beau confidé-
rer les chofes par leurs extrêmes , ces ex~
trêmes fe rapprocheront & fe confondront
dès que nous tâcherons de les diflinguer
en nous éloignant de la nature. On fait
voir dans le chapitre quatrième , que , fî
les extrêmes fe touchent , c'efl toujours
fans fe confondre , c'eft-à-dire , quoiqu'ils
fe i^approchent infiniment & d'une manière
fi prodigieufe qu'ils peuvent être dits fe
toucher immédiatement , cependant ils ne
fe confondent point ; enforte que fi nous
ne les difîinguons plus , nous fentons ce-
pendant qu'ils ne font pas les mêmes , &
qu ils ne peuvent point être identifiés:
ainfi quoique le mouvement extrême & le
repos parfait fe rapprochent infiniment.
720 EXT
& puiflent devenir une chofc pour
\sjous , ils ne font pas cependant une
même chofe en eux-mêmes. On peut s'en
convaincre en comparant le mouvement
infini rétrograde avec le mouvem.ent infini
direô.
Dans le chapitre cinquième , on tire dif-
férentes confc'quences du rapprochement
àcs extrêmes. M. Changeux obferve que ,
quand il a dit afioXes extrêmes fe touchent,
il a voulu indiquer que les effets qu'il pro-
duifent fur nous , ont une reflemblance ,
une analogie infiniment rapprochée ; mais
elle ne les rend pas pour cela parfaitement
femblables en eux-mêmes : il y a plus , cette
analogie infiniment rapprochée naît de leur
tloignement infini. A le bien prendre , il
s'enfuit que deux extrêmes ne fe touchent
point dans ce fens , qu'ils deviennent une
feule £: même chofe ; ils font feulement
infiniment près l'un de l'autre. La loi du
rapprochement infini des extrêmes ne figni-
fie donc autre chofe , fi ce n'eft que lorf-
qu'ils font infiniment éloignés , ils fe re-
joignent immédiatement, & fi l'on fuppofe
qu ils séloignent plus qu'infini.nent , ils fe
rapprocheront plus qu infiniment, toujoui's
d'autant plus qu'ils s*eloigneront , fans
que jamais on pu.fTe les confondre. On
voit que l'auteur imagine plufieurs ordres
d'infi.nis.
Cette loi invariable du rapprochement
liait-elle de la nature des choies , ou de
notre conrtitution préfente ? & fi notre
manière de fentir & la foiblefle de notre
jugementnousy affuietrifrent, ne peut-on
pas dire aulfi que dans in nature elle n'en
efl: pas moins obfervée? Eln effet, les loix
générales s'y réduifent en dernière analyfe ,
& il eft évident que l'ordre de l'univers
fuhfifie par loppcfition des contraires. Les
élémens fans ceffe oppofés confervent
entr'eux une fubordinat on qui les éloigne
des extrcmcs ; ils procurent par la vertu de
cette loi fimple la mervcilleufe variété qui
règne dans le monde On peut admirer le
même effet dans 1 économie animale , dans
l'ordre politique, &e.
La doctrine uaiverfelle des anciens fe
borno.t à appliquer à la phyfique & à la
morale cet adage , ce proverbe ou cet apo-
phthegme f quiquid efi viokmum non eji
EXT
diirahile , tout ce qui eft violent n'eft pas
durable ; in medio rtnits , la vertu confifte
dans le çiilieu : voilà à peu prés à quoi fe
réduifoit , chez les anciens peuples inftruits,
toute la dodrine des extfémis: ces principes
étoient îa bafe de la morale & ce la politique
d'Ar.ftote.
Le chapitre fixieme eft employé à mon-'
trer que la loi du rapprochement infini dej
extrêmes éS. une loi générale, qui s'applique
à nos fenfations & à nos idées, c'eft-à-dire ,
à l'univers tel que nous le concevons ; car
1 univers de 1 homme n'eft que le réfultat
(^e ces réflexions fur fes propres fenfations y
il n'en eft pas diftingué dans fon origine :
cette loi regarde donc l'homme , foit qu'il
raifonne , foit qu'il fente.
Le chapitre feptiem.e enfeigne ce que
l'on nomme vrai milieu entre \i^extrêmes y
& ce que Xors.â^'^^Q milieu apparent. L'au-
teur dit, que le vrai milieu eft un point éga-
lement diftant entre deux ou plufieurs ex*
trémite's oppofées : ce milieu conftitue le
plus haut degré de la réalité ; mais la réalité
exifte cependant aufll dans tous les autres
points intermédiaires qui ne font que les
milieux apparens.
S'il eft vrai que le jufte point du milieu
foit le plus haut degré ou \e fummum de
réalité , &: fi les extrêmes fe touchent , il
fuit delà, i**. que toutes les chofes que
nous appercevons par les lenfations & par
les idées , doivent être placées entre les ex~
trêmes : tout ce qui eft hors de cette fphere
n'exifte point pour nous , & fe perd
dans l'abîme du néant, z". Le centre exad
qui fépare les deux extrêmes , doit être
le point où le plus grand degré d'exiftence
des chofes doit fe taire fentir & perce-
voir : ainfi dans les lenfations fimples
où V extrême vivacité & V extrême ïoWÀe^i
des imprefîions fe rapprochent , ce fera
entre la io\h\Q(['c extrême & l'tavrfW viva-
cité que l'on trouvera le plus haut & le
plus pur degré de volupté. 1! en fera de
même pour les fenfations compofées extrê-
mement variées ou extrêmement fimples.
L'odeur affedera donc délicieufemenc
mon odorat , quand elle n'agira ni trop
vivement , ni trop foiblement fur les
papilles nerveufes qui font l'organe de
l'odorat. Un concert produit une fcnfa-
tiou
E T T
tion tn}s compofJe , mais il ne peut plaire
à l'oreille que lotlque les accords font
tellement variJs , que lunité foit encore
apperçue , & que la fimplicité ne detruife
point la variété ; & à mefure que je ferai
en état de percevoir une plus grande quan-
tité d'accords , la variété m'en plaira da-
vantage; j'exigerai donc une mulique plus
compofée , lorfque la fphere de mes fenfa-
tions dans ce genre, fera agrandie pour
moi , & je me plairai à m'éloigncr de la
fimplicité , dans la même proportion que
la variété deviendra plus perceptible à
mon ouie.
Si Ton eft fage on doit donc borner fes
defirs à la portée de fes fens & des circonf-
tances où l'on fe trouve.
Il fuit de cette.théorie , i*'. que l'on ne
doit point blâmer les plaiiirs des autres en
voulant juger de leur fenfations par les
nôtres: 2.°. que le vrai milieu entre les
extrêmes eft unique , c'eft-à-dire , le même
pour tous les hommes : 3'^. que les milieux
apparens font infinis: 4°. que les hommes
font prefque dans l'impofTlbilité de goûter
le plus haut degré de réalité , parce qu'il
n'occupe qu'un point: j°. que la nature
paroît indiquer ce point aux animaux qu'elle
a privé de la liberté: 6". que l'homme
qui approche de ce point, autant qu'il eft
poiîible , eft heureux.
Le chapitre huitième enfeigne ce que
c'eft que la réalité , en quoi elle diftere de
la vérité , &: qu'elle eft le caractère de l'une
&; de l'autre. M. Changeux répète que la
réalité eft le point du milieu entre les ex-
trêmes ; il ajoute qu'il y a une réalité exté-
rieure pour nous ; elle eft indépendante de
notre manière de fentir & de juger, elle
convient aux chofes qui exiftent hors de
nous & à nous mêmes : il dit que telle eft
notre ignorance que nous ne nous connoil-
fons que par le fentiment intérieur , & non
par une lumière intuitive. Cette première
efpecc de réalité n'eft pas diftinguée de l'ef-
fence des chofes: elle n'eft point du reft'ort
<le notre efprit.
La féconde efpece de réalité peut être
nommée intérieure ou imrinfeque , parce
- qu'elle comprend tout ce que nous éprou-
vons à l'occafion des êtres. En effet nous
ne connoiflbns point immédiatement les
To~:e XIIL
EXT 7ti
objets , nous ne les appercevcns que par le
moyen des fenfations qu ils opèrent, dans
nous.
Les chofes que nous pouvons compren-
dre font placées entre les extrêmes ,&crieti
d'infini ne peut être l'objet de notre efprit
& de notre adion. Nous fommes renfer-
mes entre deux termes qui n'ont aucun
bout , c'eft - à - dire , dans un efpace in-
termédiaire qui n'a point de réalité abfo-
lue , & qui , en même temps , n'eft pas le
néant pur.
Notre ignorance eft fi grande , que
quoique nous ne puiftions pas douter que
nous n'exiftons pas feuls dans l'univers, puif-
que nous ne nous donnons pas nous mêmes
nos fenfations ; cependant nous ne fommes
pas également fûrs s'il y a autant d'êtres
phyfiques exiftans , qu'il y a de qualités
apperçues par ces mêmes fens i ou fi confor-
mément à l'idée de lévêque Berckley,il
n'y a hors de nous qu'un feul être intelli-
gent qui eft Dieu , c'eft-à-dire , un être
qui nous donne les fenlations différentes
que nous éprouvons , fans qu'il foit befoin
de recourir à d'autres êtres pour nous pro-
curer des fenfations.
Les hommes ne devroient s'occuper que
de la réalité intérieure ; mais ils veulent
également differter fur la réafité extrin-
feque , & ce qu'il y a de pire , ils confon-
dent ces deux efpeces de réalité ; ils appli-
quent aux objets extérieurs ce qui ne con-
vient qu'à leurs fenfations , ou bien ils at-
tribuent à leurs fenfations & à leurs per-
ceptions ce qui ne convient qu'à des objets
extérieurs qui les occalionnent. Tous les
favans travaillent pour découvrir comment
nos fenfations font liées enfemble ; mais,
en fe bornant à ces recherches, ils ne peu-
vent point pénétrer Teffence des chofes ,
c'eft-à-dire , en connoître la nature exté-
rieure , ce qui doit être l'objet important
de la philofophie.
Si les favans étoient bien convaincus
que toute leur étude doit fe borner à con-
noître les différentes fenfations , leur
union , leur dépendance mutuelle que les
mots ne font qu'exprimer, ils atteindroient
le but , ils ne réaiiferoient pas leurs idées
& leurs abftradions.
J'obferve en partant , que fi l'on veuc
Yyyy
722 EXT
voir un développement à peu prés parfait
de ce fyfl^me , on doit lire l'Extrait rai-
foiine du traité des fenfations , qui a été
publié à Paris, chez Jombert , en 175 j
in-iz , à la fuite du Traité des animaux
par M. Tabbé de Condillac.
Le chapitre neuvième démontre que la
réalité des chofes n'efl: qu'hypothétique ,
c'eft à-dire , qu'elle n'cll: fondée que fur la
conftitution préfente de 1 homme ; elle
n'eft que fa manière de fentir & de juger ,
qui réfulce de la conformation des organes;
de forte que les chofes qui font pour nous
extrêmes , ne le feroient plus (1 nos organes
étoient plus parfaits : peut-être qu'alors
il y auroit des cas où il n'exifleroit plus
d'extrêmes pour nous & où nous verrions
les chofes en elles-mêmes.' Cet état eft
celui , où , dégagés des liens delà matière,
nous ne connoîtrons plus par des moyens,
c'eft à-dire , par nos organes , mais nous
connoîtrons immédiatement , & fans le
fecours des fens. M. Changeux ajoute que
l'être fîmpie eft le feul pour qui il n'y ait
point d'extrêmes , & qui , dans les chofes,
ne diftiague point la réalité de l'elTence.
Nous n'avons d'idées de cette connoifTance
parfaite que par 1 imperfedion de notre
nature.
Dans le chapitre dixième on apprend ,
1'. quily a une vérité effentielle, c'eft-
à-dire , qui efl propre à léternel & aux
efprits purs qui ne fe fervent point d'mf-
trumens matériels , tels que nos fens , mais
qui voient les chofes dans leur première
efTence : i^. une vérité contingente ou
hypothétique , c eft-à-dire , celle qui eft
propre à 1 homme ; elle a lieu pendant
l'union de i'ame à notre corps. On nomme
cette vérité hy pathétique, pance qu'elle n'eft
point fondée fur Peffence même des chofes,
mais fur notre manière de les appercevoir.
Quand on dit parmi nous que les vérités
font éternelles , l'on ne doit entendre autre
chofe fi ce n'eft qu'en fuppofant une telle
conformation d'organes , & un tel univers,
les hommes doivent toujours former les
mêmes idées particulières , & les combiner
d'une telle manière invariable pour ne pas
fe tromper. Les vérités ne font que des
rapports apperçus entre nos perceptions
& nos idées abltraites ; or ces perceptions
EXT
& ces idées , pouvant changer par le moyen
d'un autre organifation , les vérités doi-
vent par conféquent auifi changer. Les
proportions de mathématique n or.t de la
force que parce qu'elles font fondées fur
des perceptions claires , dont les rapports
ne laiftent aucun doute à Teiprit. Ces pro-
pofitions générales font identiques , elles
ne font que préfenter à l'eiprit les percep-
tions fimpies que Ion a par le moyen des
objets extérieurs : c'eft de la même manière
que l'on forme les propolitions évidentes
dans toutes les icienqes. On peut fe con-
vaincre de cette vérité en analyfant ces
propolitions , 2, & i font 4 . . . 11 , à des
grandeurs égales on ajoute des grandeurs
égales , les produits feront égaux.
La vérité eft un être métaphyfique ,
c'eft-à-dire, une idée qui n'a rien de réel :
il faut analyfer & décompofer le terme
pour lavoir ce qu'il fignifie dans les mathé-
matiques , dans la phyfique , dans la mo-
rale &c. 1°. Les vérités mathématiques
font fondées , comme 1 a dit M. Buffon ,
dans le premier dilcours fur YHifloire natu-
relle , tom. I , fur des luppofitions , fur des
abftracliions de la matière , fur des déiini-
tions invariables , dont l'efprit unit , fé-
pare & combine de mille manières les con-
féquences. La dernière propofition n'eft
vraie que parce qu'elle eft identique avec
la précédente, & ainh de fuite , en remon-
tant jufqu'à la première fuppofition. Ce
que Ion appelle vérité mathématique fe ré-
duit donc à des identités d'idées, elles n'ont
donc aucune réalité , puifque les fuppofi-
tions n'en ont point : les conclufions que
nous tirons ne font donc vraies que rela-
tivement à ces fuppofitions. C'eft par cette
raifonqu ellesontl avantage d être touiours
exa'fles & démonftratives. 1". Les vérités
phyfiques font au contraire fondées fur des
îaits , & plus ils font connus , plus ils font
familiers ; plus ils font fréquens , plus ils
font certains. La mathématique appliquée
à ces faits fert à exprimer le nombre des
effets , & leur grandeur ; mais jufquà ce
jour l'on n'a pu appliquer le calcul aux au-
tres propriétés des corps. 3''. Les vérités
morales ont pour objet , & les adions des
hommes qui font quelque choie de phyfi-
que^ûclçs rapports qui les unifient cntr'cux ;
EXT
ces rapports font un objet métaphyfiqiic
comme celui des mathcrriatiques. 4^^. Les
ve'ritJs thcologiques font d'un ordre fupé-
rieur à la raifon. Nous ai^pelons les re'rék'ts
parce que fans la révélation l'efprit ne pour-
roit les connoître. Un myrterequi ne feroit
pas incompréhenfible , ne feroit pas un
myftere , c'eft-à dire , un fait vrai dont
l'efprit ne voit pas les liaiîbns ou la dé-
monrtration.
Le chapitre onzième nous fait voir que
la vérité diffère de la réa'ité , en ce que
parla réalité l'on entend tout ce qui exille
par rapporta nous ; elle fe borne au monde:
mais la vérité apparj:ient aux idées réelles ,
& aux idées faâices ; elle a. pour objet
non feulement le monde qui exifte , mais
encore tous ceux qui peuvent exifter ; elle
combine les abftiadions , les poiTibilités ,
les infinis.
Le chapitre douzième démontre que
l'évidence ell le carailere de ^a vérité : mais
comme il n'y a que les idées abflraites qui
foient fufceptibles d'évidence , il fuit de là
que l'évidence ne nous inflruit point par
elle-même de la réa'ité des objets. Par
exemple , la fcience des mathématiques ell
très-évidente , mais elle ne porte point
fur la réalité..
Dans le chapitre treizième l'auteur
prouve que la certitude eft le carafiere de
la réalité : les faits ne font pas fufceptibles
d'évidence, mais limplement de certitude :
les raifonnemens au contraire font fufcepti-
bles d'évidence.... L'auteur montre enuiite
les vains efforts qu'ont lait les philofoph.es
pour affigner le caradere de la réalité , &
pour donner le moyen de le connoître ; il
dit qu'Ariftote a inventé l'art d'argumen-
< ter , plutôt que l'art de connoître la certi-
tude qui convient au raifonnement , &: fa
logique n'efl: point propre à faire connoître
la certitude dans aucune Icience.
Le chancelier Pacon , dans fon Norum
orgjnu:n , a tenté de fubftituer l'étude des
chofes à celle des mots. Il veut que les
feules expériences & les obfcrvations nous
conduiient aux idées générales, et auteur
montre le chemin pour ne point s'égarer
dans la route qu'il trace ; mais il ne nous
EXT 72J
donne point le flambeau par le moyen du-
quel on peut reconnoitre lévidence. Une
i'cule expérience fauffe peut renverfer la
conclufion de la méthode des indu étions
inventée , propofée &: mife en pratique par
cet auteur ... Ôefcartes a été heureux dans
la recherche du caraélere de l'évidence , &
non pas dans celle du caracl ère de la cer-
titude. Locke , en rejetant les idées in-
nées , & démontrant les bornes de l'ef-
prit humain , £v. a fait voir l'origine des
chofes ; mais il n'a pas montré en quoi
confifte leur certitude.
Dans le chapitre quatorzième , M.
Changeux prouve que dans aucun des
fyftémcs qui ont précédé le iien , les
philofophes dogm.atTjues , pyrrhoniens ,
l'piritualiftes j fpinofiftes , n'ont point
donné les moyens de reconnoitre la réalité,
& dans le chapitre quinzième il fait voir
combien il feioit utile de convenir d'un
point commun d'où l'on puiffe partir dans
les fciences , dans les belles-lettres & dans
les beaux arts , pour établir leurs princi-
pes , ou pour produire leurs chefs d'œuvre.
Les philofophes éleéliques , & ceux qui
n'admettent pour unique preuve des vérités
que l'expérience , ont évité les écueils y
dans lefquels font tombés les dogmatiques,
les pyrrhoniens , les fpiritua'iftes & les fpi-
nofiftes : cependant faute d'avoir préfenc
le principe de la réalité qui confifte dans la
recherche du milieu entre les extrêmes y
ils ont fouvent cru au deffus de l'eipric
humain des chofes qu'il peut connoître ,
& ils ont jugé qu'il étoit impoffib'e de
connoître quantité de chofes qui font du
reffort de notre entendement. M. Chan-
geux montre enfuite dans le chapitre XVI,
que la fcience des extrêmes n eft néceffaire
qu'à 1 homme qui raifonne pour découvrir
la réalité. L'homme parfaitenent fauvage,
s il en exiftoit , n'auroit pas beîbin de
parcourir les deux extrêmes , il n'éprou-
vcroit point , comme l'homme civililé ,
des partions qui 1 éloigntroient de la na-
ture &: de la route fure que fon inftind
lui indiqueroit ; le fentiment lui feroic
aimer & pourfuivre la réalité fans la lui
11 ire conno'tre. L homme civilité , au
contraire , qui ne ie laiflè plus guider par
ce fentiment intérieur , la comiOÎt fouvent
Y.yyy x
724 EXT
fans la fuivrc ; mais il eft toujotirs oblige
tle la connoîcre avant que d'agir s'il ne veut
pas à tous momens fe laifTer tromper par
lés penchans divers qui le tyrannifent ; il
faut qu'il réfiéchiiTcéz qu'il examine mûre-
ment les objets oppofcs , vers lefquels il fe
fent entraîné ; il iaut qu'il porte fes vues
vers les extrémités où elles peuvent s'éten-
dre , pour retourner enfuite fe placer dans
le jufte milieu où il doit être pour bien
juger , c'eft-à-dire , pour fe placer dans la
route que le fcntiment feul indique à
l'homme fauvage à moins de frais , avec
moins de danger , & avec moins de peine.
Il efl évident qu'il faut moins de frais pour
fentir que pour connoitre : le fentinienr ne
trompe jamais , & le raifonnemcnt trompe
fouver.t , parce qu'il ne nous porte pas vers
les extiîmes avec la même vélocité ', il ne
nous les fait pas pefer & examiner égale-
ment , par conféquent il ne nous permet
pas de nous placer dans le vrai milieu ;
mais feulement dans un milieu apparent :
enfin il y a n''/)ins de peine à fe livrer au
fentiment , qui n'eft que la pente naturelle
du cœur , qu'à fe guider par le tâtonne-
ment du raiibnnement , qui exige des ef-
forts de l'elfirit , que peu d'hommes font
capables de faire.
Le dix-luiitieme &: dernier chapitre du
premier livre , démontre que l'art de con-
noitre la réalité , efl auffi l'art de fe rendre
heureux. Celui-là feul eft heureux qui con-
noît le vrai prix des chofes ; il d, flingue ce
qu'elles ont de réel &: de vrai , il ne fe laifTe
point éblouir par l'éclat de la vaine appa-
]"ence ; il ne délire que les biens folides qui
font en- fa puiffance , & que perfonne ne
peut lui ôtcr malgré lui: la vertu , l'amour
du devoir: il fait le confoler des événemens
les plus triftcs ; les accidens n'ont prefque
lien qui l'étonné ou qui l'ébranlé , parce
qu'il n'y voit que la volonté d'un Dieu qu'il
adore & qu'il aime; l'aveugle fupcrlHtion,
le barbare fanatilme n'ont aucun pouvoir
lur fon Time ; la terreur des fantômes ne
trouble point fa férénité ; il confent à
ignorer ce qu'il ne peut découvrir dans la
condition où il fe trouve ; il fait tout ce
qu'il doit favoir , ou du moins il tâche de
J'apprt^ndre tous les jours, par le moyen des
principes évidens qu'il poil ede : il a affez I
EXT
apprécié les chofes pour en connoître la
vanité , & pour être perfuadé que la bien-
faifance , l'humanité & la vertu font les
feulsvrai»plaifirs, qui peuvent fatisfaire un
cœur bien né , parce qu'ils le fatisferont
pendant toute Téternicé. Tel eft l'homme
qui mefure les extrêmes pour connoître la
réalité , & qui, ne s'en tenant point à une
vaine fpéculation , s'eft lait une habitude
du bien : lui feul ici-bas peut mériter le
nom d'heureux.
Dans le Lvre fécond , M. Changeux em-
ploie neuf chapitres pour montrer l'appli-
cation du principe que nous venons de
rapporter , & pour décrire l'effet des extrC'
mes dans le fpcdacle général de la nature,
& dans l'étude que les hommes en font. Le
troifieme livre traite dans trois chapitres ,
de l'ulage de la confidération des extrêmes
dans la métaphyfique. M. Changeux em-
ploie dans le quatrième livre un égal nom-
bre de chapitres , jjour faire voir le jeu des
extrêmes dans la théologie. Le c nquieme
livre des extrêmes dans la phyfique contient
dix chapitres , & le fixieme livre en con-
tient vingt , pour développer la mère
matière. Dans le feptieme oa voit les
effets des extrêmes dans la morale ; ils font
développés dans vigt-neuf cl.apitres. Les
extrêmes dans la politique font démontrés
dans les onze chapitres du livre huitième.
Dans le neuvième livre , on fait connoitre
la néceffité de confidérer les ext-êmes dans
la grammaire. Le dixième & dernier livre
fait voir dans treize chapitres la néceffiré
de fe guider par la connoiffance des extrê-
mes dans les belles-lettres & dans les beau::-
arts. Il nous a été impoffible d'abréger da-
vantage l'analyfe du premier livre , parce
qu'il contient les principes fondamentaux
dufyfféme. Dans l'article RÉALITÉ , nous
donnerons une notice de l'application du
pi'incipe unique de M. Changeux , & nous
y joindrons un précis de f hiltoire littéraire
au fujet de ce traité des extrêmes. ( V.
A. L. )
EXTRÊME-ONCTION , f {.(The'ol.)
facrement de l'égbfe catholique , inflitué
pour le foulagcment fpiritucl & corporel
des malades , auxquels on le donne en leur
faifant diverfes ondions d'huile bénite par
révoque } q^u'on accompagne de diverfes
EXT
prières qui eypriment le but & la fin do ces
enflions. Sa matière cil l'huile , & fa
lorme la prière, voje:^ Sacrement ,
Onction , Forme , matière , &>.•.
Les proteflans ont retranché Vextrcrne-
onaioii du nombre des lacremens , contre
le témoignage formel de l'écriture &l la
pratique corvrtante de Téglife pendant le.ze
iîecles.
On l'appelle extrtme-onclion , parce que
c'eft la dernière des ooi?;ions que reçoit un
clirétien , ou qu'on ne la donne qu'à ceux
qui font à l'extrémité , ou au moins dange-
reufement malades. Dans le treizième f lecle
on la nommoit onàtion des malades, uncho
infvinorum, &: on la leur donnoit avant le
viatique ; uibge qui , félonie P. Mabillon,
ne fiit changé que dans le treizième fiecle,
mais qu'on a pourtant confervé ou rétabli
depuis dans quelques tglifes , comme dans
celle de Paris.
Les raifons que ce favant btnédifiin ap-
porte de ce changement , c'eft que dans ce
temps là il s'éleva plulieurs opmions erro-
nées , qui furent condamnées dans quelques
conciles d'Angleterre. Un cro)'oit , par
exemple , qje ceux qui avoient une tois
reçu ce facremerit , s'ils venoient à recou-
vrer la fanté , ne dévoient plus avoir de
commerce avec leurs femmes , ni prendre
de nourriture , ni marcher nuds pies : quoi-
que toutes ces idées fuffent fauflbs &. très-
mal fondées , on aima mieux , pour ne pas
fcandalifer les iimples , attendre à l'extré-
n ité pour conférer ce facrement ; & cet
nfage a prévalu. On peut voir fur cette
matière les conahs de Ï^VorceJler ù d' Ex-
celler en 1 1 Sy ,• celui de IVince lier en i ; oSy
Ù le P. Mabillon, a<r7.iS .y. i>enedjirc.iij,p. i .
La forme do Wxtiùne oncl.on éroit autre-
fois indicative & abfolue ; comme il paroit
par celle du rit ambrofi^n , citée par S.
Thomas , S. Bonnaventure , Richard de
Saint-Victor, fe'c. Arcudius, /. V. deextrem.
itnct. cap. V. en rapporte aulii de femblables,
ulitées ci'.ezlesGrecs : cependant, générale-
ment chez ceux-ci, elle a été déprécative,ou
comme en ferme de prière ; celle qu'on It
dans l'euchoioge, p. 417 , commence par
ces .TiOts , p:itcr fj/icle, auirr.ururî Q ccrpo-
ru/n ;r.ed:-ce, &c. Celle de l'églife latine efi:
sufli déprécative depuisplus de 600 ans : on
EXT 715
trouve ce'le-ci dans un ancien ricuel manuf-
critde Jumiege , quia au moins cette anti-
quité: per ijium uncJionem ^ fu.impujjî-
mam miféricordiamindulgeat tihi Domimis
qaidqiiid peccafli per fifum , &c. qu'on
trouve dans tous les rituels iaits depuis; &
ainfi des autres ora fons relatives aux
ondions qui fe font fur les diiférèntes parties
du corps du malade.
Ce facrement tft en ufage dans l'églife
grecque & dans tout l'orient, fous le nom
de ïhulle Jaime. Les Orientaux i'adminif-
trent avec quelques circonftances différen-
tes de celles qu'emploient les Latins; car,
[■renant littéralement ces paroles dei'apj-
tre S. Jacques dans fon épitre , chap. v ,
^.'•4) Injirmatur quis in l'ohis ? Indue. :s
preshytcros ecclejice y & orem laper eum un-
gentes eum cleo in nornine Domini , &c. ilff
n'attenden-t pas que les malades foient à l'ex-
trémité , ni même en danger ; m.ais ceux-ci
vont eux-mêmes à l'églife, où on leur
adminiflre ce facrement toutes les fois
qu'ils font indifpofés : c'efl ce que leur re-
proche Arcudius , ///'. r , de txcrem. uncl.
cap. ult. Cependant le P.Goar en-reconnoif-
lant la réalité de cet ufage dans les égLfes
orientales , dit que cette ondion n'eft pas
facramentelle , mais cérémonicile , & don-
née aux malades dans l'intention de leur
rendre la fanté ; comme on a vu quelque-
fois dans l'éghfe latine , des évêques & de
fa ntsperfiinnages employer à la même fin
les ondions d'iunle bén':te , ainfi qu'd pa—
roît par une lertre d'Innocent 1 , à Decen-
tius , rapportée dans le tom. II des conciles,
pag. îz.^8. Outre cela les Grecs alTemblene
plufieurs prêtres & jufqu'au nombre de
fept , pour des raifons mifliques & allégo-
riques , qu'on peut voir dans Arcudius &
dans Siméon de Tbeffalonique. Il paroit
par le facramentaire de S. Grégoire , de l'é-
dition du P. Menard , pag. 25J? , que dans
l'égl.fe latine on cmployoit aufli plufieurs
prétiX'S ; mais l'ufage préfent efl qu'un,
feul prêtre confère validement ce facre-
ment.
Le P. Dandini , dans fon voyage du
Mont-Liban , diflingue deux fortes d'onc-
tions chez les Maronites; l'une qu'on ap-
pelle Yoncrson arec l huile de h lampe ; mais
cette ondion , dit-il , n'eft pas celle du
71g EXT
faCrement qu'on n'adminifîroit ordinaire-
ment qu'aux m;i ades qui t'toienc à l'extrt-
mitJ ; parce que cette huile cfl confacrte
feulement par un piètre , & qu'on la donne
à tous ceux qui fe préfentent , fains ou
malades indifféremment , même au prêtre
qui oiTcie. L'autre efpece d'ondion , liii-
vnnt cet auteur , n'eft que pour les malades;
elle fe fait avec de l'huile que l'c-vêque leul
confacre le jeudi faint , & c'ell à ce qu'il
paroît leur onâion facramentelle.
Mais cette ondion.avec l'huile de la
lampe ed en ufage non feulement chez les
Mai-onites, mais dans toute l'églife d'O-
rient , qui s'en fert avec beaucoup deref-
peâ. Il ne paroit pas même qu'ils la dif-
tinguent du facrement de Vextrême-onc7ion,
i\ ce n'eft comme fobferve le P. Goar ,
qu'ils la regardent comme une fimple ce're-
monie pour ceux qui font en fuite , &
comme un facrement pour les malades. Ils
ont dans les grandes églifes une lampe dans
laquelle on conferve l'huile pour les mala-
des , & ils appellent cette lampe lu lampe
de r huile jointe à la prière. (G)
EXTREMIS, {Jurifpr.) on appelle in
extremis , le dernier temps de la vie , où
quelqu'un eft atteint d'une maladie dont il
eft déccdé.
Les difpofitions de dernière volonté ,
faites in extremis , font quelquefois fuf-
pedes de fuggeftion ; ce qui dépend des
circonftances. Fbjf:^ TESTAMENT , SUG-
GESTION.
Les mariages célébrés in extremis avec
des perfonnes qui ont vécu enfembledans
la débauche , font nuls quant aux effets
civils. Vovei MARIAGE. {A)
EXTREMITE , f f. _( Gram. ) eft la
partie qui eft la dernière & la plus
éloignée d'une chofe , ou qui la finit &; la
termine.
C'eft en ce fens qu'on emploie ce mot
dans les phrafes fuivantes. Les exttemiu's
d'une ligne font des points. On ne peut
aller d'une extrémité à l'autre, fanspafler
par le milieu.
Extrémités du corps humain {les
Médec. doivent être obfervées dans les ma-
ladies , fur-tout dans celles qui font aiguës ;
parce qu'elles peuvent fournir un grand
nombre de lignes prognoftics très-impor-
E X T
tans pour juger de 1 événement. Il n'arrive
jamais que les hommes meurent fans qu'il
fe talfe quelque changement notable dans
l'extérieur des fXïrf'w/i e'i : on peut y confia
dérer principalement la chaleur , le froid ,
la coufeur , le mouvement , & la fituation
refpeâivement à l'état naturel.
C'eft toujours un bon fignedans les ma-
ladies aiguës , que les extrémités aient
une chaleur tempérée , égale à celle de
toutes les parties , «avec fouplelTe dans
la peau. On peut trouver les extrémités
ainfi chaudes dans les fièvres les plus ma-
hgnes ; mais cette chaleur n'eft pas égale-
ment répandue dans toutes les parties du
corps , comme Icrfque les extrémités font
moins chaudes que le tronc : d'ailleurs les
hypocondres font ordinairement durs dans
ce cas là , & l'habitude du corps n'eft pas
également fouple dans toutes fcs parties ;
c'elf ce qui diftingue la chaleur qui n'eft pas
un bon iigne d'avec celle qui l'eft : une cha-
leur même bri lante n'eft pas un mauvais
figne , lorfqu'elle eft également répandue
dans tout le corps , & par conféquent aux
extrémités ; c'eft le propre des fièvres ar-
dentes malignes de ne pas échauffer plus
qu'à l'ordinaire les extrémités ; c'eft aufli
un figne de malignité , que les extrémités
s'échauffent &: fe refioidiffent en peu de
temps ; c'eft un figne mortel dans les ma-
ladies aiguës , qui épuifent promptement
les forces. L'extrême chaleur , avec rou-
geur & inflammation de ces parties, eft un
bon figne dans ces mêmes maladies : une
chaleur douce , tempérée , avec moiteur
ou même avec un fentiment d'humidité ,
qui tend à fe roidir dans toute l'habi-
tude du corps , mais pai'ticuliérement dans
les extrémités , qui fe trouve jointe à une
fièvre continue , doit être très-fufpeâe ;
parce qu'il y a lieu de craindre que la cha-
leur ne foit renfermée dans les vifceres : la
chaleur douce égale que l'on obfervedans
les heâiques , ne fe conferve pas ; elle aug-
mente conlldérablement après qu'ils ont
pris des alimens , & elle fe fait particuliè-
rement fentir dans le creux des mains : d'ail-
leurs la chaleur dans la f.evre heflique >
produit prefque toujours une forte de
craffe fur la peau.
Le froid des extrémités dans les maladies
EXT
aiguës ; efl toujours un très-mauvais figne ,
à moins que la nature ne prépare une cri-
fe ; ce qui s'annonce par les bons fignes
qui concourent avec le froid de ces parties :
lorfqu'elles font froides , que les autres
parties font brûlantes avec féchercïïe , &
que CCS fymptûmes font accompagnés d'une
grande foif , c'eft un figne de malignité
dans la maladie : fi on a peine à diffiper
le froid des exvémhés par les moyens con-
venables pour les réchauffer , & fur-tout fi
on ne peut pas parvenir à leur redonner de
la chaleur , c'eft un très-mauvais figne qui
devient même mortel & annonce une fin
prochaine , fi en même temps ces parties
deviennent livides & noires. Voye\?l<.Ql'D
FÉBRILE.
C'elt toujours un très-bon figne dans les
maladies aiguës , que les extrémités confer-
vent leur couleur naturelle. La couleur
rouge & enriammée de quelques parties
du corps que ce foit , eft auffi un bon li-
gne , fi elle provient d'un dépôt critique
qui fe foit fait dans ces parties. La cou-
leur livide & noire des extrémités , fur-tout
Il le froid s'y joint , ell un figne mortel.
C'eft aufli un très-mauvais figne , que
le malade agite continuellement & d'une
manière extraordinaire fes pies & fes
mains , ou qu'il les découvre quoiqu'ils
foient froids.
On doit de même très-mal augurer d'un
malade qui fe tient conftamment renverfé
avec les extrémités tant fupérieures qu'inté-
rieures toujours étendues. V. Situation
DU Corps dans les maladies, &lesprognof-
tics qu'on doit tirer de leur différence.
Voy. l'excellent ouvrage deProfper Alpin,
de p-cv/agienda t'itd & morte , dont cet
article eft extrait, {d)
Extrémités , (Peinture.) Ce qu'on
nomme les extrémités en Peinture , font
fur-tout les mains & les pies : la tête qui
devroit être comprife dans la fignification
de ce terme , eft un objet fi important
dans cet art , que les principes qui y ont
rapport font une partie féparée , & de-
mandent des réflexions particulières. Les
mains & les pies contribuent beaucoup à
la juftefte de l'expreffion , & en augmen-
tent la force. Ces extrémités font fufcepti-
blcs de grâces qui leur font particulières.
EXT ^ 727
Les mains d'une figure pourvoient être
exaftement conformées ; elles pourroienc
être dans une exacie proportion avec la
figure , & ne pas offrir ces agrémens dont
certains détails de leur coniormation les
embelliftent : ces beautés fe font remarquer
plus fendblement dans les mains des fem-
mes ; l'embonpoint rend leur parties ar-
rondies ; il forme dans les endroits où les
mufcles s'attaclient de petites cavités,
qui, en marquant la place des jointures , en
adouciffent les mouvemens. La fécherefîe
qu'occafionne l'apparence des os , eft heu-
reufement voilée ; & les formes , fans être
détruites , font adoucies. Je dirois la mê-
me chofe des pies , fi l'on pouvoir efpérer
aujourd'hui de fe faire comprendre , en
avançant que la petifcfTe extrême dont les
femmes recherchent l'apparence dans leur
chaufti.u-e , eft aufti éloignée de la beauté
que la grofteur exceftive dont elles veu-
lent fe garantir. Peut-on de fens-froid fe
réfoudre à admirer des bafes , fur lefquel-
les chancelle le poids qu'elles doivent fou-
tenir ? On voit à tout inftant un corps
énorme en marchant fur deux pivots , un
équilibre que la moindre diftraâion doit
lui faire perdre ; & pour cela on détruit
dans les tourmens d'une chaufliire gênante
& douloureufe , la forme des doigts & du
coup-de-pié. Il arrive de là que , fi l'on
defire d'un peintre qu'il repréfente une
Vénus au bain , ou les Grâces nues , il fera
de vains efforts pour trouver des modèles
dont les pies ne foient pas défigurés. Il
réfulte encore de cette folie , que fi l'ar-
tifte donnç pour proportion aux pies de ces
mêmes grâces , la longueur de la tête qui
eft la jufte mefure qu'ils doivent avoir ,
le fexe jaloux de fes avantages eft obligé
ou de blâme;- des beautés qui confiftenc
dans la jufteffe des proportions , ou d'a-
vouer qu'il ne poffede pas lui-même cette
perfedion. ,
Voilà ce qui regarde les grâces des ex~
vémités. Pour l'expreftion qu'elles peuvent
aiouter aux adions , il eft aifé d'en voir
l'effet dans celui que nos habiles comé-
diens font fur nous lorfque leurs geftes font
abfolument conformes à ce qu'ils doivent
fentir & à ce qu'ils récitent. Dans les dou-
leurs la contradion des nerfs fe fait fentir
728 EXT
avec une expreffion effrayante dans les
mains &i dans les pies : ces parties qui font
compofces de plufieurs jointures , & par
confequent de plufieurs nerfs raflbmblés ,
offrent dans un efpace peu étendu l'aftion
repe'tce que produit une même caufe ; cha-
que, doigt reçoit fa portion de la douleur
dont les nerfs font atteints ; & cette com-
manicationdcs affeftions de famé aux mou-
vemens du corps , fl rapide par la voie des
nerfs , devient plus vifible & plus- fcnfible
par des effets multipliés.
Les artiftcs doivent donc mettre leurs
foins non feulement à bien connoître la
jufteffe des proportions des extrémités ,
mais encore ce qui dans leur conformation
produit des grâces , & dans leur mouve-
mens fait fentir la jufte expreffion. ï^ojc^
Proportion , Figure. Cet anide ejî
de M. Vatelet.
EXTR.ÉM1TÉS, {Mm. &: Md'-ech.) nous
entendons proprement par extrémités dans
un clieval , la portion inférieure de fes
quatre jambes : ainfï nous difons , un che-
val dont les crins , la queue ; &: les extré-
mités font noires. (?)
EXUBERANCE _, f f {belles Ltt.) en
rhétorique & en matière de flyle , ftgnifie
it/2e abondance inutile & fuperjhie , par
laquelle on emploie beaucoup plus de paro-
les qu'il n'en faut pour exprimer une chofe.
VovcT, Pléonasaïe.
EXULCERATION , en médecine , cû
l'at^ion de caufer ou de produire des ulcè-
res. Vojer^ Ulcère.
Ainfi farfenic exulcere les inteflins : les
humeurs corroiivcs exulcerent la peau
Voyei Corrosion, Etiosion.
On applique quelquefois ce mot à l'ulccre
lui-mé;r.e ; mais plus généralement à ces
éroîîons qui emportent la fubflancc des
parties , & forment des ulcères. Voye\
Erosion.
Les exulce'rations dans les inteflins font
des marques de poifon. Cluimbcrs. Voye^
POTSON.
EX-VOTO , {Littér.) CatK expreffion
latine que fufage a fait pafler dans notre
langue , défignc & les ofîïandes promifes
par un vœu , i"\: les tableaux c|ui rcpréfen-
fent ces offrandes ; à l'exemple des payens
qui en oçnoient leurs temples, &: qui
EXT
quelquefois y employoient. leurs meilleurs
artifles.
Ces fortes de tableaux portoient chez
les Romains le nom à'ex-i-'ctci ; parce que
la plupart étoient accompagnés d'une inf-
cription qui finiffoit par ces deux mots
ex-i'cto , pour marquer que l'auteur ren-
doit public un bienfait reçu de la bonté
des dieux , ou qu'il s'acquittoit de la pro-
meffe qu'il avoit faite à quelque divinité
dans un extrême danger , dont il étoit
heureufenient échappé. Voyei Tableau
votif.
Comme fufage des ex-vo'o e!î tombé
depuis long-temps , même en Italie , &
qu'il n'y a que des pauvres peintres qui
s'en occupent pour de itiiférables pèlerins ,
on ne peut s'empêcher d'être touché du
trifle fort du Cavedone , ce célèbre élevé
d'Annibal Carrache , qui , après s'être
attiré l'admiration des plus grands maîtres ,
éprouva tant de malheurs dans la famille ,
que fes rares talens s'affoiblirent au point
qu'il fe vit réduit à peindre des ex-roto
pour fubflfler , & enfin obligé de de-
mander lui - même publiquement f au-
mône, article de M. le Chevalier de
Jak'-court.
E Y
EYBENSTOKC , {Gco-^r>, ville bailK-
vrle d'Allemagne , dans l'életlorat de Saxe,
& dans l'Ertzgeburge , à demi-lieue de la
rivière de Mulde , fous la préfeclure de
Schwartzcnberg. Elle efl de trois cents &
vingt maifons , &: tous fes habitans font
occupés , foit au travail des mines , foit à
celui des dentelles. Son voifinage abonde
en métaux & en minéraux ; il fournit des
améthyiles , des topazes , de l'opal , de
l'aquamarin , du bon airrant , & un beau
quartz tranfparent : un état de fon produit
en fer & en étain pour l'an 1 748 , porte
que l'on en tira pour lors au delà de fix
milli^ charges du premier , & de trois cents
quat're-vingt-dix quintaux du fécond : il s'y
fabrique aulli par milliers des plaqiics de fer
blanchi , dont le débit ordinaire eR à Leip-
fick , à Hambourg, à Amilerdam &.\ Lon^
dres. Cette ville ell du nombre de celles qui
ont féance & voix dans l'affemblée des états
du pays. {D. G.)
^ EYMET,
E Y M
EYMET , ( Ge'og. mod. ) petite ville
du Pt'rigord en France ; elle appar-
tient au Sarladois., elle ell fitue'e fur le
Drot.
EYND'HOUE , {Ge'og. mod ) ville du
Brabnnt hollandois , au pays bas ; elle efl
fîtut'e fur la Dromni.4. Long, i^ , 5 ; lac.
SI , if?-
EYNEZAT , {G^^og.mod.) ville del'Au-^
vergne en France ; elle eft de la gene'ralite'
de Riom.
E Z
EZAGUEN , (G/oj. mod.) ville de la
province d'Habat , au royaume de Fez en
Afrique.
EZECHIAS , {Hifl. fasre'e.) force du
Seigneur , roi de Juda , fils d'Achaz &
d'Abia , fuccédaàfon père l'an du mon-
de 5177. Le faint-Efprit fait de ce prince
pieux un éloge admirable , qui réunit
tous les traits qui forment le caradere d'un
homme vertueux , & d'un roi félon le cœur
de Dieu. 11 marcha dans la voie du Sei-
gneur fans jamais s'en écarter , & prenant
la loi divine pour fa règle , David pour
fon modèle , Ifaïe pour fon confeil , il ne
lit remarquer aucune inégalité dans la con-
duite de la vie. Dès qu'il fut monté fur le
trône , il détruifit les hauts lieux , brûla
les bois profuics , ouvrit & fit purifier le
tcm.plc du Seigneur , que fon père avoit
fermé , & rendit aux adorateurs du vrai
Dieu la liberté d'aller lui offrir leurs vœux
& leurs facriïices dans cette maifon de
prière. Plein de zèle pour la gloire de Dieu ,
il voulut profiter de l'afFoibliflement des
dix tributs , pour efTayer de les ramener à
l'unité &àla vraie religion : il envoya donc
des couriers dans route l'étendue des deux
royaumes de Juda & d'Ifraél , depuis Dan
jufqu'à Berfabée , avec des lettres tendres
& touchantes , pour inviter les peuples à
venir célébrer la pàque du Seigneur. Pref-
que tout Ifraèl , à l'exception d'un petit
nombre que Dieu fépara de la mafTc ré-
prouvée , fe moqua delà mifîion d 'E^écJiliis;
mais la main de Dieu agiiïant fur ceux de
Juda , leur donna à tous un même cœur
pour exécuter l'ordre du roi. Un peuple
nombreux s'affembla donc à Jéf ufalem , &
célébra avec pompe la pâque le 1 4*. du fécond
Tome XI IL
E Z K 7^^
mois : après cela ils fe répandirent par tout
le royaume de Juda , & tranfportés d'un
faint zèle . ils abolirent jufqu'aux moindres
traces de 1 impiété , pour ne plus faire ré-
gner par tout que le feul Dieu véritable.
E^c'chias , pour ôtcr aux Juifs tout fujcc
d'idolâtrie , mit en pièces le fcrpcnt d'ai-
rain , parce que les fentimens de recon-
noifTance envers Dieu qu'excitoit la vue
de cet objet , avoient dégénéré en un culte
fuperftitieux qui s'arrètoit à lobjct même.
Ce prince , après s'être ainfi acquitté de
ce qu'il devoit à Dieu , prit les armes con-
tre les Philiflins , qu'il vainquit , & fecoua
le joug du roi d'Aiïyrie, dont fon royaume
étoit tributaire. Sennachérib , pour punir
Er^c'chuis du refus qu'il faifoit de le recon-
r^pître pour fouverain , réfolut de porter
les armes dans le royaume de Juda ; &
pendant qu'il travailioit aux préparatifs ,
Dieu envoya à Eiéchias une grande mala-
die , qui étoit , à ce qu'il paroît , un ulcère
peflilentiel , dont ce prince ne pouvoit
guérir par la voie naturelle. Le prophète
Ifa'Je lui ayant annoncé qu'il m.ourroit , ce
faint roi , le cœur inondé d'amertume, les
yeux baignés de larmes , fit (îx prière au
Seigneur pour fléchir fa colère , & Dieu
en étant touché , lui envoya fur le cham.p
fdn prophète pour lui promettre de fa parc
une prompte & parfaite guérlfon , quinze
années de vie , & une protection éclatante
contre la puiilance formidable de l'AfTyrien.
Dieu , pour prouver à E\éc'ilas qu'il accôm-
piiroit ia parole , fit rem.onter l'ombre fur
le cadran d'Achas de dix degrés, par lefquels
elle étoit déjà def endue. Ce prodige , &
la guérifon miraculeufe qui le fuivit , atti-
rèrent au roi une ambaffade de la part de
Mérodacli Baladan , roi de Babylone E\e'-
chias , flatté de cet honneur , étala avec
complaifance tous fes tréfors devant ces
ambaffadeurs , pour donner une grande
idée de fa magnificence. Dieu , irrité des
mouvcmens d'orgueil auxquels il s'aban-
donnoit , lui fit dire par Ifa'.e que toutes
ces richcffes feroient un jour tranfportc'es à
Babyîone. Mais le faint roi obtint par fon
repentir, qu'il ne verroit point ces mal-
heurs. Cependant Sennachérib entra dans
le royaume de Juda , qu'il ravagea «Si fou-
rnit avec une rapidité incroyable. Ce princC/
Zzzz
13^ ^ ^ 1 • A-
qui n'^tok quel infiniment dont la )uftice
divine fe fervoit pour châtier les Jmts ,
voyoit tout plier fous fes armes. E^echias ,
hors ciV'tac de lui rJfiUer , lui envoya des
ambafTadeurs , pour Fengager a le retirer
aux cosiditions ciu'il voudroit. L Aflynen
exigea deux cens talens d'argent , & trente
taîens d cr qu'Eiechias lui envoya ; m.ais
îorfqu"il eut reçu cet argent , il J-.t fommcr
EzecliLas par trois des premiers officiers de
fa cour de fe rendre. Ces députes parlèrent
ave" infolence du pouvoir de leur maître ,
& de la foibielfe dn Dieu difraël. Le
faintroi ayant appris ces Walphémes , dé-
chira fei hainits , ie couvrit d'un (ac , & a a
au temple pour v répandre fon ame en la
préfence de Dieu. H ht averti en même
temps Ifaïe de ce qui fe pailoïc ; & ce
prophète , pour raflurer le roi , lui prédit
la mort procliaine de Sennacherib 6: Ja
déroute de fon armée. En effet , ce prince
impie , étant venu mettre le fiege devant
Jérufaîem ,. Fange du Seigneur defcendit
dans fon camp , & y tua cent quatre-vingt-
cinq mille hommes. 11 s'enluit lui-même a
Ninive , où il fut mafTacré par deux de les
fJs. C'cft ainfi que le Seigneur délivra
Ere'chias & leshabitans de Jéruialemde la
main des Aflyriens. Le bruit de cette deu-
vrance miraculeufe s' étant rjpandu chez les
peuples d'alentour, prefonnc ne penfa
plus à inquiéter ce faint roi qu on rcgar-
iloit ave: vénération comme un homme
fin^uliéremcnt favcrifi de Dieu. On s'em-
pre'^flbit de lui faire des préfens , & de re-
chercher fon amitié ; & Ton accouroit de
toutes parts à Jérufaîem , pour rendre hom-
ma-c& offrir desfacrificesauDieu d llrael.
Er'è'chias, après un règne de ving-huit ans,
s'endormit avec fes pères , & on 1 inhuma
dans le lieu le plus élevé des tombeaux des
rois fes prédéceffeurs. Tous les habitans de
la Judée & de Jérufaîem cekbrerent les
fonérailles. (+).
EZÉCHIEL , {Hift-f^cr.) qui ro^^J^If" '
un des grands prophètes , étoit hls de Lus ,
& de race ficerdotale. Il fut transfère a
BabyloneparNabuchoc'onofor , avec le roi
Jéchonias , l'an du monde 3405. Ceft pen-
dant fa captivité que Dieu lui communiqua
l'efprit de prophétie ; il commença à exer-
cer ce miuiflere à l'âge de trente ans , &
E Z E
il !e continua pendant vingt. On ne fait
rien de certain fur fa mort. La prophétie
à'E\echielé\ fort ohfcure, particulièrement
au commencement & à la iin. Après y avoir
décrit fa vocation , le prophète prédit la
prife de Jérufaîem avec toutes les horreurs
qui l'accompagnèrent , la captivité des dix
tribus , celle de Juda , & toute la rigueur
de la vengeance que le Seigneur devoit
exercer contre fon peuple. Après ces pré-
diftions fâcheufes , Dieu lui lit voir des
objets plus confolans , le retour de la cap-
tivité , le rérabliflement de la ville & du
temple , du royaume de Juda , & de celui
d'Ifraël ; ce qui n'étoit que la ligure du
règne du Meiïic , de la vocation des gen-
tils , & de l'établifTement de l'églife.
E^e'chlcl eft de tous les prophètes celui
qui elt le plus rempli de vifions énigmati-
ques. Dieu lui ordonna plufieurs aâions
fy mbohques pour exprimer dans fa per-
fonne les miferes du peuple , ou les lenu-
mens de Dieu à 1 égard de ce peuple : tu
deviendras muet , lui dit le Seigneur , pour
repréfenter le filence de Dieu à l'égard des
Juifs obj'linés &: indomptables , qui avoient
tant de fois méprifé les avertifiemens & les
reproches. Il reçut ordre de fe faire charger
de chaînes dans fa maifon , pour figurer la
captivité des Juifs. L'emblèm.e des che-
veux & de la barbe figuroient les différens
malheurs, dont Dieu affligcroit Jéruialem
& la Judée , &C-.
Ce prophète eft plein de belles fenten-
ces , de riches comparaifons , & fait pa-
roi tre beaucoup d'érudition dans l_es chofes
profanes. Ses prophéties ou vinons qui
font au nombre de vingt-deux , font dil-
pofées fuivant l'ordre du temps qu il les a
eues. {■+■)
§ EZZAB, (Gf'o^-.) province d'Afrique,
au royaume de Tripoli. Elle commence a
l'occident , au delà des montagnes de Gaiian
(Se de Bmiguarid , & finit vers une nviere
qui la fépare de Mefi-ata , & fe jette dans
l'amer du côté de l'orient. La contrée d E:{-
T^ab produit peu de blé , mais beaucoup
de dattes , d olives &: de fafran. Ce fairan
eft tellement cftimé au Caire , qu'il s y
vend le tiers plus que celui qui croît ailleurs.
F, f. m. {Gram.) c'eft la fixieme lettre
de l'alphabet latin, & de ceux des autres
langues qui fuivent l'ordi-e de cet alphabet.
Le/' ert auffi la quatrième des conlonncs
qu'on appelle muettes , c'eft-à-diie , de
eelles qui ne rendent aucun fon par elles-
mêmes , qui , pour être entendues , ont
befoin de quelques voyelles , ou au moins
de IV muet , & qui ne font ni liquides
comme IV, ni fifflantes comme/, i- liy a
environ cent ans que la gra-iimaire géné-
rale de Port-Royal a propoll.' aux maîtres
qui montrent à lire , de faire prononcer/^
plutôt que effe. Grain, ^e'ne'r. ch. fj, p. z^,
fec. éd. i6€^. Cette pratique , qui ejila plus
naturelle , comme quelques gens d'efprit
i'ont remarque' arant nous , à'ic P. R. td.
ibid. eJl aujourd'hui la plus fuivie. Voye^
Consonne.
Ces trois lettres F , V , &c Ph , font au
fond la même lettre, c'efl:-à-dire , qu'elles
font prononcées par une ficuation d'orga-
nes qui ell à peu près la même. En effet l'e
n'eft que \q fe prononcé foiblement ; fe eft
le ye prononcé plus fortement ; Scpk , ou
plutôt//z , n'cft que \q fe , qui étoit pro-
noncé avec afpiration. Quinrilicn nous ap-
prend que les Grecs ne prononçoienr la fe
que de cette dernière manière ( injl. orat.
cap. jy.) ; & que Cicéron , dans une orai-
fon qu'il fit pour Fundaniift , fe moqua
d'un témoin grec qui ne pouvoit prononcer
qu'avec afpiration la première lettre de
Fundanius. Cette oraifon de Cicéron efl:
perdue. Voici le texte de Quintiiièn : Grœci
afpirare folent (p , ut pro Fundanio, Cicero
tefiem, qui prunam ejus litteram dicere non
poffet , irndct. Quand les Latins confer-
voient le mot grec dans leur langue , ils le
prononçoient à la grecque , & l'écrivoient
alors avec le ligne d'afpiration : philofophus
de <pi'Ki<!-»ip<,'; PhiLppus de ipiAi^ji-cf , êv. mais
quand ils n'afpiroient point le (? ; ils écri-
voient fimplement/; c'eft ainfi qu'ils écri-
voient /JOTiZ , quoiqu'il vienne conftam.-
ment de Pift-Ji • & de même //g.! de ip^yti ,
fur de <p:i)'f , &c.
Pour nous qui prononçons fans afpira-
tion le ip qui fe trouve dans les mors latins
ou dans les françois , je ne vois pas pour-
quoi nous écv'ivonsphilofophe,P/nlippe,&:c.
Nous avons bien le bon efpric d'écrixe/fw ,
quoiqu'il vienne de ^«r ; font , de (pffr't,
tv. i^oy. Ortographe.
Les Koliens n'aimoient pas l'cfprit rude
ou , pour parler à notre manière , le h
afpiré , ainfi ils ne faifoient point ufage du
<p qui le prononçoit avec afpiration ; &: com-
me dans l'ufagede la parole ils faifoient fou-
vent entendre le fon àufe fans afpiration ,
& qu'il n'y avoit point dans l'ali-habet
grec de caraâere pour defigner ce fon fim-
ple , ils en inventèrent un ; ce fut de repré-
lenter deux gamma l'un fur l'autre F , ce
qui fait précifément le i^ qu'ils 'appelèrent
digamma ; & ceft de là que les Latins ont
pris leur grand F. V^oy. la me'th. grecque de
P. R. p. 4x. Les Eoliens fe fervoient fur-
tout de ce digamma , pour marquer \e fe
doux , ou comme on dit abufivement, Vu
confonne ; ils mettoient ce ;' à la place de
l'efprit rude : ainfi l'on trouve F" '^ , pi-
num , au lieu de o~ los- ; F^'^'^h'^ i a^i lieu de
i<r-3rifo<; , vefperus ; Fi<r^i's au lieu de eVS-^fV
avec l'efprit rude , l'cjîis , &c. & même ,
félon la méthode de P. R. (ihid.) on trouve
fer Fus pour feri'us , Da Fus pour Davus,
&c. Dans la fuite , quand on eut donné au
digamma le fon du/f , on fe fervit du^ ou
digamma renverfé pour marquer le ve.
Martinius , à larticle F , fe plaint de ce
que quelques grammairiens ont mis cette
lettre au nombre des demi-voyelles ; elle
n'a rien delà demi-voyelle , dit-il , à moins
que ce ne foit par rapport au nom qu'on lui
donne ejfe : Nihil aliud hahet femirocalis
niji nominis proLitionem. Pendiuit que d'un
côté les Eoîiens changeoient l'efprit rude ea_
y, d'un autre les Efpagnols cliangent le /'en
/2e afpiré ; ils difent liai inapouvfaiina, liara
pour faôa , hervor pour fervor , hsimofi
pour formofo , humo au lieu defimo , &c.
Le double/, ff', fignifie par abbrévia^-
tion lespandeSfs, autrt.-ment digejles; c'efl
le recueil des livres des jurifconfakes ro^
mains , qui fut fait par ordre de Juilinien ,
empereur de Confîantinople : cet empe-
reur appela également ce recueil dige/Ie ,
mot latin , & pandeclcs , mot grec , quoi-
que ce livre ne fik écrit qu'en latin. Quand
on appelle ce recueil di.gejlc , on le cite en
abrégé par la première lettre de ce mot d.
Quand dans les pays latins on voulut fe fer-
vir de J'autre dJaominarion , & fur-touc
Z z z 2 2.
752 ^ F _
dans un temps où le grec ^toit peu connu,
& cilles imprimeurs n'avoient point encore
de caraâeres grecs , on fe fervit du double
/, ff , c'efr le fîgne dont la partie infé-
rieure , approche le plus du an grec , pre-
mière lettre de -^^ oi.:U> , c'eft-à-dire ,
Ih'resçui contiennent toutes lesdécilions des
jurifconfultes. Telle eft la f aifon de l'ufage
du double/,//', employé' pour fignifier
les pandcâes ou digeftes dont on cite tel ou
tel livre.
Le diaionnaire de Trévoux , article F ,
fait les obfervarioîis fuivantes :
1°. En mufique , F~ut-fa eft la troifiemc
des cîe's qu'on met fur la tablature.
2.°. F , fur les pièces de monnoie , eft la
marque de la ville d'Angers.
^^ . Dans le calendrier ecclt'naftique ,
elle eft la flxieme lettre dominicale. {F)
F , ( Ecriture. ) fi l'on confidcre ce ca-
raâere du côté de fa formation , dans notre
écriture , c'eft dans l'italienne & la ronde,
la huitième , la première , & la féconde
partie de Va; trois flancs de l'o l'un fur l'au-
tre , & la queue de la première partie de
r.r. L'/' coulée a les mêmes racines , à l'ex-
ception de fa partie fupérieure qui fe forme
de la fixieme & de la feptiemie partie de
l'o : on y emploie un miouvement mixte des
doigts & du poignet , le pouce plié dans
fes trois jointures.
F-UT-FA , {Mufique.) F-itt-fa , ou
fmiplemcnt F; caraûere ou terme de mu-
fique ,_ qui indique la note de la gamme que
nous appelons /j. Voj. Gamme.
C'eft aufll le nom de la plus baffe des
trois clés de la mufique. T^oyez ClÉS.
(S)
Cette lettre majufculo , ou minufcule ,
mife au dcfT-is ou au deftbus d'une des lignes
de la portée , fignifie encore fort ou forte.
On met aufïï deux jpainli FF , pour mar-
quer qu'il faut ]0uer très-fort , fortiffime.
(F n. c.)
F, {Comm.) les marchands , banquiers,
teneurs de livres , fe fervent de cette
lettre pour abréger les renvois qu'ils font
aux diftcrentcs pages , ou comme ils s' ex-
priment au folio de leurs livres & regiftres.
Ainfi V.l , ï\^m^e folio z , ou p^ge fe~
F A B
conde. Les florins fe marquent aufïï par un
i^de ces deux manières : F L on F S.
Dicl. du Comm. & Chambers. {G)
FA FEINT , {Mufiq.) On appeloit ainfi
les notes devant lefquelles on trouvoit un
b mol , particulièrement fi c'étoit un mi ou
wnfi , parce que pour lors la note immédia-
tement au deftbus devient comm.e un mi ,
& que le b mol fait de la note bémolifée un
fa ou une note qui n'eft diftante de l'infé-
rieure que d'un fenii-ton ma eur , comme le
vrai /j l'eft du vrai mi ,• ainfi /z b eft unyj
feint par rapport au lu qui devient un mt,
La même chofe avoit lieu pour les diefes;
mais avec la différence qu'au lieu qu'en hé-
molifant une note , elle devient un/à/tv/if,*
c'eft la note immédiatement au deftus qui
devient fa feint en la diéfant ; ainft en met-
tant un :^. àfa , on fait de ce fa :^ un mi ,
&: an fol au deftiis un fa feint.
Au refte , en abandonnant les muances ,
on a perdu l'ufage an fi feint , & c'eft tant
mieux. {F. D. C.)
FAARBOURG, [Geog.) ville de Dane-
marck , fur la côte méridionale del'ifle de
f ionie , dans un lieu bas , mais très-fertile ;
& au voifmage d'un golfe , dans lequel font
deux petites iflcs qui renferment chacune
une églife. Cette ville a un port des plus
médiocres , & en même temps des plus fré-
quentés du pays , à caufe du grand com-
merce de grains & de denrées qui s'y fait :
elle eft dans le bailliage de Nybourg.
{D. G.)
FABAGO , ( Bot. ) genre de plante à
fleur en rofe , compofée de plufieurs
pétales difpofés en rond. Il fort du calice
un piftil , qui devient dans la fuite un fruit
membraneux de forme qui approche de
la cylindrique , & qui eft ordinairement
pentagone. Ce fruit eft compofé de cinq
capfules , &: s'ouvre en cinq parties , dont
chacune eft garnie d'une lame qui fert
de cloifon pour féparer la cavité du fruit.
Il renferme des femences app'aties pour
l'ordinaire. Ajoutez aux caraéteres de ce
genre , que les feuilles font oppofées , &
qu'elles naiftent deux à deux fur les nœuds
de la tige. Tourncfort , injl. rec h-rb. l^.
Plante. (7)
F A B
* FABARIA , { a) adj. pris fiM.
{Mjth. & Hift. anc.) facrifices qui fe fai-
foienc à Rome fur le mont Célien , avec
de la farine , des fèves & du lard , en
l'honneur de la déeffe Carna , femme de
Janus. Cette cérémonie donna ie nom aux
calendes de Juin , temps pendant lequel
elle fe célébroir.
FABARîUS , {Mufiq. des anc.) Les
anciens , au rapport de bullenger , appe-
loient i^aZur/^j^ un chanteur , probablement
parce que leurs chanteurs mangeoient beau-
coup de fèves qui , à ce qu'on prétend ,
fortifient la voix. (/'. D. C.)
FABIENS , f m. pi. [Hijl anc.) une
partie des Luperques. Voy. LUPERQUES
h LUPERCALES.
Ces prêtres ctoient divifJs en deux col-
lèges , dont l'un fut appelé collège des Fa-
biens , de Fabius leur chef; & l'autre, col-
lège des Quintiliens, de leur chef Quintilius.
Les Fabiens étoient pour Bomulus ,
& les Quintiliens pour Remus. V^oyer^
Quintiliens. Die}, de Trér. & Charn-
iers. {G)
_ FABLE , f f (la) Myth. nom collec-
tif fans pluriel ,' qui renferme l'IiiOoire
théologique , riiiitoire fabuleufe , l'hifloire
poétique , & pour le dire en un mot, toutes
les fables de la théologie payenne.
Quoiqu'elles foient trcs-nombreufes ,
on eft parvenu à les rapporter toutes à fix
ou fept claffes , à indiquer leurs différentes
fources , &: à remonter à leur origine.
Comme M. l'abhé Banier eft un des mj'tl.o-
logifîes qui a jeté fur ce fajet le plus
d'ordre & de netteté , voici le précis de
fes recherches.
Il divifc \a fable , prife colledivement ,
en/j/i/ej hifloriques , philofophiques , al-
légoriques , morales , mixtes , &; fables ,
inventées à plaifir.
Ï^QS fables hijhriques en grand nombre ,
font des hiftoires vraies , méîiesde plufieurs
fondions : telles font celles qui parlent des
principaux dieux & ries héros , Jupiter ,
Apollon , Bacchus , Hercule , Jafon ,
Achille. Le fond de leur hiftoire eft pris
F A B 7;j
dans la vérité. Les fables philofophiques
font celles que les poètes ont inventées
pour déguifer les myfteres de la philofo-
phie ; comme quand ils ont dit que l'Océan
efl le père des fleuves ; que la lune tpoufa
l'air , & devint mère de la rofée. hes fables
allégoriques font des efpeces de paraboles ,
renfermant un fens myftique J comme celle
quieft dans Platon , de Porus & de Pénie ,
ou des richeffes & de la pauvreté , d'où
naquit l'amour. "Les fables morales répon-
dent aux apologues : telle eft celle qui dit
que Jupiter envoie pendant le jour les
étoiles fur la terre , pour s'informer des
allions des hommes. Les fables mixtes fcnt
celles qui font m.élées d'allégorie & de
morale , & qui n'ont rien d'hirtorique ; ou
qui , avec un fond hiftorique , font cepen-
dant des allufions manifeftes à la morale
ouàlaphyfique. Les fables ini'cnte'es à plai-
fir , n'ont d'autre but que d'amufcr : telle
eft h fable de Pfyché , & celles qu'on nom-
moit milefiennes & fybaritides.
"Lqs fables hijhriques fe diflinguent aifé-
ment , parce qu'elles parlent des gens
qu'on connoît d'ailleurs. Celles qui font
inventées à plaifir , fe découvrent par les
contes qu'elles font des perfo'nnes incon-
nues. Les fables rnoralrs , & quelquefois
les allégoriques , s'expliquent fans peine :
les philofophiques font remplies de pro-
fopopées qui animent la nature ; l'air & la
terre y paroiffent fous les noms de Jupiter ,
de Junon , &c.
En général , il y a peu de fables dans les
anciens poètes qui ne renferment quelques
traits d'iiifloire ; mais ceux qui les ont fui-
vis , y ont ajouté m.ille circonftances de
leur imagination. Quand Homère , par
exemple , raconte qu'Eole avoit donné les
vents à Ulyffe enfermés dans une outre ,
d'où fes compagnons les laifferent échap-
per ; cette hifloire enveloppée nous ap-
prend que ce prince avoit prédit à
Ulyffe le vent qui devoit foufller pendant
quelques jours , & qu'il ne fît naufrage
que pour n'avoir pas fuivi fes confeils :
mais quand ^'irgile nous dit que le même
{a) M. Chompré , qui écrit Fabariet , die qu'on offro;: à la déeiïe Carna de la bouillie faite
avec des fèves & du lard.
7H F A B
Eole , à la prière de Junon , excita cette
terrible tempête qui jeta la Hotte d'Enc'e
fur les eûtes d'Afrique , c'eft une pure fic-
tion , fondt'e fur ce qu Eole étoit regardé
comme le dieu des vents. Les fables mêmes
que noîis avons appele'es plulofophiques ,
étoientd'abordhiftonques, & ce n'cft qu'a-
près coup qu'on y a jeté l'idée des chofes
naturelles : de là ces fables mixtes , qui ren-
ferment un fait hillorique & un trait de
phyfique , comme celle de Myrrha & de
Leucothoé changée en l'arbre qui porte
l'encens , & celle de Clyftie en tournefol.
Venons aux diverfes fources de \a fable.
i'^. On ne peut s'empêcher de regarder
la vanité comme la première fource des
fables payennes. Les hommes ont cru que
pour rendre la vérité plus recommandable ,
il falloir l'habiller du brillant cortège du
merveilleux : ainfl ceux qui ont raconté les
premiers les aiflions de leurs héros , y ont
mêlé mille fiftions.
i*^- Une féconde fource àes fables à\\
paganifme eft le défaut des caraderes ou
de l'écriture. Avant que l'ufage des lettres
eût été introduit dans la Grèce , les évé-
nem-ens & les aflions n'avoient guère d'au-
tres momimens que la mémoire des hom-
mes. L'on fe fervit dans la fuite de cette
tradition confufe & défigurée ; & l'on a
ainfi rendu les fables éternelles , en les fai-
fant palfer de la mémoire des hommes qui
enétoient les dépofitaires , dans des mionu-
mens qui dévoient durer tant de liecles.
5". Les fauffes éloquences des orateurs
& la vanité àes hifloriens , a dû produire
une infinité de narrations fabuleufes. Les
premières fe donnèrent une entière liberté
de feindre & d inventer ; & fhidorien lui-
même fe plut à tranlcrirc de belles chofes ,
dont il nétcit garant que fur la foi des
panégyriites.
4.°. Les relations des voyageurs ont en-
core introduit un grand nombre de fables.
Ces fortes de gens , fouvent ignorans &
prefque toujours menteurs , ont pu ailé-
ment tromper les autres , après avoir été
trompés eux-mêmes. C'eft apparemment
lur leur relation que les poètes établirent
les champs élyfces dans le charmant pays
de la Bétique ; c'eft de là que nous font
venues ces fables, qui placent desmonftrcs^
F A B
dans certains pays , les harpies dans d'au-
tres , ici des peuples qui n'ont qu'un œil ,
là des hommes qui ont la taille ces géans.
5°. On peut regarder comme une autre
fource des fables du paganifme, les poètes ,
le théâtre , les fculpteurs , & les peintres.
Comme les poètes ont toujours ciierché à
plaire , ils ont préféré une ingénieufe tauf-
feté à une vérité commune; les fuccès jufti-
fiant leur témérité , ils n'employèrent plus
que la fiction ; les bergères devinrent des
nymphes ou des nayades ; les bergers , des
fatyres ou des faunes ; ceux qui aimoient
la muiique, des Appollons; lesbelles voix,
des mufes ; les belles femmes , des Vénus ;
les organes , des pommes d'or ; les flèches
& les dards , des foudres & des carreaux.
Ils allèrent plus loin : ils s'attachèrent à con-
tredire la vérité , de peur de fe rencontrer
avec les hiftoriens. Homère a fait d'une
femme infidèle , une vertueufe Pénélope ;
& Virgile a fait d'un traître à fa patrie , un
héros plein de piété. Ils ont tous confpiré
à faire paffer Tantale pour un avare , &
l'ont mis de leur chef en enfer , lui qui a été
un prince très-fage , & très-honnête hom-
me. Rien ne fe fait chez eux que par ma-
chine. Lifez leurs potfies.
Ld pour nous enchanter tout efi mis en
^ ^f^ge ,
Tout prend un corps , une ame , un
efprit , un rifage ,
Chaque l'ertii devient une dii'inité ,
Minerve ejl la prudence , £' Venus la
beauté ....
"Leu^s fables pafterent des poèmes dans
les hiftoires , & des hifloires dans la théolo-
gie ; on forma un fyftéme de religion fur
les idées d'Héfiode & d Homère ; on érigea
des temples , & on offrit des viftimcs à
des divinités qui tenoient leur exiftence de
deux poètes.
Il fluit dire encore que la fable monta fur
le théâtre comme fur fon trùne , & ajou-
ter que les peintres & les fculpteui-s , tra-
vaillant d'après leur imagination , ontaulfi
donné cours aux hiftoires fabuleufes, en les
confacrant par les chefs-d'œuvres de leur
art. On a tâché de furprendre le peuple
de toutes manières : les poètes dans leurs
écrits , le théâtre dans les repréfentations ,
les fculpteurs dans leurs ftatues , & les
F A B
peintres dans leurs tableaux : ils y ont tous
concouru.
6'-'. Une fixieme fource àesfabL's efl la
pluralité ou l'unité des noms. La pluralité
des noms étant fort commune parmi les
Orientaux , on a partagé entre pluiieurs les
actions & les voyages d'un feu! : delà vient
ce nombre prodigieux de Jupiters , de
Mercures , Ê'c. On a quelquefois lait tout
le contraire ; & quand il elt arrivé que
plufieurs perfonnes ont porté le même
nom , on a attribué à un foui ce qui devoit
être partagé entre plufieurs : telle eft Ihif-
toire de Jupiter , fils ilc Saturne , dans la-
quelle on a raHemblé les aventures de di-
vers rois de Crète qui ont porté ce nom ,
auffi commun dans ce pays-là , que l'a été
celui de Ptolomée en Egypte.
7^. Une 7^. fource des fzbUs fut l'éta-
blifiement des colonies , & l'mvention des
arts. Les étrangers égyptiens ou phéniciens
qui abordèrent en Grèce , en policerent les
habitans , leur firent paxt de leurs coutu-
mes , de leurs loix , de leurs manières de
s'habiller & de fe nourrir : on regarda ces
ho ; mes comme des dieux , & on leur of-
frit des facrifices : tels furent fans doute
les premiers des dieux des Grecs ; telle ell,
par exemple , l'origine de h fable de Pro-
methée ; de même , parce qu'Apollon cul-
tivoit la mufique & la médecine , il fut
nommé le dieu de ces am ; Mercure fut
celui de l'éloquence , Gérés la déelFe du
blé , Minerve celle des manufadures de
laine ; ainfi des autres.
8**. Une 8e. fource des fables doit fa
nailTance aux cérémonies de la religion.
• Les prêtres changèrent un culte flérile en
' un autre qui fut lucratif, par mille hifroi-
res fabu'eufes qu'ils inventèrent ; on n'a
jamais été trop fcrupuleux fur cet article.
On découvroit tous les jours quelque nou-
velle divinité , à laquelle il lalloit élever
de nouveaux autels; de là refyflêmemonf-
trueux que nous oîfrela tliéologie paycnne.
Ajoutez ici la manie des grands d'avoir
des dieux pour ancêtres : il falloir trouver à
chacun, fuivant fa condition, un dieu pour
première tige de fa race , &: vraifemblable-
ment alors on ne manquoit j^as de généalo-
gifics, auffi complaifans qu'ils le Ibnt au-
jourd'hui.
F A B 75^
Nous ne donnerons point pour une four-
ce àcs fables , l'abus que les poètes ont pu
faire de l'ancien Teftament , comme tant
de gens pleins de favoir fe le font perfua-
dés ; les Juifs étoient une nation trop mé-
prifée de fes voifms , & trop peu connue
des peuples éloignés , d ailleurs trop jaloufe
de fa loi & de fes cérémonies , qu'elle ca-
choit aux étrangers , pour qu'il y ait quel-
que rapport entre les héros de la bible &
ceux de \a fable.
9". Mais une fource réellement féconde
des fables payennes , c'efl l'ignorance de
i'hilïoire &: de la chronologie, (^omme on
ne commença que fort tard , fur-tout dans
la Grèce , à avoir l'ufage de l'écriture , il
fe pafia plufieurs fiecles pendant lefquels le
fouvenir des événemens remarquables ne
fut confcrvé que par tradition. Après qu'on
avoitremonté jufqu'à trois ou quatre géné-
rations , on fe trouvoit dans le Libyrintlie
del liiftoire des dieux , où l'on rencontroit
toujours Jupiter , Saturne , le Ciel & la
Terre. Cependant comm.e les Grecs, rem-
plis de vanité , ainfi que les autres peuples ,
vouloient palTcr pour anciens , ils fe forgè-
rent une chronique fabu'eufe de rois imagi-
naires , de dieux , & de héros , qui ne fu-
rent jamais. Ils transférèrent da;is leur hif-
toire la plupart des événemens de celle d'E-
gypte ; & lorfqu'ils voulurent remonter
plus haut , ils ne firent que fubflituer des
fables à la vérité. Ils étoient de vrais enfans
comme le reprochoit à Solon un prêtre
d'Egypte , lorfqu'il s'agifToit de parler
des temps éloignés ; ils fe perfuadoient que
leurs colonies avoient peuplé tous les autres
pays , & ils tiroient leurs noms de ceux de
leurs héros. ■
10''. L'ignorance de la phyfique eft une
loe. fource de quantité Ae fables payennes.
On vint à rapporter à des caufes animées ,
des effets dont on ignoroit les principes ;
on prit les vents pour des divinités fou-
gueufes , qui caufent tant de ravages fur
terre & fur mer. Falloit-il parler de l'arc-
cn-ciel dont on ignoroit la nature , on en
fit une divinité. Chez les payens ,
Ce n'efl pas la valeur qui produit le ton.'
nerre.
C'eft Jupiter arme pour effrayer la terre ;
Un orage terrible aux yeux des matelots ,
756 F A B
C'efi Neptune en courroux qui gourmande
ksflocs ; ^
Echo n'ejl pas un fon qui dans l air reten-
ti Je ,
C'ejî une nymphe en pleurs qui Je plaint
de NarciJJ'e.
Ainfi furent formées plufieurs divinite's
phyfiques, & tanc de fahles aiironomiques
qui eurent cours dans le monde.
11°. L'ignorance des langues , fur-tout
de la phénicienne , doit être regardée
comme une onzième fource des plus fé-
condes d'une infinité as fables du paganif-
me. 11 cft fur que les colonies , forties de
pliénicie , allèrent peupler plufieurs con-
trées de la Grèce ; & comme la langue plié-
tiicienne a plufieurs mots équivoques , les
Grecs les expliquèrent felonlefens qui étoit
le plus de leur génie : par exemple , le mot
Jlpha, dans la langue phénicienne , fignifie
également un taureau , ou un narire. Les
Grecs , amateurs du merveilleux , au lieu
de dire qu'Europe avoit été portée fur un
vaifîeau, publièrent que Jupiter^ changé en
taureau , l'avoit enlevée. Du mot mon qui
veut dire pice , ils firent le dieu Momus ,
cenfeur des défauts des hommes , & fans
citer d'autres exemples , il fufh't de ren-
voyer le lefteur aux ouvrages de Bochart ,
fur cette matière.
II*-'. Non feulement les équivoques des
langues orientales ont donné lieu à quantité
èQ fabL's payennes , mais même les mots
équivoques de la langue grecque en ont pro-
duit un grand nombre : ainfi Vénus eflfor-
tie de l'écume delà mer , parce que Aphro-
dite qui étoit lenom qu'ils donnoientù cette
ct'efïe , fignif oit l'e'cume. Ainfi le premier
temple de Delphes avoit été confiruit par le
fecoursdes ailes d'abeilies, qu' Apclion avoit
fîit venir des pays hyperboréens , parce que
Pteras , dont le nom veut dire aile de plu-
me , en avoit été l'architeéte.
I î"^. On a prouvé par des exemples incon-
tcflables , que la plupart des/ablcs des Grecs
venoient d'Egypte & de Phénicie. Les Grecs
en apprenant la religion des Egyptiens ,
changèrent & les noms & les cérémonies
des dieux de l'orient , pour faire croire
qu'ils étoient nés dans leurs pays ; comme
nous le voyons dans l'exemple d'Ifis , &
4ans une infinité d'autres. Le eiilto dcBac-
F A B
chus fut formé fur celui d'OHns : Diodore
le dit expreffément. Une règle générale qui
peut fervir à juger de l'origine d'un grand
nombre de fables du paganifme , c'efl de
voir feulement les noms des choies , pour
décider s'ils font phéniciens , grecs , ou la-
tins ; l'on découvrira par ce feul examen ,
le pays natal , ou le tranfport de quantité
de fables.
En quatorzième lieu , il ne faut point
douter
fi
de la navigation
n'ait fait naître une infini té de /à^/<?j.(Jn ne
parla , par exemple , de l'Océan que comme
d'un pays couvert de ténèbres , où le 'ol^I
alloit fe coucher tous les foirs avec beau-
coup de fracas , dans le palais de Thetis-,
On ne parla des rochers qui compofent le
détroit de Scy lia & de Charybce,que comme
de deux monîfrcs qui engloutiffoient les
vaifTeaux. Si quelqu'un alloit dans le golfe
de Perle , on publioit qu'il étoit allé jul-
qu'au fond de l'Orient & au pays où l'aurore
ouvre la barrière du jour ; & parce que
Perlée eut la hardieffe de fortird a détroit
de Gibraltar pour fe rendre aux illes Orca-
des, on lui donna le cheval de Pégafe, avec
l'équipage de Pluton & de Mercure, comme
s'il avoir été impoffible de faire un fi long
voyage fans quelque fecours furnaturel. Con-
cluons que l'ignorance des anciens peuples ,
foitdansl'hiftoire, foitdansla chronologie,
foit dans les langues , foit dans la phyfique ,
foitdansla géographie , foitdansla naviga-
tion , a fait germer des/aWc'j innombrables.
Quinzièmement , il eîl: encore vraifem-
blable que plufieurs /zZ'/fj- tirent leur fource
du prétendu commerce des dieux , imaginé
à defTeiu de lauver Ihonneur des dames
qui avoienc eu des foiblefîes pour leurs
amans : on appeloit au fecours de leur ré-
putation quelque divinité favorable; c'étoic
undieu métamorphoié qui avoit triomphéde
l'inlenfibilité de la belle. La_/JW.- de Rhéa
Sylvia, mcre de Remus iSc de Romulus, en
eft une preuve bien connue. Amulius , fon
oncle » ar ré de toutes pièces , & Ibus la
figure de Mars , entra dans fa cellule ; &
Numitor fit courir le bruit queles deux efi-
fans qu'elle mit au monde , avoient pour
père le dieu de la guerre. Souvent même les
prétresjétant amoureux de quelque femme,
lui annonçoient qu'el'e étoit aimée du
diçw
F A B
iSeu qu'ils fervoicnt -. à cette nouvelle ,
elle fe préparoit à aller coucher dans le
temple du dieu , & les parens l'y condui-
foient en cérémonie. Si nous en croyons
. Hérodote ( Uv. I. ch. xiiij. ) il y avoit une
dame de Babylone , de celle que Jupiter
Belus avoit fait choifir par Ton premier
pontife , qui ne manquoit jamais de fe ren-
dre toutes les nuits dans fon temple : de là
ce grartd nombre de hls qu'on donne aux
dieux. Voyez Fils des Dieux.
Enfin , pour ne rien laiffer à defirer , s'il
eft pofFible , fur les fources des fables ,
on doit ajouter ici que prefque toutes celles
- qui fe trouvent dans les métamorphofes
d'Ovide , d'Hyginus , & d'Antonius Libé-
' «ralis , ne font fondées que fur des manières
de s'exprimer , figurées & métaphoriques :
ce font ordinairement de véritables faits ,
auxquels on a ajouté quelque circonftance
furnaturelle pour les parer. La cruauté de
" Lycaon qui condamnoic à mort les étran-
gers , l'a fait métamorphofer en loup. La
• llupidité de. Mydas , ou peut-être l'excel-
lence de fon ouie , lui a fait donner des
oreilles d'âne. Cérès avoit aimé Jafon ,
parce qu'il avoit perfeûionné l'agriculture
dont cette déeflfe , fuivant l'imagination
des poètes , avoit appris l'ufage à la Grèce.
Dans d'autres occafions, les métamorphofes
qu'on attribue à Jupiter & aux autres
dieux, étoient des fymboles qui marquoient
les moyens , que les princes qui portoient
tes noms , avoient mis en œuvre pour fé-
duire leurs maîtrefies. Ainfi l'or dont fe
(ervit Pretus pour tromper Danaé fit dire
qu'il sétoit changé en pluie d'or ; ou bien ,
comme le remarque Euftathius , ces pré-
tendues métamorphofes n'étoient que des
médailles d'or , fur lefquellci on les voyoit
gravées , & que les amans donnoient à leurs
maîtreffes , préfent plus propre par la rareté
du métal & la fineffe de la gravure , à ren-
dre fenfibles les belles , que de véritables
métamorphofes. Tel eft le fondement des
fables dont on vient de parler ; & fi l'on
n'en trouve pas le dénouement dans les
■fources qu'on vient d indiquer , on les dé-
couvrira dans les métaphores.
Ce feroit préfentement le lieu de difcuter
en quel temps ont commencé les fables :
mais il efl; impolîible d'en fixer l'époque.
Tome XI IL
F A B 757
ïl fuffit de favoir que nous les trouvons
déjà établies dans les écrits les plus anciens
qui nous reftent de l'antiquité profane ; il
fuffit encore de ne pas ignorer que les pre-
miers berceaux des /j/'/cj- font 1 Egypte &
la Phénicie , doù e'ies fe répandirent avec
les colonies en occident , & fur-tout daiîs
la Grèce , où elles trouvèrent un fol pro-
pre à leur multiplication. Enfuite de la
Grèce elles pad'erent en Italie , & dans les.
autres contrées voifines. Il eft certain qu'en
fuivant un peu l'ancienne tradition , on
découvre aifément que c'eft là le chemin
de l'idolâtrie & des fables, qui ont toujours
marché de compagnie. Qu'on ne dife donc
point qu'Héfiode & Homère en font les
inventeurs ; ils n'en parlent pas eux-mêmes
fur ce ton ; elles exiftoient avant leur naif-
fance dans les ouvrages des postes qui les
précédèrent ; ils ne firent que les embellir.
Mais il faut convenir que le fiecle le plus
fécond en fables & en héroïfme , a été ce-
lui de la guerre de Troie. On fait que
cette célèbre ville fut prife deux fois ; la
première par Hercule , l'an du monde
2760 ; & la féconde une quarantaine d'an-
nées après, par l'armée des Grecs , fous la
conduite d'Agamemnon. Au temps de la
première prife , on vit paroitre Thélamon,
Hercule , Théfée , Jafon , Orphée, Cafior,
Pollux , & tous les autres héros de la
toifon d'or. A la féconde prife parurent
leurs fils ou leurs petits fils, Agamemnon,
Ménélaiis, Achille, Diomede, Ajax , Hec-
tor ,• Enée , &c. Environ le même temps fe
fit la guerre de Thebes , où brillèrent
Adrafie , (Edipe , Ethéocle , Polinice ,
Capanée , & tant d'autres héros , lu jets
éternels des poèmes épiques & tragiques.
AulTi les théâtres de la Grèce ont ils re-
tenti mille fois de ces noms illuflres ; &
depuis ce temps tous les théâtres du monde
ont cru devoir les faire reparoître fur la
fcene.
Voilà pourquoi la connoiffance , du
moins une connoiffance fuperficielle de
la fable , eft fi générale. Nos fpedacles
nos pièces lyriques & dramatiques , & nos
poéfies en tout genre , y font de perpé-
tuelles allufions ; les eftampes , les peintu-
res , les ftatues qui décorent nos cabinets ,
nos galejies , nos plafonds , nos jardins ,
A aaaa
^oS F A B
font prefqiie toujours tin^s de la fable :
enfin elle eft d'un fi grand ufagc dans tous
nos e'crits , nos romans , nos brochures , &
même dans nos difcours ordinaires , qu^il
n eft pas poiïîble de l'ignorer à un certain
point , fans avoir à rougir de ce manque
d'éducation ; mais de porter fa curioflte'
jufqu'à tenter de percer les divers fens ,
ou les myfteres de la fable , entendre les
différens fyftêmes de la théologie , connoî-
tre les cultes des divinite's du paganifme ,
c'eft une fcience réfervée pour un petit
nombre de favans ; & cette fcience qui
fait une partie rrès-vafte des belles - let-
tres , & qui eft abfolument ne'ceflaire pour
avoir l'intelligence des monumens de l'an-
tiquité , eft ce qu'on nomme la Mytholo-
gie. Voyei Mythologie. An.de M. le
chcvaUer DE JauCOURT.
Fable apologue , ( Belles-Lettres. ) inf-
truôion déguifée fous l'allégorie d'une ac-
tion. C'eft ainfi que la Mothe l'a définie :
il ajoute ; eejl un petit po'éine épique , qui
ne le cède au grand que par f étendue. Idée
du P. le BofTu , qui devient chimérique
dès qu'on la prefTe.
Les favans t'ont remonter l'origine de la
fable , à l'invention des carafteres fymbo-
liques & du ftyle figuré , c'cll-à-dire , à
l'invention de l'allégorie dont la fable eft
une efpece. Mais l'allégorie, ainfi réduite à
une adion fimple , à une moralité préci-
fe , eft communément attribuée à Efope ,
comme à fon premier inventeur. Quel-
ques-uns l'attribuent à Héfiodc & à Ar-
chiloque ; d'autres prétendent que les fa-
bles connues fous le nom d'Efope ont été
compofécs par Socrate. Ces opinions a
difcuter font heureufement plus curieufes
qu'utiles. Qu'importe après tout pour le
progrès d un art , que fon inventeur ait
eu nom Efupe ,Héfiode , Archiloque , &c.
l'auteur n'eft pour nous qu'un mot ; &
Pope a très-bien obfervé que cette exif-
tence idéale qui divife en feue les vivans
fur les qualités perfonnelles des morts , fe
réduit à quatre on cinq lettres.
On a fait confifter l'artifice de la fable ,
à citer les hommes au tribunal des ani-
maux. C'eft comme fi on précendoit en
général que la comédie citât les fjoecla-
tcurs au tribunal de fcs perfonnages , les
F A B
hypocrites an tribunal de TartufFe , le»
avares au tribunal d Harpagon , &c. Dans
1 apologue , les animaux font quelquefois
le s précepteurs des hommes , Latontaine l'a
dit : mais ce n'eft que dans le cas où ils
font repréfentés meilleurs & plus fages
que nous.
Dans le difcours que la Mothe a mis à
la tête de fes fables , il démêle en philo-
fophe l'artifice caché dans ce g(ïnre de
fiéfion : il en a bien vu le principe & la fin :
les moyens feuls lui ont échappé. Il traite,
en bon critique , de la juftefl'e &: de l'unité
de l'allégorie , de la vraifemblance des-
mœurs & des caraderes , du choix de la
moralité & des images qui l'enveloppent :
mais toutes ces qualités réunies ne font
qu'une fable régulière ; & un poème qui
n'eft que régulier , eft bien loin d'être un
bon poème.
C'eft peu que dans la fable une vérité
utile & peu commune , fe déguife fous le
voile d'une allégorie ingénieufe ; que cette
allégorie , par la jufteftb & l'unité de fes
rapports , conduife direflemcnt au fens
moral qu'elle fe propofe ; que les perfon-
nages qu'on y emploie , remplin'cnt l'idée
qu'on a d'eux. La Mothe a obfervé tou-
tes, ces règles dans quelques - unes de fes
fables ; il reproche avec raifon , à Lafon-
taine , de les avoir négligées dans quel-
ques-unes des fiennes. D'où vient donc
que les plus défeJtueufes de Lafontalne
ont un charm.e & un intérêt , que n'onc
pas les plus régulières de la Mothe ?
Ce charme &c cet intérêt prennent leur
fource non feulement dans le tour naturel
& facile des vers , dans le coloris d'une
imaginîition , dans le contrafte & la vérité
des carafteres , dans la juftefte &: la pre-
ciiion du dialogue , dans la variété , la
force & la rapidité des peintures; en un mot,
dans le génie poétique , don précieux &
rare, auquel tout l'excellent efprit de la
Mothe n'a jamais pu fiippléer ; mais encore
dans la naïveté du récit & du ftyle , carac-
tère dominant du génie de Lafontaine.
On a dit : le flyle de Li fable doit être
/impie , familier , riant , gracieux , natu-
'rel, & même naïf II falloit dire, ^fur-
tout naïf. ^
Ellayons de rendre fenfible l'idée que
F A B
nous attachons à ce mot naïveté , qu'on a
Il fouvent employé fans l'entendre.
La Motlie diftingue le naïf du naturel ;
mais il fait confifter li» naïf dans l'ex-
prelTion fidèle , & non réfléchie , de ce
qu'on fent ; & d'après cette idée vague ,
il appelle naïf le qu'il mourût du vieil
Horace. Il nous femble qu'il faut aller
plus loin , pour trouver le vrai caradere
de naïveté qui eu efTenfiel & propre à la
fable.
La vérité de caraflere a pluficurs nuances
qui la dillinguent d'elle-même : ou elle ob-
ferve les ménagemens qu'on fe doit & qu'on
doit aux autres, &on l'appelle^/ic/z/re,- ou
elle franchit dès qu'onla prefTe , la barrière
des égards , & on la nomme fra ne hife ; ou
elle n'attend pas même pour fe montrer à
découvert , que les circonftances l'y enga-
gent & que les décences l'y autorifent , &:
el'e devient imprudence , indifcrétion ,
témérité , fuivant qu'elle efl plus ou moins
ofFenfante ou dangereufe. Si elle découle
de l'ame par un penchant naturel & non
réfléchi , elle efl: fimplicité ; fi la (implicite
prend fa fource dans cette pureté de mœurs
qui n'a rien à diffimulerni à feindre, elle efl
candeur ; fi à la candeur fe joint une inno-
cence peu éclairée , qui croit que tout ce
qui efl naturel efl: bien , c'eft ingénviité ; fi
l'ingénuité fe caractérife par des traits qu'on
auroit eu foi-même intérêt à déguifer , &
qui nous donnent quelque avantage fur celui
auquel ils échappent, on la nomme naïrete,
ou ingénuité naïi'e. Ainfi la fimplicité ingé-
nue efl un caradere abfolu & indépendant
des circonflances ; au lieu que la naïveté
efl relative.
Hors les puces qui mont la nuit inquiétée ,
ne feroit dans Agnès qu'un trait de fimpli-
cité , fi elle parloit à les compagnes.
Jamais je ne m^ ennuie ,
ne feroit qu'ingénu , fi elle ne faifoit pas
cet aveu à un homme qui doit s'en oiFen-
fer. Il en efl: de même de
L argent quen ont reçu notre Alain &
Georgette , &:c.
Par conféquent ce qui efl compatible avec
le caraôere naïf dans tel temps , dans tel
lieu , dans tel état , ne le feroit pas dans
F A B . 7^5
tel autre. Georgette efl naïve autrement
qu'Agnès ; Agnès autrement que ne doit
l'être une jeune fille élevée à la cour , ou
dans le monde : celle-ci peut dire &z penfer
ingénument des choies que l'éducation lui
a rendues familières , & qui paroîtroienc
réfléchies & recherchées dans la première.
Cela pofé voyons ce qui conflitue la naï-
veté dans la faèle , & l'eftet qu'elle y pro^
duit,
La Mothe a obfervé que le fuccès conC'
tart & univerfel de la faèle , venoit de
ce que l'allégorie y ménageoit & flattoic
I amour propre : rien n'eft plus vrai , ni
mieux Icnti ; mais cet art de ménager &
de flatter l'amour propre , au lieu de le
blefler , n'eft autre chofe que l'éloquence
naïse , l'éloquence d'Efope chez les an-
ciens , & de Lafontaine chez les modernes.
De toutes les prétentions des hommes ,
la plus générale & la plus décidée regardé
la fagefle & les mœurs : rien n'eft donc
plus capable de les indifpofer , que des
préceptes de morale & de fageflfe préfentés
direftement. Nous ne parlerons point de la
fatvre ; le fuccès en eft afluré : fi elle en
bleiLe un , elle en flatte mille. Nous parlons
d'une philofophie févere , mais honnête ,
fans amertume & fans poifon , qui n'in-
fulte perfonne , & qui s'adrefl!e à tous :
c'eft précifément de celle-là qu'on s'ofFcnfe.
Les poètes l'ont dcguifée au théâtre &: dans
l'épopée , fous l'allégorie d'une adion , &
ce ménagement l'a fait recevoir Tans ré-
volte : mais toute vérité ne peut pas avoir
au théâtre fon tableau particulier ; chaque
pièce ne peut aboutir qu'à une moralité
principale ; & les traits acceftbires , répan-
dus dans le cours de l'aftion , partent trop
rapidement pour ne pas s'effacer l'un l'au-
tre : l'intérêt même les abforbe , & ne nous
hifCe pas la liberté d'y réfléchir. D'ailleurs
l'inftrudion théâtrale exige un appareil qui
n'eft ni de tous les lieux , ni de tous les
temps ; c'eft un miroir public qu'on n'élcve
qu'à grands frais & à force de machines.
II en eft à peu près de même de l'épopée.
On a donc voulu nous donner des glaces
portatives aufl^ fidèles & plus commodes,
où chaque vérité ifolée eût fon image dif-
tinde ; &: de là 1 invention des petits poër
mes allégoriques,
A aaaa 2,
j4o F A B
Dans ces tableaux , on pouvoit nous
peindre à nos yeux fous trois fymboles dif-
férens ; ou fous les traits de nos femblables,
comme dans la fable du favecier & du
financier , dans celle du berger & du roi ,
dans celle du meunier & fon fils , àc. ou
fous le nom des êtres furnaturels & allé-
goriques , comme dans la fable d'Apollon
& Borée , dans celle de la difcorde , dans
les contes orientaux , & dans nos contes
de fées ; ou fous la figure des animaux &
des êtres matériels , que le poète fait agir
& parler à notre manière : c'eft le genre
le plus étendu , & peut être le feul vrai
genre de \a fable , par la raifon même qu'il
eft le plus dépourvu de vraifemblance à
notre égard.
11 s'agit de ménager la répugnance que
chacun fent à être corrigé par fon égal. On
s'apprivoife aux leçons des morts , parce
qu'on n'a rien à démêler avec eux , & qu'ils
ne fe prévaudront jamais de l'avantage qu'on
leur donne : on fe plie même aux maximes
outrées des fanatiques & des enthouliafles,
parce que l'imagination étonnée ou éblouie
en fait une efpece d hommes à part. Mais
le fage qui vit fimplement & familière-
ment avec nous , & qui fans chaleur &: fans
violence ne nous parle que le langage de la
vérité & de la vertu , nous laifTe toutes nos
prétentions à l'égalité : c'eft donc à lui à
Hous perfuader par une illufion palTagere
qu'il eft , non pas au deflus de nous ( il y
auroit dft l'imprudence à le tenter ) , mais
au contraire fi fort au deflTous , qu'on ne
daigne pas même fe piquer d'émulation à
fon égard , & qu'on reçoive les vérités qui
lemblent lui échapper , comme autant de
traits de naïveté fans conféquence.
Si cette obfervation eft fondée , voilà
le preflige de h fable rendu fcnfible , & l'art
réduit à un point déterminé. Or nous allons
voir que tout ce qui concourt à nous perfua-
der la {implicite & la crédulité du poète ,
rend h fable plus intéreffante ; au lieu que
tout ce qui nous fait douter de la bonne
foi de fjn récit , en affoiblit rintérct.
Quintilien penfoit que les fables avoient
fur-tout du pouvoir fur les efprits bruts &
ignorans ; il parloit fans doute àes/abhs
où la vérité fe cache fous une enveloppe
grolliefe ; mais le goiât , le fentimcnc &
F A B
les grâces que Lafontaine y a répandus , en
ont fait la nourriture & les déhces des-
efprits les plus délicats , les plus cultivés,
& les plus profond^ .
Or l'intérêt qu'ils y prennent , n'eft cer-
tainement pas le vain plaifir d'en pénétrer
le fens. La beauté de cette allégorie el\
d'être limple & tranfparente , & il n'y a
guère que les fots qui puifTent s'applaudir
d'en avoir percé le voile.
Le mérite de prévoir la m.oralité que la
Mothe veut qu'on ménage aux ledeurs ,
parmi lefquels il compte les fages eux-
mêmes , fe réduit donc à bien peu de chofe :
auffi Lafontaine , à l'exemple des anciens,
ne s'eft-il guère mis en peine de la donner
à deviner ; il l'a placée tantôt au commen-
cem.ent , tantôt à la fin de \a fable ,• ce qui
ne lui auroit pas été indifférent , s'il eût
regardé la fable comme une énigme.
Quelle eft donc l'erpece d'illufion qui
rend la fable fi féduifante ? On croit enten-
dre un homme aflcz fimple & aftez cré-
dule , pour répéter férieufement les contes
puérils qu'on lui a fait ; & c'eft dans cet air
de bonne foi que confifte la naïveté du récit
& du ftyle.
On reconnoît la bonne foi d'un hifto-
rien , à l'attention qu'il a de ibifir & de
marquer les circonftances , aux réflexions,
qu'il y mêle , à l'éloquence qu'il emploie à
exprimer ce qu'il fent ; c'eft là fur-tout ce:
qui met Lafontaine au deflus de fes mo-
dèles. Efope raconte fimplement , mais
en peu de mots ; il femble répéter fidèle-
ment ce qu'on lui a dit : Phèdre y met
plus de délicatefte & d'élégance, mais auffi.
moins de vérité. On croiroit en effet que
rien ne dût mieux caraâérifer la naïveté ,
qu'un ftyle dénué d'ornemens ; cependant
Lr.fontaine a répandu dans le fien tous
les tréfors de la poéfie , & il n'en eft que
plus naïf. Ces couleurs fi variées & fi
brillantes font elles-mêmes les traits dont
la nature fe peint dans les écrits de ce poète,
avec une fimplicité mervellleufe. Ce pref-
tige de l'art paroît d'abord inconcevable ;.
mais dès qu'on remonte à la caufe ; on
n'eft plus furpris de l'effet.
Non feulement Lafontaine a ouï dire ce
qu'il raconte , mais il l'a vu ; il croit le voir
encore. Ce n'elVpas un petite qui imagme >
F A B
ce n'eft pas un conteur qui plaifante ; c'eft \
un témoin préfent à l'adion , & qui veut
vous y rendre préient vous-même. Son
érudition , fon éloquence , fa philolbphie ,
fa politique , tout ce qu'il a d'imagination ,
du monde
de mémoire ,
en œuvre de
& de fentiment ,
la meilleure foi
pour vous perfuader ; & ce font tous ces
efforts , c eft le férieux avec lequel il mêle
les plus grandes chofes avec les plus petites ,
c'eft l'importance qu'il attache à des jeux
d'enfans , c'ell l'intérêt qu'il prend pour un
lapin & , une belette , qui font qu'on eft
tenté de s'écrier à chaque inftant , le bon
homme ! On le dii'oit de lui dans la fociété ,
fon caractère n'a fait que paj/er Juns fes
fables. C'eft du fond de ce caraûere que
font émanés ces tours fi naturels , ces
expreftîons il na'ives , ces images fi fidèles;
& quand la Mothe a dit, du fond de Ja
cervelle un trait naïf s'arrache , ce n'eft cer-
tainement pas le travail de Lafontaine qu'il
a peint.
S'il raconte la guerre des vautours , fon
génie s'élève. Il plut du fang ; cette image
lui paroît encore foible. Il ajoute pour ex-
primer la dépopulation :
Et fur fon roc Promethe'e efpéra
De voir bientôt une fin àfapeine.
La querelle de deux coqs pour une poule :
lui rappelle ce que l'amour a produit de plus
fiinefte :
Amour tu perdis Troie.
Deux chèvres fe rencontrent fur un pont
trop étroit pour y pafter enfemble ; au-
cune des deux ne veut reculer : il- s'imagine
voir
Avec Louis le Grand y
Philippe quatre qui s'avance
Dans l'ifle de la conférence.
TJn renard eft entré la nuit dans un pou-
lailler :
Les marques de fa cruauté'
Parurent avec l'aube. On vit un étalage
De corps fanglans & de carnage ;
Peu s'en fallut que le foie il
Ne rebrotifj'ât d'horreur vers le manoir
liquide , &c.
I,a Mothe a flnt à notre avis une étrange
méprife , en employant à tout propos ,■
F A B 741
pour avoir l'air naturel , des expreftîons
populaires & proverbiales : tantôt c'cft
Morphée qui fait litière de pavots ; tantôt
c'eft la lune qui eft empêchée par les charmes
d'une magicienne ; ici le lynx, attendant le
gibier , prépare fes dents a l'ouvrage ; là le
jeune Achille efl fort bien moriginé pav
Chiron. La Mothe avoit dit lui-même, mais
, prenons garde à la baffeffe , trop voijine du
familier. Qu'étoit-ce donc à fon avis que
faire litière de pavots ? Lafontaine a tou-
jours le ftyle de la chofe :
Un mal qui répand la terreur ,
Mal que le ciel en fa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre.
• ■•••«•
Les tourterelles fe fuyaient ;
Plus d'amour , partant plus de joie-
Ce n'eft jamais la qualité des perfonna-
ges qui le décide. Jupiter n'eft qu'un hom-
me aans les chofes familières ; le mouche-
ron eft un héros lorfqu'il combat le lion :
rien de plus philofophique & en même
temps rien de plus naïf, que ces contraftes.
Lafontaine eft peut-être celui de tous les
poètes qui pafte d'un extrême à l'autre
avec le plus de juftefl'e & de rapidité. La
Mothe a pris ces paflages pour de la gaieté
philofophique , & il les regarde comme
une fource du riant : mais Lafontaine n'a
pas deftein qu'on imagine qu'il s'égaye à
rapprocher le grand du petit ; il veut que
l'on penfe , au contraire , que le férieux
qu'il met aux petites chofes , les lui fait
mêler & confondre de bonne foi avec les
grandes ; & il réufht en effet à produire
cette illufion. Par là fon ftyle ne fe fou-
tient jamais , ni dans le familier , ni dans
l'héro'i'que. Si fes réflexions & fes peintures
l'emportent vers l'un , fes fujets le ramè-
nent à l'autre , & toujours fi à propos ,
que le leâeur n'a pas le temps de defirer
qu'il prenne l'efTor , ou qu'il fe modère. En
lui , chaque idée réveille foudain l'image
& le fentiment qui lui eft propre ; on le
voit dans fes peintures , dans fon dialogue ,
dans fes harangues. Qu'on life , pour fes
peintures , \n fable d'Apollon iSc de Borée ,
celle du chêne & du rofeau ; pour le dia--
logue j celle de l'agneau & du loup , celle
des compagnons d'Ulyfle ; pour les mono--
logues & les harangues , celle du loup & de*
742 F A B
bergers , celle du berger & du roi , celle
de l'homme & de la couleuvre : modèles à
la fois de philofopliie & de poéfie. On a dit
fouvent que Tune nuifoit à l'autre ; qu'on
nous cite , ou parmi les anciens , ou par-
mi les modernes , quelque poète plus riant ,
plus fécond , plus varié , plus gracieux &
plus fublime , quelque philolophe plus
profond & plus (iige.
Mais ni fa philofophie , ni fa poéfie ne
nuifent à fa naïveté : au contraire , plus il
met de l'une & de l'autre dans fes récits ,
dans fes .réflexions , dans fes peintures ;
plus il femble perfuadé , pénétré de ce qu'il
raconte , & plus par conféquent il nous
paroît fimple & crédule.
Le premier foin du fabulifte doit donc
être de paroître, perfuadé ; le fécond , de
rendre fa perfuafion amufante ; le troi-
fieme , de rendre cet amufement utile.
Pueris dant fruflula blandi
Doclores , ehmenta velint ut difcere
prima. Horat.
Nous venons de voir de quel artifice
JLafontaine s'eft fervi pour paroître per-
fuadé ; & nous n'avons plus que quelques
réflexions à ajouter fur ce qui détruit ou
favorife cette efpece d'illufion.
Tous les caraderes d'efprit fe concilient
avec la naïveté , hors la fineffe & l'affeûa-
tion. D'où vient que Janot Lapin , Ro/ùn
Mouton , Carpillon Fit tin , la Gent-Tiote-
Menu , &c. ont tant de grâce & de na-
turel ? d'où vient que don Jugement , dame
Mémoire, &c demoifelle Imagination , quoi-
que très-bien caraâérifés , (ont fi déplacés
dans la fable ? Ceux-là font du bon homme ;
iceux-ci de l'homme d'efprit.
On peut fuppofer tel pays ou tel fiecle ,
dans lequel ces figures fe concilieroient
avec la naïveté : par exemple , fi on avoir
élevé des autels au jugement , à l'imagi-
nation , à la mémoire , comme à la paix ,
à la fagefle , à la juftice , Ùc. les attributs
de ces divinités feroient des idées popu-
laires , & il n'y auroit aucune finefle ,
aucune affcdation à dire , le dieu Jugement,
la de'eJJ'e Mémoire, la nymphe Imagination;
mais le premier qui s'avife de réalifer , de
caraéléiifer ces abflraûions par des épi-
F A B
tlietes recherchées , paroît trop fin pour
être naïf. Qu'on réflechiffe à ces dénomi-
nations , don , dame , dt moi/elle ; il eft
certain que la première peint la lenteur , la
gravité;, le recueillement , la méditation,
qui caraâérifent le jugement : que la
féconde exprime la pompe , le fafte &
lorgueil , qu'aime à étaler la Mémoire :
que la troifieme réunit en un fcul mot la
vivacité , la légèreté , le coloris , les grâces ,
& fi l'on veut le caprice & les écarts de
l'imagination. Or peut-on fe perfuader
que fe foit un homme naïf qui le pre-
mier ait vu & fenti ces rapports & ces
nuances ?
Si Lafontaine emploie des perfonnages
allégoriques, ce n'eft pas lui qui les invente :
on efl: déjà familiarifé avec eux. La fortune ,
la mort , le temps , tout cela eft reçu. Si
quelquefois il en introduit de fa façon ,
c'eft toujours en homme fimple ; c'eft que-
Ji que-non , frère de la difcorde ; c'eft tien
& mien , fon père , &c.
La Mothe , au contraire , met toute la
finefte qu'il peut à perfonnifier des êtres
moraux & métaphyfiques : perfonnifions ,
dit-il , les vertus £>' les vices : animons ,
félon nos be foins , tous les êtres ; & d'après
cettelicence,il introduit la vertu, letalent ,
& la réputation , pour faire faire à celle-ci
un jeu de mots à la fin de la fable. C'eft
encore pis , lorfque V ignorance groffe d' en-
fant , accouche d'admiration , de demoifelle
opinion , & c^w'onfait venir l'orgueil & la
pareffe ^ouv nommer: V enfant , qv,' ils appel-
lent la vérité. La Mothe a beau dire qu'il fe
trace un nouveau chemin ; ce chemin l'é-
loigné du but.
Encore une fois , le poète doit jouer
dans h fable le rôle d'un homme fimple &
crédule ; & celui qui perfonnifie des abl-
tradions métaphyfiques avec tant de fub-
tilité , n'eft pas le même qui nous dit férieu-
fement que Jean Lapin plaidant contre
I dame Belette , allégua la coutume & Vufage,
Mais comme la crédulité du poëte n'eft
jamais plus naïve , ni par conféquent plus
amufante que dans desfujcts dépourvus de
vraifemblance à notre égard , ces fujets
vont beaucoup plus droit au but de l'apo-
logue , que ceux qui font naturels & danf
F A B
l'ordre des pofTibles. La Mothe après
avoir dit :
Nous pouvons , s'il nous plaît , donner
pour véritables ,
Les chimères des tempspaffes ,
Ajoute :
Mdis quoi? des vérités modernes
Ne pouvons - nous ufer aujji dans nos
befoins ?
Qui peut le plus , ne peut-il pas le moins ?
Ce raifonnement du plus au moins n'eft pas
concevable dans un homme qui avoir Tel-
prit jufte , & qui avoit long-temps re'fle'chi
fur la nature de l'apologue. La fable des
deux Amis , le Payfan du Danube , Phi-
lemon & Baucis , ont leur charme & leur
intérêt paiticulier ; mais qu'on y prenne
garde , ce n'eft là ni le charme ni l'intérêt
de l'apologue. Ce n'eft point ce doux fou-
rire , cette complaifance intérieure qu'ex-
cite en nous Janot Lapin , la mouche du
coche , &1.-. Dans les premières , la fimpli-
cité du poète n'eft qu'ingénue & n'a rien
de ridicule : dans les dernières , elle eft
naïve & nous amufe à fes dépens. C'eft ce
qui nous a fait avancer au commencement
de cet article , que les fables , où les ani-
maux , les plantes , les êtres inanimés par-
lent & agiftent a notre manière , font peut-
être les feules qui méritent le nom de
fables.
Ce n'eft pas que dans ces fujets même il
n'y ait une forte de vraifemblance à garder,
mais elle eft relative au poète. Son carac-
tère de naïveté une fois établi , nous de-
vons trouver poffible qu'il ajoute foi à ce
qu'il raconte ; &: de là vient la règle de
fuivre les mœurs ou réelles ou fuppofées.
Son deftein n'eft pas de nous perfuader que
le lion , l'âne & le renard ont parlé , mais
d'en paroître perfuadé lui-même; & pour
cela il faut qu il obferve les convenances,
c'eft à- dire, qu'il fafte parler & agir le
lion, l'âne & le renard , chacun fuivant le
caradere & hs intérêts qu'il eft fuppofé
leur attribuer : ainfi la règle de fuivre les
mœurs dans la fable , eft une fjite de ce
principe , que tout y doit concourir à nous
perfuader la crédulité du poète. Mais il faut
que cette crédulité foit amufante , & c'eft
encore un des points où la Mothe s'eft
trompé ; on voit que dans ks fables il vife
F A B 74J
à être plaifant , & rien n'eft 11 contraire au
génie de ce poème :
Un homme avoit perdu fa femme ,•
// veut avoir un perroquet.
Se confole qui peut : plein de la bonne
dame ,
// veut du moins che\ lui rejnplacer fon
caquet.
Lafontaine évite avec foin tout ce qui a
l'air de la plaifanterie ; s'il lui en échappe
quelque trait, il a grand foin de l'émoulfer:
j4 ces mots l'animal pervers ,
C'ejî leferpent que je veux dire.
Voilà une excellente épiï;ramme , & le
poète s'en feroit tenu là , s'il avoit voulu
être fin ; mais il vouloir être , ou plutôt il
étoitnaïf: il a donc achevé
C'ejîleferpent que je veux dire ,
Et non l'homme : on pourroit aifément
s'y tromper.
De même dans ces vers qui terminent la
fable du rat folitaire ,
Qui défignai-je , à votre avis ,
Par ce rat h peu fecourable ?
Un moine ? non ; mais un dervis j
il ajoute :
Je fuppofe quun moine efl toujours cha-
ritable.
La fineffe du ftyle confifte à fe laifler devi-
ner ; la naïveté, à dire tout ce qu'on penfe.
Lafontaine nous fait rire , mais à fes
dépens , & c'eft fur lui - même qu'il fait
tomber le ridicule. Quand pour rendre
raifon de la maigreur d'une belette , il ob-
ferve qu elle fortoit de maladie : quand pour
expliquer comment un cerf ignoroit une
maxime de Salomon , il nous avertit que ce
cerf n était pas accoutumé de lire: quand pour
nous prouver l'expérience d'un vieux rat ,
& les dangers qu'il avoit courus , il remar-
que qu';/ avoit même perdu fa queue à la ba"
taille : quand pour nous peindre la bonne
intelligence des chiens & des chats , il
nous dit :
Ces animaux vivoient entrcux comme
coujins ;
Cette union fi douce., ^ prefque frater-
nelle ,
Edifioit tous les voifins ,
nous rions , mais de la naïveté du poète ,
& c'eft à ce piège ^\ délicat que fe prend
notre vanité.
744 F A B
L'oracle de Delphes avoit , dit-on,
confeillé à Efope de prouver des vérités
importantes par des contes ridicules. Efope
auroit mal entendu Toracle , fi au lieu d'être
rifible il s'étoit piqué d'être plaifant.
Cependant comme ce n'efl: pas unique-
ment à nous amufer , mais fur-tout à nous
inftruire , que la fable eft deflinée , l'illu-
fîon doit fe terminer au développement de
quelque vérité utile : nous difons au déve-
loppement , & non pas à la preuve ; car il
faut bien obferver que la fable ne prouve
rien. Quelque bien adapté que foit l'exemple
à la moralité , l'exemple eft un fait par-
ticulier , la moralité une maxime géné-
rale ; & l'on fait que du particulier au gé-
néral il n'y a rien à conclure. Il faut donc
que la moralité foit une vérité connue par
elle-même , & à laquelle on n'ait befoin
que de réfléchir pour en être perfuadé.
L'exemple contenu dans Ja fable , en eft
l'indication & non la preuve ; fon but eft
d'avertir, & non de convaincre ; de diriger
l'attention , & non d'entraîner le confen-
tement ; de rendie enfin fenfible à l'imagi-
nation ce qui eft évident à la raifon : mais
pour cela il faut que l'exemple mené droit
à la moralité, fansdiverhon , fans équivo-
que ; & c'eft ce que les plus grands maîtres
femblent avoir oublié quelquefois:
La vérité doit naître de la fable.
La Mothe l'a dit & l'a pratiqué , il ne le
cède même à perfonne dans cette partie :
comme elle dépend de la juftefle & de la
fagacité de l'efprit , & que la Mothe avoit
fupérieurement l'une & l'autre , le fens
moral de fes fables eft prefque toujours
bien faifi , bien déduit , bien préparé
Nous en exceptons quelques-unes , com-
me celle de Yejhmac , celle de Varaignée
& du pclican. L'eftomac pâtit de fes fautes ,
mais s'enfuit-il que chacun foit puni des
Tiennes ? Le même auteur a fait voir le
contraire dans la /a è/e du chat & du rat.
Entre le pélican & l'araignée , entre
Codrus & Néron l'alternative eft-elle fi
preftante c\ufie'/iter ce fût choijir? & à la
queftion, lequel des deux voule\-vous imiter?
n'eft-on pas fondé à répondre , ni tua ni
ta'ite? Dans ces deux fables la moralité
p'eft vraie que par les circonftances , elle
F A B
eft faufTe dès qu'on la donne pour un
principe général.
La Fontaine s'eft plus négligé que la
Mothe fur le choix de la moralité ; il
femble quelquefois la chercher après avoir
compofé fa fable , foit qu'il affecte cette
incertitude pour cacher jufqu'au.bout le
deflein qu'il avoit d'inftruire , foit qu'en
effet il fe foit livré d'abord à l'attrait d'un
tableau favorable à peindre , bien ftir que
d'un fujet moral il eft facile de tirer une
réflexion morale. Cependant fa conclufion
n'eft pas toujours également heureufe ;
le plus fouvent profonde , lumineufe , in-
térefliinte , & amenée par un chemin de
fleurs ; mais quelquefois auftl commune ,
faufle ou mal déduite. Par exemple , de
ce qu'un gland , & non pas une citrouille ,
tombe fur le nez de Garo , s'enfuit-il que
tout foit bien ?
Jupin pour chaque état mit deux tables au
monde ;
V adroit , le vigilant & le fon font afjîs
A la première , & les petits
Mangent leur refte a la féconde.
Rien n'eft plus vrai ; mais cela ne fuit
point de l'exemple de l'araignée &: de l'iii-
rondelie : car l'araignée ,• quoiqu'adroite
& vigilante , ne laifle pas de mourir de
faim. Ne feroit-ce point pour déguifer ce
défaut de juftefTe , que dans les vers que
nous avons cités , Lafontaine n'oppofe
que les petits à V adroit , au vigilant & au
fort ? S'il eût dit le faible , le négligent & le
mal-adroit ; on eût fenti que les deux
dernières de ces qualités ne conviennent
pointa l'araignée. Dans la fable des poif^
fons & du berger , il confeillé aux rois
d'ufer de violence : dans celle du loup
déguifé en berger , il conclut ,
Quiconque efl loup , agiffe en loup.
Si ce font là des vérités , elles ne font
rien moins qu'utiles aux mœurs. En géné-
ral , le refped de Lafontaine pour les an-
ciens , ne lui a pas laifte la liberté du choix
dans les fujets qu'il en a pris ; prelque
toutes fes beautés font de lui , prefque tous
fes défauts font des autres. Ajourons que
fes défauts font rares , & tous faciles à évi-
ter , & que fes beautés fans nombre , fonc
peut-être inimitables.
Nous
F A B
No'JS aurions beaucoup à dire fur fa
verfification , où les pc-dans n'ont lu relc-
lerquedes négligences , & dont les beau-
tés raviflenî d'admiration les hommes de
Fart les plus exercés , &: les hommes de
goût les plus délicats ; mais pour dévelop-
per cette partie avec quelqu étendue ,
nous renvoyons à Winicle V ERS.
Du refte , fans aucun deffein de louer
ni de critiquer , ayant à rendre fenfibles,
par des exemples , les perfeftions & les
défauts de l'art , nous croyons devoir pui-
fer ces exemples dans les auteurs les plus
eftimables , pour deux railbns , leur célé-
brité & leur autorité , fans toutefois man-
quer dans nos critiques aux égards que
BOUS leurs devons ; &z ces égards confident
à parler de leurs ouvrages avec une im-
partialité férieufe & décente , fans fiel &
fans dérifion ; méprifables recours des ef-
prits vuides & des âmes baffes. Nous avons
reconnu dans la Mothe une invention in-
génieufe , une compofition régulière , beau-
coup de juftelfe & de fagacité. Nous avons
profité de quelques-unes de fes réflexions
fur la fMe , & nous renvoyons encore le
ledeur à Ion difcours , comme à un mor-
ceau de poétique excellent à beaucoup d'é-
gards. Mais avec la même fincérité nous
avons cru devoir obferver fes erreurs dans
la théorie , & fes fautes dans la pratique,
ou du moins ce qui nous a paru tel ; c'eft
au ledeur à nous juger.
Comme Lofontaine a pris d'Efope , de
Phèdre , de Pilpay , &c. ce qu'ils ont de
plus remarquable , & que deux exemples
nous fuffifoient pour développer nos prin-
cipes , nous nous en fommes tenus aux
deux fabuliftes françois. Si l'on veut con-
noîcre plus particulièrement les anciens qui
fe font diftingués dans ce genre de poéfie ,
on peut confulter V ai tic le Fabulifte. Art.
de M. Marmontei.
F A B 74f
confidérée du coté des incidens qui nouent
& dénouent l'adion.
Tantôt la fable renferme une vérité ca-
chée , comme dans l'Iliade; tantôt elle
préfente des exemples diredement perfon-
I nels & des vérités toutes nues , comme
dans Télémaque & dans la plupart de nos
tragédies. Il n'efl: donc pas de l'efTence de
la /jé/t" d'être allégorique , il fuffit qu'elle
foit morale , & c'eft ce que le P. le Boffu
n'a pas affez diftingué.
Comme le but de la poéfie eft de rendre,
s'il eft polFible , les hommes meilleurs &
plus heureux , un poète doit fans doute
avoir égard dans le choix de fon adion ,
à l'influence qu'elle peut avoir fur les
mœurs ; & , fuivant ce principe , on n'au-
roit jmais dû nous préfenter le tableau qui
entraîne (Edipe dans le crime , ni celui
d'Eledre criant au parricide Orefte -.frappe^
frappe , elle a tué notre père.
Mais cette attention générale à éviter
les exemples qui favorifent les méchans ,
& à choifir ceux qui peuvent encourager
les bons , n'a rien de commun avec la
règle chimérique de n'inventer la fable &
les perfonnages d'un poème , qu'après la
moralité ; méthode fervile & impraticable,
fi ce n'eft dans de petits poèmes , comme
l'apologue, où l'on n'a ni les grands ref-
forts du pathétique à mouvoir , ni une
longue fuite de tableaux à peindre , ni le
tiffu d'une intrigue vafte à former. Voy.
Epope'e.
Il eft certain que l'Iliade renferme la
même vérité que Tune dcs/ables à Efope ,
& que l'adion qui conduit au développe-
ment de cette vérité , eft la même au fond
dans Tune & dans fautre ; mais qu'Homère,
ainfi qu'Efope , ait commencé par fe pro-
pofer cette vérité ; qu'enfuite il ait choili
une action & des perfonnages convena-
bles , & qu'il n'ait jeté les yeux fur la
Fable, {Belles-Lettres. ) fidion mo-j circonftance delà guerre de Troie, qu a
raie. Voyez Ficrio/i.
Dans les poèmes épique & dramatique,
la fable , -fadion , le fu'ict font communé-
ment pris pour fynonymes ; mais dans une
acception plus étroite , le fujet du poème
eft l'idée fubftantielle de l'adion: l'adion
près s'être décidé fur les caraderes fidifs
d'Agamemnon , d'Acliille , d'Hedor, &c.
c'eft ce qui n'a pu tomber que dans l'idée
d'un fpéculateur qui veut mener , s'il efe
permis de le dire , le génie à la lificre.
Un fculpteur détermine d'abord l'expref-
par conféquent eft le développement du fion qu'il veut rendre , puis il défigne fa
fujçt , l'intrigue eft cette même difpofidon ' figure , & choilît enfin le marbre propre
Tome XIIL
Bbbbb
74« F A B _ F A*B
à l'exécuter ; mais les éve'nemens hifl:ori-| FABLIAUX, f. m. ( Littér.françoife. )
ques ou fabuleux , qui font la matière du
poëme héroïque, ne fe taillent point comme
le mar'ore : chacun d'eux a fa iorme eflen-
tielle qu'il n'eft permis que d'embellir ; &;
c'eft par le plus ou le moins de beautJs
qu'elle prefente ou dont elle efl fufcep-
tible , que fe décide le choix du poète :
Homère lui-même en efl: un exemple.
L'adion de l'OdylTée , prouve , li l'on
veut , qu'un état ou qu'une famille fouf-
fre de l'abfencc de fon chef ; mais elle
prouve encore mieux qu'il ne faut point
abandonner fcs intérêts domelliques pour
fe mêler des intérêts publics , ce qu'Hc-
mere certainement n'a pas eu defiein de
faire voir.
De même on peut conclure de i'aifticn
de l'Enéïde , que la valeur & la piété
réunies , font capables des plus grandes
chofes ; mais on peut conclure aufli qu'on
fàit^ quelquefois fagement d'abandonner
une femme après I avoir féduite
après
du bien d" autrui
& de
s emparer c!u bien d autrui quand on le
trouve à fa bienféance ; maximes que Vir-
gile étoit bien éloign(
Si Homère èc VirsÀ
de vouloir établir
• n'avoient inventé
la fable de leurs poèmes qu'en vue de la
moralité , toute l'afiion n aboutiroit qu'à
un feul point ; le dénouement feroit comme
un foyer oîi fe réuniroient tous les ti'aits
de lumière répandus dans le poëme , ce
qui n'eft pas : ainfi l'opinion du P. le Bofîli
eft démentie par les exemples mêmes dont
il prétend l'autorifer.
La fable doit avoir différentes qualités,
les unes particulières à certains genres ,
les autres communes à la poéiie en géné-
ral. Voye^ pour les qualités communes ,
les articles Fiction , Intérêt , Intrigue ,
Unité' , &c. Voye\ pour les qualités par-
ticulières , les divers genres de poéfie , à
leurs articles.
Sur - tout comme il y a une vraifem-
blancc abfolue & une vraifemblance hy-
pothétique ou de convention , & que tou-
tes fortes de poèmes ne font pas indiffé-
remment fufceptibles de l'un & de l'au-
tre , voye\ pour les diltinguer , les arti-
cles FTction, Merveilleux
& Tragédie. Article de M. Mar-
MOJSTEL.
Les anciens contes connus fous le nom
de fabliaux , font des poèmes qui , bien
exécutés , renferment le récit élégant &
naïf d'une adion inventée , petite , plus
ou moins intriguée , quoique d'une cer-
taine proportion , mais agréable ou plai-
faute , dont le but eft d'inftruire ou d'a-
mufer.
Il nous relie pkifieurs manufcrits qui
contiennent des fabliaux : il y en a dans
différentes bibliothèques, & fur-tout dans
celle du roi ; mais un manufcrit des plus
confîdérables en ce genre , eft celui de la
bibliothèque de Saint-Germaindes-Prés ,
n°. 1830. Les auteurs les moins anciens
dont on y trouve les ouvrages, paroifTenc
être du règne de S. Louis.
Ces fortes de poéfies du xij. & xiij,
flecles , prouvent que dans les temps de
la plus grande ignorance , non feulement
on a écrit , mais qu'on a écrit en vers : le
manufcrit de l'abbaye de S- Germain en
contient plus de 150 mille. M. le comte
de Caylus en a extrait quelques morceaux
dans fon mémoire fur les jabliaux , inféré
au tome XX , du recueil de t académie des
Infcriptions & Belles - Lettres. Cependant
le meilleur des fabliaux de ce manufcrit,
ainfî que ceux dont le plan eft le plus
exad , font trop libres pour être cités ; &
en m.ême-temps , au milieu des obfcénités
qu'ils renferment , on y trouve de pieufes
& longues tirades de l'ancien teftament.
Une telle fimplicité fait-elle l'éloge de nos
pères? Art. de M. le chevalier de Jau-
COURT.
* FABRICATION , f f. terme d'art
méchanique , c'eft l'adion par laquelle on
exécute certains ouvrages félon les règles
prefcrites. Il s'applique plus fréquemment
aux arts qui emploient la laine , le lil , le
coton , Ùc. qu'aux autres. On dit la fabri-
cation d'une étoffe ; vÀnCi faire eft plus gé-
néral que fabriquer.
Fabrication f. m. à la monnoie, eft l'exé-
cution d'ime ordonnance qui prefcrit la
fonte & le monnoyage d'une quantité de
métal. Voy. Monnoie.
FABRICIEN , f. m. ( Hifi. mod. ) offi-
cier eccléfiaflique ou laïque , chargé du
foin du temporel des califes. C'ell dans les
F A B ^ F A B 747
paroifTcsla même chofe que le truirgiiUlier. ^toientdcs prêtres & des diacres , auxquels
Dans les chapitres , c'efl un chanoine char-
gé des réparations de l'églife , de celle des
biens , fernies , 6"^. & de leur vifite , dont
il perçoit les revenus & en compte au cha-
pitre. On le nomme en quelques endroits
chumhrier. Dans certains chapitres il eft
perpétuel ; dans d'autres il n" eftqu'à temps,
amovible ou révocable à la volonté du cha-
pitre. ( G )
* FABRICANT , f. m. ( Commerce. )
On appelle ainfi celui qui travaille ou qui
fait travailler pour l'on compte des ouvra-
ges d'ourdiiïage de toute efpece , en foie ,
en laine , en fil , en coton , Ùc. Il efl rare
qu'on applique à d'autres arts le terme de
fabricant. Je crois celui àe fabrique un peu
plus étendu.
FABRIQUE DES ÉGLISES , {Jurifp.)
ce terme, pris dans le fens littéral , lignifie
la conihucîion des églifes. On entend au(îi
i^dir\3.\es reconflrucftons & autres répara-
tions quelconques , & généralement toutes
les dépenfes qui fe font , foit pour le bâti-
ment , foit pour fa décoration , & pour les
vafes facrés , livres & ornemens qui fervent
au fer vice divin.
On entend encore par ce même terme
àe fabrique , le temporel des églifes , confif-
tant , foit en immeubles , ou en revenus
ordinaires ou cafuels , afFedés à lenî-retien
de l'églife & à la célébration du fervice
divin.
Enfin par le terme àe fabrique on entend
aufîi fort fouvent ceux qui ont l'adminif-
tration du temporel de l'églife , lefquels
en certaines provinces font appelés /j.^77-
ciens , en d'autres marguilliers , lurniniers,
&c. La fabrique eft aulTi qr.elquefois prife
pour le corps ou afTemblée de ceux qui
ont cette adminiftration du temporel. Ce
bureau ou lieu d'aflemblée eft auffi quel-
quefois défigné fous le nom de fabrique.
Dans la primitive églife , tous les biens
de chaque églife étoient en commun ; l'évê
ils confioient l'adminiftration du temporel
de leur églife, dont ces économes leur ren-
doient compte.
Ces économes touchoient les revenus de
l'églife , & avoient foin de pourvoir à fes
néceflités , pour lefquels ils prenoient fur
les i-evenus de l'églife ce qui étoit néceftaire,
enforte qu'ils faifoient vraiment la fonftion
de fabriciens.
Dans la neuvième feftion du concile de
Chalcédoine , tenu en 4 5 1 , on obligea les
évéques , à l'occafion d'Ibas , évêque d'E-
defTe , de choiiir ces économes de leur
clergé ; de leur doiuier ordre fur ce qu'il
convenoit faire , & de leur faire rendre
compte de tout. Les évéques pouvoient
dépofer ces économes, pourvu que ce fût
pour quelque caufe légitime.
En quelques endroits , fur - tout dans
l'églife grecque , ces économes avoient
fous eux des coadjuteurs.
On pratiquoit auffi à peu près la même
chofe dans les monafteres ; on choififfbit
entre les religieux les plus anciens , celui
qui étoit le plus propre à gouverner le tem-
porel pour lui.
Vers le milieu du quatrième fiecle , les
chofes changèrent de forme dans l'églife
d'occident ; les revenus de chaque églife ou
évéché furent partagés en quatre lots on
parts égales", la première pour l'évéque . la
féconde pour fon clergé & pour les autres
clercs du diocefe , la troifieme pour les
pauvres , & la quatrième pour \a fabrique ,
c'eft-à-dire , pour 1 entretien & les répara-
tions de l'églife.
Le partage fut ainfi ordonné dans un
concile tenu à Rome du temps de Conftan-
tin. La quatrième portion des revenus de
chaque églife fut deftinée pour la réparation
des temples &; des "églifes.
Le pape Simplicius écrivoit à trois
évéques , que ce quart devoit être em-
ployé ecclejiafticis fabriciis. C'eft appa-
que en avoir lintendance & la direction , ) rernment de là qu'eft venu le terme d&
& ordonnoir comme il jugeoit à pvopoa fab/ique.
de l'emploi du temporel, foit pour h fi- On trouve aufTi dans des lettres du pape
brique , foit pour la fubfiftance des minif- Gélafe , en 494 , dont l'extrait eft- rapporté
très de réglife. dans le canon robis XXIII , caufd xij ,
Dans prefque tous les lieux les évéques quefi. i . Que l'on devoit faire quatre parts,
avoient fous euxdes économes, qui Ibuvent tant des revenus des fonds de 1 églife , que
B b b b b i
74? F A B ^ F A B
des oblations des fidèles ; que la quatrième d'églife, comme on l'a déjà expliqué , dont
portion étoit pour la fabrique , fabricis iine étoit pour la fabrique , tcdejiafticis
vero qiiartam ; que ce qui refteroit de cette fahricis refeirandam.
portion , la dtpenfe annuelle prélevée ,
feroit remis à deux gardiens idoines ,
choifis à cet cfFet , afin que s'il furvenoit
quelque dépenfe plus confidérable , major
Jabi ica , on eut la refTource de ces deniers,
ou que l'on en achetât quelque fonds.
Le même pape répète cette difpofition
dans les canons 2.5 , 16 , & 17 , au même
titre. 11 fe fert par tout du terme fabri-
cis , qui fign^fie en cet endroit les conf-
triiclions & réparations ; & la glofe ob-
ferve fur le canon 17 , que la conféquence
qui réfulte naturellement de tous ces ca-
nons , eft que les laïcs ne font point tenus
aux réparations de la fabrique , mais feule-
ment les clercs.
Saint Grégoire le Grand , dans une lettre
à faint Auguflin , apôtre d'Angleterre ,
prefcrit pareillement la réfcrve du quart
pour h fabrique.
Le décret de Gratien contient encore ,
loco citaio , un canon ( qui eft le 31. ) pré-
tendu tiré d'un concile de Tolède , fans dire
lequel , où la divifion & l'emploi des reve-
nus eccléliaftiques font ordonnés de même ;
cnforte, elt-il dit, que la première part foit
employée foigneufement aux réparations
des titres , c'eft-àdire , des éghfes & à
celles des cimetières ^fecundiun apojîolo-
Tum pru'cepta : mais ce canon ne fe trouve
dans aucun des conciles de Tolède. La col-
Icâion des canons faite par un auteur incer-
tain , qui eft diuis la bibliothèque vaticane,
attribue celui-ci au pape Sylveftre : on n'y
trouve pas ces paroles , fdcundiim apofto-
hruin prxcepui ; & en eiTet du temps des
apôtres , il n'étoit pas qucftion àe fabriques
dans le fens où nous le prenons aujourd'hui,
ni même des réparations.
Quoi qu'il en foit de l'autorité de ce ca-
non , celles que l'on a déjà rapportées font
plus que fuffifantes au moins pour établir
i'ufage qui s'obfervoit depuis le jv fîecle ,
par rapport :iuxfabriques des e'glifes ,• ufage
qui s'efî depuis toujours foutenu.
Grégoire II, écrivant en 719 aux évê-
ques & au peuple de Thuringe , leur dit
qu'il avoir recommandé à Boniface , leur
«vêque , de faire quatre parts des biens
En France on a toujours eu une attention
particulière pour la fabrique des e'gUfes.
Le 57e. canon du concile d'Orléans ,
tenu en j 1 1 , par ordre de Clovis , deftine
les fruits des terres que les éghfes tiennent
de lalibérahté du roi , aux réparations des
églifes , à la nourriture des prêtres & des
pauvres.
Un capitulaire de Charlemagne , de Tan-
née 801 , ordonne le partage des dixmes
en quatre portions , pour être diflribuées
de la manière qui a déjà été dite : la qua-
trième elt pour la fabrique ; quarta infabri-
câ ipfus ecclefee.
Cette divifion n'avoit d'abord lieu que
pour les firuits ; & comme les évêques &
les clercs avoient l'adminiftration des por-
tions de la fabrique & des pauvres , ce
règlement fut obfervé plus ou moins exacte-
ment dans chaque diocefe , félon que les
admijiiftrateurs de la part de h fabrique
étoient plus ou moins fcrupuleux.
Dans la fuite l'adminiftration de la part
des fabriques , dans les cathédrales &c col-
légiales , fut confiée à des clercs qu'on ap-
pela marguilliers en quelques églifes. On
leur adjoignit des marguilliers laïcs , comme
dans l'églife de Paris , où il y en avoir dès
l'an 1104.
Dans les églifes paroiflîales , les biens
de la fabrique ne font gouvernés que par
des marguilliers laïcs.
Les revenus des fabriques font deflinés
à l'entretien & réparation des églifes , ce
n'cfî que fubfidiairement , & en cas d'in-
fuffifance de revenus des fabriques , que
l'on fait contribuer les gros décimateurs &
les paroifTiens.
L'édit du mois de février 1704 avoit
créé , en titre d'office , des tréforiers des
fabriques dans toutes les villes du royaume;
mais , par l'édit du mois de feptcmbrc (ui-
vant , ils furent fupprimés pour la ville &
fauxbourgs de Paris y & par un arrêt
du confeil du 24 janvier 1705 , ceux
des autres villes furent réunies aux fabri-
ques.
V article 9 de l'édit de février 1680,
porte que le revenu des fabriques , après
F A B
les fondations accomplies , fera appliqué,
aux réparations , achat d'ornemens &
autres œuvres pitoyables , fuivant les
faints décrets; & que les marguilliers
feront tenus de faire bon & fidèle inven-
taire de tous les titres tk enfeignemens des
fabriques.
Les évêques recevoient autrefois les
comptes des Jlibriques ; mais ayant négligé 'des biens d'églifc.
F A B 74>
Pour ce qui efl; des jugeniens rendus
fur les comptes des fabriques , ils font
exécutoires par provihon , fuivant les
lettres - patentes de 1571 , & celles de
1619.
Les biens des fabriques ne peuvent être
aliénés fans néceffité , & fans y obferver
les formalités néceffaires pour 1 aliénation
cette fon^iion , les magiftrats en prirent) Le concile de Rouen, en 1581 , défend
connoifTance , fuivant ce qui eft dit dans j fous de grieves peines de les aliéner
une ordonnance de Charles V du mois que par autorité de l'ordiniire , & de
d'oâobre 15SJ
Le concile de Trente & plufieurs con-
ciles provinciaux de France , veulent que
ces comptes loient rendus tous les ans
devant l'évêque.
Charles IX , par des lettres patentes du
3 oftobre 1571 , en attribua la connoiflbnce
aux évêques, archidiacres & officiauxdans
leurs vifites , fans frais , avec défenfes à
tous autres juges d'en connoître; mais
cela ne fut pas bien exécuté, & il y a eu
bien des variations à ce fujet.
Henri III, par un édit de juillet I57S,
attribua la connoilfance' de ces comptes
aux élus. Le II mai ijSi, le clergé ob-
tint des lettres portant révocation de cet
t'dit , & que les comptes fe rendroient
com.me avant Fédit de 1578. Le pouvoir
des élus fut rétabli par un édit de mars
1587; mais il ne fut pas regiftré au par-
lement , & le clergé en obtint encore
la révocation. Les élus furent encore
rétablis dans cette fonction par édit de mai
7605.
Le 16 mai 1609, le clergé obtint des
lettres conformes à celles de 1J71 ; elles
furent vérifiées au parlement , à la charge
que les procureurs fitcaux feroient appelés à
l'audition des comptes.
Ceslettresfurent confirmées par d'autres
du 4 feptembre 1619 , regiftrées au grand
confeil , & par deux déclarations de 1657
& 1666, mais qui n'ont été regiftrées en
aucune cour..
L'édit de 1695" , qui forme le dernier
état fur cette matière , ordonne , art. 27 ,
que ces comptes feront rendus aux évêques
les employer autrement qu'à leur def-
tinaticn.
On ne peut même faire les beaux des
biens àesfabriques fans publication , & l'on
ne peut les faire par anticipation , ni pour
plus de fix ans.
La déclaration du 11 février ï66i , veut
que les églifes & fabriques du royaume
rentrent de plein droit & de fait , fans
aucune formalité de juftice , dans tous les
biens , terres & domaines qui leur ap-
partiennent , & qui depuis 20 ans
avoient été vendus ou engagés par les.
marguilliers fans permiflion & fans avoir
gardé les autres formalités néceffa'res.
Dans les affemblées de fabriques, , le curé
précède les marguilliers ; mais ceux-ci pré-
cèdent les officiers du bailliage , lefquels
n'y a/Tiftent que comme principaux habi-
tans. Kbj'fz Margu ILLIER & Répara-
tions, (.^j
Fabrique , f f. {Ardiit.) manière de
conftruire quelqu'ouvrage , mais il ne fe
dit guère qu'en parlant d'un édifice. Ce
mot vient du \ztmfabrica, qui fîgnifie pro-
prement/ot-^v. Il défigne en Italie tout bâti-
ment confîdérable : il fignifie au/Ti en
françois la manière de conftruire , ou une
belle conftrudion ; ainfi on dit que l'ob-
fervatoire , le pont royal à Paris, £>V. font
d'une hd\e fabrique. {F)
Fabrique DES Vaisse AUX, (yjfjn'/zf.)
fe dit de la mamere dont un vaifleau eft
conftruic , propre à chaque nation ; de
forte qu'on dit un i-aiffeau de fabrique lioL-
landoife , de fabrique angloife , &C. (Z)
en connoître eux-mêmes , &L non par leurs
oiîiciaux.
& à leurs archidiacres ; mais ils doivent F ABRiqVE fignlEe , dans le langage de la:
peinture , tous les bâtimens dont cet art:
offre laxepréfentatiou : ce mot réunit donc
7^0 F A B
par fa fignification , les palais ainfi que les
cabanes. Le temps qui exerce également
fes droits fur ces diftcrens édifices , ne les
rend que plus favorables à la peinture ; &
les débris qu'il Qccafionne font aux yeux
des peintres des accidens fi féduifans ,
qu'une clafie d'artifles , s'eft de tout temps
confacrée à peindre des ruines. Il s'eft auifi
toujours trouvé des amateurs qui ontfenti
du penchant pour ce genre de tableaux.
Lorfqu'il eft bien traité , indépendamment
de l'miitation de la nature , il donne à
penfer : eft-il rien de Ci féduifanc pour l'ef-
prit ? Un palais, conrtruit dans un goût fage ,
où les parties conviennent fi bien qu'il en
réfulte un tout parfait ; ce palais fi bien
confervé que rien n'en eft altéré , nous
plaira fans doute ; mais nous appercevons
prefqu'en un même inftant ces beautés fym-
métriques ; il ne nous laifte rien à defirer.
Eft-il à moitié renverfé , les parties qui
fubfiftent nous préfentent des perfe^fliions
qui nous font penfer à celles qui font déjà
détruites. Nous les rebâtlftbns , pour ainfi '
dire , nous cherchons à concevoir l'eiFet
général. Nous nous trouvons attachés par
plufieurs motifs de réflexion , jufqu'à la
variété que des plantes crues au hafard , j
ajoutent aux couleurs dont les pierres fe
trouvent nuancées par les inîluences de
l'air, tout attache les regards & l'atten-
tion.
Indépendamment de cette clafte d'ar-
tiftes qui choifit pour principal fujet de
fes ouvrages des édifices à moitié détruits ,
tous les peintres ont droit de faire entrer
àiis fabriques dans la compofition de leurs
tableaux , & fouvent les fonds des fujets
liiftoriques peuvent ou doivent en être en-
richis. Sur cette partie les règles fe rédui-
fent à quelques principes généraux , dont
l'intelligence &c le goût des artiftes doi-
vent faire une application convenable.
Celui qui me paroit de la plus grande im-
portance i eft l'obligation d'avoir une con-
noifTance approfondie des règles de Farchi-
teâure .■ Ihabitude réitérée de former des
plans géométraux , & d'élever enfjite fur
ces plans les repréfentations perfpeûives j
de ditFérens édifices, eft une des fources
principales de la vérité & de la richeîTe
de la compoiltion. 11 refaite de cette iiabi-
F A B
tude éclairée , que les édifices dont une
partie intérieure eft fouvent le lieu choifi
d'une fcene pittorefque , s'offrent aux
ipedateurs dans la jufte apparence qu'ils
doivent avoir. Combien de ces périftiles ,
de ces fallons , de ces temples , vains fan-
tômes de folidité & de magnificence , s'é-
vanouiroient avec la réputation des artif-
tes , fi d'après leurs tableaux on en faifoit
l'examen en les réduifant à leurs plans géo-
métraux ? Combien d'effets de perfpectives
trouverions-nous ridicules & faux , fi on
les foumettoit à cette épreuve ? L'exécu-
tion féverc des règles , je ne puis trop le
répéter , eft le foutien des Beaux- arts ,
comme les licences en font la ruine. Dans
celui de la peinture , la perfpeâive linéale
eft un des plus fermes appuis de l'illufion
qu'elle produit : cette perfpeâive donne les
règles des rapports des objets ; & puifque
nous ne jugeons des objets réels que par
les rapports qu'ils ont entr'eux , comment
efpere-t-on tromper les regards , fi l'on
n imite précifément ces rapports de pro-
portions par lefquels nos fens perçoivent
& nous excitent à juger ? Les grands pein-
tres ont étudié avec foin Farchitcdure in-
dépendamment de la perfpcclive , ils ont
trouvé dans cette étude les moyens de
rendre leurs compofitions variées , riches
& vraifemblables. Il feroit à fouhaiter que
les architectes puffent s'enrichir aufîl des
connoilFances & du goût qu'infpire l'art de
la peinture , en le pratiquant ; ils y puife-
roient à leur tour des beautés & des grâces
qu'on voit fouvent manquer dans l'exécu-
tion de leur compofition. Les arts ne doi-
vent-ils pas briller d'un plus vif éclat ,
lorfqu'ils réunifFent leurs lumières ? Voye\
Perspective , Ruines, év. Cet article
eft de M. Watelft.
FABULEUX , adj. {Hift. anc.) On ap-
pelle temps fabuleux ou héroïques , la pério-
de où les Payens ont feln: que régnoient les
dieux & les héros.
\'^arron a divifé la durée du monde en
trois périodes : la première eft celle du
temps obfcur & incertain , qui comprend
tout ce qui s'eft pafté jufqu'au déluge ,
dont les payens avoient une tradition conf-
tante ; mais ils n'avoient aucun détail de^
événemens qui avoient précédé ce déluge '{'
F A B
excepté leurs fidioiis fur le calios , fur la
formation du monde & fur l'âge d'or.
La féconde période eft le temps fabu-
leux , qui comprend les fiecles écoulés de-
puis le déluge jufqu'à la première olym-
piade , c eft-à-dire , i j f z ans , félon le P.
Pétau , ou jufqu'à la ruine de Troie , ar-
rivée l'an 308 après la forcie des Hébreux
del'Egyptî, & 1 164 après le déluge. Voy.
V article Fable. Diciionnaire de 'Trei^oux
& Chambers. (G)
* FABULINUS , {Myth.) dieu de la
pai'ole. Les Romains Fiuvoquoient & lui
fâifoient des facrifices lorfque leurs enfans
commençoient à bégayer quelques mots.
FABULISTE , f m. {Litter.) auteur qui
écrit des fables , fabulas , c'eftà-dire , des
narrations fabuleufes , accompagnées d'une
moralité qui fert de fondomenc à la fic-
tion.
Non feulement un fabulifie doit fe pro-
pofer fous le voile de la hdion , d'annon-
cer quelque vérité morale , unie pour la
conduite des hommes , mais encore l'an-
noncer d'une manière qui ne rebute point
l'amour propre , toujours rebelle aux pré-
ceptes duefts , & toujours tavorable à ces
déguifemens heureux , qui ont l'art d'inf-
truire en amufant.
Les enfans nouveaux venus dans le
monde , n'en connoilfent pas les habitans ;
ils ne fe connoiflent pas eux-mêmes ; mais
il convient de les lailfer dans cette igno-
rance le moins qu'il eft pofTible. 11 leur
faut apprendre ce que c'eîl qu'un lion ,
un renard , un flnge , & pour qu'elle rai-
fon on compare quelquefois un homme à
de tels animaux : c'eft à quoi les fables font
deftinées , &: les premières notions de ces
chofes proviennent d'elles ; enfuite par les
raifonnemens & les conféquences qu'on
peut tirer des fables , on forme le juge-
ment & les mœurs des enfans. Plutôt que
' d'être réduits à corriger nos mauvaifes ha-
bitudes , nos pareils devroient travailler
à les rendre bonnes , pendant qu'elles font
encore indifférentes au bien & au mal ;
or les fables y peuvent contribuer infini-
ment , & c'eft ce qui a fait dire à Lafon-
taine qu'elles étoient defcendues du ciel
pour fervir à notre inllruclion :
F A B 7^1
V apologue efl un don qui fient des immor-
tels ,
Ou fi ceji un préfent des hommes ,
Quiconque nous ta fait , mérite des autels.
Efope , fuivant tous les critiques , mé-
rite ces autels : c'eft à lui qu'on eft rede-
vable de ce beau préfent ; c'eft lui qui a
la gloire de cet invention , ou du moins
qui a fi bien manié ce fujet , qu'on l'a re-
gardé dans l'antiquité comme le père ou
le principal auteur des apologues : c'eîî ce
qui a engagé Philoftrate à embellir cette
vérité par une fiflion ingénieufe. " Efope ,
dit- il , étant berger , menoit fouvent paître
fes troupeaux près d'un temple de Mercure
où il entroit quelquefois , faifant au
dieu de petites offrandes , comme de
fleurs , d'un peu de lait , de quelques
rayons de miel , & lui demandant avec
inftance quelques rayons de fagefl'e. Plu-
fieurs fe rendoient audi dans le même tem-
ple pour le même deffein , & fâifoient au
dieu des offrandes très - confidérables.
Mercure voulant reconnoitre leur piété ,
donna aux uns le don de l'aftrologie , aux
autres le don de la mufique. Il oublia par
malheur Efope ; mais comme fon inten-
tion étoit de le récompenfer , il lui donna
le don de faire des fables » . . . . Revenons
à l'hifloire.
Efope a cela de commun avec Homère ,
qu'on ignore le vrai lieu de fa naiffance ;
néanmoins l'opinion générale le fait fortir
d'un bourg de Phrygie. 11 floriffoit du
temps de Solon , c'eft-à-dire , vers la jie.
olympiade ; il naquit efclave , &: fervit en
cette qualité plufieurs maîtres. Il apprit
à Athènes la pureté de la langue grecque ,
comme dans fa fource ; perfedionna fes
talens par les voyages , & fe diflingua par
fes réponfes dans l'affemblée des fept fages.
Sa haute réputation étant parvenue juP
qu'aux oreilles de Créfus , roi de Lydie , ce
monarque le fît venir à fa cour , le prit
en affedion , & l'honora de fa confiance.
Mais l'étude favorite d'Efope fut toujours
la philofophie morale , dont il remplit fon
ame & fon efprit , convaincu de l'inconf^
tance & de la vanité des grandeurs humai-
nes : on fait fon bon mot fur cet article.
Chylon lui ayant demandé quelle étoic
752 F A B
l'occupation de Jupiter , remporta d'Erope
cette réponfe merveilleufe : Jupiter abaijfe
les chofcs hautes -, & élevé les chofes bajjes.
Cependant il fut traité comme facrilegc ;
car ayant été envoyé par Crélus au temple
de Delphes , pour offrir en fon nom des
facrifices , fes difcours fur la nature des
dieux indifpoierenc les Delphiens , qui le
condamnèrent à la mort. Envain Efope
leur raconta la fable de l'aigle & de l'ef-
carbot pour les ramener à la clémence ;
cette fable ne toucha point leur cœur ;
ils pi-écipiterent Efope du haut de la
_roched'Hyampie , & s'en repentirent trop
tard.
Après fa mort , les Athéniens fe croyant
en droit de fe l'approprier , parce qu'il
avoit eu pour fon premier maître Démar-
chus , citoyen d'Athènes , lui érigèrent une
ftatue que l'on conjefture avoir été faite
par Lyfippe. Enfin pour confoler la Grèce
entière qui pleuroit fa perte , les Poètes
furent obligés de feindre que les dieux
l'avoient relTufcité. Voilà tout ce qu'on
faitd'Efope, même en raflemblant divers
pafiages d'Hérodote , d'Ariftophane , de
Plutarque , de Diogcne de Laërce & de
Suidas. M. de Méziriac en a fait un bel
ufage dans la vie de ce fcibalijle , qu'il a
publiée en i6ja.
Il n'eft pas facile de décider fi l'inven-
teur de l'apologue compofa fes ùbles de
defiein formé , pour en faire une efpece
de code qui renferma dans des fifitions
allégoriques toute la morale qu'il vouloit
enfeigner : ou bien fi les différentes cir-
confiances dans lefquelles il fe trouva, y ont
fucceflivcment donné lieu. De quelque fa-
çon & dans quelque vue qu'il ait compofé
fes fables , il efl: certain qu'elles ne font pas
toutes parvenues jufqu'à nous , les anciens
en ont cité quelques-unes qui nous man-
quent ; mais il n'eu pas moins certain
qu'elles étoientfi familières aux Grecs , que
pour taxer quelqu'un d'ignorance ou de
ftupidité, il avoit paiTé en proverbe de dire,
cet homme ne coiznoit pas même EJope.
Il faut ajouter à fa gloire , qu'il fut em-
ployer avec art contre les défauts des
hommes , les leçons les plus fenfées & les
plus ingénieufes dont l'efprit humain pût
js'avifer. Celui qui a dit quç fes apologues
F A B
font les plus utiles de toutes les fables de
l'antiquité , favoit bien juger de la valeur
des chofes : c'eft Platon qui a porté ce juge-
ment. Il fouhaite que les enfans fucent les
fables d'Efope avec le lait , & recommande
aux nourrices de les leur apprendre ; parce
que , dit-il , on ne fauroit accoutumer les
Iiommes de trop bonne heure à la vertu.
Appollonius de Thyane ne s'ell pas
expliqué moins clairement fur le cas qu'il
faifoit des fables d'Efope , auflî ne font-
elles jamais tombées dans le mépris. Notre
fiecle , quelque dédaigneux & quelqu'or-
gueilleux qu'il foit, continue de les efti-
mer ; & le travail que M. Lellrange a fait
fur ces n'vémes fables en Angleterre , y efl
toujours très-applaudi.
Quoique la vie du fahulifie phrygien,
donnée par Planude , foit un vrai roman ,
de l'aveu de tout le monde , il faut cepen-
dant convenir que c'efl un roman heureulb-
ment imaginé , que d'avoir confervé dans
l'inventeur de l'apologue fa qualité d'efcia-
ve , & d'avoir fait de fon maître un hom-
me plein de vanité. L'efclave ayant à mé-
nager l'orgueil du maître , il ne devoit lui
préfenter certaines vérités qu'avec précau-
tion ; & l'on voit auffi dans fa vie , que le
fage Efope fait toujours concilier les égards
& la f incérité par fes apologues. D'un autre
côté , le maître qui s'arroge le nom de
phi lofophe p ne devoit pas être homme à s'en
tenir à l'écorce ; il devoit tirer des fictions
de l'efclave les vérités qu'il y renfeim.oit :
il devoit fe plaire à l'artifice refpeftueux
d'Efope , & lui pardonner la leçon en
faveur de radreÂe & du génie. Nous
autres fabuli/hs , pouvoit dire Efope , nous
fommes des efclaves qui voulons infhuire
les hommes fans les fâcher , & nous les
regardons comme des maîtres intelligens
qui nous favent gré de nos ménagemens >
& qui reçoivent la vérité , parce que nous
leur laifibns l'honneur de la deviner en
partie.
Socrate, fongeant à concilier enfemble le
carafterc de poète & celui de philofophe ,
fit à Ion tour des fables qui contenoienc
des vérités folides, & d'excellentes règles
pour les mœurs ; il conlacra même les
derniers momens de fa vie à mettre ea
vers quelques-uns des apologues d'Efope-
Mais
F A B
Mais ce digne mortel , qui pafle commu-
Tiément pour avoir eu le plus de communi-
cation avec les dieux , n'cft pas le feul qui
ait confiderJ comme fœurs la poéfie &
les fables. Phèdre , affranchi d'Auguile ,
& dans la fuite perfécutc par Scjan , luiyit
l'exemple de Socrate, & fa façon de penfer.
Le voyant fous un règne où la tyrannie
rendoit dangereux tout genre d't'crire un
peu libre & un peu élevé , il évita de fc
montrer d'une façon brillante , & vécut
dans le commerce d'un petit nombre d'a-
mis , éloigné de tous les lieux où l'on pou-
voir être entendu par les délateurs.
w L'homme , d:t-il , fe trouvant dans la
w fervitude , parce qu'il n'ofoit parler tout
w haut ; glifla dans les narrations f'ahuleu-
y> fes les penfées de fon efpr^t , & fe mit
>■> par ce moyen à couvert de la calomnie».
Préface du tvoifieme livre de fes fables ,
qu'il dédia à Ëutyche. Il s'occupa donc
danff la folitude du cabinet à écrire des fa-
bles, & fon génie poétique lui fut d'une
grande reflource pour les compofer en vers
ïambiques. Quant à la matière , il la traita
dans le goàt d'Efope , comme il le déclare
îui-méme :
Aifopus auclor., qiiam materiam reperit.
Hanc ego polii'i terjibus fenariis.
Il ne s'écarta de fon modèle qu'à quel-
ques égards , mais alors ce fut pour le
mieux. Du temps d'Efope , par exemple ,
la fable étoit contée fimplement , la mo-
ralité féparée , & toujours de fuite. Phèdre
ne crut pas devoir s'affujettir à cet ordre
méthodique ; il embellie la narration , &
tranfporte quelquefois la moralité de la
fin au commencement de la fable. Les
fleurs , fcn élégance, fon extrême brièveté
3e rendent encore très-recommandable ; &
fi l'on y veut faire attention , on recon-
noîtra dans le poète de Thrace le caradere
de Térence. Sa fimplicité eft li belle , qu'il
ferable difficile d'élever notre langue à ce
îiaut point de perfection. Son laconifme
eft toujours clair , il peint toujours par des
épithetes convenables ; & fes defcriptions ,
renfermées fouvent en un feul mot , répan-
dent encore de nouvelles grâces dans fes
ouvrages.
Il eft vrai que cet auteur , plein d'agré-
Tome XII L
P A B 7;r
ment , a été très-peu connu pend^tit p!u-
fieurs fiecles ; mais ce phénomène doit
feulement dimmuer notre furprife à l'égard
de l'obfcurité qui a couvert la gloire de
Parcrculus fcn contemporain , &i. pareille-
ment de Quinte - Curce , dont peifonne
n'a fait mention avant le xv fiecle. Phèdre
a prefque eu le même fort ; Pierre Pithou
partage avec fon frère l'honneur de l'avoir
mis le premier au jour , l'an 1 596. Les fa-
vans de Rome jugèrent d'abord que c'étoît
un faux nom ; mais bientôt après ils cru-
rent rencontrer dans fon (lyle les carac-
tères du fiecle d'Augufte , & perfonne
n'en doute aujourd'hui. Phèdre eft devenu
un de nos plus précieux auteurs claffiques ,
dont on a fait plulieurs tradudions fran-
çoifes , & de très-belles éditions latines ,
publiées par les foins de MM. Burman &
Hoogftraten, en Hollande , depuis l'édition
de France, à l'ufagedu dauphin.
Après Phèdre , Rufus Feftus Aviénus ,
qui vivoit fur la fin du jv fiecle , fous
l'empire de Gratien , nous a donné des fa-
bles en vers élégiaques , & les a dédiées à
Théodofe , qu'on croit être le même que
Théodofe Macrobe j auteur des faturnales.
Mais les fables d'Aviénus font bien éloi-
gnées de la beauté & de la grâce de celles
de Phèdre , outre qu'elles ne paroifTent
guère propres aux enfans , s'il eft vrai ,
comme le penfe QuintiUen , qu'il ne leur
faut m.ontrer que les chofes les plus pures
& les plus exquifes.
Faërno (Gabrieli) , natif de Crémone ,
en Italie, poète latin du xvj fiecle , mort à
Rome en iféi, s'eft attiré les louanges
de quelques favans , pour avoir mis les
fables d'Efope en diverfes fortes de vers ;
mais il auroit été plus eftimé, dit M. de
Thou , s'il n'eût point caché le nom de
Phèdre , fur lequel il s' étoit formé , ou
qu'il n'eût pas iupprimé fes écrits , qu'il
avoir entre les mains. Vaiikment M. Per-
rault a traduit les fables de Faërno en
françois ; fa traduftion qui vit le jour à
Paris , en 1699, efl entièrement tombée
dans l'oubli.
Je n'ai pas faitmention jufqu'ici de âeiw/a-
bulifles grecs,nommés Gahrias Sz yîfhthon ,
parce que le petit détail qui les concerne ,
eft plutôt une affaire d'érudition que de
C cccc
7:^4 F A B
goût. Au refte^les curieux trouveront dans
la bibliothèque de Fabricius tout ce qui
regarde ces deux auteurs ; j'ajouterai feule-
ment que c'ell du premier que veut parler
Lafontainc y quand il dit ;
Mais fur-tout certain Grec renchérit ^ &■
fe pique
D'une élégance laconique :
Il renferme toujours fon conte en quatre
vers y
Bien ou mal ; je le laiffe à juger aux
experts.
Si quelqu'un me reprochoit encore mon
(llence à le'gard de Locman, dont les fables
ont été publiées en arabe & en latin par
Thomas Erpenius , je lui ferois la même
réponfe , & je le renverrois à la bibliothèque
d'Herbelot , à Yhijhire orientale d'Hot-
tinger , ou à d'autres érudits , qui ont dif-
cuté l'incertitude de toutes les tradudions
qu'on a débitées fur le compte de cefabu-
lijîe étranger.
Mais Pilpay ou Bidpay paroît plus digne
de nous arrêter un moment. Quoique ce
rare efprit ait gouverné l'Indollan fous un
puiflant empereur , il n'en étoit pas pour
cela moins efclave ; car les premiers minif-
tres des fouverains , & fur-tout des defpo-
tes , le font encore plus que leurs moindres
fujets : auffi Pilpay renier ma fagement fa
politique dans fes fables , qui devinrent le
livre d'état & la difcipline de l'Indoflan.
Un roi de Perfe , digne du trône , préve-
nu de la beauté des maximes de l'auteur,
envoya recueillir ce tréfor fur les lieux ,
& fit traduire l'ouvrage par fon premier
médecin. Les Arabes lui ont auffi décerné
l'honneur de la tradudion , & il ell demeu-
ré en pofTeffion de tous les fufFr.iges de
l'orient. J'accorderois volontiers à M. de
la Mothe que les fables de Pilpay ont plus
de rcputation que de valeur ; qu'elles man-
quent par le naturel , l'unité & la jurtellb
des penféesj, & que de plus elles font un
compofé bizarre d'hommes Si de génies
dont les aventures fe croifent ians ceffe.
Mais d'une autre côté Pilpay cfl inventeur,
& ce mérite compenferatoujoius bien des
défauts.
Enfin le célèbre Lafontaine a paru pour
çfîacer tous iQsfabuliJhs anciens &: moder-
F A B
nés ; j'ofe même y comprendre Efope &
Phèdre réunis. Si le Phrygien a la première
gloire de l'invention , le François a certai-
nement celle de l'art de conter , c'ell la fé-
conde ; & ceux qui le fuivront , n'en ac-
querront jamais une troifieme.
En vain un excellent critique des amis
de Lafontaine , M. Patru , voulut le dif-
fuader de mettre fes fables en vers ; en vain
il lui repréfenta que leur principal orne-
ment étoit de n'en avoir aucun ; que d'ail-
leurs la contrainte de la poéfie , jointe à la
févérité de notre langue, rembarrafferoit
continuellement, & banniroit delà plupart
de fes récits la brièveté qu'on peut ea
appeler l'ame , puifque fans elle il faut
nécelTairement que la fable languifle. La-
fontaine , par fon heureux génie, furmonta
tous ces obftacles , & fit voir que les
grâces du laconifme ne font pas tellement
ennemies des mules françoifes , que l'on
ne puifl'e dans le befoinles faire aile» en-
femble.
Nourri des meilleurs ouvrages du fiecle
d'Augufte , qu'il ne ceffoit d'étudier , tan-
tôt il a répandu dans fes fables une éru-
dition enjouée , dont ce genre d'écrire ne
paroifibit pas fufceptible ; tantôt , comme
dans le payfan du Danube , il a faifi le fu-
blime de l'éloquence. Mille autres beautés
fans nombre qui nous enchantent & nous
intérefîent , brillent de toutes parts dans fes
fables ; &: plus on a de goût , plus on eft
éclairé , plus on ell capable de les fentir.
Quelle admirable naïveté dans le ftyle & le
récit ! Combien d'efprit voilé fous une fim-
plicité apparente ! Quel naturel ! quelle fa-
cilité de tours & d'idées ! quelle connoifiance
des travers du ccciu- humain ! quelle pureté
dans la morale ! quelle finefle dans les ex-
prelTions ! quel coloris dans les peintures.
Foy.. l'art. FaIjLE, où l'on a fi bien dé-
veloppé en quoi confifle le charme de cel-
les de Lafontaine.
Ce mortel , unique dans la carrière qu'il
a courue , né à Château-Thierry en i6ii,
mort à Paris en 1695 , eft le feul des
grands hommes de fon temps qui n'eut
point de part aux bienfaits de Louis XIV.
11 y avoit droit par fon mérite & par fa
pauvreté. Cet homme célèbre , ajoute
M. de Voltaire, réunillbic en lui les grâces»
F A B
l'ingénuité &: la crjciulité d'un enfant : il
a beaucoup écrit contre les femmes , &
il eut toujours le plus grand rel'pcd pour
elles : il taifoit des vers licencieux , «Se il
ne laifla jamais échapper aucune équivo-
que ; fi fin dans fcs ouvrages, fi limple
dans fon maintien & dans les dii'cours , fi
modefte dans les produdions , que M. de
Fontenelle a dit plaifamment que cétoit
par bétife qu'il préléroit les fables des an-
ciens aux fiennes ; en effet il a prefque tou-
jours furpaflé fes originaux , fans le croire
& fans s'en douter.
Il a tiré d'Efope , de Phèdre , d'AviJ-
mis , de Faërne , de Pilpay , & de quelques
autres écrivains moins connus , plufieurs
de fes fujets ; mais comment les rend-il >.
toujours en les ornant & les embellifl'ant ,
au point que toutes les beautés font de lui ,
& les délauts , s'il y en a , font des autres-
Par exemple , le fond de la fable intitulée,
le meunier , fon fils & râne , efl: empruntée
de \'agafo de Frideric Widebrame , que
Dornavius a donné dans Vamphitheatriim
fapiemi.v focradcx torn. I. pag. $oz .in-fol.
Hanovr. iSig. Dans l'auteur latin c'eft un
récit fans grâce , fans fel & fans finefle ;
<ians le poète françois, c'ell un chef-d'œuvre
de l'art , une fable unique en fon genre ,
une fable qui vaut un poëme entier. Choie
étonnante ! tout prend des charjnes fous
la plume de cet aimable auteur, )ufc|u'aux
inégalités & aux négligences de fa poéfie.
D'ailleurs on ne trouve nulle part une façon
de narrer plus ingénieufe , plus variée , plus
féduifante ; & cela eft fi vrai que fes fables
font peut-être le feul ouvrage dont le mé-
rite ne foit ni balancé ni contredit par
perfonne , en aucun pays du monde.
En un mot , le beau génie de Lafontaine
lui a fait rencontrer dans ce genre de com-
pofition mille & mille traits qui paroiffent
tellement propres à fonfajet, que le premier
mouvement du lecteur eft de ne pas douter
qu'il ne les trouvât aufli-bien que lui.
C'eft-là vraifemblablement une des raifons
<jui ont engage plufieurs poètes à l'imiter ;
& tous, fans en excepter M. de la Mothe ,
avec trop peu de fuccès.
Nous ne prétendons pas nier qu'il ne
fe trouve dans les fables de ce dernier
-écrivain, de. la juftefîe , une compofition
rt^uliere j une invention ingénieufe, quan*.
tité d'excellentes tirades , d'endroits pleins
d'efprit, de finefle & de délicatelle ; mais
il n'yapoint ce beau naturel qui plaît tant
dans Lafontaine. M. de la Mothe n'a point
attrapé les grâces fimples & ingénues du
fdbltcr de madame de Bouillon ; il femble
qu'il réfléchifïbit plus qu'il ne penfoit , &
qu'il avoit plus de talent pour décrire que
pour peindre. Voy. encore à ce fujet Van.
Fable.
On loua excellivement celles de M. de la
Mothe , lorfqu il les récita dans les afiem-
blées publiques .de l'Académie Françoife ;
mais quand elles furent imprimées , elles
ne foutinrent plus les mêmes éloges. Quel-
ques perfonnes fe (buviennent encore d'a-
voir oui raconter qu'un de fes zélés parti-
fans avoit donné à fon neveu deux fables
à apprendre par cœur , l'une de Lafontaine,
& l'autre de la Mothe. L'enfant, âgé de fix
à feptans , avoit appris promptÈment celle
de Lafontaine ,& n'avoit jamais pu retenir
un vers de celle de la Mothe.
Il ne faut pas croire que le public ait
un caprice injufte , quand il a improuvé
dans les fables de la Mothe , des naïvetés
qu'il paroit avoir adoptées pour toujours
dans celles de Lafontaine : ces naïvetés
ne font point les mêmes. Que Lafontaine
appelle un chat qui eft pris pour juge fa
majefié fourrée , cette épithete fait une
image fimple , naturelle & plaifante ; mais
que M, de la Mothe appelle un cadran
un greffier folaire , cette idée alambiquée
révolte , parce qu'elle eft fans juftefle &
fans grâce.
Je fuis bien éloigné de faire ces réfle-
xions pour jeter le moindre ridicule fur le
mérite diftingué d'un homme des plus efti-
mables que la France ait eu dans les lettres,
& dont l'odieufe envie n'a pu ternir la
gloire. M. Houdart delà Mothe , mort fe-
xagénaire à Paris, en 173 1 , après avoir eu
le malheur d'être privé de l'ufage de fes yeux
dès l'âge de vingt-quatre ans , étoit un ef-
prit très-pénétrant , très-étendu , un écri-
vain fécond & délicat ; un modèle de dé-
cence , de politefte & d'honnêteté dans la
critique. Ses ouvrages , en grand nombre ,
font remplis de beautés , dégoût iS; d'érudi-
tion choiîie. Enfin les fables même qu'il a
Ccccc 2
7yÉ F A B
publiés , ifid^pendamment des autres mor-
ceaux exceliens qui nous reftent de lui en
plufleurs genres, empêcheront toujours
qu'on n'oie le mettre au rang des auteurs
médiocres.
Je ne dirai rien de nos voifins ; le talent
de conter fupérieurement n'a point paff^
chez eux , ils n'ont point de fabuUfies. Je
fais bien que le poète Gai a fait en angl -is
des fables eftime'es par fa nation , & que
Gelbr , poète faxon , a publié des fables &
des contes qui ont eu beaucoup de fuccès
dans fon pays ; mais les Anglois ne regar-
dent les fables de Gai, que comme fon meil-
leur ouvrage , & les Allemands même re-
prochent à Geller d'être monotone & dif
iiis. Je doute que ce qui manque à l'un
pour être excellent , & que deux défauts
aufll confîdt'rables que ceux qu'on recon-
noît dans l'autre , puifTent être rachetés
parla pureté du llyle, la djlicatefîe des
penfées , & les fcntimens d'amour & d'a-
mitié qu'on dit que celui - ci a fu répandre
dans ce genre d'ouvrage ; & par la force
de lexprefTion , & la beauté de la morale
& des maximes qu'on accorde à celui-là.
An. de M. le chevalier DE Jaucourt.
F A Ç
TAÇADE, f. f. ( Archit. ) c'efl le fron-
tifpice ou la ftrudure extérieure d un bâti-
ment. On dit le fromifpice d'une églife ,
d'un temple, d'un monument public, &c.
On dit la fjçade du cûté des jardins, du
côté de la rue , de la cour , du grand che-
min, &c. On appelle cncoïc façade latérale,
le mur de pigeon ou le retour d'un bâti-
ment ifolé. C'efl par la décoration de la
façade d'un édifice , que l'on doit juger de
1 importance de ce dernier , du motif qui
l'a fait élever, &la dignité du propriétaire:
c'efl par fon ordonnance que la capacité
d'un architefte fe manifcfle , & que les
hommes intelligens jugent de la relation
qu'il a fu obferver entre la diflribution des
dedans , & celle des dehors , & de ces deux
parties avec la folidité. L'on peut dire que
\z façade d'un bâtiment eft à l'édifice , ce
que la phyfionomie efl au corps humain :
celle ci [revient en faveur des qualités de
1 ame ; l'autre détermine à bien juger de
iwtérjeur d'un bâtiment. Mais , de même
F A Ç
qu'un peintre , un fcnlpteur doit varier les
exprefîions de fes figures , afin de ne pas
donner à un foîdat le caraûere d'un héros
ni aux dieux de la lable , des traits qui
tiennent trop de I humanité ; il convient
qu'un architefte fafTe choix d'un genre de
décoration qui défigne, fans équivoque, les
monumens facrés , les édifices pubhcs , les
maifons royales , & les demeures des par-
ticuliers ; attention que nos modernes ont
trop négligée jufqu'à préfent. Tous nos
frontifpices , nos façades extérieures por-
tent la même empreinte : celles de nos
hôtels font revêtues des mêmes membres
d'arcliiteéture , & l'on y remarque les mê-
mes ornemens qui devroient être réfervés
pour nos palais ; négligence dont il réfulte
non feulement un détaut de convenance
condamnable , mais encore une multiplicité
de petites parties , qui ne produifent le plu»
fouvent qu'une architecture mefquine ,
& un défordre dont fe reffentent pref'iue
toutes les produâions de nos jours ; fans
excepter les temples confacrés à la divi-
nité.
Malgré l'abus général dont nous parlons ,
nous allons citer les frontifpices & les faça-
des de nos b-ârimens françois les plus capa-
bles de fervir d'autorité , & dont les com-
pofitions font les plus exemptes des défauts
que nous rapprochons ici. IJe ce nombre
font, la façade dulouvre , du côté de Saint
Germain l'AuxeiTois, par Claude Perrault,
pour la décoradon des palais des rois : la.
façade de Verfailles , du côté des jardins ,
par Hardouin Manfard , pour les maifons
royales : \z façade du château de Maifons ,
par François Manfard , pour les édifices de
ce genre : \z façade du côté de la cour de
l'hôtel de Soubife , par M. de la Mair ,
pour la demeure de nos grands ftigneurs :
h. façade de la maifon de campagne de M. de
la Boifnere , par M. Charpentier , pour
nos belvéders & nos jolies maifons de
campagnes : les façades de la nuifon de
M. de Janvri , fauxbourg S. Germain , par
M. Cartaut, pour nos maifons particulières:
la façade du bâtiment de la Charité , rue
Taranne , par M. Deflouches , pour nos
maifons à loyer : le frontifpice de l'églife
de Saint Sulpice , par M. de Servandoni ,
pour amioncer la grandeur & la majgnifi-
F A C
cence de nos édifices facrés : celui des
Feuillans du coté do la rue Sainc-Honorc ,
■pour la pureté de l'architefture par Fran-
çois Manfart : celui de l'égliie de la Culture
de Sainte-Catherine , pour la fingularité ,
parle P. de Creil. Enfin , nous terminerons
cette énuméracion par la dJcoration de la
porte de Saint-Denis , élevée fur les delTins
de François Blondel , comme autant de
modèles qui doivent fcrvir d'étude à nos
architedes, attirer l'attention des amateurs,
& déterminer le jugement de nos proprié-
taires. Voye\ la plus grande partie des
façades que nous venons de citer , & les
defcriptions qui en ont été faites , répan-
dues dans les huit l'ohimcs de l'architecture
fançoife. Voyc\ aufïï Iq;, façades que nous
donnons dans cet ouvrage , pLinches d'ar-
chitecliire. (P)
FACE , ( anat. ) vifape de l'homme.
Cette partie animée par le fouffle de Dieu ,
fuivant rexprefTion de Moïfe {Gen. ij , j ,)
a des avantages trés-confidérables fur celle
qui lui répond dans les autres animaux , 6<:
qu'on appelle bec , mufeau , ou hure. J^oy.
Bec , ùc.
Cicéron , Ovide, Siiius Italiens, & plu-
fieurs autres, ont remarqué que 1 homme
feul de tous les animaux , a Wface tournée
vers le ciel. Brou n , /. 11^, ch. j , de fon
ouvrage fur les crrer.rs populaires , a dit là
deflus des chofes allez curieufes. V^oycT^
Brown's Worcks , p. m. 249-252.
M. de BufFon , dans le fécond tome de fon
hifloire naturelle , a expriviié parfaitement
les traits caradJrilliques qui peignent les
pafîions fortes par le changement de la
phyfionomie. Si l'on confidere combien les
payions ont de dearés & de combinaifons
différentes , fi l'on obferve enfui te que
chaque modification des mouvemens de
l'ameeftreconnolfTjblc à oes yeux exercés ,
on fera étonné de la diveffité prodigieufe
des mouvemens , dont les mufcles de la
/«Cf font fufceptibles. Voye\ PHYSIONO-
MIE.
On juge encore du tempérament, & pref-
que des mœurs of du caraftere d'efprit , par
l'infpesSion des rides du front. Le principe
de cet art , dont l'application paroît fort
vaine , a été finguliérement défendu par
M. Lahcifi 3 dans une diflertation qui eft
F A C 757
à la tète du Th;acrum anat. de Manget:
{""oyei MÉTOPOSCOPIE.
Les anatomiftes font afTez d'accord fur
l'expofition des os de la face ; mais iis diffé-
rent extrêmement dans les defcriptions
des mufcles de cette partie. Celles de San-
torinifonttrès-remarquahles. Ohjetr. anat.
chap. j. Voyc^ les articles particuliers des os
& des mulcics de la/jcf , comme Maxil-
laire , Masseter, 6v.
On diftingue lai face en partie fupérieure
ou front, & en partie inférieuie. Enfin, on
fe fert du mot face , pour exprimer le côté
fupérieur, antérieur, ùc. de différentes-
parties du corps. (§■)
Face, {Se'méiotique.) VGyc\Vl%hG"E..
Face hippocratique , voye^ ViSAGE
HlPPOCRAjriQUE.
Face , f. f. en Ge'omét. défi^nc en géné-
ral un des plans qui compofent lafurface
d'un polyhedre : ainfl on dit que rhexalj£dre
a fix/jce5. Voyc^ PoLYHEDliE.
Y-s. face ou le plan fur laquelle corps efl
appuyé, ou fiippofé appuyé, efl appelée
proprement fa hafe , & les autres plans
gardent le nom de /JcT. Chacune àe^ faces
peutfervir de bafe , ou être fnppofée lervir
de bafe. Cependant lorfqu'un corps eft long
& étroit , com.me un obélifque , on prend
pour bafe \aface la moins étendue. ( O)
* Face , {J.ftiol. jud. & Dirmat.) c'eft
la troifierae partie de chaque figne du
zodiaque , que les aftrologues ont regardé
comme compofé de 50 degrés. Ils ont divifé
ces }o degrés en trois. Les dix premiers
degrés compofent la prercâere face ; les dix
fuivans , la féconde ; & les djx autres , la
troifiemey Jc-f. Ils ont enfuirc rapporté ces
faces aux planètes , & ils ont dir que venus
correfpondoit dans telle circonftance à la
troifieme /jLf du taureau, c'eft-à-dire ,
qu'elle étoit dans les dix derniers degrés de
ce figne. On voit bien que toutes ces idées
font arbitraires , & que fi l'aftrologie fonde
fes prédidions fur ces divifions , il ne faut
que lesconnoîtreunpeu pour être défabufé.
Quand on conviendroit qu'en conféquence
delà liaifon, qui eft néceffairement entre
tous les êtres de l'univers , il ne feroit pas
impolîible qu'un effet relatif au bonheur ou
au malheiu: de l'homme , dût abfolumenc
7;S F A G
coexifter avec quelque phénomène célefte j
enforte que l'un étant donné , l'autre rt'ful-
tât ou fuivît toujours intailliblement , pgat-
on jamais avoir un aflez grand nombre
d'obfervatious pour fonder en pareil cas
quelque certitude ? Ce qui doit ajouter
teaucoup de force à cette confide'i-ation ,
c'eft que toute la dure'e de nos obfervations
en ce genre ne fera jamais qu'un point rela-
tivement à la durée du monde , antérieure
& poftérieure à ces obfervations. Celui qui
craindroit , lorfque le foleil defcend fous
l'horizon , que la nuit qui approche ne fût
fans fin , feroit regardé comme un fou :
cependant jevoudrois Inen que l'on entre-
prit de déterminer le nombre des expé-
riences fufRfant pour ériger un événement
en loi uniforme & invariable de l'univers^
lorfqu'on n'a de la confiance de l'événement
aucune démonfiration tirée delà nature du
méchanifme > & qu'il ne refte , pour s'en
alTurer , que des obfervations réitérées.
Face d'une Place , [Fonificat.) cc'à
la même chofe que le front d'une place :
c'eft un de fes Cv^tés, compofé d'une cour-
■"tine & de deux demi-baftions. Voye:^
Fromt.
Lorfqu'on veut attaquer une place , il
eO: très-important d'en bien connoître les
différentes jdces , ou les différens fronts ,
afin d'attaquer le plus foible ou celui qui
idonne le plus de facilité pour les approches ,
& pour y faire arriver les munitions comm»o-
dément. Fbj'^^ ATTAQUE. (Ç)
Faces [les] d'un ouvrage defortifLcanon,
font en général les deux côtés de l'ouvrage
les plus avancés vers la campagne , ou le
dehors de la place.
Ainfi les faces du baflion font les deux
côtés qui forment un angle faillanr du côté
de la campagne ; elles font par leur pofirion
les plus expofées de toutes les parties de
l'enceinte , au feu de l'ennemi ; & comme
elles ne font d'ailleurs défendues que par le
flanc du baftion oppofé , elles font les par-
ties les plus foibles du baftion , ou de l'en-
ceinte des places fortifiées : c'eft par cette
raifon que l'attaque du baftion fe fait par
les faces ; on y fait brèche ordinairement
vers le milieu ou le tiers , à compter de
l'angle flanqué ; on fe trouve par là en état ,
lorfqu'on s'eft établi fur la brèche , d'occu-
F A C
per plus promptement tout Tintérienr du
baftion. Voje:{ ATTAQUE DU BasTION-
Les faces du baftion doivent avoir au
moins 55 ou 40 toifes , afin que le
baftion ne foit pas trop petit. On les
trouve bien proportionnées à fo; parce
qu'elles donnent alors le baftion d'une
grandeur raifonnable. Lojfqu'elles doivent
défendre quelqu'ouivrage au de -là du
fofTé , il faut qu'elles aient la longueur
néceffaire pour les bien flanquer ; elles ne
doivent point être trop inclinées vers la
courtine ^ afin de défendre plus avantageu-
fement ou moins obliquement l'approchedu
baflion.
has faces delà demi-lune , des contre-
gardes , des tenaillons ou grandes lunet-
tes , &c. font de même les deux côtés de
ces ouvrages qui forment un angle vers la
campagne ; ainfi que celles des places d'ar-
mes du chemin couvert. Ces dernières de-
vroient avoir toujours 1 5 ou 20 toifes ,
afin de rendre les places d'armes plus gran-
des, & de pouvoir flanquer plus avanta-
geufement les branches ou les côtés du che-
min couvert , qui en font flanqués ou dé-
fendus. Voy. Chemin couvert & Pla-
ces d'armes du Chemin couvert.
(0
Face , [Ans , DeJJJn , Sculpture ,
Peinture.) nom donné par les deflinaceurs à
une dimenfion du corps humain, pour fixer
les jufles proportions que ces parties doivent
avoir enfemble.
Pour cet effet , les defllnateurs divifent
ordinairement la hauteur du corps en dix
parties égales , qu'ils appellent faces en
terme d'art ; parce que Va face de l'homme
a été le premier modèle de ces mefures.
On diftingue trois parties égales dans cha-
quQface , c'efl-à-dire , dans chaque dixième
partie de la h^teur du corps : cette fé-
conde divifion vient de celle que l'on a
faite de la face humaine en trois parties
égales. La première commence au defUis
du front , à la naiffance des cheveux, &
finit à la racine du nez ; le nez fait la deu-
xième partie de \zface ; & latroifieme,
en commençant au deffous du nez , va juf-
qu'au deffous du menton. Dans les mefu-
res du refte du corps , on défigne quel-
quefois la troifîeme partie d'une yà^e^ PW
TAC
F A C
7îP
une trentième partie de toute la hauteur, 'corps. Depuis la foflette qui efl entre les
par le mot de ne^i , ou de longueur du nei. clavicules jul'qu'à 1 emboîture de l'os de
La première face dont nous venons de l'épaule avec celui du bras , il y a une
parler, qui eft toute la/ jtf de l'homme, ne _/ji.e ; lorfque le bras efl appliqué contre
commence qu'à la naill'ance des cheveux , le corps & plié en avant , on y compte
qui eftau defTus du front; depuis ce point quatre f'ces ; favoir deux entre l'emboî-
jufqu^au fommet de la tète, il y a encore ture de l'épaule & l'extrémité du coude ,
un tiers de /ace de hauteur , oucequieft & deux autres depuis le eoude jufqu'à la
la même chofe , une hauteur égale à celle première nailîance du petit doigt , ce qui
du nez : ainfl depuis le fommet de la tête tait cinq faces ^ &: cinq pour le côté de
jufqu'au bas du menton , c'efl-à-dire , dans l'autre bras , c'ell en tout dix faces , c'eft-à-
la hauteur de la tète , il y a une face & uu dire , une longueur égale à toute la hauteur
tiers (Se face ; entre le bas du menton & la ! du corps
foflette des clavicules , qui eft au defllis de II relie cependant à l'extrémité de cha-
la poitrine , il y a deux tiers de face : ainli que main la longueur des doigts , qui eft
la îiauteur , depuis le deflus de la poitrine d'environ une Aç^mi fac e ; mais il faut faire
jufqu'au fommet de la técQ , tait deux fois , attention que cette demi face fe perd dans
la longueur de la face j ce qui eft la cin-jles emboîtures du coude & de l'épaule ,
quicme partie de toute la hauteur du corps. ' '^ ' ' '" ■ ' j
Depuis la fotfette des clavicules jufqu'au
bas des mamelles , oncompte une face :
au deflbus des mamelles commence la
quatrième face , qui finit au nombril ; &
la cinquième va à l'endroit où fe trouve la ; égale à une lixieme partie de la hauteur du
bifurcation du tronc; ce qui fait en tout] corps en entier.
lorfque les bras font étendus.
La m.ain a une face delongueur ; le pouce
a un tiers de face , ou une longueur de
nez , de même que le plus long doigt du
pié ; la longueur du deflbus du pié ; eft
la moitié de îahauteurdu corps. On compte
a /jc-e5 dans la longueur de la cuifTe jufqu'au
genou , le genou fait une àemi-face. Il y
a % faces dans la longueur de la jambe , de-
puis le bas du genou jufqu'au coup-de-pié ,
ce qui fait en tout neuï faces & demie ; &
depuis le coup-de-pié jufqu'à la plante du
pié , il y a une àem\~face , qui complette
les dix faces , dans lefquelles on a divifé
toute la hauteur du corps.
Cette divifion a été faite pour le commun
des hommes ; mais pour ceux qui font
d'une taille haute & fort au defliis du com-
mun , il fe trouve environ une demi face
de plus dans la partie du corps, qui eft en-
tre les mamelles & la bifurcation du
tronc : c'eft donc cette hauteur de furplus
dans cet endroit du corps qui fait la belle
taille. Alors la naiffance de la bifurcation
du tronc ne le rencontre pas précifément au
milieu de la hauteur du corps , mais un peu
au delTous.
Lorfqu'on étend les bras , de façon
qu'ils fuient tous deux fur une même ligne
droite & horizontale , la difiance qui fe
trouve entre les deux extrémités des grands
doigts des mains , eft égale à la hauteiu- du
Si l'on vouloit vérifier ces mefures de
longueur fur un feul homme , on les trou-
veroit fautives à plufieurs égards ; parce-
qu'on n'a rien obfervé de parfaitement
exad dans le détail des proportions du
corps humain. Non feulement les mémes^
parties du corps n'ont pas les mêmes di-
menfions proportionnelles dans deux per-
fonnes différentes , mais fouvent dans la.
même perfonne , une partie n'eft pas exafte-
ment femblable à la partie correfpon-
dante , par exemple , fouvent le bras
ou la jambe du côté droit , n'a pas
exaclement les mêmes dimenfions que
le bras ou la jambe du côté gauche y
&c.
Il a donc fallu des obfervations répétées
pendant long-temps, pour trouver ua
milieu entre ces ditîérences , afin d'éta-^
blir au jufte les dimenlions des parties du-
corps humain, & de donner une idée des-
proportions qui font ce que l'on appelle
la belle nature. Ce n'eft pas la comparaifon
du corps d'un homme avec celui d'un autre-
homme , ou par des mefures aJluellemenc
priies fur un grand nombre de fujets , qu'ore
a pu acq^uérir cctcc connoiiTaace ; c'eft pair
7f o F A C
les efforts qu'on a faits pour imiter &
copier exaf^ement la nature : c'ell à l'art
du àcfftn qu'on doit tout ce que l'on
peut favoir en ce genre. Le fentiment ik
le goût ont fait ce que la méchanique ne
pouvoir faire; on a quitté la règle & le
comp?s , pour s'en tenir au coup d'œil ;
on a rJalife' liir le marbre toutes les formes ,
tous les contours de toutes les parties du
corps humain, & on a mieux connu la
nature par la repréfentation , que par la
nature même.
Dès qu'il y a eu des ftatues , on a mieux
jugé de leur perfedion en les voyant ,
qu'en les mefurant. C'eft par un grand
exercice de l'art du deiTîn, & par- un
fentiment exquis , que les grands ftatuaircs
font parvenus à taire fentir aux autres
hommes les juf|-es proportions des ouvrages
de la nature. Les anciens ont fait de li
belles ftatues , que d'un commun accord
on les a regardées comme la repréfentation
exaâe du corps hum.ain le plus p^irfair. Ces
ftatues, qui n'étoient que des copies de
riiom.me , font devenues des originaux ;
parce que ces copies n'étoient pas faites
d'après un feul individu, mais d'après
l'efpece humaine entière bien obfervée ,
& fi bien vue , qu'on na pu trouver au-
cun homme dont le corps fût aufli bien
proportionné que ces ftatues. C'eft donc
fur CCS modèles que l'on a pris les mefures
du corps humain, telles que nous les avons
rapportées.
11 feroit encore bien plus difficile de
déterminer les' mefures de la grofteur des
différentes parties du corps ; l'embonpoint
ou la maigreur change fi fort ces dimen-
fions , & le mouvement des mufcles les fait
varier dans un fi grand nombre de pofi-
tions , qu'il eft prefque impofTiblijde donner
là deftus des rtfultats fur lefquels on puifle
compter.
Telles font les réflexions judicieufes que
M. de Bulfon a jointes aux diviuons don-
nées par les deHinateurs de la hauteur &
de la largeur du corps humain , pour en
établir les proportions. V. l'art. PROPOR-
TION. Voy.fon hiji. nat. tom. II ^ p. 545 ,
in-^^. Article de M. le chevalier DE
Jaucourt.
J''ace ; en j'W;//r(7î/e j eftunccombinaifon j
F A C
ou des Ions d'un accord , en commençant
par celui qu'on veut, & prenant les autres
félon leur fuite naturelle ou celles des
touches du clavier qui forment le même
accord : d'où il fuit qu'un accord a autant
de faces polFibles , qu'il y a de fons qui le
compofent ; car chacun peut être le prem.ier
à fon tour.
L'accord parfait ut, mi ^fol , a tm\s faces.
Par la première ut , mi, fol , tous les doigts
font rangés par tierces, & la tonique eft
fous le premier. Par la féconde mi , fcl y
ut f'û y a une quarte entre les deux der-
niers doigts, & la tonique eft fous le rroi-
fieme. Par la troifieme fol , ut , mi , la
quarte eft entre les deux premiers doigts ,
& la tonique elt fous celui du milieu. -Voye^
Renversement.
Comme les accords diftonnans ont ordi-
nairement quatre fons , ils ont auîii quatre
faces , qu'on peut trouver avec la même
facilité, ^oy. DoiGTER. [S)
Face, en terme d'Architecture , eft un
membre plat qui a beaucoup de largeur
& peu de faillie. Telles font les bandes
d'une architrave , d'un larmier, &'<:. Voy.
Bande. (P)
Face , {Manec;e.) terme qui dans notre
art fignifie la même chofe que celui de
chamfrin. Nous employons l'un & l'autre
pour défigner fpécialement tout l'efpacc ,
qui, depuis les fourcils ou le bord inférieur
des falieres , règne jufqu'à l'endroit où les
os du nez terminent inférieurement leur
trajet. Les chevaux dont le chamfrin eft
blanc , c'eft-à-dire , dont l'étoile ou la
pelote, qui elî lituée au m.ilieu du front,
le propage & s'étend en forme de bande
jufqu'aux nafaux, font appelés belle fcce.
L'épithete prouve fans doute que cette
marque a été confidérée comme un trait
de beauté dans l'animal. Quoique nous
ayons confervé cette expreflion , nous n'a-
doptons pas unanimement les idées des
anciens à cet égard ; nous nous croyons
fondés à rejeter aùffi celles qui fe font for-
mées de la bonté, du bonheur ou du
malheur, de la franchife ou de l'indocilité
du cheval , relativement à l'exiftence ou à
la non-exiftence de cette bande de poils
blancs , à fa non - interruption ou à fa
1 difpsrition dans certaine étendue , à foo
plus
F A C
plus ou moins de prolongement fur la lèvre
antérieure , qui , noyée ou recouverte
entièrement de ces mêmes poils , conftitue
le cheval qui hou Jjiis le bUnc , dans le Un.
L'ignorance érigea les conjeâures de ces
premiers obfervateurs en maximes ; & s'il
eft encore parmi nous une foule de per-
fonnes qui les honorent de ce nom , n en
accufons que l'aveuglement avec lequel
elles le livrent au penchant qui les porte
à encenfer des erreurs , tellement accrédi-
te'es par le temps & par le préjugé , qu'elles
triomphent de la vérité même. On exclut
avec foin des haras les étalons & les
jumens belle face , par la raifon qu'ils four-
niroient trop de blanc , & que les poulains
qu'ils produiroient , pourroient en être
entachés d'une manière très-défagréable à
la vue. {e)
Faces de pignon , terme I Horlogerie;
ce font les plans ou côtés qui terminent
î'épaifleur d'un pignon. Les horlogers polif-
fent ordinairement celles qui font expofées
à la vue. Pour qu'elles foient bien faites ,
il faut qu'elles foient fort plates , & bien
brillantes : comme cela eft aiïez difficile à
exécuter , on a imaginé un inftrument ou
outil , pour les adoucir & les polir. Voye^
■ Fan. fuir. OuTIL A FAIRE DES FACES ;
i'oye'{ az^_//r Pignon , &c. ( T)
Faces , ( outil à faire des ) Horlogerie ;
c'eft un inftrument dont les horlogers fe
fervent pour polir les faces des pignons. 11
' faut fuppofer qu'on fait tourner le pignon
; comme un foret , & qu'on appuie l'outil
contre Ça face , de même qu'on appuie la
' pièce à percer contre le foret. V. Faces
' DE PIGNON. ( T)
' . Face , Plate-face , {Luther.) c'eft
: dans le fût d'orgue les parties placées entre
les tourelles. Ces plates-faces Çont quelque-
fois bombées ou concaves , félon la volonté
•de celui qui donne le deflin de l'orgue.
On doit fiire enforte que les plates-faces
correfpondantes foient femblables & fym-
métriques ; que les tuyaux dont elles font
remplies foient de même grandeur , &
leurs bouches arrangées fymmétriquement;
enforte que fi celles des tuyaux (ïuneplate-
fzce vont en montant d'un fens , comme ,
par exemple , de la partie latérale de l'orgue
jvers le milieu , celles de l' autre plate-face
Tome XII L
F A C 761
aillent en montant de l'autre partie laté-
rale vers le milieu , où elles fe réuniroient
fi elles étoient prolongées ; ou bien elles
font le chevron rompu , auquel cas la
plate -face correfpondante doit être fem-
blable.
Face d'outil, terme d'uf âge che\ les
orfèvres & autres arti/fes. On appelle ainfi
le bifeau d'un échoppe formé fur la meule ,
& avec lequel on coupe. Faire ce bifeau fur
la meule ou la pierre à l'huile , s'appelle
faire la face de l'outil.
FACETTE , f. f. (Geom.) eft le diminu-
tif de /àc^. 11 fe dit des plans qui compofent
la furface d'un polyhedre , lorfque ces plans
font fort petits.
Les miroirs & verres qui multiplient
les objets , font taillés à facettes. Voy.
Verre a facettes ou Polyhedre.
(O)
Facettes , en terme de diamantaire^ ,i
voy. Pans.
FACH ou VACH , (G%.) ville d'AUe-
magne , dans le cercle du haut-Rhin , &
dans le landgraviat de Hefte-Caftel , fur
la rivière de Werra : elle n'eft pas grande ,
mais étant fituée aux confins de laThuringe,
fur la route ordinaire de Francfort à Leip-
fick , elle eft confidérable par ce partage
& par le péage que l'on y paie : un baillif
du pays y tient fon fiege , duquel reflbrtic
aufli la ville du Waldkappel. Long. 2,7, 55;
lat. 50 , S'i- {I^- G.)
* FACHEUX, adj. ( Gramm. ) terme
qui eft du grand nombre de ceux par lef-
quels nous défignons ce qui nuit à notre
bien être : nous l'appliquons aux perfonnes
& aux chofes. Si l'on fait à un commcrçanc
quelque banqueroute confidérable au mo-
ment où il eft prefte par des créanciers , la
banqueroute eft un événement fJclieux y la
conjonâure où il fe trouve eii fiche ufe , fes
créanciers font des gens fâcheux. On voie
par les fâcheux de Molière , quunfûcheux
eft un importun qui furvient dans un mo-
ment intéreftant , occupé , où la préfence
même d'un ami eft de trop , & où celle d'un
indifférent embarraft'e & peut donner de
l'humeur quand e'ie dure.
FACIALE , en Anatomie , nom de la
principale artère de la face. Haller.
.. FACIENDAIRE, f. m. {mjî. eccUf.)
Ddddd
^(,^ F A C
nom qu'on donne dans quelques maifons
religieufes , à celui qui eft chargé des com-
mifîions de la maifon.
FACILE , ad). {L'ut. & Morale.) nefigni-
fie pas feulement une chofe aifément faite ,
mais encore qui paroît l'être. Le pinceau
du Correge ett facile. Le ftyle de Quinaiilt
eft beaucoup ^p\us/acile que celui de Def-
pr^aux, comme le ftyle d'Ovide l'em.porte
en facilité fur celui de Perfe. Cette faci-
lité en peinture, en mufique, en éloquence,
en poéfie , confifte dans un naturel heu-
reux , qui n'admet aucun tour recherché ,
& qui peut fe pafier de force & de profon-
deur. Ainfi les tableaux de Paul Veronefe
ont un air plus facile & m.oins fini que
ceux de Michel-Ange. Les fymphonies de
Rameau font fupérieures à celle de Lulli ,
& femblent moins faciles. BofTuet eft plus
véritablement éloquent & plus facile que
Flechier. Roufleau dans fes épîtres n'a
pas à beaucoup près la facilite' &c la vérité
de Defpréaux. Le commentateur de Def-
préaux dit que ce poète exad & laborieux
avoir appris à 1 iliuftre Racine à faire diffi-
cilement des vers ; & que ceux qui paroif-
fent faciles , font ceux qui ont été faits
avec le plus de difficulté. Il eft très-vrai
qu'il en coûte fouvent pour s'exprimer avec
clarté : il eft vrai qu'on peut arriver au
naturel par des efforts ; mais il eft vrai auffi
qu'un heureux génie produit fouvent des
beauttsfjciles fans aucune peine , & que
J'enthoufiafme va plus loin que l'art. La
plupart des morceaux paffionnés de nos
bons poètes , font fortis achevés de leur
plume , & paroiftent d'autant plus faciles
qu ils ont en effet été compofés fans travail :
l'imagmation alors conçoit & enfante aifé-
ment. il n'en eft pas ainft dans les ouvrages
didadiques : c'eft-là qu'on a befoin d'art pour
Y>tivokxc facile. Il y aparexemple^ beaucoup
moins de facilite que de profondeur dans
l'admirable ejfai fur riiomme de Pope. On
peut faire facilement de très-mauvais ouvra-
ges qui n'auront rien de gêné , qui paroî-
tvontjaciles , & c'eft le partage de ceux qui
ont fans génie la malheurcufe habitude de
compofer. C'eft en ce fcns qu'un perfonnage
de l'ancienne comédie , qu'on nomme ita-
lienne , dit à un autre :
Tufiisdc mech.'.nsvenadmirahlementbien,
F A C
Le terme de facile eft une injure pour
une femme : c'eft quelquefois dans la
fociété une louange pour un homme :
c'eft fouvent un défaut dans un homme
d'état. Les mœurs d'Atticus éto\cnt faci-
les , c'étoit le plus aimable des Romains.
La facile Cléopâtre fe donna à Antoine
auffi aifémient qu'à Céfar. Le facile Claude
fe laiffa gouverner par Agrippine. Facile
n'eft là , par rapport à Claude , qu'un
adouciffement ; le mot propre eft foihle.
Un homme facile eft en général un
efprit qui fe rend aifément à la raifon ,
aux remontrances , un cœur qui fe
laifte fléchir aux prières : & foible eft
celui qui laifte prendre fur lui trop
d'autorité. Article de M. de V^ o l~
TAIRE.
Fx^CILITÉ , f f. terme de Peinture.
Dans les arts & dans les talens , la. facilite'
eft une fuite des difpofitions naturelles.
Un homme né poète répand dans fes ou-
vrages cette aiiance qui caraélérife le don
que lui a fait la nature. Voye\ FACILE.
L'artifte que le ciel a doué du génie de la
peinture , imprime à fes couleurs la légèreté
d'ian pinceau facile ; les traits qu'il forme
font animés & pleins de feu. Eft-ce à la
conformation & à la combinaifon des orga-
nes que nous devons ces difpofitions qui
nous entraînent comme m.algré nous , &
qui nous font furmonter les difficultés des
arts ? Efi-ce dans fobfcurité des caufes
phyfiques de nos fenfations que nous de-
vons rechercher les principes de cectejaci-
lité? Quelle qu'en foit la fource, qu'il feroic
avantageux de l'avoir afl'ez approfondie
pour pouvoir diriger les hommes vers les
talens qui leur conviennent , pour aider la
nature, & pour faire de tant de difpofitions,
fouvent ignorées ou trop peu fécondées, un
ufase avantageux au bien général de l'hu-
manité! Au refte lu facilité feule, en décou-
vrant des difpofitions marquées pour un
talent , ne peut pas conduire un artifte à
la perfeflion ; il iaut que cette qualité foie
fufceptible d'être dirigée par la réflexion.
On naît avec cette heureufe aptitude ; mais
il faudroit s'y refufer jufqu'à ce qu'on eût
préparé les matériaux dont elle doit faire
ufage. Il faudroit enfin qu'elle ne fe déve-
loppât que par degrés , & c'eft lorfque la
F A C
facilite eft de cette rare efpece , qu'elle eft
\in fîir moyen pour arriver aux plus grands
fuccès. Et qu'on ne croye pas que la pa-
tience & le travail paillent fubvenirablo-
lument au dtiaut ai: facilite : non. Si l'un
& l'autre peuvent conduire par une route
pJni'ole, à des fuccès , il manquera toujours
à la perteftion qu'on peut acquérir ainfi ,
ce qu'on defire à la beauté , lorfqu'elle n'a
pas le chai-me des grâces. On admire dans
Boileau la raifon fortifiée par un choix
laborieux d'expreffions juftes & précifes
Bien moins captif, le talent divin & facile
de Lafontaine touche à la fois l'efprit & le
cccur.
ha. facilite dont je dois parler ici , celle
qui regarde particulièrement l'art de la
peinture , eft de deux efpeces. On à!\tfdci-
lité de compofition , & le fens de cette fa-
çon de s'exprimer rentre dans celui du
mot génie ; car un génie abondant eft le
principe fécond qui agit dans une compo-
fition facile : H faut donc remettre à en
parler lorfqu'il fera queftiondu mot GÉNIE.
La féconde application du terme facilite
«ft celle qu'on en fait lorfqu'on dit un
pinceau facile ; c'eft l'expreflion de l'aifance
dans la pratique de l'art. Un peintre , bon
praticien , affuré dans les principes du clair
obfcur , dans l'harmonie de la couleur ,
n'héfite point en peignant ; fa brolfe fe
promené hardiment , en appliquant à cha-
que objet fa couleur locale, il unit enfem-
ble les lumières & les demi-teintes; il joint
celles-ci avec les ombres. La trace de ce
pmceau dont on fuit la route , indique la
liberté , la franchife , enfin la facilité.
Voilà ce que préfente l'idée de ce terme ,
& je finis cet article en hafardant le con-
feil de fe rendre févere & difficile même
dans les études par lefquelles on prépare
ies matériaux de l'ouvrage ; mais lorfquela
réflexion en a fixé le choix , de donner à
l'exécution du tableau cet air de liberté ,
rctte/Ji-z/iV d'exécution qui ajoute au mé-
rite de tous les ouvrages des arts. Article
de M. IVatelet.
* FAÇON, f m. {Gramm.) Ce terme
a un grand nombre d'acceptions différentes.
II fe dit tantôt d'une manière d'être , tan-
tôt d'une manière d'agir. Ilejl habillé d'une
étrange façon ; fes façons font étranges : les
PAC 7<?^
façons de cet oui'ra^e feront confidéralles , lu
façon en efl belle I3 jiinplc. Dans ces deux
derniers exemples c'cfî un ternie d'art. Il
embrafle dans celui-là , tout le travail;
il a rapport dans celui-ci , au bon goiîc
du travail. Quand on air , cet ouurage efl.
en façon d^ébene^ de marqueterie oude tabu'
tiere , on veut faire entendre qu'on lui a
donné ou la forme qu'on donne au même
ouvrage quand on le fait d'ébenc , ou celle
qu'on remarque à tout ouvrage de marque-
terie en général , ou la forme même d'une
tabatière.
Façon fe rapporte aufti quelquefois à la
manière de travailler d'un artifte , ainli
que dans cet exemple : ces moulures , ces
contours font à la façon de Germain , ou
même à la perfonne , comme quand on
dit , ce trait eft de potre façon ; c'eft-à-
dire , je crois qdil efl de vous , tant il ref-~
femhle à ceux qui l'ous échappent. En gram-
maire il eft fynonyme à tour : cette façon
de parle rn efl pas ordinaire, i^aco/zi fe prend
auftî pour une forte de procédés particu-
liers à un état : // a toutes les façons d'un,
galant homme : il efl inutile d'avoir avec
moi de mauvaifes façons : ces gens étaient
mis d'une certaine façon : ils étaient d'une
certaine façon. Y)es façons ou des forma-
lités déplacées , fontprefque la même chofe :
vous faites trop de Jaçons : abrége\ ces fa-
çons-là. Une façon d'aftrologue , c'eft
un homme qu'on feroit tenté de pren-
dre pour tel , à des ridicules qui lui
font communs , à lui & aux aflrologues.
La façon en eft mefquine & petite ; mais
on dit mieux le faire en peinture {voye:{
Faire en peinture) : c'eft la manière
de travailler. La malfaçon eft une manière
de dire abrégée parmi les artiftes : vous en
paierez la mal-façon , ou la mauvaife/àco/z.
Il y a beaucoup d'autres acceptions de façon,
les précédentes font les principales. De
façon que , de manière que , font des con-
jonûions qui lient ordinairement la caufe
avec l'effet ; la caufè eft dans le premier
membre , l'effet dans le fécond : ilfe condui'
lit de façon qu ilfe fit exclure de cette fociété f
où l'on voit que de façon que & de manière
que font dans plufieurs cas des conjonélions
colledlives , & qu'elles réfument toutes .'es
différentes liaifons de la caufe avec l'effet
D dddd z
7^4 F A C
FaÇoKTS d'un Vaisseau , (Marine.)
On entend par ce mot , cette diminution
qu'on fait à l'avant & à l'arriére du deflbus
du vaiffeau ; de forte que Ton dit les façons
de l'avant & les façons de l'arriére. Voye^
Marine , Planche I. (Z)
* Façon , {Facture de bas au métier.)
On appelle /a>-o/2 cette portion du bas qui
eft figure' , & qui eft placée à l'extre'mite'
des coins. Il y a deux/ayo/z^ à chaque bas.
Voy. à V article Bas , la manière dont on
les CXCCUtC-
FAÇONNER, v. afl. cea,enpdtiferie,
faire au defius des bords d'une pièce ,
quelle qu'elle foit , des agrémens avec le
pouce de diftance en diftance.
FACTEUR, f. m. en arithmétique Ùen
algèbre , eft un nom que l'on donne à cha-
cune des deux quantite's qu'on multiplie
l'une par l'autre , c'eft-à-dire , au multipli-
cateur , par la raifon qu'ils font & confli-
tuent le produit. Voyei MULTIPLICA-
TION.
En général on appelle , en algèbre , fac-
teurs les quantités qui forment un produit
quelconque. Ainfi dans le produit abc d,
a, b , c , d , font les facteurs.
Les facteurs s'appellent autrement diid-
feurs y fur-tout en arithmétique , & lorfq.u'il
s'agit d'un nombre qu'on regarde comme
le produit de plufieurs autres. Ainfi a , 5 ,
font divifeurs de 1 1 ; & le nombre 12 peut
être confidéré comme compofé des trois
facteurs i , z , 5 , Sic. & ainfi du refîe
Voyei Diviseur.
Toute quantité algeljrique de cette forme
+ a
-,m—l
-f- b x'^—^
+
peut
être divifée exaftement par x x-\-p x -\rq ,
p&cq étant des quantités réelles; & par
conféquent x x-\- p x ■+■ q efl toujours im
facteur de cette quantité. Je fuis le premier
qui aie démontré cette propofition. Voye^
les mém. de Vacad. de Berlin , 1746. Voyez
flu/T' Imaginaire, Fraction ration-
nelle, Equation , £v.
La difficulté d'intégrer les équations dif-
férentielles à deux variables , confifte à
retrouver le facteur qui a difparu par l'éga-
lité à zéro ; M. Fontaine eft le premier qui
ait fait cette remarque. Voyex INTÉGRAL.
(O)
Facteur, dans k commerce ^ eft un
F A C
agené qui fait les affaires & qui négocie
pour un marchand par commiftion : on
l'appelle auflî commiffionnaire ; dans cer-
tains cas, courtier ; & dans l'orient, coagisy
commis. Voye^ COMMISSIONNAIRE ,
Commis , ^c.
La commiffion des facteurs eft d'acheter
ou de vendre des marchandifes , & quel-
quefois l'un & l'autre.
Ceux de la première efpece font ordi-
nairement établis dans les lieux où il y a
des manufaâures confidérables , ou dans
les villes bien commerçantes. Leur fonction
eft de faire des achats pour des marchands
qui ne réfident pas dans le lieu , de faire
emballer les marchandifes , & de les
envoyer à ceux pour qui ils les ont ache-
tées.
Les facteurs pour la vente font ordinai-
rement fixés dans des endroits où on fait
un grand commerce ; les marchands & fa-
bricans leur envoient leurs marchandifes ,
pour les vendre au prix & aux conditions
dont ils les chargent dans les ordres qu'ils
leur donnent.
Les falaires & appointemens qu'on leur
donne pour leur droit de vente , font com-
munément affranchis de toutes dépenfes
de voiture , d'échange , deremifes, &c. ex-
cepté les ports de lettres , qui ne paftent
point en compte. Voye\ FacTORAGE. ( G)
Facteur fignifie aufti celui qui tient
les regiftres d'une meftagerie , qui a foin
de délivrer les ballots , marchandifes y
paquets , arrivés par les chevaux , mulets ,
charrettes ou autres voitures d'un meffa-
ger ; qui les fait décharger fur fon livre ,
& qui reçoit les droits de voiture , s'ils
n'ont pas été acquittés au lieu de charge-
ment. Voyei Message & Messagerie.
Dtctionn. de Commerce , de Trévoux , &
Chambers. (G) ' ^
Facteur à^ inflrumens de mujique , eft
un artifan qui fabrique des inftrumens de
mufique, comme \qs faâeurs d'orgues, de
clavcffins , ÊV.
On appelle auffi facteurs , ces ouvriers
qui fe tranfportent dans les maifons des
particuliers qui les y appellent, pour accor-
der des inftrumens de mufique. Voye\
Instrumens de Musique.
TAC
TACTlCE^adj. {Gramm.) quî efl fait
par art, qui n'eft point naturel.
Les eaux diftille'es font des liqueurs
factices.
On diftingue le cinabre en naturel &
en factice. Voyei CiNABRE & MER-
CURE.
FACTION , f f. ( Politiq. Ù Gramm. )
le mot faâion venant du latin facere y on
l'emploie pour fignifîer l'état d'un (bldat
à fon pofte en faction , les quadrilles ou
les troupes des combattans dans le cirque,
les factions vertes , bleues , rouges & blan-
ches. Voy, Faction , ( Hifl. anc. ) La
principale acception de ce terme fignifie
un parti féditieux dans un état. Le terme
ée parti par lui-même n'a rien d'odieux,
celui de faction l'eft toujours. Un grand
homme & un médiocre peuvent avoir ai-
fement un parti à la cour , dans l'armée , à
la ville y dans la littérature. On peut avoir
un parti par fon mérite, & par la chaleur &
le nombre de fes amis , fans être chef de
parti. Le m.aréchal de Catinat , peu conli-
déré à la cour , s'ttoit fait un grand parti
dans l'armée , fans y prétendre. Un chef
de parti eft toujours un c\iQ{àQ faction : tels
ont été le cardinal de Retz , Henri , duc
de Guife , & tant d'autres.
Un parti fédirieux , quand il eft encore
foible , quand il ne partage pas tout l'état ,
n'eft qu'une /action. La faction de Céfar
devient bientôt un parti dominant qui en-
gloutit la république. Quand l'empereur
Charles VI diîputoit fEfpagne à PhilippeV,
il avoit un parti dans ce royaume , & enfin
il n'y eut plus qu'uney"Lic7/o/z ; cependant on
peut dire toujours le parti de Charles VI.
Il n en eft pas ainfi des hommes privés.
Defcartes eut long-temps un parti en
France , on ne peut dire qu'il eût une
faction. C'eft ainfi qu'il y a des mots
fynonymes en pliifieurs cas , qui ceftent
de l'être dans d'autres. Article de M. de
Voltaire.
* Factions , ( ffijl anc. ) c'eft le nom
que les Romains donnoient aux différentes
troupes ou quadrilles de combattans qui
couroient fur des chars dans les jeux du
cirque. Voye:{ Cirque. Il y en avoit
quatre principales , diftinguées par autant
de couleurs j le verd , le bleu , le rouge j
F A C 76^
& le blanc ; d'où on les appeloit la faàion
bleue , la faction rouge , &c. L'empereur
Domitien y en ajouta deux autres, la pour-
pre & la dorée ; dénomination prife de
l'étoffe ou de l'ornement des cafaques qu'el-
les portoient ; mais elles ne fubfilterent pas
plus d'un fiecle. Le nombre des factions fut
réduit aux quatre anciennes dans les fpeâa-
cles. La faveur des empereurs & celle du
peuple fe partageoient entre les factions ,
chacune avoit fes partifans.Caligula fut pour
\a faction verte , & Vitellius pour la bleue.
Il réfulta quelquefois de grands défordrcsde
l'intérêt trop vif que les fpeâateurs prirent
à leurs factions. Sous Juftinien , une guerre
fanglante n'eût pas plus fait de ravages ; il
y eut quarante mille hommes de niés pour
les factions vertes & bleues. Ce terrible
événement fit fupprimer le nom àefaâioa
dans les jeux du cirque.
Faction, dans T art militaire ; c'eft le
temps qu'un foldat demeure en fentinelle :
ainfi être en faction , fignifie être en fen-
tinelle. Voyez Sentinelle.
Un foldat 'en fentinelle eft aufti appelé
factionnaire. Il y a àesfactionnaires pour la
garde des drapeaux , des faifceaux d'armes,
des prifonniers, &c. { P)
FACTIONNAIRE , f m. fe dit , dans
un régiment d'infanterie , du plus ancien
capitaine , qui doit paffer à la place de ca-
pitaine de grenadiers , lorfque cette compa-
gnie vient à vaquer ; mais on lui ajoute le
nom de premier : ainfi le premier faction-
naire dans un régiment d'infanterie , eft le
plus ancien capitaine immédiatement après
celui des grenadiers. ( O )
FACTORAGE , f m. ( Comm. ) Voy.
Facteur , Courtage , &:c.
Le faâorage ou les appointemens des
fadeurs , qu'on nomme aufti commiffion-
naires , varie fuivant les différens pays &
les différens voyages qu'ils font obligés de
faire. Le plus commun eft fixé à 3 pour 100
de la valeur des marchandifes , fans comp-
ter la dépenfe des emballages qu'il faut en-
core payer , indépendamment de ce droit.
A la Virginie, aux Barbades, & à la
Jamaïque , \e faâorage eft depuis 3 jufqu'à
j pour 100 : il en eft de même dans la plus
grande partie des Indes occidentales. En
Italie , il eft de deux & demi pour cent ;
75(5 F A C
en Hollande , un & demi en Efpagne , en
Portugal , en France , &'c. deux pour cent.
VoyeT^ les dicHonn. du commerce , de Tré-
voux & de Chiimbers. (G)
FACTORERIE ou FACTORIE , f. f.
( Gramm. ) lieu où rcTideun fadeur , bu-
reau dans lequel un commiffionnaire fait
commerce pour fes maîtres ou commet-
tans. Voyez Facleur , CommiJJionnaire ,
Commettant.
On appelle ainfi dans les Indes orienta-
les & autres pays de l'Afie où trafiquent
les Européens , les endroits où ils entre-
tiennent des fadeurs ou commis , foit pour
l'achat des marchandifes d'Afie , foit pour
la vente ou l'échange de celles qu on y porte
d'Europe.
La factorie tient le milieu entre la loge
& le comptoir : elle eft moins importante
que celui-ci , & plus confidérable que
l'autre. Voy. Comptoir &: Loge. Voy. aujfi
hs diclionn. de Commerce , de Trévoux &
de Chamhers. [G]
FACTUM , f. m. ( Jurifp. ) Ce terme
qui eft purement latin dans fon origine ,
a été employé dans le ftyle judiciaire ,
îorfque les procédures & jugemens fe ré-
digeoient en latin , pour exprimer le fait ,
c"e!i - à - dire , les circonlbnces d'une
affiure.
On a enfuite intitulé & appelé factum
un mémoire contenant l'expofition d'une
affaire contentleufe. Ces fortes de mémoi-
res furent ainfi appelés , parce que dans
les temps qu'on les rédigeoit en latin , on
y mettoit en tête ce mot , faclum , à
caufe qu'ils commençoient par l'expofition
du fait , qui précède ordinairement celle
des moyens.
Depuis que François I eut ordonné , en
1 6? 9 , de rédiger tous les ades en françois ,
on ne laifîa pas de conferver encore au pa-
lais quelques termes latins , du nombre def-
qucL fut celui à^ faclum , que l'on mettoit
fin tête des mémoires.
Le premier yiK7;//7z ou mémoire imprimé ,
ainfi in;:itulé , faclum , quoique le furplus ,
f 'it en françois , fut fait par M. le premier
préfident le Maître , dans une afïiiire qui
ïui étoit perfonnelle contre fon gendre. Il
fut fait premier préfident fous Henri II,
eo i f yi 3 & mpurut en i j62. Cette anec- I
F A C
dote eft remarquée par M. FroIand,en fon
recueil des édits & arrêts concernant la pro-
vince de Normandie , pag. &j/^.
Les avocats ont continué long-temps d'in-
tituler leurs mémoires imprimés , faclum ;
il n'y a guère que vingt ou trente ans que
l'on a totalement quitté cet ufage, & que
l'on a fubflitué le terme de mémoire à celui
àQ faclum.
L'arrêt du parlement du ii août 1708 ,
défend à tous Imprimeurs & Libraires d'im-
primer zMcwws faclums , requêtes ou mé-
moires ; fi les copies qu'on leur met en
main ne font lignées d'un avocat ou d'un
procureur. Le même arrêt enjoint aux Im-
primeurs de mettre leurs noms au bas des
faclums & mémoires qu'ils auront imprimés
ou fait imprimer.
Un faclum fignifré efl: celui dont la partie
ou fon procureur a fait donner copie par
le minifîere d'un huifTier. Les faclums on
mémoires ne font pièces du procès , qu'au-
tant qu'ils font fignifiés : ils n'entrent
pourtant pas en taxe , quoiqu'ils foient
fignifiés , excepté au grand-conleil : dans
les autres tribunaux on ne les compte
point f à moins qu'ils ne tiennent lieu
d'écritures nécclfaires. Voyez Mémoires,
U)
FACTURE , f. f ( Comm.) compte
état ou mémoire des marchandifes qu'un
fadeur envoie à fon maître , un commif-
fionnaire à fon commettant , un aflbcié à
fon aftbcié , un marchand à un autre mar-
chand.
Lesfaclures s'écrivent ordinairement ou
à la fin des lettres d'avis, ou fur des feuilles
volantes renfermées dans ces mêmes lettres. ,
Elles doivent faire mention, i^. de la date
des envois, du nom de ceux qui les font,
des perfonnes à qui ils font faits , du temps
des paiemens, du nom du voiturier , & des
marques & numéros des balles , ballots, pa-
quets , tonneaux , caifl'es, &c. qui contien-
nent les marchandifes.
z° . Des efpeces , quantités & qualités des
marchandifes qui font renfermées fous les
emballages , comme aufFi de leur numéro ,
poids , mefure ou aunage.
3"^. De leur prix , & des frais faits pour
raifon de ces marchandifes ; comme les
droits d'entrée & fortie, fi on en a acquitte'^
F A C
ceux de commifTion & de courtage dont
on eft convenu ; de ce qu'il a coûte' pour
l'emballage , portages & autres menues dé-
penfes. On fait au pie' de [afaclare un total
de toutes les ibmmes avancées , droits
paye's , frais faits , Ùc. afin d'en être rem-
bourfé par celui à qui l'on envoie les mar-
chandifes. ^
Vendre une marchandife fur le pié de la
fj.&an , c'eft la vendre au prix courant.
Les marchands appellent liaj/e de fdclure,
im lacet dans lequel ils enfilent les faâurts,
lettres d'avis , d'envoi , de demande y &
autres femblables écritures , pour y recou-
rir dans le befoin.
Us nomment auîfi lU'ie de facrure , un
livre fur lequel ils drefîent les/a<:7urf^ ou
comptes des différentes fortes de marchan-
difes qu'ils reçoivent , qu'ils envoient ou
qu'ils vendent. Ce livre efl du nombre
de ceux qu'on appelle dans le comm.erce
livres auxiliaires. Voye\'LlVKE, Voye\
aujfi les diclionn. du Commerce , de Tré-
voux , & de Chambers. (G)
FACULE , f f terme d'AJîronomie, efl
un nom que Sheiner & d'autres après lui
ont donne à des efpeces de taches bril-
lantes qui paroifTent fur le foleil , & fe difli-
pent au bout de quelque temps. Le mot de
facules eft oppofé à macules ou taches : cel-
les-ci font les endroits obfcurs du difque du
foleil , & les facules font les parties du dif-
que (olaire qui paroiffent plus lumineufes
que le relie du difque. Voyez Soleil.
Ce mot eft un diminutif de ya.r , flam-
beau , lumière. Les facules , ainfi que les
taches , paroiffent & difparoiftent tour-à-
tour. Voyez Taches. (O)
FACULTATIF , ad), m. {Junf.He dit
de ce qui donne le pouvoir & la faculté de
faire quelque chofe. Ce terme eft fur-tout
ufité par rapport à certains brefs du pape ,
qu'on appelle brefs facultatifs , parce qu'ils
donnent pouvoir de faire quelque chofe que
l'on n'auroit nas pu faire fans un tel bref.
(^^ ■ ,
FACULTE , f f. ( Me'thaphyf ) eft la
puilfance & la capacité de faire quelque
cliofe. Voyez Puifance.
Les anciens pliilofophcs , pour expliquer
l'aâion de la digeftion , fuppofoient dans
l'eftomac une faculté digeiUve : pour cxpli-
F A C 767
quer les mouvemens du corps humain , ils
fuppofoient une faculté' motrice dans les
nerfs. Cela s'appelle fubftituer un mot
obfcur à un autre qui ne l'eft pas moins.
hes faculte's font ou de l'ame ou du corps.
Les facultés ou puiflances de l'ame font
au nombre de deux , lavoir l'entendement
& la volonté. Voyez PuifJ'ances. Voyez
au (Il Entendement &c Isolante.
On diftingue ordinairement les facultés
corporelles , par rapport à leurs différentes
fondions ; ainfi on entend parficultés ani-
males , celles qui ont rapport au fens & au
mouvement , Ùc. Chambers.
Faculté , ( Phyfique Sj Médecine. ) en
général eft la même chofe que puiffance ,
vertu, pouvoir, facilité d'agir , ou le prin~
cipe des forces & des aclions. La fcience des
forces & des puifl'ances eft ce que les Grecs
appellent dynamique ^ùixf*^ , je peux. Voy.
Dynamique.
Quelques auteurs confondent mal-à-propos
les forces avec les facultés ; mais elles diffé-
rent entr'ellcs de la même façon que les cau-
fes différent des principes. La force étant la
caufe de l'adion , entraîne l'exiftence ac-
tuelle. La yàfu/re ou puiftance n'en entraîne
que la pombilité. Ainfi de ce qu'on a h fa-
culté d'agir , il ne s'enfuit pas néceflaire-
ment qu'on agifle ; mais toute force exif-
tante emporte proprement une adion ,
comme un effet dont elle eft la caufe.
En médecine , n'ayant à confidérer que
l'adion de l'homme , & celle des corps qui
peuvent changer fon état en pis ou en
mieux , on a toujours traité des facultés de
l'homme , & de celles des remèdes , des
poifons , (S'c".
Les anciens ont divifé affez arbitraire-
ment les facultés de fhomme , tantôt en
deux, tantôt en trois genres , dont ils n'ont
jamais donné des idées diftindcs ; car les
facultés qu'ils appellent animales , (ont en
même temps vitales &c naturelles : les natu-
relles font auffi vitales & animales. Ils ont
même fous-divifé cliacun de ces genres trop
fcrupuleufement , en un grand nombre
d'efpeces , ainfi qu'on vient de le voir.
Les modernes donnant dans un excès
oppofé , ont voulu bannir tous ces termes
confacrés par l'emploi qu'en ont fait tous
les maîtres de l'art pendant deux mille
^68 F A C
ans; ce qui nous mettroit dans l'impofli-
bilité de profiter de leurs écrits , qui font
les fources de la médecine.
Mais fans adopter tous les termes des
facultés que les anciens ont établis ^ ni
vouloir les juffifier dans tous les ufages
qu'ils en faifoient , on ne peut non plus
fe pafTer en médecine du terme de faculté
ou de puijfance , qu'on ne peut en mécha-
nique fe pafTer des forces attradives , cen-
tripètes , accélératrices , gravitantes , &c.
Ce n'efl pas à dire qu'on fâche mieux la
raifon d'un effet , comme de la chute d'un
corps , de l'aflbupifTement produit par l'o-
pium , quand on dit que la gravité efl !e
principe de l'un , & la faculté ou vertu
narcotique l'efl de l'autre ; mais c'efl qu'on
eft nécefTité , dans les fciences , d'employer
des exprefTions abrégées pour éviter des
circonlocutions , comme en Algèbre, on efi
obligéd'exprimer des grandeurs ;, fbit con-
nues , foit inconnues , par des lettres de
l'alphabet , pour faciliter à l'entendement
les opérations qu'il doit faire fur ces ob-
jets , tous occultes ou inconuus qu'ils puif-
fent être.
Les anciens ont reconnu dans les corps
deux fortes de facultés , dont on ne doit
pourtant la véritable diftindion qu'à Leib-
nitz : favoir i". les facultés ou pouvoirs
méchaniques , tels que font ceux de tous les
inlfrumens de chirurgie , de gymnaflique ,
agiffans par prefTion ou par percufTion , re-
lativement à la figure , la mafTe , la vîtefFe,
&c. des corps , & au nombre , à la fituation
de leurs parties fenîibles ; & z°. les facultés
phyfiques , telles que font celles des médi-
camcns , des alimens , lefquels n'agifl'ent
que par leurs particules féparément imper-
ceptib!es , & dont nous ignorons la figure,
la vîcelîe , la grandeur &: les autres qualités
méchaniques.
Comme nul changement ne peut fe faire
dans les corps que par le mouvement ,
toutes les facultés des corps agiflent par
des forces mouvantes , fur la première ori-
gine defquelles on efl depuis long-temps
en difpiite. Les médecins ont fuivi fur cela
les opinions qui ont été le plus à la mode ,
chacune à fon temps. Ariflote , Defcartes ,
Newton, fucceffivement Ips ont gouver-
nés.
F A C
On peut pourtant, ce mefemble, qiian(f
il s'agit des facultés de l'homme , concilier
ces fentimens , en établiflant que le prin-
cipe du fentiment , du mouvement mufcu-
laire, enfin de la rie de l'homme , l'eft aufll
de tous fes mouvemens méchaniques , foit
libres , foit naturels ; & la puflance géné-
rale qui fait approcher les corps les uns vers
le centre des autres , communément nom-
mée attraction ou adhéfion , efl le principe
des mouvemens fpontanés, qui arriventfur-
tout dans les liqueurs des animaux , des vé-
gétaux, ainfî que de l'adion des médicamens
& des alimens ; fauf aux Cartéfiens à expli-
quer ce dernier principe par leurs tourbil-
lons , ce qui ne paroît propre qu'à tranfpor-
ter la difficulté.
"Les facultés des médicamens , prifes in-
dépendamment de la fenfibilité du fuiec
qui en ufe , & en ne les eflimant que par
les effets qu'ils peuvent produire fur un
corps inanimé , fe peuvent déduire des
règles de l'adhéfion , comme l'a fait le
lavant profeffeur Hamberger , dans plu-
fieurs de fes difTertations. C'efl ainfi que
les molécules des dtlayans , des humec-
tans, s'infinuent dans les pores du corps en
diminuant la cohéfion de fes parties élémen-
taires ; au lieu que les defTicatifs font éva-
porer l'humidité fuperfîue, qui empêchoic
l'adhéfion mutuelle des parties. On peut
déduire de ce même principe , l'aftion pro-
pre de tous les altérans; mais pour expliquer
les effets évacuans, il faut faire concourir la
yàtu/ff' mouvante de l'homme , laquelle cor-
refpond à fa fenfibilité : ces médicamens
ne font que folliciter ces deux puiffances à
agir.
Quant aux facultés de l'homme , on peuc
les divifer en deux fortes , favoir , en celles
qui lui font communes avec les végétaux ;
telles font layîi.u/r/ d'engendrer , de végé-
ter , de faire des fecrétions & de digérer
des fucs qui lui fervent de nourriture. Les
anciens & les Stalhiens ne font pas fondés
à attribuer ces facultés à l'ame , à moins
que d'abufer ridiculenrcnt de ce terme ,
& de lui donner une fîgnification contraire
à l'ufage reçu. On ne peut pas non plus les
appeler naturelles , à moins que d'entendre
par le mot de nature l'univers , l'ame du
monde , ou pareilles figni fi cations , qui fonc
F A C
le moins d'afagc parmi les médecins. V-oje:[
Nature.
Les fdcultés que l'homme pofTede , &
qui ne i'e trouvent point dans les végétaux ,
font de trois fortes ; favoir ce!lt> de per-
cevoir ou connoître , celle d'appéter ou
défircr , & celle de mouvoir fon corps
d'un lieu en un autre.
La faculté de percevoir eft ou inférieure
feu fupérieure. L'inférieure , qui ell com-
mune à tous les animaux , s'appel'e inflincl ;
la fupérieure eft l'entendement ou la raifon.
L'indind diffère de l'entendement en
ce qu'il ne donne que des idées confufes ,
& l'entendement eft le pouvoir de former
des idées diflincles. L'inftinft fe divife en
fens , & en imagination. Le feus ou le fen-
timent , eft le pouvoir de fe repréfenter
les objets qui agiflent fur nos organes exté-
rieurs ; on le divife en vue , ouie , odorat ,
goût & tad. L'imagination eft le pouvoir
de fe repréfenter les objets même abfens ,
aâuels , pafll-s , ou à venir : CQttQ faculté
comprend la mémoire & la prévifion.
L'entendement forme des idées diftindes
des objets , quei'ame connoîc par l'entre-
mife des fens & de l'imagination. Les fens
KC nous donnent des idées que des êtres ,
individus ; l'entendement généralife ces
idées , les compare , & en tire des confé-
quences , & cela par le moyen de Tatten-
tion , de la réflexion , de l'efprit , du rai--
fonnement , & fur-tout des opérations de
l'arithmétique & de l'analyfe.
Le principal ufage de la perception eft
de connoître ce qui nous eft utile & ce
qui nous eft nuifible ; & ainfi cette pre-
mière yjcw/^f' nous a été donnée pour diri-
ger la féconde , qui nous fait pencher vers
!e bien & nous fait éloigner du mal. Le
fcntiment nous ayant fait connoître con-
ftifément , quoique clairement, ce qui nous
eft agréable , nous l'appétons ou le déli-
rons , de même que nous avons de l'aver-
fîon pour ce qui nous paroît défagréable au
fens ; ce penchant s'appelle cupidité ou
airr/ionfnf tires , defquelles on ne fauroit
rendre des raifonsdiftindes: telle eft l'aver-
fion du vin , la cupidité ou l'appétit d'un
tel aliment.
Mais quand l'entendement s'eft formé
ées idées diftindes du bien ou du mal qui
Tome XIIL
F A C 7/;^
fe trouve dans un objet , alors l'appétit qui
nous porte vers l'un ou nous éloigne de
1 'autre,s'appelle ivlomé ou appétitratLonnel^
dont on peut dire les raifons ou les motifs.
Or ces penchans & ces averfions nous
auroient été inutiles , fi en même temps
nous n'avions eu le pouvoir d'approcher les
objets utiles ou agréables de notre corps ,
& d'en éloigner ceux qui font nuilibles ou
qui déplaifent. La faculté mouvante étoic
néceftaire pour ce but ; c'eft celle qui , pair
la contradion mufculaire, exécute cesmou-
vemens qu'on ne trouve que chez l'homme
& chez les animaux.
Les mou vemens qui font excités en nous,
conféquemment à des idées confufes ou au
fentiment du bien ou du nal fenfibles, &
dont le motif tft la cupidité ou l'averfion
naturelle, font communément attribués à
une puiflance , que les médecins appellent
la nature ; &: les adions qu'elle exécute font
appelées aclions naturelles. Galien dit que
la nature eft le principe des mouvemens qui
tendent à notre confervation , & qui fe
font , indépendamiment de la volonté, fou-
vent par coutume , ou quoique nous ne
nous fouvenions point des motifs qui les
déterminent.
Quant aux mouvemens qui font déter-
minés par la notion du bien ou du mal in-
telleduel , & enconféquencepar la volonté
ou la nolonté , comme parle M. Wolf , ils
font communément attribués à une faculté
de l'ame qu'on nomme liberté y qui eft le
pouvoir de faire ou d'omettre ce qui, parmi
plufteurs chofes .poftiblcs, nous paroît le
mieux conformément à notre raifon ; &
delà les adions prennent le nom de libres.
Ainfi nos adions font diviîées par-
les philofophes moral iftes en libres & en
naturelles. Il y a une différence elTen-
tielle entre les unes & les autres , quoi-
que le motif des unes &des autres foit tou-
jours la perception claire ou obfcure du
bien & du mal ; car les libres font déter-
minées par la raifon & la volonté , quoi-
qu'elles ne l'oient pas toujours conformes à
la droite raifon &: à la vérité : ce font les
feules adions qui nous font imputées ; elles
font du reflort de la jurifprudence & de
la morale.
' Mais les adions naturelles font détermi-»
Eeeee
^70 F A C
nées par la perception claire ou obfcure ,
mais toujours confufe du bien & du mal ,
les fens ne pouvant feuls nous en donner
des idt-es diftinftes, & nous nous y por-
tons par une cupidité ou une averlion
aveugles dont nous connoifTons quelque-
fois clairement les motifs , comme dans les
palTions , & quelquefois nous ignorons ce
motif, comme dans le mouvement des
organes cachés à la vue , & dans les aflions
que nous faifons par coutume.
Faculté, {Phyfiol.) terme générique;
c eft la puiffance par laquelle les parties
peuvent fatisfaire aux fondions auxquelles
elles font deffinées. Telle eft , par exem-
ple , layàc(//;/qu'a l'eftomac de retenir les
alimens jufqu'à ce qu'ils foient fuffifam-
ment digérés , & de les chafTer dans les
inteftins , lorfque la digeftion qui Ib doit
faire dans ce vifcere eft achevée.
Il y a deux chofes à remarquer dans les
facultés ; i^. les organes ou les caules inf-
rrumentales , par lefquelles les opérations de
l'économie animale s'exécutent : ces caufes
font purement machinales ; elles dépendent
uniquement de l'organifatjon des parties ,
& du principe vital qui les anime & qui les
met en mouvement. 2**. La première caufe
qui donne le mouvement à ce principe ma-
tériel qui anime les organes & qui dirige leurs
aâions. Prefque tous les phi'oibphes anciens
& modernes ont attribué à la matière
même^cettepuiflance motrice ou cette ame
qui la dirige dans ces mouvemens , & qui
l'arrange dans la conftrudion des corps.
Comme les facultés fe divifent commu-
nément en facultés animales , facultés fen-
Jitives , &i facultés intellectuelles , nousfui-
vrons ici cette divifion.
Il y a dans les hommes deux fortes de
facultés animales; lavoir les facultés du corps
qui agiftent fur l'ame , & les facultés mo-
trices de l'ame qui agifTent fur le corps.
Les premières ont été attribuées par les
médecins , à l'ame fenfitive ; car il n'y a
que quelques philofophes motlernes qui
n'ont pas voulu reconnoître d'ame fenfi-
tive dans les animaux..
Les facultés du corps qui agiftent fur
Kame, dépendent des différens organes
qui nous procurent différentes fcnfations ,
telles Ibnt les fcidations de la lumière &
F A C
des couleurs qui nous font procurées par
les organes de la vue ; le fentiment du fon
par les organes de l'ouie , celui des odeurs,
par les organes de l'odorat ; celui des
faveurs , par l'organe du goût ; ceux des
qualités tadiles , par l'organe du toucher ,
qui eft diftribué dans prefque toutes les
parties du corps ; les appétits qui nous
avertiffent par divers organes des befoins
du corps , ou qui nous follicitent à fatis-
faire nos inclinations & nos paifions : enfin
les fentimens de gaïeté &: d'angoifte , qui
dépendent des différens états de la plupart
des vifceres , par exemple , du cerveau , du
cœur , des poumons , de l'eftomac , des
inteftins , de la m.atrice , ùc.
Les efprits animaux , mis en jeu par les
objets qui affedent les organes des fens ,
contradent des mouvemens habituels , &
laiftent dans le cerveau ou dans les nerfs
de ces organes , des traces , des modifica-
tions qui rappellent ou caufcnt à l'ame des
fenfations , femblables à celles qu'elle a
eues lorfque les objets mém.es ont agi fuc
les fens.
Tout ce que nous favons fur les facultés
qui rappellent ces fenfations , c eft-à-dire r
fur la mémoire , l'imagination , Ùc. fe
réduit à des connoiftances vagues , qui ne
peuvent nous fervir qu'à former des con—
jedures fur le lieu où réfident ces facul-
tés 3 & fur le méchaniime par lequel elles-
s'exécutent.
Eft-ce dans le cerveau o i dans les nerfs
des organes des fens que fe forment les-
traces , les modifications qui rappellent à
l'ame , par l'entremife des efprits animaux ,
des fenfations que lui ont caufe les objets
qui ont frappé les organes des fens ? Il eft
difficile d'affignerdansle cerveau aucun lieu,,
ni aucun endroit où fe puiftent graver ou
tracer tant d'images différentes : cependant
nous favons qu'un foible dérangement dans
certaines parties du cerveau , mais parti-
culièrement dans le corps calleux, comme
la prouvé M. de la Peyronie ( mémoires
de lacaJ.desfcienc. an. 174^ ). détruit ou
fait cefler entièrement l'ufage de toutes
les facultés du corps qui peuvent agir fur
l'ame. mais que peut- on conclure de là ,, u
ce n'eft que cette partie eft le lieu où l'être
fçnfitjf reçoit les fenfations que lui pro-
F A C
curent les fj-cultés du corps qr.i agilTent
fur lui ?
Ces facultés rcfident- elles dans toutes
l'étendue des nerfs , qui fe terminent par
une de leurs eKtrcmiccs dans le corps cal-
leux , & par l'autre dans les organes des
fens, qui ont d'abord fourni des fenfations?
Il ne paro;t pas qu'elles exifîent dans la
partie de ces nerfs , qui entre dans la
compolition des organes des fens ; car lorf-
que ces organes font de'truits , ou lorfqiie
leur ufage eft fufpendu , les facultés qui
nous rappellent les fenfations qu'ils nous
ont procure'es , fubfiîlent encore. Un
aveugle peut fe repre'fenter les objets qu'il
a vus ; un fourd peut fe reffouvenir des
airs de mufique qu'il a entendus; un homme
à qui on a coupé une jambe, fouffre quel-
quefois des douleurs qu'il croit fentir dans
la jambe même qui lui manque : cependant
ces exemples ne prouvent point abfolument
que les facultés recordatires ne s'étendent
pas jufque dans la partie des nerfs qui
entrent dans la compofition des organes des
fens ; mais feulement que ces facultés peu-
vent fubfifter indépendamment de cette
partie , parce qu'elles fubfiftent encore
dans les nerfs qui vont à ces mêmes or-
ganes , & qui reftent dans_ leur état natu-
rel. Concluons qu'on ne fauroit détermi-
ner en quoi confifte le méchanifme des
facultés qui nous rappellent des fenfa-
tions.
La faculté motrice de l'ame fur le corps,
eft la puiffance qu'ont les animaux de
mouvoir volontairement quelques parties
organiques de leur corps : cette faculté,
comme je l'ai dit ci-defTus , a été attribuée
à la matière par la plupart des philofophes.
Selon eux , la matière n'a rien de déter-
miné ; ce n'eft qu'une fubftance incom-
plète , qui eft perleâionnée par la forme ;
mais cette même fubiîance ell cependant
toute en puifiance; & c'elt de cette puif-
fiince que dépendent radicalement les
propriétés qu'a la matière de recevoir
toutes les form.es par lefquelles elle
peut acquérir les facultés de fentir & de fe
mouvoir.
L'ame n'eft point une vraie caufe mo-
trice , mais tout au plus une caufe diri-
gente ou déterminante des mouvemsns
F A C 77t
qui paroincnt dépendre de la volonté des
animaux, & qu'on attribue à leur ame
fenfitive. L'ame a dans l'homme une puif-
(ance aftive •, qui dirige les mouvemens
fournis à fa volonté. Notre ame peut chan-
ger , modifier , fufpendre , accélérer la di-
reftion naturelle du mouvement des efprits,
par lequel s'exécutent ces déterminations ;
elle peut âfFoiblir , retenir , faire difpa-
roitre , & faire renaître quand elle veut ,
les fenfations & les perceptions que lui
rappellent la mémoire & l'imagination ;
elle peut fe former des idées compofées ,
des idées abftraites , des idées vagues , des
idées précifes , des idées fadices ; elle
arrange fes idées , elle les compare , elle
en cherche les rapports , elle les apprécie ,
elle juge , elle pefe les motifs qui peuvent
la déterminer à agir : toutes ces facultés
fuppofent néceftairement dans notre ame
une puiflance , une adivité qui maîtrife le
mouvement des eljjrits animaux. Cepen-
dant nous ne pouvons ni imaginer ni con-
cevoir comment l'ame dirige le mouvement
des efprits animaux dans nos détermina-
tions libres. Toutes les fenfations que nous
recevons d'un objet par les organes des
fens , fe réuniffent à l'endroit du fiege de
l'ame , au fcnforium commun , & nous
caufent toutes les idées que nos facultés
animales peuvent procurer.
Les yliLu/rfi- attribuées à l'ame fenfitive
nous font communes avec les bêtes , parce
qu'elles fe rapportent toutes aux percep-
tions , aux fenfations , & aux fentim.ens
que nous avons des objets qui affecient ,
ou qui ont affedé nos fens. Elles confiftent
dans les facultés du corps , qui s'exercent
feulement fur la faculté paŒihle de l'ame ;
mais ces facultés font beaucoup plus im-
parfaites dans les bêtes , que dans les hom-
mes ; parce que les organes dont elles dé-
pendent , ont des fondions moins éten-
dues , & parce qu'elles ont en général
moins d'aptitude à recevoir les impreffions
des objets , & à acquérir les difpofitions qui
perfeâionnent ces facultés.
Je dis en général , car quelques-unes de
ces facultés font plus parfaites dans certains
animaux que dans les hommes ; les uns
ont l'organe de l'odorat , les autres celui
de la vue, d'autres celui de l'ouie, &c. plus
Eeeee i
77i F A C
parfaits que nous ; mais les autres facultés
s'y trouvent beaucoup plus imparfaites
que dans les hommes , fur tout les facultés
recordat'wes , c'eft- à-dire , celles qui rap-
pellent les fanfations des objets : on s'en
apperçoit facilement même dans les bétes
les plus dociles , lorfqu'on leur apprend
quelques exercices , puifque ce n'eft
que par une longue fuite d'aftes ré-
pétés qu'on peut les former à ces exer-
cices.
Les bétes ne cherchent point & ne dé-
couvrent point les différens moyens qui
peuvent fervir à la même fin ; elles ne
choififTent point entre ces difFérens moyens,
& ne favent point les varier ; leurs tra-
vaux ont toujours la même forme , la mê-
me ftructure , les mêmes perfections , &
les mêmes défauts ; elles ne conçoivent
point difFérens projets ; elles ne tournent
pomt leurs vues ni leurs talens de divers
côtés : que leur ame foit une fubflance
matérielle ou une fubftance différente de
la matière , il efl toujours vrai qu'elle n'a
rien de commun avec la nôtre , que la
faculté de fentir ; & plus nous l'examinons,
plus nous reconnoiïFons qu'elle n'eft ni
libre , ni intellectuelle.
Les bétes font donc poufFees par leurs
appétits , conduites par leur inftinft , & af-
fujetties en même temps à diverfes fen-
fations & perceptions fenfibles qui règlent
leur volonté & leurs adions , & leur
•tient lieu de raifon & de liberté pour
fatisfaire à leurs penchans & à leurs
befoins.
Mais malgré ces fecours , les facultés des
bêtes reftent trés-bornées ; elles font pref-
que entièrement incapables dinftruftions
fur les chofes mêmes qui fe réduifent à
une feule imitation ; avec les châtimens ,
les carefles , & tous les autres moyens
que l'on emploie pour leur faire con-
traûer des habitudes capables de diriger
leurs détermination , on réulFrt très-ra-
rement.
Le chien , qui eu la bête la plus docile ,
ne peut apprendre que quelques exercices
qui ont rapport à fon inftinà:. Le finge ,
cet animal li imitateur , eft le plus inepte
de tous les animaux à recevoir quelques
âiftriidions exades , par l'imitation même ;
F A C
tachez de le former à quelque exercice
réglé , à quelques fervices domeftiques
les plus firr.ples ; employez tour Fart pof-
f iule pour lui faire acquérir ces petits talens,
vos efForts ne lerviront qu'à vous convain-
cre de fon imbécillité.
Il faut laiffer croire au vulgaire , que
c'ell par la malice ou mauvaife volonté que
le fnige eft fi indocile. Les philolbphes
connoiffent le ridicule de cette opinion ;
ils favent que toute volonté , qui n'efl pas
néceflairement afFujettie , fe règle par mo-
tifs : or il n'y a ni crainte ni elpérance , ni
autres motifs qui puifFe changer ni régler
celle de cet animal ; c'ell pourquoi il ne
laifFe , comme les autres bêtes , apperce-
voir dans tout ce qui pafFe les bornes de
fon inftinft que des marques d'une infigne
ftupidité.
Si les hommes montrent très-peu d'in-
telligence dans les premiers temps de leur
vie , ce défaut ne doit pas être attribué à
une imperfeflicm de leins facultés intellec-
tuelles , mais feulement à la privation de
fenfations & de perceptions qu'ils n'ont
pas encore reçues , &: qui leur procurent
enfuite des connoifFinces fur lefquelles
s'exercent les facultés intelleciuclles , qui
font nécefFaires pour régler la volonté &
pour délibérer.
C'eft pourquoi les enfans fe laifFent en-
traîner par des fenfations , qui les déter-
minent immédiatement dans leurs aâions ;
mais lorfqu'ils font plus inflruits , ils ré-
fléchiflent , ils raifonnent , ils choififFent ,
ils forment des defFeins , ils inventent des
moyens pour les exécuter ; ils acquièrent
des connoiflances , ils les augmentent par
l'exercice ; ils apprennent , ils pratiquent ,
& perfeftionnent les arts & les fciences.
L'avancement de Fâge ne donne point cet
avantage aux bêtes , même à celles qui
vivent le plus long-temps.
Ce font donc les/acuités intellecluelles qui
diftinguent Fhomme des autres animaux ;
elles confiftent dans la puiflance de l'âme
fur les facultés animales dont nous avons
parlé , & dans le pouvoir qu'elle a de s'exer-
cer fur fes fenfations & perceptions aétuel-
les; elles rendent les hommes maîtres de
leurs délibérations ; elles leur font porter
des jugemens fûi-s , & leur font appré-
F A C
cier les motifs qui les dirigent dans leurs
actions.
Mais nous ne pouvons diffimuler ici que
les facultés intelleclutllcs ont une liaifoii
très-étroite avec le bon état des organes
du corps ; dans les maladies elles s'éclip-
fent , & la convalefcence les fait reparoi-
tre: l'ame & le corps s'endorment enfemble.
Dés que le cours des efprits , en fe ra-
lentifTant , répand dans la machine un doux
fentiment de repos &c de tranquillité , les
facultés intLllcchielles deviennent paralyti-
ques avec tous les mufcles du corps : ceux-ci
ne peuvent plus porter le poids de la tête ;
celles-là ne peuvent plus foutcnir le fardeau
de la penfée. Enfin l'état des facultés intel-
lectuelles cil fi corrélatif à l'état du corps,
que ce n'eft qu'en rétabliirant les fondions
de l'un , qu'on rétablit celles de l'autre.
Ainfi quiconque fait apprécier les chofes ,
dit Boerhaave , conviendra que tout ce
qui nous a été débité par les plus grands
maîtres de fart fur l'excellence de l'ame &
de (es facultés , efi entièrement inutile pour
la guérifon des maladies.
Quelques phyfiologiftes appellent/acz//-
te's mixtes intellectuelles , les opérations de
l'ame qui s'exercent à l'aide des percep-
tions &-des connoifTances intelleâuelles :
telles font le goût , le génie , & l'in-
dufîrie.
Ces fortes de facultés exigent difFérens
genres de fciences pour en étendre &
perfedionner l'exercice. Le goût fuppofe
les connoifTances , par lefquelles il peut
difcerner ce qui doit plaire le plus géné-
ralement par le fentiment & par la perfec-
tion qui doivent réunir , fur-tout dans les
produdions du génie , le plailir & l'admi-
ration. L'exercice du génie feroitfort borné
fans la connoiflance des fujets intéreffans
qu'il peut repréfenter , des beautés dont
il peut les décorer , des caraderes , des
pallions qu'il doit exprimer. L'induftrie
doit être dirigée par la connoifTance des
propriétés de la matière , & des loix des
mouvemens fimples & compofés , des
facilités & des difficultés que les corps
qui agiflent les uns fur les autres, peuvent
apporter dans la communication de ces
mouvemens. Mais ces différentes lumières
F A C 775
font bornéesprefquetou tes àdes perceptions
fenfibles , & im% facultés animales.
Au refle la cormoiflance des facultés de
l'homme , fait une partie des plus impor-
tantes de la phyiiologie ; parce que les
dérangemens desfaculte's de l'ame qui agif-
fent fur le corps , cauient diverfes maladies,
& que le dérangement des facultés du corps
trouble toutes les fondions de lame. Il eft
donc abiolument nécefl'aire que les méde-
cins & les chirurgiens foient inflruits de
ces vérités , pour parvenir à la connoiffance
des caules des maladies qui en dépendent ,
& pour en régler la cure. D'ailleurs ils font
chargés de faire des rapports en juftjce fur
des perfunnes dont les fondions de l'efprit
font troublées ; il faut donc qu'ils foient
éc'airés fur la phyfique de ces fondions pour
déterminer l'état de ces perfonnes , & pour
juger s'il eft guériffable ou non.
Nous n'entrerons pas dans de plus grands
détails fur cette matière , ils nous condui-
roient trop loin. Le ledeur peut confulter la
phyjiologie de Boerhaave , & fur - tout le
traite des facultés , que M. Quefnay a donné
dans fon économie animale, ^rt. de M. le
chei aller DE J AU COURT.
Faculté appétitive , ( Phyfiologie
me'dec. ) c'eft une faculté ça.! laquelle l'ame
fe porte , foit nécelTairement ,foit volon-
tairement j vers tout ce qui peut conferver
le corps auquel elle efl unie , & même vers
ce qui peut concourir à la confervation de
l'cfpece , & par laquelle l'ame excite dans
le corps des mouvemens ou volontaires ou
involontaires , pour obtenir ce qu'elle
appete. Cette faculté qui elt adive , en
fuppofe une autre qui eft paflive , & qu'on
diÇ^eWefenfitive , parce que ce n'eft qu'en
conféquence d'une fenfation agréable ou
défagréable , que l'ame eft excitée à agir
pour jouir delà fenfation agréable , ou pour
fe délivrer de la fenfation défagréable. Et
comme \:x faculté appétitive a été donnée à
l'ame pour l'entretien du corps & pour la
confervation de l'efpece , le créateur lui a
donné auffi des fenfations relatives à cette
faculté. Voy. SENSATION.
Communément on ne fait mention que
de trois appétits , connus fous les noms de
faim , de foi f , & d'appétit commun aux
deux fexes pour la propagation de l'efpece.
774 F A G
Voje^ Faim , Soif, -5 Sexe. Mais il me
paroît que mal à propos on a omis l'appé-
rit l'ital , par lequel l'ame eft n^cefTaire-
ment déterminée à mouvoir nos organes
vitaux , &: à en entretenir les mouve-
mens. Nous parlerons de l'appétit vital en
traitant de la faculté ritule. Voyez l'article
fiiii'ant.
C'eft à ce double état de patient & d'a-
gent, dont notre ame eft capable , que Dieu
a confié la confervation de l'individu &: de
l'efpece. En qualité de principe jpa/7{/", notre
ame reçoit des impreflions de nos fens qui
l'avertifTent des befoins du corps qu'elle
anime , & qui la déterminent pour les
moyens propres à fatisfaire à ces befoins :
en qualité de principe aâif , elle met en
mouvement les inftrumens corporels qui
lui font fournis. Lorfque ce principe eft
guidé par la volonté , il embrafte l'amour
& la haine , ou le defir &: la répugnance , &
il fait mouvoir le coi-ps pour attirer à foi
les objets favorables , & pour éloigner ceux
qui pourroient lui être contraires ; mais
Jorfqu'il a^.it néccflairement , il eft borné
au feul defir & aux mouvemens propres à
fatisfaire ce defir : alors cet appétit n'em-
braffe rien de connu , & il prouve à cet
égard la faufleté du proverbe latin , ignoti
nnlla ciipido. En effet , fi par le moyen des
fens extérieurs , nous n'avions pas acquis la
connoifiance des chofes qui peuvent appai-
fer notre faim & notre foif , les impref-
fions, quijdel'eftomac&du gofier, feroient
tranfmifes jufqu'à notre ame, nous feroient
fentir un beloin , &: exciteroient en nous un
defir de quelque chofe inconnue , ou ce
qui eft le même , un defir qui ne le porte-
roit vers aucun objet connu. Mais lorfque
par le goût , l'odorat , & les autres fens
extérieurs , nous avons reconnu les objets
qui peuvent contenter notre defir , & que
nous en avons fait l'épreuve ; alors ce n'eft
plus un appétit vague & indéterminé , c'eft
un appétit qui a pour objet des chofes
connues. Voy. Faim £' SoiF.
Il faut donc , en médecine comme en
morale , dift:nguer deux fortes d'appétits ;
l'un aveugle ou purement fenfitif; &: l'autre
éclairé ou raifonnable. L'appétit aveugle
n'eft qu'une fuite de quelque fenfation
excitée par le mouvement de nos organes
F A C
intérieurs , qui ne nous repréfente aucun
objet connu : l'appétit éclairé eft la déter-
mination de l'ame vers un objet repréfente
par les fens extérieurs , comme une chofe
qui nous eft avantageufe , ou fon éloigne-
ment pour un objet , que ces mêmes fens
nous repréfentent comme une chofe qui
nous eft contraire.
Du refte tout appétit fuppofe une fenfa-
tion, & la fenfation fuppofe quelque mouve-
ment dans nos organes extérieurs ou inté-
rieurs. Tout appétit fuppofe auflî uneadion
dans l'ame, par laquelle elle tâche de fe pro-
curer les moyens de jouir des fenfations
agréables , & de fe délivrer des fenfations
défagréables : une aftion fupérieure à celle
des caufes qui lui ont donné lieu , & qui
n'eft point foumife aux loix méchaniques
ordinaires. Ces moyens ne font jamais pri-
mitivement indiqués par l'appétit ; c'eft
aux fens extérieurs , à l'expérience & à
Tufage à nous les faire connoître , à quoi
le raifonnemcnt peut aufïï fervir ; mais
lorfque ces moyens nous font une fois
connus , l'ame fe porte , pour ainfi dire y
macliinalemcnt à les employer , s'ils font
avantageux , ou à les éviter , s'ils ont été
reconnus nuifibles. Si ces moyens font des
inftrumens corporels, cachés dans l'intérieur
de notre machine , l'ame eft néceftairement
déterminée à s'en fervir , même fans les
connoître , d'autant que la volonté n'a
aucun pouvoir fur eux , & que le créateur
ne les a fournis qu'à un appétit aveugle ;
tels font nos organes vitaux , dont les
mouvemens nedépcndent pas de la volonté.
Voyei Faculté vitale. Mais fi ces
marques font des objets extérieurs , & que
les mouvemens néceflaires pour en ufer
fbient foumis à la volonté , l'ame n'eft
point néceftairement déterminée ; elle peut
réprimer fon appétit ; &: elle le doit toutes
les fois qu'il tend vers les chofes défendues
par les loix divines ou humaines , ou vers
des chofes contraires à la fanté. Article de
M. BouiLLET le père.
Faculté vitale. C'eft une certaine
force qui , dès le premier inftant de notre
exiftence , met en jeu nos organes vitaux ,
& en entretient les mouvemens pendant
toute la vie. Ce que nous favons de certain
de cette force , c'eft qu'elle réfide en nous ,
F A C
qui fommes compotes d'ame & de corps ;
qu'elle agit en nous , foie que nous le vou-
lions ou que nous ne le voulions pas , &
qu'elle s'irrite quelquefois par les obllacles
qu'elle rencontre. Mais à laquelle des deux
fubflances , dont nous fommes compofes ,
appartient- elle ? Elt-ce uniquement aa
corps qu'il faut la rapporter ? ou bien n'ap-
partient-elle qu'à l'ame ? Voilà ce qu'on
ne fait point , ou du moins ce qu'on n'ap-
perçoit pas aifjment.
Ceux qui ne reconnolflent dans l'ame
humaine d'autres facultés actives que la
volonté & la liberté , & qui font d'ailleurs
perfuadés que toutes les modifications &
les aâions de cet être fimple , indivifible
& fpirituel qui nous amme , font accom-
pagnées d'un ientiment intérieur , croient
avec Defcartes , que \a faculté vitale , dont
ils ne fe rendent aucun témoignage à eux-
mêmes , appartient uniquement au corps
humain duement organifé , ou pourvu de
tout ce qui eft néceffaire pour exercer les
actions ou les fondions vitales , & une fois
mis en mouvement par le fouverain créa-
teur de toutes chofes. Dans cette idée ,
il n'eft point d'effort qu'ils ne falfent pour
déduire ces fondions &: leurs difFérens
phénomènes de la ftrudure, de la liaifon,
du mouvement, en un mot de la dirpofi-
tion méchanique de nos organes vitaux , au
nombre defquels on met toutes les parties,
intérieures , principalement le cœur & les
artères avec les nerfs qui s'y diftribuent.
D'autres, tels que MM. Perrault , Bo-
relli , Stahl , &c. placent cette faculté dans
l'ame raiformable, unie à un corps organifé.
Il paraît l'raifembLiblc , dit-on , dans le IV.
tome de la fociété d'Edimbourg, pag. 270
de l'édition françoife, que l'ame pi éjide non-
feulement à tous les moui'emcns communé-
ment appelés volontaires , mais quelle dirige
auffi les mouvemens vitaux & naturels , qui
S^ arrêteraient bien-tôt d'eux-mêmes , s'ils né-
toient entretenus par t influence de ce prin-
cipe actif. Il femble de plus , ajoute-t-on ,
que ces mouvemens , au commencement de
la vie f font e'uiérement arbitraires , félon la
commune fignification de ce mot , Ù que ce
nejî que par l'habitude Ù la coutume qu'ils
font de venus Ji néceffaires qu'il nous efl im-
pofjîble d'en empêcher [exécution. On trour
F A C ^ 7/5
veradans ce même volumed'autres preuves
de ce fentiment , dont la plupart avoient été
données par M. Perrault , de l'académie
royale des fcicnces , dans fes ejfais de phyfL~
que , imprimés à Paris en 16S0 , & par Al-
phonfe Borelli , dans la iJoe. propofition de
la féconde partie de fon traité de motu ani-
malium , imprimé à Rome en 1 682.. On peut
voir auffi fur ce fujetlcsœw/wde M. Stahl.
Quelques autres enfin , peu contens des
hypothefes précédentes , font cpnfiftcr la
faculté vitale dans V irritabilité âc^ fibres de
l'animal vivant. 11 n'y a point , dit M. Hal-
1er , dans fes notes fur Boerhaave , § 600,
de différence entre les efprits animaux qui
viennent du cerveau , &: ceux qui font four-
nis par le cervelet , entre la flruclure des
organes vitaux & celle des organes deffi-
nés aux fondions animales : ces organes
agiflent tous également , lorfqu'ils font
irrités par quelque caufe , comme un
horloge agit , lorfqu'il efl; mu par un
poids , & fe repofent tous , dès que
cette caufe ch^q d'agir. Si par la diffi-
pation des efprits , & par d'autres caufes ,
tout le lifl:ême nerveux vient à s'affoi—
blir , les fondions animales font fufpendues ,
parce que les fens & la volonté ne font
point aiguillonnés ; mais les fondions vitales
ne s'arrêtent point , à moins que la difette
des efprits ne foit extrême , ce qui efl rare ,
parce que de leur nature , le cœur , le pou-
mon , & les autres parties douées d'un
mouvement périflaltique , ont des caufes
particulières & puiflantes qui les irritent
continuellement , & qui ne leur permet-
tent pas le repos. M. Haller démontre
l'irritation de chacun des organes vitaux ,
& il appuie cette théorie fur un phénomène
bien fimple , avoué de tout le monde ; fa—
voir , qu'il n'eft point de fibre mufculeufe
dans un animal vivant , qui étant irritée
par quelque caufe que ce foit , n'entre
d'abord en contradion , de forte que c'eft
la dernière marque par laquelle on diftiii-
gue les animaux les plus imparfaits d'avec
les végétaux. Enfin il fiiit remarquer que
dès que l'irritation des nerfs deftinés aux
mouvemens volontaires , eft trop forte ,
ces mouvemens mêmes s'exécutent fans
le confentement de la volonté , & fans in--
terruption , comme dans les convulfions ,,
77<î F A G
dans l'épilepfîe , £v. Et pour expliquer d'où
vient que les organes vitaux ne font pas
fournis à la volonté , il a recours à une loi
du créateur, ajoutant que la caufe mécha-
nique de cet effet n'efî autre , peut-être ,
que parce que l'irritation qu'occafionne
la volonté, eft beaucoup plus foible que
celle que produiiént les caufes du mouve-
ment continuel du cœur & des autres or-
ganes vitaux.
Pour ruoi je penfe que la faculté vitale
refide dans l'ame ; & je crois qu'outre la
volonté & la liberté ; outre les acïcs libres ,
réfléchis , & dont nous avons un fentiment
intérieur bien clair , notre ame eft capable
d'une adion néceflfaire , non réfléchie , &
dont nous n'avons aucun fentiment inté-
rieur , ou du moins , nous n'avons qu'un
fentiment bien obfcur ; &: par conféquent ,
que ce n'eft point par une faculté adive ,
libre , réfléchie , & devenue néceffaire par
l'habitude & la coutume que notre ame
influe fur nos adions vitales & fur les mou-
vemens fpontanés de toutes les parties de
notre corps, ma\ST^Ar uns faculté entiére-
J77f/2ir néceffaire, indépendante de la volonté,
non libre ni réfléchie. Quand on ne fuppo-
feroit dans notre ame qu'une force unique ,
imprim.ée par le créateur , on peut par abf-
tradion concevoir diverfes manières d'exer-
cer cette force ; & on le doit , ce femble ,
dès qu'on ne peut expliquer autrement tous
les effets qui en réfultent. Je conçois donc
dans l'ame humaine deux puifTances adives ,
ou deux manières principales d'ufer de la
force qui lui a été imprimée : l'une libre ,
raifonnée , ou fondée fur des idées dif-
tindes &: réfléchies , & dirigée principale-
ment vers les objets des fens extérieurs
connus de tout le monde ; c'eft la volonté :
l'autre néceffaire , non libre , non raifon-
née , fondée fur une impreflion purement ,
machinale , & dirigée uniquement vers les
inlTrumens d'un fens peu connu , que j'ap-
pelle l'uale , & dont je déterminerai le fiege
après en avoir prouvé l'exiftence ; c'eft la
faculté vitale. Mais avant que d'établir mon
fentiment , il efl jufte d'expofer en peu de
mots les raifons qui m'ont empêché d'ac-
quiefcer au fentiment des autres.
En premier lieu , il n'eft pas naturel de
piRcçr la faculté vitale uniquemçnc dans les
F A C
parties de notre machine ; & quiconque
faura bien les loix ordinaires de la mé-
chanique , dont une des prin^cipales eft
que tout corps perd fon mouvement à
proportion de celui qui communique aux
corps qu'il rencontre , conviendra aifémenc
qu'il eft tout à fait impoflible d'expliquer
la durée & les irrégularités accidentelles
de nos mouvemens vitaux , uniquement
par de pareilles loix. Pour mettre les lec-
teurs en état d'en jiiger , j'cbferverai
d'abord qu'il eft vrai qu'un pendule , une
fois mis en branle , continueroit toujours
fes allées & venues , fans jamais s'arrêter ,
s'il n'éprouvoit aucun frottement autour
du point fixe ou du point d'appui , auquel
il eft fufpendu , & s'il ne trouvoit aucune
réiiftance dans le milieu où il fe meut :
qu'il eft vrai aufTi , que deux refîbrts
qu'on feroit agir l'un contre l'autre , ne
cefTeroient jamais de fe choquer alterna-
tivement , fi d'un cûté leurs parties ne
fouffroient aucun frottement entr'el'es ,
ou fi leur refTort étoit partait , & qu'ils
pufTent chacun fe rétablir avec la même
force, précifément avec laquelle ils au-
roient été plies ; & de fautre , fi le milieu ,
dans lequel ils fe choqueroient , n'appor-
toit aucune réfiftance à leurs efforts mu-
tuels : mais j'obferverai auffi , que comi-me
la réfiftance du milieu & le firottemenc
mutuel des parties , abforbent à chaque
inftant une partie du mouvement de ce
pendule & de ces refforts , le mouvement
total qui leur a été imprimé, quelque grand
quil foit , doit continuellement diminuer
& fe terminer bientôt en un parfait repos.
C'eft ce qui arriveroit aux pendules & aux
montres , fi par le moyen d'un poids qu'on
remonte , ou d'un reftbrt qu'on bande par
intervalles , on n'avoir continuellement
une force motrice capable de furmonter
la réfiftance du milieu dans lequel ces ma-
chines fe meuvent , & celle quoppofent
les frottemens de leurs parties.
On dira fans doute que Dieu , dont l'in-
telligen ce furpafle infiniment celle de tous les
machiniftes , & dont le pouvoir égale l'in-
telligence , n a pas manqué de mettre dans
le corps humain quelque chofe d'équiva-
lent au poids & au refîbrt dont on le fert
pour faire aller les machines artificielles i
eu
F A C
en un mot , une force motrice matérielle ,
capable d'entretenir les mouvemcns fpon-
tanés de nos organes ; une caufe mc'cha-
nique qui eft continuellement renouvelée
par la nourriture que nous prenons cha-
que jour. Mais fans ramener ici une foule
lie difficultés qu'entraîne cette fuppolition ,
la réHexion fuivante fuffit pour la détruire.
Dans les pendules & les montres , la force
qui les fait mouvoir , elt uniforme & propor-
tionnée aux réfi fiances qu'elle doit vain-
cre: ellenes'accélcrejamaisd'elle-méme; &
fi par quelque caufe que ce foit , elle vient
à s'affbiblir , ou il les réfiftances augmen-
tent , le mouvement de ces machines celle
entièrement , à moins que l'ouvrier n'y
mette la main pour augmenter la force
motrice , ou pour diminuer les réfiftances.
II en feroit donc de même dans le corps
humain , fi les mouvemens vitaux n'étoient
qu'une fuite de la difpofition méchanique
des organes : ces mouvemens , loin de s'ac-
croître jufqu'à un certain point par des
obftacles qui leur font oppofés , comme il
n'arrive que trop fouvent , fe ralentiroient
& ccfTeroient bientôt entièrement à moins
que Dieu ne remît prefqu'à tout moment
îa main à fon ouvrage ; ce qu'il feroit ri-
dicule de penfer. On a coutume de faire
quelques autres fuppofitions en faveur du
méchanifme ; comme elles ne font pas
mieux fondées , il eft inutile de les rap-
porter.
En fécond lieu , je ne faurcis me per-
fuader que nos mouvemens vitaux aient
jamais été arbitraires , ou ce qui revient
au même , que hfaculee de l'ame , qui pré-
fîde à nos mouvemens volontaires, ait ja-
mais dirigé nos mouvemens fpontanés ,
vitaux & naturels : car quoique nous faf-
fïons fans réflexion & fans un confente-
ment exprès de la volonté , certains mou-
vemens qui ont commencé par être arbi-
traires , quoique l'habitude & la coutume
les ^it rendus entièrement involontaires ;
cependant lorfque nous y faifons attention ,
nous ne pouvons nous diffimuler que la
volonté n'influe fur ces mouvemens , ou
qu'elle n'y ait influé originairement. Mais
nous avons beau rentrer en nous-mêmes ,
. îious avons beau nous examiner attenti-
^rc-ment , & réfléchir fur toutes les opéra-
Tome XIIL
F A C 777
tions de notre ame , nous ne fentons en
aucune façon que le pouvoir de la volonté
s'étende ou fe foit jamais étendu fur nos
mouvemens vitaux &: naturels. L'exemple
du colonel ToWnshcnd , s il eft vrai que ,
quelque temps avant fa mort, ûeûthjaculce
de fufpendre à fon gré tous les mouvemens
vitaux , comme le rapporte M. Cheyne dans
fon traité ;/zc' Englishmalady , pag. ^oj, cet
exemple , dis-je , ne prouve autre chofe ,
finon que par l'habitude il avoit acquis un
grand empire fur les organes de la refpira-
tion, dont les mouvemens font en partie vo-
lontaires & en partie involontaires ; de forte
qu'en diminuant par degrés fa refpiration ,
il fufpendolt pour quelques momens les
battemens alternatifs du cœur & des artè-
res , & paroifTbit entièrement comme un
homme mort , & qu'en reprenant peu à
peu la refpiration , il remettoit en jeu tous
les mouvemens qui avoient été fufpendus ,
& fe rappeloit de nouveau à la vie. D'ail-
leurs fi l'on fait réflexion que pendant le
fommeil , & dans toutes les afFeâions fo-
poreufes , les mouvemens même que l'ha-
bitude a rendus involontaires , font fuf-
pendus , & que les mouvemens vitaux
non feulement ne s'arrêtent point , mais
augmentent même d'adlivité , on ne croira
point que ces mouvem.ens aient jamais été
arbitraires , & qu'ils ne font devenus nè-
cefTaires que par l'habitude & par cou-
tume.
En troifieme lieu , avant de difcuter le
fentiment de ceux qui placent la/jcw/rf'i'/fj/e
dans l'irritabilité des fibres des corps ani-
més , je voudrois liivoir fi cette irritabilité,
que je ne contefte pas , n'eft qu'une pro-
priété purement méchanique de ces fibres ;
ou fi elle dépend d'un principe adif , fupé-
rieur aux caufes mèchaniques : car 1 homme,
n'étant compofé que d'une ame & d'un
corps étroitement unis enlemble , par la
volonté toute puift'ante du créateur , il
faut nécefTairement que ce qui agit en lui
foit ou matière ou efprit. Si on dit l'irrita-
bilité n'eft qu'une fuite au méchamfme,
m.ais d'un mèchanifme qui agit par des
loix particulières , & différentes des loix
mèchaniques ordinaires , & qui le rend
capable d'entretenir , & même d'augmen-
ter ou de diminuer les mouvemens fpon-
F f f ff
yyS F A C
tanés , fans l'intervention d'aucune intel-
ligence cr^ee , je demande quel eft ce mé-
chanifme fi furprenant ; & )ufqu'à ce qu'on
m'en ait prouvé la réalité , je refufe de
l'admettre , avec d'autant plus de raiion que
je fuis perfuadé que les loix méchaniques
qui ne me font pas connues , ne peuvent
être diamétralement oppofées à celles que
je connois ; que les unes doivent nécefTai-
rement appuyer les autres , & non les
renverfer entièrement ; ce qu'il faudroit
pourtant fuppofer , pour faire dépendre
la faculté l'haie du pur méchanifme. Si on
prétend au contraire que l'irritabilité des
fibres dépend d'un principe hyperméchani-
que , c'eft l'attribuer à l'ame ; & alors
on retombe dans l'opinion de ceux qui
rapportent les mouvemens vitaux à des ja-
culces de cet agent fpirituel qui nous anime.
Revenons à notre idée; & pour la .mieux
développer , prenons la chofe d'un -peu
loin. Tâchons de découvrir s'il n'y auroit
pas en nous un fens l'it^rd ou un fenforium
particulier , capable de tranfmettre les
impreflions jufqu'au fenforium principal ;
& fi à ce fenforium ne feroit pas attachée
une faculté aâive de l'ame , qui foit capable
d'opérer les mouvemens vitauxpar le moyen
des inftrumens corporels , &: indépendam-
ment de tout aâ:e de h faculté libre & ré-
flécliie qu'on connoît fous le non de volonté.
Nous fuppoferons néanmoins bien des
chofes connues des phyficicns & des mé~
taphyficiens , mais qui ont été ou feront
expliquées dans ce didionuaire. Nous ob-
fervons feulement que l'ame & le corps
s'atFedlent mutuellement en conféquence
de leur union ; & qu'étant parfaitement
unis , tout le corps doit agir fur l'ame, &:
l'afFeâer réciproquement : car il ne nous
paroît pas naturel de penfer que cette
union ne foit pas parfaite , & que ce ne
foit qu'à l'égard de certains organesqu'il foit
vrai de dire , affecfo uno , ajficitur altcnim.
Cette idée ne s'accorde point avec la fa-
geffe & la puifTance du créateur , qui en
alliant enfemble des fubftances qui de leur
nature font inalliables , a mis dans (on
ouvrage toute la perfedion pofîible. Nous
obferverons aufli que cette union a dû
fans doute altérer iufqu'à un certain point
ies propriétés de l'ame , foit en lui occallon-
F A C
nant des modifications qu'elle n'auroit
point , fi elle n'étoit pas unie à un corps
organifé , foit en la privant d'autres mo-
difications qu'elle n'auroit pas fi elle en
étoit féparée.
Comme dans l'homme il n'y a que l'ame
qui foit capable de fentiment , tout fenti-
ment confidéré dans l'ame , eft quelque
chofe de fpirituel ; mais comme l'ame ne
fent que dépendamment du corps , nous
en vifagerons tous les fens comme corporels ,
& nous les diviferonsen ceux qui n'ont leur
fiege que dans le cerveau , & en ceux qui
font difperfés dans tout le refie du corps.
Nous ne parlerons pas ici des premiers ;
mais au nombre des féconds nous mettrons
non feulement les fens reconnus de touc
le monde , tels que la vue , l'ouie , l'odo-
rat , le goût , le toucher ; les fens de la
faim & de la foif , & celui d'où vient
l'appétit commun aux deux fexes pour
la propagation de l'efpece , mais encore le
fens d'où naît le defir naturel de perpé-
tuer les mouvemens vitaux pour la con-
fervation de l'individu : defir qui agit en
nous indépendamment de notre volonté.
Ce dernier fens , que j'appelle l'ital , elî
une efpece de toucher ; ou du moins il
peut , comme tous les autres fens , être
rapporté au toucher. Voye\ TOUCHER.
Je ne parlerai point ici du fiege de
tous les fer/S , je me bornerai au fens vital ,
que je place dans le cœur , dans les artères
& les veines , & dans tous les vifceres ,.
ou dans toutes les parties intérieures qui
ont des mouvemens vitaux ou fpontanés.
J'accorde à toutes ces parties un fenforium
particulier ; car pourquoi leur refliferoit-
on cette prérogative ? n'ont-elles pas tout
ce qui eft néceflaire pour le matériel d'un
fens ? leurs fibres mufculeufes ou membra-
neufes ne font-elles pas entrelacées de fibril-
les nerveufes? & ces fibrilles n'aboutiffenf-
elles pasà la moelle alongée , qui eft un pro-
longement du cerveau & du cervelet ? c'eft
de quoi fanatomie ne nous permet pas" de
douter. Cela étant ainfi , & l'union du
corps avec l'ame n'étant qu'une dépen-
dance mutuelle de ces deux différentes,
fubftances , les fibrilles nerveufes du cœur ,
des artères , &c. ne peuvent être af-
fectées que l'ame ne le foit auffi ; c^
F A C
qui fiiffit pour qu'elles foient le matiriel
d un fens.
On oppofera pcuc-étre que les loix de
l'union de l'ame & du corps ne s'étendent
pas jufqu'aux organes qui ne font point
fournis aux ordres de la volonté ; que ces
loix n'ont cte' établies qu'à l'égard des par-
ties fur lefquelles la volonté a quelqu'em-
pire , & qu'ainfi l'ame n'eît affetlée que
iorfque ces parties à l'égard defquelles
l'union a lieu , font afFeâées ; & que
Iorfque des organes fur lefquels la vo-
lonté n'influe point , font afFedés , tels
que le cœur , les artères , Êv. l'ame n'eft
point affectée \ d'où l'on conclura que ces
organes ne conftituent point \xr\fenforium
particulier.
J'ai prévenu ci-defTus cette objeâion ;
mais à ce que j'ai dit je vais ajouter , i*^.
que c'eft bien gratuitement qu'om'^vance
que les loix de l'union du corps avec l'ame
ne s'étendent pas à toutes les parties de
notre machine , & que l'ame n'eft afFeftée
que Iorfque les organes à l'égard defquels
l'union a lieu , font affedés : car enfin ,
feroit-ce parce que Dieu ne l'a pu ou ne
l'a pas voulu ? Mais quelles raifons a-t-on
pour reftreindre la puiffance de Dieu , ou
pour limiter ainfi fa volonté? Qu'eft-ce^
qui peut porter à croire que Dieu n'a pas
donné à cette union toute la perfeflion
dont elle peut être fufceptible ? n'efl: - il
pas au contraire plus naturel de pcnfer
que Dieu a fait cette union auiïi entière
& auiîî parfaite que la nature des deux
fubftances qu'il a unies a pu le permetre ;
Or toutes les parties du corps humain
étant également matérielles , il n'a pas
été plus difficile à Dieu d'unir le corps
à l'ame par raport à toutes fes parties ,
que par rapport à quelques - uns de fes
organes.
Je réponds , a^. que l'expérience nous
F A C 77,
fubftances ^ dans laquelle confiftcnt les loix
de l'union. Nous avoni donc Texpéricnce
de notre côté , & nous fommes fondés à
foutenir que puifque l'ame par fes pafTions
agit fenfiblcment fur nos organes vitaux ,
fon union avec les corps doit avoir lieu
à leur égard ; & cette union étant réci-
proque , il faut que ces organes agilfent audi
fur l'ame , & qu'ils conflituent par confé-
quent un /f/j/ôi/vw/;? particulier, ou le /Tzjre'/ï'e/
d'un fens que nous avons appelé r/fcz/.
On oppofera qu'il n'y a point de fens
fans fenfation , ni de fenfation fans fenti-
ment intérieur , ou fans témoignage fecrec
de notre confcience. Or , ajoutera-t-on ,
il n'y a ici ni fenfation , ni ientiment inté-
rieur d'aucune fenfation ; car Iorfque nous
ne fommes agités d'aucune palTion , nous
ne fentons point que le fenfoiuim vital
alFefte notre ame , ni que notre ame agifie
fur ce fenforiiim , d'oii l'on conclura qu'il
n'y a point de fens l'hal.
Je conviens que Dieu , qui ne fait rien
d'inutile , a attaché un exercice à chaque
faculté , & que la fenfation n'étant que
l'exercice de \ù facuhé fenjitii'e , ou le fens
réduit en afte , il ne peut y avoir aucun
fens qu'il n'y ait f;nfation ; & que s'il n'7
a pas de fenfation , \q fenforium ou les inf-
trumens du fens vital deviennent inutiles.
Mais je nie qu'il n'y ait point ici de fen-
fation ; & après avoir o'ofervé que toutes
les fenfations ne font pas également for-
tes & vives , qu'il y en a de fbibles &
d'obfcures , j'ajoute, i". qu'outre que le
pur fens intime de notre exiftence , qui ,
félon les principes de la métaphyfique , ne
nous manque jamais , n'efl: dû dans bien
des cas , dans l'apoplexie , par exemple ,
qu'à la fenfation excitée par le fenforium
vital ; c'eftà ce mêmefenforium légèrement
effleuré que nous devons la fenfation foi-
ble & obfcure de la bonne dilpofition de
apprend que Tim-agination & les pallions j notre efprit & de notre corps, de notre
bien être , ou de ce plaifir que nous ref-
fentons intérieurement Iorfque tout eft
en nous dans l'ordre naturel , & quele fen~
forium vital ne reçoit dans nos humeurs
eurtour: d'où je conclus que les qu'une légère impreflîon , un doux tré-
de ces organes affectent aufTi 1 moulTement ou une efpece de chatouille-
loit être réciproque à ment. C'efl encore à ce mên
de l'ame influent fenfiblement fur nos
mouvemens vitaux , & les troublent & les
dérangent ; ce qui prouve évidemment que
l'ame étant affedée , les organes vitaux font
affectés à
affeâions
l'ame , car cela doit être réciproque
raifon de la dépendance mutuelle des deux I différemment affeâé , que je rapporte les-
Fffffi
même fens , mais
7S0 PAC
douleurs intérieures , les anxiétés , les in-
quiétudes , l'abbattement , qui fans caufe
manifefte fe font fentir lorfque quelque
caufe intérieure & inconnue diminue ou
augmente les mouvemens de nos humeurs ,
& dérange plus ou moins l'aâion organi-
fjue de nos parties. Or là où il y a plaifir
ou douleur, joie ou trifteffe , tranquillité
ou inquiétude , vigueur ou abattement
fpontané , là il y a fenfation agréable ou
défagréable , & par conféquent faculté de
fentir , auffi bien quefenforium ou organe
d'un fens particulier.
J'ajoute, 1". que quand même nous ne
nous appercevrions pas de cette fenfation ,
il ne s'enfuivroit point que lame ne Tait
point, parce que nous ne connoifTons pas
toutes les modifications de notre ame , &
qu'il y en a fans doute qui ne fe replient
pas fur elles-mêmes , ou dont on n'a aucun
fentiment intérieur. Mais il y a plus : fi
nous faifons une féricufe attention à tout
ce qui fe pafTe dans l'intérieur de notre
ame , en quelqu'état que nous nous trou-
vions , nous nous appercevrons bientôt ,
du moins confufément , qu'elle fent fon
exiftence agréable ou défagréable , dépen-
damment du bon ou mauvais état de nos
organes intérieurs ou vitaux ; & notre
confcience nous rendra témoignage , du
moins obfcur , que nous avons une fen-
fation qui dépend de ces mêmes organes ,
& qui nous informe de leur bomiecu mau-
vaife difpofition.
Nous croyons avoir fuffifamment établi
cette fenfation ou cette faculté paflîve de
notre ame : il nous refte à faire voir qu'à cette
faculté fenfitU'e doit répondre v.ne faculté
appétitii-'c; c'eft-à-dire , que de Timpreflion
du fenforiuin vital, ou de fonafiiondel'ame,
doit naître une réaâion ou puifTance adive
de l'ame , qui , par le moyen du fluide ner-
veux , agiffe à fon tour fur les organes vi-
taux, qui en entretiennent continuellement
les mouvemens alternatifs ; & qui , fans
attendre les ordres de la volonté , . ou
même contre fes ordres , les augmente ou
les diminue dans certains cas , fuivant les
loix qu'il a plu au créateur d'établir.
Or l'on ne révoquera point en doute cette
fdcuhé aflive , fi l'on fait attention qu'il
F.'efl jjoint de fens interne particulier, dont
PAC.
1 aâîon n'excite dans l'ame un appétit ; que
l'aâion de l'eftomac fait naître la faim , &
celle du gofier la foif. C'eft une fuite de la
dépendance mutuelle qui règne entre l'ame
& le corps , & une fuite conforme aux
idées que nous avons de l'adion & de la
réadion de ces deux fubftances unies par
la volonté du créateur ; & comme ces
deux fubftances font différentes , & que la
fpiritutlle n'eft point foumife aux loix mé-
chaniques , on comprend aifément d'où
vient que la réadion n'eft prefque jamais,
exadement proportionnelle à 1 adion , &
qu'ordinairement elle lui eft beaucoup fu-
périeure. Voye-{ FACULTÉ APPÉTITIVE.
Mais quoique l'objet de l'appétit fitat
foit bien fenfible , que les mouvemens
fpontanés , ou les effets que nous leur at-
tribuons , ne foient point conteftés , bien
des genfne conviendront point de la réa-
lité de cette puiflance adive ; ils oppofe—
tout, i". que nous ne fentons point que
notre ame opère ces effets ; 2" que notre
ame n'eft pas la maîtreffe de les fufpendre
quand elle veut , ni de les varier à fon gré.
Pour réfoudre ces difficultés , nous avan-
cerons , I **. que nous n'avons pas des idées
réfléchies de toutes les féparations de notre
ame , de toutes fes facultés adives , &
de leur exercice ; & cela parce qu'il n'a
pas plu au créateur de rendre l'ame unie
au corps humain , capable de toutes ces
fortes d'idées , ou , pour mieux dire , parce
qu'il n'a pas jugé que les idées réfléchies de
toutes ces opérations nous fuffent néceffai-
respour la confervation de notre individu ,
ou pour les befoins des deux fubftances donc
nous fommes compofés ; qu'il a jugé au
contraire que quelques-unes de ces opéra-
tioris s'exerceroient mal fi nous en avions
des idées réfléchies , & que nous en abu-
ferions Ci elles étoient foumifes à notre
volonté. 1°. Nous prétendons queh faculté
j^itale , que nous rccormoiffons dans l'ame
unie au corps humain , cft une puiffance
non-raifonnable , un appétit aveugle &
diftind de la volonté & de la liberté , tel
que les Grecs l'ont reconnu fous le nom
ai '(M, qu'ils àé^rnUoient pars ainmi rationis
expen , & dans lequel , au rapport de Cicé-
ron , les anciens philoroplics plaçoicnt tum
motus ira y tum cu^iditatis. Au moyen d«
i
F A C
cette faculté vitale , ou de cet appétit que
Dieu a imprimé dans l'ame , de cette force
nécefTaire , non éclairée , & afliijettie aux
loix qu'il lui a impofées , il eft aifé de com-
prendre que notre ame lait jouer nos or-
ganes vitaux , fans que nous fentions qu'elle
opère , & fans que nous foyons les maîtres
de gouverner leur jeu à notre gré, ou,
ce qui eft prefque le même , fans que nous
puifîions abulèr du pouvoir qu'a notre ame
de les mettre en jeu.
On répliquera qu une faculté' non raifon-
îiable eft incompatible avec une fubftance
fpirituelle , dont l'eflence femble ne con-
fifter que dans la penfée ou dans lapuifTance
de raiibnner. A cela je réponds ,1". que
nous ne connoiftbns pas parfaitement l'ef-
fence de l'ame, non plus que fes différentes
modifications : 1". que l'ame unie au corps
liumain , a des propriétés qu'elle n'auroit
pas , fi elle n'étoit qu'un pur efprit , un
efpi-it non uni à un corps , comme je l'ai
obfervé plus haut ; ainfi , quoiqu'on ne con-
çoive pas dans un pur efprit une faculté
non raifonnable , un appétit ou une ten-
dance tout à fait aveugle , on n'eft pas en
droit de nier une pareille propriété dans
im efprit uni au corps humain, fur-toutlorf-
que les effets nous obligent de l'admettre, &
qu'elle eft néceft'aire aux befcins de la fubf-
tance fpirituelle & de la fubftance corpo-
relle unies enfembie.
Pour faire mieux comprendre comment
l'ame peut avoir une faculté aftive non rai-
fonnable , un appétit difFérent de la vo-
lonté & de la liberté , une tendance aveu-
gle & néceflaire ; fuppofons , comme
une chofe avouée de prefque tout le
monde , que l'ame rélide, ou , pour mieux
dire, qu'elle exerce fes différentes /jc7///fj
dans un de nos organes intérieurs d'où
partent tous les filets des nerfs qui fe dif-
rribuent dans toutes les parties du corps :
fuppofons encore , comme une chofe in-
conteftable , que cet organe privilégié
qu'on appelle ftnforium commune , a ime
certaine étendue , reile que fanatomie nous
la démontre dans la fubftance médullaire
du cerveau, du cervelet , de la moelle alon-
gée & épiniere , où l'on place communé-
ment l'origine de tous les nerfs : fuppofons
aufa que quoiqu'il n'y ait guère de parties
_ F A C ^Sî
qui ne reçoivent des nerfs du cerveau &
du cervelet, ou de lune & de l'autre
moelle, cependant les nerfs qui fe répandent
dans les organes des fcns extérieurs , &
dans toutes les parties qui exécutent des
mouvemens volontaires , viennent princi-
palement de la fubftance médullaire du
cerveau ou du corps calleux ; que ceux qui
fe diftribuent dans les organes vitaux , &
dans toutes les parties qui n'ont que des
mouvemens fpontanés , ne partent la
plupart que du cervelet ou de la moelle
alongée ; & qu'aux parties qui ont des
mouvemens fenfiblement mixtes , ou en
partie volontaires & en partie involontai-
res ; il vient des nerfs du cerveau & du cer-
velet , ou de l'une & de l'autre moelle :
ou fi l'on veut que la plupart des nerfs
qui fe diftribuent en organes vitaux, vien-
nent du corps calleux. Suppofons que l'en-
droit du corps calleux d'où ils partent, eft
différent de celui d'où naiftenc les nerfs
deftinés aux mouvemens volontaires. Sup-
pofons enfin que Dieu , en unifiant Fcfprit
humain à un corps , a établi cette loi , que
toutes les fois que l'ame auroit des per-
ceptions claires , feroit des réflexions li-
bres , ou exerceroit des aâes de volonté &
de liberté , les fibres du corps calleux , ou
d'une partie du corps calleux feroient affec-
tées ; & réciproquement qu'aux affcfiions
de ces fibres répondroient des idées clai-
res , & toutes les modifications de l'ame
qui emportent avec elles un fentiment in-
térieur ; & que toutes les fois que l'ame
auroit des fenfations obfcures , qu'elle ne
réfiéchiroit point fur fes appétits, & qu'elle
agiroit néceffairement &: aveuglément ,
les fibres d'une autre partie du corps cal-
leux , du cervelet ou de la moelle alon-
gée , feroient affeâées; & réciproquement ,
que des affedions de ces fibres naîtroienc
des modifications dans l'ame , qui ne fe-
roient fuivies d'aucun fentiment intérieur.
C Je'a pofé , on comprendra aifément la
diftinftion àcs facultés de l'ame en libres &
en néctjfaires] & toutes les difficultés qu'on
pourroit faire contre l'appétit vital , s'éva-
nouiront.
Au refte ces fuppofitions ne doivent
révolter perfonne , & , à la dernière près ,
il feroit aifé d'en donner des preuves tirées
7^2 F A C
de l'anatomie : pour celles-ci , il nous fuffit
qu'elle ne répugne ni à lapuifTancedeDieu,
ni à fa volonté , ni à la nature des deux
fubftances unies.
Mais ce n'eft pas tout : je puis encore
appuyer cette dernière fuppofition fur des
obfervations qui ne paroîtront point fuf-
pedes ; on en trouvera deux qui ont été
tirée^ des volumes de l'académie royale
des fcicnces , dans le premier tome de
l'Encyclopédie, au mot Ame. U réfulte
de ces obfervations , que de l'altération
du corps calleux , ou de l'une de fes
parties , s'enfuit la perte de la raifon ,
de la connoifTance , des fens extérieurs &
des mouvemens volontaires ; mais non l'a-
bolition des mouvemens vitaux , puifque
les malades dont il eft queftion ne font
pas morts brufquement , & que l'un d'eux
reprenoit connoiflance dès que le corps
calleux ceflfoit d'être comprimé. Il falloit
dfinc que l'ame exerçât alors dans une par-
tie du corps calleux non comprimée , ou
dans la moelle aîongée , d'autres opérations
qui ne fuppofent aucune idée réfléchie ,
aucun afle de volonté , & qui ne laiflent pas
d'entretenir la dépendance mutuelle du corps
& de l'ame , pendant la ceffation ou l'inter-
ruption de la connoiflance , & de tout ce
qui dépend de l'entendement & de la vo-
lonté ; opérations qui ne peuvent être autre
cliofe quel'eKercice de Iz faculté vitale , qui
doit être continuel pendant la vie.
A ces obfervations j'en ajouterai une
autre, rapportée dans la phyjwlogie de
M. Fizes ; imprimée à Avignon en 1750.
Vitam vegetativam , dit ce profefleur , in
filio pauperculx mulieris fepterndecim an-
nos nato , memini me ohfervajfe, Is mifer
abfque vfu ullo fenfuum , ahfque uUo motu
artuum , colli , maxilLv , omnino perfeclè
paralyticus undequaque Jeptemdecim annos,
relut planta à nativitate vixerat. Ejus cor-
poris infantis decem annorum vix ivquahat
molem , de ccetero marcidum ac flaccidum :
pulfus erat debilis ac languidus , refpiratio
lentiffuna : in eo nec fomni nec figili.v
alternationes diftingui poterant ullo Jigno :
nulla vox , nullum Jignum appetitûs , nul-
lus motus unquam in oculis , qui femper
clauji erant , abfque tamen palpebranun
çoalitK : nulli barbce pili , nulli pubi.
F A C
Mater ejus alimenta maflicalat , lahiifque
in ejus os infertis , ea m fauces infufflabat :
filius ea emollita ac piopulfa deglutiebat y
ut & potulenta JimiUter impulfa : egerebat
autem , ut par erat , excrementa alyina ac
urinam.
Il paroît que cet enfant n'avoit jamais
exercé, du moins depuis fana^flance, au-
cune des fondions qui dépendent de l'enten-
dement, de la connoiflance & de la volonté,
mais s'enfuit-il de-là que cet enfant ait
vécu pendant dix-fept ans comme une
plante , & qu'il n'ait point eu une ame
lemblable à celle des autres hommes ? point
du tout : autrement il faudroit fuppofer
qu'un apopleciique dont les fonclions ani-
males font entièrement abolies pendant
des trois , quatre ou cinq jours ; que le
payfan , cité par M. de la Peyronie , à qui
on ôtoit la connoiflance en comprimant le
corps calleux ; que lenfant dont parle M.
Littre, qui après avoir joui deux ans &
demi depuis fa naiflance d'une fanté par-
faite , fouîFrit enfuite pendant dix - huit
mois une telle altération dans l'exercice des
facultés de fon ame , qu'il vint à ne don-
ner plus aucun ligne de perception ni de
mémoire , pas même de goût , d'odorat ,
ni d'ouie , &: qui ne laifla pas de vivre dans
cet état pendant fix autres mois .• il fau-
droit , dis-je , fuppofer que tous ces m.a-
lades n'ont eu , pendant tout le temps
qu'ils étoient fans connoiflance & fans fen-
timent , qu'une vie purement végétative,
& que leur ame ceflîbit alors d'être unie à
leur corps : ou bien il laut reconnoître
une ame dans l'enfant dont nous venons de
parler , quoique cet enfant n'exerçât que
les feules fondions vitales & naturelles ;
& on doit le faire avec d'autant plus de
raifon , que ces fondions , comme on l'a
vu ci-defliis, ne peuvent pas dépendre de
la feule difpofition méchanique du corps
humain. Il paroît même que les loix de
l'union de l'ame avec le corps n'ayant plus
heu à l'égard des fondions animales dans
les fujcts où ces fondions font entièrement
abolies , il faut , pour que l'ame ne foit pas
ccnfée avoir abandonné le corps & s'en êtrç
féparée , que ces loix aient lieu à Tégard
d'autres fondions , telles que les vitales ,
l dont l'entière abolition emporte la ceflii'
F A C
tion de la vie ou la féparation de l'ame avec
le corps.
De ces obfervations il rjfuireqiie le fiege
de l'ame ne doit pas être borné au feul
corps calleux , ou à la partie de ce corps
où l'ame apperçoit les objets , réfléchit fur
fes idées , les compare les unes aux autres ^
&fedétermineà agir d'une façon plutôt que
d'une autre ; mais qu'on doit étendre ce
fiege à une autre partie du corps calleux ,
au cervelet , la moelle alongée , où nous
I\ croyons que réfide la faculté rhale , dont
l l'exercice cefî'e pour toujours dès que
la moelle alongée eft coupée tranfverfale-
ment ou fortement comprimée par la luxa-
tion de la première vertèbre du cou ; ce qui
favorife entièrement ma dern^.fuppobtion.
On dira que dans les fœtus humains qui
naifTent fans tête , la vie eft entretenue
pendant fix , fept , ou neuf mois par la
nourriture que leur fournit le cordon om-
bilical , & qu'alors leur vie n'eft pas diffé-
rente de celle des plantes. Mais il ces en-
fans ne font pas des malTes informes , fi
le relie de leur corps eft bien organifé , &
que les mouvemens vitaux s'y exécutent
comme dans les autres enfans , leur vie
n'eft pas limplement végétative ; elle dé-
pend de leur ame , dont le fiege dans ces
cas extraordinaires s'étend jufqu'à la moelle
épiniere , ou à quelque chofe d'équivalent.
Et quoique ces enfans n'aient jamais exercé
aucune des fondions qui caradérifent un
efprit humain , on ne doit pas toutefois
s'imaginer qu'ils n'euflent point d'ame ;
on doit penfer feulement que leur ame
n'a pu exercer ces fonctions , parce qu'elle
manquoit des organes nécefîaires à l'exer-
cice & à la manifeftation de fes principales
facultés. On doit dire la même chofe des
enfans , dans le crâne defquels on ne trouve
point de cerveau après la mort , ou dont
le cerveau s'eft fondu ou pétrifié ; car alors
ou la moelle alongée ou la moelle épiniere
y fuppléent.
L.a faculté vitale , une fois établie dans le
principe intelligent qui nous anime , on
conçoit aifément que cette faculté, excitée
par les impreluons que le fenforium vital-
tranfmet à la partie du fenforium commun
à laquelle fon exercice eft attaché , déter-
mine njceftairemenc l'influx du fuc ner-'
F A C 78^
veux dans les fibres motrices des organes
vitaux; & qu'étant excitée alternativemcnc
par les impreftions de ce fenforium qui fe
fuccédent continuellement pendant la vie ,
elle détermine un influx toujours alterna-
tif, & tel qu'il eft néceflaire pour faire
contrader alternativement ces organes tant
que l'homme vit. On conçoit aufti que
lorfque ces impreffions font plus fortes qu'à
l'ordinaire , comme il arrive lorfque les
organes vitaux trouvent quelqu'obftacle à
leurs mouvemens , la faculté ritale eft alors
plus irritée , & détermine un plus grand
influx pour vaincre , s'il eft poftible , les
réfiftances qui lui font oppofées ; & tout
cela en conféquence des loix de l'union
de l'ame avec le corps. Mais comment la
faculté t'itale détcrmine-t-elle ces influx ?
c'eft un myftere pour nous , comme la ma-
nière dont la volonté fait couler le fucner-
veux dans les organes foumis à fes ordres ,
eft un écueil contre lequel toute la fagacite
des Phyficiens modernes a échoué jufqu'ici.
Tout ce qu'on peut avancer , c'eft que la
faculté vitale a cela de commun avec la vo-
lonté , qu'à Toccafion des impreflions qui
lui font tranfmifes , elle excite des mouve-
mens , qu'elle les augmente félon les loix
qu'il a plu au créateur de lui impofer , &
que fa réadion furpafle l'adion des caufes
qui font mife en jeu , & ne fuit point les
loix méchaiiiques ordinaires ; mais qu'elle
en diffère en ce que la volonté , étant une
faculté libre & éclairée , elle fufpend ou fait
continuer à fon gré les mouvemens qu'elle
commande , au lieu que la faculté vitale
étant un agent aveugle & néceftaire , elle
ne peut point arrêter ou fufpendre les
mouvemens qu'elle excite , & qu'elle eft
obligée d'entretenir félon les loix qui lui
ont été impofées.
L'ame par fa volonté n'a-aucun pouvoir
immédiat fur la faculté vitale ; car comme;^
l'ame ne peut empêcher les fenfations qui
font occafionnées par les caufes de la faim
& de la foif , elle ne peut aulfi empêcher
les fenfations qui lui font communiquée-s
par les organes vitaux , ni par conféquent
fufpendre l'exercice de h faculté vitale ; elle
n'a qu'un pouvoir éloigné fur cette faculté y
qui confifte à empêcher les organes du fen-
tiraenc & du mouvement volontaire de
734 ^ A ^
fatisfaire à la faim & à la foif. Ce n'eft qu'en
s'abftenant volontairement de toute nour-
litiire , & en fe laiffant mourir de faim ,
qu'on peut arrêter l'exercice de la faculté
j'itdh ; on le peut auffi en lui oppofant des
obfiacles invincibles. V'oye:^ MoRT.
Obfervons avant que de finir , que comme
les fens extérieurs , principalement le goût ,
l'odorat , & le toucher font fubordonnés à
h/aculte'ie l'ame qui agit à l'occafion de la
taim & de la foif, de même la faim & la
foif font fubordonne'es à fappétit vital ou
à la faculcé qui dirige & entretient nos
mouvcmens vitaux. Obfervons encore que
comme la faim & la foif font des fenfa-
tions obfcures , parce qu'elles ne font
excitées que par des caufes cachées qui
agiffent fur nos organes intérieurs , & non
par l'imprefllon d'aucun objet que notre ame
aitapperçu; de même auHi & plus obfcure
encore eîl la fcnfacion excitée par kfenfo-
niim vital , parce qu'elle n'eft occalionnée
que par des caufes encore plus cachées , qui
ont bien quelque llaifon avec celles de !a
faim & de la foif, mais qui ne forment dans
l'ame aucune image ; enforte que l'idée réflé-
chie que nous avons de nos fenfations va
toujours en diminuant de clarté depuis l'idée
des fenfations , caufées par les objets exté-
rieurs que nous appercevons , jufqu'à l'idée
des lenfations delà faim & de la foif, &
de celle-ci jufqu'à l'idée de la fenfation
vitale , ce qui rend cette dernière idée fi
confufc , que nous n'en avons prefqu'aucun
fentim.ent intérieur. 11 n'éroit pas d' ailleurs
néceffaire que cette fenfation fût fuivie
d'un fentiment intérieur bien clair , parce
que , comme il a été dit , à cette fenfa-
tion font fubordonnées la faim & la foif ,
& à celles-ci, les fenfations qui viennent des
organes fur lefquels les objets extérieurs
agiïïenr.
Nous avons appelé faculté^ vitale , ce
qu'Hippocrate &: plulieurs médecins an-
ciens & modernes ont appelé nature. Voye^
IJaturE. Cet an. eft de M. Bouiliet
le père.
* Faculté , fubft. f. {Hifi. littéraire.)
U fe dit des ditférens corps qui compofent
une univerfité. Il y a dans l'univerfité
(de Paris (\\une facultés ; celle des arts,
cçlle de médecine , celle de jurifprudence ,
F A G
j& celle de théologie. Voyei les articles
Université , Nation , Docteur ,
Bachelier, Licentié , Maître-ès-
ARTs , Gradué , ùc.
* FADE, adj. {Gramm.) c'eftun terme
qui défigne , au fimple , la fenfation que
font fur les organes du goût , les farines de
froment , d'orge , de feigle , & autres , dé-
layées feulement avec de l'eau. On l'a appli-
qué au figuré , aux perfonnes , aux ouvra-
ges , & aux difcours : un fade perfonaage ,
un fade éloge ; une nonïe fade. De fade on a
iaitfadeur.
FAENZA, (Géogr.) Vellcïus Patercu-
lus , lir. II , cluip. xxriij ; Siliiis Italiens ,
lib. VIII, i'. 55)6V & Pline, lib. XIX, cap.
j , en parlent : ancienne ville d'Italie dans
l'état de l'églife & dans la Romagne , fur
la rivière de l' Amona , à 1 1 milles de Forli,
(S: à prefqu'autant d'Imola , fur la voie
flaminienne. Elle eft célèbre par la vaiflelle
de terre que l'on y a inventée , qui porte
fon nom , & qui depuis a été imitée , &
perfeftionnée en France , en Angleterre ,
en Hollande , & ailleurs {i--oje:{ l'article
Faïence) ; mais ce qui a le plus contribué
à donner de la réputation à la vaiffelle de
terre de Fa'én\a , qu'on nomme en Italie /j
majolica , c'elt que des peintres du premier
ordre , comme Raphaël , Jules Romain ,
le Titien , & autres , ont employé leur
pinceau à peindre quelques-uns des vafes
de faïence de cette ville , qui font par
cette raifon d'un très-grand prix. Faën^a
a encore la gloire d'être la patrie du fa-
meux Torrice'li. Long, ig , afl ; lat. 44 ,
i8. {D. J.)
FAGARA ou Xanthoxylum y
{Botaniq.) en François , frêne épineux ;
en Ang'ois tooth-aclitree.
Caractère générique..,
M. Duhamel du Monceau dit qu'il fe
trouve des fleurs mâles & desfl.eursfemeHes
fur différcns individus , & donne dechacune
de ces fleurs une defcription particulière.
Miller décrit en outre des fleurs herma-
phrodites : nous regrettons fort de n'avoir
pas vérifié le fait, cependant nous nous
arrêterons au fentiment de ce premier
auteur , fî exaft dans la partie perfpedive.
Les fleurs mâles ont un calice découpa
F A G F A G 7§;
ien cinq parties Gvales& colorée? , & quatre ' & toutes deux peuvent fe perpétner par des
à cinq , que'queiois fix ti jufqu'à fept éra- bouts de racines pourvues de fiiires qu on
mines. Les Beuis femelles ont au 1 eu d'e-' plantera dans un pot fur une couche tem-
tanunes, quatre ou cinq ernbiyons & au-|pL'rée &: ombragje : 1 écorce du f'jgara de
tant de ftyles terminés par un ftigmate ob- j Penfylvanie eft propre A appaifer le mal
tus. Ces embryons qui font raflembljs en des dents. La feuile eft d un verd tendre
tècesaufoiid des calices, deviennent autant lafTez agréable, lorfqu'on la froilfe j elle
de capfules qii renferme.it chacune une
fenieace ronde & brillante.
E/peces.
i.Fai^a,raou xant/rjxylu/n h{em\les ailées,
à folioles lancéolées , dentelées & pourvues
de pétio'es.
Pu^a a relxanthoxylumfoliisplnnatis,
foliolis UnceoLuis , fcrratis , petioUtis.
Mill.
Tooth-a:h-tree of Curolma.
1. F 1^2' a ou x.inthjxylum à feuilles
ailées, à folioles oblong-ovales , entières &
à péiio'es.
Fagara v cl x inthoxylum foins plnnatis ,
JoUjUs obhngo~oi-'atis , iiuegns apetlola-
eifque. Mill.
Tooth-jjJi-f-ee of Penfyh'dnia.
La prcTîiere cfpece , dit Miller, croît
d'eile-ménje dans la * aroline méridionale ,
Oii elles élevé à 1j hauteur de quinze ou feize
,piés ; la tige eft couverte d'une écorce
raboteiife & blanchàrre , armée d épines
courtes & épaifî'es , qui grofTiflenten pro-
portion du cronc , & deviennent des nodo-
ficés confidérab'es , terminées en pointes.
La féconde efpece c-oit en Penfylvanie
& dans le Maryland , oià elle atteint à Hix ou
.^ouze pies de haut : la côte de la feuille eft
armée par deftbusdequelques peiites épines.
Toutes deux fe multiplient par leur
graine : il fiut la femer de bonne heure en
automne dans des caifTes , qu on mettra au
printemps dans une couche tempérée ; à
regard de la première , le jeune plant fera
abrité dans des caiftes à vitraye pendant plu-
fieurs années . & Ton ne rifquera les pies
€n pleine terre , que lorlcju'ils auront acquis
beiucoup de confiftance ; en.ore faudra t-il
avoir foin de leur donner une excellente
exposition. Le jeune pi int c'e la féconde
efpece peut être pl.icé z demeure en plein
air la troifieme année , fans avoir égard à
î'expofirion ; on multiplie aufti celle ci par
les fur eons que pouflent les vieux pies ,
Tome XII I.
exliale une odeur aromatique très péné-
trante ; la graine a la même odeur dans un
degré plus éminent ; n'annonce-t-elle pas
quelque vertu puifîante ?
Les fagaras n'ont nui mérite par leurs
fleurs : ils font de jolis arbrifteaux qu'on
peut placer pourl'agrémentde leur;, feuilles
dans les bofquets d'été. ( M. le baron DE
TSCHOUDI. )
* FAGARE , fubft. mafc. ( Hifl. nat.
bot. ) fruit des Indes : il y a le petit & le
grand ; ce dernier refl'emble en forme , cou-
leur , & épaift'eur, à la coque du levant.
Il eft couvert dune écorce déliée , noire
& tendre , qui enveloppe un corps dont la
membrane eft foible & déliée , & l'intérieur
d'une confiftance foible ; au centre il y a
un noyau a'^ez folide. Le petit a la figure
& la gro^eur de la cubebe ; il eft brun , &
fa faveur a du piquant & de lamertume.
Ils font lun & 1 autre aromatiques ; quant
à leurs propriétés médicinales , il faut les
réduire à celles de la cubebe.
FAGONE , f. f {Hill nat. bot.)fagoma;
genre de plante , dont le nom a été dérive
de celui de M. f agon, premier médecin de
Louis XIV. Les fleurs des plantes de ce
genre font faites en forme de rofe , com-
pofées de plufieurs pétales difpofées en
rond. Il fort du milieu un piftil qui devient
dans la fuite un fruit rond, terminé en poin-
te , cannelé , compofé de plufieurs capfules
& de plufieurs gaines , dont chacune ren-
ferme une femence arrondie. Tournefort,
infl. rei heib. Voy^\ Plante. ( I)
Fagot , r m. {commerce de boir.) eft
un aftemblige de menus morceaux de bois
Lés avec une hart , au dedans defque's on
enferme quelques broutilles appelées I ame
difigot. On àitchût'-er unfigot , quand on
en ûte quelques bâtons. On les mefure
avec une petite chaniette , afin de leurs
donner une grofteur égale & conforme à
1 ufctge des lieux.
1 Lafaloarde eft plus groffe que le fagot j
GSSSS
78(5 F A G T A G
& eu faite de perches coupées ou de menu encore en paquets , telles qu elles vien-r
bois flotté.
La bourrée eft plus petite ; c'eft le plus
menu & le plus mauvais bois , qui prend
feu promptement , mais qui dure peu : on
s'en fert pour chauffer le four. ( K )
FAGOT, (//•//?. mod.) L'ufage du fjgot
a fubfifle' en Angleterre autant de temps
que la religion romaine. S'il arrivoit à quel-
que hérétique d'abjurer fon erreur & de
rentrer dans le fein du catholicifme , il lui
étoit impofé de notifier à tout le monde fa
converfion par une marque qu'il portoit
attachée à la manche de fon habit, jufqu'à ce
qu'il eût fatisfait à une efpece de pénitence
publique affez finguliere ; c'étoit de prome-
ner un fagot fur fon épaule, dans quelques-
unes des grandes folennités de l'églife. Ce-
lui qui avoit pris le fagot [ur fa manche, &
qui le quittoit , étoit regardé comme un
relaps & comme un apoflat.
Fagot , terme de Fortification. Voye\
Fascine.
Ménage dérive ce mot du Xatin facottu s ,
qui efl tiré du grec <?«'"'? ; Nicod le fait ve-
nir àefafciculus , un faifceau , & Ducange
du latin fagaturn & fagotam.
Fagot ou Passe-volant , parmi les
gens de guerre , font ceux qui ne font pas
réellement foldats, qui ne reçoivent point
de paye, & ne font aucun fervice , mais qui
ne font engagés que pour paroitre aux re-
vues , rendre les compagnies complètes , &
empêcher qu'on n'en voie les vuides , &
pour fruflrer le roi de la paye d'autant de
foldats. Voye^ PassE-VOLANT. Chambers.
Fagot de fape , efl dans la guerre des
fieges , un fagot de deux pies &: demi ou
trois pies de hauteur , & d'un pié & demi
de diamètre , dont on fe fert au défaut
de facs-à- terre pour couvrir les jointures
des galions dans la fape. Voyeifape-, i'oye\
aujji la planche XIII de fortification.
Fagot , ( Marine. ) barque en fagot ,
chaloupe en fagot ; c'efl une barque que
l'on affemble fur le chantier , enfuite on
la démonte pour l'embarquer & la tranf-
porter dans les lieux où l'on en a befoin.
On embarque auffi des futailles en fagot.
Voye^ Fagot , tonnelier. (Z)
Fagot de plumes , chez les plumaffiets ,
nent des pays étrangers.
Fagot , futailles en fagot , terme de
tonnelier , qui flgnifie des futailles donc
toutes les pièces font taillées & préparées,
mais qui ne font ni afTemblées, ni montées,
ni barrées , ni reliées de cerceaux.
Fagot , ( Luth. ) On appelle fagot un
bafTon quand on peut le démonter & par
conléquent en faire uiie efpece de fagot
{F. B.C.)
* FAGOTINES, f. (.{Commerce defoie.)
ce font des petites parties de foie faites par
des particuliers. Ces foies ne fontpointdedi-
nées pour des filages fuivis ; elles font très-
inégales , parce qu'elles ont été travaillées,
par différentes perfonnes ; quoique ces
perfonnes fe foient affujetties fcrupuleufe-
ment aux fiatues des réglemens, il efl im-
po/Tible d'en former un ballot qui ne foit
pas très-défeâueux. Voye\ t article SoiE.
Nous n'avons en France prefque que des.
fagotines. Il y a trop peu d'organfm de
tirage pour fuffire à la quantité d'ouvrage
qu'on fabrique.
* F AGUTAL , f m. {Myth) ce fut uir
temple de Jupiter , qui fut ainfi nommé de
l'arbre que les anciens appelaient fagus-,
hêtre : cet arbre écoit confacré à Jupiter,
& le hafard voulut qu'il s'en produisît un
dans fon temple , qui en prit le furnom
defigutal. D'autres prétendent que le fi-
gutal fut un temple de Jupiter , élevé dans
le voifinage d'une forêt de hêtres. Ils en
apportoient pour preuve que la partie du
mont Efquilin qu'on appeloit auparavant
mons Appius , s'appela dans la (\\\te faguta-
lis. Par la même raifon , il y en a qui con-
jedurent que Jupiter figutal elt le même-
que Jupiter de Dodone, dont la forêt, di-
fent-ils , étoit plantée de hêtres , fagi.
FAHLERTZ , ( minéral, mctall. ) Les
mineurs allemands ont donné ce nom à une
mine de cuivre grife. Il n'eft pas inutile
de tranfporter dans notre langue les mots
techniques des Allemands , qui ont beau^-
coup écrit fur la minéralogie , au contraire
il efl très-important de les entendre , pour
profiter de leurs ouvrages. Cette mincgrife
contient avec le cuivre im peu de fèr, d'or-
dinaire un peu d'argent , & fbuvent même-
ce font des plumes d'autruches qui font en alTez grande quantité. On a trouvé danS'
F A H
!e bas Kartz de la mine de cette efpece, qui
contenoit jufqu'à vingt pour cent d'argent.
Souvent aufTi cette ra\ne eÛ compofce d'un
peu de louire & d'arfenic. Si ces dernières
fubftances abondent jufqu'à un certain
point , la mine eft difficile à traiter. On a
fouvent confondu le fdhlc:it\ avec la mine
de cuivre vitreufc. Dicf. umv. desfojfiles ,
au mot cuipre. On peut Icsdlfîinguer , i^.
par la couleur; lamine vitreufe plus obfcure
tire fur le rougeâtre , l'autre plus claire
tire fur le jaunâtre, a^. La mine grife fe
trouve d'ordinaire mèlce avec la mine de
ciùvre jaune, la vitreufe jamais. 3*^. La
mine vitreufe eil plus luifante , l'autre ell
làns éclat : celle-là a des nuances variées ,
la mine grife offre moins de variétés de
couleur. {B. C)
_ § FAHLUN ou FALUN , ( Geogr. )
ville de Suéde , dans la Dalécarlie & dans
un diftrid qui porte par excellence le nom
de Kopparberg , à caufe des grandes mines
de cuivre qu'il renferme. Elle ef!: Hanquée
de deux montagnes , & de deux lacs , &
aboutir , à fon occident , à la plus ancienne
& la plus fameufe des mines de cuivre du
royaume, laquelle a 3^0 aunes de Suéde
de profondeur , & produit , année com-
mune , lo mille fchiffpunds , ou 60 mille
quintaux de ce métal. Cette ville , qui
prend à la diète la quatorzième place de
fon ordre , qui eft d'une valle enceinte &
fort peuplée , & dont les rues font toutes
bien tracées , n'a pour maifons ordinaires
que des bâtimens de bois : deux églifes y
font bâties de pierre , & à l'honneur de la
principale produdion du pays , font cou-
vertes de cuivre , l'une a même des portes
d'airain : fon hûtel-de-ville eft auiïi de
maçonnerie, & comprend par cette raifon
avec les appartemens néceflaires à fes
divers confeiîs & tribunaux , une cave pu-
blique , unmagafni pour les grains , & une
apothiCairerie. Il y a d'aiUeurs dans cette
ville une très-bonne école , & nombre de
fabriques , d'où fortent par multitude ,
des ouvrages en cuivre de toute efpece.
Long. 33 y ij y lat. 60 , jo.
F A I
FAIDE, f. m. [Jii ifp.) enht'm faiJj ,
faidiaoufejdu ,feu apcnajimultas , fjgni-
F A I 7Ï7
fioit une inimitié capitale & une guerre
déclarée entre deux ou plufieurs perfonnes.
Onentendoitaiifîipar/à^^e en htmfuidofus
ou dijjidjtus , celui qui s'étoit déclaré en-
nemi capital j qui avoir déclaré la guerre
à un autre ; quelquefois auffi faide figni-
fioit le droit que les loix barbares don-
noient à quelqu'un de tii-er vengeance de
la mort d'un de fes parens , par-tout où
on pourroit trouver le meurtrier : enfin
ce même terme fîgnifioit auffi la vengeance
même que l'on tiroit , faivant le droit de
faide.
L'ufage de faide venoit des Germains ,'
& autres peuples du Nord , & finguliére-
ment des Saxons, chez lefquels on écri-
wo\t kivhd on kedh ; les Germains difoienc
wehd , fliede & jerde ; les peuples de la
partie feptentrionale d'Angleterre difenc
fcuud; les Francs apportèrent cet ufage
dans les Gaules.
Comme le droit de vengeance privée
avoir trop fouvent des fuites pernicieufes
pour l'état , on accorda au coupable & à
fa famille la faculté de fe rédimer , moyen-
nant une certaine quantité de beftiaux qu'on
donnoit aux parens de l'offenfé , & qui
faifoitcefTer pour jamais l'inimitié. On ap-
pela cela dans la fuite componere de vuâ ,
racheter fa vie ; ce qui faifoit dire fous
Childeberc II , à un certain homme , qu'un
autre lui avoit obligation d'avoir tué tous
fes parens , puifque par-là il l'avoit rendu
riche par toutes les compofltions qu'il lui
avoit payées.
Pour fe difpenfer de venger les querelles
de fes parens , on avoir imaginé chez les
Francs d'abjurer la parenté du coupai le ,
& par-là on n'étoit plus compromis dans les
délits , mais auffi Ton n'avoit plus de droit
à fa fucceffion : la loi falique , & autres loix
de ce temps , parlent beaucoup du cérémo-
nial de cette abjuration.
ho. faide étoit proprement la même choie
que ce que nous appelons défi, du latin
diffidere ; en effet , Thierry de N em , dans
fon traité des droits de l'empire , qu'il pul lia
en 1411, dit, en parlant d'un tel déh :
imperatoii grjcco qui tune eiat billum
indixit , eumque more faxonico difji:.
Il efl beaucoup parlé de Jaide dani les
anciennes loix des Saxons , dans celles
Ggggg i
hS8 F a î F a r
des Lombards , & dans las capitulaires c'étoit une colonie du tiers-ordre de faint
de Charlemagne, de CharIes-!e-Chauve François.
& de Carlonan :1e terme ,Wz y ,{l * h AILLES JMCojnrnerce.) ufe^as a
pris cGmmun.'n.ent voi^rgaen. en ge'ne'ral ; i^'llj.CcU une.toffe . efuie a £ros gra.n ,
carie roi avoit ^^faide appek^e/à/./a regia , qm fe falnquoic en Flandres , ou elle pr.c
de même ciiie les particuLers avoient leurs , fon nom de 1 a)uflement que les temmes en
faides ou guerres pnve'es. i la.foiei.t : c eft une tcharpe qu el.es appe-
Porter l.ifdide OU jurer Idfaide , c'étoit
de'clarcr la guerre ; d^'pofsr la faide ou la
pacifier , c'ttoit faire la paix.
Toute inimitié n e'toit pas qualifiée de
falde ; il falloir qu'elle tîit capitale , & qu'il
y CLt guerre déclaite , ce qui arivoit
ordinairement pour le cas de meuitre ;
car fuivnnt les loi'^ des Germains , & autres
peuples du noid , toute la lamilledu meui-
trier ctoit obligJe d'en pouifuivre la ven-
geance.
Ceux qui quittoient leur pays ai caufe du
droit de faide, ne pouvoient pas leremarier,
ni leurs f;.'mmes non plus.
Ce terme de j'aide e'toit encore en ufage
du temps de S. Louis , comme on voit
par un e'd;t de ce prince du mois d'odohre
IZ4J, Ol! il dit : mandantes tibi quattmis de
omnibus guerns Ù j'aidiis tux balLri.v, ex
pane nûfirâ capias Ù daii facias reclas
trenges i dans la fuite on ne fe fervit plus
que du terme de guerre privée , pour dJli-
gner ces fortes d'inimitie's , & ces guerres
prive'es finent défendues.
Sur le mot j'aide , on peut voir Spciman &
Ducange enkurs glojjaires, & la dijjertation
■xg de Ducange fur Joinville , touchant les
guerres privées. Voy. aufli les lettres hijlo-
riques far le pai lement , um . / , pag. i oj
& lof. {A}
* FAILINE , f. f. {Commerce d'ec-fiS.)
fèrge dont
com
lo'iQiuj'ailLs.
FAILLI , (Jurifprud.) c'eft la perfonne
qui eft en faillite. Voy. ci-apiès FAILLITE.
{A)
Failli , adj. en Bhfon , fe dit des che-
j vrons rompus en leurs montans.
Maynier d'Opcde en Provence, d'azur à
deux chevrons d'argent , WinfailL à dextre,
l'autre à feneftre , c'eU-à-dire, rompu, fur
les flancs & féparés.
FAILLITE, f. L [Jurifprud.) decocTio
hjnorum , ell lorfqu'un marchand ou ncgo-
ciant fe trouve hors d'érac , par le déran-
gement de les affaires , de remplir l.s
engagemens qu'il a pris relativement à fon
commerce ou négoce , comme lorfqu'il
n'a pas payé à l'échéance les lettres de
change qu'il a acceptées ; qu'il n'a pas
rendu l'argent à ceux auxquels il a fourni
des lettres qui four revenues à protêt , &
lui ont été dénoncées, ou lorfqu'il n'a pas
pa) é les billets au terme connu ; zmi\ faire
faillite , c'eil manquer à fes créanciei"s. On
confond quelquefois le mot àejaillite avec
celui de banqueroute ; & quand on veuc
exprimer qu'il y a de la mauvai e foi de
la part du débiteur qui manque à rem-
plir fes engagemens , on qualiHe la ban-
c|ueroute àefrauduleiife j mai^ les ordon-
nances dillinguent la faillite de la banque-
route.
La première eft lorfque le dérangement
alh
a chaîne a 'èio fis, la portée 40 du débiteur arrive par malheur ,^ comme
fils", y compris les lifieres ; la largeur au par un incendie , par la perte d'un vaif-
retour du foulon , une demi- aune, & lesjfeau , & même par l'impéricie & la negli-
rots trois quarts & demi ; elle fe fabrique j gence du débiteur , pourvu qu il ny ait
dans la Bourgogne. Voy. les ,églemensfurip-ai.dcmmv^Aioi,qiiJoituri,vrttio, tel
le commerce. ./''<-'> '''^ vartimfuo t-'lvo.non j'olrendojacfus
* FAILLE, [fmr delà) Hifl. ecclef.forocejf c, àic'Cicâioa en fa féconde philip-
certaincs hofpitalieres , ainfi appelées pique.
de leurs grands manteaux. Un chaperon
La banqueroute, proprement dire , qui
qui tenoit par en haut à ce long man-'efltouiours réputée (raudulcufb , efî lorfque
teau , leur couvroit le vifage , & les em-'ledébiteurs'abfente & fouifraïc malicieufe-
pêchoit d'are vues : elles fervoient les ment fes effets , pour faire perdre à fes
malades ; elles étoienc vêtues de gris i &I créanciers ce (lui leur cft dû.
FAI
Le dérangement des affaires du débiteur
n'eft qualifié ànjaillue ou de banqueroute ,
que quand le deDiteur efl marchand ou ne'-
gociant , banquier , agent de cliange , fer-
mier, fous-tormier , receveur, tréforier,
payeur des dcn.ers royaux ou publics.
i dij^illt. eft rJpuct'e ouverte du jour que
1j dejiteir s eft retiré , ou que le fcellé a
tte mis r.ir fes etîcts , comme il eft dit en
l'ordonnance du commerce , tic. ij, art. t.
On peut ajouter encore deux autres cir-
coiiftances qui cai.adjrifent \d faillite; 1 une
eft lorique le de'biteur a mis fon bilan au
greffe ; l'autre eft lorique les débiteurs ont
obtenu des lettres de répi ou des arrêts
de déienfcs générales : les faillites qui écla-
Cent de cette dernière manière , font les
plus fufpeéles& les plus dangereufes, parce
qu'elles font ordinairement préméditées , &
que le débiteur peut , tandis que les déienfes
fubliftent , achever de détourner fes effets ,
au préjudice de fes créanciers.
Ceux qui ont {iïï<- faillite , font tenus de
donner à leurs créanciers un état certifié
d'eux de tout ce qu'ils poffedent & de tout
ce qu'ils doivent. Ordonnance de 1673 ,
lit. xj , art. 2..
1.' article fuivant veut que les négocians ,
marchands & banquiers en faillite , foient
aufïï tenus de repréfenter tous Lurs livres
& regiOres , cotés & paraphés , en la forme
prefcrite par les anicLs 2 , 2. , 3 , 4 , 5 ,
6*6' 7 du tic. iij de la même ordonnance ,
pour être remis au greffe des juges &c con-
fu's , s'il y en a , linon de 'l'hv^rel commun
àas villes , ou es mains des créanciers , à
leur choix.
La déclaration du ij juin 17x6 , en
exp iquant ces difpofitions de l'ordonnance
de 1 673 , veut que tous marchands , né-
gocians & autres , qui ont iait ou feront
faillite , foient tenus de dépofer un état
exad , détaillé & certifié véritable de tous
leurs effets mobiliers lic immobiliers , &
de 'eurs dettes , fomme aufîi leurs livres &
regiftres au greffe de la jurifdiclion con-
fulaire du lieu , ou la plus prochaine , &
quj faute de ce , ils ne puiflenc être reçus
â paffer avec leurs créanciers aucun con-
trat d'atermoiement , concordat , tran-
f lûion , ou autre afie , ni d'obtenir aucune
fencence ou arrêt d'homolo^jation d'iceux j
FAI 7S9
ni fe prévaloir d'aucun fauf-conduit accordé
par leurs créanciers.
Pour faciliter à ceux qui ont fait faillite ^
le moyen de dreffer cet état , la même
déclaration veut qu'en cas d'appolition du
fcellé fur leurs biens & effets , leurs livres
& regiftres foient remis & délivrés api es
néanmoins qu'ils auront été paraphés par
le juge ou autre officier commis par le
juge , qui appofera le fcellé , & par un
des créanciers qui y affifteront ; & que les
feuillets blancs , f\ aucun y a , auront été
bàtonnés par ledit juge ou autre officier ;
le tout néanmoins fans déiot'er aux ufa-
ges des privilèges de la confervation de
Lyon.
A Florence le débiteur doit fe rendre
prifonnier avec fes livres , les exhiber &
rendre raifon de fa conduite ; Ôc fi lay.z//-
l:t£ eft arrivé par cas foituit , & qu'il n'y
ait pas de fa faute , il n en eft point blâmé ,
mais il faut qu il repréfente fes livres en
tonne for.ne.
L'ordonnance de 1 675 , tit. xj , art. 4 ,
déclare nuls tous les tranfports , celTions ,
ventes & donations de biens meubles ou
immeubles , faits par le fiilL en fraude de
fes créan iers , & veut que le tout foie
apporté à la maffe commune des effets-
Cet article ne fixoit point où ces fortes
d'ades commencent à être prohibés ; mais
le règlement fait pour la ville de Lyon le
a juin 1667, a-t. z:?, ordonne que toutes
ceffions & tranfports fur les effets ôa. fail-
lis , feront nuls , s'ils ne font faits dix jours
au moins avant la faillite publiquïmenc
connue , fans y comprendre néanmoins les
viremens des parties faits en bilan , lefqueîs
font bons & valables , tant que le failli ou
fon fadeur porte bilan.
Cctra loi a été rendue générale pour
tout le royaume par une déclaration da
mois de novembre 1701 , portant que
toutes les cefî'ons & tranfports fur les biens
des marchands qui t'ont faillite, feront nuls,
s'ils ne font faits dix joui's au moins avant
la faillite publiquement connue , comme
auffi que les aftes & obligations qu'ils paf-
feront devant notaires , enfemble les Lii-
tences qui feront rendues contre eux, n'ac-
querront aucune hypothèque ni privilège
fur les créanciers chirographaires , fi ces
790 FAI
aâes & obligarions ne font pafT^s , & les
fentences ne font rendues pareillement
dix jours au moins avant la faillite publi-
quement connue ; ce qui a été e'tendu
aux tranfports faits par les gens d'afFau-es ,
en pareil cas as faillite , fuivant un arrêt
de la cour des aides du 14 mars 1710.
Tous les aâes paffes dans les dix jours qui
précèdent la faillite , font donc nuls de
plein droit , ians qu'il foit befoin de prou-
ver fpécialement qu il y a eu fraude dans
ces actes ; ce qui n'empêche pas que les
aâes antérieurs â ces dix jours , ne puiflent
être dc'clarés nuls , lorfqu'on peut prou-
ver qu'ils ont été faits en traude des créan-
ciers.
Ceux qui ont fait faillite ne peuvent
plus porter bilan fur la place des marchands
ou du change : à Lyon on ne fouffre pas
qu'ils montent à loge du change.
Il y a plufieurs déclarations du roi qui
ont attribué pour un certain temps la con-
noifTance desfailLtiS aux juges confuls ;
■favoir , celles des 10 juin &c 7 décembre
171 5, & 2.7 novembre 1717 , 5 août 1711,
3 mai 17-1, 11 juillet 1716, 7 juillet
1717 , 19 feptembre 1730 , & une dernière
du s aoL.t 1731 , qui prorogeoit cette
attribution jufqu'au premier feptembre
1755-
Il y a encore eu depuis une autre dé-
claration du 13 feptembre 1739 , concer-
nant les faillitts & banqueroutes , qui règle
les formalités des affirmations àes créan-
ciers & des contrats d'atermoiement. V^oj.
Bornier fur le tit. jx , de rordonnance de
1 6*75 , & /t i mots Affirmation ,
Atermoiement , Banqueroute ,
Créanciers, DÉLIBÉRATION, Union.
M)
'•• FAIM , APPÉTIT , {Gram. Syn.)
l'im & l'autre défignent une fenfation qui
nous porte à manger. Mais ia/J/Vw n'a rap-
port qu'au befoin , foit qu'il naiffe d'une
longue abftinence , foit qu'il naifie de
voracité naturelle , ou de quelqu'autre
caiife. \J appétit a plus de rapport au goût
& au plaifir qu'on fe promet des alimens
qu'on va prend e. La/aim prefTe plus que
l'appétit j elle eft pus vorace ; tout mets
l'ajpaife. L'appétit plus patient eft plus
FAI
délicat ; certain mets le réveille. Lorfque
le peuple meurt àafaiin , ce a'eft jamais la
laute de la providence; c'eft toujours celle
de l'adminiftiation. Il eft également dan-
gereux pour la fanté de iouffrir de la faim
& de tout accorder à fon appétit, ha faim
ne fe dit que des alimens ; {'appétit a quel-
quefois une acception plus étendue ; & la
morale s'en fert pour défigner en général
la pente de lame vers un objet qu'elle s' eft
repréfenté comme un bien , quoiqu^il n'ar-
rive que trop fouvent que ce foit un grand
mal.
Faim , f. f. ( Phyfwl. ) en grec >i'^»V
sreu;) ; par les auteurs latins e/'ym/o , cibi
cupiditas , cibi appetemia ; fenfation plus
ou moins importune , qui nous follicite ,
nous prefle de prendre des alimens , & qui
cefTe quand on a fatisiait au befoin aduel
qui l'excite.
Quelle fenfation finguliere ! quel mer-
veilleux fens que la faim ! Ce n'eft point
précifément de la douleur , c'eft im fen-
timent qui ne caufe d'abord qu'un petit
chatouillement , un ébranlement léger ;
mais qui fe i^end infenfiblement plus im-
portun , & non moins difficile à fupporter
que la douleur même : enfin il devient
quelquefois fi terrible & fi cruel , qu'on a
vu armer les mères contre les propres
entrailles de leurs enfans , pour s'en faire
malgré elles d'affreux feftins. Nos hiftoires
parlent de ces horreurs , commifes au fiege
des villes de Sancerre & de Paris , dans
le trifte temps de nos guerres civiles. Lifez-
en la peinture dans la Henriade de M. de
Voltaire , & ne croyez point que ce foit
une fiâion poétique. Vous trouverez dans
l'écriture fainte de pareils exemples de
cette barbarie : manus mulierum mijericor-
dium coxerunt filios fuos , facfi funt cihus
eanim , dit Ezéchiel , ch. i' , f. lo. Et
Jofephe^ au lit'. V , ch. xxj , de la guerre
des Juifs , raconte un trait lameux de cette
inhumanité, qu'une mère exerça contre fon
fils pendant le dernier fiege de Jérufalem
par les Romains.
On recherche avec cmprefTement quel-
les font les caufes de h}aim , fans qu'il
foit poftible de rien trouver qui fatisfafîe
pleinement la curiofité des phyliologilles.
F A I
Il eft cependant vraifemblable qu'on ne
Î)eut guère loupçonner d'autres caufes de
'inquie'tude qui nous porte à defîrer &
à rechercher les alimens , que la ftrudurc
de l'organe de cette ienfation , l'adion
du fang qui circule dans les vaifl'eaux de
l'eftomac , celle des liqueurs qui s'y filtrent,
celle de la falive , du lue gaftrique , pancréa-
tique & finalement l'adion des nerfs lym-
phatiques.
Mais il ne faut point perdre ici de vue
que la fenfation de la faim , celle de la
foif, & celle du goût, ont enfemble la
liaifon la plus e'troite , & ne font , à pro-
prement parler, qu'un organe continu.
C'eft ce que nous prouverons au mot GoUï
{Phjjiolog.) Continuons à preTent à éta-
blir les diverfcs caufes de h faim que nous
venons d'indiquer.
Le ventricule vuide eft froifTé par un
mouvement continuel ; ce qui occafionne
un frottement dans les rides & les houpes
nerveufes de cette partie. Il paroît (i vrai
que le frottement des Loupes & des rides
nerveufes de l'eftomac eft une des caufes
delaya/>7Z , que les poiftbns & les ferpens
qui manquent de ces organes , ont peu de
faim , & jouiffent de la faculté de pouvoir
jeûner long-temps. Mais d'où naît ce froif-
fement ? Il vient principalement de ce que
le fang ne pouvant circuler aufll librement
dans un eftomac flafque , que lorfque les
membranes de ce fac font tendues , il s')^
ramaft"e & fait gonfler les vaifteaux : ainfi
les vaifteaux gonflés ont plus d'adion ,
parce que leurs battemens font plus forts ;
or ce furcroît d'adion doit chatouiller tout
le tiffu nerveux du vifcere , & l'irriter
enfuite en rapprochant les rides les unes
des autres. Joignez à cela l'adion des muf-
cles propres & étrangers à l'eftomac & vous
concevrez encore mieux la néceffité de ces
frottemens , à l'occafion defquels la faim
eft excitée.
Il ne faut pas douter que la falive & le
fuc ftomacal ne produifent une fenfation
& une forte d'irritation dans les houpes
nerveufes du ventricule ; on l'éprouve à
chaque moment en avalant la falive , puif-
que l'on fent alors un picotement agréable
fi l'on fe porte bien : d'ailleurs Fcxpé-
tience nous apprend que dès qy^c la falive
FAI 79r
eft viciée ou manque de couleur , l'appétit
cefle. Les foldats émouftent leur faim en
fumant du tabac , qui les fait beaucoup
cracher. Quand Verheyen , pour démon-
trer que la falive ne contribuoit point à
la faim , nous dit qu'il fe coucha fans fou-
per , cracha toute fa falive le lendemain ma-
tin , & n'eut pas moins d'appétit à dîner ; il
ne tait que prouver une chofe qu'on n'aura
point de peine à croire, je veux dire qu'un
homme dîne bien quand il n'a pas foupé la
veille. La falive & le fuc gaftrique font donc
de grands agens de h/aim , & d'autant plus
grands , qu'ils contribuent beaucoup à la
trituration des alimens dans l'eftomac , & à
leur chylii'ication.
Cependant pour que la falive excite l'ap-
pétit , il ne faut pas qu'elle foit trop abon-
dante jufqu'à inonder leftomac ; il ne faut
pas aufu qu'elle le foit trop peu ; car dans
le premier cas , le frottement ne fe fait
point fentir, il ne porte que fur l'humeur
faliva re ; & dans le fécond , les papilles
nerveufes ne font point aflez picotées par
les fels de la falive : d'où il réfulte que ces
deux caufes poulîées trop loin , ôtent la
faim. Mais puifqu'à force de cracher , on
n'a point d'appétit , faut-il faire diète juf-
qu à ce qu'il reviemie ? Tout au contraire ,
il faut prendre des ^imens pour remédier
à l'épuifement où on Te trouveroit , & ré-
parer les fucsfalivaires par la boiftbn. D'ail-
leurs la maftication attire toujours une
nouvelle falive , qui defcend avec les ali-
mens , & qui fervant à leur digeftion , re-
donne l'appétit.
Il eft encore certain que le fuc du pan-
créas & la bile contribuent à exciter la
faim ; on trouve beaucoup de bile dans le
ventricule des animaux qui font morts de
faim-; le pylore relâché , laifte facilement
remonter la bile du duodénum , lorfque cet
inteftin en regorge : fi cependant elle étoit
trop abondante ou putride, l'appétit feroit
détruit , il faudroit vuider l'eftomac pour
le renouveler , & prendre des boiftbns
acidulés pour émoufter l'acrimonie bilieufe.
Enfin l'imagination étend ici fes droits^
avec empire. Comme on fait par l'expé-
rience que les alimens font le remède de
cette inquiétude que nous appelons la/a//n,
on les defire «Se on les recherche. L'ima—
79* FAI
gination qui efl maîtrifte par cette imprêf-
i'icti , fe poire fur roiis les objets qui ont
diminué ce fentiment , ou qui l'ont rendu
plus agréable : mais fi elle eft maîtrifée
quelquefois par ce fentiment , elle le maî-
trife à fon tour; elle le ferme , elle produit
le dégoût & le goût , fuivant fes caprices ,
ou fuivant les impreffions que font les nerfs
lymphatiques dans le cerveau. Par exem-
ple , dès que l'utérus efl dérangé , l'appétit
s*émoufïe , des goûts bizarres lui fuccedent :
au contraire , dès que cette partie rentre
dans fes fondions , l'appétit fait refTentir
fon impreîTîon ordinaire. Cet appétit bi-
zarre s'appelle malacie. Voye\lSi^'l^C\'E.
Voilà , ce me femble , les caufes les plus
vraifemblables de lay;2//«. Celles de l'amour,
c'efl-à-dire , de Tinflinci qui porte les deux
fexes l'un vers l'autre, feroient-elles les
mêmes ? Comme de laflruflure de l'eflo-
inac , du gouflement des vaiffeaux , du
mouvement du fang & des nerfs dans ce
vifcere , de la filtration du fuc Ljaflrique ,
de l'empire de l'imagination fur le gcut ,
il s'enfuit un fentiment dont les alimens
font le remède ; de même de la f^rudure
des parties naturelles , de leur plénitude ,
de la filtration abondante d'une certaine li-
queur, n'en réfulte-t-il pas un mouvement
dans ces organes; mouvement qui as'it en-
suite par les nerfs fympathiques fur l'ima-
gination , caufe une vive inquiétude dans
Tefprit , un defir violent de finir cette im-
■pre/T-on , enfin un penchant presque in-
vincible qui y entraîne. Tout cela pourroit
être. Mais il ne s'agit point ici d'entrer
dans ces recherches délicates ; c'eft affez ,
■fi les caufes de Vàfaim que nous avons éta-
blies , répondent généralement aux phéno-
imcnes de cette fenfarion. M. Senac le pré-
tend dans fa phyfiologie : le lefleur en ju-
gera par notre analyfe.
1°. Quand on a été un peu plus long-
temps que de coutume fans manger ,
l'appétit s'évanouit : cela fe conçoit ,
Farce que le ventricule fc reficrre par
abftincnce , donne moins de prife au
chatouillement du fuc gafîrique ; & parce
que le cours du fang dans ce vifrerc fe
fait moins aifément quand il eft fiaf-
que , que quand il eft raifonnablement !
diftendu. j
F A I
i**. On ne fent pas àefalm lorfqueles
parois de Tetj^mac font couvertes d'une
pituite épaifle : cela vient de deux raifons.
La preniieie, de ce que le ventricule étant
relâché par cette abondance de pituite ,
fon fentiment doit être émouffé. La
féconde confifie en ce que les filtres
font remplis , & cette plénitude pro-
duit une comprefTion qui émoufTe en-
core davantage la fenfiUlité de l'ef-
tomac.
3"'. La /a//?2 ferolt prefque continuelle
dans la bonne fanté , fi I eflomac , le duo-
dénum & les inteîlins fe vuidoient promp-
tement. Or c'eft ce qui arnve dans cer-
taines perfonnes , lorfqu'il y a chez eile»
une granJe abondance de bile qui coule du
foie dans les intcftins ; car comme elle
difTout parfaitement les alimens , elle ftit
que le chyle entre promprement dans les
veines ladées , èz par conféquent elle eft
caufe que les inteftins & l'eOomac fe vui-
dent : enfin c'eft un purgatif qui par fon
impreffion précipireles alimens & les ex-
crémens hors du corps. Il y a quelquifbis
d'autres caufes particulières d'une fzlifi
vorace , même fans malr.die ; c'et
cette f-iim qu'on appelle orexie. Voy£\
Orexie.
4°. On peut donner de l'appérir par
l'ufage de certaines drogues : telles font les
amers qui tiennent lieu de bile , ranime.ït
l'adion de l'eflomac , & empê-rhent qu'il
ne fe relâche ; tel eft au(îi l'efprit de
fel , parce qu'il picote le tifTu nerveuk
du ventricule. Enfin il y a une infinité
de chofês qui excitent lappétit , parce
qu'elles flattent le goût, piquent le palais,
& mettent en jeu toutes les parties
qui ont une liaifon intime avec le ven-
tricule.
5^'. Dans les maladies aiguës , on n'a pas
d'appétit , foit parce que les humeurs font
viciées , foit par l'inflammition des vi'-eres,
dont les nerfs communiquant \ c :ux de
l'eftomac , en refferrcnt 1j rlfTu , ou ex-
citent un fentiment douloureux d^ns cet
organe.
6". Les jeunes gens refTentent la fririt
plus vivement que les auties ; c I doit è'"re,
parce que ch;z les jeunes gens il fe fait une
plus grande difilpation d'iaimÈurs , le f ng
circule
FAI
cir:ule chez eux avec plus de promptitude ,
les papilles nerveufes de leur eftomac font
plus fenfibles.
7^'. Si les tuniques du ventricule étolcnt
fort relâchées , les nerfs le feroient au (H ,
le fentiment feroit moindre , & par confé-
quent l'appétit diminueroit : de-là vient ,
comme je l'ai dit ci-deflus , que lorf-
qu'il fe filtre trop de pituite ou defuc fto-
macal , on ne fent plus de faim.
S*-'. Dès queTcftomac eft plein , la fen-
fationdel'appe'tit cefTe iufqu à ce qu'il (bit
vuide : c'eft parce que dans la plénitude ,
les membranes du ventricule font toutes
fort tendiies , & cette tenfion émoufTe la
fenfation , d'ailleurs le fuc falivaire & le
fuc gaftrique étant alors méle's avec les
alimens , ils ne font plus d'impreffion fur
î'eftomac. Si même ce vifcere eft trop plein,
cette diftention produit une douleur ou une
inquie'tude fatigante.
9*^. Quand le ventricule ne fe vuide pas
fuffifamment , le dégoût fuccede. En voici
les raifons. i". Dans ce cas, l'air qui fe
fépare des alimens & qui gonfle le fac qui
les renferme , produit une fenfation fati-
gante, : or dès qu'il y a dans ce vifcere une
fenfation fatigante , elle fait difparoître la
fenfation agréable , celle qui caufe l'ap-
pétit ; c'ell: là une de ces loix qu'a établi
la nature par la néceffité de la confbruûion.
a". Le mauvais goût aigre , rancide , alka-
lin , que contrarient les alimens par leur
féjour dans le ventricule , donne de la ré-
pugnance pour toutes fortes d'alimens
femblables à ceux qui fe font altérés
dans cet organe de la digeftion. 3". Il faut
remarquer que dès qu'il y a quelque aliment
qui fait une imprelfion défagréable fur la
langue ou fur le palais , auîîitôt le dégoût
nous faifit , & l'imagination fe révolte.
10'' Elle fuffit feule pour jeter dans le
dégoût , & peut même faire déflrer des
matières pernicieufes , ou des chofes qui
n'ont rien qui foit alimentaire. C'eft en
partie l'imagination qui donne un goût fi
capricieux aux fiiles attaquées de pâles cou-
leurs : ces filles mangent de la terre , du
plâtre , de la craie, de la farine , des char-
bons , &c. & il n'y a qu'une imagination
bleflee qui puirte s'attacher à de tels objets.
On doit regarder cette forte de goût ridi-
Tome XII II
FAI ^ 7>j
cute comme le délire des mélancoliques ,
lefquels fixent leurs efprits fur un objet ex.r
travagnnt : mais il eft certain que 1 impref-
fion que font ces matières eft agréable ,
car elles ne rebutent point les fi^lles qi:i
ont de telles fantaifies. yoye:[ Pales COU-
LEURS.
De plus , qui ne fait que les femmes
enceintes défirent, mangent quelquefois
avec plaifir du poiftbn crud , des fruits
verds , de vieux harengs , & autres mau-
vaifes drogues , & que même elles les di-
gèrent fans peine ? Voilà néanmoins des
matières défagréables & nuifiHes , qui flat-
tent le goût des femmes groffes fans alté-
rer leur fanté , ou fans produii-e d'effet?
mauvais qui foient bien marqués. Il eft
donc certain que dans ces cas les nerfs ne
font plus afFeftés comme ils l'étoient dans
la fanté , & que des chofes défagréables à
ceux qui fe portent bien , font des impref-
fions flatteufes lorfque l'économie animale
eft dérangée : c'eft pour cela que les cha-
tes & d'autres femelles font quelquefois
expofées aux mêmes caprices que les fJlcs
par rapport au goût. Souvent les médecins
induftrieux ont éloigné ces idées extrava-
gantes , en attachant l'efprit malade à d'au-
tres objets : il eft donc évident qu'en plu-
fieurs cas , l'imagination conferve fes droits
fur l'eftomac ; elle peut même lui donner
une force qu'il n'a pas naturellement.
Ajoutons que dans certains dégoûts les
malades dont l'imagination eft , pour ainfi
dire , ingénieufe à rechercher ce qui pour-
roit faire quelque impreflion agréable ,
s'attachent, comme par une efpece de délire,
à des alimens bizarres , & quelquefois par
un inftinâ de la nature , à des alimens falu-
taires.
On pourroit fans doute propofer plu-
fieurs autres phénomènes de h faim , à l'ex-
plication defquels nos principes ne fau-
roient fuffire , & nous fommes bien éloi-
gnés de le nier : mais la phyfiologie la plus
favante ne l'eft point aflez pour porter la
lumière dans les détours obfcurs du laby-
rinthe des fenfations ; il s'y trouve une
infinité de faits inexplicables , plufieurs au-
tres encore qui dépendent du tempéra-
ment particulier , de l'habitude , des jeux
inconnus delà (Iruétiurede notre machine.
Hhhhh
7P4
F A f
Après ces réflexions , il ne nous refte
qu'à dire en deux mots comment la faim
fe diflipe , même fans manger , moyen que
tout le monde fait , & que l'inffincl tait
fentir aux bèces : elle fe difhpe outre cela ,
j". en détrempant trop les fucs diflolvans,
& en relâchant les fibres à force de boire
des liqueurs aqueufes chaudes , telles que
le thé : i''. en buvant trop de liquides hui-
leux , qui verniflTent & émouffent les nerfs ,
ou même en reipirant coritinuellement des
exhalaifons de matières grafles , comme
font , par exemple , les iaifeurs de chan-
delle: 3"^. lorfque Famé cfl: occupée de quel-
que paiïion qui fixe fon attention ^ comme
la mélancolie, le chagrin , ùc. la faim s'éva-
nouit , tant limagination agjt fur l'efio-
mac: 4°. les matières putrides ôtentla /j//7z
fur le champ , comme un feul grain d'ccuf
pourri , dont Bellini eut des rapports nico-
reux pendant trois jours, &c. 5". l'horreur
ou la répugnance naturelle qu'on a pour
certains ahmens , pour certaines odeurs ,
pour la vue d'objets extrêmement dégoû-
tans , ou pour entendre certains difcours
à table , qui afFeâent l'imagination d'une
manière défagréable. De cette horreur naît
encore quelquefois le vomiffement , qui
ôte à l'eftomac l'humeur utile qui picotoit
auparavant Tes nerfs.
Tirons maintenant une conclufion toute
fimple de ce difcours. Nous avons déjà
remarqué en le commençant , que la faim
eft un des plus forts inflinûs qui nous maî-
trife : ajoutons que ^À l'homme fe trouvoit
hors d'état d'en fuivre les mouvemens ,
elles produiroit enrr'autres accidens l'hé-
morrhagie du nez , la rupture de quelques
vaifTeaux , la putréfadion des liquides , la
férocité , la fureur , & finalement la mort
au fept, huit ou neuvième jour, dans
les perfonnes d'un tempérament robufte ;
car il eft difficile de croire que Charles XII,
ait été fans défaillance au fort de fon âge
& de la vlgeur , cinq jours à ne boire ni
manger , ainC que M. de Voltaire le dit
dans la vie fi bien écrite qu'il nous a donnée
de ce monarque. A plus forte railon de-
vons-nous regarder comme un conte le fait
rapporté par M. Maraldi , de l'académie
des fciences {anii. ijo6 , p. 6) , que dans
un tremblement de terre arrivé à Naples 3
F A ! ^
un jeune hom.me étoit reflé vivant Quinze
jours entiers fous des ruines , fans prendre
d'alimens ni de boiffbn. Il ne iaudroit ja-
mais tranfcnre des fables de cet ordre dans
de:; recueils d'obfervations de compagnies
fa vantes. La vie d'un homme en fanténe
fe foutient fans alimens qu'un petit nom-
bre de jours ; la nutrition , la réparation
des humeurs , celle de la tranfpiration ,
l'adouciffement du frottem.entdes folides ,
en un mot , la confervation de la machine
ne peut s'exécuter que par un perpétuel
renouvellem.entdu chyle. La nature pour
porter l'homme fréquemment & invinci-
blement à cette aflion , y a mis un fenti-
ment de plaifir qui ne s'altère jamais dans
la fanté ; &: de ce fentiment qu'il a reçu
pour la confervation de fon être , il en a
fait, par fon intempérance , un art des plus
exquis , dont il devient fouvent la victime.
J^Gjej[ ce que nous avons dit de cet art au
mot Cuisine. Voye^ Gourmandise,
Intempérance, ùc. Article de M. h
chevalier DE Jau COURT.
Faim, {Semeiotique.) Ce fentiment qui
fait défirer de prendre des alimens , V ap-
pétit , proprement dit , doit être confidéré
par les médecins , non feulement en tanc
qu'il efl une des fondions naturelles qui
intérefl'e le plus l'économie animale , &;
dont les léfîons font de très-grande im-
portance (attendu que ce defir difpofe à
pourvoir au premier & au plus grand des
befoins de l'animal , qui eÛ de fe nourrir ,
& à y pourvoir d'une manière proportion-
née) , nais encore en tant que ce fenti-
ment , bien ou mal réglé , peut fournir
différens fignes qui font de grande con-
féquence pour juger des fuites de l'état
préfent du fujet d'où ils font , . tant dans la
fanté que dans la maladie.
On ne peut juger du bon ordre dans
l'économie animale , que par la manière
dont fe fait l'exercice des fondions : lorf-»
qu'il fe foutient avec facilité & fans aucun
fentiment d'incommodité , il annonce l'é-
tat de bonne fanté. Mais de ces conditions
requifes , celle dont il ell le plus diiîicilo
de s'affurer , elt la durée de cet e.>.ercice
ainli réglé ; on ne peut y parvenir que par
les indices d'une longue vie , qui font en
même temps des figaes d'une fanté isi^iû
FAT FAI 7^y
e'taWîe. On doit chercher ces indices dans [mangent beaucoup , fans que les forces &
ies etFets qui re'fiikont d'une telle dilpofi
tien dans ies folides & les fluides de la ma-
chine animale , qu'il s'enfwive la confeiva-
tion de toutes fes parties dans l'état qui
leur eft naturel.
Cette difpo il tien confifte principalemeiit
dans la faculté qui eif dans cette macliinc,de
convertir les alimeus en une fubflance fem-
blable à celle dont elle eft déjà compofée
dans fon état naturel ; ainfî un des princi-
paux fignes que l'obfervation ait fourni juf-
qu'A préfcnt pour faire connoître cette dif-
pontion , eft le bon appétit des alimens qui
ie renouvelle fouvent , & que l'on peut
farisfaire abondamment , fans que la digef-
tion s'en flifTe avec moins de flicilité & de
promptitude.
Il fuit de-là que cet appétit doit être une
fource de fignes propres à faire juger des
fuites dans l'état de léfion des fonctions ,
en tant que ce fenfiment fubflfte conve-
nablement , ou qu'il efl déréglé , foit par
excès , foit par défaut. Cette conféquence ,
auffi bien que fon principe , n'ayant pas
l'embonpoint reviennent , c'efl: un mal ,
parce qu'alors ils prennent plus de nour-
riture qu'ils n'en peuvent bien digérer :
il en faut retrancher. Si la même chofe
arrive à ceux même qui ne mangent que
modérément , c'eft une preuve qu'ils onc
encore befoin d'abftinence ; & s'ils tardent
de la faire , il y a tout lieu pour eux
de craindre la rechute : car ils y ont de la
difpofition tant qu'il reffe encore quelque
chofe de morbifique à décruii'e , quoique
la maladie foit décidée.
Ceux qui ayant fait diète rigoureufe-«
ment pendant le cours de leur maladie,
fe fentent enfuite prefTés par la faim ,
font beaucoup efpérer pour leur rétablife-
feiuent.
Pour un plus grand détail de fignes
diagnoffics & prognofiics tirés de l'appétit
des alimens & de fes léiions , i^oyc\ Hip—
pocrate & fes commentateurs , tels fur-
tout que Duret , in Coacas. Voyez aujji
Galien , Sennert , Rivierre , & les difie-
rens auteurs d'iuflitutions de médecine ,
échappé aux plus anciens obfervateurs des ! tant anciens que modernes ; en les parcou-
phénomenes que préfente l'économie ani-; rant tous , & en ies comparant les uns aux
male,tant dans la fanté que dans la maladie, 'autres, on peut aifément fc convaincre
ils ont recueilli un gra:id nombre de ceux: que ceux-ci , moins obfervateurs , n'ont
qui font relatifs à l'appétit des alimens ; | pris pour li plupart d'autre peine que de
il fuffira d'en rapporter quelques-uns des ■ répéter & de mal expliquer ce que ceux
principaux , d'après Lommius ( obferv. \ là ont tranfmit à la pofiérlté fur le fujeC
mtdic. lib. III- ) , & d'indiquer où on ^ dont il s'agit, comme fur tout autre de
pourra en trouver une expolltion plus; ce genre, {d)
étendue. Faim Canî:-JE ,( iVft?i. )En terme de
C'eft un figne filutaire dans toutes les i l'art , cynore-xie , ceÙ: une faim dcméfu-
ma'adies , que les malades n'ayent point, rée qui porte à prendre beaucoup de
de goût pour les alimens qui leur font j nourriture , quoique i'ePcomac la rejette
préfentés convenablement; la difpofition] peu de temps après. La /àZ/Ti i.i/;2//2c' eft donc
contraire eft d'un mauvais préfage. Voje:[' une vraie maladie , qu'il ne faut pas con-
DéGOUT.
[ fondre , comme on fait dans ie difcours
S'il arrive qu'un malade ayant pris des ordinaire, avec le grand & fréquent appé-
alimens de mauvaife qualité, ou qui ne'tit; état que les gens de l'art appellent
conviennent pas à fon état , n'en foit ce-' orexie. Il ne faut non plus pas confondre la
pendant pas incommodé, c'eft une m:\r- faim canine 3i\cc\z bouhmLe,ciimm'^ aons
que de bonne difpofition au rétablitremcnt i le dirons dans la fuite,
de la fanté : on doit tirer une conféquence Ainfi les médecins éclairés diftinguent
■oppofée , fî les alimens les plus propres &, avec raifon, d après l'exemple des 'r.ecs,
les mieux adrniniitrés , bien loin de pro- \ par des termes confacrés , les différentes
■duire de bons effets , en produifent de afFeâions du ventricule dans la finfation
mauvais. 'dela/jwz, & voici comment. Ils nom-
Lorfque les convalefcens ont appétit & ment/az>a~, le f impie api}écit , le befoin
HhiiUh 2
7pÔ FAI ,^.^^
de manger, commun à tous les hom-|feiI de ce médecin tende à
ils appellent orexie une faim dévo-
mes
rante qui requiert une nourriture plus
abondante , & qu'on répète plus fouvent
que dans l'état naturel , fans néanmoins
que la fanté en foit dérangée : ils nom-
ment pfeudorexie , une faufle faim , telle
qu'on en a quelquefois dans les maladies
aiguës & chroniques : ils appellent pica ou
malade , le goût dépravé des femmes
enceintes ^ des filles attaquées des pâles
couleurs , &c. pour des alimens bizarres.
Voyez Faim, Orexie, Pseudo-
RExiE 3 Malacie.
Mais la cynorexie, ou la faim canine ,
eft cette mialadie dans laquelle on éprouve
une/à/;/2 vorace , & néanmoins l'on vomit
les alimens qu'on prend pour la fatislaire ;
ainfi qu'il arrive aux cliiens qui ont trop
mangé. C'eft en cela d'abord que la faim
canine diffère de la boulimie , qui n'eft
point fuivie de vomifTemens , mais d'op-
prefiîon de l'eftomac , de difficulté de ref-
pirer , de foiUefle de pouls , de froid &. de
défaillances.
Erafifeate eft le premier qui ait employé
le mot de boulimie , & fon étymologie in-
dique le caradere de cet affeflion , qui
vient proprement du grand froid qui ref-
ferre 1 ei'romac , fuivant la remarque de
Jofeph Scaliger \ car , /3» dit- il apud grcecos
intendit ; ut ^S: if^s & ê»A<^i« ^ ingens ja-
Tiies à refrigeratLone ventricali contracta ;
Jic apud loiinos particula ve intendit , i/2
voce vehemens , & aliis.
En effet , la boulimie arrive principale-
ment aux voyageurs dans les pays froids ,
& par confxjuent elle eft occafionnée par
la froideur de Fair qui les faifit , ou pjutût
par les corpufcules frigorifiques qui refîèr-
rcnt les poumons & le ventricule. Cette
idée s'accorde avec le rapport des perfbn-
res qui ont éprouvé les effets de cette ma-
ladie dans la nouvelle Zemble & autres
régions feptcntrionales. Fromundus qui
en a été attaqué lui-même , croit que le
meilleur remède feroit de fe procurer une
forte toux, pour décharger l'eftomac &
îes poumons des efprits de la neige , qui
ont été attirés dans ces organes par la
procurer un
mal pour en guérir un autre ; car d'ailleurs
fon idée de la cure eft trés-ingénieufe. Le
plus fur , ce me femble , feroit de bonnes
firidions , la boiffon abondante des liquides
chauds & aromatiques , propres à exciter
une grande tranfpiration ; & de recourir
en même temps aux chofes dont l'odeur
eft propre à rappeler & à raflembler les
efprits vitaux diÎFipés , te! qu'eft en parti-
culier le pain chaud trempé dans du vin ,
& autres rem.edes femblables. Il réfulte
de cet expofé , que la boulimie doit être
un accident fort rare dans nos climats
tempérés, & qu'elle diffère effentiellement
de la faim canine par les cauies & les fymp-
tomes.
Dans la faim canine les alimens fur-
chargeant bientôt l'eftomac , le malade
qui n'a pu s'empêcher de les prendre ,
eft contraint de les rejeter. Comme ce
vomiffement apporte quelque foulage-
ment , l'appétit revient ; & cet appétit
n'eft pas plutôt fatisfait que le vomiffement
fe renouvelle : ainli l'appérit fuccede au
vomiffement , & le vomiffement à l'ap-
pétit.
Entre plufîeurs exemples de cette m.ala»
die , je n'en ai point lu de plus incroyable
que celui qui eft rapporté dans les Tranfuu,
philofoph. «". -^iS, pag. ^GG & ^8t. Va
jeune homme , à la fuite de la fièvre , eue
cectefaim portée à un tel degré , qu elle le
fit dévorer plus de deux cents livres d'ali-
mens en fix jours ; mais il n'enfut pas mieux
nourri , car il les rejeta perpétuellement ,
fans qu'il en paffât rien dans les inteftins
de forte qu'il perdit l'ufage de fes jambes ,
& mourut peu de mois après dans une
maigreur effroyable.
Les autres malades de faim canine dont
il efl parlé dans les annales de lu médecine ,
ne font pas de cette voracité ; mais ils
nous offrent des caufes fî diverfifiécs de
la maladie , qu'il eft très-important , quand
le cas fe préfente , de tâcher , pour la
cure^ de les découvrir par les fymptomes
qui précédent ce mal , qui l'accompagnent
&: qui lui fuccedent. Or la faim canine tire
fil naiffance de plufieurs caufes : elle peur
refpiration, ou qui s'y font infinués d'une ! provenir de vers, & en particulier du ver
avUj:e manière. C'eft dommage que le coq- ' nommé kfolituin; \ d'hiuncurs vicieufcs »
FAI
acides , acres , muriaciques , qui picotent
le ventricule ; d'une bile rongeante qui s'y
jette ; du relâchement de Teftomac , de
fon cchauffement , de la trop grande fen-
libilité des nerfs & des efprits. On foup-
çonne qu'il y a des vers , par les fymptomes
qui leur font propres : la vue des évacua-
tions feit à indiquer la natu e des hu-
meurs viciées ; l'abondance de la bile pa-
roît par la jaunifïe répandue dans tout le
corps ; la mobilité des efprits fe rencon-
tre toujours dans les perfonnes faméliques ,
qui font attaquées en même temps d'hyfté-
rifme ou qui font hypocondres ; le défaut
de nutririon fe manifefte par la maigreur
du malade , & ce fymptomc rend fon état
vraiment dangereux : car lorfque le vo-
mifTeinent ou le flux de ventre font obfti-
îiés , la cachexie , l'hydropifie , lalienterie,
l'atrophie , & finalement la mort , en font
les fuites.
La méthode curative doit fe varier fui-
vant les diverfes caufes connues du mal. Si
la faim canine ett produite par une humeur
acre quelconque qui irrite l'eftomac , il
faut l'évacuer , en corriger l'acrimonie, &
rétablir enfuite par les tbrtifians le ton de
1 eftomac , & des organes qui fervent à la
digefiion. Les vers fe détruiront par des
vermifuges , & principalement par les mer-
curiels. Dans la chaleur des vifceres on
confeillera les adoucifLins & les humec-
tans ; dans le cas de la mobilité des efprits ,
on emploiera les narcotiques. On pourroit
appliquer extérieurement fur toute la ré-
gion de l'eftomac , les linimens & ks
emplâtres oppofés aux caufes du mal.
'L.z fjim canine qui procède du défaut de
conformation dans les organes , comme
de la trop grande capacité de l'eftomac ,
de l'infercion du canal cholidoque dans
ce vifcere , de la brièveté des inteftins ;
en un mot , de quelque vice de conforma-
tion , ne peut être détruite par aucune
méthode médicinale : mais ce font des cas
rares , & qui n'ont ordinairement aucune
fàcheufe fuite. Article de M. le Chevalier
DE JaUCOURT.
Faim canine. ( Mare'chall. ) Ce fcnti-
ment intime & (eciQt qui nous avertit de
nos befoias , ce vif pencliant à les faris-
iaire ; cet inllixid qui , quoiqu'aveugle j
FAI 797
nous détermine précifément au choix des
chofes qui nous conviennent ; toutes ces
perceptions , en un mot , agréables ou tà-
cheufes qui nous portent à fuir ou à recher-
clier machinalement ce qui tend à la con-
fervation de notre être , ou ce qui peut
en hâter la deftruftion , font abfolument
communes à l'homme & à l'animal : la
nature a accordé à l'un & à l'autre des
fens internes & externes ; elle les a égale-
ment aflujettis à la faim , à la foif , aux
mêmes néceifités.
L'eftomac étant vuide d'alimens , les
membranes qui conftituent ce fac j font
affaiffées & repliées en fens divers : dans
cet état , elles oppofent un obftacle à la
liberté du cours du fang dans les vaifleaux
qui les parcourent. De la lenteur de la
marche de ce fluide réfulte le gonflement
des canaux , qui dès lors font follicités à
des ofcillaticns plus fortes ; & de ces of^
cillations augmentées nailfent une irrita-
tion dans les houppes nerveufes , un fenti-
ment d'inquiétude qui ne cefïè que lorfque
le ventricule diflendu , les tuyaux fanguins
fe trouvent dans une direftion propre à
favorifer la circulation du fluide qu'ils
cliarrient. Les reftes acrimonieux des ma-
tières difî'oures dans ce vifcere , ainfi que
l'aâion des liqueurs qui y font filtrées ,
contribuent & peuvent même donner lieu
à une fenfation fem.blable. Dès que leurs
fels s'exerceront fur les membranes feules ,
les papilles fubiiont une imprcfîion telle ,
que 1 animal fera en proie à une percep-
tion plus ou moins approchante de la dou-
leur , jufqu'à ce qu'une certaine quantité
d'alimens s'offrant , pour ainfi dire , à
leurs coups , & les occupant en partie ,
fauve l'organe de 1 abondance fimefte des
particules lalines , à l'adivité dcfquelles il
eft expofé.
Nous n'appcrcevons donc point de difFé-
rence dans les movens choifis & mis en
ufage pour inviter l'homme & le cheval à
réparer d'une part des déperditions qui
font une fuite inévitable du jeu redoublé
des reflbrts ; & 4'prévenir de l'autre cette
falure alkalefcente que contraClent nécef-
fairement des humeurs qui circulent fans
de nouveaux rafraîchifTemens , & qui ne
798 FAI
peuvent être adoucies que par un nouveau
chyle.
Nous n'en trouvons encore aucune
dans les caufes de cette voracité , de
cette faim infatiable & contre nature
donc ils font quelquefois affeâés. Sap-
pofons dans les fibres du ventricule une
rigidité confjdéra'ole , une tbrte e'Iafti-
cite' ; il eft certain que les digeftions feront
précipitées, 1 évacuation du fac conféquem-
ment très-prompte , & les replis qui for-
ment les obflacles dont j'ai parlé , beau-
coup plus fenfibles , vu l'aâion fyftaltique
de ces mêmes fibres. Imaginons de plus
une grande acidité dans les lues diflblvans ,
ils picoteront fans cefle les membranes ,
en un mot , tout ce qui pourra les irriter
fufcitera infailliblement cet appétit dévo-
rant dont il s'agit, & dont nous avons des
exemples fréquens dans l'homme & dans
l'animal , que de longues maladies ont
précipités dans le marafme. Alors les fucs
glaireux qui tapiffent !a furface intérieure
des parois de l'eftomac , n'étant point affez
abondans pour mettre à couvert la tuni-
que veloutée , & leur acrimonie répondant
à l'appauvrifTement de la mafTe , ils agilîbnt
avec tant d'énergie fur le tiflii cotonneux
des houppes nerveufes , que ce feutiraent
éxcelîif fe renouvelle à chaque inftant , &
ne peut être modifié que par des alimens
nouveaux , & pris modérément.
Il faut convenir néanmoins que relati-
vement à la plupart des chevaux faméliques
que nous voyons , nous ne pouvons pas
toujours accufer les unes & les autres de
ces caufes ; il en eft une étrangère , qui le
plus fouverfl: produit tous ces efïets. Je
veux parler ici de ces vers qui n'occupent
que trop fréquen^ment l'eftomac de l'ani-
mal. Si le ventricule eft dépourvu de
fourrage , & s'ils n'y font enveloppés en
quelque façon , les papilles fe refTentent
vivement de leur adion. En fécond lieu ,
leur agitation fufcitc Celle du vifcere , &
le vifcere agité fe délivre & fe débarrafi'e
des aliniens donc la digeftlon lui eft con-
fiée , avant que le fuc propre à s'afîlmiler
3UX parties , en ait été parfaitement extrait.
Enfin ces infedes dévorent inie portion de
ce même fuc , & en privent l'animal , ce
qui , joint à l'acrimonie dont le fang fe
FAI
charge nécefîairemenr , les dîgeftions étant
vicieufes , occafîonne un amaigriflement,
une exténuation que 1 on peur envifager
comme un fymptomc confiant & afTuré
de la maladie donc il eft quellion , de quel-
que fource qu'elle provienne.
La voracité du cheval qui le gorge
d'une quantité excefFive de fourrage , fa
trifteife , fon poil hérifTé &: lavé , des dé-
jedions qui ne préfentent que des alimens
prefqu'en nature , mêlés de certaines féro-
fités en quelque façon indépendantes de la
fiente ; 1 odeur aigre qui frappe l'odorat,
& qui s'élève des excrémens ; le marafme
enfin , font les fîgnes auxquels il eft aifé
de la reconnoître. Lorfqu'elle eft le réful-
tat de la préfence des vers dans l'eftomac ,
elle s'annonce par tous les fymptomes qui
indiquent leur léjour dans cet organe , &
elle ne demande que les mêmes remèdes.
Voyei Ver.
Ceux par le fecours defquels nous devons
combattre & détruire les autres caufes ,
font les évacuans , les abforbans , les médi-
camens amers. On peut , après avoir purga
le cheval , le mettre à l'ufage des pillules
abforbantes , compofées avec de la craie
de Hriançon , à la dofe de demi-once ,
enveloppée dans une fuffifante quantité de
miel commun. L'aloes macéré dans du fuc
d'abfynthe ; les trochifques d'agaric , à
pareille dofe de demi-once , feront très-
falutaires : la thériaque de Venife , l'ambre
gris , le fafran adminiftrés fiparcment ,
émoufferont encore le fentiment trop vif
de l'eftomac , corrigeront la qualité ma-
ligne des humeurs , & rétab'iront le ton
des organes digeftifs. Du refîe il eft bon
de donner de temps en temps à l'animal ,
atteint de laJUim canine, une certaine quan-
tité de pain trempé dans du vin , & de ne
iuiprél'enter d'ailleurs que des alimens d'une
digeftion allez difucile , tels que la paille ,
par exemple , afin que l'eilomac ne fe vuide
point auffi aifénient que n on ne lui oflroic
que des matières qu'il difTout fans peine »
&{. qu'il n'élabore point alors pour le pro-
fit du corps. L'opium dans l'eau froide ,
calme les douleurs que caufe quelquefois ,
dans ce même cas , l'inflammation de ce
vifcere. (c)
Faim- FAUSSE, ( Médecine. ) Voyei ,
I
I
FAI
pour la faujffe-faim , au mot PsEUDO-
RÉXIE.
Faim - VALE , ( Maréchall. ) L'explica-
tion que nous avons donnée des cauiés &
des fymptomes do la maladie connue fous
le nom àefuim canine , & Texpolition que
nous ferons de celle que nous appelons
faim-vale y prouveront que l'une & l'autre
ne doivent point être confondues ; & que
les auteursqui n'ont établi aucune différence
entr'elles , n'ont pas moins erré que ceux
qui ont envifagé celle-ci du même œil que
l'épilepfie.
Il feroit fuperflu fans doute d'interroger
les anciens fur l'étymologie du terme faim-
rale , & de remonter à la première impo-
fition de ce mot , pour découvrir la raifon
véritable & originaire des notions & des
idées qu'on y a attachées. Je dirai fimple-
ment que \a J'ai m-i' aie n'eft point une mala-
die habituelle : elle ne fe manifelle qu'une
feule fois , & par un feul accès , dans le
même cheval ; & s'il en eft qui en ontediiyé
plulieurs dans le cours de leur vie , on doit
convenir que le cas eft fort rare. 11 arrive
dans les grandes chaleurs , dans les grands
froids & après de longues marches , & non
dans les autres temps & dans d'autres cir-
conftances. Nous voyons encore que les
chevaux vifs y font plus fujets que ceux
qui ne le font point , & que les chevaux
de tirage en font plutôt frappés que les
autres. Le cheval tombe comme s'il étoit
mort : alors on lui jette plufieurs féaux d'eau
fraîche fur la tête , on lui en fait entrer dans
FAI 7PP
grande force des fucs difTolvanS , un défaut
d'alimens proportionnément aux befoinsde
l'animal , la circulation du fang & desefprits
animaux fera inconteftablement ralentie.
De-là une foibleflé dans le fyftême nerveux,
qui eft telle , qu'elle provoque la chute
du cheval. Les afperfions d'eau froide
caufent une émotion fiibite , & remettent
fur le champ les nerfs dans leur premier
état ; & les fubftances alimentaires qu'on
donne enfuite à l'animal , les y confirment.
Quant au marafme , que quelques écrivains
préfcntent comme un ligne affuré & noa
équivoque de ]a j'aim-rale , on peut leur
objeder que la maigreur des chevaux qui
en ont été atteints , eft telle que celle que
nous reprochons à ceux que nous difons
être étroits de boyau , &: qui onL' ordinai-
rement tropde ieu & trop de vivacité. Il eft
vrai que 11 les accidens dont il s'agit étoient
répétés & fréquens , ils appauvnroient la
maflê , &: rendroient les fucs régérférans
acres &: incapables de nourrir , & doiine-
roient enfin lieu à l'atrophie ; mais il eft
facile de les prévenir en ménageant l'ani-
mal , en ne l'outrant point par des travaux
forcés, & en le maintenant dans toute fa
vigueur par des alimens capables de réparer
les pertes continuelles qu'il peut faire.
Faim , ( la ) Mythol. divinité des poè-
tes du paganifme , à laquelle on ne s'a-^
drefloit que pour l'éloigner ; & c'étoit-là
la conduite qu'on tenoit fagement avec
les divinités malfaifantes. Les poètes pla-
ies oreilles , on lui en fouftle dans la bou- cent la faim à la porte de l'enfer , de même
che & dans les nafeaux ; & fur le champ
il fe relevé , boit , mange , & continue
fa route.
On ne peut attribuer cet accident qu'à
l'interruption du cours des efprits animaux ,
produite dans les grandes chaleurs par la
ciilipation trop confidérable des humeurs ,
& par le relâchement des foiides ; & en
hiver par l'épaiftifTement & une forte de
condenfation de ces mêmes humeurs. Sou-
vent auffi les chevaux vifs , & qui ont beau-
coup d'ardeur , fe donnent à peine le temps
de prendre une aflez grande quantité de
nourriture ; ils s'agitent , & diftipent plus.
S\ à ces difpofitions on joint la longue diète,
\.çs fatigues exceilives , l'aâivité & la^ plus
que les maladies , les chagrins , les foins
rongeans , l'indigence & autres maux, dont
ils ont fait autant de divinités.
Dans le temple de Minerve à Lacéde-
mone , on voyoit un tableau de la faim ,
dont la vue feule étoit effrayante. Elle
étoit repréfentée dans ce temple fous la
figure d'une femme hâve , pâle , abat-
tue , d'une maigreur effroyable , ayant
les tempes creules , la peau du front fé-
che & retirée ; les yeux éteints , enfon-
cés dans la tête ; les joues plombées , les
lèvres livides ; enfin les bras & les mains-
décharnées , liées derrière le dos. Quel
trifte tableau ! Il devroit être dans le palais
de tous les defpotes j pour leur mettre
8oo F A r
fans cefle fou?: les yeux le .
malheureux état de leurs peuples ; & dans
le lalJon des Apicius , qui , infenfibles à la
miiere d'autrui , dévorent en un repas la
nourriture de cent familles. Article de M.
le chevalier de Jaucourt.
FAINE , f. f. ( Jardinage. )^ eft le fruit
d'un arbre appelé hêtre , que l'on mange ,
& qui a le goût d'une noifette : dans les
famines on en fait du pain. {K)
FAINOCANTRATON , f m. ( Hifl.
nat. ) efpece de léfard de Tifle de^Mada-
jafcar (a) qui eft d'une grandeur médiocre.
Il s'attache fi fortement aux arbres , qu'on
croiroit qu'il eft collé. Il tient toujours
fa gueule ouverte, afin d'attraper des mou-
ches & autres inlefles dont il fe nourrit.
Les habitans du pays en ont grande peur ,
parce qu'on prétend qu'il faute au cou de
ceux qui en approchent , & s'y applique
fi fortement , qu'on a beaucoup de peine
à s'en débarraffer. Hubner , diâion. univ.
* FAIRE , V. ad. ( Grarnm.) Excepté
les auxiliaires être & avoir , il n'y a peut-
être aucun autre verbe dont l'ufage foit
plus étendu dans notre langue que celui
du verbe faire. Etre défigne l'exiftence
& l'état ; avoir , la pofieffion ; & faire ,
l'aâion. Nous n'entrerons point dans la]
multitude infinie des applications de ce
mot ; on les trouvera aux aôions auxquelles
elles fe rapportent.
Faire , verbe qui , dans îe commerce ,
a différentes acceptions déterminées par
les divers termes qu'on y joint, & dont
voici les principales.
Faire prix d'une chofe ; c'eft convenir
entre le vendeur & l'acheteur , de la fom-
me pour laquelle le premier la livrera à
l'autre.
Faire trop chère une marchandife ; c'eft
la prifer au delà de fa valeur.
Faire pour un autre ; c'eft être fon
commiïïîonnaire , vendre pour lui.
Faire bon pour quelqu'un ; c'eft être fa
caution , promettre de payer pour lui.
Faire bon , fignifie aufli tenir compte à
quelqu'un d'une fomme à l'acquit d'un
F A I
fpe£lacle du] autre. J'ai ordre de M. N. as vous faire
bon de 3000 liv. c'eft-à-dire , de vous
payer pour lui 3000 liv.
Faire les deniers bons ; c'eft s'engager
à fuppléer de fon argent ce qui peut man-
quer à une fomme promife.
Faire faillite , banqueroute , ceffion de
biens. Voy. FAILLITE , BANQUEROUTE ,
Cession.
Faire un trou à la lune ; c'eft s'évader
clandeftinement pour ne pas payer fes
dettes , ou être en état de traiter plus
fûrement avec fes créanciers en mettant
fa perfonne a couvert.
Faire de V argent ; c'eft recueillir de l'ar-
gent de fes débiteurs , ou en ramafi'er par
la vente de fes marchandifes , fonds ,
meubles , &<:. pour acquitter fes billets ,
promeftes , lettres de change , ou autres
dettes.
Faire des huiles y faire des beurres, faire
des eaux-de-vie , CigniHe , fabriquer de ces
fortes de marchandii'es ; il fignifie auffi ,
parmi les négocians , faire emplette de ces
marchandifes , en acheter par foi - même
ou par commiffionnaires & correfpondans.
Je compte faire cette année cent barriques
d'eau-de-vie à Cognac.
1 Faire fonds fur quelqu'un, fur fa bourfe ;
c'eft avoir confiance qu'un ami , un parent
vous aidera de fon crédit ou de fon argent.
Faire unfonds^ceGi raftembler de l'argent
& le deftiner à quelque greffe entreprife.
Faire une bonne maifon^f aire fes affaires f
c'eft s'enrichir par fon commerce.
Faire queue ^ c'eft demeurer reliqua-
taire , & ne pas faire l'entier paiement
de la fomme qu'on devoir acquitter,
Faire traite , fe dit en Canada du com.
merce que font les François des caftorsj
& autres pelleteries , que les fauvagei
leur apportent dans leurs maifons ; ce qui
eft fort différent à' aller en traite , ou porter
aux fauvages jufque dans leurs habitations,
les marchandifes qu'on veut échanger avec
eux. Voy.,i Traite.
On fe fert auffl de ce terme pour figni-
fier l'achat qu'on fait des nei^res fur les
1
(a) C'eft ce léfard que Flacour , dans fon hiftoire de la grande ijk de Madagafcar,
fippclle Famacantrara.
eûtes
A
F A I
c<* tes de Guinée > & qu'on tranfporre en
Amérique. Voye^ NEGRES £' AssiENTE.
Cet article e/î tiré du diSionn. de comm.
{G)
Faire le Nord , le Sud , l'Est,
ou l'Ouest , ( Manne. ) c'eft naviger ,
faire route , ou courir au nord , au fud, à
Ce mot faire eft appliqué à beaucoup
d'ufages particuliers dans la marine , dont
il faut faire connoître les principaux.
Faire canal i c'eft traverfer une étendue
de mer pour pafTer d'une terre à une autre :
ce terme s'applique plutôt aux galères qu'aux
vaiiTeaux.
Faire vent arrière ; c'eft prendre vent en
poupe.
Faire route ; c'eft courir , naviger , ou
cingler fur la mer.
Faire voile ; c'eft partir & cingler pour
un endroit.
Faire petites voiles; c'eft ne porter qu'une
partie de fes voiles.
Faire plus de voiles ; c'eft déferler & dé-
ployer plus de voiles qu'on n'en avoir.
Faire fervir les voiles ; c'eft mettre le
vent dedans & les empêcher de pliafter.
Faire force de voiles ; c'eft porter autant
de voiles qu'il eft poftîble pour faire plus de
diligence , foit pour chafler quelque vaif-
feau , ou pour éviter d'être joint fi l'on
étoit chafTé.
Faire un bord ou une bordée ; c'eft pouf-
fer la bordée foit à bas bord , foit à tribord.
Voyei Bord & Bordée.
Faire la paranfane ; c'eft fe préparer à
faire route en mettant les ancres , les
voiles , & les manœuvres en état. Cette
expreftion n'eft pas d'ufage ; les Levantins
font les feuls qui s'en fervent.
Faire eau , fe dit lorfque l'eau entre dans
le vaifTeau par quelque ouverture.
Faire de l'eau , faire aiguade ,• c'eft
emplir les futailles d'eau douce pour la pro-
vifion du vaifTeau. Voy. Eau.
Faire du bois ; c'eft taire la provifion de
bois pour le vaiflxîau , ou la renouveler
lorfqu'on eft de relâche.
Faire chapelle ; c'eft revirer malgré foi.
Vov. Chapelle.
Faire pavillon ; c'eft arborer un pavillon
c^uelconque , fuivant les ciiconftances : on
To?ne XI IL
FAI Soi
dit faire pavillon de France , faire pavillon
blanc, &c. Voye^ PAVILLON.
Faire des feux i c'eft mettre des fanaux
en différens endroits du vaifl'eau , pour faire
connoître aux autres vaifleaux avec lefquels
on eft en flotte , qu'on eft incommodé &
qu'on a befoin de fecours. (Z)
Faire, f. m. terme de peinture. Le mot
faire tient ici le lieu de fubftantil. On
dit le faire d'un tel artijîe eft peu agréable.
On fe recrie en voyant les ouvrages de
Rubens & de Wandyck , fur le beau faire
de ces deux peintres. C'eft à la pratique
de la peinture , c'eft au méchanifme de
la brofle & de la main , que tient prin-
cipalement cette exprefllon ; & on en
fentira aifément la (ignification , fi l'on
veut bien donner quelque attention à
la fin de Y article FACILITÉ. Aiticle de
M. JVatelet.
Faire fignifie quelquefois peindre. Faire
l'hijloire , faire le portrait , faire les ani~
maux , &:c. c'eft peindre l'hiftoire , (Sv.
Faire tirer LES TENONS , {Charp.)
c'eft percer les trous de biais du côté de
l'épaulement du tenon , pour qu'il joigne
mieux.
Faire faire , en termes de charpen-
tiers ; c'eft lorfqu'ils veulent monter quel-
ques groftes pièces de bois au haut des édi-
fices , & c'eft comme fi l'on difoit : fais
tourner le treuil pour monter cette pièce.
Faire les noms, {Relieur, Doreur.)
Voy. Alphabet.
FAIRFORD , ( Géogr. ) bourg d'An-
gleterre dans la province de Gloceftcr ,
fur la rivière de Colne, & au milieu de
campagnes où fe découvrent de temps en
temps , des pièces d'antiquités romaines.
11 y a une belle églife , bâtie dans le XV^.
fiecle , fous le règne d Henri VII , &
ornée de fenêtres , dont les vitres peintes
par Albert Durer , font l'a'.^miration ô,es
curieux , après avoir fait celle de Van
Dik lui-même. Ce précieux ouvrage avoic
une toute ar.tre ^eflination que celle d'ap-
partenir au te i!(-'i de Fairjord; il avoit été
fait pour l'une i -, Helles églifes de Fome ,
& on l'y tranri.o'":oit par mer, lorfqu'il
tomba entre les mains des An^lois. L^n
armateur de Londres s'en emp?i-a , & le
marchand pour le compte duquel il fut
I i i ii
8o2 T A l
pris f en fit prcfent à Teglife de ce bourg ;
ce marchand fe nommoit Jean 2ame.
(JD. G.)
FAISAN, f. m. phafiamis ( Hijf. nat.
Ornitliol. ) oifeau que la plupart des mé-
thodifles rangent fous un même genre
avec la perdrix , la caille , (jc. Aldrovande
a décrit un faifan mâle , qui pefoit trois
livres douze onces ; il avoir le bec de
couleur de corne , & de la longueur d'un
travers de pouce ; l'extrémité étoit re-
courbée , & la pièce du defTus avançoit
au delà de celle du defibus ; il y avoit
à la racine du bec une membrane charnue
& tuberculeufe y fous laquelle les ouver-
nu-es des narines étoient cachées. Le
fommet de la téce étoit de couleur cendrée
& luifante , les côtés de la tête avoient
une couleur verte changeante , fc';on les
<iifférens reflets de lumière , & les yeux
etoient entourés d'une belle couleur rouge
ou écarlate. H s'élevoit des plumes plus
longues que les autres à l'endroit des
oreilles , dont les ouvertures étoient ron-
des , larges & profondes. Les plumes de
la partie de côté qui efl au deflus de la
poitrine , & celles de la pointe , avoient
trois couleurs , du brun près de la racine,
6: dans le refte une couleur d'or & une
couleur verte; m.ais on ne diftinguoit le verd
que quand les plumes étoient réunies plu-
sieurs enfcmble : car lorfqu'on n'en con-
fidéroit qu'une féparément des autres ,
elle paroifïbit noire. Les plumes du dos
étoient rouflatres , & avoient de petits
filamens à l'extrémité. La queue étoit fort
longue &: très - différente de celle de la
perdrix , de la caille , £v. Les plumes du
milieu avoient plus de longueur que les
autres , qui fe trouvoient d'autant plus
courtes , qu'elles étoient placées plus près
des côtés. Cet oifeau a des éperons qui font
courts.
1 afaifande eft plus petite que le faifan ,•
fon plumate eu moins beau , car il reffem-
ble à celui de la perdrix.
M. Klein diilingue fix efpeces de fai-
i". I.e/j//u/2 ordiinaire , qui eft panaché
ou blanc.
2P . Le faifan brun du Bréfil 5 appelé
jdCti£(ma & coxff'.ltiL. On trouve dans liile ^
F A I
de Sainte-Hélène des faifans dont les coii-
leurs reflemblent à celles des perdrix , mais
qui font plus grands.
3". Le faifan rouge de la Chine ; il a
une crête , &: on voit fur fon piu.Tiage les
plus belles couleurs , loranger, le citron,
l'écarlate , la couleur d'émeraude , le bleu ,
le roux, & le jaune , & toutes les nuances
de ces couleurs.
4°. Le faifan blanc de la Chine ; il a des
plumes noires fur la tête ; {e& yeux font
placés au milieu dun cercle de couleur
d or ; le defibus du cou , le ventre , & le
deffous de la queue , font de couleur mê-
lée de noir & de bleu : il a des taches
blanches fur le cou , fur la partie fupé-
rieure du corps , & fur la queue ; le bec
eft rouflàtre ; les pies font rouges , & les
éperons pointus.
4" . Le faifan- paon , phafianus pai'oneus;
il a fur les petites plumes des ailes , des
taches rouges qui font figurées comme des
yeux ; & fur la queue , des taches de même
figure y mais de couleur verte.
6*^. lue faifan rouffâtre ; il a fur les ailes
& fur la queue , des taches de couleur bleu
célefte & bleu foncé , figurées en forme
d'yeux comme celles du fai fan-paon : auiïi
n'eft-ce qu'une variété de la même eipece ,
fi ce n'eft la femelle de ce faifan. OrJa
aviiim , pag. 114 Voy. OiSEAU. (/)
Outre les oifeaux , nommés dans les
articles précédens, M. de BufFon met ainfi
que M. BrifTon , au nombre des faifans ,
celui qu'à décrit Edwards , fous le nom
Aq faifan cornu , que M. Linné place dans
le genre du dindon. Cet oifeau qui le trouve
au Bengale , fe diilingue par deux cornes
cylindriques , couchées en arrière , de
matière calleufe & bleuâtre , qui s'élevenc
derrière les yeux ; il n'a pas les joues
nues ; au deffous de fon bec pend une efpcce
de gorgerette , d'une peau nue , bleuâtre
& noire dans fon milieu ; le fommet de la
tête eft rouge , le devant du corps rou-
geâtre , & la partie poftérieure plus rem-
brunie , le tout femé de taches blanches
entourées de noir. Voy. Edwards. Hift. of
bird. pi. 1 z 6.
Le faifan couwnne'àc M. Bri/fon eft une
cfpece de pigeon. (/?)
Faisan ou Phaisan, {DieuJ) La ckie
FAI
éi\ jeune faifan efl regardée , avec ralfon ,
comme un aliment très-nourrifTant , très-
fain , & de facile digeftion ; elle efl ten-
dre , délicate, fiicculente, d'un goiJt relevé
par un fumet léger , capable de réveiller
doucement le jeu des organes de la di-
gellion. Les perfonnes qui jouiiTent d'une
•bonne fanté , doivent par conféquent fe
ti^ouver très-bien d'une pareille nourriture;
& celles qui font convalefcentes ou valé-
tudinaires , en retirer tous les fecours
qu'elles peuvent efpérer de l'ufage des bon-
nes viandes , fi elles en ufent cependant
félon les préceptes de régime auxquels leur
état les aftreint. Voy. Convalescence ,
Valétudinaire , & Régime.
Au refte , on ne conçoit dans le faifan
aucune qualité particulière , par laquelle
on le puifTe diftinguer dans l'ufage diété-
tique , de la perdrix , du coq de bruyère ,
du coq des bois , de la gelinote , du râle
de genêt , de la caille , de la palombe , du
ramier : ces divers oifeaux & les individus
de chaque efpece ne différent eflentielle-
ment entr'eux que comme plus ou moins
gras , & plus ou moins jeunes. Voy .V article
X'^IANDE {Diete) , & l'article GRAISSE
(Diete.) {b)
FAISANCES , f. f. ^l iJurifpr.) font
des redevances annuelles qui condftent dans
l'obligation de faire quelque chofe. Un
cenfitaire doit quelquefois à fon fci-
gneur , outre le cens & les rentes en ar-
gent , des faifances , opéras , qui font des
efpeces de corvées : c'elt en ce fens que ce
terme cfi: entendu dans le vieil contu.nier
de Normandie. Voyei ce qui efl dit dans
!e glojjaire de Lauriere. Ce mot faifances
ne fîgnifïe pourtant pas toujours corvées,
& efl plutôt fynonyme de rente & redevance,
comme il paroît par une inflruûion faite
par le confeil de Charles V, le 13 mars
1366, qui efl dans le IV volume des ordon-
nances de la troijieme race , p.-jt6.
Quelquefois le mot faifance fïsnifîe en
gemrzl paiement a une rente , comme dans
la coutume de Normandie , art. 4^7.
Les fermiers font aufTi quelquefois char-
gés par leurs baux de faijances ,■ comme
"de faire pour le propriétaire des voitu-
res , de labourer pour lui quelques terres.
Quaad ces faifances ne font pas fournies
F A I Scj
en nature , on les eflime en argent. L'ef-
timation en efl quelquefois faite par le
bail même ; lorfque ces faifances ne font
pas dues purement & fimplement , mais
que le propriétaire a feulement la facult»
de les demander chaque année , elles ne
tombent point en arrérages ni eflimation.
Voye-{ ce qui a été d;t de toutes ces fortes
de preflations , au /«or Corvées. {A)
^ FAISANDER (se) , v. pafTif. cuifine
s'efl s'attendrir , fe mortifier , & prendre
avec le temps le fumet du faifan. Le fai!àn.
veut être gardé avant que d'être mangé ;
& c'cfl la raiibn pour laquelle on a tranf-
porté aux autres viandes le mot àefaifande,
lorfqu'il étoit à propos de les garder avant
quedeles faire apprêter, ou qu'on les avoic
trop gardées.
^ FAISANDERIE, f. f. c'efl un lieu oà
l'on élevé familièrement des faifans &: des
perdrix de toute efpece.
Cette éducation domeflique du gibier
efl le meilleur moyen d'en peupler promp-
tement une terre , & de réparer la deflruc-
tion que la chafî'e en fait. Ce n'efl que par-
là que l'on efl parvenu à répandre les fai-
fans & les perdrix rouges dans des endroits
que la nature ne leur avoit pas deflinés.
Les faifans étant le gibier qu'ordinairement
on defire le plus , & que l'on fait le moins
fe procurer , nous donnerons ici en détail
la méthode la plus sûre pour en élever dans
nne faifan de rie. Cette méthode peut d'ail-
leurs s'appliquer aufli aux perdrix rouges &
griîes ; s'il y a quelques différences, elles font
légères , & nous aurons foin de les marquer.
Unefaifanderie doit être un enclos fermé
de murs affez hauts pour n'être pas infulcéï
parles renards , &c. & d'une étendue pro-
portionnée à la quantité de gibier qu'on j
veut élever. Dix arpens fuffifent pour en
contenir le nombre dont un faifand.er peut
prendre foin ; mais plus une faifanderie
efl fpaticufe , meilleure elle efl. 11 efl né-
cefTaire que les bandes du jeune gibier
qu'on élevé foient afTez éloignées les unes
des autres , pour que les âges ne puiflent
pas fe confondre. Le voifinage de ceux qui
font forts eft dangereux pour les plus foi-
bles : cet efpace doit d'ailleurs être difpofé
de manière que l'herbe croifTe dans la plus
grande partie , & qu'il y ait un afTez grançl
liiii z
8o4
F A I
ceflaire pendant ie temps de la grande
chaleur.
Pour fe procurer aifémcnt des œufs de
faifans , il taut nourrir pendant toute l'an-
née un ceLtain nombre de poules : on les
tient enfermées , au nombre de fept , avec
im coq , dans de petits enclos fjparés , aux-
quels on a donné le nom de parquets. L'é-
tendue, la plus jutte d'un parquet efl de
cinq toifes en quatre , & il doit être gafon-
né. Bans les endroits expofés aux fouines ,
aux chats , &c. on couvre les parquets d'un
filet: dans les autres, on fe^ contente d'é-
jointerles faifans pour les retenir. Ejointer ,
c'eft enlever le fouet même d'une aile en
ferrant fortement la jointure avec un fil.
Il faut que ce qui fait ieparation entre deux
parquets foit allez épais , pour que les fai-
fans de l'un ne voient pas ceux de l'autre.
Au défaut de murs , on peut employer des
Tofeaux , ou de la paille de feigle. La riva-
lité troubleroit les coqs , s'ils fe voyoient ,
& elle nuiroit à la propagation. On nourrit
les faifans dans un parquet , comme des
poules de bafle-cour , avec du blé , de
l'orge , Ùc. Au commencement de mars ,
il n'eft pas inutile de leur donner un peu
de blé noir, que l'on appelle farrajin,
pour les échauffer & hâter le temps de
l'amour. Il faut qu'ils foient bien nourris ;
mais il feroit dangereux qu'ils fuflent en-
graiifés. Les poules trop grafTes pondent
moins j & la coquille de leurs œufs eft
fouvent fi molle , qu'ils courent i-ifque
d'être écrafés dans l'incubation. Au relie ,
les parquets doivent être expofés au midi ,
& défendus du côté du nord par un bois ,
ou par un mur élevé qui y fixe la cha-
leur.
Les faifans pondent vers la fin d'avril:
il faut alors ramalTer les auis avec foin
tous les foirs dans chaque parquet ; lans
cela ils feroient fouvent caflés & mangés
par les poules mêmes. On les met , au nom-
bre de dix-huit , fous une poule de baffe-
cour , de la fidélité de laquelle on s'eft
allure l'année précédente; on l'eflaye même
quelques jours auparavant fur des œufs or-
dinaires. L'incvibation doit fç faire dans
F A I
une chambre enterrée , aflez femblable à un
cellier, afin que la chaleur y foit modérée ,
que l'imprelTion du tonnerre s'y lafTe moins
lentir. Les œufs de faifan font couvés pen-
dant vingt-quatre & quelquefois vingt-cinq
jours, avant que les faifandeaux viennent
à éclore. Lorfqu'ils font éclos , on les lailTe
encore fous la poule pendant vingt-quatre
heures fans leur donner à manger. Une
cailTe de trois pies de long fur un pié &
demi de large , eft d'abord le feul efpace
qu'on leur permette de parcourir ; la poule
y eft avec eux , mais retenue par une grille
qui n'empêche pas la communication que
les faifandeaux doivent avoir avec elle. Cçt
endroit de la caille , que la poule habite ,
eft fermé par le haut ; le refte eft ouvert ;
& comme il eft fouvent nécellaire de
mettre le jeune gibier à l'abri , foit de la
pluie , foit d'un foleil trop ardent , on y
ajufte au befoin un toit de planches légè-
res , au moyen duquel on leur ménage le
degré d'air qui leur convient. De jour en
jour on donne plus d étendue de terrain
aux faifandeaux , & après quinze jours ,
on les lailfe tout à fait libres; feulement
la poule qui refte toujours enfermée dans la
cailTe , leur fert de point de ralliement , &
en les rappelant fans celTe , elle les empêche
de s'écarter.
Les œufs de fourmis de pré devroient
être , pendant le premire mois , la princi-
pale nourriture des faifandeaux. Il eft dan-
gereux de vouloir s'en palier tout à fait ;
mais la difficulté de s'en procurer en aflez
grande abondance , contraint ordinaire-
ment à chercher des moyens d'y fupplécr.
On fe fert pour cela d'œufs durs hachés &
mêlés avec de la mie de pain & un peu de
laitue. Les repas ne fauroient être trop
Iréquens pendant ces premiers temps ; on
ne peut aulfi mettre trop d'attention à na
donner que peu à la fois ; c'eft le feul moyen
d'éviter aux faifandeaux des maladies qui
deviennent contagieufes , & cjui font in-
curables. Cette méthode, outre que l'ex-
périence lui eft favorable , a encore cet
avantage qu'elle eft l'imitation de la na-
ture. La poule faifande , dans la campagne ,
promené fes petits pendant prefque tout
le jour , quand ils font jeunes ; & ce con-
tinuel diangemeuc de lieu leur- o&q à toufl
F A I
momens de quoi manger , fans qu'ils fuient
jamais raflaflt's. Les faifandeaux étant âgés
d'un mois, on change un peu leur nour-
riture, & on augmente la quantité. On
leur donne des œufs de fourmis de bois ,
qui font plus gros & plus folidcs; on y
ajoute du blé , mais très-peu d'abord : on
met auffi plus de dillance enti^e les repas.
Ils font fujets alors à être attaqués par
une efpece de poux qui leur eft commune
avec la volaille , & qui les met en danger.
Ils maigrifîènt ; ils meurent à la fin , fi
l'on n'y remédié. On le fait en nettoyant
avec grand foin leur caifle, dans laquelle
ils pafient ordinairement la nuit. Souvent
on ell obligé de leur retirer cette caifïb
même qui recelé une partie de cette ver-
mine ; on leur laiffe feulement ce toît lé-
ger dont nous avons parlé , fous lequel ils
paffent la nuit , & on attache la couveuie
à côté , expolee à l'air & à la rofée.
A mefure que les faifandeaux avancent
en âge , les dangers diminuent pour eux.
Ils ont pourtant un moment afTez critique
à pader , lorfqu'ils ont un peu plus de deux
mois : les plumes de leur queue tombent
alors , & il en pouffe de nouvelles. Les
œufs de fourmis hâtent ce moment ,
& le rendent moins dangereux. Il ne
iaudroit pas leur donner de ces œufs de
fourmis de bois, fans y ajouter au moins
deux repas d'œufs durs , hachés. L'excès
des premiers feroit aufli fâcheux que l'u-
lage en efl néceffaire.
Mais de tous les foins , celui duquel on
doit le moins fe relâcher , regarde l'eau
qu'on donne à boire aux faifandeaux ; elle
doit être inceffamment renouvelée & ra-
fraîchie : l'inattention à cet égard cxpofe
le jeune gibier à une maladie affez com-
mune parmi les poulets , appelée la pépie ,
& à laquelle il n'y a guère de remède.
Nous avons dit qu'il falloir éloigner les
unes des autres les bandes de faifans ,
affez pour qu'elles ne puffent pas fe mêler;
mais comme une poule fuffit pour en fixer
un grand nombre , on unit enfemble trois
ou quatre couvées d'âge à peu près pareil ,
pour en former une bande. Les plus âgées
n'exigeant pas des foins continuels , on
Iesél,,igne aux extrémités de lafaifanderie ,
& les plus jeunes doivent toujours être
FAI S05
fous la main du faifandier. Par ce moyen
la conlufion , s'il en arrive , n'eft jamais
qu'entre des âges moins difproportionnés ,
& devient moms dangereufe.
Voilà les faifandeaux élevés. La même
méthode convient aux perdrix ; il faut
obferver feulement qu'en général les per-
drix rouges font plus délicates que les fai-
fans mêmes , & que les œufs de fourmis
de pré leur font plus néceflaixes.
Lorfqu'elles ont atteint fîx femaines ,
& que leur tête eft entièrement couverte
de plumes, il efl dangereux de les tenir
enfermées dans la faifandcrie. Ce gibier ,
naturellement fauvage , devient fujet alors
à une maladie contagieufe , qu'on ne pré-
vient qu'en le laiffant libre dans la campa-
gne. Cette maladie s'annonce par une en-
flure confidérable à la tête & aux pies •
& elle efl accompagnée d'une foif qui hâte
la mort , quand on la fatisfait.
A l'égard des perdrix grifes, elles de-
mandent beaucoup moins de fo.n & d'at-
tention dans le choix de la nourriture :
on les élevé trés-fûrement par la méthode
que nous avons donnée pour les faifans ;
mais on peut en élever aufîi fans œufs de
fourmis , avec de la mie de pain , des œufs
durs , du chénevi écrafé , & la nourriture
que l'on donne ordinairement aux pou-
lets. Il eft rare qu'elles foient fujettes à des
maladies , ou ce ne feroit que pour avoir
trop mangé, & cela eft aifé à prévenir.
L'objet de l'éducation domeftique du
gibier étant d'en peupler la campagne , il
faut, lorfqu'il eft élevé, le répandre dans
les lieux où l'on veut le fixer. Nous dirons
dans un autre article, comment ces heux
doivent être difpofés pour chaque efpece ,
& ce que l'art peut à cet égard ajouter
à la nature. Voye\ GiBIER.
On peut donner la liberté aux faifans
lorfqu'ils ont deux m.ois & demi ; & on
doit la donner aux perdrix , fur-tout aux
rouges , lorfqu'elles ont atteint fîx femai-
nes. Pour les fixer on tranfporte avec eux
leur caiffe , & la poule qui les a élevés,
La nécefTité ne leur ayant pas appris les
moyens de fe procurer de la nourriture,
il faut encore leur en porter pendant quel-
que temps : chaque jour on leur en donne
8o(î FAI
un peu moins , chaque jour aufïï ils s'ac-
coutument à en chercher eux-mêmes.
Infenfiblement ils perdent de leur fami-
liarité, mais fans jamais perdre la me'moire
du lieu où ils ont été dépofcs & nourris.
On les abandonne enfin , lorfqu'on voit
qu'ils n'ont plus befoin de fecours.
Nous ne devons pas finir cet article
fans avertir qu'on tenteroit inutilement
d'avoir des œufs de perdrix, fur-tout des
rouges, en nourriffant des paires dans des
parquets ; elles ne pondent point , ou du
moins pondent très-peu lorfqu'elles font
enfermées : on ne peut en élever qu'en fai-
fant ramaHbr des œufs dans la campagne.
On donne à une poule vingt-quatre de ces
CEufs , & elle les couve deux jours de moins
que ceux de faifan. Pour ceux-ci on doit re-
nouveler les poules des parquets , lorf-
qu'elles ont quatre ans ; à cet âge elles com-
mencent à pondre beaucoup moins , & les
ccufs en font fouvent clairs. La durée
ordinaire de la vie d'un faifan eft de fix à
fept ans ; celle d'une perdrix paroît être
moins longue à peu près d'une année. Cet
article ejl de M. LE Roi , lieutenant des
chajfes du parc de Ver/ailles.
FAISCEAUX, f m. pi. {mft. rom.) Les
faifceaux étoient compofés de branches
d'ormes, au milieu defquelles il y avoir
une hache dont le fer fortoit par en haut ;
le tout attaché & lié enfemble. Plutarque ,
dans fes probUmes , donne des raifons de
cet arrangement , que je ne crois pas né-
cefTairc de tranfcrire.
Florus , Silius Italiens & la plupart des
liiiîoriens nous apprennent que c'elt le
vieux Tarquin qui apporta le premier , de
Tofcane à Rome,l'ufage desjliif:caux,:ivcc
celui des anneaux, des chaifes d'ivoire,
des habits de pourpre , & femblables fym-
bolcs de la grandeur de l'empire. Quelques
autres écrivains prétendent néanmoins que
Romulus fut l'auteur de cette infiitution,
qu'il l'cm.prunta des Etruricns ; & que le
nombre de douze faifc eaux qu'il failbit por-
ter devant lui , répondoit au nombre des
oifeaux qui lui prognoftiquercnt fon
règne; ou des douze peuples d'Etrurie
qui , en le créant roi , lui donnèrent
cliacun un officier pour lui fervir de portc-
faijceaux
F A T
Quoi qu'il en'foit, cet ufage fub/ifîa non
feulement fous les rois , mais aufll fous les
confuls & fous les premiers empereurs.
Horace appelle les faifceaux/up^r^oj, parce
qu'ils étoient les marques de la fouverainô
dignité. Les confuls fe les arrogèrent après
l'expulfiion des rois ; de là vient que fumere
fafces , prendre les faifceaux , & ponerc
fafces f quitter les faifceaux , font les pro-
pres termes dont on fe fervoit quand on
étoit reçu dans la charge de conful, ou
quand on en fortoit. Il y avoit vingt-quatre
fafceaux portés par autant d'huiflîcrs
devant les dictateurs, & douze devant les
confuls : les préteurs des provinces & les
proconfuls en avoient fix , & les prêteurs de
ville deux; mais les décemvirs,peu de temps
après être entrés en exercice , prirent cha-
cun douze/a/yc-fjzi/.T & douze lideurs , avec
un fafle & un orgueil infupportable. Voye\
DÉCEMVIR.
Ceux qui porîoient ces faifceaux , étoient
les exécuteurs de la juftice ; parce que ,
fuivant les anciennes loix de Rome, les
coupables étoient battus de verges avant
que d'avoir la tète tranchée, lorfqu'ils mé-
ritoient la mort : de là vient encore cette
formule:/, liclor, expedi J7>^t75. Quand les
magifirats , qui de droits étoient précédés
par des lideiu-s portant les faifceaux y vou-
loient marquer de la déférence pour le
peuple, ils renvoyoient leurs liâeurs,ou f;;i-
foicnt baifier devant lui leurs faifceaux ;
ce qu'on appeloit fafces fukmittere. C'cfl
ainfi qu'en ufa Publius Valérius après être
reflé feul dans le confulat ; il ordonna ,
pendant qu'il jouifToit de toute l'autorité,
qu'on féparât les haches des faifceaux que
les iideurs portoient devant les confuls,
pour faire entendre que ces magiftrats
n'avoient point le droit de glaive , fym-
bole de la fouveraine puifl'ance ; & dans
une afTcmblée publique, la multitude appcr-
çut avec plaifir qu'il avoit fait baifler les
faifceaux de fes liéleurs , comme un hom-
mage tacite qu'il rcndoit à la fouveraineti
du peuple romain : Fafces , dit Titc-
Live, majeftati populi romani fubmif t. Cej
fut cette fage conduite , que fes fucceffeurs \
ne fuivirent pas toujours , qui fit donnera
ce grand homme le nom de Fublicola ; mais
ce fut moins pour mériter ce çicre glorieux
F A I
que ponr attacher plus étroitement îe peu-
ple à la défer.fe de la liberté , qu'il relâcha
<àe fon autorité. Nous liions dans Pline ,
/. VU, que lorfque Pompée entra dans la
maifon de Pofidonius , fa/ces litterarum
jannœ fubmijit , pour faire honneur au phi-
Jofophe , aux talens & aux fciences.
Ces généralités qu'on trouve par-tout ,
peuvent ici fuffire ; i'oye\-en les preuves
ou de plus grands détails dans Tite-Live
Denys d'HalicarnafTe , Uh. III , ch- Ixxxjv ;
Florus , In'. I , c. 5 ,* Sicilius Italiens, llv.
VIII y V. 486 i Plutarqiie, Cenforin , de
die nat. Rofin , antiq. rom. lib. VII , cap.
iij , & xjx , Rhodiginus , Ub XII , cap vij ,•
Godwin , anthol. rom. lih. III, c. ij;fcc}. %.
Charles Pafchal , de coronis ; Middleton ,
cf roman fenate , 6cc. Article de M. le che-
i'olierDE Jaucourt.
Faisceaux d'Armes ; c'eft dans l'an
militaire , un nombre de fufils dreflcs la
croHe en bas & le bout en haut , rangés
en rond autour d'un piquet principal , fur
lequel font des traverfes pour arrêter le
bout du tùfil. On les garantit de la pluie
en les couvrant d'un manteau d'armes.
Voyei Manteau d'armes.
Lorfque l'infanterie eft campée , chaque
compagnie a [onfaifceau d'armes. Ces faif-
ceaux y doivent être dans le même aligne-
ment , & à dix pas de trois pies , c'eft-à-
dire , à cinq toifes en avant du front de
bandiere. Voyei Front DE BandIERE.
Faisceau optique, {Optique.) affem-
blage d'une infinité de rayons de lumière
qui partent de chaque point d'un objet
éclairé , & s'étendent en tout fens. Alors
ceux d'entre ces rayons qui tombent fur la
portion de la cornée qui répond à la
prunelle , feront un cône dont la pointe
eft dans l'objet , & la bafe fur la cornée;
ainfi autant de points dans l'objet éclairé ,
autant de cônes de rayons réfléchis ; or
c'eft l'alfemblage des différens faifceaux
optiques de rayons de lumière , qui peint
l'image des objets renverfés dans le fond
de l'œil. Voy. Rayon , Vision , &<;. Ar-
ticle de M. le chei'alier DE JauCOURT.
Faisceau , (Pharmacie.) eft un terme
dont on fe fert pour e^nrimer une certaine
quantité d'herbes.
FAI 807
Par faifceau on entend autant d'herbes
qu'un homme peut en porter fur fon dos,
depuis les épaules jufqu'au fommet des
hanches ; d'autres le prennent pour ce
qu'il en peut ferrer fous un bras. Au lieu
àe faifceau les médecins écrivent par abré-
viation , fafc.
On ne détermine que très-rarement la.
quantité des plantes par cette mefure , qui
eft fort peu exade , comme on voit. (A)
^ Faisceaux , {.Jardinage.) font compo-
fés de plufieurs canaux en forme de réfeaux,
fervant à porter lefuc nourricier dans toutes
les parties de l'arbre. {K)
* FAISEUR , ou celai qui fait {i'oyei[
Fait) , f. m. Gramm. Dans notre langue
on ajoute après ce fubftantif la forte d'ou-
vrage , lorfqu'on ne peut défîgner par un
fcul mot l'ouvrage & l'ouvrier , ou lorf-
qu'on afFede de les féparer par mépris :
dans le premier cas on en dit un faifeur
d'inftrumens de mufique, un faifeur d'inC-
trumens de mathématiques , un faifeur de
métier à bas , un faifeur de bas au métier ,
£'<:. &: dans le fécond , un faifeur de vers ,
un/d/yf^/r de phiafes, ùc. C'eft ainfi que
l'incapacicé ou l'envie réuflit à donner un
air méchanique à la poéfie & à l'art ora-
toire , & à avilir aux yeux des imbécilles ,
l'homme de génie qui s'en occupe.
FAISSESjf m. ^\. en terme de Vannier;
c'eft un cordon de plufieurs brins d'ofier
que l'on fait de d.ftance en diftance dans
les ouvrages pleins ou à jour , pour leur
donner plus de force.
FAISSER , verb. aâ. en terme de Van-
nerie ; c'eft faire un petit cordon d'un
ou plufieurs brins d'ofier dans un ouvrage
à jour.
FAISSERIE, fubft. f. en terme de Van-
nier ; c'eft le nom de la vannerie propre-
ment dite : elle s'étend à tous les ouvra-
ges à jour qui fe font de toutes fortes
d'ofier.
* FAIT, r m. Voilà un de ces termes qu'il
eft difficile de définir : dire qu'il s'emploie
dans toutes les circonftances connues où une
chofe en général a paflé de l'état de poifibi-
lité à l'état d'exiftence , ce n'eftpas ferendre
plus clair.
On peut diftribuer les faits en trois claf-
fes ; les aâes de ia divinité , les phénomènes
SoS FAI
de la nature, & les aftions des hommes.
Les premiers appartiennent à la théologie ,
les féconds à la philofophie , & les autres à
l'hiftoire proprement dite. Tous font éga-
lement fujets à la critique. Voyei fur les
actes de la divinité' , les articles CERTI-
TUDE &MlRACLE ; fur les phénomènes
de la nature, les articles PHÉNOMÈNE,
Observation , Expérimental &
Physique ; & fur les actions des hommes,
les articles HISTOIRE, CRITIQUE , ERU-
DITION , &c.
On confidereroit encore les faiis fous
deux points de vue très-généraux : ou les
faits font naturels , ou ils font furnatu-
rels ; ou nous en avons été les témoins ocu-
laires , ou ils nous ont été tranfmis par la
tradition , par l'hiftoire & tous fes monu-
mens.
LorÇquunfait s'eft pafTé fous nos yeux ,
& que nous avons pris toutes les précau-
tions pofTibles pour ne pas nous tromper
nous-mêmes, & pour n'être point trompés
parles autres, nous avons toute la certitude
que la nature du fait peut comporter. Mais
cette perfuaiïon a fa latitude ; fcs degrés &
fa force correfpondent à toute la variété
des circonftances du /j/f , & des qualités
perfonnelles du témoin oculaire. La certi-
tude alors fort grande en elle-même , l'cft
cependant d'autant plus que l'homme e(î
plus crédule , & le fait plus fimplc & plus
ordinaire ; ou d'autant moins que l'homme
efrpluscirconfpeâ , &le/a-:fplus extraor-
dinaire & plus compliqué. En un mot qu'eft-
ce qui difpofe les hommes à croire , fmon
leur organifation & leurs lumières. D'où
tireront-ils la certitude d'avoir pris toutes
lesprécautions néccfiaires contreeux-mêmes
& contre les autres , Ti ce n'efl de la nature
du fait ?
Les précautions à prendi-e contre les
autres , font infinies en nombre, comme les
faits dont nous avons à juger: celles qui
nous concernent perfonncllement, fe rédui-
fentà fe méfier de fes lumières raturelles&
acqui'l's , de fcs pallions , de le.'i préjugés
& de fes fens.
Si le fait npus eft tranfmis par l'hiftoire
ou par la tradition , nous n'avo-.s qu'une
X'egle pour en juger; l'application peut en
être difficile 3 mais la règle ell fûrc ; l'ex-
FAI
périence des fiecles partes , & la nôtre. S'en
tenir à fon coup-d'œil , ce feroit s'expofer
fouvcnt à l'erreur ; car combien défaits qui
font vrais, quoique nousfoyons nattirelle-
ment difpofés à les regarder comme fbux ?
& combien d'autres qui font faux , quoiou'à
ne confulter que le cours ordinaire des évc-
neniens , nous ayons le penchant le plus fore
à les prendre pour vrais ?
Pour éviter l'erreur , nous nous repré-
fenterons l'hifloire de tous les temps & la
tradition chez tous les peuples , fous l'em-
blème de vieillards qui ont été exceptés de
la loi générale qui a borné notre vie à un.
petit nombre d'années, & que nous allons
interroger fur des tranfa^Hons dont nous
ne pouvons connoître la vérité que par
eux. Quelque refped que nous ayons pour
leurs récits , nous nous garderons bien
d'oublier que ces vieillards font des hom-
mes ; & que nous ne faurons jamais de
leurs lumières & de leur véracité , que ce
que d'autres hommes nous en diront ou
nous en ont dit, & ce que nous en éprou-
verons nous-mêmes. Nous rafiemblerons
fcrupuleufement tout ce qui dépofera pour
ou contre leur témoignage ; nous exami-
nerons lesyà/w avec impartialité , & dans
toute la variété de leurs circonftances ; &
nous chercherons dans le plus grand cfpace
que nous puifTions embrafiër fur la terre
que les hommes ont habitée , & dans toute
la durée qui nous eft connue , combien il
eft arrivé de fois que nos vieillards inter-
rogés en des cas femblables , ont dit la
vérité ; & combien de fois il efl arrivé qu'ils
ont menti. Ce rapport fera l'exprelTion de
notre certitude ou de notre incertitude.
Ce principe eft incontellable. Nous arri-
vons dans ce monde, nous y trouvons
des témoins oculaires , des écrits & des
monumens ; mais qu'efl-cc qui nous ap-
prend la valeur de ces témoignages , flnon
notre propre expérience ?
D'où il s'enfuit que puifqu'il n'y a pas
deux hommes fur la terre qui fe reflem-
blent , foit par l'organilation , foit par les
lumières, foit par l'expérience, il n'y a pas
deux hommes fur lefquels ces fymboles
faffent exadement la m.ême imprelTion ;
qu'il y a même des individus entre lefquels
la différence eli infime ; les uas nient c©
que
FAI
que d'aitoes croient prefciue aufïï fer-
mement que leur propre exilîence ; entre
ces derniers il y en a qui admettent fous
certaines dénominations , ce qu'ils rejet-
tent opiniâtrement fous d'autres noms ;
& dans tous ces jugemens contradiâoires ,
ce n'ell point la diverlité des preuves qui
fait toute la difFJrcnce des opinions , les
preuves &: les objedions e'tant les mêmes,
à de très-petites circonftances près.
Une autre confcquence qui n'eft pas
moins importante que la précédente , c'efl
qu'il y a des ordres de _/inV5 dont la vrai-
iemblance va toujoui-s en diminuant , &
d'autres ordres défaits dont la vraifem-
blance va toujours en augmentant. Il y
avoit , quand nous commençâmes à inter-
roger les vieillards , cent mille à prJfumer
contre un qu'ils nous en impofoient en cer-
taines circonftances , & nous difoient la vé-
rité en d'autres. Par les expériences que
nous avons faices , nous avons trouvé que
le rapport varioit d'une manière de plus en
plus défavorable à leur témoignage dans le
firemier cas , & de plus en plus favorable à
eur témoignage dans le fécond ; fit en exa-
minant la nature des chofes , nous ne voyons
rien dans l'avenir qui doive renverfer les
expériences , enforte que celles de nos
neveux atteftent le contraire des nôtres :
ainfi il y aura des points fur lelquels nos
vieillards radoteront plus que jamais , &
d'autres fur lefquels ils conferveront tout
leur jugement j & ces points feront toujours
les mêmes.
Nous connoifTons donc fur quelques
faits , tout ce que notre raifon &: notre
condition peuvent nous permettre de
fàvoir ; & nous devons dès aujourd'hui
rejeter ces faits comme des menfonges ,
ou les admettre comme des vérités , même
au péril de notre vie , lorfqu'ils feront
d'un ordre afTez relevé pour mériter ce
facrifice.
Mais qui nous apprendra à difcerner
ces fublimes vérités pour lefquelles il eu
heureux de mouiir ? La foi. Voye^ l'article
Foi.
Fait , ( Jurifpmd. ) Ce terme a dans
cette matière plufieurs fignifications ditFé-
reiires , que l'on va expliquer dans les ar-
ticlci fiuvans.
T^me XIIL
FAI Po'?
De fait efl oppofé à de droit ; par exem-
ple , être en pofleifion de fait , c'eft avoir
la fimple détention de quelque chofe ; au
lieu qu être en pofreffion de droit , c'efl
avoir l'efprit de propriété ; être en pof-
felS^n défait & de droit , c'eft joindre à
l'efprit de propriété la poffefFion réelle &
corporelle.
Il y a des excommunications qui font
encourues par le feul fait , ipfofaclo. Voyez
ci-devant Excommunication. {A)
Faits d\in acle : on entend par-là les ob-
jets d'une convention. On évalue à une
certaine fomme les fans d un aâe , c'eft-à-
dire , les objets qui n'ont pas par eux-
mêmes de valeur déterminée ;, comme une
fervitude , ou autre droit réel ou perfonnel*
Cette évaluation a pour but de fervir à
fixer les droits d'infinuation & centième
denier. (A)
Faits et Articles , appelés dans les
anciens regiflres du parlement , articuli ,
iont des faits pofés par écrit , & dont une
partie fe foumet de faire preuve , ou fur
lefquels elle entend faire interroger fa par-
tie adverfe, pour fe procurer par ce moyen
quelques éciaircifTemens fur les faits dont
d s'agit. Voyez Enquête , Interrogatoire
fur Faits & Articles , & Preuve tejlimo-
niale. {A)
Fait articulé , eft celui qu'une de»
parties conteftantes , ou fon défenfeur ,
pofe fpécialement , foit en plaidant , foie
dans des écritures. C'eft un fait fur lequel
on iniifte comme étant décifif , & que l'on
aiticule , c'elt-à-dire , dont on forme ua
article que l'on met en avant , &c dont on
fe foumet à faire la preuve , foit que cette
preuve foit exprefll'ment offerte , ou que
l'on s'y foumette tacitement en articulanc
le fait. Voyez Articuler. {A)
Fait avéré , eft celui dont la vérité
eft prouvée & reconnue , foit pai titres ,
ou par témoins , ou par la déclaration , ou
le lilence de la partie intéreftl'c : lorfque
l'on interpelle quel ju'un de répondre ou
s'expliquer fur des faits , & qu'il reiufe de
le faire , on demande que les faits foient
tenus pour confeftés & avérés. yoye\ le ti-
tre de l'ordonnance de iS'Sy , article 4. (.4)
Fait d'autrUI , eft tout ce qui fe fait,
dit , ou écrit par quelqu'un , relativement
Kkkkk
fio F A I^
à une autre perfonne : c'eft ce que l'on
appelle communément en droit , res inter
allas aclj.. 11 eft de maxime que \q fj.it i' au-
trui ne préjudicie point à un autre. L. £.
§.Jf. lib. XXXIX, tit. ;. Cette règle reçoit
néanmoins quelques exceptions ; fav»ir
lorfque celui qui a agi pour autrui , avoit
le pouvoir de le faire , comme un tuteur
pour fon mineur ; un affocié qui agit tant
pour lui que pour fon afTocié. (-^)
Fait d'une Caufe , Mémoire , Pièce
iTEcriture ou cTu/i Procès , c'eft l'expo-
lition de l'efpece & des cir confiances qui
donnent lieu à la conteftation dans les
plaidoyers , mémoires & écritures. Le fuit
ou récit du fait , fuit immédiatement
Texorde , & précède les moyens. (A)
Fait & Caufe , fe prend pour le droit
& intérêt de quelqu'un. Prendre fait &
caufe pour quelqu'un , ou prendre ihnfiit
& caufe , c'eft intervenir en julhce pour le
garantir de févénement d'une contefia-
tion , & même le tirer hors de caufe. En
garantie formelle , les garans peuvent
prendre le fait & caufe du garanti , lequel,
en ce cas , eft mis hors de caufe , s'il le
requiert avant conteftation : mais en ga-
lahvis fimpie , les garans ne peuvent pren-
dre le fait Ù caufe , mais feulement interve-
nir fi bon leur femble. Voye\ le titre viij
Je C ordonnance de l66j , article^ i^ îz, &
Garantie formelle , & Garantie Jimple.
{A)
Fait de Charge y eft une malverfation
©u une omil'Iion frauduleufe , commife
par un officier public dans l'exercice de
les fonfticns ; ou une dette par lui con-
trat: ée pour dépjt néceflaire fait en fei
mains à caufe de fon office ; ou enfin quel-
qu'autre /iz//r, où il a excédé fon pouvoir ,
& pour lequel il eft défavoué valablement.
La réparation du dommage réfultant
d'un fait de charge , eft tellement privi-
légiée fur l'office , qu'elle eft préférée à
toute autre créance hypothicaire^antérieure
& privilégiée , même à ceux qui ont prêté
leur argent pour l'acquifition de l'oiiice ;
ce qui a été ainfi introduit à caufe de
la foi publique , qui veut que la charge
réponde fpécialcmcnt des fautes de celui
§m eu eit revccu envers ceux qui ont
FAI
contra£lé néceftairement avec lui à caufe
de ladite ciiarge.
J^oyei Loyfeau , des offices , liv. I, ch.
il' , /z. 55 , à'ff ; 8c lii'. in , ch. viij , n.
45. Bouguier, lettre H. />. zSg. Bafnage ,
tr. des hypotJieq. p. 355 , in fine ; journal
des audiences , tom. ÎV , p. -jxo , & fuir,
jufques & compris 743 ,* & journal du pa.-'
lais, tome I , p. lag. {A)
Faits confeffés & ave i es , font ceux qui
font reconnus par la partie qui fe voit in-
téreflee à les nier. Ils font tenus pour
confeffés & avérés , lorfque la partie
refufe de s'expliquer , & qu'il intervient
en conféquence un jugement qui les dé-
clare tels. Voyez ci-devant Faits avérés.
(^)
Fait controuvé , eft celui qui eft fup-
pofé & à deffein par celui qui en veut
tirer avantage. i^A^
Fait étrange , dans les coutumes de
Lodunois & de Touraine y eft lorfque
le parageau vend ou aliène autrement que
par donation , en faveur de mariage ou
avancement de droit fucceftit fait à fon hé-
ritier , la chofe à lui garantie , auquel
cas feulement eft dû rachat. C'cft ainfi que
l'explique \ article i^6 de la coutume de
Touraine. Voye\ aulfi Lodunois , ch. xiv^
an. 14. {A)
Fait fort , c'étoit le prix de la ferme
des monnoies , que le maître devoir don-
ner au roi y foit qu'il eût ouvré ou non.
Voyelles annotations deGelée , correficur
des comptes, & le glojaue de Lauriere.
Faits gui gifent en preuve vocale eu
littérale , font ceux qui font de nature î
être prouvés par témoins , ou par écrit ;
à la différence de certains faits , dont h»
preuve eft impoïïibie , ou n'eft pcs rece-
vable. y^oye^ le tit. xx de l'ordonnance de
l G6-J y intitulé des faits qui gifent enprein e
vocale ou littérale. {A)
Fait grand & petit : on diftinguoit
autrelois dans quelques pays , en matière
d'excès commis refpci^livcment , le faii
qui étoit le plus grand , & l'on tenoit pour
maxime que le fait le plus grand empor-
toit toujours le petit ; ce qui eft aboli
, par le ^le des coiurs & jufticcs féculiercs
FAI
t!u pays de Liège, au chapùre xv , art. 7.
Faits impertlnens , font ceux qiice non
pertinent ad rem , c'efl-à-dire , qui font
étrangers à l'affaire , qui font indifferens
pour la décifion ; on ajoute ordinairement
qu'ils font inadmifTibles , pour dire que la
preuve ne peut en être ordonnt-e ni reçue,
ils font oppofés aux faits pertinens , qui
reviennent bien à l'objet de la contefta-
rion. {A)
Fait inadmijfihle , eft celui dont la
preuve ne peut être ordonnée ni reçue ,
îbit parce que le fait n'eft pas pertinent ,
ou parce qu'il eft de telle nature que la
preuve n'en eft pas recevable. {A)
Faits juflijicatifs , font ceux qui peu-
vent fervir à prouver l'innocence d'un
accufé ; par exemple , lorfqu'un homme
accufc d'en avoir tué un autre dans un bois ,
offre de prouver que ce jour-là il etoit ma-
lade au lit , & qu'il n'eft point forti de fa
chambre ; ce que l'on appelle un alibi.
L'ordonnance de 1670 contient un titre
exprès fur cette matière : c'eft- le vingt-
huitième.
Il eft défendu à tous juges , même aux
coiurs fouveraines , d'ordonner la preuve
d'aucuns faits juflijicatifs , ni d'entendre
aucuns témoins pour y parvenir , qu'après
la vifite du procès ; en quoi l'ordoiuiance
a réformé la jurifprudence de quelques
tribunaux, tels que le parlement de Bre-
tagne , où l'on commençoit toujours par
la preuve des faits juflijicatifs de l'ac-
cufé : ce qui étoit contre l'ordre natu-
rel , puifqu'il faut que le délit foit conf-
taté avant d'admettre l'accufé à fa juftifi-
cation.
C'eft par une fuite de ce principe , que
l'accufé n'eft pas recevable avant la vifite
du procès , à fe rendre accufateur contre
un témoin , dans le deffein de fe préparer
wnfaitjujlificatif. Voy. Boniface , tome V,
lit-'. III , tit. j , ch. xxiij.
L'accufé n'eft reçu à faire preuve d'au-
tres/a/w juflificatifs , que de ceux qui ont
été choifis par les juges , du nombre de
^eux que l'accufé a articulés dans les inter-
rogatoires & confrontations.
hes faits juflificatifs doivent être inférés
dans le même jugement qui en ordonne la
F A I Six
preuve. Ce jugement doit être prononcé
inceffamment à l'accufé par le juge , £i au
plus tard dans les vingt-quatre heures ; &
l'accufé doit être interpellé de nommer les
témoins , par lefquels il entend juftifier ces
faits ,• & faute de les nommer fur le champ ,
il n'y eft plus reçu dans la fuite.
Lorfque l'accufé a une fois nommé les
tém,oins , il ne peut plus en nommer d'au-
tres ; & il ne doit point être élargi penr
dant rinflrudion de la preuve des faits
juflificatifs.
Les témoins qu'il adminiftre font affignés
à la requête du miniftere public de la jurif-
didion où l'on inftruit le procès , & fon^
ouis d'office par le juge.
L'accufé eft tenu de configner au greffe
la fomme ordonnée par le juge , peur four-
nir gux frais de la preuve des faits juflifica'
tifs , s'il peut le faire ; autrement les trais
doivent être avancés par la part.e civile s'il
y en a , finon par le roi , ou par le feigneur
engagifte ; ou par le feigneur liaut-jufticier,
chacun à leur égard. ^
L'enquête achevée , on la communique
au miniftere public , pour donner des con-
clufions , & à la partie civile s'il y en a ;
& ladite enquête eft jointe au procès.
Enfin les parties peuvent donner leuis
requêtes , & y ajouter telles pièces que bon
leur fembîe fur le fait de l'enquête. Ces
requêtes & pièces fe fignifient refpeflive-
ment , & on en donne fans que pour rai-
fon de ce il foit néceftaire de prendre au-
cun règlement , ni de taire une plus ample
inftru^ion. Voy e^ Paipon , lii\ XXIV' ,
tit. v , n. tz. Bouvot , tome II , verbo
monitoire , quefl. 6 ^ iz. BatTet , tom. /,
liv. II , tit. xiij , ch. iij. Bonitàce , tom.
II , part. III , liv. j , tit. j , ch. ix. Pi-
nault, tome j , arrêt î£o. {A)
Fait négatif, eft celui qui confîfte dans
la dénégation d'un autre ; par exemple ,
lorfqu'un homme foutient qu'il n'a pas dit
telle chofe , qu'il n'a pas été à tel endroit.
On ne peut obliger perfonne à la preuve
d'un Jait purement négatif, cette preuve
étant abfolument impoffible : per rerum na-
turam negantis nulla probatio efl. Cod. liv.
IV , <it. xix f lii'. z^.
Mais lorfque \efait négatif renferme ua
fait affirmatif, on peut faire la preuve de
Kklckkkz
8i2 FAI
celui-ci , "qui fournit une efpece de preuve
du premier ; par exemple , fi une perfonne
que l'on prétend être venue à Paris un tel
jour;, foutient qu'elle e'toit ce jour-là à cent
]ieucs de Paris , la preuve de Valibi eft
admiflible. Voye\laloi i^ , cod. decontrah.
& commit, fiipul. {A)
Faits noia'eaux , font ceux qui n'a-
voient point encore été articulés , & dont
on demande à faire preuve depuis un pre-
mier jugement qui a ordonné une enquête
Autrefois il falloir obtenir des lettres en
chancellerie pour être reçu à artlcukr/à/w
nouveaux ; mais cette forme a été abrogée
■ç3iV V article z6 ^ du tit xj de l'ordonnance
de 1667, qui ordonne que les_/à/«/zoz/j'fawa:
feront pofés par une fimple requête. {A)
Fait du prince , fignifie un change-
ment qui émane de l'autorité du fouverain;
comme lorlqu'il révoque les aliénations ou
engagemens du domaine , ou qu'il de-
mande aux poffeiTeurs quelque droit de
confirmation ; lorfqu'il ordonne que l'on
prendra quelque maifon ou héritage , foit
pour fervir aux fortifications d'une ville ^
ou pour former quelque rue , place , che-
min, ou édifice public; lorfqu'il augmente
ou diminue le prix des monnoies & des
matières d'or & d'argent ; lorfqu'il réduit
le taux des rentes & intérêts ; lorfqu'il
ordonne le rembourfement des rentes conf-
tituées fur lui , & autres événemens fem-
blables.
hefait du prince eft confidéré à l'égard
des particuliers , comme un cas fortuit &
une force majeure que perfonne ne peut
prévoir ni empêcher ; c'eft pourquoi per-
fonne aufli n'en eft garant de droit ; la
garantie n'en eft due que quand elle eft
expreftement ftipulée. Voyez Force ma-
jeure & garantie. (A)
Fait propre des ojficiers gui ont fe'ance
01» voix délibe'rative dans les cours , ou des
avocats & procureurs génc'raux , eft lorf-
qu'un de ces officiers s'eft en quelque forte
rendu partie dans une caufe , inftance ou
procès , en foHicitant en perfonne les juges
de la compagnie à laquelle il eft attaché, &
qu'il a confiilté (k fourni aux frais de l'aflaire.
11 faut le concours de ces trois circonftan-
ces , pour que l'oflicier foit réputé avoir fait
fon Jait propre j & au cas que le fait foit
FAI
prouvé , on peut évoquer du chef de cet
officier , comme s'il étoit véritablement
partie. Koyf :j l'ordonnance des évocations ,
art. 68Ù fiiiv. 6c ce qui a cté dit ci-devanc
au mot Evocation. [A]
Fait , ( qucflion de ) eft celle dont la
décifion fe tire des circonftances particu-
lières de l'affaire , & non d'un point de
droit. Voyez Queftion. {A)
Faits de reproches , font les caufes pour
lefquelles un témoin peut être récufé
comme fufpeft. {A)
Faits fccrets , font ceux que l'on ne
fignifie point à la partie qui doit fubir in-
terrogatoire fur faits & articles , mais que
l'on donne en particulier & féparément au
juge ou commiffaire qui fait l'interroga-
toire , pour être par lui propofés comme
d'office , afin que la partie n'ait pas le
temps d'étudier fes réponfes ; comme cela
paroît autorifé par Vaitide 7 , du tit. x
de l'ordonnance de 1667. {A)
Fait vague , eft celui qui ne fpécifie
aucune circonftance précife ; par exemple ,
fi celui qui articule le fait fe contente de
dire qu'un tel lui a fait du tort , fans dire
en quoi on lui a fait tort , &: fans expliquer
la qualité & la valeur du dommage. Voyez
Fait circonftancié. [A)
Fait , ( voie de ) c'eft lorfqu'un parti-
culier tait de fon autorité privée quelque
entreprife lar autrui , foit pour fe mettre
en pofTeffion d'un héritage , foit pour
abattre des arbres , exploiter des grains ,
ou lorfque prétendant fe faire juftice à lui-
même , il commet quelque excès en la
perfonne d'autrui. Les voies de fait font
toutes défendues. \'oyez Voies de fait.
Fait, en terme de commerce , fignifie ce
qui eft confommé , dont on eil convenu.
On dit en ce fens , un prix fait , un compte
fait , un marche fait , pour dire un pnx
fixe , un compte arrête', un marche' conclu.
On appelle auftl prix fait , un prix cer-
tain qu'on ne veut ni augmenter , ni dimi-
nuer. Die}, de Comm. de Tre'v. & Ch. [G)
Fait des Marchands , ( Commerce. )
qu'on nomme autrement droit de h>ite , eft
un droit qui fe levé fur les bateaux qui
navigent fur la rivière de Loire , pour l'en-
tretien des chemins & chaufltcs , & poux
F A I
h ''ûreté de la navigation. Voye^ DROIT
6" Compagnie. Di3.deComm.& Chamb.
(G)
Fait , ( Minne ) Ventfj.it fe dit lorfque
le vent a foufflé également pendant quel-
que temps d'un même côte, & que l'on
croit qu'il s'y maintiendra. (Z^
FAITAGE , f. m. {Chirp.) eft une pièce
de bois qui va d'une ferme à une autre
ferme , & fert à porter le bout des che-
vrons par le haut.
Faîtage ou Fêtage , ( Jurifprud.)
fejhiglum , eft un droit qui fe paie annuel-
lement au feigneur par chaque propriétaire
pour le taîte de fa maifon , c'eft-à-dire ,
pour la faculté qui lui a été accoi'dée d'avoir
fait élever une maifon dans le lieu. Il en
eft parlé dans les coutumes de Berri , tit.
l'j , an. 3 y Menefton fur Cher , art. tg ,
Dunois , art. s.G, 6" ay , & au procès
verbal delà coutume de Dourdan. Le roi,
au lieu de cens, levé en la ville de Vier-
fon un droit as faîtage , qui eft de cinq fous
pour chaque faîte de mailbn. Il en eft aufïï
parlé dans les preuves de la maifon de
Chatillon , Up. III, p. 41 , dans un titre de
l'an iiaé ; dans la confirmation des coutu-
mes de Loris , pour la ville de Sancerre , ac-
accordée par Louis II , comte de Sancerre ,
en 1317. Les comtes de Blois levoient un
pareil droit à Romorentin , fuivant une
charte de la comteiTe ifabelle, de l'an 1 240.
^oj\ \ la Thaumaffiere ;, fur la coutume de
Berri , tit. l'j , art. 5. {A)
Faîtage ou Droit de Faîtage ,
feflagium , fe prend auffi pour le droit qui
appartient en certains lieux aux habitans ,
de prendre dans les bois du feigneur une
pièce de bois pour fervir de comble ou
faîte à leur maifon. Voye^ Brillon , au mot
feflagium. Voye\ ci après FÊTAGE. (A)
Faite , voye?^ Fêtage
FAITIERE, i'oye:[ LuCARNE.
Faîtière, {Tuile, couireur.) c'eftainfi
qu'on appelle des tuiles cintrées dont on
fait le faîtage des combles : on les fcelle
en plâtre en forme de crête de coq. On s'en
fert aufïï fur les combles couverts en ardoi
fes, lorfqu'on ne veut pas faire la dépenfe
de faîtage de plomb.
Faîtière , en termes de potier de terre ,
c'eft la maciere applatie dans le moule
F A K 815
dont on fait le carreau. Voye^ Potiek
DE terre.
FAIX, i'oye:{ t article CHARGE.
Faix de POi«JT , {Marine) ce font des
planches épaiftes & étroites , qui font en-
taillées pour mettre fur les baux , dans la
longueur du vaifTeau depuis l'avant jurquà
l'arriére , de chaque côté , à peu près au
tiers de la largeur du bâtiment \ les barrots
y font au in entés pour affermir le pont
qui repofe defTus. Il y a auflî des faix de
pont qui viennent jufqu'à la largeur des
écoutilles , & qui fervent à les borner : ceuK
qui font pofés derrière les mâts , avancent
plus vers le milieu du vaifTeau que ceux
qui font le long des écoutilles. Leurs en-
tailles fous les baux doivent être de la
moitié de leur épaifTeur , & il doit y
avoir aufïï un pouce d'entaille dans le defTus
de bau pour les y loger & les entretenir
enfemble.
On donne fouvent aux faix de pont , la
quart de l'épaifTeur de l'étrave , & de
largeur un quart plus que l'épaifTeur de
l'étrave. {Z)
FAKIR ou FAQUIR, f. m. {Hifi.
mod. ) efpece de dervis ou religieux ma-
hométan , qui court le pays & vit d'au-
mônes.
Le mot fakir eft arabe , & fignifie wi
pauvre ou une perfonne qui ejl dans l'in-
digence ; il vient du verbe fakara , qui
fignifie are pauvre.
M. d'Herbelot prétend que fakir & der-
viche font des termes fynonymes. Les Per-
fans & les Turcs appellent derviche un
p.iuvre en général , tant celui qui l'eft par
nécefïïté , que celui qui l'eft par choix &
par profefïïon. Les Arabes difent fakir
dans le même fens. De là vient que dans
quelques pays mahométans les religieux
font nommés derviches , & qu'il y en a
d'autres où on les nomme fakirs , comme
l'on fait particuHérement dans les états
du Mogol. Voyei DerVIS.
Les fakirs vont quelquefois feuls & quel-
quefois en troupe.Quand ils vont en troupe,
ils ont un chef ou fupérieur que Ton dif-
tingue par fon habit. Chaque fakir porte
un cor , dont il fonne quand il arrive en
quelque lieu & quand il en fort. Ils ont
, aufli une efpece de racloir ou truelle pour
Si4 V A K ^
racler la terre de l'endroit où ils s afTeient
& où ils fe couchent. Quand ils font
en bande , ils partagent les aumônes qu'ils
ont eues par c'gales parties , donnent tous
les foirs le refle auK pauvres, & ne réfervent
rien pour le lendemain.
Il y a une autre efpece de fakirs idolâtrev.
qui mènent le même genre de vie. M.
d'Herbelot rapporte qu'il y a dans les Indes
huit cents mWlefakirs mahométans, & douze
cents mille idolâtres, fans compter un grand
nombre d'autres/aA:à;y , dont la pe'nitence
& la mortification confident dans des
obfervances très-pénibies. Quelques-uns ,
par exemple , reftent jour & nuit pen-
dant plufieurs années dans des poftures ex-
trêmement gênantes. D'autres ne s'alTeient
ni fe couchent jamais pour dormir, &:
demeurent lufpendus à une corde placée
pour cet effet. D'autres s'enferment neuf
ou dix jours dans une folle ou puits , fans |
manger ni boire : les uns lèvent les bras
au ciel fi long-temps , qu'il ne peuvent
plus les baiffer lorfqu'ils le veulent ; les au-
tres fe brûlent les pies jufqu'aux os ; d'au-
tres fe roulent tout nuds fur les épines.
Tavernler^S^c. O mifcnis hominnm mantes!
On fe rappelle ici ce beau paffage de faint
Auguftin : Tantus efl pertubatce mentis S"
fedibus fuis pulfctfuror,ut/ic dii pLdCentar
quemadmodum ne homines quidem fvt-'iant.
Une autre efpece de fakirs , dans les
Indes, (ont de jeunes gens pauvres, qui,
pour devenir moulas ou dodeurs, & avoir
de quoi fubfifter , fe retirent dans les mof-
quées où ils vivent d'aumône, & paffent
le temps à l'étude de leur loi , à lire l'a!-
coran , à l'apprendre par cœur , & à ac-
quérir quelque connoiflance des chofes na-
turelles.
Les fikirs mahométans confervent quel-
que relie de pudeur ; mais les Idolâtres
vont tcnit nuds comme les anciens gym-
nofophiftes , & mènent une vie rrès-dé-
bordée. Le chef des premiers n'eft diftin-
gué de fes difciples, que par une robe '
F A L
compofée de plus de pièces de différentes
couleurs , & par une chaîne de fer de la lon-
gueur de deux aunes qu'il traîne attachée
à fa jambe. Dès qu'il cft arrivé en quel-
que lieu , il fait étendre quelques tapis à
terre , s'alîled defTas , & donne audience
à ceux qui veulent le confulter : le peu-
ple l'écoute comme un prophète , & fes
difciples ne manquent pas de le préconifer.
Il y a aufli des fakirs qui marchent avec
un étendart, des lances , & d'autres armes,
& fur-tout les nobles qui prennent le parti
de la retraite , abandonnent rarement ces
anciennes marques de leur premier état.
j^'Herbelot, biblioth. orient, & Chumbers.
(G)
FALACA , f f. {Hifi. mod.) baftonnade
que l'on donne aux chrétiens captifs dans
Alger. ï^efalaca efl: proprement une pièce
de bois d'environ cinq pies de long , trouée
ou entaillée en deux endroits , par où l'on
fait palTer les pies du patient , qui efl cou-
ché à terre fur le dos , & lié de cordes
par les bras. Deux hommes le frappent
avec un bâton ou un nerf de bœuf fous
la plaiite des pies, lui donnent quelquefois
jufqu'à vo ou loo coups de cenerfdc bœuf,
félon l'ordonnance du patron & du juge ,
<!k fouvent pour une faute très-légère. La
rigueur des chàrimens s'exerce dans tous
pays en raifon du defpotifine. Article de
M. le chei'alier DE Jaucourt.
*_FALACER, {Mythol) dieu des Ro-
mains , dont Varron ne nous a tranfmis que
le nom. La feule chofe que nous en fâ-
chions , c'efl qu'entre les fiamincs il y en
avoir un qui étoit furnommé Flamen Fait»-
cer , de ce dieu paffé de mode, (a)
FALAISE, f f. {Marine.) c'cfl ainfî
qu'on appelle les côtes de la mer qui fonC
élevées & efcarpées. ( Z )
Falaise , ( Ge'o;^. ) Falefia , ville de
France dans la baffe Normandie , fituée
fur le ruiffeau d' Ante , entre Caen & Seez^
& bâtie par les Normans , fuivant l'abb^
de Longucrue. Elle efl renommée dans Ig
{a) Turnebe croit que Falacer étoit le dieu qui préiidoit aux colonnes du Cirque, nommées
Fala , dont Juvéïial parle dans fa fixieme fatire. M. Chompré , dans fon diâionn. d( la Fable ,
dit que Fij/acfr étoit le dieu des pommiers y & il le dit d'après Alexander, ab Alexandro ;
jnais Tiraqueau dans fes notes fur Alex, ab Alex, & Giraldi dans fon traité des dieux , alTurent
qu'Alexandre a mal entendu Varron , fur lequel il s'appuie
F AL 815
falles du palais ; les petites marchandes leut
ofFrirent de tout félon l'ufage : il n'exifte
rien , dit l'un , que l'on ne trouve ici •
vous y trouverez même, re'pondit l'autre,
ce qui n'exifte pas : inventez un mot qui
ne foit qu'un fon fans idée , toutes ces
femmes y en attacheront une ; falbala (a)
fut le mot qui s'ofFrit, & des garnitures de
robes furent pre'lënte'es avec affurance fous
ce nom qui venoit d'être fait, & qu'elles
portèrent depuis. V. l'article Etymologie.
Les favans amateurs de l'antiquité fe-
roient remonter , s'ils pouvoient, l'origine
des falbalas jufqu'au de'luge ; c'eft bien
afTez pour l'honneur de cette mode , qu'elle
ait paffé des Perfes aux Romains : divers
légiflateurs ennemis du luxe l'ont , dit-on ,
condamnée ; mais les grâces & le goût ne
reçoivent de loix que de l'amour & du
plaifir.
Cette grande roue du monde qui ramené
tous les événemens , ramené aufTi toutes
les modes , & fait reparoître aujourd'hui
hs falbalas avec plus d'éclat que jamais ; les
plus riches étoffes en font ornées , les plus
communes en reçoivent du relief, & tou-
tes les femmes , les belles , les laides , les
coquettes & les prudes , ont des falbalas
jufque fur leurs jupons les plus intimes : les
dévotes même en portent fous le nom de
propreté recherchée : on renonce plus facile-
ment au plaifir d'aimer qu'au defir de plaire.
Falbala , en terme de Boutonnier , eft-
une ongueur de bouillon , attaché en demi-
cercle à côté de la zone fur le rofte , dans
les efpaces où le cerceau feul paroît.
FALCADE, f f. {Manegs.) aflion
provoquée par la fubtilité avec laquelle ,
dans une allure prompte & prefTée , le
cavalier retenant le devant & diligentant le
uernere , oblige ce même derrière à des
temps fi courts , fi fubits , & fi prés de
terre , que les Iianches coulent en quelque
façon enfemble , \^s pies qui terminent l'ex-
cremite poflérieurc parvenant jufqu'A la
Ii^ne de diredion du centre de gravité du
cheval.
Pvien n'efl plus capable d'en ruiner les
'^"^"^^ & 'es Jan-ets. Ces parties vivement
ia) M. Ménage préte.id que l'invention du mot falbda eft due à M. de Lanelée nimTj
fies camps >k armées du roi. -i-jugiet , mareciiai
F A L
pays par fon commerce ce ferges , de toi-
les , & par la foire de Guibray , l'un de les
fauxbourgs. Elle étoit déjà connue fous
Guillaume le Conquérant , & elle eft remar-
quable par la naifîance de ce prince , par
celle de Roch le Baillif , furnommé la
Rivière , médecin du roi , qui a publié les
antiquités delà Bretagne armorique , & en-
core par la naiftiince de Gui le Fevre fieur
de la Boderie , précepteur du duc d'Alen-
çon , frère d'Henri lïl , très-favant dans les
langues orientales. Zo/zg-. félon Caffini , îj,
25, a?,- Lu. 48, S} , x8. {D. J.)
FAL AISER, v. n. la mer falaife , terme
peu ufité , pour dire que la mer vient frap-
per & fe brifer contre une falaife ou une côte
efcarpee. [Z)
FALARIQUE, f. f. {Artmilit.) c'étoit
«ne efpece de dard compofé d'artifice , qu'on
tiroit avec l'arc contre les tours des afliégés
pour y mettre le feu.
La fabrique étoit beaucoup plus grofle
que le malleoliis , autre efpece de dard
enflammé , qui fervoit à mettre le feu aux
maifons ; lequel feu ne pouvoir s\'teindre
avec de l'eau , mais feulement en fétouf-
flint avec de la pouftiere.
Tite-Live en parlant du fiege de Sagonte
en Efpagne , donne 5 pies de long à la /â/j-
riqne ; mais Si'ius Italiens , en racontant le
m.éme fiege , fait mention à\\nefalarique
beaucoup plus terrible; c'étoit une poutre
ferrée à plufieurs pointes , chargée de feux
d'artifice , qui étoit jetée parla catapulte ou
par la balifte. Daniel , hijîoire de la milice
Franc. (O)
FALBALA , f m. bandes d'étoffe plif-
fées & feftonées , qui s'appliquent fur les
robes & jupons des femmes. C'eft la garni-
ture des jupons qui eft particulièrement
appelée /3/è.z/a ; elle eft connue auffi fous
le nom de volans ; celle des robes s'appelle
communément pretintaille.hcs falbalas font
placés par étage autour du jupon ; cette
mode eft , dit-on , fort ancienne , mais le
mot eft nouveau.
On conte que deux de ces hommes char-
gés de modes & de ridicules , & qui fe rui-
nent pour être aimables , traverfoient les
îiS F A L
& fortement employées dans les f alcades ,
ne doivent point être foilicitées ôc aflujet-
ties à des mouvemens de cette natui-e ,
qu'elles n'aient acquis le jeu , la foupleffe ,
& la facilite' qu'ils exigent. Quand on fup-
poferoit n éme dans l'animal une grande
lége'reté d'épaule & de tête , une obéiffance
exade , beaucoup de fenfibilité , toute
l'aifance &: toute la franchife qu'il efl: poffi-
ble de défirer , il feroit toujours très-dan-
gereux de le foumettre fréquemment à de
pareilles épreuves ; on l'aviliroit incontef-
tablement , ou on le détermineroit enfin à
forcer la main & à fuir.
Les effets que produifent les f alcades mul-
tipliées fur des chevaux nerveux , faits &
confirmés , nous indiquent tout ce que nous
aurions à redouter de ces leçons hafardées
fur des chevaux qui n'auroient ni vigueur ,
ni reffource , qui pécheroient par l'incapa-
cité de leurs membres , que l'âge n'auroit
point encore fortifiés , & auxquels le travail
& l'exercice n'auroient point fuggéré l'intel-
ligence des différens mouvemens de la
main , du trot uni , du galop foutenu ,
de l'arrêt , du reculer , du partir , &c.
Elles ne peuvent être auiïi que très-
préjudiciables à ceux qui montrent de la
fougue & de l'appréhenfion , comme à
ceux qui tiennent du ramingue , qui re-
tiennent leurs forces en courant , qui font
difpofés à pai-er fans y être invités , qui
parent court & fur les épaules, quoiqu'ils
foient naturellement relevés & légers à
la main à toute autre adion ; car fou-
vent l'imperfeftion des reins & des jarrets
occafionne des fautes contraires ; c'eft
ainfi qu'un cheval dont ces parties font
foibles, n'ofe confentir à l'arrêt, tandis
qu'un autre cheval dans lequel nous ob-
fervons la même foibleffe , mais plus de
vivacité & plus d'ardeur , pare en em-
ployant tout-à-coup toute la réfolution
dont il eft doué , comme s'il cherclioit à
hâter la fin de la douleur que lui caufe la
violence du parer. Celui-ci ne fe rafiem-
ble que trop. Bien loin de lui demander
défalquer en parant , on doit exiger qu'il
forme fon arrêt lentement , en traînant ,
pour ainfi dire , en ralentiffant infenfi-
blement fon adion , &: en évitant que le
derrière fc précipite.
F A L
j Du refte l'arrêt du galop préce'dé de
I deux ou trois f alcades appropriées à la
1 nature de l'animal , & proportionnées à
I fa vigueur & à fa force , allège fon de-
I vant , rend les mouvemens de l'arriere-
main infiniment libres , accoutume les
hanches à accompagner les épaules , af-
fure la tête & la queue , & perfedionne
enfin l'appui. Communément on prévient
le moment de l'arrêt par l'accélération ou
l'accroiifementde la vîteflbde cette allure.
Lafalcade après une courfe violente , efl
d'autant moins pénible qu'elle eft prefque
naturelle; le derrière embraffant beaucoup
de terrain à chaque temps , il ne s'agit que
de rabattre les hanches , en les contraignant
par le port réitéré de la main à foi dans
l'inftant où elles fe détachent de terre ;
fi l'adion de la main eft en raifon des
effets qu'elle doit opérer , & que les aides
des jambes du cavalier viennent au fecours
de la croupe que les aides peu mefurées
de la main pourroient trop ralentir , le
cheval falquera inévitablement. Je dois
ajouter que l'inftant précis de l'arrêt , eft
celui de la foulée du devant ; fouciain les
pies de derrière s'approchent , & le
mouvement naturel qui fuivra cette ac-
tion étant la relevée de ce même devant,
l'animal aftujetti déjà par les falcades ,
ne pourra que parer entièrement fur les
hanches.
On peut encore faire falquer un cheval ,
fans préméditer de l'arrêter. Si du petit
galop je pafTe à un galop plus prefte , &
que j'augmente ou que je fortifie de plus
en plus cette allure, je rentrerai dans le
premiier mouvement , & j'appaiferai la vi-
vacité de la dernière aflion par deux ou
trois falcades , qui difpoferont m.on che-
val à une allure plus foutenue , plus ca-
dencée , plus lente & plus fonore. Aufll
voyons-nous que dans les pafl'ades , & lorl-
que nous parvenons à leurs extrémités ,
nous demandons deux ou trois falcades à
l'animal , pour le préparer à fournir touc
de fuite la volte , fes forces étant unies.
Je ne me rappelle pas , au furplus , quel
eft l'auteur qui recommande des pefades
au bout de la ligne droit & avant d'en-
tamer cette volte : je luis aft'uré d'avoir
lu cette ma>.imc dans Ficderic Grifonne
ou
F A L
dans CxtarFiafchi. Le fait n'efl point alTcz
important pour que je me livre à l'ennui
de parcourir de nouveau leur ouvrage ;
j'obfcrverai feulement que cette action eft
fuperlîue , puifqu'on peut, fans y avoir re-
cours , affeoir le cheval , & le difpofer par
conféquent à l'accomplitTement partait de
la volte. En fécond lieu , celui que l'on
auroit habitué à des pefades avant d'ef-
feCluer l'adion de tourner , pour peu qu'il
fût renfermé, s'éleveroitfmiplement du de-
vant & feroit fujet à s'arrêter. Enfin ccztQ
habitude feroit d'autant plus dangereufe ,
que fi l'on confidere que les paffades conf-
tituent toute la manœuvre que des cava-
liers pratiquent dans un combat fingulier ,
on fera forcé d'avouer que les pefa Jes fe-
roient perdre un temps confidérable au
cheval , & pourroient , dans une circonf-
tance où tous les inlîans font précieux ,
coûter la vie à quiconque fe conformeroit à
ce principe, (e)
FALCIDE , fubft. f. {Jurifpmd.) Voy.
Quarte falcidie.
F ALCKENBERG , [Géo-.) petite ville
maritime de Suéde , dans le Halland fur la
mer Baltique. Long. %g , §^ ; Lit. §6 , 5^.
§ FALERNE , {Geogr.) Fdemus agcr ,
territoire d'Italie dans la campagne, entre
la rivière de Savone & le Vulture : la
plaine etoit fertile en grains , & la mon-
tagne en vins trcs-effimés des Romains ,
& fi fouvent célébrés par Horace. Pline
rapporte qu'ils n'étoient bons que lorfqu'ils
avoient 1 5 ans; il obferve que de fon temps
ilscommençoient à perdre de leur mérite ,
parce que les habitans s'attachoient plus à la
quantité qu'à la qualité.
Pline vante aufïï les poires de Fdlerne ,
qu'on appelle préfentement poires-fucre ,
félon le P. Hardouin , à caufe de la grande
douceur de l'eau. Plin. lin. XIV , cap. 6 ,
& /. XXII, cap. 1. Martial , Hor. (C)
^FALISÇUES,^ Faillit, (Geogr.) Les
Falifques étoient l'un des douze peuples de
l'Etrurie ; leur ville s'appeloit Faleria ou
Falerii ; ils étoient établis fur la rive droite !
du Tibre , & c'eft dans leur territoire |
qu'étoit le mont Soradc , Soracfis arces-, j
:iU]ouxà'\mi Monte di S an Sylveflro. Virgile \
vante l'équité des Falifques ; ils avoient !
plufieurs fois réfifté aux armées romaines , I
Totiie XI IL
F A L 817
fur-tout pendant le fiege de Veïes; mais
ils ne purent tenir contre le rare exemple
de jufticeque di)nna le célèbre Camille,
lorlc|u'au lieu de profiter de la trahifon
du maître perfide qui vouloir lui livrer
les enfàns des Falifques , il les leur renvoya
généreufement. Une telle vertu fit tant
d'impre/ilon fiir les Falifques , qu'ils aimè-
rent mieux fe foumettre au peuple romain ,
que de vivre fous leurs propres loix. La
ville de Paierie eft aujourd'hui Falar. Tite-
Live , /. /, C-. 5. JEn. l. VIL [C)
FALKENBERG, {Geogr.) yiWq àc la.
Siléiie Pruflienne, dans la principauté
d'Oppeln , fur la rivière de Steina , aux
frontières de Pologne ; c'eft la capitale
d\ui cercle de ce nom ; elle eft ceinte
d'un mur ; elle renferme un château ,
une églife de catholiques , & une de pro-
teftans ; & elle appartient au comte de
Zierotin. Ce nom de Falkenberg eft com-
mun à plufieurs châteaux , bourgs , &
autres lieux de l'Allemagne, [d. G.)
FALKEMOW , ( Géogr. ) ville du
royaume de Bohême, dans le cercle de
Saatz , fur la rivière d'Egra : elle appartient
aux comtes de Noftitz , & fournit de la
couperofe, de l'alun & du foufre. {D. G )
FALKENSTEIN , {Geogr.) bourg &
château d'Allemagne, dans la bafte An-
triche , & dans le quartier inférieur du
Manhardtsberg : les princes de Trautfon
qui en font feigneurs , jouiftent entr 'autres
du droit d'y faire battre monnoie. Il y a
dans l'Allemagne plufieurs autres lieux ,
châteaux & feigneuries qui portent le même
nom ; il y en a en Bavière , en Souabe , &
dans les deux Saxes. {D. G.)
FALKIOPING, Falcopia , {Geogr.)
ville de Suéde , dans la Weft-Gothie , &
dans la préfedure de Scarabourg , dans
un vallon fertile. C'eft la foixance & dix-
neuvième de celles qui fiegent à la diète.
Ce fut fous fes murs que la reine Mar-
guerite vainquit, & fit prifonnier, l'an 1388,
le duc Albert de Mccklenbourg , qui avoit
été déclaré roi du pays, & qui fut alors
dépofé. {D. G.)
FALKIRK, {Ge'ogr.) bourg d'Ecoftb ,
dans la province de Stirlin ; il eft connu
par la défaite que les troupes royales
d'Angleterre , marchant co:itre les rebelles,
Lllll
8i8 F A L
en janvier 1746 , eïïiiyerent dans fon voi-
lînage. {D. G.)
FALKLAND , {G^og^ bourg d'Ecoffe,
dans le comté de Fife , à l'entrée de cam-
pagnes fertiles : ileft de'coré d'un palais bâti,
par l'un des anciens rois du pays. {D. G.)
FALKSEN, (Geogr.) village fur les
bords du Pruth en Moldavie , entre Jalfi
& le Danube , où fut conclu le traite' de
paix entre le czar Pierre & les Turcs ,
en 17 I , après la terrible bataille de
Pruth , perdue par les RufTes. Ce fut
Catherine , e'poufe du czar , qui !e tira de
ce mauvais pas.
Cet endroit eft oublié dans la Marti-
niere , même dans la dernière édition. (C)
FALLOURDE, f. f. terne de commerce,
«mas de bois fait des perches qui ont Icrvi
à conffruire les trains , & qu'on a cou-
pées de longueur d'une bûche de bois de
moule.
FALMOUTH , (Geog.) c'eft peut-être
la Volihd de Ptolomée : bourg &: port de
mer fur la côte méridionale de Cornouailles.
Fdlmouth fignilîe ï embouchure d:' Li Fale ,
parce q\ie le havre efl l'embouchure de
cette rivière. C'eil un des meilleurs ports
d'Angleterre , fortifié par le château de
Mandai & le fort de Pindenuis bâtis par
Henri VIII. C'eftde Falmouih, que partent
les paquebots pour Lisbonne. Long, is., j6y
iat. 50 , 75. (n. J.)
* FALOT , f. m. c'eft une efpece de
grande lanterne qu'on porte à la main , ou
au bout d'un bâton ou d'un manche de bois.
On appelle sufh falot , dit le diclionnaire
de Trci'oux , des lumières qu'on allume
pour éclairer dans les cours & lieux fpacieux,
qui font des vafes pleins de fuif , ou d'autres
matières combuftibles.
* Falot , OTE , adj. fignifie, ridicule-
7nent , pluifant impertinent, ridicule : efprit
falot, conie falot.
* FALOTEMENT , adv. d'une manière
falote , ridicule , grotefque , &c. des fem-
mes affcz falotement embéguinées , dit
5orbiere.
* FALOTIER , f. m. celui qui met &
aMume les falots.
FALQUER , V. a. faire /j/i/z/fr un che-
val ; ce cheval a trCs-bien marqué fon arrêt
après avoir filiui ,- ce cheyal n'^fulque ,
F A L
que pour paffer à une allure plus lente 5c
plus foutenue. f^oj. FalCADE. (e)
FAi^SlFICATEUR , f. m. {Junfpr.)
Voy. ci-après FAUSSAIRE.
^ FALSIFLJATION , f. f. {Jurifpr.) eft
l'aftion par laquelle quelqu'un faljifie une
pièce qui étoit véritable en elle-même. Il
y a de la différence entre fabriquer une
pièce fauiïe & falfifier une pièce. Fabri-
quer une pièce faufTe , c'e'l fabriquer une
pièce qui n'exiftoit pas , & lui donner un
caradere fuppofé ; au lieu que falfifier
une pièce , c'efl: retrancher ou ajouter
quelque chofe à une pièce véritable en elle-
même , pour en induire autre chofe que ce
qu'elle contenoit : du rcfle l'une &: l'autre
adion eft également un faux. V^oy. ci-aorès
Faux. {A)
FALSTER , ( Ge'ogr. ) petite {de de la
mer Baltique , au royaume de Danemarck,
& abondante en grains ; Nicopingue ea eft
la capitale. Long. x8, 50^ 2^, zô"; lat. 55,
50-56', ^0. {D. J.)
FALTRANCK, {Médecine. ) mot
allemand que nous avons adopté , & qui
fignifie boifjlin contre les chûtes : c'eft ce
que nous appelons lulnéraires fuiffes.
Le falt-a'ick eft un mélange des princi-
pales herbes & fleurs vulnéraires que l'on
a ramaftl'es , choifies , & fait fécher pour
s'en fervir en inflifion : ces herbes font les
feuilles de pervenche , de fanicle , de véro-
nique , de buj^le , de pii-de-lion , de
mille - pertuis , de langue de cerf, de
capillaire , de pulmonaire , d'armoife , de
bétoine , de verveine , de fcrophuîaire ,
d'aigre-moine ^ de petite centaurée , de
pilofelle , &c. On y ajoute des fleurs de
pié-de-chat , d'origanum , de vulnéraire
ruftique, de brunelle, 6v. Chacun peut le
faire à fa volonté : la claffe des herbes vul-
néraires eft immenfe.
Cefultranck nous vient deSuifte , d'Au-
vergne , des Alpes. 11 eft eftimé bon dans
les chûtes , dans 1 afthme & la phthyfie ,
pour les fièvres intermittentes , pour les
obftrudions , pour les règles fupprimées ,
pour les rhumes invétérés , pour la jau-
nifte : on y ajoute de 1 abfinthe , de la
racine de gentiane pour exciter 1 appétit ,
de la petite fauge , de laprime^'ere pour
le rendre céphalique ', enlia on peut rem-
F A L
plir avec ce remède mille indications : on
peut couper l'infulîon des herbes vulné-
raires avec du lait , & le prendre à la façon
du thé avec du fucre : cette infulion ,
lorfque les herbes ont été bien chofles ,
e(l fort agréable au goût , & bien des per-
Ibnncs la préfèrent au thé , ll-tùi qu'elles
y font habituées. (3)
* FALUNIERES , f. m. (Iliff. nit.
Aline'raloj. ) c'eft un amas confîdérable
formé , ou de coquilles entières , qui ont
feulement perdu leur luifdnt& leur vernis ,
ou de coquilles brifées par fragmens & ré-
duites en poufTiere , ou de débris de fubf-
tances marines , de madrépores , de cham-
pignons de mer , &c & l'on donne
le nom de /alun à la portion des coquilles
qui ell: la plus divifée , & à celle qui n'eit
plus qu'une poufîiere. Les faiunieres de
Touraine ont trois grandes lieues & demie
de longueur fur une largeur moins confi-
dérabie , mais dont les limites ne font pas
fi précifément connues : cette étendue
comprend depuis la petite ville de Sainte-
Maure , iufqu'au Mantelan, & renferme
les paroiffes circonvoiflnes de Sainte-Ca-
therine de Fierbois , de Louan , de Bofîée.
'Lefalun n'efl point une matière épaiffe ;
c'efl: un mafîif , dont l'épaifleur n'efl pas
déterminé : on fait feulement qu'il a plus
de vingt pies de profondeur.
Voilà donc un banc de coquillesd'environ
neuf lieues quarrées de furface , fur une
épaifleur au moins de vingt pies. D'où
vi,ent ce prodigieux amas dans un pays
éloigné de la mer do plus de trence-lix
lieues : comment s'efî-il formé ?
Les payfans , dont les' terres font en ce
pays naturellement ftériles , exploitent les
faiunieres , ou creufent leurs propres terres,
enlèvent le/ulun, & le répandent fur leurs
champs : cet engrains les rend fertiles ,
comme ailleurs la marne & le fumier.
Mais on n'exploite d'entre les/jùinier, s ,
que celles qu'on peut travailler avec profit.
On commence donc à chercher à quelle
profondeur efl le falun : il fe montre quel-
quefois à la furface ; mais ordinairement
il eft recouvert d'une couche de terre de
quatre pies d'épaiffeur. Si la couche de
ferre a plus de huit à neuf pies , il eft rare
F A L 8i5>
qu'on faffe la fouille : les endroits bas ,
aquatiques , peu couverts d'herbes , pro-
mettent du/alun proche de la terre.
Quand on a percé un trou , on en tire
dans le jour tout ce qu'on peut en tirer.
Le travail demande de la célérité , l'eau fe
prél'entant de tout côté pour remplir le
trou à mefure qu'on le rend profond ; on
l'épuife à mefure qu'on travaille.
Il eft rare qu'on emploie moins de qua-
tre-vingts ouvriers à la fois ; on en aftem-
ble fouvent plus de cent cinquante.
Les trous font à peu prés quarrés ; les
côtés en ont jufqu'à trois ou quatre toifes
de longueur : la première couche de terre
enlevée , & le falitm qui peut être tiré ,
jeté fur les bords du trou , le travail fe
partage ; une partie des travailleurs creufe,
l'autre epuife l'eau.
A mefure qu'on creufe , on laifTe des
retraites en gradins , pour placer les ou-
vriers : on répand des ouvriers fur ces
gradins , depuis le bord du trou jufqu'au
fond de la minière , où les uns puifenc
l'eau à fceau , & d'autres le falun. L'eau
& le falun montent de main en main :
l'eau eft jetée d'un côté du trou , & le
fdlun d'un autre.
On commence le travail de grand matin :
on eft forcé communément de laban-
donncr fur les trois ou quatre heures après
midi.
On ne revient plus à un trou aban-
donné : on trouve moins pénible ou plus
avantageux d'en percer un fécond , que
d epuiler le premier de l'eau qui le rem-
plit. Cette eau fîltrée à travers les lits de
coquille , eft claire , & n'a point de mauvais
goût.
Jamais on n'a abandonné un trou faute
de fdlun , quoiqu'on ait pénétré jufqu'à
vingt pies.
Ls lit de fdlun n'eft mêlé d'aucune ma-
tière étrangère : on n'y trouve ni fable , ni
pierre , ni terre 11 feroit fans doute très-
intérefTant de cre ifer en plus d'endroits ,
& le plus bas qu'il feroit pofFible , afin de
connoître la profondeur de lafalaniere.
On ouvre communément les falunierei
vers le conmencement d'odobre : on craint
moins l'aftluence des eaux ; & c'eft le
Lllll i
gio F A L'
temps 4es lacours. On fouille quelquefois
au printemps ; mais cela eft rare.
Quand le falun a été tire' , & qu'il eft
cgouttc, on retend dans les champs. Il
y a des terres qui en demandent jufqu'à
trente à trente-cinq charretées par arpent:
il y en a d'autres pour lefqueHes quinze à
vingt fiifFifent. On ne donne aux terres
aucune préparation particulière: on laboure
comme à l'ordinaire , & on étend le falun
comme le himier.
Il y a de la marne dans les environs
Acsfjhmieres ; mais elle ne vaut rien pour
les terres auxquelles le fulun ell bon.
Ces dernières ne produilent naturelle-
ment que des bruyères ; les herbes y na. fient
à peine : on les appelle dans le pays des
bornais; la moindre pluie les bat & les
affallTe ; le/alun répandu les foutient. Voilà
le principe de la tbrtilifation qu'elles en
reçoivent.
Sur l'obfervation que le falun & la
marne ne fertilifoient pas également les
terres , M. de Réaumur a conclu que la
nature de cet engrais étoit entièrement
différer te. Mais il en devoit feulement
conclure qu'il y avoir des terres qui , s'af-
faifîant plus ou moins facilement, deman-
doient un engrais qui écartât plus ou moins
leurs molécules ; & c'eflFelTet que doivent
produire des débris de coquilles plus ou
moins divifées & détruites , comme elles
le font dans le fal.un , dans la marne &
dans la craie, qui n'ont, félon toute appa-
rence , que cette feule difFérence relative
à leur aiTtion fur les terres qu'elles fertilifent
ou ne fertilifent point.
Une terre , une ioisfalunee , l'elî pour
trente ans : fon effet eft moins fenfiblc la
première an:iée , que da:is les fuivantcs ;
alors le falun eft répandu plus uniformé-
ment. Les terres yà/i//2t'o deviennent trés-
fertiles.
Le falun , tiré après les premières cou-
ches , eft extrêmement blanc : les co-
quilles entières qu'on y remarque , font
toutes pLivées horizontalement & fur le
plat. D'où il eft évident qu'on ne peut en
expliquer l'amas par un mouvement violent
& troublé , qui ortriroit un fpeclade d'irré-
gularités qu'on ne remarque point dans les
Jalunicres.
F A M
Les bancs àesfalunieres ont des couches
diftinftes ; autre preuve que lafaluniere eft
le réfultat de plufieurs dépôts fucceftils ,
& qu'elle eft l'ouvrage du féjour conftant
& durable d'une mer aftife & tranquille ,
ou du n.oins fe mouvant d'un mouvement
très-lent.
On y trouve les coquilles les plus com-
munes du Poitou , comme les palourdes ,
lavignans , huitres ; mais elles abondent
aufti en efpeces inconnues fur les côtes ;
telles que les meres-perlcs , la conclu im-
hricata , des huitres différentes des nôtres ,
la plupart des coquilles contournées en fpi-
rales , foit rares , foit communes , des
madrépores , des rétiporcs , des champi-
gnons de mer, &I.-.
Ces corps s'étantamaffésfiicceftivement,
& ayant féjourné un temps infini fous les
eaux , ils ont eu celui de le divifer , & de
former un maftif uniforme, fans inéga-
lité, fans vuide , fans rupture, &:c.Voy.
les mémoires & l'hifi. de l'académie , année
FÀMAGOUSTE , i;. f. iGéog.) an-
ciennement Ammochofîos Arfinoi- , ville
de l'Afie , fur la côte orientale de l'ille de
Chypre , défendue par deux forts , &
prife par les Turcs fur les \'éiiitiens en
1571 , après un fiege de dix mois, dont
tous les hiftoriens ont parlé. J^oye\ de
TIiou , Uh. XLIX, le Pelletier, traduÔeur
de riiill. de la gueiie de Chypre , liy. III.
Taveinier , voyage de Perfe ; juftinian ,
hifl. l^énet. &c. Elle eft à 11 lieues nord-eft
de Nicofie. Long. 52 , ^j ; lat. 55. Article
de M. le chtfalierde Jaucourt.
FAME, {.Tuîifprud.) en flylede palais ,
eft fynonyme de réputation. On rétablit un
homme en fa bonne Jarne & renommée ,
lorfqu'ayant été noté de quelque jugement
qui emportoit ignominie , il parvicrjt dans
la fuite à fc purger des faits qui lui étoient
imputés, & qu'on le remet dans tous fcs
honneurs. {A)
FAMILIARITÉ, (Mjrale.) c'eft une
liberté dans les dillours & dans les ma-
nières , qui fuppofe entre les hommes de
la confiance & de l'égalité. Comme on n'a
pas dans l'enfance de raiibn de fe défier île
fon femblable , comme alors les diflindions
de ran^ & d'état ou ne font pas, ou font
F A M
imperceptll les , on n'apperçoit rien de
contraint dans le commerce des enfans.
Ils s'appuient fans crainte fur tout ce qui
eft homme: ils dépofent leurs fecrets dans
les ccEurs fenfibles de leurs compagnons :
ils laiflent échapper leurs goûts , leurs ef-
pe'rances , leur caradere. Mais les com-
pagnons deviennent concurrens , & enfin
rivaux ; on ne court plus enfemble la même
carrière ; on s'y rencontre , ' on s'y preiïe ,
on s'y heurte ; & bientôt on n'y marche
plus qu'à couvert Se avec précaution.
Mais ce font fur-tout les diftindions de
rangs & d'e'tat , plus que la concurrence
dans le chemin de la fortune , ou la riva-
lité dans les plaifirs , qui font difparo'tre
dans l'âge mûr la familiarité du premier
âge.
Elle refte toujours dans le peuple : il la
conferve même avec fcs lupérieurs , parce
qu'alors , par une fotte illufion de Tamour-
propre , il croit s'égaler à eux. Le peuple
ne celle d'être familier que par défiance ,
& les grands que par la crainte de l'égalité.
Ce qu on appelle maintien , nobhjje dans
les manières , dignités , repréfentation , font
des barrières que les grands favent mettre
enti'eux & Ihumanité. Ils font ennemis de
la familiarité j & quelques-uns même la
craignent avec leurs égaux. Les uns qui
prétendent à une confidération qu'on ne
peut accorder qu'à leur rang y &: qu'on
refuferoit à leur perfonne , s'élèvent par
leur état au defiiis de tout ce qui les en-
toure, à proportion qu'ils prétendent plus,
te quiU méritent moins. IJ'aiitres qui ont
cette dureté de cœur , qu'on n'a que trop
fouvent quand on n'a point eu befoin des
hom.mes , gênent les fentimens qu'ils inf-
pirent , parce qu'ils ne pourroient les ren-
dre. Ils aiment mieux qu'on leur marque
du refped & des égards , parce qu'iL ren-
dront des procédés & des attentions. Ils
font à plaindre de peu fentir^ mais à ad-
mirer s'ils font jufies.
Il y a dans tous les états des hommes
modefîes & vertueux , qui fe couvrent
toujours de quelques nuages ; ils femblent
qu'ils veulent dérober leurs vertus à la pro-
fanation des louanges , dans l'amitié même,
ils ne fe montrent pas , mais ils fc laifîent
voir.
F A M £21
La familiarité eft le charme le plus fé-
duifant &c le lien le plus doux de l'amitié :
elle nous fait connoître à nous-mêmes ;
elle développe les hommes à nos yeux ;
c'cft par elle que nous apprenons à traiter
avec eux : elle donne du l'étendue & du
refTort au caraâere : elle lui afllire fa forme
diflinâive : elle aide un naturel aimable à
fortir des entraves de la coutume ^ & à
méprifcr les détails minutieux de l'ufage :
elle répand , fur tout ce que nous femmes ,
l'énergie & les grâces ( i'ojq GracE ) ;
elle accélère la marche des talens , qui
s'animent &: s'éclairent par les confeils li-
bres de l'amitié : elle perfeflionnc la raifon,
parce qu'elle en exerce les forces : elle
nous fait rougir : elle nous guérit des peti-
teffes de l'am-our-propre : elle nous aide à
nous relever de nos fautes : elle nous les
rend utiles. Hé ! comment des âmes ver-
tueufespourroient-elles regretter de frivo-
les démonfbations de refped , quand on
lesendédommagepar l'amour, &: par fefti-
me? Foyé^ Egards.
FAMILIERS , f. m. pi. (Rlf. mod.)
nom que Ton donne en Efpagne & en Por-
tugal aux officiers de l'inquiiition , dont la
fonction eft de faire arrêter les accufés. II
y a des grands , & d'autres perfonnes con-
fjdérables , qui , à la honte de l'iiumanité ,
le font gloire de ce titre odieux , & vont
même jufau'à en exercer les fonâions.
Voyez Inquifuion. {G)
*FAMILiSTES, f m.pl. {Hljl. ecd.)
hérétiques qui eurent pour chef David-
George de Delft. Cette fede s'appela la.
famille d'amour ou de charité ^ & leur doc-
trine eut pour bafe deux principes qu'on
ne peut trop recommander aux hommes
en général ; c'eft de s'aimer réciproque-
ment , quelque diftérence qu'il puifl'e y
avoir entre leurs fentimens fur la religion,
& d'obéir à toutes les puifTances tempo-
relles , quelque tyranniques qu'elles foient.
David-George fe croyoit venu pour réta-
blir le royaume d'Ifrael : il faifoit afîez peu
de cas^ de Moïfe , &: des prophètes , de
Jefus-Chrift : il prétendoit que le culte qu'ils
avoient prêché fur la terre, étoit incapable
de conduire les homm.es à la béatitude ;
que ce p'rivilege étoi: réfervé à fa morale ;
qu'il fctoit le vrai meflie ; ôc qu'il ne mour-
Si2 F A M
roit point ', ou qu'il reflufciteroic : il eut
des difciples qui ajoutèrent à l'on iyftème
d'au lies opinions de cette nature : ils fou-
tin enc que toutes les aclions de l'impie
foii: nécefTaii-ement autant de péche's , &
que les fautes font remifes à celui qui a
recouvre l'amour de Dieu, {a)
FAMILLE de courbes , f f. ( Géom. )
Voyt\ l'anicle CoURBE.
Famille , ( Vwit nat. ) en latin , fa-
milia. Société domeflique qui conftitue le
premier des états acceffoires & naturels de
l'homme.
En effet , une famille efl une fociété
civile , établie par la nature : cette fociété
efl la plus naturelle & la plus ancienne de
toutes : elle fert de fondement à la fo-
ciété nationale ; car un peuple ou une
nation , n'eft qu'un compofé de plulîeurs
familles.
Les familles commencent par le mariage,
& c'elï la nature elle même qui invite les
hommes à cette union ; de là naifTent les
enfans , qui en perpétuant les familles ,
entretiennent la fociété humaine , & ré-
parent les pertes qiie la mort y caufe
chaque jour.
Lorfqu'on prend le mot àe famille dans
un fens étroit, ellen'efl compofée, l'^.que
du père de famille : 2". de la mère de
famille , qui fiiivant l'idée reçue prefque
par-tout, pafTe dans la/awi//c du mari:
3°. des enfans qui étant, fî l'on peut par-
ler ainfi , formés de la fubftance de leur
père & mère , appartiennent néceffaire-
ment à la famille. Mais lorfqu'on prend
le mot de la famille dans un fens plus éten-
du , on y comprend alors tous les parens ;
carquoiqu'après la mort du père ai famille,
chaque enfant établifTe une famille particu-
lière , cependant tous ceux qui defcenden-
dent d'une même tige , & qui font par con-
féquent iffus d'un même fang , font regar-
dés comme membres d une même famill:.
Comme tous les hommes naiffent dans
une famille , &c tiennent leur étdH de la
nature même , il s'enfuit que cet état, cette
F A M
qualité ou condition des hommes , non
feulement ne peut Ic.r être ôtée , mais
qu'elle les rend participans des avantages ,
des biens , & des prérogatives attachées à la
famille dr.ns laquelle ils font nés : cepen-
dant Tétat àe famille fe perd dans la fociété
par la proîcnption , en vertu de laquelle un
homme eft condamné à mort , & déclaré
déchu de tous les droits de citoyen.
Il efl 11 vrai que \à famille efl: une forte
de propriété , qu'un homme qui a des en~
fans jdu fexe qui ne la perpétue pas , n'efl
jamais content qu'il n'en ait de celui qui
la perpétue : ainfi la loi qui fixe \a famille
dans une fuite de perfonnes de même fexe ,
contribue beaucoup , indépendamm.ent des
premiers motifs , à la propagation de l'ef^
pece humaine ; ajoutons que les noms qui
donnent aux hommes l'idée d'une chofe qui
femble ne devoir pas périr , font très-pro-
pres à infpirer à chaque famille le defîr
d'étendre fa durée ", c'efl pourquoi nous
approuverions davantage l'ufage des peu-
ples chez qui les noms même diflinguentles
familles , que de ceux chez lefquels ils ne
diflinguent que les perfonnes.
Au refte, l'état àe famille produit diver-
fes relations très - importantes ; celle de
mari & de femme , de père, de mère &
d'enfans , de frères &: de fœurs , & de
tous les autres degrés de parenté, qui font le
premier lien des hommes entr'eux. Nous
ne parlerons donc pas de ces diverfes re-
lations. Voye^-en les articles dans leur
ordie. Mari , Femme , Êv. Anuk de
i\î. le chevalier de Jaucourt.
* Famille, {Hifi. anc. ) Le m.ct latin
familia ne r.'pondoit pas toujours à notre
mot famille. Familia étoit fait defamulia^
& il embraffoit dans fon acception tous
les domefliques d'une maifon , où il y
en avoit au moins quinze. On entendoit
encoie par familia , un corps d'ouvriers
conduits & commandés par le préfet des
cnux. il y avoit deux de ces corps ; l'un
public , qu'Agrippa avoit inffiiué ; &
l'autre privé , qui fut formé fous Claude.
Sponfe (fur l'an 1580, n°. 11.) donne pour auteur à la fetïe defamiliftes un
nommé Armand Nicolas , auijm,! .on attribuoit ks livres compofés en faveur de ce^
(a) M. de
ommé
feftaires.
F A M
La troupe des gladiateurs , qui faifoient
leurs exercices fous un chef commun ,
s'appeloit auffi familia : ce cliel portoit le
nom de lanijîa.
Les familles romaines ^familU^ , ttoient
des divifions de ce qu'on appeloit gens :
elles avaient un ayeul commun ; ainfi
Cïculus lut le chei qui donna le nom à
la gens Ccecilia , & la gens Ca-cilia com-
prit les familles des B-iltaiici , Calvi , Ca-
prarii, Celeies, Cretici, DabnadcifDentn-
ces , Macedonici, Metelli, Nepotes, Numi-
iîici, Fii, Scipiones , Silani , & Viuati. Il
y avoit des familles patriciennes & des
plébéiennes , de même qu'il y avoit des
gentes patncix & pltbe'Lv : il y en avoit
même qui étoient en partie patriciennes
& en partie plébéiennes , panim noblles ,
partim nova: , félon qu'elles avoient eu de
tout temps le jus unaginum , ou qu'elles
l'avoient nouvellement acquis. On pouvoit
{ortiv à\me Jamille patricienne, & tomber
dans une plébéïenne par dégénération ; &
monter à'une famille plébéïenne dans une
patricienne , fur-tout par adoption. De là
cette confuhon qui règne dans les généa-
logies romaines ; confufion qui eft encore
augmentée par l'identité des noms dans les
patriciennes & dans les plébéiennes : ainli
quand le patricien Q. Caspio adopta le
plébéien M. Brutus , ce M. Brutus & fes
defcendans devinrent patriciens , & le refte
de h famille des Brutus refla plébéien. Au
contraire , lorfque le plébéien Q. Metellus
adopta le patricien P. Scipio , celui-ci &
tous fes defcendans devinrent plébéiens ,
& le refte de h famille des Scipions refta
patricien. Les affranchis prirent les noms
de leurs maîtres , & refterent plébéiens ;
autre fourced'obfcurirés. Ajoutezà cela que
les auteurs ont fouvent employé indiftinfle-
ment les mots gens &cfamilia ; les uns défi-
gnant ^zvgens ce que d'autres déiignent par
familia , & réciproquement : m.ais ce que
nous venons d'obferver fuffit pour prévenir
contre des erreurs dans lefquelles il feroit
facile de tomber.
Famille , {Jurifprud.) Ce terme a dans
cette matière plulieurs fignifications diffé-
rentes.
F A M 82^
femblage de plufieurs pcrfonnes unies par
les liens du fang ou de l'affinité.
On difîinguoit chez les Romains deux
fortes de familles ,• favoir celle qui l'étoit
jure proprio des perfonnes qui étoient fou-
mifes à la puiflance du même chef ou
pcre de famille , foit par la nature , comme
les enians naturels & légitimes ; foit de
droit , comme les enfans adoptifs. L'autre
(orte de famille comprenoïc jure communi
tous les agnats y &c généralement toute la
cognation ; car quoiqu'après la mort du
père de famille chacun des enfans qui
étoient en fa puiffance , devint lui-même
père àc famille , cependant on les confidé-
roit toujours comme étant de la mêmeyà-
mille, attendu qu'ils procédoient de la même
race. Voye^ les loi x ^0 , 2^5 & 136 , au ff.
de verb.Jignif.
On entend en droit par père de famille ,
toute perfonne , foit majeure ou m.ineure ,
qui jouit de fes droits , c'eft-à-dire , qui
n'eft point en la puiffance d'autrui ; &; par
fils ou fille de famille , on entend pareille-
ment un entant majeur ou mineur , qui
efi en la puiflance paternelle. Voyez ci-
après Fils de famille , Père de famille ,
& Puifj'ance paternelle.
Les enfans fui vent \a famille du père, &
non celle de la mcre ; c'eft~à-dire , qu'ils
portent le nom du père , & fuivent fa
condition.
Demeurer dans la famille , c'eft refter
fous la puiffance paternelle.
Un homme efl cenfé avoir fon domicile
où il a idi famille ff. ^z , tit. j , l. ^^.
En matière de fubftitution , le terme de
famille comprend la lignite collatérale au /TI-
j bien que la direûe. Fufarius, defidei-comm.
qmfi.^Si.
Celui qui eft chargé par le teftateur de
rendre fa facceffion à un de la famille , fans
autre défignation , la peut rendre à qui bon
luifemble j pourvu que ce foit à quelqu'un
de la famille , fans être aflreint à fuivre
l'ordre de proximité. J^. la Peyrere, htt. F,
n. /. {A)
Famille , dans le droit romain, fe prend
quelquefois pour la fucceff on & pour les
biens qui la compofent , comme quand
Famille fe prend ordjnakement pour l'af- i la loi dts douze tables dit , proximus agnu-
Si4 F A M
tus familiam haheto. L. 19$ y ff- de verb.
Il ''/' / / <
''C'eft aiiHi en ce même fens que l'on difoic
partage de la famille , familiae ercifcundr,
pour exprimer le partage des biens de la
fiiccefTion. V. digejl Ub. X, tu. Ij, & cod.
Ub. III , tit. xxxvj. {A)
Famille des efcUres , étoit , che^ les
B ornai lis , le corps gt'ne'ral de tous les
efclaves , ou quelque corps particulier de
certains efclaves deflinés à des fondions
qui leur étoient propres , comme la fa-
mille des publicaires ; c'elt-à-dire , de
ceux qui e'toient employés à la levée des
•tributs. Voyei la loi 19 , dig. de verb.Ji-
gni/.§.3.{A)
Famille de r/i'éque , dans les anciens
/^/frcr, s'entend de tous ceux qui compofent
fa maifon, foit officiers, domeitiques, com-
menfaux , &: généralement tous ceux qui
font ordinairement auprès de lui , appelés
familiales. {A)
Famille du patron , c'écoit l'afTem-
blage des efclaves qui étoient fous fa pui[-
fance , & même de ceux qu'il avoit aft'ran-
chis. Voyei la loi 2515 , digejl. de t-'erb.
Jignif [À)
Famille des publicaires , X'oyei ce qui
en eft dit ci-devant à l'article Famille des
efclaves.
Familles, Maifons , fynon. on dit la
maifon de France & Va famille royale , une
rnatfon fouveraine & vne famille ertimable.
C'ert la vanité qui a imaginé le mot de
maifon , pour marquer encore davantage
les diffinâions de la fortune & du hafard.
L'orgueil a donc établi dans notre langue ,
comme autrefois parmi les Romains , que
les titres , les hautes dignités & les grands
emplois , continués aux parens du même
nom , formeroient ce qu'on nomme les
maifons de gens de qualité , tandis qu'on
anpelieroit familles celles des citoyens qui ,
dJlHngiiés de la lie du peuple , fe perpé-
ruentdans un état , & partent de père en
iils par des emplois honnêtes , des charges
utiles , des alliances bien aflorties , une
éducation convenable , des mœurs douces
& cultivées; ainfi , tout calcul fait, les
familles valent bien les maifons: il n'y a guère
queles Nairosdelacùte de Malabarquipeu-
F A M
vent penfcr différemment. Article de M. le
chevalier CE J AU COURT.
Famille, {Hijl.nat.) ce terme eft em-
ployé par les auteurs , pour exprimer un
certain ordre d'animaux , de plantes ou
d'autres produflions naturelles , qui s'ac-
cordent dans leurs principaux carafteres, &
renferment des individus nombreux , difFé-
rens les uns des autres à certains égards ;
mais qui réunis , ont , fi l'on peut parler
ainfi, un caraftcre diftinâ deyJ;7z/7/f , lequel
ne fe trouve pas dans ceux d'aucun autre
genre.
11 n'a été que trop commun deconfondi-e,''
dans l'hifloire naturelle , les term.es de
claffe ., famille , ordre , &c. maintenant lo
fens déterminé du mot famille , défigne ^
cet ordre vafte de créature fous lequel H
les clartés & les genres ont des dillinclions
fubordonnées. Parmi les quadrupèdes , les
divers genres de créatures, munies d'ongles,
conviennent enfemble dans plufieurs carac-
tères généraux communs à toutes ; mais
elles différent des autres animaux ongles ,
qui ont des caraderes particuliers qui les
diftinguent ; de cette manière on ne mec
point le chat &: le cheval dans une même
famille.
Pareillement dans fiélhyologie il y a
plufieurs genres de poirtons qui s'accordent
parfaitement dans certains caraderes com-
muns , & qui différent de tous les autres
genres par ces mêmes caracreres. La brème
& le hareng , quoique difFérens pour le
genre , peuvent être placés dans une même
famille , parce que l'un & l'autre ont des
caraderes généraux communs ; mais d'un
autre côté , perfonne ne s'avifera de met-
tre le hareng & la baleine dans une même
famille.
L'arrangement des corps naturels en
familles efl d'un ulage iiibiii , quand cette
difîribution efî bien faite , & que les
divifions font véritables & julles ; mais
il ert fans doute nuifible quand on fe con-
duit autrement , parce qu'il n'entraîiwî
que l'erreur &: la confufion. Voyez Mé-
thode.
Les divilions des règnes en f '.milles ,
peuvent être ou artificielles ou natu-
relles.
Les familles font artificielles chez tous
F A M
les anciens naturalises , telles font les dif-
tinftions & dividons qu'ils ont faites des
planres , en les fondant fur le lieu de la
naifiance de ces plantes , fur le temps
qu'elles pi'oduifent des fleurs ; ou , en fait
d'animaux , fur le terme de leur portée ,
leur manière de mettre bas , leur nour-
riture & leur grandeur. Telles font en-
core les divifions générales prifes du nom-
bre variable de certaines parties des corps
naturels.
L'abfurdité de la première de ces mé-
thodes faute aux yeux, puifqu'elle requiert
une connoifTance antécédente des objets
avant que de les avoir vus. Lorfqu'une
plante inconnue , un animal , un minéral ,
eîi: ofFert à un naturalise , comment peut-
il favoir par lui-même le temps auquel
cette plante vient à fleurir , ou la manière
dont l'animal fait f:s petits ? par confé-
quent il eft impoiïible qu'il puifîe le rap-
porter à Çdi famille , ou le découvrir parmi
les individus de cette famille.
Pour ce qui regarde la dernière méthode
de prendre le nombre de certaines parties
externes pour conlHtuer le caradere d'une
famille, il eft aifé d'en prouver l'infuffi-
fance ; car , par exemple , à l'égard des
poiflbns , fi Yen prend les nageoires pour
règle, ces nageoires ne font pas toujours
les mêmes , pour le nombre _, dans les
diverfes efpeces qui appartiennent vérita-
blement & proprement à un genre ;
ainfi la perche , le gadiis , & autres poif-
fons d'un même genre , ont plus ou
moins de nageoires. Voilà donc les er-
reurs des méthodes artificielles & fifté-
matiques.
Mais les familles naturelles , c'eft-4-
dire , tirées de la nature même des êtres ,
ne font point fujettes à de tels inconvé-
niens. Ici tous les genres fe rapportent à la
même famille , & s'accordent parfaite-
ment dans leurs parties principales. Les
divers individus dont cesyj;7z/7Ai- font com-
pofées , fe peuvent réduire fous divers
genres : enfuite ceux-ci peuvent être
arrangés dans leur c'afTe propre ; &
plus le nombre des clafTes fera petit ,
plus la méthode entière fera nette &
fac.le.
Ces familles naturelles ne doivent être
Tome XIIL
FAN 82y
^ uniquement fondées que fur des caraôeres
efTentiels ; ainfî chez les quadrupèdes , il
faut les tirer feulement de la figure de
leurs pies ou de leurs dents ; dans les oi-
feaux , la forme ou la proportion du bec
pourra former leur caradere ; dans les
poiffons, la figure de la tête & la fituation
de la queue feront très-confidérées , parce
que ce font des caraderes ftables & ef-
fentiels.
Enfin , après bien des recherches , il
femble que tout le monde animal , miné-
ral , végétal & fofîile , peut être ainfl ré-
duit à des familles, à des clafTes , des gen-
res^ &: des efpeces ; & par ces fecours l'é-
tude de la nature deviendra facile & régu-
lière. Je ne dis pas que les méthodes de
Hill , d'Artedi , de Linn^us , ù'c. foient
telles fur cette matière , qu'on ne puifîe
à l'avenir les redifier & les perfedionHer ;
mais je crois que fans de femblabies mé-
thodes l'hiftoire naturelle ne fera que
chaos & que confufion , une fcience vague,
fans ordre & fans principe , telle qu'elle a
été jufqu'à ce jour. Article de M. le chei^a-^
lier DE Jaucourt.
* ¥AUlS,drap d'or fimis, {Commerce.)
c'eft ainfi qu'on appelle à Smyrne certaines
étoffes où il y a de la dorure. Ces étoffes
font fabriquées en Europe.
FAMNE , {Hifi. mod.) mefure fuivant
laquelle on compte en Suéde : c'eft la
mémechofe qu'une braffe. Voyei^KkSSE.
FAN.
FANAL, f m. TOUR A FEU , f. f.
[Marine. ) c'eft un feu allumé fur le haut
d'une tour élevée fur la côte ou à l'entrée
des ports & des riv^ieres , pour éclairer
& guider pendant la nuit les vaifTeaux:
dans leur route : c'eft ce qu'on nomme
plus communément phare. Voyez PharE.
(Z)
Fanal, (Marine.) c'eft une grofte
lanterne que l'on met fur le plus haut de
la poupe d'un vaifTeau. Voye\ marine PL
^11- fis- '• l^es fanaux d'un vaiffeau de
guerre , cotés P. les vaifTeaux comman-
dans , comme vice amiral , lieutenant-gé-
néral , chef d'efcadre , portent trois f maux
à la poupe j les autres n'en peuvent por-
ter qu'un.
Mmmmm
%26 FAN
Le vaiflTeau commandant , outre les
trois fanaux de poupe , en porte im
quatrième à la grande hune , i'oit pour
faire des fignaux , Ibit pour d'autres be-
foins.
On nomme auffi, fanaux , toutes les
lanternes dont on fe fert dans les vaif-
feaux pour y mettre les lumières dont on
a befoin.
Fanal de combat, c'eft une lanterne
plate d'un côté , qui eft forme'e de forte
qu'on peut l'appliquer contre les cût^s
d'un vailTeau en dedans , pour éclairer
lorfqu'ilfaut donner un combat dans la nuit.
Fanal de foute , c'eft un gros falot qui
fert à renfermer la lumière pendant le com-
bat , pour éclairer dans les foutes aux
poudres.
On fe fert aufli de fanaux , placés dif-
féremment , pour faire les fignaux dont
on eft convenu. {Z)
* FANATIQUE, f. & adj. [Gram.)
fou , extravagant , vifionnaire , qui s'mia-
gi e avoir des infpirations. Ce mot vient
de fanum , mot latin qui fignilîoit un
temple , parce que \qs fanatiques , chez les
anciens étoient des efpeces de devins ou
prétendus prophètes qui demeuroient dans
les temples.
FANATISME, f. m. { Flulofophle.)
c'eft un zèle aveugle & pafTioimé , qui
naît des opinions fuperftitieufcs, & fait
commettre des actions ridicules , injuftes ,
& cruelles ; non feulement fans honte
&c fans remords, mais encore avecune forte
de joie & de confolation. hefanatifme n'eft
donc que la fuperftition mife en adion. V.
Suf:erstitton, où l'article fanatifme
fera traite avec toute l'étendue qu'il exige.
F AU ATISME , (maladie) l'oyei DÉMO-
NOM ANIE, MÉLANCOLIE, & l'aiticle pie-
cc'dent.
FANEGOS , f. m. ( Commerce. ) mc-
fure des grains dont on fe fert en Portugal ;
quinzeya/jir^ojfont lemuid; quatre alquitrs
font hfanegos ; quatre muids de Lisbonne
font le laft d'Amfterdam. V'oje:[ MuiD ,
Alqu ER, Last. Diclionn. de Comm.
de Tru'. & de Chamb. (G)
FANKQUE, f. m. (Co/nm.) mefure de
grains dont on fe fert dnns quelques villes
d'Efpagne , comme ù Cudi.'v , S. Scbafticn j
FAN
& Bilbao. Il faut vingt-trois à vingt-qua-^
tre faneques de S. Sébaftien pour le ton-
neau de N.;ntes, de la Rochelle & d A-
vray , c'eft-à-dire , pour neuf feptiers &
demi de Paris. La mef.irede Bilbao étant ua
peu plus grande , vingt à vingt un faneques
fuffifentpouruntomieau de Nantes, Avray,
& la Rochelle. Cinquante faneques de Ca-
dix , & de Séville font le laft d'Amfter-
dam ; chaque faneque pefe 93 ? , livres de
Marlèille ; quatre chays font \e faneque y
& douze anegras le catus. Voye^ MuiD ,
Last, Anegras , &c. Diclionn. de Com-
merce de Tréu. & de Cliamb. (G)
* FANER , V. aa. ( Econ. rujUq. ) c'eft,
lorfque le foin â été fauché , qu'il a repofé
fur le pré , & que le deftus en eft fec , le
retourner avec des fourches & l'agiter un
peu en J'air : cette façon fe réitère plu-
fieurs fois , & elle reiid le foin meilleur.
Voyei les articles FoiN Ù' PrÉ-
FANFARE , f. f forte d'air militaire,
pour l'ordinaire court & brillant , qui
s'exécute par des trompettes , & qu'oa
imite fur d'autres inftrumens. La fanfare
eft communément à deux deftus de trom^
pettes , accompagnées de tymballes , &;
bien exécutée , elle a quelque chofe de
martial & de gai , qui convient fort à fon
ufage. De toutes les troupes de l'Europe ,
les allemandes font celles qui ont les meil-
leurs inftrumens militaires ; auftl leurs mar-
ches &c /ànfares font- elles un effet admi-
rable. C'eft une chofe à remarquer , que
dans tout le royaume de France, il n'y a
pas un feul trompette qui fonne iufte , &
que les meilleures troupes de FEurope ,
font celles qui ont le moins d'inftrumens
militaires & les plus difcordans ; ce qui
n'eft pas fans inconvénient. Durant les
dernières guerres , les payfans de Bavière
& d'Autriche , tous muiiciens nés , ne
pouvant croire que des troupes réglées^
cufl'ent des inftrumens l\ faux & fi détef-
tables , prirent cous ces vieux corps pour
de nouvelles levées , qu'ils commencèrent
à méprifer , & l'on ne fauroit dire à com-
bien de braves gens des tons faux ont
coûté la vie. Tant il eft vrai que dans l'ap-
pareil de la guerre , il ne faut rien né-
gliger de ce
qui trappe les fens. {S )
^ FANFARON , f. m. celui qui aiFeâff
FAN
une bravoure qu'il n'a point : v.n vrai/j/z-
jaron fait qu'il n'efl: qu'un lâche. L'ufage
a un peu étendu l'acception de ce mot ; on
l'applique à celui mémo qui exagère ou qui
montre avec trop d'afFcdation & de con-
fiance la bravoure qu'il a ; & plus géné-
ralement à celui qui fe vante d'une vertu ,
quelle qu'elle foit , au delà de la bienféan-
ce ; mais les loix de la bicnfJance varient
lelon les temps & les lieux. Ainfi tel
homme efl pour nous wn fanfaron , qui ne
létoit point pour fon iiecle , & qui ne le
feroit point aujourd'hui pour fa nation. I!
y a des peuples /à/2/à/o/2J^. Lafunfaro/iaJe
eft auiTi dans le ton. Il y a tel difcours
liércïque , qu'un mot ajouté ou changé ,
feroit dégénérer en fa/ifaronad^ ; & réci-
proquement , il y a tel propos fanfaron ,
qu'une pareille corredion rendioit héroï-
c,ue. Il y a plus , le même difcours dans
la bouche de deux hommes diiFérens , eft
un difcours élevé , ou una f^nfaronade. On
tolère , on admire même dans celui qui a
pardevers foi de grandes aâions , un ton
qu'on ne fouffriroit point dans un homme
qui n'a rien fait encore qui garantiffè &
qui juftifie fes prom.efles. Je trouve en
général tous nos héros de théâtre un peu
fanfarons. C'eft un rhauvaisgoûtqui pafiera
difficilement; il a pour la multitude unfauK
éclat qui l'éblouit ; & il eft difficile de ren-
trer dans les bornes de la nature , de la
vérité , & de la fimplicité, lorfqu'une fois
on s'en eft écarté. Il elt bien plus facile
d'entalTer des fentences les unes fur les
autres , que de converfer.
FANION , f. m. {Art milit.) c'eft une
efpece d\'tendard qui fert à la conduite
des menus bagages des régimens de cava-
lerie & d'infanterie. La banderole du fa-
nion doit être d'un pié quarré , & d'étoffe
de laine de couleurs affeâées aux régi-
mens. Le nom du régiment auquel le fa-
nion appartient , eft écrit deftiis.
Le fanion eft porté par un des valets
des plus fages du régiment , lequel eft
choili par le major. Il eft conduit par un
officier fubalterne , auquel on donne le
nom de waquemejhe.
Le devoir de cet officier confifte à veil-
ler à la conduite des menus bagages du
irégiment , & de coateiiix les valets tous
FAN 827
enfemble à la fuite du fanion , à l'excep-
tion néanmoins de ceux qui marchent avec
leurs maîtres dans les divifions. 11 eft dé-
fendu aux valets de quitter le fanion de
leur régiment , à peine de fouet. ( O )
^ FANNASHIBA , f m. [Hifl. nat. bot.)
c'eft un grand arbre qui croît au Japon ;
fes feuilles font d'un verd foncé , & for-
ment une efpece de couronne ; fes fleurs
font en bouquets , étant attachées les unes
aux autres ; elles répandent une odeur très-
agréable & fi forte , qu'on la peut fentir
à une lieue , quand le vent donne. Les
dames les font fécher , & s'en fervent à
parfumer leurs appartemens. On plante cet
arbre dans le voifmage des temples & pa-
godes ; & quand il eft vieux , on le brûle
dans les funérailles des morts. Hubner ,
diclionn. uniuerfel.
FANNE d'une graine, {Jardinage.) eft
la même chofe que feuille. On fe fert de
ce mot , particulièrement en parlant des
anémones & des renoncules. {K)
FANNER , FANNE , {Jardinage. )
le trop de foleil,la ceftation du mouvement
de la fève , altèrent tellement les feuilles
d'un arbre ou d'une plante , qu'au lieu
d être fermes & élevées , elles baiftent &
fe flétriflent ; ce qui fait dire qu'elles font
/années. { K)
F A NO, ( Geogr.) fanum fortunae , à
caufe d'un temple de la fortune qui y fut
bâti par les Romains , en mémoire d'une
vifloire fignalée qu'ils remportèrent fur
Afdrubal, frère d'Annibal , dans la féconde
guex-re punique, l'an de Rome J47; jolie
petite ville maritime d'Italie , dans l'état
dé 1 Eglife , au duché d'Urbin , avec un
évêché qui relevé du pape , & un ancien
arc de triomphe dont les infcriptions font
prefque toutes efiacées. L'églife cathé-
drale y pofTede de beaux tableaux du Gui-
de. Cette ville eff la patrie de deux papes ;
favoir de Marcel II , qui mourut vingt-
quatre heures après fon éleâion , le 9
Avril 1 f 5 f , non fans foupçon d'avoir été
empoifonné ; & de Clément VIII , élu
pape en 1 59a , mort en i6oy , fî connu
par l'abfolution d'Henri IV , & la création
de plus de cinquante cardinaux pendant
fon pontificat. Fano eft fur le golfe de
Vçnife , à J Uçues fud-eft de Péfluro , huit
M m mm m 2
?28 FAN
nord-eft d'Urbin ; elle efl la patrie de
Taiirellus (Lilius) , connu par fes Pan-
deBùB Florcntinx , en trois volumes in- fol.
Long. 30 , 40 ,• lat. 42 , £3- ( D. J. )
Fano , ( Comm. ) petit poids dont on
fe fert à Goa & dans quelques autres lieux
des Indes orientales, pour pefer les rubis ;
il eft de deux karats de Venife. Diclionn.
de Comm. de Tréi'. & de Chamh. (G)
FANON , f. m. {fllarine.) Prendre le
fanon de l'dnimon.c'eii le raccourciflement
du point de la voile que l'on trouflb & ra-
mafle avec des garcettes , pour prendre
moins de vent ; ce qui ne fe fait que dans
de très-gros temps. Ce mot ert particu-
lièrement pour la voile d'artimon , &
quelquefois pour la mifene. {Z)
Fanon , terme de Chirurgie , pièce d'ap-
pareil pour la fracture des extre'mitcs infé-
rieures. On fait les fanons avec deux ba-
guettes ou petits bâtons de la grofTeur du
doigt: chaque baguette eft garnie de paille,
qu'on maintient autour du bâton avec
un fil qui l'entortille d'un bout à l'autre.
La longueur des fanons eft différente , fui-
vant la grandeur des fujets , & fuivant la
partie fradurée. Les Janons qui fervent
pour la jambe doivent être d'égale lon-
gueur , & s'étendre depuis le dellus du ge-
nou jufqu'à quatre travers de doigts au-
delà du pié. Ceux qui doivent maintenir
.la cuifle font inégaux ; l'externe doit aller
depuis le defTus du pié jufqu'au delà de l'os
des ifles ; l'interne eft plus court , & doit
fe terminer fupérieurement au pli de la
cuifte , & ne point blefl'er les parties na-
turelles. Le mot de fanon fignifie un bâton
de torche. Pour s'en fervir on les roule un
de chaque côté dans les parties latérales
d'une pièce de linge d'une longueur &
d'une largeur fuffifantes , fur le plein de
laquelle la partie puifle être placée avec
tout l'appareil qui y eft appliqué. Voye^
Planche IV , de Chirurgie , Jigure 2. On
ferre \e$ fanons des deux côtés du mem-
bre ; mais avant de les attacher par le
moyen de trois ou quatre liens ou rubans
de fil qu'on a eu foin de paffer par deftous ,
on a l'attention de mettre des compreffes
afîez épaiflcs pour remplir les vuidcs ,
comme au defluus du genou , & au dc"^us
des miilléolcs ou chevilles , afin que les
FAN
fanons fafTent une compreftion égale dans
toute la longueur du membre , & qu'ils ne
bleffent point les parties fur lefquelles ils
porteroient fi elles n'étoient point gar-
nies. Dans qucÀques hôpitaux on a pour
cet ufage des petits fachets remplis de
paille d'avoine. On noue extérieurement
les rubans qui ferrent les fanons contre le
membre , & on met ordinairement une
petite compreft'e quarrée au milieu de la
partie antérieure de la partie , fous chacun
de ces rubans pour les foutenir, & remplir
le vuide qu'il y auroit entre le ruban S£.
l'appareil. On voit afTez par cette defcrip-
tion , quel eft l'ufage des fanons ; ils
maintiennent la partie fradurée dans la
direftion qu'on lui a donnée , & s'oppo-
fent à tous les mouvemens volontaires &
involontaires , plus que toute autre partie,
de l'appareil-: ils fervent aufli à éviter le
dérangement dans le tranfport qu'on efl
quelquefois obligé de faire d'un blelTé ,
d'un ht dans un autre.
Lorfque les fanons font appliqués , on
doit poler le membre fur un coufiin ou
oreiller , dans une fituation un peu obli-
que , enfurte que le pié foit plus élevé que
le genou , &: le genou plus que la cuifte :
cette pofition favorife le retour du fang
des extrémités vers le centre. Dans les hô-
pitaiix militaires , où l'on n'a point d'oreil-
lers , on met la partie dans dss faux- fanons.
On donne ce nom à un drap plié de façon ,
qu'il n'ait de large que la hauteur des fanons,
on le roule par les deux extrémités , & on
place le membre entre ces deux rouleaux ,
qui fervent ù foutcnir les fanons , & même
à foulever la partie , & à donner un peu
d'air par defTous, quand on le juge à propos»,
Voyti FlabELLATION. On met quelque-
fois les faux-fanons doubles , pour élever
le membre davantage. Quand au lieu de
drap on n'a que des alaifes ou des nappes ,
il faut s'accommoder aux circcnftances ;
alors on roule féparément les pièces de linge
qu'on a , iS: on met les unes d'un côté & les
autres de l'autre pour remplir l'inteniioix
marquée.
i Les anciens mettoient tout fimplemenc
' le membre dans une efpece de caille qui
contenoitfort bien tout l'appareil. M. Pecic
a pertediouné cette pratique ; la boite
FAN
qu'il a imagin(;e , contient avantageufement
les jambes fracturées , & elle eft fur-tout
très-utile dans les fradures complique'es de
plaie qui exi^e des panfemens frc'quens. V.
Boite.
M. de la Faye a invente aufTi une machine
pour contenir les fraâures,tantfimples que
compliquées; elle efl compofc'ede plufieurs
lames de fer-blanc unies par des charnières:
il fuffit de garnir la partie de comprefTes ,
& l'on rouie cette machine par delTus ,
comme une bande. Cette machine , qui
peut être de grande utilité à l'armée dans le
tranfport des blefiés , pour empêcher les
accidens fâcheux qui reluirent du froide-
ment des pièces fradurées , eft décrite dans
le fécond volume des mémoires de l'aca-
démie royale de chirurgie. M. Coutavoz ,
membre de la même fociéié académique ,
a fait à cette machine des additions très-
importantes pour un cas particulier , dont
il a donne l'obfervation dans le même vo-
lume.
Dans une campagne où l'on n'auroit au-
cun de ces fecours , où l'on manqueroit
même de linge , un cliirurgien intelligent
ne feroit pas excufable , fi fon efprit ne
lui fuggéroit quelque moyen pour mainte-
nir les pièces d'os fraâurées dans l'état
convenable ; on peut faire une boîte ou
caifTe avec de I écorce d'arbre , & remplir
les inégalités de la partie avec quelque ma-
tière molle , comme feroit de la moufTe ,
&<:. Voyez Fraclure. {Y)
Fanon , ( Manège , Maréchall. ) On
appelle de ce nom cet aflemblage de crins
qui tombent fur la partie poftérieure des
boulets, & cachent celle que nous nommons
ïeigot. Leur trop grande quantité décelé
des chevaux épais , groftlers &: chargés
d'humeurs ; elle eft d'autant plus nuifible ,
qu'elle ne fert qu'à receler la crafie , la
boue & toutes les matières irritantes , que
nous regardons , avec raifon , comme les
caufes externes d'une foule de maux qui
artaquentles jambes de l'animal. On emploie
des cifailles ou pinces à poil , pour dégarnir
le fanon. Voyez Pan fer. {e)
Fanon , f. m. ( terme de Blafon, )
meuble de l'écu qui repréfente un large
braftclet fait à la manière du fanon d'un
prêtre, c'écoit anciennement une mauclie
^ F A N 82P
pendante qu'on portoit près du poignée
droit pour lui fervir d'ornement.
l.e fanon étoit fort en ufage en Alle-
magne , d'où ce terme eft venu ; car les al-
lemands appellentyj/zo/2 une pièce d'étoffe.
De Clinchamp de Caudecofte de Belle-
garde, à Lizieux & à Evreuxen Normandiej
cf argent à trois fanons de saeules. (G. D.
L. T.)
FANOS , ( Monn. ) monnoie des Indes
qui s'y fabrique & qui a cours en divers
endroits , particulièrement le long de la
côte de Coromandel , depuis le cap de
Comorin jufques vers le Bengale.
Les janos ont pareillement cours dans
l'ille de Ceylan , mais il ne s'en fabrique
pas. Il y a àcs fanos d'or & àQsfanos d ar-
gent. Les/a/zo.f d'or ne fout pas tous ni du
même poids , ni du même titre , ce qui faic
une grande différence pour leur valeur ; i!
en faut dix des plus forts pour l'écu de
France de 60 fous : les plus foibles pefenc
aux environs de 7 grains , mais l'or eft ii
bas qu'il en faut zz pour l'écu ; ceux-là fe
fabriquent à Afem. Lesyà/20i du Pégu tien-
nent le milieu ; ils pefentde même que ceux
d'Afem , mais l'or en étant à plus haut titre»
les quinze font l'écu , c'eft-à-dire , qu'ils
valent quatre fous tournois. Il y a aufti des
fanos d'or qui ont cours à Pondichery &
qui valent environ fîx fous ; ils font faits à
peu près comme la moitié d'un pois ife ne
font pas plus gros. Lqs fanos d'argent ne va-
lent pas tout à fait dix-huit deniers de Fran«-
ce , il en faut vingt pour le pardo , monnoie
que les Portugais font fabriquer à Goa , &
qui y a cours pour vingt-fept fous, (-f )
FANTAISIE , f. f. ( Gramm. ; figmfioit
autrefois V imagination , & on ne fe fervoic
guère de ce mot que pour exprimer cette
faculté de l'ame qui reçoit les objets fenfl-
bles. Defcartes , GafTendi , & tous les phi-
lofophes de leur temps , difent que les
ejpeces , les images des chofes fe peignent en
la fantdijie ; & c'eft de là que vient le mot
fantôme. Mais la plupart des termes abftraits
font reçus à la longue dans un fens différent
de leur origine, comme des inftrumens que
l'induftrie emploie à des ufages nouveaux.
Fantaijie veut dire aujourd'hui un dejirjin'
giiùer, iingoût paffager: il a eu lufantai/ie-
d'aller à la Chine ; \z fantaijie du jeu , dui'
8^0 FAN
bal , lui a paflc. Un peintre fait un portrait
de/a/2w///f,qui n'eft d'après aucun modèle.
Avoir àesfantai/ies , c'eft avoir des goûts
extraordinaires qui ne font pas de durée. V.
Vart. fuiv. Fantaijie en ce fenseft moins que
bi\J.rrerie & que caprice. Le caprice peut
fignifier an dégoût fubit & déraifonnaUe. Il
a eu \à fantaijie de la mufique , & il s'en eft
de'goûte' par caprice. La bizarrerie donne
une idée d'inconféquence & de mauvais
goût , que la fantaifie n'exprime pas : il a
eu la fantaijie de bâtir , mais il a conllruit
fa maifon dans un goût bizarre. Il y a en-
core des nuances entre avoir àes fantaijies
& être fantafque : le fantafque approche
beaucoup plus du bizarre. Ce mot déiigne
un caraâere inégal & brufque. L'idée d'a-
grément eft exclue du mot fantafque , au
lieu qu'il y a des fantaijies agréables. On
dit quelquefois en converfation familière ,
des J'antaijies mufquées ; mais jamais on n'a
entendu par ce mot , des bi\arrenes d'hom-
mes £un rangfupe'rieur qu'on nofe condam-
ner , comme le dit le didionnaire de Tré-
voux : au contraire , c'eft en le condamnant
qu'on s'exprime ainfi ; & mufque'e en cette
occafion eft une explétive qui ajoute à la
force du mot, comme on â^itfottife pommée ,
folie fieffée , pour dïrefott/fe &c Jolie com-
plette. Article de M. DE Voltaire.
Fantaisie, (ilfo/tj/c.) c'eft une pafBon
d'un moment , qui n'a fa fource que dans
l'imagination : elle promet à ceux qu'elle
occupe , non un grand bien , mais une
jouiffance agréable : elle s'exagère moins
le mérite que l'agrément de fon objet ;
elle en defire moins la pofteilion que l'u-
fage : elle eft contre l'ennui la reftource
d'un inftant ; elle fufpend les pafllons fans
les détruire : elle fe mêle aux penchans
d'habitude , & ne fait qu'en diftraire.
Quelquefois elle eft l'effet de la paftion
même ; c'eft une bulle d'eau qui s'élève fur
la furface d'un liquide , & qui retourne s'y
confondre ; c'eft une volonté d'enfant , &
c[ui nous ramené pendant fa courte durée ,
à l'imbécillité du premier âge.
Les hommes qui ont plus d'imagina-
tion que de bon fens , font efclaves de
vniWa fantaijies ; elles nailfent du défœu-
vrement , dans un état où la fortune a
donné plus qu'il ne finit ;\ la nature , où
FAN
les defirs ont été fatisfaits aufti-tût que
conçus : elles tyrannifent les hommes in-
décis fur le genre d'occupations , de de-
voirs , d'amufemens qui conviennent à leur
état & à leur caraflere : elles tyrannifent
fur-tout les âmes foibles , qui fentent par
imitation. Il y a des J'antaijies de mode ,
qui pendant quelque temps font les fan-
taijies de tout un peuple ; j'en ai vu de ce
genre , d'extravagantes , d'utiles , de fri-
voles , d'héroïques , &f. Je vois le patrio-
tifme & 1 humanité devenir dans beaucoup
de têtes des J'antaijies affez vives , & qui
peut-être fe répandroient , fans la crainte
du ridicule.
La Jantaifie fufpend la paiïion par une
volonté d'un moment , & le caprice in-
terrompt le caradere. Dans la fantaijie on
néglige les objets de fes paflions & fes prin-
cipes , & dans le caprice on les change-
Les hommes fenfibles & légers ont des/j/i-
taijies y les efprits de travers font fertiles
en caprices.
Fantaisie , ( Mufique. ) pièce de mu-
fîque inftrumentale qu'on exécute en la
compofant. Il y a cette différence du ca-
price à laj'antaijie , que le caprice eft un
recueil d idées fingulieres & fans liaifon ,
que rafTemble une imagination échauffée ,
&: qu'on peut même compofer à loifîr ;
au lieu que la J'antaijie peut être ime pièce
très-réguliere , qui ne diffère des autres
qu'en ce qu'on l'invente en l'exécutant ,
& qu'elle n'exifte plus quand elle eft ache-
vée : ainii le caprice eft dans l'elpece &
l'afTortiment des idées , & h fantaijie dans
leur promptitude à fe préfenter. Il luit de-
là qu'un caprice peut fort bien s'écrire ,
mais iaaTaisune/^z/7W/7;V ; car fitôt qu'elle
eft écrite ou répétée , ce n'eft plus une J'an-
taijie , mais une pièce ordinaire. iS)
Fantaisie , ( Manège. ) On doit nom-
mer fanta'ijie dans le cheval , une adion
quelconque fuggérée par une volonté tel-
lement opiniâtre &: rebelle , qu'elle répu-
gne à toute autre dénomination \ & ap-
peler du nom de defenfe , la réfiftance plus
ou moins forte que l'animal oppofe à toute
puillance émanant d'une volonté étrangère.
Voyez Mettre un cheial. (t)
Fantaisie , ( Peinture. ) Peindre ,'
deffiner de J'antaijie , n'eft autre chofe que
FAN
i'aire d'invention , de génie : quelquefois
cependant yà/!fj//zV fi^nifie une compojition
qui tient du grotelque. Voyez Pitto-
refqiie.
FANTASSIN , f. m. foldat qui com-
bat à pie feulement , & qui eil partie d'une
compagnie d'infanterie. Voyez Infante-
rie, {q)
FANTI , f. m. ( Commerce. ) nom qu'on
donne à Vienne aux clercs ou fadeurs du
collège de commerce , & dont les mar-
chands fe fervent pour faire les protêts des
billets & lettres de change. Voy. Protêt.
JDicIionnaire de Commerce f de Trévoux
& de Chambers. {G)
FANTIN , ( Géogr. ) petit état d'Afri-
que , fur la côte d'or de Guinée. Il eft peu-
plé , riche en or , en efclaves & en grains.
Il efl gouverné par un chef appelé hraffb ,
& par le confeil des vieillards , qui a beau-
coup d'autorité. Les Anglois & les Hol-
landois y ont des forts. Voye^ Bofman ,
voyage de Guinée ; la Croix , relation d'A-
fnque. Fantui & Annamabo font les lieux
principaux du pays. Long. ij. ^<j. lut. 7.
10. (£>./.)
FANTINE , f. £ [Manufaclure en foie.)
partie du chevalet à tirer la foie de defTus
les cocons. Voye\ t article SoiE.
* FANTOME , f. m. (^ Gramm. ) Nous
donnons le nom àe fantôme à toutes les
images qui nous font imaginer hors de nous
des êtres corporels qui n'y font point. Ces
images peuvent être occafionnées par des
caufes phyfiques extérieures , de la lumiè-
re , des ombres , diverfement modifiées ,
qui afFeâent nos yeux , & qui leur offrent
des figures qui font réelles : alors notre
erreur ne confifle pas à avoir une figure
hors de nous , car en effet il y en a une ,
maiS à prendre cette figure pour l'objet
corporel qu'elle repréfente. Des objets ,
des bruits , des circonftances particulières ,
des mouvemens de paffion peuvent aufïï
mettre notre imagination & nos organes
en mouvement ; & ces organes miis , agi-
tés , fans qu'il y ait aucun objet préfent ,
mais précifément comme s'ils avoient été
affeâés par la préfence de quelqu'objet ,
nous le montrent , fans qu'il y ait feule-
ment de figure hors de nous. Quelquefois
ks organes fe meuvent & s'agitent d'eux-
F A N 851
mêmes , comme il nous arrive dans le fom.-
meil ; alors nous voyons paffer au dedans
de nous une fcene compofée d'objets plus
ou moins découfus , plus ou moins liés ,
félon qu'il y a plus ou moins d'irrégularité
ou d'analogie entre les mouvemens des
organes de nos fenfations. Voilà Torigme
de nos fonges. Voye-{ les articles Sens ,
Sensation , Songe. On a appliqué le
mot de fantôme à toutes les idées faufTes
qui nous impriment de la frayeur , du
refped , &c. qui nous tourmentent , &
qui font le malheur de notre vie : c'efl: la
mauvaife éducation qui produit ces fan-
tômes , c'efl l'expérience & la philofopliie
qui les difîipent.
^ *FANTONo«FENTON , f. m.{Serr.)
c'eft une forte de ferrure deftinée à fervif
de chaîne aux tuyaux de cheminées : il y
en a de deux fortes. Ceux dont on fe fei c
pour les tuyaux de cheminée en plâtre ,
font faits de petites tringles de fer fendues «
d'environ fix lignes d'épaiffeur fur dix-huic
pouces de longueur , terminées à chaque
extrémité par un crochet. Ces crochets
s'embraffent réciproquement , & forment
la chaîne que le maçon pofe en élevant le
tuyau de la cheminée.
On emploie la féconde efpece Aefantons
dans les cheminées de brique ; ils font d'ua
fer plat , d'environ deux pouces de large ,
& d'une longueur qui varie félon les di-
menfions de la cheminée. Ces morceaux de
ter plat font fendus fur le plat par chacune
de leurs extrémités , d'environ fix pouces
de long. On coude les parties fendues , en
équerre fur leur plat , l'une de ces parties-
en deffus , & l'autre en deffous ; enforte
que ces parties coudées forment une efpece
de T : on les expofe dans les épaifTcurs
du tuyau de la cheminée.
Cette ferrure contient , lie & fortifie-
les parties de la cheminée. Il eft évident
que le tuyau fera d'autant plus folide ,
qu'on les multipliaa davantage fur fa lon-
gueur.
FANUM , ( Litte'rat. ) temple ou monu-
ment qu'on élevoit aux empereurs aprè*
leur apothéofe. C'eft un mot grec "«o»,,
civil f avec un digamma éolique '?'"''' tf^-^
' mim , temple. Cette origine eft manitefe
S^^i FAN
dans le à\mimtt\i hanulum pour fanulum ,
petit temple.
Cicéron inconfolablede la mort de fa fille
Tullla , réfolut de lui bàtir un temple ; je
dis un temple , & non pas un tombeau, parce
qu'il vouloit que le monument qu'il lui eri-
geroit s'appelât /a/2u/72 , dénomination con-
facrée aux temples , & aux feuls monumens
qu'on élevoit aux empereurs après leur apo-
théofe.
En effet , quelque magnifique qu'un tom-
beau pût être , il ne paroifl'oit point à
Cict'ron digne dune perfonne telle que
Tullia , & qu'il croyoit mJriter des hon-
neurs divins. C'elt pourquoi , après avoir
fait marché pour des colonnes de marbre
de Chio , un des plus beaux marbres de la
Grèce , il infinue que l'emploi qu'il en vou-
loit faire pour fa fille , étoit quelque chofe
d'extraordinaire. Il parle en même temps
de fon deffein comme d'une foiblefTe qu'il
faut que fes amis lui pardonnent ; mais il
conclud que , puifque les Grecs de qui les
Eomains tenoient leurs loix , avoient mis
des hommes au nombre des dieux , il pou-
voir bien fuivre leur exemple , & que foni
admirable fille ne méritoit pas moins cet]
honneur , que les enfans de Cadmus , d'Am-l
phion , & de Tindare: en un mot il compte
que les dieux la recevront avec plaifir au
milieu d'eux , & qu'ils approuveront d'au-
tant plus volontiers fon apothéofe , qu'elle
n'étoit point une nouveauté. Voyez Apo-
théofe & Confe'cratLon.
Il eft vrai qu'on trouve plufieurs exem-
ples de ces apothéofes ou confécrations
domeftiquesdans les infcriptions fépulcrales
grecques , où les parens du mort déclarent
.que c'eft de leur propre autorité qu'il
a été mis au nombre des dieux. Spon. inf-
cript. exil' , p. ^68 ; Reinefius , infciipt.
Cxi , cUJJîq. ij.
On a lieu de croire cependant que Cicé-
ron , n'exécuta pas le delFein dont il avoit
paru fi fort occupé , parce qu'il n'en parle
Pl ■ '
r
îlus dans fes ouvrages, & que les auteurs qui
'ont fuivi n'en ont fait aucune mention. La
F A O
mort de Ctfar qui arriva dans cette con-'
jondure, ieta Cicéron dans d'autres affaires,
qui vraisemblablement ne lui lailierent pas
le loifir de fonger à celle-ci. Peut-être
au m que lorfque le temps eut diminué fa
douleur , il ouvrit les yeux , & reconnut
que fi on l'avoir blâmé de s'y être trop
abandonné , on le condamneroit encore
davantage d'en laiffer un monument fi
extraordinaire. Mais voyez fur \cfamim de
Tullia , l'abbé Montgault dans les me'm. des
Belles-lettres , & Midleton dans la vie de
Cicéron. Article de M. le chevalier DE
Jaucovrt.
* FANUS {a),_C. m. (Mythologie.) dieu
des anciens ; c'étoit le protedeur des voya-
geurs , & la divinité de Tannée. Les Phé-
niciens le repréfentoient fous la figure d'un
ferpent replié fur lui-même , qui mord fa
queue.
FAON , f m. ( Vénerie. ) petit d'une
biche. V. l'art. Cerf.
* FAPESMO , ( Logique. ) un des ter-
mes dont on fe fert pour repréfenter par la
différente pofition de fes voyelles, la qualité
des propolitions qui doivent former une
efpece déterminée de fyllogifme : a mar-
que que la majeure en doit être univerfelle
affirmative ; e la mineure univerfelle néga-
tive, o la conclufion particulière négative.
Voyez l'article Syllogifme.
FAQUIN , f. m. "( Manège. ) courir
ou courre le faquin , rompre des lances ,
jeter des dards contre la quintaine ; efpece
de jeu fort en ufage chez les Komains qui
y exerçoient avec foin la jeuneffe qu'ils
delHnoient à la guerre. Il fut du nombre
de ceux que l'empereur Juflinien diftingua
des jeux de hafard qu'il détendit , & idem
ludere liceat quintanam h.ifîdjine cufpide y
L. III , tit. xluj. cod. de alcat. Suivant cette
même loi , il paroit que Quintus en fut
l'inventeur , & delà l'origine du mot quin-
taine , à quodam Q^uinto , ita nominatâ
hâc lufus fpecie. Balfamon dans fes notes fur
le Nomocanon de Photius , a embraffé ce
fentimcnt, d ailleurs contraire à l'opinion de
(a) Bernard eft le premier qui ait mis un dieu de ce nom dnns (on ftipplé ment de Moreri.
^' a lu dans Mncrohe , Fanus au lieu à'Eanus qui s'y trouve. Eanus ainfi nommé ab eunJo,
^ft le même que Janus. Janus pojiea diâus eji qui pnlts Eanus , dit Velims dans fon traité,
J)e litterdrum pertnutatione.
Pancirolg
J A Q
Pancirole de Ducange & de Borel. Le
premier , ; , far. cap. jv , eftime que cet
exercice a tiré Ton nom à quiiuanâ fid qiuv
à ca/his romanis in quintanam ponam
exhi'oJit : le Çccond,Jiffert.fur.Toiniillc'. des
bimlieues dans Icfciuelles on fe rendoit à cet
effet , ces banlieues étant appelées quintes
ou qiiintaines : Borel enfin avance qu'il
n'eft ainfi nommé , quattendu que Ton a
imité ce jeu de ceux des anciens qui avoient
lieu de cinq en cinq ans.
Quant au terme de faquin , qui dans
cette circonftance eft le fynonyme de celui
de quint.zine , ùi fource n'eft point obfcure.
On peut y remonter , fans crainte de
prendre une conjonfture bizarre & imagi-
naire pour une analogie régulière. En eftet,
ce mot n'a été appliqué ici , que parce que
1 on fubllitue au pal ou au pilier , contre
lequel on rompoit des lances , un homme
fort & vigoureux , ou un porte-faix , en
italien yauc-/2i/îo , armé de toures pièces. Ce
porte -faix étoit tantôt habi'lé en turc,
tantôt en maure ou en farralm ; aulFi les
Italiens nommerent-ils ce jeu la courfe à
V homme armé , la courfe dufarrajin, Ihuo-
jno armato , il farraceno , il fiafermo. A
notre égard nous l'avons appelé la courfe du
faquin ; terme qui peut à la vérité, dans le
lens figuré, défigner nombre de perfonncs ,
mais qui dans fon acception naturelle, figni-
fie proprement un crojheteur , un homme
de la lie du peuple.
Dans la fuite , & principalement dans
les manèges , on plaça , au lieu du pal &:
de l'homme, un bufte mobile fur un pivot,
tenant un bouclier de la main gauche , &
de la droite une cpée , ou un fabre , ou un
bâton , ou un fac rempli de fable ou de
fon. Il s'agifibit de lancer des dards & de
rompre des laaces contre le buile , qui ,
atteint par l'airaillant, mmi de la lance , au
front, entre les yeux, dans l'œil, fur le
nez , au menton , demeuroit ferme & iné-
branlable ; mais qui , frappé par tout
ailleurs , tournoit avec une telle rapidité ,
cjue le cavalier efuuivoit , avec une peine
extrême , le coup auquel la mobilité du
biifte , dont la main droite étoit armée ,
rexpofoit , des qu'il avoit mal ajufté : on
conferve à ce bufle le nom âc faquin. Cette
courfe & celle des bagues font de toutes
Tome XIII.
F A R g^j
celles qui ont été pratiquées à cheval , les
plus agréables & les moins dangereufes.
On ne peut difconvenir qu'il n'y ait beau-
coup d'adrefl'e à faire les dedans , & à
rompre de bonne grâce ; on acquiert dans
ces fortes de jeux une grande aifance ,
beaucoup de focilité , beaucoup de liberté ;
mais on ne me perfuadera point qu'ils
doivent être préférés à la fcience du ma-
niement des armes dont nous nous fervons
auiourd'hui , & que celle de mefurer des
coups de lance foit aflez utile , pour né-
gliger & pour abandonner totalement la
première. Voye\ EXERCICES. Du reîle , la
courfe du faquin eft déjà en quelque ma-
nière délaiffée ; il n'en eft plus queftion
dans nos écoles. En ce qui concerne celle
delà quinraine, nous dirons qu'elle a lieu
encore dans quelques coutumes locales ,
foit à l'égard des meuniers , bateliers, fiv.
foit à l'égard des nouveaux mariés , qui ,
s'ils n'ont point eu d'enfans dans lantiée ,
Ibnt obligés de rompre en trois coups y
tous peine d'une amende , une perche con-
tre un pilier planté dans la rivière : le tout
en préfence du feigneur , tandis qiie les
femmes font tenues de préfenter au pro-
cureur du roi un chapeau de rofes , ou
d'autres fieurs , & de donner à goûter au
greffier du juj'e. Il eft fait mention de ce
dro;t dans le ln\ III, du recueil des arrns
du pailement de Bretagne. Nous y Tifons
qu'un Certain prieur de Livré , foutenant
que ce droit lui appartenoit, précer.doit en
ufer dès le lendemain de pâques ; ce qui lui
fut fpécialement défendu , au moins dans le
cours de ces fêtes folennel'es. {e)
FAR
FARAB , {Gcogr.) petite ville d'Afiè
fituée fur le bord feptentrional du Chefel ,
environ à 1 5 lieues de la n-:er Cafpienne.
Sa longit. varie depuis 87 à 89 degrés ; fa
latit. eft fixée à 3B degrés. {D. .T.)
FARAîLLON , f. m. ( Manne. ) c'eft
un petit banc de fable ou de roche , qui
eft féparé d'un banc plus £;rand par un petit
canal. Ce terme n'eft guère ufité. ( Z)
* FARAIS & HERBAGES , ( Fcche.)
on appelle farais les ficelles neuves dont on
travaille les rets pour la pêche des coraux ;
& herbages les vieilles ficelles qu'on tire des
N II n n n
3^4 FAR
rets ufés , & qu'on remet en itowpèi pour
les chevrons qui fervent à la même pêche.
FARAMOND ou Pharamond , pre-
mier roi de France , ( Hiff. de Fr. ) Des
écrivains ont placé au rang des fables les
foibles fragmens qui nous reftent de l'hif-
toire de ce prince : il ne nous paroît
cependant pas poffible de douter de fon
exiflence & de fon rcgne. 11 e'toit fils
de Maicomere ou Marcoiuire , duc ou roi
d'une tribu de Francs , qui fe fignala fous
le règne de TliJodofe le Grand. Ce fut
vers l'an 420 , que fuivant l'ufage des
tribus Germaniques qui obcifToient à des
rois , il fut élevé fur le bouclier & montré
comme roi à la nation alTemblée. Ces
peuples ligués foiis le nom de Francs ,
occupoient le pays que renferment le
Rhin , le Vefer , le Mein & l'Océan ; ils
avoient profité des troubles de l'empire &
des embarras d'Honorius, & avoient ajouté
à leurs pofTeiïîons la ville & le territoire
de Trêves. On prétend même qu'ils exci-
toient dès lors l'inquiétude des Romains
au point de leur faire craindre pour la
Belgique entière , & que ce fut l'une des
principales raifons qui détermina Aëtius à
pafl'er dans les Gaules. Les Francs n'eurent
aucun démêlé avec ce général. FaramonJ
mourut peu de temps après la viâoire
d'Aëtius fur Théodoric , roi des Vifigoths,
qui fe rapporte à l'an 417. On ne fait que!
étoit fon âge , ni quelle fut fa femme : on
lui donne deu < fils , dont 1 liiftoire ne nous
a point dévoilé la deflinée 3 & Clodion
qui lui fuccéda. Une chronique fait men-
tion d'un troifieme fils , nommé Didlon ,•
mais on ne voit rien de femblable dans
tous les écrivains qui fe font occupés de nos
annales.
Il ne faut pas fe figurer la royauté parmi
les Francs , telle que nous la voyons aujour-
d'hui ; il s'en falloit bien qu'elle jetât le
même éclat : ce n'étoit , à proprement
parler , que des chefs ou des généraux
d'armées , ils étoient tout-puiflans en temps
de guerre , & punifToient de mort quicon-
que avoit violé leur ordonnance. On ne
fait pas cxaftement quelle étoit leur auto-
rité pendant la paix : ils étoient juges nés
de tous les différens , ils terminoient par
«ux-mêmes tous ceux qui s'élevoient fous
FAR
leurs yeux , & nommoient , dans les afle-n-
blées générales , les officiers qui dévoient
les repréfenter dans ces fondions par-tout
011 ils n'étoient pas.
Des écrivains ont regardé Faramoni
comme l'auteur de la loi falique qui exclut
les femmes du trône : d'autres , dont le
fentiment nous paroît préférable , penfent
que cette loi s'ert incroduite par l'ufage,
& qu'elle n'eft l'ouvrage d'aucun IJgilIareur.
Les différentes tribus de Francs ne fe réu-
nirent en forme de nation que pour fe
défendre contre les Romains , & enfuite
pour les attaquer ; une femme n'eût point
été propre pour les conduire dans leurs
expéditions militaires. Qu'on les confidere
dans leur origine , on les voit dans un état
de guerre continuelle , toujours les armes
à la main : ils ne faifoieiit pas même leur
féjour dans les villes y mais feulement dans
des camps : le peu de maifons qu'ils bâtil-
foient reflembloient à des tentes , fans foli-
dité & fans magnificence.
Au refte , fl nous donnons à Fdramond
le titre de roi de France , c'eîl pour nous
conformer à l'ufage ; il n'exiftoit point dans '
le monde de royaume de ce nom , & ce ne
fut que fous la féconde race qu'il put s'ap-
pliquer au pays que nous habitons. Jufqu'à
ce temps les Gaules , quoiqu'alfujettis aux
François , conferverent la gloire de leur
premier nom. (/rf-i'.)
FARATELLE . f m. ( Commerce. )
poids dont on fe fert dans quelques lieux
du continent des grandes Indes. Il eft égal
à deux livres de Lisbonne , où la livre ell
de 14 onces poids de marc , ce qui revient
â une livre trois quarts de Paris. Voye\
Livre , Poids. Dicl. de comm. de Trév.
& de Chamhrs. {G)
FARCE , f. f. {Belles-Lettres.) efpece
de comique grofîier où toutes les règles de
la bienféance, de la vraifemblance , & du
bon fens^ font également violées. L'abfurde
& l'obfcene font à h/liree ce que le ridicule
ell à la comédie.
Or on demande s il eft bon que ce genre
de fpeftacle ait dans un état bien policé
des théâtres réguliers & décens. Ceux qui
protègent hj^ree en donnent pour raifon,
que , puifqu'on y va , on s'y amufe , que
tout le monde n'eft pas en état de goûrec
FAR
!e bon comique , & qu'il faut laifTei- au pu-
blic le choix de les amulemens.
Que l'on s'amufe au ipedacle de la /arce ,
c'ertun tait qu'on ne peut nier. Le peuple
romain défertoit le théâtre do Ti'rence
pour courir aux bateleurs ; & de nos jours
Méropc & le Méchant dans leur nouveauté
ont à peine attiré la multitude pendant
deux mois , tandis que l^firce la plus monf-
trueufe a l'outenu fon fpedacle pendant
deux faifons entières.
11 e{\ donc certain que la partie du pu-
blic , dont le goût eft invariablement dé-
cidé pour le vrai , l'utile , & le beau , n'a
fait dans tous les temps que le très-petit
nombre , & que la fo',!le le décide pour
l'extravagant & l'abfurde. Ainfî , loin de
djlputer à \a farce les fuccès dont elle jouit ,
nous ajouterons que dès qu'on aime ce fpec-
tacle , on n'aime plus que celui-là , & qu'il
feroit aulTi lurprenant qu'un homme qui
fait les délices journalières de ces grolFieres
abfurdités , fût vivement touché des beau-
tés du Mifantrope & d'Athalie , qu'il le
feroit de voir un homme , nourri dans la
débauche,fe plaire à la fociété d'une femme
vertueufe.
On va , dit-on , fe délafTer à \:i farce ;
un fpedacle raifonnable applique & fatigue
l'elprir, \a farce amufe, fait rire , & n'oc-
cupe point. Nous avouons qu'il eft des ef-
prits , qu'une chaîne régulière d'idées 6r
de fentimens doit fatiguer. L'efprit a fon
libertinage & Ion defordre où il eft plus à
fon aife ; &: le plailir machinal & grolTier
qu'il y prend fans réflexion , émoufle en
lui le goût de l'honnête & de l'utile ; on
perd l'habitude de réfléchir comme celle
de marcher , & l'ame s'engourdit &: s'é-
nerve comme le corps , dans une oifive
indolence. La farce n'exerce , ni le goût ni
la raifon : de-là vient qu'elle plaît à des
âmes parefl'eufes ; &: c'ell pour cela même
que ce fpeftacle eft pernicieux. S'il n'avoir
rien d'attrayant , il ne feroit que mauvais.
Mais qu'importe , dit-on encore , que
le public ait raifon de s'amufer ? Ne fufiit-
U pas qu'il s'amufe ? Ceft ainfi que tran-
chent fur-tout, ceux qui n'ont réfléchi fur
rien. Ceft comme fi on difoit : Qu'importe
la qualité des alimens dont on nourrit un
çniant , pourvu qu'il mange avec plaifir l
FAR 85J
Le public comprend trois clafTes ; le bas
peuple, dont le goût & l'efprit ne font
point cultivés , & n'ont pas befoin de l'ê-
tre ; le monde honnête & poli , qui joint
à la décence des mœurs une intelligence
épurée & un fentiment délicat de bonnes
cîiofes ; l'état mitoyen , plus étendu qu'oa
ne penfe, qui tâche de s'approcher par
vanité de la clafîe des honnêtes gens , mais
qui eft entraîné vers le bas peuple par une
pente naturelle. Il ne s'agit donc plus que
de favoir de quel côté il eft le plus avan-
tageux de décider cette clafle moyenne &
mixte. Sous les tyrans & parmi les efclaves
la queftion n'eft pas douteufe ; il eft de la
politique de rapprocher l'homme des bêtes ,
puifque leur condition doit être la même ,
& qu'elle exige également une patiente
ftupidité. Mais dans une conftitution de
choies fondées fur la juftice & la raifon ,
pourquoi craindre d'étendre les lumières ,
& d'ennoblir les fentimens d'une multi-
tude de citoyens , dont la profefHon même
exige le plus fouvent des vues nobles , un
fentiment & un efprit cultivé ? On n'a donc
nul intérêt politique à entretenir dans cette
clafte du public l'amour dépravé des mau-
vaifes chofes.
La farce eft le fpeûacle de la groflîere
populace ; & c'eft un plaiiir qu'il faut lui
laifter , mais dans la forme qui lui convient,
c'eft-à-dire, avec des tréteaux pour théâtres,
& pour fi'lles des carrefours ; par-là , il fe
trouve à la bienféance des feuls fpedateurs
qu'il convienne d'y attirer. Lui donner des
falles décentes & une forme régulière ,
l'orner de mufique , de danfes , de déco-
rations agréables , c'eft dorer les bords de
la coupe où le public va boire le'poifon du
mauï'ais goût.
Dans le temps que le fpeftacle françoîs
étoit compofé de moralités &.de fottifes ,
la petite pièce écoit une farce, ou comédie
populaire , très - /impie & très-courte ,
deftinée à délaffer le fpe£lateur du férieux
de la grande pièce- Le modèle de \a farce
eft VAi-ocat Patelin , non pas tel que
Brueys l'a reitiife au théâtre ; mais avec
autant de naïveté & de vrai comique.
Toutes ces i'cenes qui dans la copie nous
font rire de fi bon cœur , fe trouvent dans
l'original facilement écrites en vers de huis
Nnnnn 1
S^6 FAR
fyllabes , & tiès-plaifamment dialoguees.
Un morceau de la fcene de Pathelin avec
ie Bergei' lliffic pour en donner l'ide'e.
F A T H E L I N.
Or l'ien çà , parld Qui tjl-tu î
Ou demandeur ou défendeur.
Le Berger.
Tai à faire à un entendeur ,
Entend^\-:'ods bien ? Mon doux maijlre.,
A qui j'ai long-tempx mené' paifiie
Les brebis , 6" les lui gardoyé.
Par mon ferment , je regardoye
Qu'il me payait petiteni-ent.
JJi.rai~je tout ?
Pathelin.
Dea furement ^
A fon conj'eil on doit tout dire ?
Le Berger.
// eft vrai , & vérité , fire y
Que je les lui ai ajjomme'es ,
'l'.int que plujjeursfe font pâmées
Maincefois , ^ font cheutes m.ortes ^
Tantfujfent -elles faines & fortes :
Et puis je lui faifois entendre ,
Afin qu'il ne m'en peufi reprendre y
Qu'ils m.ourroient de la cLwelée
hal fait-il , ne foit plus mefée,.
Avec les autres , gette-la.
Volontiers , fais- je. Mais cela
Se faifoit par une autre voie ,
Carpir faincl .Tehan, je les mangeoye ,
Quifivoye bien la maladie.
Que voulez-vous que je vous die ?
J'ai ceci tant continué ,
J'en ai afpjmmé & tué
Tant , qu il s'en eji bien apperfu ;
Et quand il s'ejî trouvé d.yu.
M' ai f dieu , il m' a fait efpier ,
Car on les ouijl bien crier , . . . . ^
Je fais bien qu'il a bonne caufe
Mais vous trouverez bien la claufe ,
Se voulez , qu'il l'aura mauvaife.^
Pathelin.
Par ta foi , feras-tu bien aife ?
Que donras-tu , Ji je renverfe
Le droit de ta paitie adverfe ,
Et Ji jeté renvoyé al fouz ?
Le Berger
Je ne vous payerai point , enfoui^ ,
Mais en bel or à la couronne^
F A K
Pathelin
Donc , tu auras ta caufe bonne,
..»..*
Si tu parles , on te prendra
Coup à coup aux pofuions ;
Et en tel cas , confij/îons
Sont Ji très-préjudiciables
Et nuijent tant que ce font diables..
Pour ce , vecy que tu feras ,
J'a tojl, quand on t'appellera y
Pour comparoir en jugement ,
Tu ne répondras nulLment
Fors bée , pour rien que l'on te die ?
Ce petit prodige de l'art , où le fecretr
du comique de caradere &: du comique de
nri-.arion Jtoit découvert , eût la plus grande
célébrité. Apres l'avoir traduit en vers
François , (car il étoit d'abord écrit en
profej on le traduifir en vers latins pour
les étrangers qui n'cnrendoient pas notre,
langue. 11 lembleroit donc que dès-lors on
avoir reconnu b bonne comédie ; mais jus-
qu'au Menteur & aux Précieufes ridicuUs y
c'ell-à-dire , durant près de deux llecles ,,
cette leçon fut oubliée.
Dans \<ii farces du même temps , il y
avoir peu d'intrigue & de comique , mais
quelquefois des naïvetés plaifantes , com-
me dans celle du Savetier qui demande à
Dieu cent écus, & qui lui dit de fe mettre
à la place.
Beaufire, imaginé le cas ,
Et que vous fuyiez devenu
Ainji que moi pauvre S" tout nu ,
Et que jeftiffe Dieu, pour voir:
Vous les voudriez^ bien avoir.
Au bas comique de \a farce , avoit fuc-
céàé le genre infipide & plat des comédies
romanefques & des pallorales , & celui-ci
plus mauvais encore , faifoit regretter le
premier. On y revenoit quelquefois : Adrien
de Moniuc doima une fv ce an 1616, fous
le nom de la comédie des proverbes, ou
il avoit réuni tous les quolibets de fon
temps , lefqucls font prefque tous encore
ufités parmi le bas peuple ; & en cela.
cette farce crt un moiuinient i)récieux>
En voici des échantillons.
" La fortune m'a bien tourné le dos ,
moi qui avoit feu & lieu , pignon fuE
rue , & une fille belle conune le jour ! A
FAR
qui vendez-vous vos coquilles ? A ceux
qui viennent de Saint-Michel ? Patience
paflTe fcience. Marchand qui perd ne peut
rire ; qui perd fun bien perd fon fang. Je
leiremble à chianlit , je m'en doute. Il
n'y fongea non plus qu'à fa première che-
mife. I! elt bien loin , s'il court toujours.
Il vaut mieux le taire que de trop parler.
Tu es bien heureux d'être fait , on n'en
fait plus dcfi fot. Je n'aime point le bruit ,
Il je ne le fais. Je veux que vous ceiïlez
vos riottcs , & que vous loyez comme les
deux doigts de la main ; que vous vous em-
braiîlez comme frères , que vous vous
accordiez comme deux larrons en foire ,
& que vous foyez can-.arades comme co-
chons. Je ne fais comment mon père eft
Il coèffe de cet avaleur de charrettes fer-
rJes : quelques-uns difent qu'il eii alTez
avenant : mais pour moi je le trouve plus
fot qu'un panier perce ; plus effronté qu'un
page de cour , plus fantafque qu'une mule ,
méchant comme une âne rouge , au refte
plus poltron qu'une poule , & menteur
comme un arracheur de dents . . . Vous
dites-là bien des vers à fa louange , êv. »
CottQ plaifauterie d'un homme de qua-
lité femble avoir été faite fur le modèle du
rûle de Sancho Pança ; elle parut la même
année que mourut Michel Cervantes , le
célèbre auteur de Don Quichotte.
Que le fucccs de Iay.zrce fe foit foutenu
Juff^u'alors , on ne doit pas en être fur-
pris ; mais que la bonne comédie ayant
été connue &: portée aa plus haut degré
de perfefiion , les farces de Scarron aient
réuffi à c^té des chefs-d'œuvres de Mo-
lière , c'eft ce qu'on auroit de la peine
à croire , iî l'on ne favoit pas que dans
tous les temps le rire ell une convulfion
douce , que le p'ius grand nombre des hom-
mes préfère , autant qu'il le peut fans
rougir , aux plaiilrs les plus diîicats du
fentiment &: de la penfée. {M. Mar-
MONTEL. )
Farce , en Cuijme , e(} une efpece de
garniture ou mélange de différentes viandes
hachées bien menues , affajfonnées à' épiées
& de fines herbes.
Farce ; fe dit encore , parmi les Cuifi-
^/e/vs, -d'un mets fait avec plufieurs fortes
d!herbes, comme ofeille , laitue ; porée , &c.
FAR 857
hachées enfemblc , & brouillées avec des
œufs ; avant de ia fervir , outre ceux qu'on
y a brouillés , on y met encore des quar-
tiers d'ccufs durs , tant pour orner 'e plat
de farce , que pour adoucir la trop grande
aigreur des herbes.
FARCIN , f. m. {Mun/ge, Maréchdl.)
De toutes les affections cutanées , \efarcin
cil celle qui a été envifagée comme la plus
formidable.
Vanhelmont , à l'afpcdl: de fes fympto-
mes & de fes progrès , le déclara d'abord
la fource & l'origine de la vérole. Cette
décifion honore peu fans doute les inquifi-
teurs qui attentèrent pieufcmcnt à fa li-
berté , fous prétexte que fes l'ucct s , dans
le traitement des maladies du corps hu-
main , étoient au deffus des forces de la
nature.
Soleyfe! , cet oracle encore confulté de
nos jours , en donne une définition qui
perfuaderoit que la célébrité de fon nom
efi moins un témoignage de fon favoir que
de notre ignorance. EJiaura venenata , dit-
il , ce font des efprits corrompus , qui pénè-
trent les parties du corps du cheval avec Ict
mime facilité que la lumière du foleil pajfe au.
travers d'un verre. L'obfcuritéd'un fembla-
ble texte exigeroit néceflairement un com-
mentaire ; mais nous n'aurons pas la har-
dieffe & la témérité d'entreprendre d'ex-
pliquer ce que nous n'entendons pas , & ce
que vraifemblablement l'auteur n'a pas com-
pris lui-même.
Confidérons le farcin dans fes fiirnes ,
dans fes caufes , fie dans les reg!es théra-
peutiques , auxquels nous fommcs forcés
de nous affujcttir relativement au traite-
m.ent de cette maladie.
Elle s'anr.once & fe manifefte toujours
par une éruption. 11 importe néanmoins,
d'ohferver que les boutons qui la caracié-
rifent , n'ont pas confîamment le même af-
peét & le même ilege.
Il en cft qui fe montrent indiflinélement
fur toutes les parties quelconques du corps
de l'animal ; leur volum.e n'eftpas confidé-
rable ; ils abfv-edent quelquefois.
D'autres , à peu près femblables , mais
plus multipliés , n'occupent communément
que le dos, & ne font répandus qu'en petit
aombje fur l'encolure & fur la tête ; à
gjS FAR
mefiire qu'il en eft parmi ceux-ci qui fe
defl'échent & s'évanouifTent , les autres fe
reproduifent & reparoiffent.
Souvent nous n'appercevons que des tu-
meurs prolongées, fortement adhérentes
& immobiles , avec des éminences très-du-
res à leurs extrémités & dans leur milieu :
lorfque ces duretés fuppurent , elles four-
niflent une matière blanchâtre & bour-
beufe.
Souvent aufli ces mêmes tumeurs pro-
longées foivent & accompagnent exafte-
ment quelques-unes des principales ramifi-
cations veineufes , telles que les jugulaires ,
les maxillaires , les axillaires , les huméra-
ies , les céphaliques , les aurales , les fa-
phenes ; & les fortes de nœuds qui coupent
d'efpace en efpace ces efpeces de cordes ,
dégénérant en ulcères dont les bords cal-
leux fomblent fe reflèrrer &: fe rétrécir ,
donnent un pus ichoreux , fanieux , &
fétide.
Il arrive encore que les vâceresfarcineux
tiennent de la nature des ulcères vtrmi-
neux , des ulcères fecs , des ulcères chan-
creux; & c'eft ce que nous remarquons
principalement dans ceux qui réfultent de
l'éclat des boutons qui furviennent d'abord
près du talon , ou fur le derrière du boulet
d.insles extrémités poftérleures. Ces extré-
mités exhalent dès-lors une odeur infup-
portable ; elles deviennent ordinairement
d'un volume monflrueux, & font en quelque
façon éléphantiafées.
Enfin ces fymptomes font quelquefois
unis à l'engorgement des glandes maxillai-
res & fublinguales , à un flux par les nafaux
tl'une matière jaunâtre , verdâtre , fan-
guinolente, & très-différente de celle qui
s'écoule par la même voie à l'occafion de
quelques boutons élevés dans les cavités
nafales , & d'une légère inflammation dans
la membrane pituitaire , à une grande
foiblelfe , au marafme , f:_à tous les fignes
qui indiquent un dépériffement total &
prochain.
C'eiî fuis doute à toutes ces variations
&: à toutes ces différences fenfibles , que
nous devons cette foule de noms imaginés
pour défigner phifieurs fortes de Jdrcin ,
tels que le volant, furini oculus , le
cotdfc , le ciiJ ds poule , le chancreux ^
FAR
l'intérieur , le taupin , le bifurque , ^c1
Elles ont auffi fuggéré le prognoftic que
l'on a porté relativement au farcin qui
attaque la tète , les épaules , le dos , le poi-
trail , & qui a paru très-facile à vaincre ,
tandis que celui qui occupe le train de der-
rière , qui préfente un appareil d'ulcères
fordides , a été déclaré très-rebelle , &
même incurable , lorfqu'il eft accompagné
de l'écoulement par les nafaux.
Les caufes évidentes de cette maladie font
des exercices trop violens dans les grandes
chaleurs , une nourriture trop abondante
donnée à des chevaux maigres & échauffés ,
ou qui ne font que très-peu d'exercice ; des
alimens tels que le foin nouveau , l'avoine
nouvelle , le foin rafé , une quantité con-
fidérable de grains , l'impreflion d'un air
fi"oid , humide , chargé de vapeurs nuifi-
bles , l'obftruciion , le refl'errement des
pores cutanés , ^c. tout ce qui peut ac-
cumuler dans les premières voies des cru-
dités acides , falines , &; vifqueufes , chan-
ger l'état du fang, y porter de nouvelles
particules hétérogènes peu propres à s'af-
fimiler& à fe dépurer dansfes couloirs, &
dont l'abord continuel &c fuccelfif augmen-
tera de plus en plus l'épaifliffement , l'acri-
monie & la dépravation des humeurs, tout
ce qui embarraffera la circulat:on , tout
ce qui foulevera la maffe , tout ce qui
influera fur le ton de la peau & s'oppo-
fera à l'excrétion de la matière perf-
pirable , fera donc capable de produire
. tous les phénomènes dont nous avons
parlé.
Selon le degré d'épaiïïiffement & d'acri-
monie , ils feront plus ou moins effrayans ;
des boutons Amplement épars ça & là ,
ou raffemblés fur une partie , des tumeurs
prolongées qui ne s'étendront pas confi-
dérablement , une fuppuration louable ,
caraftériferont le farciii bénin : mais des
tumeurs fuivies réfultant du phis grand
engorgement des canaux lymphatiques ;
des duretés très-émine.ntes qui marqueront,
pour ainfi dire , chacun des nœuds ou cha-
cune des dilatations valvulaircs de ces mê-
mes vaiffeaux , & dont la tcrminaifon an-
noncera des fucs extrêmement acres , plus
ou moins difficiles à délayer , à corriger ,
à emporter , défigncront un furcui donc
FAR
la malignité eft redoutable , & qui provo- '
quant , s'il n'eft arrêté dans fts progrès ,
& il Ton ne remédie à la perverfion pri- j
mitive, la ténacité, la vifcofi té, la coa-
gulation de toute la mafïe du fang & des
humeurs , Panéantiflement du principe
fpiritueux des lues vitaux , l'impoiTibilité
des fecrétions & des excrétions falutaires ,
& conduira inévitablement l'animal à la
mort.
La preuve de la corruption putride des
liqueurs , fe tire non feulement de tous
les ravages dont un farcin , fiu--tout de ce
genre & de ce caradere , nous rend les
témoins , mais de fa fétidité & de la fa-
cilité avec laquelle il fe répand & s'étend
d'un corps à l'autre , de proche en proche ,
par l'attouchement immédiat , & même
quelquefois à une certaine dilîance ; auffi
le danger de cette communication nous
çngage-t-il à éloigner l'animal atteint d'un
farcin qui a de la malignité , & â le féparer
de ceux qui font faints ; & la crainte d'une
réprodudion continuelle du levain dans un
cheval qui auroit la faculté de lécher lui-
même la matière ichoreufe , fordide , fa-
nieufe , corrofive , qui échappe de fes
ulcères , nous oblige-t-elle à profiter des
moyens que nous offre le chapelet pour
l'en priver. Nous appelons de ce nom l'af-
femblage de plufieurs bâtons taillés en
forme d'échelon , à peu près également
efpacés ; parallèles entr'eux dans le fens
de la longueur de l'encolure , & attachés
à chacune de leurs extrémités au moyen
d'une corde & des encoches faites pour
affermir la ligature. Nous les plaçons &
les fixons fur le cou de l'animal , de ma-
nière qu'en contre-buttant du poitrail &
des épaules à la mâchoire. Ils s'oppofent
aux mouvemens de flexion de cette partie.
Ne feroit-ce point trop hafarder que de
fuppofer que l'origine de cette déno-
mination eft due à la refTemblance de
cette forte particulière de collier, avec
la corde fans fin qui fourient les go-
dets ou les clapets d'un chapelet hydrau-
lique ?
Quoi qu'il en foit , dans le traitement
de cette maladie , dont je n'ai prétendu
donner ici que des idées très- générales ,
ondcit fepropofer d'atténuer j d'incifer.
F A K 2$^
de fondre les humeurs tenaces & vifqueu-
fes , de les délayer , de les évacuer , d'a-
doucir leurs fels , de corriger leur acri-
monie , de faciliter la circulation des
fluides dans les vaiffeaux les plus dé-
liés , 6v.
On débutera par la faignée ; on tien-
dra l'animal à un régime très-doux , au
fon , à l'eau blanche; on lui adminiftrera
des lavemens émolliens , des breuvages
purgatifs dans lelqucls on n'oubliera point
de faire entrer ïaquiU alba. ; quelques dia-
phorétiques à l'ufage defquels on le mettra ,
achèveront de dilTiper les boutons & les
tumeurs qui fe montrent dans le faran
bénin , & d'amener à un deflechement
total ceux qui auront fuppuré.
Le farcin invétéré &: malin eft infini-
ment plus opiniâtre. Il importe alors de
multiplier les faignées , les lavemens émol-
liens ; de mêler la à boillbn ordinaire de
l'animal quelques pintes d'une décoction
de mauves , guimauves , pariétaires , Êv.
d'humeder le fon qu'on lui donne avec
unetiHinne apéritive & rafraîchifTante faite
avec les racines de patience , d'année , de
fcorfonei^e , de bardane , de fraifier , &
de chicorée fauvage ; de le maintenir long-
temps à ce régime ; de ne pas recourir
trop-tôt à des évacuans capables d'irriter
encore davantage les folides , d'agiter la
maffe & d'augmenter l'âcreté ; de faire
fuccéder aux purgatifs adminiftrés , les dé-
layans & les relâclians qui les auront pré-
cédés ; de ne pas réitérer coup fur coup
ces purgatifs ; d'ordonner , avant de les
prefcrire de nouveau , une faignée félon le
befoin. Enfuite de ces évacuations , dont le
nombre doit être fixé parles circonftances ,
& après le régime humeâant & rafraîchif-
fant obfervé pendant un certain intervalle
de temps , on prefcrira la tiianne de bois ,
& on en mouillera tous les matins le fou
que l'on donnera à l'animal : fi les boutons
ne s'éteignent point , fi les tumeurs pro-
longées ont la même adhérence & la mê-
me immobilité , on recourra de nouveau
à la faignée , aux lavemens , aux purga-
tifs , pour en revenir à propos à la même
tifanne , & pour pafTër de-là aux prépara-
tions mercurielleb , telles que 1 ethiops
minéral, le cinabre, Ùc. dont l'énergie
840 FAR
& la vertu font fenfibles dans toutes les
maladies cutanées.
Tous ces remèdes intérieurs font d'une
merveillcufe effic.icité , & opèrent le plus
fouvent la guérifon de l'animal lorfqu'ils
font adminiltrcs félon l'art & avec me'-
thode : on efî: néanmoins quelquefois obli-
gé d'employer des médicamens externes.
Les plus convenables dans les cas de la
dureté & de l'immobilité des tumeurs , fone
d'abord l'onguent d'althà:a ; & s'il eft des
boutons qui ne viennent point à fuppura-
tion , & que l'animal ait été fuffifam-
ment évacué , on pourra ^ en ufant
de la plus grande circonfpedion , les frot-
ter légèrement avec l'onguent napolitain.
Les lotions adouciflantes , faites avec les
décodions de plantes mucilagineufes , font
indiquées dans les circonftances d'une fup-
puration que l'on aidera par des remèdes
onclueux & réfineux , tels que les onguens
de bafilicum &: d'althia ; & l'on aura at-
tention de s'abftenir de tous remèdes def-
iicatifs lorfqu'il y aura dureté , inflamma-
tion ) &c que la fuppuration fera confidé-
rable : on pourra , quand la partie fera exac-
tement gorgée , laver les ulcères avec du
vin chaud dans lequel on délayera du miel
commun.
Des ulcères , du genre de ceux que nous
nommons vermineux , demanderont un
liniment fait avec l'onguent napolitain ,
à la dofe d'une once ; le baume d'arceus ,
à la dofe de demi-once ; le ftaphifaigre &
l'aloès fuccotrin , à la dofe d'une dragme ;
la myrrhe , à la dofe d'une demi-dragme ;
le tout dans fuffifante quantité d'huile
d'abfynthe : ce liniment eft non feule-
ment capable de détruire les vers , mais
de dérerger & de fondre les callofités ,
& Ton y ajoutera le baume de Fioraventi
fi l'ulcère eft véritablement difpofé à la
corruption.
L'alun calciné , mêlé avec de l'igyptiac
ou d autres cathérétiques , feront mis en
lifage eu égard à des ulcères qui tien-
dront du caradere des ulcères chancreux ;
on pourra même employer le cautère ac-
tuel , mais avec prudence : &: quant à l'é-
coulement par les nataux , de quelque
caufe qu'il provienne, on pouffera pki-
fleurs fois par jour , dans les cavités na-
FAR
fales, une inîeciion faite avec de l'eau com-
mune, dans laquelle on aura lait bouillir
légèrement de l'oi'ge en grain & diflbiidre
du miel.
11 eft encore très-utile de garantir les
jambes éiéphanriafées des impreffions de
fair , & l'on doit d'autant moins s'en dif-
penfer , qu'il n'eft pas difficile d'afîujettir
fur cette partie un linge grollier propre à
la couvrir.
J'ai obfervé très-fouvent , au moment
de la difparition de tous les fymptomcs
àwfarcin , une fuppuration dans l'un des
pies de l'animal , &: quelquefois dans les
quatre pies enfemble. On doit alors faire
ouverture à l'endroit d'où elle fcmble-
partir , y jeter , lorfque le mal eft décou-
vert , de la teinture de myrrhe & d'aloès ,
& placer des plumaceaux mouillés. & bai-
gnés de cette même teinture. J'ai remar-
qué encore plufieurs fois dans l'intérieur
de l'ongle , entre la foie & les parties
qu'elle nous dérobe , un vuide consi-
dérable annoncé par le fon que rend le
fabotiorfqu'onle heurte ; j'ai rempli cette
cavité, de l'exiftence de laquelle je me
fuis afliué , lorfqu'clle n'a pas été une fuite
de la fuppuration , par le m:)yen du bou-
toir , avec des boui'donnets cliargés d'un
digcftif dans lequel j'ai fait entrer l'huile
dhypericu.Ti , la térébenthine en réfine ,
les jaunes d'œufs , &: une fufr.fante quantité
d'eau-vlc-vie.
Perfonne n'ignore au furplus futilité de
la poudre de vipère , par laquelle on doit
terminer la cure de la malad e qui fait l'ob-
jet de CQt article ; & comme on ne doute
point auffi des faluraircs effets d'un exer-
cice modéré , il eft impoftible qu'on ne
fe rende pas à la néceftité d'y folliciter
réguhérement l'animïil pendant le trai-
tement, &: lorfque le virus montrera moins
d'aftivité.
I! faut de plus ne remettre le cheval
guéri ànfarcin à fa nourriture & à fon ré-
gime ordinaire , que peu à peu , & que
dans la circonftance d'un rctabliftcment
entier & parfait.
Du rcfte c'en eft aftez , ce me femble ,
de ces faits de pratique confiâtes dans une
forte d hôpital de chevaux que je dirige
depuis fept ou huit années ,. & dans lequel
j'en
FAR
j'en ai gutri plus de quatre- vingt du mal
dont il s'agit , pour donner au moins fur
les fecours qu'il exige , des notions infini-
ment plus certaines que les connoifl.mces
que l'on imagine puifcr , à cet égard , dans
la plupart de nos auteurs ; connoillances
qui ne nous préfentcnt rien de plus avanta-
geux que tous ces fecrets merveilleux dé-
bités myftérieufement & à un très - haut
prix par un peuple de charlatans aufH nom-
breux que celui qui, de nos jours, infede la
médecine des hommes, (e)
FARCINEUX , adj. { Mare'chall. ) ad-
jedif mis en ufage pour qualifier un cheval
attaqué du farcin , comme nous employons
ceux de mon'eux & de poujfif, pour déli-
gner l'animal atteint de la morve & de la
poufïe. (f)
FARD , f. m. ( Art cofme tique. ) fucus,
pigmentum ; fe dit de toute compoficion
fbit de blanc , foit de rouge , dont les
femmes , & quelques hommes mêmes , fe
fervent pour embellir leur teint , imiter
les couleurs de la jeunefTe , ou les réparer
par artifice.
Le nom de fard , fucus , étoit encore
plus étendu autrefois qu'il ne l'efl: aujour-
d'hui , & faifoit un art particulier qii'on
appela Commotique , ti^'f^f^inx^^ , c'eu-à-
dire , Ydrc de farder , qui comprenoit
non feulem.ent toutes les efpeces as fard y
mais encore tous les médicamens qui fer-
voient à ôter , à cacher , à redifier les
difformités corporelles ; & c'eft cette
dernière partie de l'ancienne commotique
que nous nommons Orthopédie. Voyez
Orthopédie.
L'amour de la beauté a fait imaginer,
de temps immémorial , tous les moyens
qu'on a cru propres à en augmenter l'éclat ,
à en perpétuer la durée , ou à en rétablir
les brèches ; & les femmes , chez qui le
goût de plaire eft très- étendu , ont cru
trouver ces moyens dans les fardemens ,
fi je puis me fervir de ce vieux terme
colleâif , plus énergique que celui de
f^rd.^
L'auteur du livre d'Enoc aflure qu'a-
vant le déluge , l'ange Azaliel apprit
aux filles l'art de fe farder , d'où l'on
peut du moins inférer l'antiquité de cette
pratique.
Tome XI IL
FAR 84r
L'antimoine eft le plus an:ien/.7n/ dont
il foit fait mention dans l'hiftoire , & en
même temps celui qui a eu le plus de
faveur. Job , chap. xl , v. 14 , marque ,
afiez le cas qu'on en faifoit , lorfqu'il
donne à une de fes filles le nom de vafe
d'antimoine , ou de boîte à mettre du fard ^
cornu flihii.
Comme dans l'Orient les yeux noirs ,
grands & fendus , pafl'oient , ainfi qu'en
France aujourd'hui , pour les plus beaux ,
les fem.mes qui avoient envie de plaire ,
fe frottoient le tour de l'oeil avec une ai-
guille trempée dans du fard d'antimoine
pour étendre la paupière , ou plutôt peur
la replier , afin que l'œil en parût plus
grand. AufTi Ifa'ie , ch. iij , v. 2.Z , dans
le dénombrement qu'il fait des parures
des filles de Sion , n'oublie pas les aiguilles
dont elles fe fervoient pour peindre leurs
yeux & leurs paupières. La mode en étoit
fi reçue , que nous lifons dans un des
livres des rois , Iw. IV , ch. ix , v. 30 ,
que Jéfabel ayant appris l'arrivée de Jéhu à
Samarie , fe mit les yeux dans l'antimoine,
ou les plongea dans le fard , comme s'expri-
me l'écriture , pour parler à cet ufurpa-
teur , & pour fe montrer à lui. Jéremie ,
chap. iv , v. 50 , ne cefToit de crier aux filics
de Judée : Enpain vous vous revêtire\ de
pourpre & vous mettre\ vos colliers d'or ,"•
cnvain Pous vous peindre/^ les yeux avec
Z'antim.oine , vos amans vous mépriferont.
Les filles de Judée ne crurent point le pro-
phète, elles penferent toujours qu'il fe
trompoit dans fes oracles ; en un m.ot ,
rien ne fut capable de les dégoûter de leur
fard : c'eft pour cela qu'Ezéchiel , chap»
xxiij , V. 40 , dévoilant les déréglemens
de la nation juive , fous l'idée d'une femme
débauchée , dit , quelle s'eft baignée ,
quelle s'efl parfumée , quelle a peint fes
yeux d'antimoine , qu'elle s'eji cïïifefur un.
très-beau lit & devant une table bien cow
verte , &c.
Cet ufage du fard tiré de l'antimoine
ne finit pas dans les filles de Sion ; il fe
glifTa, s'étendit, fe perpétua par tout- Nous
trouvons que Tertullien & S. Cyprien dé-
clamèrent à leur tour très- vivement contre
cette coutume ufitée de leur temps en Afiri-
que , de fe peindre les yeux & les Iburcils
Ooooo
S42 FAR
avec du fard d'antimoine : inunge oculos
mos , non ftibio diaboli,/tJ fo//yrzo Chrijliy
s'écrioic S. Cyprien.
Ce qu'il y a de fingulier , c'eft qu'au-
jourd'hui les femmes Syriennes , Babylo-
niennes , & Arabes , fe noirciflent du
même fard le tour de lœil , & que les
hommes en font autant dans les déferts de
l'Arabie , pour fe confcrver les yeux contre
l'ardeurdii foleil. Koye:} Ta vernier, voyage
de Peife , lir. II , ch. rij , & Gabriel Sio-
nita , de mon bus oiient. cap. xj , M. d'Ar-
vieux , dans fes voyages imprimés à Paris
en 1117 , livre XII, p- 2.7 , remarque , en
parlant des femmes Arabes, qu'elles bordent
leurs yeux d'une couleur noire compofJe
avec de la tuthie , qu'elles tirent une ligne
de ce noir en dehors du coin de l'œil , pour
le faire paroître plus fendu.
Depuis les voyages de M. d'Arvieux ,
le favant M. ShaW rapporte dans ceux
qu'il a foits en Barbarie , à Foccafion des
femmes de ces contre'es , qu'elles croiroient
qu'il manqueroit quelque chofe d'efl'entiel
à leur parure , fi elles n'avoient pas teint
le poil de leurs paupières & leurs yeux de
ce qu'on nomme alco-hol , qui eft la
poudre de mine de plomb. Cette opé-
ration fe fait en trempant dans cette pou-
dre un petit poinçon de bois de la grof-
feur d'une plume , & en le pallant enfuite
entre les paupières : elles fe perfuadent que
la couleur fombre , que l'on parvient de
cette façon à donner aux yeux y eft un
grand agrément au vifage de toutes fortes
de perfonnes.
Entr'autres colificiiets des femmes d'E-
jypte, ajoute le voyageur anglois , j'ai vu
tirer des catacombes de Sakara , un bout
de roseau ordinaire renfermant un poin-
çon de la même efpece de ceux de Bar-
tarefques , & une once de la même pou-
dre dont on fe fert encore aâuellement
( 1740 ) dans ce pays-là , pour le même
ufage.
Les femmes grecques & romaines em-
pruntèrent des Afiatiques , la coutume de
îe peindre les yeux avec de l'antimoine ;
mais ponr étendre encore plus loin l'em-
pire de la beauté' , & réparer les couleurs
flc'tries , elles imaginèrent deux nouveaux
fards incbnnus auparavant dans le monde.
FAR
& qui ont pafle jufqu'à nous : je veux dire
le blanc & le rouge. De-là vient que les
poètes feignirent que la blancheur d'Eu-
rope ne lui venoit que parce qu'une des
filles de Junon avoir dJrobé le petit pot
de yjrj blanc de cette déefie , & en avoir
fait prdfent à la fille d'Agenor. Quand
les richefTes affluèrent dans Rome , elles y
portèrent un luxe affreux , la galanterie
introduiht les recherches les plus rafinées
dans ce genre , & la corruption générale^
y mit le fceau.
Ce que Juve'nal nous dit des baptes d'A-
thènes , de ces prêtres efFémine's qu'il ad-
met aux myfteres de la toilette , fe doit
entendre des dames romaines , fur 1 exem-
ple defquelles , ceux dont le poète veut
parler , mettoient du blanc & du rouge j.
attachoient leurs longs cheveux d'un cor-
don d'or , & fe noircifToient le fourcil >
en le tournant en demi-rond avec une ai-
guille de tête.
Ille fupercilinm madidâ fuligine fa3um ,
Obliqua producit acu,pingicque trementes,
Attollcns oculos. Juve'n. Sat. z.
Nos dames , dit Pline le naturalifîe ,
fe fardent par air jufqu'aux yeux , tantx
tjl decoris affeclatio , ut tingantur ocuU
quoque ,• mais ce n'e'toit-là qu'un léger
crayon de leur mollefTe.
Elles pafîoient de leurs lits dans des
bains magnifiques , & là elles fe fervoienc
de pierres-ponces pour fe polir & s'adou-
cir la peau , & elles avoient vingt fortes,
d'efclaves en titre pour cet ufage. A cette
propreté' luxurieufe , fuccéda l'onftion &
les parfums d'Affyrie : enfin le vifage ne
reçut pas moins de façons & d'ornemens
que le refie du corps.
Nous avons dans Ovide des recettes àé-
taille'es de fards , qu'U confeilloit de fon
temps aux dames romaines ; je dis aux
dames romaines , car le fard du blanc &
du rouge e'toit re'fervé aux femmes de qua-
lité fous le règne d' Augulîe ; les courtifanes
& les affranchies n'ofoient point encore
en mettre. Prenez donc de l'orge , leur
difoit-il , qu'envoient ici les laboureurs de
Libye ; ûtez-en la paille ^'c la robe ; pre-
nez une pareille quantité d'ers ou d'orobe ,
détrempez l'un & l'autre dans des œufs 3
Far
«vec proportion ; faites féclier & broyer
îe tout ; jecez-y de la poudre de corne
<ie cert" ; a'ioucez y quelques oignons de
narcifle ; pilez le tout dans le mortier ;
vous y admettrez enfin la gomme & la fa-
rine de froment de Tofcane ; que le tout
foit lie par une quantité de miel convenable:
celle qui fe fervira de ceyiirJ,ajoute-t-il,aura
le teint plus net que la glace de fon miroir
Quxcumque a{ficiet tali meiicamine vuhum,
FuLgcbit fpeculo Isrior ipfa fuo.
Mais on inventa bientôt une recette plus
fîmple que celle d'Ovide , & qui eut la
plus grande vogue : c'étoit unyj/ï/compofe
de la terre de Chio , ou de Samos , que
l'on faifoit diffbudre dans du vinaigre.
Horace l'appelle humida creta. Pline nous
apprend que les dames s'en fervoient pour
fe blanchir fa peau , de même que de la
terre de Se'ineufe , qui efl , dit-il , d'un
blanc de lait , & qui fe difTbut prompte-
ment dans l'eau. Fabula, félon Martial,
craignoit la pluie , à caufe de la craie qui
étoit fur fon vifage ; c'étoit une des terres
dont nous venons de parler. Et Pétrone ,
en peignant un efféminé , s'exprime ainfi :
P erjluebam per jronum fudanns acaciœ
rii'i f 6" imer rugas malarum , tantiim erat
cretae y ut putares detracfum panetem nimbo
id.bora.re : " Des ruifîeaux de gomme cou-
*■> loient fur fon front avec la fueur , &
?> la craie étoit fi épaifTe dans les rides
w de fes ioues , qu'on aiuoit dit que
11 c'étoit un mur que la pluie avoit dé-
j; blanchi >j.
Poppée , cette célèbre courtifanne ,
^ouée de tous les avantages de fon fexe ,
hors de la chafteté , ufoit pour fon vifage
d'une efpece de Jarâ onifbueux y qui for-
moit une croûte durable , & qui ne tom-
boit qu'après avoir été lavée avec une
grande quantité de lait , lequel en déta-
choit les parties , & découvroit une ex-
trême blancheur : Poppée , dis-je , mit ce
nouveau fard à la mode y lui donna fon
nom , Poppjeana pinguia ; & Juvenal dit
que fi elle eût été exilée , elle eût mené
avec elle fon troupeau d'ânefles , & fe fe-
roit montrée avec ce cortège , jufqu'au
pôle hyperborée.
Cette pâte de l'invention de Poppée qui
«oiivrqit tout le vifage , formoit un raaf-
K A K 84}
que , avec lequel les femmei aîloîent dans
l'intérieur de leur maifon : c'étoit-là, pour
ainfi dire « le vifage domeftique , & le feu!
qui étoit connu du mari. Ses lèvres , ft
nous écoutons Juvénal , s'y prenoient à
la glu :
Hinc miferi vlfcantur lahra martti.
Ce teint tout neuf, cette fleur de peau ,
n'étoit faite que pour les amans ; & fur ce
pié-là , ajoute l'abbé Nadal , la nature ne
donnoit rien ni aux uns ni aux autres.
Les dames romaines fe fervoient pour le
rouge , au rapport de Pline , d'une efpece
àa fucus qui étoit une racine de Syrie avec
laquelle on teignoit les laines. Mais Théo-
pluafte eft ici plus exad que le naturalise
romain : les Grecs y félon lui , appeloient
fucus , tout ce qui pouvoit peindre la chair ;
tandis que la fubfbnce particulière dont les
femmes fe fervoient pour peindre leurs
joues de rouge , étoit diftinguée par le nom
de ri\ion , racine qu'on apportoit de Syrie
en Grèce à ce fujet. Les Latins , à l'imi-
tation du terme grec , appelèrent cette
plante radicuU ; &: Pline l'a confondue avec
la racine dont on teignoit les laines.
Il eft fi vrai que le mot fucus étoit un
terme général pour défigner \efard, que
les Grecs & les Romains avoient un fucus
métallique qu'ils employoientpourle blanc,
& qui n'ctoic autre chofe que la cérufe ou
le blanc de plomb de nos revendeafes à la
toilette. Leur fucus rouge fe tiroit de la
racine rizion , & étoit uniquement deftiné
pour rougir les joues : ils fe fervirent aufîi
dans la fuite pour leur blanc , d'un fucus
compofé d'tine efpece de craie argentine ;
& pour le rouge au purpurijfum , prépara-
tion qu'ils faifoient de l'écume de la pour-
pre y lorfqu'ellc étoit encore toute chaude.
Vojei PoURPPvE , ( Coquille. )
C'en eft aflez fur les dames grecques &
romaines. Pourfuivons à préfenc l'iiiftoire
du fard jufqu'à nos jours , & prouvons que
la plupart des peuples de l'Afie & de l'A-
frique font encore dans l'ufage de fe co-
lorier diverfes parties du corps de noir ,
de blanc , de rouge , de bleu , de jaune ,
de verd , en un mot y de toutes fortes de
couleurs , fuivant les idées qu'ils fe font
formées de la beauté. L'amour propre &: la
vanité ont également leur recherche dans
Oo 000 3i
S44 FAR
tous les pays du monde ; l'exemple , îe
temps & les Heux , n'y mettent que le plus
ou moins d'entente 3 de goût &. de per-
feftion.
En commençant par le nord , nous
apprenons qu'avant que les Mofcovices
eufTent été policés par le czar Pierre pre-
mier , les femmes Ruflëi favoient déjà fe
mettre du rouge, s'attacher les fourcils ,
fe les peindre ou s'en former d'artificiels.
Nous voyons aufîi que les Groenlandoifes
fe bariolent le vifage de blanc & de jaune;
& que les Zembliennes , pour fe donner
des grâces , fe font des raies bleues au
front & au menton. Les Mingreliennes ^
fur le retour , fe peignent tout le vifage ^
les fourcils , le front , le nez & les joues.
Les Japonoifes de Jédo fe colorent de bleu
les fourcils & les lèvres. Les Infulaires de
Sobréo au nord de Nicobar , fe plâtrent
le vifage de verd & de jaune. Quelques
femmes du royaume de Décan fe font dé-
couper la chair en fleurs , & teignent les
fleurs de diverfes couleurs , avec des jus
de racines de leur pays.
Les Arabes , outre ce que j'en ai dit
ci-deffus , font dans l'ufage de s'appliquer
une couleur bleue aux bras , aux lèvres , &
aux parties les plus apparentes du corps ; ils
mettent , hommes &: femmes , cette couleur
par petits points , & la font pénétrer dans
la chair avec une aiguille faite exprès : la
marque en efl: inaltérable.
Les Turquefîes africaines s'injeflent de
la tuthie préparée dans les yeux , pour les
rendre noirs , &: fe teignent les cheveux ,
les mains j &: les pies en couleur jaune &
rouge. Les femmes maures fuivent la mode
des Turqueflbs ; mais elles ne teignent que
les fourcils (?: les paupières avec de la pou-
dre de mine de plomb. Les filles qui de-
meurent fur les frontières de Tunis fe bar-
bouillent de couleur bleue le menton &
les lèvres ; quelques-unes impriment une
petite fleur ^ dans quelque autre partie du
vifage , avec de la fumée de noix de galle
& du fafran. Les femm.es du royaume de
Tripoli font confiftcr les agrémens dans
des piqûres fur la face , qu'elles pointiUent
de vermillon ; elles peignent leurs cheveux
de même. La plupart des filles nègres du
Sénégal j avmt que de fe marier , fe font
FAR
broder îa peau de différentes figures d'a-
nimaux & de fleurs de toutes couleurs. Les
négrefles de Sarra-Liona fe colorent le
tour des yeux de blanc , de jaune & de
rouge.
Les Floridiennes de l'Amérique fepten-
trionale fe peignent le corps , le vifage ,
les bras , & les jambes de toutes fortes de
couleurs ineffaçables ; parce qu'elles ont
été imprimées dans les chairs par le mioyen
de plufieurs piqûres. Enfin les femmes fau-
vages Caraïbes fe barbouillent toute la face
de rocou.
Si nous revenons en Europe , nous
trouverons que le blanc & le rouge ont taie
fortune en France. Nous en avons l'obli-
gation aux Italiens , qui pafTerent à la cour
de Catherine de Médicis : mais ce n eft
que fur la fin du fiecle paffé , que l'ufage
du rouge eft devenu général parmi les
temmes de condition.
Callimaque , dans l'hymne intitulée les
h a LUS de Pallus , a parlé d'un/ard bien plus
fimple. Les deux déeffes Vénus & Pailas
fedifputoient le prix & la gloire de la beauté,
Vénus fut long-temps à fa toilette ; elle
ne ceffa point de confulter fon miroir ;
retoucha plus d'une fois à fcs cheveux ,
régla la vivacité de fon teint ; au lieu que
Mmcrve ne fe mira ni dans le métal , ni
dans la glace des eaux , & ne trouva point
d'autre fecret pour fe donner du rouge ,
que de courir un^ long efpace de chemin ^ à -~
l'exemple des filles de Lacédémone qui
avoient accoutumé de s'exercer à la courl'e
fur le bord de l'Eurotas. Si le fuccès alors
juftifia les précautions de Vénus , ne fut-ce
pas la faute du juge , plutôt que celle de la
nature ?
Quoiqu'il enfoit, je ne penfc point qu'oa
puille réparer par la force de l'art des in-
jures du temps , ni rétablir fur les rides
du vifage la beauté qui s'eft évanouie. Je
fens bien la juftefTe des réflexions de Rica
dans fa lettre à Usbeck : " Les femmes
qui fe fencent finir d'avance par la perte
de leurs agrémens , voudroient reculer
vers la jeuneffe ; eh, comment necher-
cheroient-elles pas à tromper les autres !
elles font tous leurs efforts pour fe trom-
per elles - mêmes j &: pour fe dérober I ji
FAR
■»> plus afiligennte de toutes les idjes». Mais
comme le dic Lafontaine :
Les fards ne pcuTent faire
Qiie ton échappe au temps , cet infigne
larron ,•
Les ruines d'une maifon
Se peuvent le'parer ; que n'efi cet avantage
Pour les ruines du vifage ?
Cependant loin que les fards prodiiifcnt
cet effet , j'oie aHlirer au contraire qu'ils
gâtent la peau , qu'ils la rident , qu'ils altè-
rent & ruinent la couleur naturelle du
vifage : j'ajoute qu'il y a peu de fards dans
le genre du blanc , qui ne foit dangereux.
Aufii les femmes qui fe fervent de l'huile de
talc comme d'un _/Jrt/ excellent , s'abiifent
beaucoup ; celles qui emploient la ce'rufe ,
le blanc de plomb , ou le blanc d Efpagne,
n'entendent pas mieux leurs intérêts ; celles
qm fe fervent de préparations de fublimc' ,
font encore plus de tort à leur fante : enfin
l'ufage continuel du rouge , fur-tout de ce
vermillon terrible qui jaunit tout ce qui
l'environne , n'eft pas fans inconvénient
pour la peau. Voj. RoUGE.
Afranius rtpt'coit fou vent &z avec rai-
fon à ce fujet : " des grâces fimples &
» naturelles , le rouge de la pudeur , l'en-
)y jouement , & la complaifance , voilà le
>i fardle plus ft'duifant de la jeunefTe ; pour
» la vieillefTe , il n'eft point de fard qui
« puifTe l'embellir , que l'efprit & les con-
f} noiflances. »
Je ne fâche aucun ouvrage fur les fards;
j'ai lu feulement que Michel Noftradamus ,
ce médecin fi ce'lebre par les viutes & les
préfens qu'il reçut des rois & des reines ,
& par fes centuries qui l'ont fait pafTer pour
un vifionnaire , un fou , un magicien , un
impie, a donné, en ijfz, un traité des
fardemens & des fenteurs , que je n'ai jamais
pu trouver , &z qui peut-être n'eft pas fort
à regretter. Article de M. le chevalier de
Jaucourt.
FARDAGE , f. m. {Marine.) ce font
des fagots qu'on met au fond de cale , quand
on charee en grenier. (Z)
FARDER , V. n. terme de rivière ; un
ha.tcàu farde fur un autre, lorfqu'il ferre
trop.
FARE 3 {Manne.) Voy, Phak,E.
FAR 84f
Fare de Messine, {le) Géog.frctum
ficuh.im , détroit de la mer Méditerranée
en Italie , entre la Sicile & la Calabre ulté-
rieure. On l'appelle fouvent le Fare,.à
caufe de la tour du Fare placée à fon entrée,
dans l'endroit où il eft le plus étroit ; & le
Fare de MeJ/Ine , à caufe de la ville de
MefTine , qui eft fituée fur la côte occi-
dentale , & où on îe traverfe d'ordinaire.
Ce canal eft affez connu par fon flux &
reflux q«i 5'y fait de fix heures en fix heu-
res , avec une extrême rapidité ; comme
aufti par fes courans qui allant tantvit dans
la mer de Tofcane ,- & tantôt dans la mer
de Sicile , ont donné lieu à tout ce que les
anciens ont dit de Scylle & de Charybdc.
Ce dernier eft un tournant d'eau , que les
matelots craignoient beaucoup autrefois ,
& qu'on affronte aujourd'hui (ans péril par
îe moyen des barques plates. Art. de M. le
chevalier de Jaucourt.
Fare la Fare {Pèche.) étoit
une fête du mois de mai ; les j:éclieurs
s'affembloient avec les off.ciers des eaux
& forêts , pour faire , à grand bruit ,
une pêche folennelle , & une réjouifî'ance
de plufieurs jours , qui dépeuploit les ri-
vières. Par l'ordonnance de 1669 , cette
pêche a été défendue.
FARELLONS , (Isle des) Géogr. ifle
fituée à l'embouchure de la Selbole, rivière
de la^côte de Malaguete dans la haute
Guinée , abondante en fruits & en éléphans.
Elle a environ fix lieues de long , au rapport
de Dapper ; fon extrémité occidentale eft
nommée par les Portugais, ca^o diS. Anna.
Elle eft bordée de rochers , & au devant »
c'eft-à-dire , à l'égard de ceux qui viennent
du nord-oucfi , il y a un grand banc de fable
nommé haixos di S. Anna. Long. 5 ,• lat.
6, ^8. Suivant M. deLifle,ce géographe
la nomme Maffacoye avec les Hollandois ,
ou Farellons , &: marque exaâement le cap
& le banc de Ste. Anne. An. de M. le chev.
DE Jaucourt.
FAREWELL, rç^o--) cap du Groen-
land , à la pointe méridionale d'une petite
ifle qui eft à l'entrée du détroit de Davis ;
ce nom qui veut dire , adieu , lui fut don-
né l'an ) 6 1 6 par le capitaine Munk , navi-
gateur Danois , envoyé par le roi Chrif-
846 FAR
tian IV , à la de'couverte d'un paflage en i
Afie , par le nord-oueft. {D. G-)
FARFONTE , voy. Roitelet
FARGANAH , {Geog.) ville du Zaga-
thav dans la grande Tarrane , lituee au
nord de Chéfer , & capitale d'une province
qui porte le même nom. Le pays àQbarga-
,,ah s'îtend le long du Chcfer , quoiqu il
ne foit qu'à 9^' de longitude, & a 4. 10
de latitude fcptentrionale. Selon les tables
d'Abulfeda , Vlug- Beigh met la ville de
Far^anah, à 41'* m' de latitude. ArucU de
M. /e chevalier DE JauCOURT.
F ARGOT , f. m. {Comm.) terme fla-
mand en ufage principalement du côté de
Lille ; il figniiîe un batlut ou pente balle de
marchandifes , du poidsde 1 50 à i6o livres.
Deux fargots font la charge d'un mulet, ou
cheval de bât. Quelques Flamands difent
mffifrangotte , quifignifiela mêmechofe.
Dic7. de Comm. de Trév. & Chamh. ( G )
FARGUES ou FARDES , f. f. (Afj/.)
ce font des planches ou bordages qu'on
dlcve fur l'endroit du plat-bord appelé la-
lelle , pour tenir lieu de gardes-corps ahn
de défendre le pont & d'ôter à 1 ennemi la
vue de ce qui s'y pafle. On couvre X^sjargues
d'une baftingure bleue ou rouge.
Les t'argues fervent à clore le vailleau
par l'enibelle : on les ôte & on les remet ,
félon le befoin ; on y fait des meurtrières
rondes , & de petites portes pour defcendre
à la mer , ou paffer ce qu'on veut.
Dans un vaifTeau du premier rang , les
bordages àcsfargues doivent avoir cinq pou-
ces de large , & trois pouces d épais ; les
montans doivent être au nombre de cin-
quante-fix de chaque côté, & doivent avoir
deux pouces & demi d'épais. ^
Les /argues doivent être élevées de quinze
pouces au deffus de la lilTe de vibord ; &
par le haut , elfes doivent être au niveau du
haut de la plus balTe lifle. Elles font jointes
aux montans , avec de petites cheviUes ae
fer. (Z)
* FARILLON , f. m. terme de Pêche ,
ufité dans le reflbrt de l'amirauté de Poi-
tou , ou des fables d'Olonne : c'eft le nom
qu'on donne à la pêche au feu , dont voici
!a defcription telle qu'elle fe pratique par
jes pçcheurs du cap Breton. On y prend
FAR
des éguilles ou orphies. Elle commence en
même temps que celle des mêmes poiflbns,
aux rets nommés veltes , c'tfl:-à-dire , au
mois de mars , & elle finit à la fin de juillet.
Elle ne fe peut faire que de nuit. Ce font
les bateaux ou chaloupes des barques qui
font dans le port qui s'y occupent. La cha-
loupe eft armée de fix perfonncs , cinq
hommes & un moufle. Un des hommes de
l'équipage entretient le Janllon , qui eft
placé avant. Lefarillon él une efpece de
ces anciens réchauts portatifs , que l'on
mettoit aux coins des rues pour éclairer la
nuit. Le foyer a une douille de fer d'envi-
ron douze pouces de long , & un manche
do quatre pies de long. Le, feu eft compofé
d'éclats de vieilles douves de barriques ,
vuidanges de brai ou de goudron , cou-
pées de demi-coudée de long. Deux hom-
mes nagent , & trois lancent la fouanne ,
le falet , ou falin , dans les lits ou bouil-
lons d'orphies , qui font attirées par la
lumière du farillon qui frappe & éclaire la
furface de l'eau. Quelquefois ces poiflons
s'attroupent en fi grande quantité , que l'on
en prend cinq à fix d'un feul coup ; &
comme le bateau avance toujours douce-
ment à la rame , le poifton n'eft point effa-
rouché par le jet des fouannes que les
pêcheurs dardent.
La pêche la p'us forte eft de douze ou
quinze cents pendant la marée de la nuit ;
il faut pour y réuflir , qu'elle foit noire ,
fombre , & calme.
Les orphies qui proviennent de cette
pêche , fe confomment fur les lieux. On
s'en fert pour la boîte des hameçons des
pêcheurs à la ligne ; on en fale auffi , mais
c'eft une mauvaife falaifon. Les orphies
annoncent à cette côte l'arrivée des fardi-
nes , comme elles annoncent celle des ma-
quereaux dans la manche biitannique, aux
côtes de la haute Normandie.
FARINE , f f. terme de Boulanger , eft
du grain moulu & réduit en poudre , dont
on a ie'paré le fon avec des blutcaux.
Les farines propres à faire du pain , font
celles de froment ou de blé , de leigle , de
méteil , de farrafin & de maïs.
Ces farines font de diff^^rcntes fortes ,
félon les Wuteaux diiférens par ou elles onç
FAR
été pafT^es. On les divife ordinairement en
Jleur de farine , farine blanche , en gruaux
fins & gros , & en recoupette. Voy€\ chacun
de ces termes à fon article.
La plupart des farines qui s'emploient à
Paris , & qui ne font point moulues dans
cette ville ou aux environs, viennent de
Picardie , de Meulan , de Pontoife , de
Mantes , de Saint-Germain en Laie , & de
PoilTy-LesmeilleuresToiit celles de Pontoife
& de Meulan ; les moindres font celles de
Picardie : celles de Saint-Germain & de
PoifTy tiennent le milieu.
On reconnoît qu'une farine eft bonne y
lorfqu'elle eft féche , qu elle fe conferve
long-temps , qu'elle rend beaucoup en un
pain ) qui boive bien l'eau , &: auquel il faut
le four bien chaud.
Farin E-FOLLE , en terme de Boulanger,
eft ce qu'il y a de plus fin & de plus l^ger
dans h farine , ce que le vent emporte , &
qui s'attache aux parois du moulin.
ha farine de feigle feule , ou mêlée avec
celle de froment , fait un pain rafraîchif-
fant & quelquefois laxatif. Les pâtifliers
en font des pâtes bifes.
ha firme d'avoine eft très-bonne pour
faire des boifîbns & des bouillies rafraî-
cliiflantes ; on l'appelle gruau.
La farine de froment , de fèves , d'ha-
ricots , de racines d'arum , &c. eft propre
â faire de la poudre à poudrer.
La farine de froment qui pafTe par un
bluteau fin , s'appelle pure farine ou fleure
de farine. La féconde y qui a pafte par un
bluteau moins fin , eft nommée/àrzVz^ blan-
che , oujarine d'après lafeur. Enfuite vien-
nent les fins gruaux, puis les gros gruaux ,
& enfin les recoupettes.
En mefurant h farine , on la rade comme
le ble' , avec le radoir & le rouleau.
Moyen de garder la farine fans qu'elle fe
gâte. i". 11 fiaut ne mettre au moulin que
du blé bien fain & très-fec ; puis ferrer
la farine dans une huche , ou dans d'au-
tres vaifeaux , que l'on tiendra dans un
endroit fec. Sur-tout il faut avoir foin
que cette huche ou ces vaifleaux foient
bien fermés , de crainte que la farine ne
s'évente , & qu'il n'y tombe quelque chofe
de mal-propre. En été, on la mettra dans
un endroit frais, mais exempt d'humidité.
FAR S47
La boulangerie fufEra pour la garder en
hiver. Il eft à propos de la remuer quel-
quefois , afin que l'air pafïànt au travers
empêche qu'elle ne s'attache & qu elle ne
prenne im mauvais goût.
^'^\ Il y a des économes qui con'eillenc
de jeter parmi la farine , de la réfine de
vieux pins mife en poudre.
3^. D'autres broient du cumin & du
fel , en égales portions, & en font des
mafles feches , qu'ils mettent dans h farine.
4*. \.a farine fafle'e & féparée du fon ,
fe conferve mieux que quand ils font mê-
lés, parce que le fon eft fujet à s'aigrir.
5". Il faut toujours ne pas perdre de
vue que la bonne qualité du grain influe
eflentiellement fur la perfection de \a farine.
11 ne doit être ni niellé ni terme : il doit
avoir cru dans un terrain fain , & dans une
année feche
6*. Le mélange des /jn/7« de différens
grains , ou le dépôt de la meilleure _/a/-//2e
dans les barils dont le bois n'cft pas fec ,
contribue beaucoup à faire que \à farine
fe trouve eufuite être de mauvaife quafité.
7^. De la _/irr/«e bien blutée , puis mife
& très-foulée dans un baril bien fec , que
Ton ferme enfuite exadement , fe conferve
plufieurs années , même fur mer, fans qu'on
ait befoin de la remuer. ( -}- )
Plus le grain eft moulu fin , plus la fa~
rine eft bife , parce qu'alors le fon fe
mêle intimement avec la farine. Le mau-
vais grain rend plus de fon que celui qui
eft de bonne qualité. Plus il y a de fon
dans \a farine , moins elle prend l'eau lorf-
qu'on la réduit en pâte pour faire le pain.
Le grain de bonne qualité prend par con-
féquent beaucoup plus d'eau : par exem-
ple , lorfque le froment bien nourri pefe à
Paris 160 livres le feptier , le from.ent de
la moindre qualité, ne pefe que 160 li-
vres ; dans ces cas les 260 livres ne don-
nent que 40 ou 50 livres de fon, & les
160 livres de mauvais grain rendent au
contraire 80 ou 90, quelquefois 1 00 livres
de fon : par conféquent 160 livres rendent
zoo de fleur àe farine, & 160 livres de
farine de mauvais grain ne rendent quel-
quefois que 60 livres de fleur àe farine de
médiocre qualité. Il y a plus, iz ou i.^
onces de mauvaife farine îuffifent à peine
84S FAR
pour foire t6 onces de pain , tandis que 9
onces de la bonne farine , font i6 onces
<3e pain. On peut lire à ce fuiet le Journal
d'agriLidcure & des arts , imprimé à Paris ,
avril i77i Scconfiilrer le Journal e'conom.
fur la moiiaire économique.
Dans les années où le froment efi: très-
cher , les boulangers font remoudre le fon ,
ils en compofent un pain bis parriculier,
en le mêlant avec un tiers de fleur de
farine; ce pain eft très-peu nourriflant , on
peut en manger une grande quantité Htns
crainte des indigeftions ; il eft très-agréa-
ble au goût lorfqu'il eft frais , & les per-
fonnes qui font peu d'exercice , ne de-
vroient jamais en manger d'autre ; mais
l'on ne doit jamais permettre de vendre
ce pain au bas-peuple. Il feroit à fouhaiter
que dans les années où le grain eft exceffi-
vement cher, l'on ordonnât aux boulan-
gers de ne faire que du pain avec le tout
fans féparerlefon.
Dans les villes où l'on tolère les pane-
tiers , c'eft-.l-dire , des marchands qui ven-
dent du pain bis au peuple , on a bien de la
peine à leur empêcher de vendre leur farine
fine au boulanger , ou au fabriquant de ver-
micelle , & de prendre en échange le petit
fon. Les officiei-s de police défendent alors
vainem.ent aux panetiers d'avoir des tamis
& des biuteaux.
Les meuniers ont , dans plufieurs villes ,
quantité de m.oyens finguliers pour voler
la farine fine ; i". ils ont dans leurs mou-
lins des foupiraux fecrets qui la conduifent
dans le magafin , loriqu'elle voltige au
defllis de la meule : ^'^. dans les villes où il
y a un poids public, les meuniers ont dans
le bureau du poids un coffre particulier ,
où ils renferment de la très-mauvaife fa-
rine ,• pour lors ils prennent dans leur mou-
lin dix ou vingt livres de farine de plus qui
ne leur en eft dû , & communément ils
prennent la fleur ; enfuite dans le bureau
du poids , s'ils ne peuvent pas tromper le
pefeur ou s'arranger avec lui , ils reftituent
tout au plus au propriétaire les vingt livres
enfariné de très- mauvaife qualité.
Dans Ic./ournal d'agriculture & des arts ,
de mai 1771 , on rapporte que l'on avoit
acciifé juridiquement le meunier d'Ouche
de faliificr les/jn'/ui , en y mettant de la
FAR
terre glaife ou calcaire blanche , ou du
plâtre ou tuf moulu : en confl'quence le
ju,<3e com.mit un chymifte pour vérifier le
fait. Ce chymifte voulant découvrir fi la
farine contenoit de la terre calcaire , jeta
une poignée de la farine fufpeftée bien
feche dans l'efprit de nitre , qu'il mi^t f^.ir
un feu léger , & comme Infirine ne bouil-
lonna point , il préfuma qu'elle étoit pure.
Cependant craignant que la difTolution de
la terre calcaire n'eût été faite fans ébulli-
tion feniible , il laiffa repofer tk précipiter
laj'arine ; 1^. il tranfvafa l'efprit de nitre
clair qui furnageoit , &: il verfa fur l'efpriu
de nitre quelques gouttes d'autre cfprit de
nitre ou d'acide qui avoit didout du mer-
cure ; comme il ne fe lit aucune précipita-
tion terreufe , il jugea que la diifolution de
la farine ne contenoit point de terre ca.-
caire. Il fit une féconde expérience pour
découvrir fi cette fa' i ne contenoit de la
chaux ou du plâtre ; il mit quelques onces
àe\a. farine fufpedée dans des vafes pleins
d'eau pure ; il agita fortement le mélange ;
il laiffa repofer le tout pendant quelques
jours ; enfuite il examina fî la chaux ou le
plâtre avoient laiffé former à lafnrface de
l'eau une pellicule : il mit de cette eau fur
du papier bleu , pour éprouver s'il change-
roit fa couleur en verdou en rouge ; il exa-
mina le fédiment qui étoit au fond du vafe,
pour favoir fi au defious de \à frim , il y
avoit un précipité terreux femblable à l'ar-
gille ou à la terre du tuf, ou au fable ; il
prit la matière du fond , il la fit fécher fur
une pèle de fer juiqu'au point de rougir ; il
la mêla avec un peu d'eau pourlavoir fi elle
durciroit com.me le plâtre , Ùc.
Nous nous fommes étendus fur ces pro-
cédés , parce que nous lavons par diverfes
expériences que fouvent les meuniers fal-
fifient les farines en y mêlant de la terre
blanche.
On peut confulter la nouvelle traduéf ion
de Pline le naturalifte au fujet des farines
de froment , de feigle & d'orge , &c du mé-
lange que l'on faifoit en Italie , pour en
compofer le pain. On peut également con-
fulter Vhilloire générale des rojagts & le
diâionnaire des re'gc'taux qui fervent d'ali-
mens , compofé par M. Buchoz ; il y donne
des détails fur les furims dç quantité de
racines
F A K FAR Ç45)
racines que les nations diverfes emploient Iquî couvre la /jn'/zffeche ; on met tremper
pour taire du pain. Dans les fieges de Paris Icetre pellicule humide pour la confervcr ,
îous Henri IV , madcmoilelle de Monpen- j & Ton en fait de la loupe pendant quelques
lier fit faire du pain avec àe la J\iri ne des j jours. Si cette pellicule lechoit , elle de-
viendroit plus dure que le bois , & pour
lors elle ne pourroit fervir qu'à modeler
des petites ftatues ou des figures fem-
blables à celles que l'on fait à la Chine
avec de la farine de riz ; 9°. on partage
la farine grumclée en petits quartiers gros
os des morts ; tous ceux qui en mangèrent
périrent.
La farine des pois &: celle des fèves
rendent le pain extrêmement compade ,
pefant : il ne levé point , il eft très - indi-
gèfte. La farine des glands féchés au four
eft très-dangei-eufe pour la faute'. La farine
des pommes de terre , mêle'e avec deux
tiers de celle de froment procure un pain
qui eft beau & très-falutaire. La farine des
fèves eft très-bonne pour faire de la foupe :
cette farine dclaye'e dans de l'eau pure
à fi-oid compofe de la colle pour les chalfis.
Dans la ville de Lyon l'on vend beaucoup
de farine de fèves pour ces deux derniers
ufages. En 1771 , un acade'micien de Lyon
a fait un mémoire pour prouver que la
farine du blé nouveau produit du pain qui
eft dangereux pour la fanté : il eft de même
du blé germé.
Pour nourrir les malades , on prépare
de deux manières différentes la farine
d'orge : les uns fe bornent à féparer la fleur
de la farine qu'ils mettent dans des pots
de terre dans un four de boulanger , lorf-
qu'on en a retiré les pains ; enfuite ils
mêlent un peu de fucre avec cène farine
deflechée ; une pleine cuiller fufKt pour
lier les bouillons des malades. D'autres
perfonnes font mieux ; i". ils trient grain
à grain une certaine quantité d'orge; 2".
îa font moudre grofliérement ; 3". féparent
la fleur de la. farine par le moyen du tamis
ou du bluteau ; 4''. ils mettent cette farine
dans un petit fac de toi'e ferrée & forte ;
5*^. ils coufent au fond du fac en dehors ,
un petit cordon de paille , pour empêcher
que la toile ne brûle ; 6". ils mettent ce
fac de farine d'orge bien preftl'e & atta-
chée , dans un grand chaudron plein d'eau
commune, lorfqu'elle bout ; 7°. on pafle
dans les anneaux du chaudron un bâton :
ce bois fert d'appui pour tenir le fac fous
l'eau , pendant fept ou neuf heures que
Ton fait bouillir la farine ; S"', enfuite on
retire le fac , on le met fur une table , &
tandis qu'il eft chaud on le décout ; on
comme le pomg ; 10^. on les met tout
de fuite fur des planches fécher dans un
*■ — .j„ I — 1 — „^_ ^ dès^ qu'il a retiré fes
pains
cette /ar//ie roulîit un peu & prend
un petit goût de rôti ; 11". enfuite l'on
renferme cette farine dans des facs placés
dans un endroit fec. Une petite cuiller
de cette farine bouillie pendant quelques
momens avec du lait ou du bouillon ou^
de l'eau & du beurre, fuffit pour faire une
grande foupe : cet aliment agréable eft
très-facile à digérer , trcs-nourrifl'ant ; il
eft excellent entr'autres pour les perfonnes
attaquées de la phthyfie. J'ai vu éprouver
pendant vingt ans avec fuccès , la prépa-
ration fecrete de la farine d'orge , telle
que je viens de la publier. ( V^. A. L. )
Farine, ( JarJmags. ) eft une matière
blanche contenue dans la graine , qui ferc
à la nourrir jufqu'à ce qu'elle tire fa fubf-
tance des fels de la terre par l 'accroiflement
de fes racines.
Farine & Farineux, ( Chimie,
Diète Ù Mat. médic.) Le nom de farine ,
pris dans fon acception la plus commune ,
défigne une poudre fubtile , douce , Se
pour ainfi dire, moélleufe , mollis.
Le chimifte , qui définit les corps par
leurs propriétés intérieures , appelle/a/vn^ ,
farineux , corps farineux , fubflance fari'
neufe , une matière végétale feche , capable
d'être réduite en poudre , mifcible à l'eau ,
alimenteufe , & fufceptible de la fermen-
tation panaire & vinaire. Voye\ Pain Ù.
Nous fondons la qualité de mifcible â
l'eau , que nous venons de donner à la
farine proprement dite , fur l'efpece de
combinaifon vraiment chimique qu'elle
contrade avec 1 eau , lorfqu'après l'avoir
délayée dans ce liquide, on l'a réduite par
enlevé la pellicule mince comme du papier ; une cuite convenable , en une confiftancs
Tomi. XII L Ppppp
«50 FAR
de gelée , en cette matière connue de tout
le monde fous le nom de colle de farine , ou
d'empois. Le corps entier de la farine ne
fubit point d'autre union avec l'eau ; ce
menra-ue ne le diflout point pleinement ;
il en opère feulement, lorfqu'il eft appli ,ue'
en grande mafle , une diflU.ition partia e ,
une extraftion. On peut voir à ïarcide
BiERE , un exemple de cette dernière
adion de l'eau fur \3i farine.
Le cor C'^ farineux cft formé par la com-
binaifon du corps muqueux végétal , &
d'une terre qui a été peu examinée jufquà
préfent , & qu'on peut regarder cependant
comme analogue à la fécule qu'on retire
de certiines racines , de la bryone , par
exemple. \'oyez Fe'^ah. On peut conce-
voir encore le covçs farineux comme une
^efpece de corps muqueux dans la compo-
fition duquel le piincipe terreux furaboade.
'\''oyez Surabondant , ( Chimie. ) La
fabfrancey^n/nfz^/f pollede en effet toutes
îes propriétés communes au corps muqueux,
& fes propriétés fpécifiques fe déduifent
toutes de cette terre étrangère ou fiuabon-
dante. La diftillation par le feu feul , qui
,cfi: l'unique voie par laquelle on a procédé
lufqu'à préfent à l'examen de cette fubf-
'^ance , concourt auffi à démontrer fa na-
ture. Les farineux fourniflent dans cette
^iftiUation , tous les produits communs des
corps muqueux. Plufieurs de ces fubftances,
favoir quelques femences des plantes cé-
réales , donnent de plus ung petite quantité
de matière phofphorique fur la fin de la
diftillition ; mais ce produit efl dû à un
principe étranger à leur compofition j fa-
voir à un fel marin qui fe trouve dans ces
femences. Voyez Phofphore , Sel marin ,
& Analyfe l'égc'tale , au mot Végétal.
La fiibiknce/jri''Zfî//f eft abondamment
répandue dans le règne végétal , la nature
nous la préfente dans un grand nombre
de plantes. Les femences de toutes les gra-
minées & de toutes les légumineufes , font
farincufes : les fruits du marronnier , du
châtaigner , le gland ou fruit de toutes les
éfpeces de chêne , la faine ou fruit du
hêtre , (ont farineux. Les racines de plu-
fîairs plantes de diverfes claffes , four-
niffent de hifarme. Nous connoiiFons une
rnosllc qui contient cette fubftancc l cçlJc
FAR
du fdgoutier , fagu arbor, feu pahna farl-
naria herbarii amboïncnfis , qu'on nous ap-
porte des Moluques fous le nom de fijcu.
On retire une fubftance vraifemblablement
farineufe de l'écorce tendre d'une efpece de
pin , pi:ifqa'on prépare du pain avec Oi^tQ
écorce , félon ce qui eft rapporté dans le
Flora laponica.
Les' faunes des femences céréales pofTe-
dent au plus haut degré toutes les qua-
lités rapportées dans la dénnirion gén 'raie
du corps farineux : les fenences légumi-
neufes ne poffedent les mêmes qualités
qu'en un degré infirieur. ^'oyez Légumes.
Les racines fai ineufes &:\esiL-mcs farineux
font plus élo.gnés encoi^e de cette efpece
d'éra; de perfedion. Toutes ces différences,
& celles qui diftinguent cntr'elles les di-
verfes efpeces de chacune de ces clafîes ,
dépendent premiércnTent de la différente
proportion de la terre furabondante : fe-
condement , d'une variété dans la nature
du corps muqueux , qui eff très-indérinie
jufqu'à préfent , ou qu'on n'a déterminé
que d'une manière fort vague , en difant
avec l'auteur de VEJj'di fur les altmens , que
fa fuhffance eft plus ou moins groffiere ,*
que fes parties ont plus ou moins cette éga-
lité qui caraclérife une fubflance mucilagi-
neufe , une atténuation plus ou moins
g'-ande^ qu'elles s'approchent ou s'éloignent
de 1 état de mucilage le plus parjait , le
plus atténué , le plus condcnfé , &:c. &
croifiémement enfin , dans quelques corps
finneux , du mélange d'un principe étran-
ger , tel que celui qui conftitue Vacerbité
du gland ou du marron d'inde , le fuc
vénéneux du manioc , &c.
Ce font des fubftances farineufes qui
fournirent l'aliment principal , le fond de
la nourriture de tous les peuples de la
terre , & d'un grand nombre d'animaux
tant domeftiques que fauvages. Les hom-
mes ont multiplié , & vraifemblablement
amélioré par la culture , celle des plantes
graminées qui portent les plus groffes fe-
mences , & dont on peut par conféquent
retirer \a farine plus abondamment & plus
facilement. Le froment , le feigle, l'orge,
l'avoine, le riz, font les principales de
ces femences ; nous les appelons cé~
n'aksoufromenucéo' ; k maïs ou bU d*
F A K
Turquie leur a été fubftitue avecavantage,
dans les pays ftériles où les fromens cioif-
foient difficilement. Les peuples de plu-
fieurs contrées de l'Europe , une grande
partie de ceux de l'Amérique & de l'Afrique,
font leur nourriture ordinaire de la farine
de maïs : celle de petit millet ell mangée
dans plufieurs contrées , mais beaucoup
moins généralement. On prépare de la
bouillie dans divers pays , avec celle du
panis , panicu/n viilgare geimanlcum; celle
du gros mil ou (brpho ; celle du petit mil ,
pant::ufnfpicd obtufâ ClVi ulea ,• la larme de
Job ; les grains d'un chénopodium , appelé
quinra ou quinoa. , du P. Feuillée , ùc Les
payfans de certains cantons très-pauvres ,
font du pain avec la femence du blé farrafin:
on en tait dans plufieurs pays avec les châ-
taignes : on en fit il y a quelques années en
Allemagne , avec la racine de la petite
fcrophulaire. On envoya à Paris, de Savoie,
à peu près dans le même temps , du pain
préparé avec la truffe rouge ou pomme de
terre. 11 eft rapporté dans le Flora laponica,
qu'on en fait en Laponie avec la farine de
YarumpaluHrearundinaceâ radice.La racine
d'afphodele elt encore propre à cet ufage.
On voit alTez communément ici des gâ-
teaux ou galettes préparés en Amérique
avec la racine du manioc , ou avec celle
du camanioc. Un fait un aliment de la
mémeefpecc au Brci 1 & au Pérou , avec
la farine de la vraie cafCavcpJarina de palo,
qui e'\ la racine à'unyaca. Voyez tous ces
articles.
La poudre alimenteufe , propofée par
M. Boiteb , chirurgien major du régmient
de Salis , qui nourrit un adulte , & le met
en état de foutenir des travaux péniLles ,
à la dofe de fix onces par jour, félon les
épreuves authentiques qui en ont écé faites
à l'hôtel royal des invalides , dans le mois
d'odobre 1754? cette poudre , dis - je ,
n'eft ou ne doit être qn un farineux pur &
fimple , fans autre préparation que d'être
réduit en poudre plus ou moins grofliere.
Je dis doit être ; car s'il eft rôti , comme le
Ibupçonne l'auteur de la lettre inférée à ce
fu,et dans le joarn:.! écci;omique , ocrob.
J7j4, c'efl: tant pis , la qualité nournfiante
eft détruiie ea partie par cette opération.
An relie, Ilx onces d'une farine quelconque,
FAR
8^»-
j'entends de celles dont on fait communé-
ment uHige , nournflênt très-bien un ma-
nœuvre , un payfan , un voyageur pendant
vingt-quatre heures. 11 ne faut pas fix onces
de riz ou de farine de maïs , pour vivre pen-
dant une joiunée entière, & être en étac
de faire un certain exercice. V. Ri:[ , Mais,
& NourriJJant.
I On a tenté fans fuccès de faire du paiu
j avec la racine de fougère ; elle n'efl pas
fanneufe. L'idée de réduire en poudre les
os humains , & de les convertir en aliment
à titre de corpsfarineux , qui fut conçue en
effet & exécutée , félon nos hifloriens, pen..
dant le fiege de Paris, au temps de la ligue,
ne peut être tombée que dans une tête
efîentiellement ignorante , & bouleverfée
par la faim & par . le défefpoir. Les os ne
font pasfarineux ; & lorfqu'ils font épuiïes
par un long féjour dans une terre humide ,
ils ne contiennent aucune matière alimen-
teufe.
Propriétés médicinales des farineux. Les
farineux fe mangent après avoir été altérés
par laferme;;tat;on , ou fans avoir éprouvé
ce changement, hes farineux levés ou fer-
mentes , fourniflcnt par une cuire conve-
nable , cet ahment journalier qui eft connu
de toutle monde fous le nomàc pain. Voy.
Pain.
Les farineux non fermentes dont nous
faifons ufage le plus ordinairement pour
notre nourriture , font , i^. les femences
légumineufes en fubllance , & cuites dans
1 eau , le bouillon ou le jus des viandes.
Voy. Semence légumuuufe. i'^. Des grai-
nes , des plantes graminées diverfement
préparée' , telles que le riz , le giuau ,
l'orge mondé; la/j/v'/ze de fioment , celle
de maïs ; les pâtes d'Italie , comme fe-
moule , vermicelli , macarons ,6v. dont on
fait des crèmes , des boni lies , des potages.
Nous employons le fagou de la même ma-
luere. Quelques médecins ont propofé un
chocolat de châtaignes , en titre d'alimenc
médicamenteux. Voyez Ri:^ , Gruau ,
Orge , Froment , Maïs , FJte d'halie ,
Sagou , Châtaigne.
C'eil fous CCI te forme que les médecins
prefcrivent les fa; ineux dans le traitement
de plufieurs maladies chroniques : le fy ftéme
de médecine dominant leur attribue une
PPPPP 2,
S^2 FAR.
qualité adoucifTaiite , incraflante ; corri-
geant racrimonie alkaline ; emoulTant ou
embarraflant les fels e>;altés , acres , cor-
rofifs , & les huiles atténuées , dépouillées
de leur terre , rendues acres , volatiles ,
fétides , &c. Le grand Boerhaave , qui a
conçu fous cette idée le vice des humeurs ,
qu'il attribue à un alkali fpontané , propofe
les farineux contre les maladies qui dé-
pendent de cette caufe. Voj. Boerhaave ,
., cphorifm.chap.morbL ex alkali no fpontaneo.
Le même auteur met les/ari/7f«x au nom-
bre des caufes qui produifent les conftitu-
tions des humeurs, qu'il appelle acide fpon-
tane'e & glutineufe fpontane'e . 'Les farineux
non fermentes font regardés afVez générale-
ment comme fouverains dans le marafme ,
Thémophthyfie , la phthyfie pulmonaire ,
les ulcères des autres vifceres , le fcorbut de
mer , Ùc. & leur ufage eft en effet afTez
falutaire dans ces cas ; ce qui ne prouve
cependant rien en faveur des qualités adou-
cilîantes , incraflantes , &c. dont nous ve-
nons de parler. Voyez Incraffam. Leur
véritable utilité dans ces maladies , peut
très-bien fe borner à la manière dont elles
affedent les organes de la digeflion , du
moins ce tteadion peut-elle fe comprendre
facilement ; au lieu que la nullité de leur
prétendue opération fur le corps même
des humeurs , eiî à peu près démontrable.
Voyez Incraffant.
La pente à fe convertir en acide , ou à
engendrer dans les humeurs l'acide fpon-
tanée & le glutineux , glutinofum pingue ,
attribuée aux/jn'/2<'!/A',efl une qualité vague,
au moins trop peu définie ; qu'on pourroit
même abfolument nier , d après les con
noiflances aflez pofitives que nous avons ,
qu'un acide fpontanée ne prédomine jamais
dans les humeurs animales , & qu'elles ne
font jamais véritablement glutineufes. On
avanceroit une chofe plus vraie, fi on le
bornoit à dire que les farineux font plus
propres à produire des acides dans les pre-
mières voies que la plupart des alimens
tirés des animaux. En général , on ne fau-
roit admettre dans \q$ farineux aucune qua-
lité véritablement médicamcnteufe , alté-
rante , exeiçant une adion prompte fur
les humeurs ou fur les folides ; nous ne
leur connoilibns que cette opération lente ,
FAR
manifeftée par un long ufage & continu quî
eft propre aux alimens.
On a reproché aux farineux non fer-
mentes d'être pefans furl'eftomac , c'eft-à-
dire , de rélifter à l'adion des organes di-
geftifs 3 Se au mélange des humeurs digef-
tives; aux farineux non fermentes , dis-je,
car on penfe que la fermentation a détruit
cette qualité dans les farineux réduits en
pain. M. Rouelle , qui eft dans cette opinion,
propofe dans fes leçons de chimie , de fubf-
tituer à ]a farine de froment ordinaire ,
dont on fait à Paris la bouillie pour les
enfans , \^ farine du malt ou grain germé ,
car la germination équivaut à la fermen-
tation panaire. Voye\ Pain. Cette vue ell
d'un efprit plein de fagacité , & tourné
aux recherches utiles. Cependant la bouillie
de farine non fermentée , ne produit chez
les enfans aucun mal bien conftaté ; la
panade qu'on leur donne dans plufieurs
provinces du royaume , au lieu de la bouil-
lie , qui y eft abfolument inconnue , n'a
fur ce dernier aliment aucun avantage ob-
fervé : or la panade eft abfolument ana-
logue à la bouillie de grain germé ; & dans
le cas où l'on viendroità découvrir- par des
obfervations nouvelles , qu'elle eft préfé-
rable à la bouillie ordinaire , il feroic
beaucoup plus commode d'y avoir recours
qu'à la bouillie de grain germé , qui eft
une matière affurém.'nt moins commune
que le pain.
Voici ce que nous connoiflbns de plus-
pofitif furTufage des ^Ximcns farineux non
fermentes. Les peuples qui en font leuc
principale nourriture , ont l'air fain , le
teint frais & fleuri ; ils font gras , lourds ,
parefl'eux , peu propres aux exercices &
aux travaux pénibles ; ians vivacité , fans
efprit , fans délits & fans inquiétude. Les
farineux ont donc la propriété d'engraiffen
ou à'err.pâter par un long ufage ; les méde-
cins pourroicnt les employer à ce titre dans
plufieurs cas. Ce corollaire pratique fe
peut déduire facilement des effets conn'.is
que nous venons de rapporter ; mais la
vue d'engraifter n'a pas encore été comptéi;
parmi lesiniications médicinales : plufieurs
fubllances/.////i«//t^ (ont employées exté-
! rieurcmcnt fous lu forme de cataplafmc ,
FAR
Fb>'t-{ plui bas Farines résolutives.
Farine de Brique, ( Chimie.) on
appelle ainfi la brique réduite en poudre
fubtile.
Farine , ( Matière médicale & diète. )
On fe fert en médecine d'un grand nom-
bre de farines : celles que l'on retire de
l'orge , de l'avoine , du feigle , de la fe-
mence de lin , s'emploient tort fouvent en
cataplafme. On leur attribue la vertu de ra-
mollir & deréfoudre. Voy. Emollient
& i?£^OXiyr/F.La/jn«ederiz,d'avoine,
font d'un fréquent ufage parmi nous : on
les fait prendre cuites avec de l'eau , ou du
lait , & du fucre. Voyez i?/.z, Avoine.
La farine de froment eft d'un ufige trop
connu dans l'économie ordinaire de la vie ;
il fuffit que l'on fafTe attention que c'eft
avec elle que nous préparons la meilleure
& la plus faine de toutes nos nourritures ,
(le pain) mais nous ferons ici une remar-
que d'après M. Rouelle , célèbre apothi-
caire & favant chymifte qui dans fes excel-
lentes leçons , dit que l'ufage où l'on ell
de faire la bouillie ( aliment ordinaire des
enfans) avec Xa farine de froment , efl per-
nicieux ; & il s'appuie fur une vérité re-
connue de tout le monde. Perfonne , dit
ce célèbre académicien , ne voudroit men-
ger de pain non levé ; l'expérience apprend
qu'il eft alors très-indigefte ; cependant ,
ajoute-t-il , nous en faiibns tous les jours
prendre à nos enfans ; car qu'eft-ce que de
la bouillie , finon du pain non levé , non
fermenté ? Il voudroit donc qu'on préparât
cet aliment des enfans avec du pain léger,
que l'on feroit bouilir avec le lait , c'eft-à-
dire , qu'on leur fit de la panade , ou bien
que l'on fît fermenter le grain avant que de
le moudre, comme il fe pratique pour la
bière, c'eft-à-dire, que cette bouillie feroit
préparée avec \a farine du malt de froment:
on auroit feulement la précaution de la
faire moudre plus fine que pour la bière ;
cette firine étant tamifée feroit , félon
M. Rouelle , une excellente nourriture
pour les enflins ; la vifcofité ordinaire de
la farine feroit rompue par la germination
du grain ; le corps muqueux , qui eft la
partie nutritive , feroit développé par
F A R gf^
germination ; en un mot , les enfans prcn-
droientun aliment de facile digeftion. Nous
croyons que l'on ne fauroit trop faire d'ar-
tention à la remarque judicieufe de M.
Rouelle ; elle eft digne d'un phyficien ,
ami de la fociété , en un mot , d'un bon
citoyen, {h)
Farines résolutives (les quatre) y
Pharmacie. On entend fous cette feule dé-
nomination les farines d'orge , de lupins ,
d'orobe , & de fèves ; non qu'elles foienc
les feules qui poftedent la vertu réfolutlve ,
celles de lin , de fénugrec , & bien d'autres
le font également : mais l'ufage a prévalu ;
& les quatre que nous avons nommées ,
ont été regardées comme pofledant émi-
nemment cette vertu. Voy. Résolutif.
Les quatre farines refoliitii-'es font d'un
fréquent ufage : on les fait entrer dans
prefque tous les cataplafmes , même dans
ceux dont on n'attend qu'un effet emol-
lient ; on les mêle avec la pulpe des plantes
émollientes ou réfolutives. Voyez C^tA"
PLASME. {b)
Farine minérale , {Hift.nat. mine',
rai.) Ce nom a été donné par quelques au-
teurs , à une efpece de terre marneufe ou
crétacée , en poudre fort légère , douce aa
toucher , très-friable , d'une couleur blan-
che , & par conféquent femblable à de la
farine de froment.
Pludeurs hiftoriens allemands font men-
tion de cette fubftance , & difent qu'en
plufieurs endroits d'Allemagne , dans des
temps de famine & de difette, caufées par
de grandes féchereftes , des pauvres gens ,
trompés par la reftemblance , ayant dé-
couvert par hazard cette efpece de craie
ou de marne , ont cru que la providence
leur offroit un moyen de fuppléer à la
nourriture qui leur manquoit ; en confé-
quence , ils fe font fervi de cette prétendue
farine pour faire du pain , & la mcloient
avec de la farine ordinaire : mais cette
nourriture , peu analogue à l'homme , en
fit périr un grand nombre , & caufa des
maladies très-dangcreufes à beaucoup d'au-
tres. Cela n'eft pas furprenant, attendu
que cette fubftance pouvoit contenir une
portion d'arfenic , ou de quelqu'autre ma-
tière nuifible : d'ailleurs une femblable
lérmentation que le paiii a éprouvé dans la ' nourriture ne pouyoit être que très-jncom-
Sj4 FAR
mode & fatiguante pour l'eftomac. La fa-
rine mineia.lt ne doit être regardée que
comne une efpece de craie fort divifJe ,
tout-ù-tait femplable à celle qu'on nomme
Uc lun.s , ou il: t de lune. 1-' oyt\ \3i minéra-
logie de Wallerius, tom. /> & Briickmann ,
ejn/wl.t itinerariiV cenuina, I ,cpiJlol. xr,
Farine empoisonnée , {Chymie mé-
talluig. > exprelTlon par laquelle les Alle-
mands delignent l'arfenic fublime' dans les
travaux en grand , Ib is la forme d'une
poudre , que la fiime'e qui palî'e par le même
canal j rend grife. Voy. Arsenic & Su-
BLIMATOIRE EN GRAND. Article de
M. DE ViLLERS.
Fariné Farineux, en Peinture , fe
dit d'un ouvrage où Tartifte a employé des
couleurs claires &: fades , & dont les car-
nations font trop blanches & les ombres
trop grifes ; les peintres appellent ce coloris
farineux.
FARINER , FARINEUX,^(/ari/M5-f)
fe dit d'un fruit qui manque d'eau , & qui
en rend le goût très-mauvais. {K)
FARLOUSE,f ï. (Hijf. nat. ornuhdog.)
alauda pratorum , alouette des pre's ; elle eft
prefque de moitié plus petite que Falouetre
ordinaire ; elle a plus de verd fur Ion plu-
mage , dont les couleurs font cependant
moins belles : la farloufe fait fon nid dans
les prés , & fe cache quelquefois fur les ar-
bres. Il eft difficile de l'élever , mais lorf-
qu'on y eft parvenu , elle chante très -agréa-
blement. Ray , fynop. ai'ium. meth. Voye\
OiSAEU. (/)
FARO,f m. (Ge'ogr.) ville de Portu-
gal , au royaume d'Algarve, avec un port
fur la côte du gclfe de Cadix , & un évéché
futFragant d'Evora. Alphonfe , roi de Por-
tugal la prit fur les Maures en 1 249 ; elle
eft à fix milles fud de Tavira , quatorze eft
de Lagos , quarante fud-oueft d'Evora ,
neuf de l'embouchure de la Guadiana.
Long. <) ,48; lat. i;6 , 54. Article de M.
le chei'jlier DE .Tau COURT.
* FAROUCHE , adj. ( Gramm. ) épi-
thete que nous donnons aux animaux fau-
vages , pour exprimer cet excès de timi--
dité qui ks éloigne de notre préfence ; qui
les retient dans les antres au tond des iorèts
& dans les lieux déî'erts, & qui les arme
F A K
contre nous & contr'eux mêmes , lorfque
nous en voulons à leur liberté. Le corré-
latif de /àrai/j/zf eft jpprii-'oifé. On a tranf-
poné cetteépithetcdesanimauxàl homme,
ou 'Je l'homme aux animaux.
Farouche, {Manège.) Un cheval
farouc.ie eftce'ui que la préfence de l'homme
étonne ; que fon approche effraie , & qui
peu fenfibie à les caieffes , le fiiit & fe dé-
robe à l'es foins. Eft-il faifi ? eft-il arrêté
par les liens , qui font les marques ordi-
naires de fa dépendance & de fa captivité?
il fe rend inacceliible ; le plus léger attou-
chement le pénètre d'épouvante; il s'en
défend , foit avec les dents , foit avec les
pies , jufqu'à ce que vaincu par la patience ,
la douceur , & l'habitude de ne recevoir
que de nos mains les alimens qui peuvent
le fatisfaire , il s'appiivoife , nous defire ,
& s attache à nous.
Tels font en général les chevaux fauva-
ges , nés dans les forêts ou dans les déferts ;
tels font les poulains que nous avons long-
temps délaiflés & abandonnés dans les pâ-
turages ; telles font certaines races de
chevaux indociles , & m.oins portés à la
familiarité & à la domefticité , que le refte
de l'efpece ; tels étoient , fans doute, ceux
des Afi'y riens , félon le rapport de Xéno-
phon , ils étoient toujours entravés ; le
temps que demandoit l'adion de les déta-
cher & de les harnacher , étoit fi confidé-
rable , que ces peuples , dans la crainte du
défordre où les auroit jetés la moindre fur-
prife de la part des ennemis , par l'impo/îî-
bilité où ils fe voyoient de les équiper avec
promptitude , étoient toujours obligés de
le retrancher dans leur camp.
Il en eft encore , dont une éducation mal
entendue a perverti , pour ainfi dire , le
caradere ; que les châtimens & la rigueur
ont aliénés, & qui ayant contradé une forte
de férocité , haïfTent l'homme plutôt qu'ils
ne le redoutent. Ceux-ci, qu'un femblable
traitement auroit avilis , s'ils n'euffent ap-
porté en naiflant , la fierté , la générofité ,
& le courage , que communément on ob-
ferve en eux , n'en font que plus indomp-
tables. Il eft cxti-êmement difficile de
trouver une voie de les adoucir ; notrs
unique rcffource eft, en nous en défiaiït
fans celle, de les prévenir par des menaces
FAR
■ie leur imprimer la plus grande crainte ,
de les châtier & de les pimir de leurs moin-
dres excès.
Quant aux premiers , fi notre attention
à ne les jamais furprendre en les abordant ,
& à ne les aborder qu'en les flattant , & en
leur offiant quelques alimens; f i des carefl'es
rt'pt'tc'es , fi l'afliduité la plus exade à les
fervir & à leur parler , ne peuvent fur-
monterleur timid. té naturelle, & captiver
leur inclination , le moyen le plus far d'y
parvenir, cft de leur fupprimer d'abord ,
pcncant l'efpace de vingt-quatre heures
toute cfpece de nourriture, & de leur faire
éprouver la iaim & la foif même. En les
privant ainfi d'un bien dont il leur eft im-
pofTible defe pafTer , &: de jouir fans notre
lècours, nous convertifTons le bcfoin en
nécelîité , & nous irritons le fentiment le
plus capable de remuer l'animal. Il fuffit de
les approcher enfuite plufieurs fois; de leur
offrir du fourage , poignée par poignée ;
de le leur faire fouhaiter , en éloignant
d'eux la main qui en eft pourvue , & en les
contiaignant d'étendre le cou pour le faifjr,
infenfiuicment ils céderont, ils s'habitue-
ront ; ils fe plieront à nos volontés , &
chériront en quelque façon leur efclavage.
On a mis en ufage , pour les apprivoifer ,
la méthode pratiquée en fauconnerie , lori-
qu'on fe propofe de priver un oifeau nouvel-
lement pris , & qu'on eft dans le defTein de
drefl'tr au vol. On a placé le cheval y jrou-
cke , de manière que dans l'écurie fon
derrière étoit tourné du côté de la man-
geoire. Un homme prépofé pour le
veiller nuit & jour , s'eft conftamment op-
pofé à fon fommeil ; il a été attentif à lui
donner de temps en temps une poignée
de foin , & à l'empêcher de fe coucher ,
S ce moyen a parfaitement réufTi. Il me
femble néanmoins que le fuccès doit être
plutôt attribué au foin que l'on a eu d'ai-
guillonner fon appétit par des poignées de
fourrage ^ qu'à celui de lui dérober le
dormir , & de tenter de l'abattre par la
veille. Les chevaux dorment peu ; il en
eft qui ne fe couchent jarriais ; leur fom-
meil eft rarement un aftoupiftbment pro-
fond , dans lequel tous les mufcles qui
fervent aux mouvemens volontaires ^ font
totalement flafques & afiaifTés ; parmi
FAR
5f
ceux qui fe couchent , il en eft même
plufieurs qui dorment fouvent debout &
fur leurs pies ; & deux ou trois heures
d'un léger repos fufnfent à ces animaux ,
pour la réparation des pertes occafion-
nées par la veille & par le travail : or
il n'eft pas à préfumer que de tous les
befoins auxquels la vieanimaleeftafTujettle,
le moins preft'ant foit plus propre à
dominer un naturel rebelle , que celuj
qui fufcite le plus d'impatience , & qui
fuggere le defir le plus ardent. Pour
fubjuguer les animaux , pour les amener
à la fociété de l'homme , pour les after-
vir en un mot , la première loi que nous
devons nous impofer , eft de leur être
agréables & utiles ; agréables par la dou-
ceur que nous femmes néceftités d'oppo-
fer d'abord à leurs fougues & à leur
violence ; utiles par notre application à
étudier leurs penchans , & à les fervir
dans les chofes auxquelles ils inclinent le
plus : c'eft ainfi que fe forme cette forte
d engagement mutuel qui nous unit à eux ,
qui les unit à nous : il n'a rien d'humi-
liant pour celui qui , bien loin d'imaginer
orgueilleufement que tout l'univers eft
créé pour lui , & qu'il n'eft point fait
pour l'univers , fe perfuàde au contraire ,
qu'il n'eft point réellement de fervitude &
d'efclavage , qui ne foit réciproque , depuis
le defpote le plus abfolu jufqu'à l'être le
plus fubordonné. [e )
FARREATION, Voyei Confar-
RÉATION.
FARTACH , (Geog:) royaume ou prin-
cipauté de l'Arabie heureufe , qui s'étend
depuis le 14 degré de latitude , jufqu'au
16 degré trente minutes ; & pour la lon-
gitude j depuis foixante-fept degrés trente
minutes, jufqu'au foixante-treizieme degré.-
i^"oje:{ les mémoires de Thomas Rhoe, am-
baftadeur d'Angleterre au Mogol. Le cap
de Fartack eft une pointe de terre qui
s'avance dans la mer vers le quatorzième
degré de latitude nord , entre Aden à
l'oueft , & le cap Falcalhad à l'eft. Article
de M. le chevalier de J AU COURT.
FARTEURS , FARTORES , ou
ENGRAISSEURS , f. m. pi. {Hifl. anc. )
valets deftinés à engraifler de la volaille.
Il y en avoit auITi d'employés dans la
S;^ F A R ^
ciiifine fous le même nom : c'étoient ceux
qui taifoieat les boudins , les faucifies , &
autres mets de la mém.e forte. On appeloit
encore tarteurs , /à«orf 5 , ceux qui , mieux
connus fous le nom de nomenclateurs ,
nomencldtores , difoient à l'oreille de leurs
maîtres , les noms des bourgeois qu'ils
rencontroient dans les rues , lorfque leurs
maîtres briguoient dans la le'pubiique quel-
que place importante , qui étoit à la nomi-
nation du peuple. Ces orgue.lleux patrio-
tes étoient alors obligés de lui taire leur cour,
& ils s'en acquittoient affez commune'ment
de la manière la plus honteufe & la plus vile.
Je n'en voudrois pour preuve que l'inftitu-
tjondeces/jrrtz/7J' , qui indiquoient à l'af-
pirant à quelque dignité, le nom & la qualité
d'un inconnu qui fe trouvoit fur fa route ,
& qu'il alloit familièrement appeler par fon
nom , & cajoler baflement , comme s il eût
été fon protedeur de tout temps. On don-
noit à ces domeftiques le nom de fanores ,
farteurs , parce que l't lut inferciremnoinina
in aiirem candidati : on les comparoir par
cette dénomination n\.\y.faiteurs de cuifine ;
ceux-ci remplifloient des boudins , & ceux-
là fembloient être gagés pour remplir &
farcir de noms l'oreille de leur maître.
F A S
§FASCE, f. {.fafcia, œ {terme de
Blafon ) pièce honorable qui a les deux
feptiemes de la largeur de fécu , quand
elle eft feule , & fe pofe horizontalement
au milieu.
Il y a quelquefois deux , trois ou quatre
fafces dans l'écu , alors les difîances font
égales aux fa/ces.
Quand il a cinq ou fept /à/Ifi- enfemble ,
on les nomme trangles ; s'il y en a fix ou
huit , huields ,
La fafce repréfente l'écharpe que l'on
portoit autrefois à la guerre, autour du
corps en manière de ceinture.
Bafclii de Saint-Efteve , d'Aubais , à
Paris , d'argent à la Jajle de fable.
D'Harcour de Beuvron , en Normandie ;
deux gueules à deux /a/ces ,d'or.
F A S
Foudras de CoutanfTon de Courcenay,
en Forez & en Beaujolois; d^a^ura trois
fdfces d'argent.
De Pons de Thors , en Saintonge ; d'ar'
gent à la. fafce bandée d^or & de gueules.
Antoine , fire de Pons , comte de Ma-
rennes , chevalier de l'ordre du roi, iieute-
iiant pour la majefté au gouvernement de
Saintonge , étoit dans la ville de Pons en
I jz8 , lorfque l'armée calvinifte vint l'af-
fiéger ; il la défendit vaillamment ; mais
ayant été obligé de capituler au bout d'un
mois , & le capitaine de Piles lui ayant dit
qu'à la vigoureufe défenfe qu'il venoit de
faire , on avoit vu qu'il défendoit fon bien :
Monjieur , lui répondit-il , depuis deux ans,
/ai dépendu cinq places qui ne rn apparte-
naient pas y & fy ai prouvé que mon bien ,
ma famille , mon honneur , font par-tout
où la patrie efl attaquée.
FASCE , adj. {terme de Blafon.) fe dit
d'un écu divifé en fix parties égales par
lignes horizontales, ou en huit par fept
lignes dans le même fens, de deux émaux
alternes. ( a )
On n'exprime le nombre de fafces que
lorfqii'il y en a quatre ou huit.
Fajcé fe dit aulîi du chevron ou autres
pièces divifées en fafces.
Si l'écu étoit divifé en dix fafces de deux
émaux alternes , il feroit dit burelé.
Les mots fafce èi/afcé viennent du latin
fafcia , qui fignifie une bande ou bandelette
de toile.
De Polignac de Solignac , en Velay ,
feigneur de Saint-Paulien , en Auvergne ,
ffcé d' ai gent 6' de gueules.
Brifay de Denonville , au pays Char-
rrain , fafcé d'argent & de gueules de huit
pièces.
De Laforeft , en Auvergne ; fifcé d'argent
& de fable de quatre pièces. {G. D- L. T.)
FASCEAUX , f m. pi. terme de Fée lie ;
ce font de vieilles favates garnies de pierres,
pour faire caler le bas du fac du chalut.
Kayc^ Chalut.
FASCIA-LATA , {Anatomie.) un des
mufcles de la cuifle &: de la jambe : fon nom
{a) L'on dit fafcé contrefafcé , lorfque l'écu fafcé tft parti par un trait qui change l'émail
des fafces , enlorte que le métail foit oppolé à la couleur : On dit aulfi }<^f(é denché «
lorfque tputes les fafces font dentées , de forte que l'écu en foit au(Ii plein que vuidcf
hitm
F A s F A S 8;^
latin s'eft confervé dans notre langue, & eft paiement ceux qui font couches extérieure-
beaucoup plus ufité que celui àa membra- ment entre Tes deux os.
neux , qui lui eft donne' par un petit nombre
de nos auteurs.
Il a fon attache fixe antérieurement à la
lèvre externe de la crête de los des illes ,
par un principe en partie charnu & en par-
tie aponévrotique. Le corps charnu de ce
mufcle , qui n'a guère plus de cinq travers
de doigt de longueur fur deux ou trois de
largeur , eft logé entre les deux lames d'une
aponévrofe , dans laquelle ce mufcle fe perd
par un grand nombre de fibres tendineufes
très-courtes. Ceft la grande étendue de
cette aponévrofe qui a fait donner à ce
mufcle le nom éefjfcia-ljta , c'efi-à-dire ,
h.inde liirge , quoique ce nom femble plutôt
devoir appartenir à l'aponévrofe qu'au muf-
cle même : M. WinfloW le nomme le mufcle
du fafcia-lata.
Cette aponévrofe eft attachée antérieu-
rement à la lèvre externe de la crête des
os des ifles , depuis l'épine antérieure &
fupérieurede cette os,jufqu'environ le milieu
de cette crête ; elle s'attache enfiiite au
srand trochanter , & poflérieurement vers
le milieu du fémur & à la partie fupérieure
du péroné ; après quoi elle fe continue
tout le long du tibia , en s'attachant à fa
crête , & fe termine enfin à la partie infé-
rieure du péroné. Dans ce trajet , cette
aponévrofe couvre les mufcles qui lui répon-
dent \ favoir , une portion confidérable du
grand & du moyen fefîler . tous les mufcles
qui font couchés le long de la cuifTe , prin-
cipalement ceux de fa partie latérale exter-
ne ^ & ceux qui font couchés antérieure-
ment le long de la jambe entre le tibia & le
péroné.
Cette aponévrofe reçoit encore un très-
grand nombre de fibres des mufcles qu'elle
couvre; mais fur-tout du grand & du moyen
fcflier , de la courte K.èzQ du biceps , mufcle
de la jambe ; des péroniers , du jambier
antérieur , & du long extenfeur des orteils ,
avec tous lefquels mufcles cette aponévrofe
fe trouve comme confondue. Il eft même à
remarquer , à l'égard de la plupart de ces
mufcles , que cette aponévrofe leur fournit
des cloifons qui les féparent les uns des autres.
La même chofe s'obferve à l'aponévrofe qui
(Couvre les mufcles de l'avant-bras, & princi-
Toms. XllL
Nous venons de donner la defcription du
fafcia-Uta d'après les plus grands maîtres ;
mais il faut convenir que cette enveloppe
tendineufe , qui embrafle les mufcles de la
partie antérieure de la cuifTe , & qui com-
munique avec plufieurs autres , eft aufti
difficile à décrire qu'à démontrer , parce
qu'il n'eft pas aifé d'en rcconnoître les
bornes ; de forte qu'il ne faut pas s'étonner
(que les anatomiftes ne s'accordent point
fur fon étendue. Quoique tous les mufcles
qui compofent la cuifle foient recouverts
par une enveloppe qui paroit être continue,
on peut cependant dire que le fafcia-latii
n'embrafle que les quatre antérieurs , & que
tout ce qui eft poftérieurement ne lui appar-
tient point. En effet , les cloifons tendi-
neufes qui féparent les mufcles vaftes des
mufcles poftérieurs , fembknt être for-
mées du concours de deux membranes
paroiftant plus fortes & plus épaifTes que
les parties qui les produifent prifes fépa-
rément. 'Lefafcia.-lata eft donc une partie
aponévrotique , qui' enveloppe les quatre
mufcles qui font l'extenfion de la jambe ,
appelés droit, crural, l'djle interne, Ù
vafle externe.
Cette membrane a plufieurs ufages ; car
outre qu'elle forme une gaine très-folide
qui contient les quatre mufcles que nous
venons de nommer , elle reçoit le tendon
de l'épineux , & une partie de celui du
grand & du moyen feftier : elle fournit de
plus une attache folide aune partie du petit
feftier , du vafte externe , & de la petite
tête du biceps. La membrane qui recouvre
le grand feftier , &quiporliiit des c'oifons
particulières pour les troufteuix des fibres
dont ce mufcle eft compofé , peut être
regardée comme une produâion du fifcii~
Ijt.i , qui communique encore avec 'e li-,a-
ment inguinal & l'aponévrofe de l'oblique
externe.
Les chirur^^ieps doivent foigneufem^nt
obferver que lorfqu'il fe forme un abcès
fous \c f.ifjij.-ldti, le pus s'échappe aifé-
ment dans l'interftice des muf lot qui font
au deftous , parce que la matière de l'.ibcês
a plus de facilité à fe glifter dans l'cfpace de
ces chairs flexibles , qu à pénétrer le tiftu
Qqqqq
S5S F A s
de la membrane qui forme \cfafc'ia- lata
lequel eft fort ferre. 11 faut alors , pour
prévenir cet cpanchement du pus entre ces
mufclcs , faire une grande incifion félon la
longueur de cette membrane, afin de don-
ner une ifTue fufTifante au pus contenu dans
le fac de l'abcès , & empêcher qu'il n'y
fafîeim long fe'jour : pour cet effet, après
l'incifion faite , il faut glifler le doigt indice
fous la membrane , &i en rompre & de'cacher
routes les adhérerites , afin que le pus forte
librement de toutes parts. An. de M. le
chevalier r>E Jaucourt.
FASCINATION, f.f. {Hifi.& Philof.)
jB»<rK« i'«; male'fice produit par une imagina-
tion forte , qui agit fur un efprit ou un corps
foible.
Linder , dans fon traite' dcspoifons , pag.
766-8 , croit qu'un corps peut en fa/ci ner
lin autre fans le concours de l'imagination ;
par exemple , que les émanations qui for-
tent par la tranfpiration infenfible du corps
d'une vieille femme peuvent , fans qu'elle
le veuille , blefTer les organes délicats d'un
enfant. Mais ce cas , que quelques auteurs
appellent fjfcination naturelle , préfente
feulement une forte antipathie , & n'a qu'un
rapport éloigné avec hfafcination propre-
ment dite.
Guillaume Perkins , dans fa lafcanologie ,
définit l'art àes fa/ci nations magiques, un
art impie , qui lait voir des prodiges par
le fecorirs du démon , & avec la permif-
fîon de Dieu. Cette définition paroît trop
vague ; elle embrafie toutes les parties de
la magie , du moins fuivant beaucoup de
pliilol'ophes , qui n'admettent rien de réel
dans cet art , que les apparences qu'il fait
naître.
Frommann a donné un recueil très-
proxile en forme de traité de fa/ci natione ,
dans lequel , lit: III » pan. lV)fecI. a,
il étend hj'afjination y non feulement aux
animaux , comme avolent fait les anciens ,
mais encore aux végétaux, aux minéraux ,
aux vents, & aux ouvrages de l'art des
hommes. Outre les défauts ordinaires des
compilations, on peut reprocher à cet au-
teur fon extrême crédulité, fes contes ridi-
cules fur les moines , & fa calomnie gro/îiere
contre S. Ignace de Loyola , qu'il ofe dire
avoir été forcier. Le ri''. ^. de l'appendix
F A S
de ce livre , où Frommann veut prou-
ver que le diable eft le finge de Dieu , eft
aflez remarquable.
Frommann diflingue , après Deirio, trois
efpeces defafcination; l'une vulgaire &
poétique , la féconde naturelle , la troi-
fieme magique. Il combat la première quoi-
qu'il adm.ette les deux autres ; mais les
poètes ont-ils pu concevoir de fafàna-
tion , qu'en la rappelant à la phyfiqiie ou à
la magie ?
On conçoit que l'imagination d'un hom-
me peut le féduire ; que trop vivement
frappée elle change les idées des objets ;
qu'elle produit fcs erreurs dans la morale,
&: fes faufl'es démarches : mais qu'elle in-
flue , fans manifefter fon aclion , iur les
opinions & la volonté d un autre homme,
c'eft ce qu'on a de la peine à fe perfuader.
Le chancelier Bacon , de augmenta fcientiar.
Iw. IV, c. iij , m. t^o , croit qu'on a con-
jeduré que les efprits étant plus adifs &
plus mobiles que les corps , dévoient être
plus fufceptibles d'impreffions analogues
aux vertus magnétiques , aux maladies con-
tagieufes , & autres phénomènes fem-
blables.
_ Il n'y a peut-être pas de preuve plus fen-
fible de la communication dangereufe des
imaginations fortes , que celles qti'on tire
des hifloires des loups garoux , fi com-
munes chez les démonographes : c'efl une
remarque du P. Malebranche , dem. c. du
lii'. II. Recherche de la vérité. F. Claude y
pi'ieur religieux de l'ordre des FF. mineurs
de l'obfervance , dans fon dialogue de la.
Lycanthropie , impriméàLouvainl'an 1 j 96,
prétend , fol. zo , que les hommes ne iau-
roient fe tranfmuer finon par la puif-
fance divine , mais bien qu'ils peuvent
apparoître extérieurement autres qu'ils
ne font , & fe le perfuader eux-mêmes ,
fui. 72 , ro.
J. de Nynauld , doi51eur en médecine ,
dans fon e'cr itfur la lycanthropie 6' cxtafc des
forciers , imprimé à Paris l'an 1615 , en
combat la réalité contre Bodin , & attri-
bue les vi fions des forciers à la manie , à la
mélancolie , lîc aux vertus des fimples qu'ils
emploient , parmi lefquelsil en ell, dit-il ^
p. :! 5 , qui font voir les bons & les mauvaii
anges.
FA S
Les pères de l'églife & les commen-
taceurs expliquent la mctamorphofe de
Nabuchodono(or en bœuf par ua accès de
manie , donc Dieu fo fervit à la vt'ritépour
punir ce prince. Il e'I parle d'un autre chan-
gement de forme d'un homme changé en
mulet , dans l'e'vangile de l'enfance de J. C.
pug. 18^ , I part, des pièces apocryphes
concernant le nouveau tcllament , données
par Fabricius.
Plutarque raconte qu'Eutelidas Cofa/cina
lui-même , & devint il amoureux de fes
charmes , qu'il en tomba malade ; t'oye^
Sympos , /. V , p. m. 68z- (c'eft ainfi qu'il
faut expliquer vraifemblablement la fable
de Narciffe ) : le même auteur nous ap-
prend combien les anciens craignoient pour
î'e'tat floriflant de ceux qui e'toient trop loués
ou trop envie's.
Hippocrare a obfervé , ^ifi vaçh >a, , que
les apparitions des efprits avoient plus fait
périr de femmes que d'hommes ; & il en
donne cette raifon , que les femmes ont
moins de courage & de force. Mercurialis a
penfé que le corps des enfans & des femmes
iont plus expofés à la/lifcination, parce que
les corps des enfans ne font point défendus
par leurs âmes , & que ceux des femmes le
font par des âmes foibles & timides. Voje^
fes opufcules , p. m. 2,76", Je inorbis puer. l.
Mercurialis, ih'ui. 477 , dit qu'on attri-
bue à X-A. fafcination , cette maigreur incu-
rable des enfans à la mamelle , dont on ne
peut accufer leur conrtitution ni celle de
leurs nourrices. Sennert , /. VI., prax. med.
part. IX, p. m. lo-jj , tom. IV , regarde
comme produites par des fortileges ces ma-
ladies que les médecins ne connoifTent pas ,
& qu'ils traitent fans fuccès ; celles , pag.
loSff , qui , fans caufe apparente , parvien-
nent rapidement au période le plus dange-
reux , qui excitent des douleurs vagues &
des mouvemens convulfifs.'Willis, de morb.
convulf. c. viij,p. m. 4^, met hors de doute
que toutes les convulfions qu'un homme en
fanté ne pourroit imiter , & qui deman-
dent une force furnaturelle , font diaboli-
ques. Il fe réunit avec Frommann, lib. cit.
p. gi6 ^ plufieurs autres , pour expliquer
par l'opération du démon , les excrétions
ile chofes qui ne peuvent fe former dans
F A 5 gj-p
!e corps de l'homme. Ainfi fuivantîa maxi-
me d'Hippocrate , vrifl ïf^t i^rov , les hom-
mes ont recours à un pouvoir furnaturel
dans les chofes dont ils n'ont aucune con-
noiflance : mais le font-ils toujours avec
fondement ?
Dans les anciennes éphémérides des
curieux de la nature , on voit plufieurs
exemples des maladies caufécs par hfjfci^
nation. On trouve auïïî des obfervations
de maladies pareilles dans les nouveaux
ades de cette académie , mais elles y font
rapportées plus philofophiquement , Weft-
phalus , dans fa pathologie démoniaque, p.
50 , n'admet point defafcination qui ne foie
magique. Cette pathologie a été imprimée
en 1707. Il femble que depuis ce temps la
magie a beaucoup perdu de fon crédit en
Allemagne.
Frommann , lib. cit. p. 595 , croit que le
taâ peut être/afciné, de forte qu'il réfifle
à l'adlion du feu & des corps tranchans ,
& même aux balles de moufquet. Cet
auteur fe donne beaucoup de peine , ibid.
pag. 81 £-6 , pour expliquer comment le
démon peut produire cet endurcifTemenc
de la peau. Il auroit été bien éloigné d'em-
ployer dans une maladie femblable les bains
& le mercure , comme a fait , avec fuccès ,
un médecin italien , qui a publié récem-
ment l'hii'Ioire de cette guérifon , que
M. 'Vandermonde a traduite. La fanté des
hommes eft donc intérefTée à la dedruéHon
des préjugés , & aux progrès de la bonne
phyfique.
On ne voit point dans le texte hébreu
de l'écriture , de vertige de la f.ifcination
proprement dite , fi ce n'efl: peut-être d ms
le ch. xxiij des Proi-erb. n. 7 , au lieu de
l'envieux dont parle la vulgate en cet en-
droit , l'hébreux dit , l'œil malin , râ aiin.
(Dom Ramirez de Prado a cité ces mots
en caraâeres hébreux , qu'il faudroit lire
oud tin , ce qui ne fait aucun fens.) Gro-
tius explique cependant avec beaucoup de
vraifemblancc ce mauvais œil , de celui de
l'avare, dans fes notes fur le ch. xx , l'.jf,
éi'ag. de S. Matdiieu. Les Romains crurent
qu'il falloir oppofer des d'eux à ces puif-
fances mal-faifantes qm/afcinent les hom-
mes : ils créèrent le dieu Fa/linus & la
déeflc Cunina, Nous apprenons de 'Varronj
^qqqq i
l6o F A S
que les fymboles du dieu Fafcinus ^tolent
infâmes , & qu'on les fufpendoit au cou des
enfans , ce qui eft confirme' par Pline , lujf.
nat. l. xxvilj , chap. 4. Le P. Hardouin ,
îom. ij , p. 4§i , col. ly apprend que les
amulettes des enlans dont parle Pline, n"a-
voient rien d'obicene. il a reproché aux
commentateurs de s'être trompe's ; mais il
étoit bien à plaindre , s'il fe croyoit obligé
de for.ten r ce paradoxe. Voye^ ci - après
Fascinus.
Le culte que les Grecs rendoient à
Priape , ctoit fans doute honteux ; mais
ce culte naquit peut-être de réflexions pro-
fondes. Ils l'avoient reçu des Egyptiens ,■
dont on fait que les hiéroglyphes prél'en-
tent fouvent les attributs de ce dieu. Ils
étoient une image fenfible de la fécondité ,
& apprenoient aux peuples grofîlers que la
nature n'eft qu'une fuite de générations :
imisfur les monumens égyptiens, avec l'œil,
fymbole de la prudence {i'oyt\ Pignorius ,
menf. ijiac. pag. ^z) , ils infmuoient aux
hommes , qu'une intelligence fufrême re-
produit fans cefle l'univers.
Les allégories furent perdues pour les
Grecs , les Etrufques , & les Romains ; ils
continuèrent néanmoins à regarder l'i-
mage de Priape comme un puiffant pré-
fervatif. Ils n'y virent plus qu'un objet ridi-
cule qui défarmeroit les envieux , & en
partageant leur attention , afFoibliroit leurs
regards funefles. M. Gori, dans fon Miifeum
Etrufc. p.ig. 24:? , nous afTure que les
cabinets des curieux , en Tofcane ;, font
remplis de ces amulettes que les femmes
Etrufques portoient , & attachoient au
cou de leurs enfîuis. Thomas Bartholin ,
ile piteiperio vet. p. iGi , a donné un de ces
infâmes amulettes, avec ceux que Pignorius
avoitdéja donnés. Ceux-ci repréfentent feu-
Icm.ent une main fermée , dont le pouce
eft inféré entre le doigt index & le doigt du
milieu. DeJrio , Vallelîus , & Guticrrius ,
cités p>ir Frommann , /. c. p. 66 , afilu-ent
que l'ufage de cette main fermée s'eft con-
fervé en Efpagne : on en fait de jayet ,
d argent , d'ivoire , qu'on fufpend au cou
des enfans , &: les femmes erpagnoles obli-
gent à toucher cette main , ceux dont elles
F A S
du cher. (/' Arvieux , tom. III , p. x^g.
Dom Ramirez de Prado , dans fon Pen-
tecontarche , c xxxj , p. 2.47-S, ajouteque
l'on appelle cette main higa , & il en tire
l'origine du grec i'^VI , qui fait à l'accufatif
''ivU ; il doit cette ttymologie au doâeur
François Penna Caftellon , mais ce méde-
cin , dans fes vers , dit que l'iynx eft un
oifeau qui garantir de \dL jafcination ; c'eft
le motacellii ou hoche-queue. Son opinion
fur le mot higa , n'a point de fondement,
mais elle a quelque rapport avec ce qu'on
ht dans Suidas , que V'iin eft une petite
machine , ôpydni^ n dont les magiciennes fe
fervent pour rappeler leurs amans. Bifet
a tranfcrit ce paflage de Suidas , dans fes
notes grecques furie v. iiiz de la. Lyjif~
trata d'Ariftophane. Pfellus , dans ksjcho-
lies fur les oracles chaldaiques , pag. 74 ,
donne la defcription de ces machines : elle
eft aflez vague , & Ion pourroit fort bien
foupçonner qu'il y avoit parmi ces machi-
nes des nevrofpaftes ou pantins dont parlent-
Hérodote , Lucien , Ê'c.
Dom Ramirez de Prado a été copié par
Balthafar de Vias , noble Marfeillois, dans
fes Syhw regiie , pag. ^^3-4. (Notez que
Mencken dans (a diflertation fur ia fjfci-
nation attribuée aux louanges , a mal cité la.
Via legia de cet auteur au lieu de Syh'oe
regi^v.) Ramirez nous apprend , au même
endroit , qu'une vieille qui regarde un en-
fuit , eft obligée de lui préfenter fes doigts,
dans cette difpofition qu'on appelle higa.
Nous appelons cs\a faire la figue , & les
Allemands l'appellent/f z'^f/ ces derniers ont
un proverbe fort fingulier : lorfqu ils veu-
lent prélerver quelqu'un de \a. fafcmation ,
ils fouhaitcnt : er hat ihm einefeigc hcwiefen.
que
figue
d'en-haut lui montre
P- 335-
%ij , qu. ^ , & plufieurs
le feigneur
Frommann .
Perkins , /. cit. c
autres , fe déchaînent contre les préferva-
tifs descath.oliques romains, les Agnus Dei^
&c. Ces auteurs n'ont pas fait attentioa
que de femblables amulettes étoicnr ufitc%-
parmi les premiers Clux'tiens. Voy. Cafa-
lius , Jf R. vet. chrillian. p. 2.6'-'. Le chan-
celier Bacon regarde comme illicites les
amulettes , qu'il confond avec les autres
craignent les yeux malins, Voy. Us mùn. [çéirémonies magiques , quand on les cm-
F A 8
ploieroit feulement comme des remèdes
phyfiques ; parce que , dit-il , cette efpece
de magie tend à faire jouir l'homme avec
fort peu de peine , de ce qui doit être
la récompenfe d'un travail pénible : in
fudore vultùs comedes panem tuum. De
augm. fcient. p. m. jjo.
Goropius Becanus rapporte dans fes
^Origines d'Aiwers , p. m. %6 , que les fem-
mes les plus refpeaables de cette ville ,
appeloient Priape à leur fecours au moin-
dre accident. Cette fuperftition fubfiftoit
encore de fon temps , quoique Godefroi
de Bouillon, marquis d'Anvers, dès qu'ilfe
fut rendu maître de Jt'rufalem , leur eût
envoyé le prépuce de Jefus Chrift ; mais
les femmes ne purent renoncera leur pre-
mière habitude.
Quoique les conciles aient fait plufieurs
canons contre les phylafteres , on fe fer-
voit il n'y a pas long-temps , dans les pays
catholiques , d'enfalmes ou formules tuées
des livres facrés pour empêcher les fjfci-
nations. On peut voir fur les formules l'o-
pufculum primiim de incdntationihus feu en-
fahnis , d'Emmanuel de Valle de Moura
docteur en tliéologie & inquiliteur portu-
gais , livre rare , où entr'autres chofes
plaifantes , de ce que l'auteur compare les
juifs à des ronces qui fe piquent elles-mêmes,
îl conclut qu'il faut les brûler.
La fafcination efî le plus univerfel de
tous les maux , & l'on peut bien dire que
ce monde eft enchanté ; non pas dans le fens
de Beker , mais parce que les hommes fé-
duits par leurs paifions & leur imagination ,
font entr'eux un commerce perpétuel
d'erreurs.
Jules-Céfar Vanini, fameux athée, brûlé
à Touloufe , a cru fans doute que fon
fyft^me le m.enoit à nier qu'un homme
fain pût en fafciner un autre , il credere e
cortefia , dit-il , parce qu'il penfe qu'il
tàudroit attribuer cet effet à la magie. Or
Fexillence des démons ne lui eft connue
que par la révélation ; il la combat même
fous les noms de Cardan & de Pomponace;
d'ailleurs il ne veut pas que les démons aient
du pouvoir fur des enfans exempts de pé-
ché : il aime donc m.ieux avoir recours à
des facultés naturelles , mais il n'eft pas
fceureux dans fes explications. Il penfc que \
F A S S5i
quand une forciere fe livre à des mouve-
mens de colère , de haine , ou d'envie , le
defir de nuire , formé dans fou imagina-
tion , excite les efprits & leur donne une
teinte de couleur trifte , ce qu'J prouve
parce que le fang devient livide , ( trifU
illdnocendifpecie, qucein illius imaginatiiâ
refidet, commopenturfplritus , imo & mcef-
tiim induunt colorem , nam fanguis fit Iwi-
dus. De admirandis natura: reginx , dea:que
mortaimm arcanis, dialog. 59 ,/>. 73. ) les
efprits ramaftent une matière pernicieufe ,
qu'ils dardent par les yeux de la forciere.
En conféquence de cette hypothefe , Va-
nini affure très - férieufement qu'il a con-
feillé à ceux qui craignoient h Ja/ei nation,
s'ils avoient honte de détourner la tête
pour l'éviter , de raiïembler leurs efprits
vers les yeux & de les diriger contre la
magicienne , dont ils choqueroient par là
& affoibliroient les efprits nuiflbles. Enfin ,
il prérend que les coraux en pâliflant dé-
couvrent h fafcination comme la fièvre,
& que c'cft par cette raifon qu'on les fuf-
pend au cou des enfans comme des pré-
fer vatifs. (g)
Fascination , f f ( Médecine. ) on
appelle de ce nom l'exercice du pouvoir
prétendu de ceux qui caufent des maladies
aux hommes , aux enfans fur-tout ^ & aux
beftiaux , par l'effet de certaines paroles
magiques , & même par le regard. C'eft
une forte d'enchantement.
Les fymptomes dominans des maladies
produites par cette caufe , font la fièvre
heftique , le marafme , le plus fouvent fui-
vis de la mort. Les anciens mettoient la
fafcination au nombre des caufes occultes
des maladies. Voyez Médecine magique ,
Enchantement , Charme , Sorcellerie, {d)
FASCINES , f. f. ( Art. militaire. ) ce
font dans la guerre des fieges , des efpeces
de fagots faits de menus branchages , dont
on fe fert pour former des tranchées &
des logcmcns , & pour le comblement du
fofTé. Voyeilapl. XIII. de fortification.
hesfafcines ont environ fix pies de lon-
gueur , & huit pouces de diamètre , c'efl-
à-dire , environ 14 pouces de circonfé-
rence ; elles ont deux liens placés à peu-
près à im pié de diftance des extrémités-
Ûz F A s
Trois ou quatre jours avant l'ouverture
de la trancht^e , lorlque les troupes ont
achevé de camper & de fe munir de four-
rage , on commande à chaque bataillon
& à chaque efcadron de l'arme'e , de taire
un certain nombre dc/afcines , qui eft or-
dinairement de deux ou trois mille par ba-
taillon , & de douze ou quinze cents par
efcadron.
Lesfjfcines font des ouvrages de cor-
ve'e , c'eft-à-dire , qui ne font point payés
aux troupes. Tous les corps de l'armée
en font des amas à la tête de leur camp , &
ils y pofent des fentinelles , pour veiller
à ce qu'elles ne foient point enlevées.
On fait ufage des fafcines en les cou-
chant horizontalement félon leur longueur;
c'efl pourquoi on ne dit point planter des
fj-fcuies , mais pofer des fafcines , ou jeter
des fafcines, parce qu'on les jette dans les
foffe's pour combler.
On emploie encore des fafcines dans la
conlhudion des batteries & la réparation
des brèches après un fiege : mais ces faf-
cines font beaucoup plus longues que les
autres , ayant depuis dix pies jufqu'à douze.
Voyez SauciJJon , Batteries & Epau-
lenient. (Q)
Fafcine goudronnée ) eft une fafcine
trempce dans la poix , ou du goudron. On
s'en fert dans la guerre des fieges , pour
brûler les logemens &: les autres ouvrages
de l'ennemi. ( Q)
Fascine, [Jard.) voyez Clayonnage.
* FASCINUS , f m. divinité adorée chez
les Romains, (a) Ils en fufpendoient l'i-
mage au cou de leurs petits enfans , pour
les garantir du maléfice qu'ils appeloienr
fafcinum. Ce dieu, fufpendu au cou des pe-
tits enfans , étoit repréfcnté finguliére-
ment, fous la forme du membre viril. Le
don de famulette préfervarive étoit accom-
pagné de quelques cérémonies. Une de ces
cérémonies , c'étoit de cracher trois fois
fur le giron de l'enfonr. Quoique le fym-
bo!e du dieu Fafcinus ne ï\.t pas fort hon-
nête, c'étoit cependant les vellales qui lui
facrifioicnt. On en attachoit encore la fi-
gure aux chars des triomphateurs.
F A S
FASIER, {Marine.) on dit les voiles
fafent , c'eft-â-dire , que le vent n'y donne
pas bien^ , & que la ralingue vacille tou-
jours. {Z)
FASSEN , {Gtog.) pays d'Afrique dan*
la Numidie , fitué entre les déferts de Li-
bie , le pays des Nègres , & l'Egypte. Sa
capitale eft à 44'* de longitude & iô^ de
latitude , félon Dapper , dont le premier
méridien paffe à la pointe du cap Verd.
{D.J.)
* FASSURE , f. f [Manuf en fie. )
partie de l'étoffe fabriquée entre l'enfuple
& le peigne , fur laquelle les efpolins fonc
rangés , quand la nature de 1 écoffe en
exige. On donne le même nom à cette
portion de l'étoffe , lorfqu'on n'emploie
point d'efpolins.
FASTE , f m. (Gram.) vient originai-
rement du latin fafti, jours de fêtes. C'eft
en ce fens qu Ovide fentend dans fon
poème intitulé les fajies. Godeau a fait fur
ce modèle lesfafies de féglife , mais avec
moins de fuccès , la religion des Romains
payens étant plus propre à la poéfie que
celle des Chrétiens ; à quoi on peut ajou-
ter qu'Ovide étoit un meilleur poète que
Godeau. Les fajfes confulaires n'étoienc
que la lifte des confuls. Vojei ci-après les
articles FASTE. [Hijloire.)
Les faJIes des magiftrats étoientles jours
où il étoit permis de plaider ; & ceux aux-
quels on ne plaidoit pas s'appeloient né-
faftes , finefli , parce qu'alors on ne pou-
voir parler , fari , en juftice. Ce mot ne-
fajhts en ce fens ne fignifioit pas malheu-
reux ; au contraire , nefaflus & nefandus
furent l'attribut des jours infortunés en un
autre fens , qui fignifioit , jours dont on ne
doit pas parler , jours dignes de l'oubli; ille
ù ne fafio te pofuit die.
Il y avoir chez les Romains d'autres_/j/?^j
encore , fafti urbis , fafli ruflici ; c'étoit un
calendrier à l'ufage de la ville & de la
campagne.
On a toujours cherché dans ces jours de
folennité à étaler quelque appareil dans fes
vêtemens, dans fa fuite, dans fes feftins. Cec
appareil étalé dans d'autres jours s'eft appelu
(«) Giraldi a prouvé que Fiifçinus étoit le même que Priape. Voye^Con/yntagma deonim.
Pas
falJe. II n'exprime que la magnificence dans
ceux qui par leur état doivent reprt'fenter ;
il exprime la vanité dans les autres. Quoi-
que le mot de fdjle ne loit pas toujours
injurieux, faftueuxVQi\.toM]ouvs. Ilfitfon
entré avec beaucoup de j'afie : c'eft un
homme fafiueux : un religieux qui fait pa-
rade de la vertu , met àufdfie jufque dans
l'humilité même. Voye\ t article fuivant.
Le fajle n'eft pas le luxe. On peut vivre
avec luxe dans fa maifon fans fafte , c'eft-
à-dire , fans fe parer en public d'une opu-
lence révoltante. On ne peut avoir àefafte
fans luxe. Le fa/h eft l'étalage desdépen-
fes que le luxe coûte. Art. de Ivl. de Vol-
taire.
Faste , {Morale.) c'eft l'afiTeâation de
répandre , par des marques extérieures ,
l'idée de fon mérite , de fa puifTance , de fa
grandeur , Ùc. 11 entroit du fafle dans la
vertu des Stoïciens. 11 y en a prefque tou-
jours dans les adions éclatantes. C'eft le
fjfle qui élevé quelquefois jufqu'à l'héroïf-
me, des hommes à qui il en coîiteroit d'être
honnêtes. C'eft Xefafte qui rend la généro-
f\té moins rare que l'équité ; & de belles
aâions , plus faciles que l'habitude d'une
vertu commune. Il entre du fafte dans la
dévotion , quand elle infpire plus de zcle
que de mœurs, & moins l'attachement à fes
devoirs comme homme & comme citoyen ,
que le goût des pratiques extraordinaires.
On fe fert plus communément du mot
fdfle pour exprimer cet appareil de magni-
îîcence ; ce luxe d'apparence , & non de
commodité j par lequel les grands préten-
dent annoncer leur rang au refte des hom-
mes. Ils ont prefque tous du fa/h dans les
manières : c'eft un des fignes par lefquels
ils font reconnoître leur état. Dans le
pays où ils ont part au gouvernement , ils
ont de la morgue & du dédain ; dans le pays
où ils ont moins de crédit que de préten-
tions, ils ont une politeffe qui a (on fa/le)
& par laquelle ils cherchent à plaire fans
compromettre leur rang.
On demande h dans ce fiecle éclairé il
eft encore utile que les hommes qui com-
mandent aux nations , annoncent la gran-
deur & la puifTance des nations par des dé-
penfes exceffives , & par le luxe le plus faf-
tueux ? Les peuples de l'Europe font affez
F A S S^Tj
înftruits de leur forces nitîtuelles , pour
diftinguer chez leurs voifins un vain luxe
d'une véritable opulence. Une nation aurOtr
plus de rerped: pour des chefs qui vou-
droient la faire pafFer pour riche. Des pro-
vinces peuplées , des armées difciplinées ,
des finances en bon ordre , impo'eroienc
plus aux étrangers & aux citoyens , que la
magnificence de la cour. Le feul fafte qui
convienne à de grands peuples , ce font
les monumens , les grands ouvrages , &
ces prodiges de l'art qui font admirer le
génie autant qu'ils ajoutent à 1 idée delà
puifTance.
Fastes , f. m. pi. (Iflft.) calendrier des
Romains , dans lequel étoient marqués jour
par jour leurs fêtes , leurs jeux , leurs céré-
monies , & tout cela fous la divifion géné-
rale de jours faftes & nefaftes , permis
& défendus , c'eft-à-oire , de jours def-
tinés aux affaires , & de jours def!i"és au
repos.
Varron , dans un endroit , dérive le nom
defafteàefari , parler , quia jusfarilicehat;
& en un autre endroit il le fait venir de fus ,
terme qui fignifie proprement loi divine ,
& eft différent de jus , qui fignifie feule-
ment loi humaine.
Mais ïesfaftes , qu'elle qu'en foit Tétv-
mologie , & dans quelque fignificatiôn
qu'on les prenne , n'étoient point connus
des Romains fous Romulus. Les jours leur
étoient tous indifférens , & leur année
compofée de dix mois félon quelques-uns ,
ou de douze félon d'autres , bien loin d'a-
voir aucune diftinâion certaine pour les
jours , n'en a voit pas même pou ries faifons,
puifqu'il devoir arriver néceffairemenc
plutôt ou plus tard que les grandes cha-
leurs fe fiiTent quelquefois fentir au mi-
lieu de mars, & qu'il gelât à glace au
milieu de juin : en un mot Romulus étoic
mieux inftruit dans le métier de la guerre ,
que dans la fcience des aftres.
Tout changea fous Numa : ce prince
établit un ordre confiant dans les chofes.
Après s'être concilié Taucorité , que la
grandeur de fon mérite & la fidion de fbn
commerce avec les dieux pouvoient lui
attirer ; il fit plufieurs réglemens , tant
pour la religion , que pour la politique ;
mais avanttout j ilajuftafonannéededouze
8(?4 F A S
mois au cours & aux phafes de la lune ;
&des jours qui compofoient chaque mois ,
il deftina les uns aux affaires , & les autres
au repos. Les premiers furent appelés dies
fafli , les derniers dies nefafli ; comme qui
d'nok jours permis , Séjours défendus. Voilà
, la première origine des fa fles.
Il paroît que le deffein de Numa fut
feulement d'empêcher qu'on ne pût, quand
on voudroit , convoquer les tribus & les
curies , pour établir de nouvelles loix , ou
pour faire de nouveaux magiflrats : mais
par une pratique conftamment obfervée
depuis ce prince jufqu'à l'empereur Au-
gufte , c'eft-à-dire , pendant l'efpace d'en-
viron 660 ans , ces jours permis & défen-
dus , fafti & nefdjli , fuient entendus des
Romains , aulTi bien pour radminiflration
delà juflice entre les particuliers , que pour
le maniement des affaires entre les magif-
trats. Quoiqu'il en foit , Numa voulut faire
fentir à fes peuples que l'obfervation ré-
gulière de ces jours permis & non permis ,
étoient pour eux un point de religion ,
qu'ils ne pouvoient négliger fans crime :
de-là vient que fus & nejas dans les bons
auteurs , fignifie ce qui eft conforme ou
contraire à la volonté des dieux.
On fît donc un livre où tous les mois
de l'aimée , à commencer par janvier, fu-
rent placés dans leur oindre , ainfi que les
jours , avec la qualité que Numa leur avoir
afîignée. Ce livre fut appelé/^,/?/ , du nom
des principaux jours qu'il contenoit. Dans
le même livre fe trouvoit une autre divi-
fion des jours nommés fefli, perfejli , in-
terciji , auxquels furent ajoutés par la fuite ,
diesfenatorii, dies comitiales,d.iesprœliares,
diesfaufii, diesatri , c'efl-à-dire , des jours
ceflinés au culte religieux des divinités , au
travail manuel des hommes , des jours parta-
gés les uns & les autres , des jours indi-
qués pour les affemblées du fénat , des jours
pour l'élcdion des magiflrats , des jours
propres à livrer bataille, des jours marqués
par quelque heureux événement , ou par
quelque calamité publique. Mais routes ces
différentes espèces fc trou voient dans la pre-
mière fubdivifion de dies fajU & nrfujii.
Cette divifion des jours étant un point
de religion , Numa en dépofa le livre en-
tre les mains des pontifes , Icfqucls jouif-
V A b
fant d'une autorité fouveraine dans les
chofes qui n'avoient point été réglées par
le monarque, pouvoient ajouter aux fêtes
ce qu'ils jusjeoient à propos : mais quand
ils vouloient apporter quelque changement
à ce qui avoir été une fois établi & con-
firmé par un long ufage , il falloir que leur
projet fût autorilé par un décret du fénat :
par exemple , le 1 5 de devant les calen-
des du mois fextilis , c'eft-à-dire , le 1 8
de juillet , étoit un jour de fête & de ré-
jouifTance dans Rome ; mais la perte dé-
plorable de 300 Fabius auprès du fleuve
de Crémera l'an de Rome 176 , & la défaite
honteufe de l'armée romaine auprès du
fleuve Allia par les Gaulois l'an 363 , firent
convertir ce jour deféte en jour de triftefl'e.
Les pontifes furent déclarés les dépofi-
taires uniques & perpétuels des faftes ; &
ce privilège de pofiéder le livre desfajïes
à l'exclufîon de toutes autres perfonnes ,
leur donna une autorité fînguliere. Ils pou-
voient fous prétexte des fujf es ou ne'fafles ,
avancer ou reculer le jugement des affaires
les plus importantes , & traverfer les def-
feins les mieux concertés des magiflrats &
des particuliers, enfin, comme il y avoit
parmi les Romains des fêtes & des fériés
fixées à certains jours , il y en avoit auflî
dont le jour dépendoit uniquement de la
volonté des pontifes.
S'il efl vrai que le contenu du livre des
faftes étoit fort refTerré quand il fut dé-
pofé entre les mains des prêtres de la reli-
gion , il n'efl pas moins vrai que de jour
en jour les fafies devinrent plus étendus.
Ce ne fut plus dans la fuite des temps un
fimple calendrier , ce fut un journal im-
menfe de divers événemens que le hafard
ou le cours ordinaire des chofes produi-
foit. S'il s'élevoit une nouvelle guerre, fî
le peuple romain gagnoit ou perdoit une
bataille ; fi quelque magiflrat recevoir un
honneur extraordinaire , comme le triom-
phe 'OU le privilège de faire la dédicace
d'un temple ; fi l'on infliruoit quelque fête ;
en un mot quelque nouveauté , quelque im-
gularité qu'il pût arriver dans l'état en
matière de politique & de religion , tout
s'écrivit dans les fijks , qui par là devinrent
les mémoires les plus fidèles , fur lefquels
on compofa l'hifloirc de Rome. Voye^ ,
ïï A s
dans hsmém. d,; l'acad. c/e^S. L. Icdifcoiirs
favant & élégant de M. l'abbé Sallier , fur
les monurnens hlflorlq. des Romains.
Mais les pontifes qui di(|Dofoient àesfajîes,
ne les communiquoient pas à tout le mon-
de; ce qui défei'péroit ceux qui n'etoicnt
pas de leurs amis , ou pontifes eux-mêmes ,
& qui travaiiloicnt à l'hiftoire du peuple
romain. Cependant cette autorité des pon-
tife dura environ 400 ans , pendanc lef-
quels ils triomphèrent de la patience des
particuliers , des magillrats, & fur-tout des
préteurs , qui ne pouvoient que fous leur
bon plailir marquer aux parties les jours
qu'ils pourroient leur fiiire droit.
Enfin l'an de Rome 4T0 , fous le con-
fulat de Publius Sulpitius Averrion , & de
Publius Sempronius Sophus , les pontifes
eurent le déplaifir de fe voir enlever ce
précieux tréfor qui, jufqu'alors, les avoir
rendus fi fiers. Un certain Cneius Flavius
trouva le moyen de tranfcrire de leurs li-
vres la partie des fafles qui concernoit la
jurifprudence romaine , & de s'en faire
un mérite auprès du peuple, qui le récom-
penfa par l'emploi d'édile curule : alors
po'\jr donner un nouveau luftre à fon pre-
mier bienfait , il fit graver , pendant fon
édilité, ces mêmes fjjhs fur une colonne
d'airain , dans la place même où la juftice
fe rendoit.
■ Dès que les faftes de Numa fiirent ren-
dus publics , on y joignit de nouveaux
détails fur les dieux , la religion , & les
magiftrats; enfuite on y mit les empereurs,
le jour de leur naiffance , leurs charges,
les jours qui leur étoient confacrés , les
fêtes , & les facrifices établis à leur hon-
neur , ou pour leur profpérité : c'efl: ainfi
que la flatterie changea & corrompit les
fafies de l'état. On alla même jufqu'à nom-
mer ces derniers , grands fafles , pour les
diftinguer des fu/hs purement calendaires,
qu'on appela petits fajhs.
Pour ce qui regarde les faftes rufliques ,
on fait qu'ils ne marquoient que les (êtes
des gens de la campagne , qui étoient en
moindre nombre que celles des habitans
des villes ; les cérémonies des calendes ,
des nones, & des ides ; les fignes du zo-
diaque , les dieux tutélaires de chaque mois,
J'accroifîement ou le décroiflbment des
Tome XIIL
jours, Êv. ainfi c'étoic proprement des
efpecesd'almanachs rurtiques,afrez fembla-
blés à ceux que nous a^çèlons almanaclu du
berger, du laboureur, &c.
Enfin il arriva qu'on donna le nom de
fafles à des regifîres de moindre impor-
tance.
i"^. A de fimples éphémerides, où l'an-'
née étoit diltribuée endiverlcs parties, fui-
vant le cours du foleil & des planeces : ainft
ce que les Grecs appcloieiit iqniy-i^îè-i, ^ fyj.
appelé par les Latins cahniarium & fafli,
C'eft pour cette raifon qu'Ovide nomme/i/i
tes, fon ouvrage qui contient les caufes hifto-
riques ou fabuleufes de toutes les fêtes
qu'il attribue à chaque mois , le lever &
le coucher de chaque conftellation &c.
fujet fur lequel il a trouvé le moyen de
répandre des fleurs d'une manière à faire
regretter aux favans la perte des fîx der-
niers livres qu'il avoit compofés pour com-
pléter fon année.
1''. Toutes les hifioires fuccindes , où
les faits étoient rangés fuivant l'ordre des
temps , s'appelèrent auflî faftes ,/zy?z ; c'eft
pourquoi Servius & Porphyrion difenc
que fafti funt annales dterurn , <& rerum
indices.
5". On nomma _^^« , des regiftres pu-
blics où chaque année l'on marquoit tout
ce qui concernoit la police particulere de
Rome; & ces années étoient diftinguées
par les noms des confuls. C'eft pour cela
qu'Horace dit à Lycé : " Vous vieillift^ez,
» Lycé; la richefté des habits & des pier-
>y reries ne 'fauroit vous ramener ces ra-
f> pides années qui fe font écoulées depuis
» le jour de votre naiftance , dont la date
i> n'eft pas inconnue-
Xernpora.
Noflis condita faftis. Od. z^, //;'. jy.
En efTet dès qu'on favoit fous quel con-
ful Licé étoit née , il étoit facile de favoir
fon âge-, parce que l'on avoit coutume
d'infcrire dans les regiftres publics ceux qui
naiftbient & ceux qui mouroient : coutume
fort ancienne , pour le dire en pafTant ,
Plat
-,V
puuaue nous voyons riaton ordonner
quelle foit exécutée dans les chapelles de
chaque tribu. Lii'. VI, de la république.
JMais au lieu de pourfuivre les abus d'un
mot, je dois confeiller au lecteur de s'infr
Rrrrr
%6é
F A S
truire des faits , c'eft-à-dire , d'étudier les
meilleurs ouvrages qu'on a donnés fur les
fafles des Romains ; car de tant de chofes
curieufes qu'ils contiennent , je n'ai pu jeter
ici que quelques parcelles, écrivant dans une
langue étrangère à l'érudition. On trouvera
de grands détails, dans les mémoires de Pa-
caJémie des belles lettres ; dans le corpus
iinciquitdtum romanamm de Rofinus dans
le dictionnaire de Pitifcus , in-fol. & dans
quelques auteurs hoUaiidois tels que Junius ,
Siccama , & fur-tout Pighius , qui mé-
ritent d'être nommés préférablement à
d'autres.
Junius ( Àdrianus ) , né à Hoorn en
151 1 , & mort en 1 575 de la douleur du
pillage de fa bibliothèque par lesEfpagnols,
a publié un livre fur les fajies fous le titre
àe fdjîorum Calendarium-, Bajilex 1553,
Siccama ( Sibrand Têtard ) y Frifon
d'origine , a traité le même fujet en
deux livres imprimés à Bolswert en 1599 >
2/2-4°.
Mais Pighius ( Etienne Vinant ) ^ né à
Campen en IJI9, & mort en 1604,
efl un auteur tout autrement diftingué
dans ces m.atieres. Après s'être inftruit
complètement des antiquités romaines , par
un long féjour fur les lieux , il fe iît la
plus haute réputation en publiant fes
annales de la ville de Rome , & accrut
fa célébrité par fes commentaires fur les
fafles. Article de M. le chei'ulier de
J AU COURT.
Fastes Consulaires,- ( Littérat. )
c'eft le nom que les modernes ont donné
au catalogue ou à l'hiftoire chronologique
de la fuite des confuls , & autres magiftrats
de Rome ; telle efl la table des confuls ,
que Riccioli a inférée dans fa chronologie
réformée , revue par le P. Pagi ; tel efl
encore , fi l'on veut , le calendrier confu-
laStQ ,fafti conjulares , imprimé par Almé-
loven avec de courtes notes. Mais, pour
dire la vérité , c'eft aux Italiens que nous
fommes le plus redevables en ce genre :
auftl ne peut-on fe pafler d'avoir les beaux
ouvrages de Panvini, de Sigonius , &: de
quelques autres.
Oauphre Panvini , né à Vérone en 1519,
&mort à Palerme en 1568^ à l'âjje de trente,
F A S
neuf ans , nous a laiflTé d'excellens com-
mentaires fur les fafles confulaires , divifés
en quatre livres, & mis au jour à Vé-
rone. Charles Sigonius , né à Modene en
1519, & mort en 1584, s'eft tellement
diftingué par fes écrits fur les fafles confu~
laires , les triomphes , les magiftrats ro-
mains, confuls , didateurs , cenfeurs , &c.
qu'il paroît fupérieur à tous les écrivains
qui l'ont précédé. Cependant les curieux
feront bien de joindre aux livres qu'on vient
de citer , celui de Reland , hoUandois , fur
les fafles confulaires , parce que ce petit
ouvrage méthodique à été donné pour l'é-
clairciflement des codes Juftinien & Théo-
dofien , & cet ouvrage manquoit dans la
république des lettres.
Au refte , la connoiftance des fafles cor:'
falaire s interdits les favans, parce que dans
toute l'hiftoire d'occident il y a peu d'épo-
ques plus fûres que celles qui font tirées des
confuls , foit que l'on conhdere l'état de la
république romaine avant Augufte , foit
que l'on fuive les révolutions de ce grand
empire jufqu'au temps de l'empereur Juf-
tinien. Article de AL le chei'alier DE
Jaucourt.
FASTIDIEUX , DEGOUTANT , adj.
Jinon. Dégoûtant fe dit plus à l'égard du
corps qu'à l'égard de l'efprit ; faflidieux,au
contraire, va p!us à l'efprit qu'au corps.
Dégoûtant fe dit au propre &: au figuré ; il
s'applique aux perfonnes , aux viandes , &
à d'autres chofes. La laideur eft dégoûtante,
la malpropreté eft dégoûtante ; il y a des
gens dégoùtans avec du mérite , & d'autres
qui plaifent avec des défauts. Faflidieux ne
s'emploie qu'au figuré. Un homme faf~
tidieux eft un homme ennuyeux, importun,
fatigua it par fes difcours, par fes manières,
ou par fes adions. 11 y a des ouvrages /.i/?/-
dieux. (]e qui rend les entretiens ordinaires
Ç\ faflidieux , c'eft lapplaudiftement qu'on
donne à des fottifes.
Enfin le mot Aq faflidieux eft également
beau en profe & en poéfie; & l'ufage a
tellement adouci ce qu'il a eu d'étranger
dans le derniei" fiecle., qu'on en a fiiit un
terme de mode. Il commence ( & c'eft
dommage ) A être aujourd'hui un de ces
mots du bel air, qui à force d'être em-
ployés mal à propos dans la converfation ,
J
PAS
finiront par être bannis du ftyle férieux.
ylnicle de M. le cheraher de Jau-
COURT.
FASTIGIUM ,{L!ttérat. ) ornement
particulier que les Romains nicttoient au
faire des temples des dieux ; on en voit
fur les anciennes médailles. Les Grecs ap-
peloient cet ornement confacré aux tem-
ples , àirào-ç «6't»^«, & les YlomaÀns faftigium.
Cette idJe de décoration rtleivée pour les
iculs temples , t'toit digne de la Grèce &
de Rome , les cluédens auroient dû l'i-
miter.
Pendant que Tar.quin régnoit encore ,
dit l'hiftoire , dès qu'il eût bâti fur le capi-
tule le temple de Jupiter, il voulut y placer
des f-ftigia , qui con'lftoient dans un char
à quatre chevaux , fait de terre ; mais peu
de temps après avoir donné le detîin à
exécutera quelques ouvriers tofcans , il fut
chafTé , dit Plutarque.
Tite-Live rapporte que le fénat , voulant
faire honneur à Céfar , lui accorda de met-
tre un ornement , fjfligium , au dellus de
fa mailon , pour la diftinguer de toutes les
autres. C^'étoit cet ornement là que Cal-
purnia fongeoit qu'elle voyoit arracher ;
ce qui lui caufa des foupirs, des gémif-
femens confus , & des mots entre-coupés
auxquels Céfar ne comprenoit rien , quoi-
que , fuivant le récit de Plutarque , il fût
couché cette nuit avec fa femme , fuivant
fa coutume.
Il s'en falloit bien qu'il dépendît des ci-
toyens , même de ceux du plus haut rang ,
de mettre des fafilgia fur leurs maifons ;
cétoit une grâce extraordinaire , qu'il fal-
loit obtenir du fénat , comme tout ce qui
fe prenoit fur le public ; & Céfar fut le
premier à qui on l'accorda , par une dif-
nnclion d'autant plus grande , qu'elle mar-
quoit que fon palais devoit être regardé
comme un temple. Ainfi le fénat , pour
honorer Publicola , lui permit de faire que
la porte de fa maifon s'ouvrit dans la rue ,
au lieu de s'ouvrir en dedans , fuivant l'u-
fage.
Ce fafiigiam des hôtels des grands fei-
gneurs , ce pinacle ( qu'on me palîe cette
expreffion ) étoit décoré de quelque ftatue
des dieux ou de quelque figure de la vic-
.toire , ou d'autres orijemens } félon h rang
FAT 85-/
ou la qualité' de ceux à qui ce privilège fut
accordé.
he mot fa ftigiiim vintenfuite à lignifier
un toit élevé par le milieu , car les maifons
ordinaires étoient couvertes en place-forme.
Pline remarque que la partie des édifices
appelée de fon temps/aftigium , ttoit faite
pour placer des ftatues , &' qu'on la nomma
pla/fa , parce qu'on avoic coutume de l'en-
richir de fculpture.
Le mot fdftigium fe prend auflî dans
Vitruve , pi ur un fronton : tel efl celui du
porche de la Rotonde.
Il réfulte de ce détail , que fafllgium
fignifie principalement trois chofes dans les
auteurs ; les ornemens que l'on mettoit
au faîte des temples des dieux ; enfuite
ceux qu'on mit aux maifons des princes ;
enfin les frontons , & les toîts qu'ils fou-
tiennent .- mais les preuves de tout cela ne
fauroient entrer dans un ouvrage tel que
celui-ci. Article de M. le chevalier de
Jaucourt.
F A T ^
FAT , f m. ( Morale. ) c'eft un homme
dont la vanité feule forme le caraftere ,
qui ne fait rien par goût , qui n'agit que
par oftentation ; & qui voulant s'élever au
deifus des autres , elf defcendu au deflTous
de lui-même. Familier avec les fupérieurs ,
important avec fes égaux , impertinent
avec fes inférieurs , il tutoie , il protège ,
il méprife. Vous le faluez , & il ne vous
voit pas ; vous lui parlez , & il ne vous
écoute pas ; vous parlez à un autre , & il
vous interrompt. 11 lorgne , il perfiiFie au
milieu de la fociété la plus refpedable &
de la converfation la plus férieufe ; une
femme le regarde, & il s'en croit aimé;
une autre ne le regarde pas , &: il s'en croit
encore aimé. Soit qu'on le fou fFre.foit qu'on
le chafTe , il en tire également avantage. Il
dit à l'homme vertueux de venir le voir ,
& il lui indique l'heure du brodeur & du
bijoutier. Il oftre à l'homme libre une place
dans fa voiture , & il lui laiffe prendre la
moins commode. II n'a aucune connoif-
fance , il donne des avis aux favans & aux
arcilles ; il en eût donné à Vauban fur les
fortifications , à le Brun fur la peinture , à
Racine fur la poéfie. Sort-il du fpedacle ,
il parle à l'oreiUe de fes gens. Il part , vous.
Rrrrr i
853 FAT
croyez qu'il vole à un rendez-vous , il va
fouper feul chez lui. Il fe fait rendre myi-
térieufement en public des billets vrais ou
fiippofés ; on croiroit qu'il a fixé une co-
quette , ou déterminé une prude. Il fait
lin long calcul de fes revenus ; il n'a que
60 mille livres de rente, il ne peut vivre.
Il confulte la mode pour fes travers comme
pour fes habits , pour fes indifpofitions
comme pour fes voitures , pour fon mé-
decin coname pour fon tailleur. Vrai per-
foana^e de théâtre , à le voir vous croiriez
qu'il a un mafque ; à l'entendre vous diriez
qu'il joue un rôle : fes paroles font vaines ,
fes aftions font des menfonges , ion filence
même eft nenteur. il manque aux engage-
mens qu'il a ; il en feint quand il n'en a pas.
11 ne va point où on l'attend, il arrive
tard où il n'eft pas attendu. Il n'ofe avouer
un parent pauvre , ou peu connu. Il fe
glorifie de l'amitié d'un grand à qui il n'a
jamais parlé , ou qui ne lui a jamais ré-
pondu. Il a du bel efprit la fuilifance & les
mots fatyriques ; de l'homme de qualité, les
talons rouges , le coureur & les créanciers ;.
de l'homme à bonnes fortunes , la petite
maifon, l'ambre & les grifons. Pour peu
qu'il fût fripon , il feroit en tout le con-
trafte de l'honnête homme. En un mot ,
c'efl un homme d'efprit pour les fots qui
l'admirent _, c'ell un fot pour les gens fen-
fés qui l'évitent. Mais li vous connoifléz
bien cet homme , ce n'eft ni un homme
d'efprit ni un fot ; c'c-ft un fat ; c'eft le
modèle d'une infinité de jeunes fots élevés.
Cet article e/î de M. Desmahjs.
FATALITE, f f. {Métaph.) c'eft la
caufe cachée des événemens imprévus ,
relatifs au bien ou au mal des êtres fen-
llbles.
L'événement/îw/ eft imprévu ; ainfi on
n'attribue point a \3.fatdlLtc\cs phénomènes
réguliers de la nature , lors mêrre que les
caufes en font cachées, la mort qui luit
une maladie chronique eft inconnue.
L'événement fotal tient à des caufes ca-
chées , ou eft confidéré dans fes rapports
avec celles d'entre fes caufes qui nous font
inconnues. Si dans la difpoiition d'une ba-
taille je vois un homme placé vis à vis de
ia bouche d'un canon prêt à tirer , fa fitua-
tJon étant donnée j & Taftion du canon
FAT
étant prévue , je ne regarderai plus fa mort
comme fatale par rapport à ces deux caufes
que je connois ; mais je retrouverai la yà-
talité dans cetce multitude de caufes éloi-
gnées, cachées & comphquées , qui ont tait
qu'entre une infinité d'autres parties de
l'cfpace qu'il pou voit occuper également ,
il occupât précifément celle qui eft dans la
diredion du canon.
Enfin un événement , quoiqu'imprévu
& tenant à des caufes cachées , n'eft appelé
fatal que lorfqu'i! a quelqii'inlluence fur le
bien ou le mal des êtres fenfibles: car fi
je parie ma vie ou ma fortune que je n'ame^
nerai pas fix fois de fuite le même point de
dés , & que je l'amené, on s'en prendra à
la fatalité ; mais fi en remuant des dés fans
defl'ein & fans intérêt , la même chofe
m'arrive , on attribuera ce phénomène au
ha fard.
Mais remontons à l'origine du mot fata-
Itté , pour fixer plus furement nos idées fur
l'ufage qu'on en fait.
Fatalité vient àe fatum , latin. Fatum a
été fait àefari , & il a fignifié d'abord ,
d'après fon origine , le decet par lequel la
caufe première a déterminé l'exiftence des
événemens relatife au bien ou au m.al des
êtres fenfibles ; car quoique ce décret ait
dâ déterminer également l'exillence de tous
les effets , les hommes rapportant tout à
eux , ne l'ont confidéré que du côté par
lequel il les intéreftoit.
A ce décret on a fubflitué enfuite , dans
la lignification du mot fatum , une idée plus
générale , les caufes cachées des événe-
mens ; & comme on a penfé que ces caufes
étoient liées & enchaînées les unes aux au-
tres , on a entendu par le mot de fatum ,
la liaiion & l'enchaînement de ces caufes.
En ce fens le mot fatum a répondu exaifle-
nient à l'ei'^^i',"'»'; des Grecs , que Chry-
fippe définit dans Aulugelle,_ A J^I. , l'or-
die & Ven^hainemcnt natilml des chojes
1 Le mot fatum a fubl encore quelques
cliangemens dans fa fignification en paflant
dans notre langue, & en formantyj/.?//'//;
1 car nous avons employé particulièrement le
j mot fatalité pour défigner les événemens
î fâcheux ; au lieu que dans fon origine il a
i figmfié indifféremment la caufe des é\é-
FAT
nemens heureux & malheureux : il a même
garde cette double fignification dans le lan-
gage philofophique , & nous la lui confcr-
verons. Quoique l'abus des termes ge'né-
raux ait enfanté mille erreurs , ils font
toujours pre'cieux , parce qu'on ne peut pas,
fans leur fecours , sV'lever aux abftradions
de la me'taphyfique.
Defiin & dtflLnee font fynonymes de/aw-
lite , pris dans le fens général que nous ve-
nons de lui donner. Ils le font auffi dans
leur origine , pulfqu'ils viennent de dejh-
natum , ce qui eft arrêté , déterm.iné , def-
tiné. Voyei Destin , Destinée.
On ne peut pas employer l'un pour l'au-
tre , les mots de hjfard & de fatalité , on
peut s'en convaincre , par l'exemple que
nous avons donné plus haut de l'emploi du
mot hafard , & par les remarques fuivantes.
Dans l'ufa^e qu'on fait du mot hafard,
il arrive fouvent , & ménie en philofophie ,
qu'on femble vouloir exclure d'un événe-
ment l'adion d'une caufe déterminée ; au
lieu qu'en employant le mot àe fatalité , on
a ces caufes en vue , quoiqu'on les regarde
comme cachées : or comme il n'y a point
ci'événemens qui n'ait des caufes détermi-
nées , il fuit de-là que le mot de hafard eft
fouvent employé dans un fens faux.
*IKJn entend auffi par une adion faite par
le hafard , une a>!^ion faite fans defiein
formé ; & on voit encore que cette figni-
fication n'a rien de commun avec celle de
fatalité , puifque ce hafard eft aveugle , au
Jieu que la fatalité a un but auquel elle con-
duit les êtres qui font fous fon empire.
De plus , on imagine que les évtnemens
qu'on attribue au hafard , pouvoient aiTiver
tout autrement , ou ne point arriver du
tout ; au lieu qu'on fe repréiente ceux que
la fatalité amené , comme infaillibles ou
même nécefîaires.
Les anciens ont auffi diftingué le hafard
de h fatalité , à peu pics de la même ma-
nière; leur cafus efl très-différent de leur
fatum , & répondoit aux mêmes idées que
le mot hafard parmi nous.
La fortune n'eft autre chofe que \z fatalité,
en tant qu'elle amené la pofleffion oii la
privation des richefies & des honneurs :
d'où l'on peut voir qae fortune , dans notre
langue j eit nroius géaé»! qui fatalité ou
FAT î6^
^e^z/î j puifque ces derniers nous défignent
tous les événemens qui font relatifs aux
êtres fenfibles ; au lieu que celui-là ne s'ap-
plique qu'aux événemens qui amènent la
pofleffion ou la privation des richelfes
& des honneurs. C'ert pourquoi fi un hom-
me perd la vie par un événement imprévu ,
on attribue cet événement au delîin , à la
fatalité; s'il perd fes biens, on accufe la
fortune. F'qyf;^ Fortune.
La fortune eft bonne ou mauvaife, le
deffin eft favorable ou contraire ; on eft
heureux ou malheureux. La fatalité eft la
dernière raifon qu'on apporte des faveurs
ou des rigueurs de la fortune , du bonheur
ou du malheur.
Pour remonter aux idées les plus géné-
rales , nous allons donc traiter delà fatalité;
& d'après la notion que nous en avons
donnée , nous examinerons les queftions
fuivantes.
1°. Y r.-t-il une caufe qui détermine
l'exiftence de l'événement/a^a/ , & qu'elle
eft cette caufe.
2°. La liaifon de cette caufe avec l'évé-
nement fatal eft-fclle nécéfTaire ?
3". Cette liaifon eft-elle infaillible? peut-
elle être rompue ? l'événement/ j;j/ peut-il
ne point arriver ?
4^^. En fuppofant cette infaillibilité de
l'événement , les êtres aâifs & libres
peuvent-ils la faire entrer pour quelque
chofe dans les motifs de leurs détermi-
nations ?
Première Question.
Ya-t-ilune caufe de V événement fatal , &'
quelle eji cette caufe.
Pour réfoudre cette queftion , il eft né-
ceffaire de remonter à des principes géné-
raux.
Tout fait a une raifon fuffifante de fon
aflualité. La raifon fuffifante d'un fait , eft la
raifon fuffi.fante de l'adion de fa caufe fur lui ;
mais la raifon fuffifante de l'adion de cette
caufe eft elle-même un effet qui a fa raifon
fuffifante , & CQtte. dernière raifon fuppofe
& exp ique encore l'adion d une féconde
caufe , & ainfi de fuite en remontant , (&c..
Un fait quelconque tient donc à une
caufe prochaine &; à des caufes éloignées , &
870 F A T ^
ces caufes prochaines & éloignées tiennent
les unes aux autres.
Nous ne connoifTons guère que les
caufes les plus prochaines des faits , des
^ve'nemens , parce que la multitude des
caufes éloignées , & la manière fecrete
dont elles agiffent , ne nous permettent pas
de faifir leur adion , mais par le principe
de la raifon fuffifante nous lavons qu'elles
tiennent toutes à une caufe générale ,
c'eft-à-dire , à la force qui fait dépendre
dans la nature un événement d'un autre évé-
nement , & qui unit les événemens aâuels
& futurs auxévénemens palTés : enforteque
l'état aâuel d'un être quelconque dépend de
fon état antécédent , & qu'il n'y a point
de fait iTolé , & qui ne tienne , je ne dis pas
à quelqu'autre fait , mais à tous les autres
faits.
Ce principe , c'eft-à-dire , l'exiftence
d'une force qui lie tous les faits & qui en-
chaîne toutes les caufes, ne fauroit être
conteflé pour ce qui regarde l'ordre phy-
fique où nous voyons chaque phénomène
naître des phénomènes antérieurs , &: en
amener d'autres à fa fuite. Mais en fup-
pofant l'exiftence d'un ordre moral qui
entre dans le fyftême de l'univers , la
même loi de continuité d'aâion doit s'y
obferver que dans le monde phyfique :
dans l'un & dans l'autre toute caufe doit
être mife en mouvement pour agir ,
& toute modification en amener une
autre.
Il y a plus : ce monde moral & intelli-
gible , & le monde matériel & phyfique ,
ne peuvent pas être deux régions à part ,
fans commerce & fans communication ,
puifqu'ils entrent tous les deux dans la coni-
polition d'un même fyftême. Les aflions
phyfiques amèneront donc d'abord des mo-
difications, des fenfations , &f. dans les êtres
intelligens; & ces modifications , ces fenfa-
tions , 6v. des aâions de ces mêmes êtres ;
& réciproquement les aâions des êtres intel-
ligens amèneront à leur fuite des mouve-
mens phyliques.
Cette communication , ce commerce du
monde fenfible & tlu monde intelleduel ,
eft une vérité reconnue par la plus grande
partie des philofophes. Leibnitz feulement ,
en adiîiettant rcnchaîiiemenc des caufes
FAT
phyfiques avec les caufes phyfiques , &•
des caufes intelligentes avec les caufes de
même efpece , a penfé qu'il n'y avoit au-
cune liaifon , aucun enchaînement des
caufes phyfiques avec les caufes intelligen-
tes ou morales , mais feulement une liar-
monie préétablie entre tous les mouvemens
qui s'exécutent dans l'ordre phyfique , &
les modifications & aâions qui ont lieu
dans le monde intelligent ; idée trop ingé-
nieufe , trop recherchée pour être vraie , à
laquelle on ne peut pas peut-être oppofer
de démonftration rigoureufe , mais qui eft
tellement combattue par le fentiment inté-
rieur , qu'on ne peut pas la détendre férieu-
fement ; & je croirois aflez que c'eft de cette
partie de fon bel ouvrage de la Théodicée ,
qu'il dit dans fa lettre à M. Pfatf , inférée
dans les actes des favans^-mois de mars
1718 : neque philofophorum eji rem ferib
frmperagere y qui in Jingendis hypothejibuSy
uti bene mones , ingeniijui l'iies experiuntur.
On pourra voir au mctHARMOUlE Texpo-
ficion de cette opinion , & les raifons par
lefquelles on la combat ; mais nous la fup-
poferons ici réfutée , & nous dirons que
l'enchaînement des caufes embrafle non
feulement les mouvemens qui s'exécutenc
dans le monde phyfique , mais encore les
adions des êtres intelligens ; & en efflS
nous voyons la plus grande partie des évé-
nemens tenir à ces deux efpeces de caufes
réunies. Un avare ébranle une muraille en
voulant fe pendre ; un tréfor tombe , notre
homme l'emporte ; le maître du tréfor
arrive , & fe pend : ne voit-on pas que les
caufes phyfiques & les caufes morales font
ici mêlées & déterminées les unes par les
autres ?
Je ne regarde point le fyftême des caufes
occafionncUes comme interceptant la com-
munication des deux ordres, & comme rom-
pant l'enchaînement des caufes phyfiques
avec les caufes morales , parce que dans cette
opinion le pouvoir de Dieu lie ces deux
efpeces de caufes , comme le pourroit faire
l'influence phyfique ; &: les adions des
êtres intelligens y amènent toujours les
mouvemens phyfiques, & réciproquement.
Mais quoiqu'il en foit de la commun^
cation des deux ordres , du moins dans cha-
, que orcjre en pactiçulicr les caufes fonC
FAT
liées , &c cela nous fiiffic pour avancer ce
principe général , que la force qui lie les
caufes particulières les unes aux autres , Ù
qui enchaîne tous les faits , efî la caufe géné-
rale des événemens , 6" par conféquent de
révénement fatal. C'eft cela même que le
peuple & les philofophes ont connu fous le
nom de fatalité.
D'après ce que nous avons prouvé , on
conçoit que ce principe de l'enchaînémenc
des caufes doit être commun à tous les
fyftémes des philofophes ; car que l'uni-
vers foit ou non l'ouvrage d'une caufe in-
telligente ; qu'il foit compofj en partie
d'êtres intelligens &: libres , ou que tout y
foit matière , les états divers des êtres y
dépendront toujours de l'enchaînement
des caufes : avec cette différence que
l'athée & le matérialifte font obligés i"^.
de fe jeter dans les abfurdités du progrès à
l'infini , ne pouvant pas expliquer l'origine
du mouvement & de l'aÛion dans la fuite
des caufes. 2'^. Ils font contraints de regar-
der la fatalité comme entraînant après elle
une néceïïlté irréliftible, parce que dans
leur opinion les caufes font enchaînées par
les loix d'un rigide méchanifme. Telle a été
l'opinion d'une grande partie de philofo-
phes ; car fans compter la plupart des Stoï-
ciens , Cicéron , au livre de Fato , attribue
ce fentimcnt à Démocrite , Empédocle ,
Hérachte & Ariftote.
Mais ces conféquences abfurdes ne fui-
vent du principe de l'enchaînement des
caufes , que dans le fyftême de l'athée &
du matérialifle ; & le théifte en admettant
cette notion de la fatalité , trouve le prin-
cipe du mouvement & de l'adion dans
une première caufe , & ne donne point
atteinte à la liberté ; comme nous le prou-
verons en répondant à la deuxième quef-
tion.
D'autres preuves plus fortes encore ,
s'il eft pofTible, établiiTent la réalité de cet
enchaînement des caufes , & la juftefTe de
la notion que nous avons donnée de la
fatalité.
Le Phllofophe chrétien doit établir &
défendre contre les difficultés des incré-
dules , la puiffance , la prefcience , la pro-
vidence , & tous les attributs moraux de
i'Etre fupréme. Or il ne peut pas combattre
FAT S71
^es adverfaires avec quelque fuccès , fans
avoir recours à ce même principe. C'eft ce
que nous allons faire voir en peu de mots ,
& fans fortir des bornes de cet article.
Et d'abord , pour ce qui regarde la puif-
fance de Dieu , je dis que le décret par le-
quel il a donné l'exiftcnce au monde , a
fans doute déterminé l'exiftence de tous
les événemens qui entrent dans le fyfîéme
du^ monde , des l'inftanc où ce décret a
été porté. Or j'avance que ce décret n'a
pu déterminer l'exiftencc des événemens
qui dévoient fuivre dans les difFérens points
de la durée , qu'au moyen de l'enchaîne-
ment des caules , qu'au moyen de ce que
ces événemens dévoient être amenés à
l'exiftence par la fuite des événemens in-
termédiaires entreux , & le décret émané
de Dieu dès le comm.encement : de forte
que Dieu , connoifTant la liaifon qui étoit
entre les premiers effets auxquels il donnoit
l'exiftence , & les effets poflérieurs qui dé-
voient en fuivre , a déterminé l'exillence
de ceux-ci , en ordonnant l'exiflence de
ceux-là. Syfîéme fimple, & auquel on ne
peut fe refufer fans être réduit à dire , que
Dieu détermine dans chaque infîant de la
durée l'exiftence des événemens qui y ré-
pondent , & cela par des volontés particu-
lières , des aftes répétés , &c. opinions cent
fois reaverfées , & dont on trouvera la
réfutation aux /7zo« Providence , Pré-
motion , &(.-.
En fécond lieu , la providence entraîne ,
comme la création , Tenchaînement des
caufes. En effet la providence ne peut être
autre chofe que la difpofition, l'ordre pré-
établi , la co-ordmation des caufes entre
elles ; on n'en peut pas avoir d'autre no-
tion , fans s'écarter de la vérité. Ce n'eft
qu'au moyen de cette co-ordination & de
cet ordre général , qu'on peut venir à bouc
de juftifier la providence des maux parti-
culiers qui fe trouvent dans le fyftéme. Si
l'on fuppofe une fois les phénomènes ifblés
& fans liaifon , & Dieu déterminant l'exif-
tence de chacun d'eux en particulier , je
défie qu'on concilie l'exiftence d'un leul
Dieu , bon , jufte , faint , avec les maux
phyfiques & moraux qui font dans le monde.
Aufïï perfonne n'a tenté de juftifier la
providence , que d'après ce grand principe
872 FAT
de la liaifon des caufes. Maîebranche ,
Leibnltz , hc, ont tous fiiivi cette route ;
& avant eux les philofophes anciens , qui
fe font faits les apologiftes de la providence.
Aulugelie nous a conferve' à ce fujet l'opi-
nion de Chryfippe , cet homme qui adou-
cit la férocité des opinions du portique:
Exijhmat autsm non fiiijje hoc principale
njturx conjilium , utfacerethomines morbis
obnoxios : numquam enini hoc coni'enijje
nj.turce autori parentique rerum omnium
bonarum,fedcum multd atque magna gignc-
ret, pareretqm aptijfima , Ù utilij/ima, alia
quoque Jlmul agnaca funt incommoda , us
ipjjs , qiLV faciebat , cohxrentia.
Mais , dira-t-on , cet enchaînement des
caufes ne juiHîîe point Dieu des défauts
particuliers du fyftéme, par exemple, du mal
que fouffre dans l'univers un être fenfible.
Qu'avois-je à faire , peut dire un homme
malheureux , d'être placé dans cet ordre
de caufes ? Dieu n'avoit qu'à me laifTer
dans l'état de poirible , & mettre un autre
homme à ma place : ces caufes font fort
bien arrangées , fi l'on veut ; rnais je fuis
fort mal. Et que me fert tout Tordre de
l'univers , lï je n'y entre que pour être
malheureux ?
Cette difficulté devient encore plus
forte lorfqu'on la fait à un théologien , &
qu'on fuppofe les mylleres de la grâce ,
de la prédeftination , &: les peines d'une
autre vie.
Mais je remarque d'abord que cette ob-
jeftion attaque au moins auffi fortement
celui qui regarde tous les faits , tous les
fcvénemcns comme ifolés &: fans liaifon
avec le fyftéme entier , que celui qui
s'efforce de juftifier la providence par
renchaînement des caules : ainh cette
difficulté ne nous eft pas particulière.
Secondement , quand cet homme mal-
heureux dit, c[\\il l'oudroit bien n être pas
entré dais le fyjlême de V univers y c'eft com-
me s'il difolt , qu'// faudrait bien que Vuni-
vers entier fût reflé dans le néant ; car fi lui
feul , & non pas un autre, pouvolt occu-
per la place qu'il remplit dans le fyftéme
aftuel, 5c fi le fyftéme aétuel exigeoit né-
ceffairement qu'il y occupât cette niême
place dont il eft mécontent , il dcfire que
le fyftéme entier n'ait pas lien en délirant de
FAT
n'y point entrer. Or je puis lui dire : pôtif
vous , Dieu devoit-il s'abftenir de donner
l'o.iftence au fyftéme aâuel , dans lequel
il y a d'ailleurs tant de bonnes choies , tant
d'êtres heureux ? oferiez-vous afilirer que
fa juftice & la bonté exigeoient cela de lui >
Si vous l'ofiez , la nature entière, qui jouit
du bien de l'exiftence, s'éleveroit contre
vous , & mérite bien plus que vous d'être
écoutée.
On voit bien que cette liaifon étroite
d'un être quelconque avec le fyftéme entier
de l'univers , qui fait que l'un ne peut pas
exifter fans l'autre , nous fert ici de prin-
cipe pour réfoudre la difficulté propofée :
or cette liaifon eft une conléquence immé-
diate & nécefiaire du fyftéme de l'en-
chaînement des caufes ; puifque dans cette
dodrine , un être quelconque avec fes états
divers , tient tellement à tout le fyftéme
des chofes , que l'exiftence du monde en-
traîne & exige fon exiftence &: fes états di-
vers , & réciproquement.
On fait qu'avec les principes de l'origé-
nifmeon rélout.facilement cette objeâion ;
parce que dans cette opinion tous les hom-
mes devant être heureux après un temps
déterminé de peines & de malheurs , il n'y
en a point qui ne doive fe louer de fon exif-
tence, & remercier l'auteur de la nature de
l'avoir placé dans l'univers. Cependant pour
donner une réponfe tout à fait fatisfaifante ,
il faut toujours que l'origtnifte lui-même
explique pourquoi les hommes font malheu-
reux , même pendant une petite partie de
la durée.
Pour cela il eft néceftaire , & dans fon
fyftéme & dans toute philofophie , de dire
que cette objection prend fa fource dans
l'ignorance où nous fommes des raifons pour
lefquelles Dieu a créé le monde ; que nous
favons certainement que ces raifons, quelles
qu'elles foient , tiennent au fyftéme entier,
qu'elles ont empêché que les chofes ne ï\\(-
fent autrement; &: que fi nous Icsconnoil-
fions , la providence feroit juft.îiée.Réponf»
qui , comme on le voit , eft toujours d'a-
près le principe de l'enchaînement des
caufes.
En troifieme lieu , la prefcicnce de l'Être
fuprême fuppofe cet enchaînement des
caufes ; car Dieu ne peut prévoir les évé-
nçmeus
FAT
ncmens futurs , tant libres que n^ceffaires ",
que dans la fuite des caufes qui doivent les
amener ; parce que l'infaillibilité de la pref-
cience de Dieu ne peut avoir d'autre fon-
dement que rinfaillibilité de l'influence des
caufes fur les e'vénemens. Nous ne pour-
rions pas entrer dans quelques détails à ce
fujet , fans fortir des borr.es de cet article :
c'efî pourquoi nous renvoyons les lecteurs
au mot Prescience , où nous traiterons
cette queffion.
Nous concluons que la puifTance de
Dieu , fa providence , fa prefcience , &
tous fes attributs moraux , exigent qu'on
reconnoifl'e entre les caufes fécondes , cette
liaifon & cet enchaînement , que nous di-
fons être la caufe des tvénemens^ & par
confe'quent de tout événement /jfLi/.
Je ne vois que deux fortes de pcrfonnes
qui combattent cet enchaînement des cau-
fes ; les défenfeurs du hafard d'Epicure , &
les philofophes qui foutiennent dans la vo-
lonté l'indifférence d'équilibre.
Les premiers ont prétendu qu'il y avoir
des effets fans caufe ; & nous voyons dans
Cicéron , ds fdto, que les épicuriens , preffjs
d'expliquer d'où venoit cette déclinaifondcs
atomes , en quoi ils faifoient confifter la
liberté , difoient qu'elle furvenoit par ha-
fard , cafu , £z que c'étoit cette déclinaifon
qui afFranchifToit les atles de la volonté
de la loi du fatum.
On peut s'en convaincre par ces vers de
Lucrèce, liv. II , l'erf. 3.^1 , ^fair.
T) e nique Jl femper motus conneclitiir omnis ,
Et vctere exoruur femper noi'us ordine
certo ,•
Nec declinando fasiunt primordla motûs
Principium quoddam , quod fati fœdera.
rumpa.t ,
Ex infinito ne caufam ciufa fequatur :
Libcra per terras unde Liée anim^ntibus
extat ,
Unde cji liœc , inquam , fatis avolfa vo-
luntas
Per qaam pro^redlmur quo duclt quemque
vohiptas f
Il n'eft pas néceffaire de nous arrêter ici
a. réfuter de pareilles chimères ; A fuîfira de
rapporter ici ces paroles d' Abbadie ( Vérité
di la. Rel g. 1. 1 , c. v. ) : « Le hafard n'efl ,
Toric XI IL
FAT 87J
à proprement parler , que notre ignorance,
laquelle lait qu'une chofe qui a en foi des
caufes déterminées de fon CNiflence , ne
nous paroît pas en avoir , & que nous
ne faurions dire pourquoi elle eft de cette
manière , plutôt que d'une autre ».
Les déterminations de la volonté ne
peuvent pas être exceptées de cette loi ; &
les attribuer au hafard avec les épicuriens ,
c'efl: dire une abfurdité.
Or les défenfeurs de l'indifférence d'é-
quilibre , en voulant les fouftraire à l'en-
chaînement des caufes , fe font rapprochés
de cette opinion des épicuriens , puifqu'ils
prétendent qu'il n'y a point de caufes des
déterm.inations de la volonté.
Ils difent donc que dans l'exercice de la
liberté , tout eft parfaitement égal de part
& d'autre , fans qu'il y ait plus d'inclina-
tion vers un côté , fans qu'il y ait de raifon
détermmante de caufes qui nous inclinent
à prendre un parti préférablement à l'autre:
d où il fuie que les adions libres des êtres
intelligens doivent être tirées de cet en-
chaînement des caufes que nous avons
fuppofées.
Mais cette opinion eft infoutenable. On
trouvera à Varticle Liberté, les princi-
pales raifons par lefquelles les philofophes
& les théologiens combattent cette indif-
férence d'équilibre. D'après leur autorité,
&: plus encore d'après la force de leurs rai-
fons , nous nous croyons en droit de con-
clure avec Leibnitz , " qu'il y a toujours
une raifon prévalente qui porte la volonté à
fon choix , & qu'il fuffit que cette raifon
incline fans néceftiter ; mais qu il n'y a
jamais d'indiftérence d'équilibre , c'eft-à-
dire , où tout Ibit parfaitement égal de
part & d'autre. Dieu , dit-i! encore,
pourroit toujours rendre raifon du parti
que l'homme a pris , en afiîgnant une caufe
ou une raifon inclinante qui l'a porté
véritablement à le prendre ; quoique cette
raiîon feroit fouvcnt bien compofée &
inconcevable à nous - mêmes , parce que
l'enchaînement des caufes liées les unes
avec les autres , va plus loin ».
Les aûes libres des êtres intelligens ayant
eux-mêmes des raifons fuffifuites de leur
exiftcace , ne rompent donc point la chaîne
S ssss
874 FAT
immenfe des caufes ; & fi un événe-
ment quelconque eft amené à l'exiftence
par les aâions combinées des êtres, tant
libres que nécefTaires , cet événement efl
fatal; puifqu'on trouve la raifon fuffifante
de cet événement dans l'ordre & l'enchaî-
nement des caufes , & que la faixlité qu'un
philofophe ne peut fe difpenfer d'admettre ,
n'el} autre chofe que cet ordre & cet en-
chainement ,' en tant qu'il a été préétabli
par l'être fuprême.
Je dis la fatalité qu'un philofophe ne peut
fe difpenfer d'admettre : en eftet il y en a
de deux forces ; lay'tzr.z//re des athées éta-
blie fur les ruines de la liberté ; & la^j-
tallt/ chrétienne , fatum chfifiianum ,
comme Tappelie Leibnitz, c'eft-à-dire ,
l'ordre des événemens établi par la provi-
dence.
AiTez communément on entend les mots
fitilifme , fatdlifie , fatalité. Dans le pre-
mier de ces feus , on ne peut lui donner la
deuxième fignification qu'en philofsphie ,
en regardant tous ces mots comme des
genres qui renferment fous eux , comme
efpeces , le fatalifne néceffitant , & celui
qui laiffe fubfifter la liberté , la fatalité des
athées y & la fatalité chrétienne. Il appar-
tient aux philofophes , je ne dis pas de
former , mais de corriger & de fixer le
langage. Qu'on prenne garde que /JAi/ir/,
félon la force de ce mot\, ne fignifie que
la caufe de l'événement yizfj/ ; or comme
on eft obligé de reconnoitre qu'un événe-
ment fatal a des caufes , tout le monde en
ce fens généra! e(l donc fatalife.
Mais fi la caufe de l'événement yj^.î/
n'eft , félon vous , que l'aftion d'un rigide
méchanif-ne ,voti-e fatalité cil nécefiitante,
votre fatalifme efî affreux : que fi cette caufe
n'eft quel'aftionpuifTante & douce de TEtre
(uprême , qui a fait entrer tous les évé-
nemens dans l'ordre & dans les vues de fa
providence , nous ne condamnerons point
l'expreiïion dont vous vous fervez. C'eil
précif-mont ce que dit faint Auguftin , au
/«'. y. de la cité de Dieu , eh. i-iij. " Ceux,
die - il , qui appellent du nom de fatalité,
l'enchaînement des caufes qui amènent
l'exiftence de tout ce qui fe fait , ne peu-
vent être repris , ni combattus dans l'u-
fage qu'ils font de ce mot , puifque cet
FAT
ordre & cet enchaînement > eft , félon
eux , l'ouvrage de la volonté & de la
puiflance de l'Etre fupréme qui connoîc
tous les événemens avant qu'ils arrivent,
& qui les fait tous encrer dans l'ordre
général ». Qui omnium connexionem /e-
riemque caufarum , qua fit omne quod fit,
fati nomine appellant , non multùm cum eis
de rerbi controverfâ Liborandum atque cer-
tandum eft ; quando quidem ipfum caufarum
ordinem & quandam connexionem JDei
fummi tribuunt voluntati & poteftati , qui
optimè £' veraciffimè crediiur , & cunctx
fcire antequam Jiant , 6' nihil inordinatum
rehnquere.
Nous terminerons l'examen de la pre-
mière queftion par ce partage , qui ren-
ferme l'apologie complote des principes que
nous avons établis ; &: en fuppofant dé-
montrée l'exiftence de cette/a^jZ/V impro-
prement dite , prife pour l'ordre des caules
établi par la providence , nous pafTerons à
la deuxième queftion.
Deuxième Question.
V enchaînement des caufes qui amènent
T événement fatal , rend -il nécejfaire
l'événement fatal ?
On fent aftez que la difficulté en cette
matière vient de ce que , félon la remarque
que nous avons faite plus haut , il y a des
caufes libres parmi celles qui amènent l'évé-
nement fatal : & fi ces caufes font enchaî-
nées , ou encre elles dans un même ordre ,
bu avec les caufes phyfiqucs ; dès là même
ne font-elles pas nécelîitées , Se l'événe-
ment fatal n'eft-il pas néceftaire ? Si c'eft;
l'enchaînement des caufes qui me fait pafter
dans une rue où je dois être écrafé par la
chute d'une maifon , pendant que j'avois
d'autres chemins à prendre, ma détermi-
nation à pafter dans cette malheureufe rue ,
a donc été elle-même une fuite de l'enchaî-
nement des caufes , puifiu'elle entre parmi
celles de l'événemenryà/û/. Mais fi cela eft ,
cette détermination eftelle libre , & l'évé-
nement fatal n'eft-il pas néceftaire ?
Nous avons vu plus haut , que parmi les.
philofophes qui ont traité cette queftion ,
& qui ont reconnu cet enchaînement des
caufes, la plupart ont regardé \s. fatalité
comme eutrainaiit aprcô elle une nécçlFit^
FAT
atrolue ' & nous avons remarqua que
c'étoit une fuite naturelle de cette opinion
dans tout fyilême d'athe'ifme & de matt-
rialifme. Mais Cicéron nous apprend que
Chryfippe en admettant la fatalité prife
pour l'enchaînsment des caufes , reietoit
pourtant la ncceffité.
Or Carnéades , cet homme à qui Cicé-
ron accorde l'art de tout réfuter , argu-
mcntoit ainfi contre Chryfippe. Si omnia
aiuccedentibus caiijisfiunt, omnia naturali
coUigatione contexte confenèquefiunt : quod
fi ita ell, omnia necejjltas efflcit : idji l'erum
e/î , nihil efl in noihâ poteflate : efi autem
aliquod in noflrd poteflate : non igitur/'ato
fiunt qu,vcumque fiunt. " Si tous les événe-
niens font les fuites des caufes antérieures ,
tout arrive par une liaifon naturelle & très-
étroite : fi cela eft , tout eft néceffaire , &
rien n'ell en notre pouvoir >5. Cic. defato.
Voilà l'état de la queltion bien établi ,
& la difficulté qu'il faut réfoudre. Voyons
la réponfe de Chryfippe. Selon Cicéron, i
ce philofophe voulant éviter la niceiTité ,
& retenir l'opinion que rien ne fe fait que
par l'enchaînement des caufes , dilfinguoit
difFérens genres de caufes ; les unes par-
faites & principales ; les autres voifines &
auxiliaires ; aUce perfeclœ Ù principales ,
aliiV adj ayantes ) Ù proxim.v. Il prétendoit
qu'il n!y a que l'adion des caufes parfaites
& principales , difiinguées de la volonté ,
qui puifTe entraîner la ruine de la liberté; &
il foutenoit que l'adion de la volonté , qu'il
appeloit affenlio , n'a pas de caufes parfaites
& principales difiinguées de la volonté
elle-même. Il aioutoic que les impreflions
des objets extérieurs , ians lefquelles cet
affentiment ne peut pas fe faire ( necejfe
efi enim ajjenjionem l'ifo commovc'ri
FAT 87;
elle c(l établie fur de fauffes notions des
fenfcUions & des opérations de l'ame ; la
comparaifon du cylindre n'efl pas exade.
Cependant elle a quelque chofe de vrai ,
c'eft que l'aâion des caufes qui amènent le
confentement de la volonté , ne s'exer-
çant pas immédiatement fur ce confi^nte-
ment , mais fur la volonté, l'adivité de
l'ame & fon influence libre fiir le confen-
tement
IJÊ
qu ei!e forme , ne font léfées en
aucune manière.
C'efl du moins la réponfe de S. Auguf-
tin , de civil. Dei , liv. V , cap. ix , qui ,
après avoir rapporté cette même difEcuité
de Carnéades contre Chryfippe , la réfout
à-peu-prcs de la même manière : ordinem
caufavum y dit-il, nonnegamus, non ejl
autem confequens ut fi certus efl ordo , cau~
fanim , ideo nihil fit in noftrae voluntatis av-
hitrio , ipfœ quippe voluntates in caufarum
ordine funt. Voilà le principe de Chryfippe :
la volonté elle-même entre dans l'ordre des
caufes , félon faint Augufiin ; & comme elle
produit immédiatement foh adion , quoi-
qu'elle y foit portée par des caufes étran-
gères , elle n'en eft pas moins libre , parce
que ces caufes étrangères l'inclinent fans la
nécefïïter.
Mais reprenons nous-mêmes la difîiculté ;
elle fe réduit à ceci : fi la volonté eft mue
à donner fon confentement par quelque
caufe que ce foit , étrangère à elle & liée
avec fil détermination , elle n'eft pas libre :
fi elle n'eft pas libre , toutes les caufes qui
amènent l'événement/àraZ font donc né-
cefTaires, & l'événement/araZ eft néceffaire.
Je réponds ,
En premier lieu , lorfqu'on regarde cette
liaifon des caufes avec la détermination de
la volonté comme deftrudive de la liberté,
que ces imprefTions , dis-je , ne font quejon doit prétendre que toute liaifon d'une
des caufcs voifines & auxiliaires, d'après caufe avec fon effet eft néceftaire, puifqu'on
lefquelles la volonté fe meut par fes propres foutient que la caufe qui influe fur le con-
forces , mais toujours conléquemment à fentement de la volonté , par cela feul
l'imprefTion reçue , extrinfecits piilfa fudpte qu'elle influe fur ce confentement , le rend
vi ac naturâ movebitur ; ce qu'il expîiquoit néceflaire : or cela eft infoutenable , & les
par la comparaifon d'un cylindre ;, qui re- réflexions fuivantes vont nous en con-
cevant une impulfion d'une caufe étran- vaincre.
gère , ne tient que de fa nature le mouve- Dieu peut faire un fyftême des caufes
inent déterminé de rotadon , de volubilité , libres. Qu'eft-ce qu'un fyftême quelconque ?
qui luit cette impulfion. la fuite & l'enchaînement des adions qui
Cette réponfe n'eft pas fans difficulté ; doivent s'exercer dans ce fyftême. Dieu ne
Sss s s 2
•^^
876 r A T FAT
peut-il pas enchaîner les aflions des caufesjthomifles font agir leur premotion ) ^
libres qntr'elies , de forte que la première nous convenons que la liberté' feroit ent
amené la féconde , & que la féconde fuppofe j danger ;^ mais il n'en efl pas ainfi. L'aflion
la première ; que la première & la féconde des caufes phyfiques amené dans l'être in-
amenent la troifieme , & que la troifieme , telligent ( l'oit par le moyen de l'influence
fjppofe la première & la féconde , & ainfi iphyfique , foit dans le fyftéme des caufes
de fuite ? Ces caufes , dès-ià qu'elles feront occafionnelles ^ amené , dis-je , d'abord des
coordonnées entr'eîles de force que les mo- modifications , des fenfations , des mouve-
dif cations & les aâions de l'une amènent les mens indjiibcie's ; &à la fuite de tels & tels
modifications & les aftions de l'autre, fe-
ront-elles néceflite'es ? non finis doute. Un
père tendrement aimé menace , exhorte ,
prie un fils bien né : fes menaces , fes exhor-
mouvemens , de telles & de telles modifica-
tions reçues dans l'âme naiffent infaillible-
ment , mais non nJceffairement , telles ac-
tions dont ces mouvemens !k ces modifica-
tations, fes prières, fiiites dans des circonf- jtions font la caule ou la raifon fuffifante ;
tances favorables, produiront inf iiliblemient jc'efi cette caufe ouraiion fuîiifynte qui unie
leur effet , & feront caufes des détermina- .le monde phyfique avec le monde intellec-
tiens delà volonté do ce iils;voilà 1 influence
d'une caufe libre fur une caufe Lbre ; voilà
des caufes dont les aclions font liées en-
fem!: le , & qui n'en font pas m.oins libres.
Mais, dira-t-on que les caufes intelli-
gentes foient coordonnées & liées entr'elles,
peut-être que cet enchaînement ne fera pas
incompatible avec leur liberté ; mais fi des
caufes phyfiques agifient fur des caufes in-
telligentes , cette adion n'emportera- t-elle
pas une nécefTité dans les caufes intelli-
gentes ? Or , il paroît que félon notre opi-
nion ces deux efpeces de caufes font liées les
■ânes aux autres , de forte que les aûions
des caufes phyfiques entraînent les aûions
des éties- intelligens , & réciproquement.
Je réponds i -'. que la néceificé , s'il en
réfultoit quelqu'une de l'impulfion d'une
caufe phyfique fur une caufe intelligente ,
s'enluivroit de même de l'impulfion d'une
caufe intelligente & libre fur une caufe
intelligente , parce que l'aiflion de la caufe
phyfique n'emporteroit la nécefTité qu'à
raifon de la manière d'agir , ou à raifon
de ce qu'elle feroit étrangère à la volonté ;
or la caufe intelligente Ck libre qui influe-
roit fur l'avion d'une caufi." intelligente , fe-
roit également étrangère à celle-ci & agiroit
d'une manière aufli contraire à la liberté.
2.*'. Ceci n'a befoin que d'une petife
explication. Si l'aâion de la caufe phyfique
que nous difons amener l'ailion d'une caufe
libre , telle que la volonté , s'exerçoit
immédiatement fur la détermination , fur
le confentem.cnt de la volonté ( à peu près
comme les théologiens fiivent que les
cuel : or que les adions qui s'exercent dans
l'ordre phyfique entraînent des modifica-
tions , des fenfations , des m.ouvemens dans
les caufes intelligentes , & que ces modifi-
cations , ces fenfations , £v. amènent des
actions de ces caufes intelligentes , il n'y
a rien là de contraire à l'activité iS; à la li-
berté de ces êtres intelligens.
Il fuit de-là , que l^ieu a pu coordonner
& lier entr'elles les adions qui s'exercent
dans un monde phyfique &: celles des êtres
intelligens & libres , fans nuire à la liberté
de ces mêmes êtres ; que dans cette hypo-
thefe , l'enchaînement des caufes établi
par Dieu amenant les adions des êtres in-
telligens , ne rend pas ces adions nécef—
faires ; que parmi les caufes enchaînées
de révénementyjr.2Z, il y en a de libres ,
& par conféquent que l'événement fatal
n'eft pas lui-même nécell'aire.
En f'econd lieu , pour foutenir que cette
liaifon des caufes avec la détermination de
la volonté efî incompatible avec la hberté ,
il faut partir de ce principe , que toute
liaifon infaillible d'une caufe avec fon eiFec
efl néceffaire , & que tout enchainemenC
de caufes efl incompatible avec la liberté :
Ji omnia naturali coll.g.uione Jiunt , omnict
necejjhas eficic. Or cette prétention efl;
abfolum.ent fauffe , & voici les raifons qui
la combattent : i"^. rien ne fe i-M fans
raifon fuffifimte , & un effet qui a une
raifon fuffifante , n'efl pas pour cela né-
ctidaire ; or un effet qui a une raifon fuffi-
fante ell par cela même infaillible ; car fi urt
effet qui a une raifon fufiilimte n'éto.t pas
FAT
infaillible , on pourroit fiippofer qu' tétant
donnée la raifon fuHifante d'un tel effet , il
en eft arriv>^ un autre. Or cette fuppofition
eft abfurde ; car dans ce cas la raifon qui fait
qu'un efFet eil tel , pourroit faire qu'il
ei\ tout autre , ce qui ell une contradidion
dans les termes , le nouvel eftet n'auroit
point de raifon fuffifante , ou l'ancien n'en
auroit pas eu s'il eût exifté ; car cominenr
pourroit-on dire que cette raifon e'toit pour
reffet , qui n'a pas eu lieu , une raifon fiiffi-
fante d'dcre tel , lorfque cette même raifon
étant pofc'e , l'etFet a été tout autre ? La
raifon fuffifante d'un effet quelconque ,
quoique liée infailliblement avec cet effet ,
ne »-end donc pas cet effet néceffaire ; d'où
il fuit que toute liaifon infaillible n'eft pas
pour cela néceffaire.
1°. Je demande au philofophe qui admet
la prov dence & la prefcience de Dieu , &
qui me fait cette objecdon , fi un événe-
ment dépendant d'une caufe libre , que
Dieu a prévu , qui eft un moyen dans l'or-
dre de fa providenre , & qui tient par coii-
féquent à tout le fyllème , il un te! événe-
ment , dis-je , peut ne point arriver ; il eft
obligé de me répond le qu'un te! événement
eft abfolument infaillible & ne peut pas ne
point arriver ; or cette forte de néceffité
que l'événemerit arrive , & qu'il eft obligé
de m'avouer félon lui-même , n'empêche
pas l'événem.ent d'être libre. Cette efpece
de néceffité n'eft donc autre chofe que ce
que nous appelons infaillibilité , & on ne
peut pas la confondre avec la nécefïité mé-
taphyfique & deftrudive de la liberté.
3°. Si les bornes de cet article le per-
mettoient , nous pourrions rapprocher de
ces principes les doélrines les mieux éta-
blies par les théologiens fur les matières
de la grâce & de la prédcftination , &: faire
voir combien ce que nous avançons ici y
eft conforme. On y voit par-tout la cer-
titude de la prédcftination , l'efficacité de la
grâce , &c. liées infailliblement avec le
falut , avec la bonne adion , & ne bleffant
point les droits du libre arbitre. Ce font
précift.ment les mêmes principes que nous
généraiifons , en leur faifant embraiTer tous
les états de l'homme & de l'univers ; mais
nous laiffons aux ledeurs inftruits en ces
madères j le foin de s'en convaincre par
F A T 877
quelques réflexions & d'après la ledur: des
artichs GrACE , PRÉDESTINATION.
Troisième Question.
V événement fatxl eft~il infaillible ?
Nous y répondons en difant que l'en-
chaînement des caufes détermine infaillible-
ment i'exiftence de l'événement fatal.
£t d'abord la même force oui éaiblit dans
la nature Li fuite & renchaînement des
caules qui amènent révéne;nent , déter-
mine aufti I'exiftence de l'événement dans
tel ou tel point de l'efpace , & dans tel ou
tel point de la durée ; or la force qui unie
dans la nature une caufe à une autre caufe,
n'efi jamais vaincue.
En fécond lieu , fuppofer que ce que la
fatalité enn-aine n'arrive pas , c'efl fuppofer
que l'être à qui l'événemenryj,?t2/étoit pré-
paré n'eft plus le même être , que ce m.onde
n'eft plus le même monde dont Dieu avoir
déterminé I'exiftence & prévu les mouve-
mens. Car en fuppofant qu'il arrive un évé-
nement différent de l'événement /?(..;/, la
multitude infinie des effets qui tenoienc à
l'événementyj.'a/, demeure fupprimée: l'é-
vénement différent entraîne d'autres fuites
que l'événement yà^a/; ces fuites en entraî-
nent d'autres , & ce changeaient unique
propagant îbn adion dans tous les fens , s'é-
tend bientôt à tous les êtres , bouleverfe
l'ordre , rompt la chaîne des caufes , &
change la face de l'univers. Suppofition
dont on fent l'abfurdité.
Par -là on peut juger de ce que veulent
dire toutes ces propolitions : ah , fil j'euffe
été là , ft j'avois prévu, Êv. j'aurois échappé
au danger dont le defîin me menaçoit !
On peut dire : celui que le defîin menace
ne va point là , & ne prévoit point , &
nous parlons de celui-là même que le deftia
menaçoit.
Mais ce qui me trompe en ceci , c'eftque
les circonftances du temps & du lieu étant
celles dont on fiiit abftradion avec le plus
de facilité , on fe diffimule qu'elles entrent
elles-mêmes dans l'ordre des caufes coor-
donnés , & on croie pouvoir attaquer h
certitude de h futnrition d'un événement
/ji.;/ avec plus de fuccès en le confidérant
relativement à ces circonftances. On die
d'un honrrie afforamé dans une rue pai' la
8?^ ^ FAT
chiite d'une tuile , qu'il pouvoit bien ne
pas pafler par-là ou y pafîer dans un autre
ten-i];s , &c on ne fe permet pas de penfer
que la tuile pouvoit ne pas tomber dans ce
ternps-Ià avec un tel degré de force & avec
une telle direélion.
On ne prend pas garde qu'il e'toit auffi
coordonne'(& je prends ce mot à la rigueur)
que cet homme pafsât quand la tuile tom-
boit, qu'il étoit coordonne' que la tuile
tombât quand cet homme pafToit. En effet ,
pourquoi imagine-t-on que cet homme
pouvoit bien ne pas pafler ? c'eft parce
qu'on remarque que plufieurs de'termina-
tions libres de fa part ont concouru à lui
faire prendre fon clicmin par-là. Maïs je
vois auffi plufieurs caufcs libres parmi celles
qui ont de'terminé la tuile à tomber , & à
tomber dans un tel temps avec un tel degré
de force , fi'f. comme la volonté des ou-
vriers qui l'ont faite & placée d'une cer-
taine riianiere , la négligence du maître de
la maifon , &c. On pourroit donc ima-
giner avec autant de fondement que la
tuile pouvoit ne pas tomber , qu'on ima-
gine que l'homme aflbmmé pouvoit ne pas
pafTer.
Mais la vérité eft que l'un &c l'autre
événement étoit coordonné , infaillible ,
puifcjue 1 un & Tautre étoient amenés par
l'enchaînement des caufes , puifque l'un
& l'autre tenoient au fylléme de l'uni-
vers , entroient dans les vues de la provi-
dence, &c.
Au refte , & nous l'avons déjà remarqué,
cette infaillibilité des événemens , même
xilors qu'ils dépendent de l'adion des caufes
intelligentes , n'entraîne point la ruine de
Jeur liberté. On trouvera les preuves de
cette vérité , qui efr un principe en théo-
logie , aux articles GrACE , PRÉDESTI-
NATION , & Prescience ; nous y ren-
voyons nos ledeurs.
Quatrième et dernière Question.
La docliine de la fatalité peut-elle entrer
pour quelque chofe dans les motifs des
déterminations des êtres libres ?
Pour répondre à cette queftion , il fuf-
fira de rétutcr le fophifme que les philo-
fopJies appellent d- li raifon parejjhife.
Oo dit donc ; li tout cfl réglé "dès-à-
F A T
prefcnt ; fi l'enchaînement deç c5.\\Çc5 em-
porte l'infaillibilité de tous les événemens,
les prières & les vœux adreffés à l'Être
(upréme, les confeiis & les exhortationsdes
hommes les uns envers les autres , les loix
humaines , j&c. tout cela ne peut fervir de
rien. On ajoute que' les hommes doivent
demeurer dans une inaûion parfaite , dans
tous les cas où ils auront quelque occafion
d'agir : car , ou les chofes pour L-rqueilcs
on adrefferoit des prières à Dieu , doivent
être amenées par l'enchaînement des cau-
fes ; & en ce cas , il efl inutile de les
demander , elles arriveront certainement :
ou elles ne font pas du nombre des événe-
mens qui doivent fuivre l'enchaînemenc
des caufes ; & en ce cas , elles ne peuvent
pas arriver , & il eft encore inutile de les
demander.
On peut dire la même chofe des confeiis,
des exliortations , & des loix : car fi les
avions auxquelles nous portent tous ces
motifs moraux , font de celles qui entrent
dans la fuite des événemens préétablie par
Dieu , on les fera certainement ; & fi elles
n'y entrent pas , tous ces motifs réunis ne les
feront pas faire.
Enfin , que j'agifTe ou que je n'agifle
point ,^ pour procurer la réuflite d'une en-
treprife , pour parvenir à \m but ; fi j'y
arrive , cet événement aura été amené par
Fenchaînement des caufes , & mes mouve-
mens n'y auront fervi de rien ; fi je n'y
arrive pas , ce fera encore , à l'enchaîne-
ment des caufes que je pourrai m 'en prendre.
La réponfe ert facile , les prières , les
vœux , les confeiis , les exhortations , les
loix , les aâions humaines , tout cela entre
dans ^ l'ordre des caufes des événemens.
L'événement n'efi: certain,, que parce que
les caufes font proportionnées ; de forte
qu'il fera toujours vrai de dire , que ce
feront vos prières qui auront obtenu cet
heureux fuccès , vos confeiis qui auront
fliit prendre ce parti , vos mouvemens qui
auront fait réullîr cette affaire; puifque
dans l'ordre de la providence , vos prières
entrent parmi les caufes de ce fuccès ; vos
confeiis , parmi les caufes de la détermi-
nation à ce parti ; & vos adions , parmi
les caufes de la réuflite de cette affaire.
En un mot , quoique tout l'avenir foiç
F AIT
détermina comme nous ignorons de quelle
manière il eft déterminé, & quenousfavons
certainement que cette détermination efl
conféquente à nos actions ; il ei\ clair que
dans la pratique , nous devons nous con-
duire , comme s'il n'étoit pas détermine.
J'ajoute qu'en fe conduisant d'après les
principes que nous réfutons , on prjtendroit
intervertir l'ordre des choies ; on voudroit
mettre les avions après la préordination de
Dieu , pendant qu'au contraire , cette
preordlnation iuppofe nos adions dans
l'ordre des pofiîbles : donc tout ce raifon-
nement efl: d'après une iaufTe fuppolition.
D'ailleurs on voit allez que cccce diffi-
culté' n'eft pas particulière à l'opinion de
l'enchaînement des caufes : elle attaque la
providence en ge'néral , la prefcience , la
fimple fucuriian des cho:es , quand on
fondent qu'elle ell dès-à-préfent déter-
minée.
Cette opinion àelifatalitc , appliquée à
la conduite de la vie , ell ce qu'on appelle
ledellin à la turque , fatum mahametanum ;
parce qu'on prétend que les Turcs, & pai-mi
eux principalement les foldats ^ fe condui-
fent d'après ce principe.
Nous voyons auffi parmi nous beaucoup
de gens qui portent au jeu cette opinion ,
& qui comptent fur leur bonheur ou fur le
malheur de leur adverfaire ; qui craignent
de jouer lorfqu'iîs font , d.fent-ils , en
malheur , & qui ne hafarJent pas de groffes
fommes contre ceux qu'ils voient en hon-
heur. Cependant je crois qu'on ne doit
point eftimer au jeu , & faire entrer en
ligne de compte , le bonheur & le malheur.
Les feules règles qu'on puifTe fuivre à CQt
égard , s'il y en a quelqu'une , font celles
que prcfcrit le calcul , & l'analife des ha-
fards : or ces règles n'autotifent point du
tout la conduite àQ^\o\\Q\M% fatalijh s .
Car ou il faut avoir égard aux coups pafTés
pour eftimer le coup prochain , ou il faut
conlidérer le coup prochain , indépendam-
ment des coups déjà joués ( ces deux opi-
nions ont leurs partifans. ) Dans le premier
cas , l'analyfe des liafards me conduit à
penfer que li les coups précédens m'ont été
favorables , le coup prochain me fera con-
traire ; que fi j'ai gagné tant de coups , il
y a taot^ è parier que je perdrai celui que
FAT 87P
je vas jouer , & vice verfâ. Je ne poiurai
donc jamais dire: je fuis en mallieur , &
je ne rifquerai donc pas ce coup-là \ car je
ne pourrois le dire que d'après les coups
paflés qui m'ont été contraires ; mais ces
coups padés doivent plutôt me faire efpcrer
que le coup fuivant me fera favorable.
Dans le fécond cas , c'eft-à-dire , fî on
regarde le coup prochain comme tout-à-
fait ifolé des coups précédens , on n'a point
deraifon d'eftimer que le coup prochain fora
favorable plutôt que contraire , ou contraire
plutôt que favorable ; ainîl on ne peut pas
régler fa conduite au jeu ; d'après l'opinion
du deftin , du bonheur , ou du malheur .
Ce que nous difons ici du jeu , doit
s'appliquer aufli à toutes les affaires de !a
vie ; car quoique le bon ou le mauvais
fuccès dans les entreprlfes , dépende fou-
vent d'une infinité de circonlîances qu'on
ne peut pas foumettre aux loix du calcul ,
& qui femb'ent ne fuivre que celles de la
jatalhe , il eft pourtant déraifonuable de
régler la moindre de fes démarches , &
de fonder la plus foible efpérance ou la
crainte la plus légère , fur cette opinion du
bonheur ou du malheur.
Les préjugés oppofent à ces principes ,
qu'il y a des temps malheureux où on ne
peut rien entreprendre qui réufliffe ; des
gens malheureux à qui on ne peut rien
confier , & réciproquement des temps heu-
reux & des perfonnes heureufes.
Mais que veulent dire ces expreffions
qu on fait valoir contre ce que nous foute—
nous ici ? elles ne fignifïent rien autre
chofe ; fînon qu'il y a des gens à qui ces
circonlîances cachées & imprévues qu'on
ne peut ni détourner ni faire naître , ont
été jufqu'à préfent contraires ou favorables;,
mais qui nous répo'ndra qu'elles feront en-
core favorables dans une affaire qu'il cft
queffion d'entreprendre , ou fur quel fon-
dement penfons-nous qu'elles feront con-
traires ? le pafli; peut-il nous être en ceci
garant de l'avenir ? De quel droit fuppofe-
c-on quelque fimilitude dans des circonf-
tances qui par l'hypothefe font cachées &
imprévues ?
C'eft pourquoi , afin de donner un exem-
ple de ceci , le mot qu'on prête au cardinal
Ma^ai-in clioififlanc un général , efi-U kew
SSo FAT
reux? me paroît peu jiifte , puifque les
faccès paires de ce général n'étant pas dus
à fon habileté (par la fupporition ) , ne
pou voient pas répondre de fes l'uccès fu-
turs ; & il ialloit toujours demander , ejl-
il lidlnlet J'aimerois encore mieux la maxime
oppofée du cardinal de Richelieu , qu'//72-
jiriidemù malheureux font fynonymes , (quoi-
qu'elle ne me fenible pas tout à faitexafle);
puifqu'on peut abfolument fe perfuader
cjue parmi Jes caufes du mauvais fuccès d'un
événement pafTé , il ell toujours entré
quelques fautes delà part de celui qu'on
appelle malheureux ; fautes que des conjec-
tures plus fines &: une prudence plus con-
fommée auroient pu fau'e éviter : au lieu
qu'il eft toujours impolTiblig de prévoir ,
& déraifonnable de fiippofer qu'un homme
fera heureux ou malheureux dans une affaire
qu'il efl queftion d'entreprendre.
Nous finirons cet article par une remar-
que : c'eft qu'il y a peu de matière fur
laquelle la philofophie , tant ancienne que
moderne, fe fuit autant exercée que fur
celle-ci. Un auteur ( Frider. Arpe , thea-
trum fati ) compte jufqu'à cent foixante &
tant d'écrivains qui on traité ce fujet-dans
des ouvrages particuliers. La lecture de
tous ces écrits ne pourroit pas donner des
idées nettes fur le fujet que nous venons
de traiter , & ne ferviroit peut-être qu'à
metrre beaucoup de confufion dans 1 efprit.
Ce qui nous fournit une réflexion que nous
foumettons au jugement des ledeurs , c'eft
qu'on ne lit point la bonne métaphyiique ;
îl faut la faire , c'eft une nourriture qu'il
faut digérer foi-même , fi l'on veut qu'elle
apporte la vie & la fanté.^ Il me femble
qu'une rechcL-che mé:aphyfique eftun pro-
blème à réfoudre : il faut avoir les données,
mais on ne doit empninter la folution de
perfonne.Je me fuis eftbrcé de fuivre cette
maxime ; & je crois que c'eft faute de
l'obferver , que la métaphyfiquc a demeuré
fi long-temps fans faire de progrès. Celui
qui obferve la nature & celui qui l'emploie,
peuvent fuivre les traces de ceux qui les
ont précédés. Dans la route immenfc qu'ils
ont à parcourir, ils doivent part. rdu point
où les hommes ont été conduits par les
expériences , &: c'eft à eux à en faire de
nouvelles en fuppofauc les anciennes ; mais
malheur à
FAT
a philofophie , fi le métaphy-
ficien copie le métaphyficien , parce qu'a-
lors il iuppole une opinion , & une opinion
n'eftpas un fait. Cependant les enxurs fe
perpétuent , & la vérité demeure cachée ,
jufqu'à ce qu'enfin par le fecoursde l'expé-
rience les principes mêmes de la métaphy-
fi.que, étant devenus autant de faits, puif-
fcnt être regardés comme appartenant à
la véritable phyfique , fuivant la belle pro-
phétie du clievaher Bacon : de metaphyjicâ
ne Jis follicitus , nulla enim eft poji ve~
ram phyficam ini'amum. Epijl. adredempt.
Baranzau.
11 y a une fatalité , dont nous n'avons
point parlé , attachée au cours des aftres.
\^oyez Afirolo^ie judiciaire , & géné~
thliaque. (h)
FATHIMITES , ou FATHEMITES,
fubft. mafc. pi. {Hi/î. mod.) defcendans
de Mahomet par Fathima ou Faihamah
fa fille.
La dynaftie des Fathimites , c'eft-à-dire,
des princes defcendus en ligne direfte d'Ali
& de Fathima , fille de Mahomet fon
époufe , commença en Afrique l'an de l'hé-
gire 2,96 , de Jefus-Chrift 908 , par Abon
Mohammed Obeidallah.
Les Fathimites conquirent enfuite l'E-
gypte, & s'y établirent en qualité de califes.
VoyeT^ Calife.
Les califes Fathimites d'Egypte finirent
dans la perfonne d'Abed fan 567 de l'hé-
gire , de Jefus ~ Chrift 1 1 7 1 , apr^s
avoir régné zo8 ans depuis la conquête
de Moez , & 16S depuis leur établifte-
ment en Afrique. Diciion. de Trév. &
Charniers. (G)
FATHOM, f m. {Commerce.) mefure
dont on fe fert en Mofcovic , qui contient
fept pies d'Angleterre , & environ la
dixième partie d'un pouce , ce qui revient,
mefure de France , à fix pies fept pouces
& quelques lignes, le pié d'Angleterre n'é-
tant que d'onze pouces quatre lignes &:
demie de roi. "\^oyez Pié , Pouce , Ligne,
&c. Dictionnaire de Commerce de Tiév.
Ù Chamh. (G)
* FATIGUE , f. f ( Gra/.""'.) c'eft l'effet
d'un travail confidérable. Il fe dit du corps
& de l'efprit , & il fe prend quelqueîois
pour le travail même : on dit indifférem-
ment
F A U
ment les travaux & les fatiguesàe la guerre ;
cependant l'un eft la caufe , & l'autre l'effet.
Il faut encore remarquer que dans I exem-
ple que nous venons d'apporter , le mot
travaux peut avoir deux acceptions , 1 une
relative à la perlbnne , & l'autre à l'ou-
vrage.
FATIGUER un arbre , {Jardinage.) en
laiflant trop de fruit ou trop de bois à un
arbre , on le fatigue trop j on l'expofe à
avorter , à devenir rabougri , & enfin à
pJrir. (X)
FATUAIRE, f. m. {Rifl. anc.) Les
fatuaues étoient chez les anciens ceux qui ,
paroifTant infpirt's , annonçoient les chofes
tutures.
Ce nom de fatuaire vient de Fatua ,
femme du dieu Faune , laquelle prédi-
foit aux femmes l'avenir , comme Faune
le prc-difoit aux hommes. Fatua vient de
fari , c'eft-à-dire , de vaticinari , pro-
phétiler. Ser. Dicfionn. de Trc'v. & Chamb.
(G)
FATUITÉ , l\ f. {Maladie.) Voy. STU-
PIDITÉ. C'eft aufTi le vice du fat. Voy. ci-
devant Fat.
FAVAGNANA ou FAVIGLIANA ,
{Ge'o^.) Aî^gufa des anciens. Petite ifle
d'Italie d'environ fîx lieues de tour dans la
mer de Sardaigne , fur la côte occidentale
de la Sicile , avec un fort appelé' fort de
fainte-Catherine. Long, ^o , zo j Lit. ^8 ,
■félon de LiHe. (Z)./.)
F A U
FAUBER ou VADROUILLE, f. f.
{Marine.) c'eft une forte de balai fait de fîls
de vieux cordages , avec lequel on nettoie
le vaifTeau. {Z)
FAUBER TER , v. ad. {Manne.) c'eft
nettover le vaifTcan avec le fauber. (Z)
FAUCET , {Mnfique.) du latin . faux ,
faucis , la gorge ; Xefaucct eft uneefpecede
voix , par laque'le un homme fortant , à
l'aigu , du diapafon de fa voix naturelle,
imite celle de femme. Un homme fait à
peu près , quand il chante le faucet , ce
que fait un tuyau d'orgue quand il oâavie.
FAUCHEE , {Agriculture.) c eu ce
•cu'un faucheur peut couper de foin dans
Tome XIII.
TAU ■ S8t
un jour : elle s'e'valiie à quatre - vingt
cordes.
FAUCHER , {AgricuU.) cftl'aaion de
tondre le gafon avec la faux. On fauche
au (Ti les prés , les boulingrins , les grandes
rampes de gafon. {K)
Faucher , ( Manège. ) L'aûion de
faucher eft le ligne univoque des écarts ,
des efforts , ou d'une entre -ouverture.
Voye'^ Ecart, {e)
* Faucher, {Manufacture en foie.) c'eft
une mauvaife manière d'ourdir une étoffe ,
qui ferre peu la trame , qui avance beau-
coup l'ouvrage , mais qui le rend mou ,
inégal & lâche.
FAUCHET , f. m. chéries cartonniers ^
eft un outil de bois afTez femblable au râ-
teau des jardiniers, qui a des dents de
bois , & qui eft garni par fon milieu d'un
long manche de bois. Les cartonniers fe
fervent du fauchet pour remuer de temps
en temps , dans la cuve à fabriquer , la ma-
tière ou pâte dont ils font le carton.
* Fauchet , {Taillanderie.) petite faux
à l'ufage des gens de la campagne , qui
s'en fervent pour couper de l'herbe pour
leurs beftiaux.
FAUCHON , f. m. terme de Rivière ;
c'eft un inftrument de fer fait en faux ,
avec lequel les pêcheurs coupent les her-
bes qui font dans le fond de l'eau , &: qui
arrêtent les filets.
* FAUCILLE , f. f {Econom. rufiq. &
T'û/Z/j/tl/.) inftrument dentelé, tranchant
par fa partie concave , recourbé , large
d'environ deux doigts à fon milieu , pointu
à fon extrémité , formé d'environ la demi-
circonférence d'un cercle qui auroit un pié
de diamètre , & emmanché d'un petit
rouleau de bois fixé fur la ciueue par une
virole : il fert à faire la moifTon des grains.
La moiffonneufe embrafle de la main gau-
che une poignée d'épis ; elle place cette
poignée dans la courbure de fa faucille ,
afTez au dcfTous de fa main , & l'abat en
coupant la poignée d'un mouvement cir-
culaire de fa /a;/c///f. Cet inftrument qui
fert à moifTonner les blés & autres grains ,
eft celui de tous ceux de l'agriculture qui
fatigue le plus. Les dents dont il eft taillé
font en dedans feulement ; on ne pafTe
par fonféquent fur la meule que la partiç
Tcttt
t^î F A U
extérieure : cette opération fépare les dents.
Voici comment il fe fabrique. Pour forger
une faucille , on corroie une barre d'acier.
C'eli de ces deux barres corroyées enfem-
ble qu'on enlevé h faucille. Quand elle efl
enlevée , on la fépare , on la cintre ; on
la répare au marteau y on l'écorche fur la
meule , on la tailleau cifeau ; on la trempe ,
on la repafle fur la meule en dehors , & la
faucille ef t prête. La faucille a une foie par
laquelle on la monte fur un manche de
bois.
Faucille , {Agricuh.) eft un inftru-
ment qui fert plutôt à couper les blés &
les autres grains de la campagne , qu'à
Tufage du jardinage; cependant les jardi-
niers s'en fervent pour couper les petits
tapis de gafon & les bordures des balHns.
* FAUCILLON, f. m. terme defeiruiier;
c'eft la moitié de la pleine croix qui fe pofe
fur les rouets d'une ferrure.
On donne encore le même nom aux
petites limes qui fervent à évider les pan-
netons des clés , aux endroits où il le faut
pour le paflage des gardes delà ferrure.
FAUCON, falco , f. m. {Hifl. nat.
Ornnh. ) Il y a pluïieurs efpeces Ae faucons,
qui font tous des oifeaux de proie. Ray en
difiingue douze.
I " . Le faucon pèlerin , falco peregrinus.
"Aldrovande en a décrit un qui avoit le
fommet de la tête applati , le bec bleu ,
avec une membrane d'un jaune foncé ; la
tête , le derrière du cou , le dos & les ailes
étoient brunes , prefqv.e noires ; la poi-
trine j le ventre & les cuifles avoient une
couleur blanche avec des bandes tranfver-
fales de couleur noire ; la queue étoit rouiïe,
& traverfée par des lignes noires. Cet oi-
feau avoit les jambes courtes & jaunes , de
même que les pies.
a''. Le Ç-dcré , falco facer : c'eft le plus
grand de tous les faucons , à l'exception du
gerfault ; il a une couleur rouflârre , les
jambes &le bec font courts; les doigts des
pits ont une couleur bleue , de même que
- le bec ; le corps eft alongé ; les ailes & la
queue font lon,i;ues.
3'. Le gerfault, ^;y;?/fo .• il eft aufti grand
que l'aigle ; ce feul carailere pourroit le
feire djftinguer de. toutes les autres efpeces
F A U
de faucons ; mais on peut aufti le recon-
noitre en ce qu'il a le fommet de la tête
applati , le bec , les jambes & les pies de
couleur bleue ; toutes fes plumes font blan-
ches , mais celles du dos & des ailes ont
des taches noires en formes de cœur ; la
queue eft courte, & traverfée par des ban-
des noires.
4". Le faucon àe montagne , falco mon-
tanus : il eft moins grand que \e faucon pè-
lerin ; il a le fommet de la tête élevé ,
le bec épais, court & noir ; la membrane
qui fe trouve au deffus du bec , tft jaune ,
le corps a une couleur roufîàtre ; &; les
pies font jaunes.
j''. Faucon gentil falco gentilis , iJ ejl
nobilis : il diffère li peu du faucon pèlerin
pour la figure & même pour l'inftind ,
qu'il eft très-difficile de les diftinguer l'un
de l'autre.,
6". Faucon Hagard ou boftli , falco férus
l'el gibbofus : il aie cou très-court ; il porte
les ailes fur le dos , de laçon qu'elles feni-
blent former une bofte.
7°. Le faucon blanc , falco alhus : il tft
aifé de lediftinguer des autres par fa couleur
blanclie.
8'^. Le faucon d'arbre & le faucon de
roche , lithro-falco & dendro-falco : le pre-
mier eft de grandeur moyenne entre le
faucon pèlerin & le faucon boftli. WilKighbi
croit que l'autre eft le haubereau , félon la
defcriptionde Gefner.
' 9°. Le faucon twn-xien f falco tunetanus :
il eft moins grand que le faucon pèlerin , \e
faucon de montagne & le jaucun gentil : il
reffemble beaucoup au loriot.
10°. Lefaucon rouge , falco rebeus. Ray
doute de l'exiftence de ce faucon. Quoi
qu'il en foit , on n'a jamais prétendu qu'il
lût rouge en entier.
1 1 ". Faucons rouges des /«c/fj. Aldrovande
en a décrit deux ; celui qu'il a foupçonne
être une femelle , étoit le plus i;rand ; il
avoit le fommet de la tête large & prefque
plat , le bec de couleur cendrée , la mem-
brane jaune, & la partie fupérieure du corps
de couleur cendrée , rouflàtre. On voyoit
de chaque côté de la tète une bande de
couleur de cinabre , pâle , qui s'étendoic
en arrière depuis l'angle poftèrieur de
l'œil ; la poitrine & la partie inférieure du
F A U
corps étaient de la même couleur , avfec
quelques taches de couleur cendrée fur la
partie antérieure du fternum. L'autre yàa-
con , qu'Aldrovande a cru être un mâle ,
avoir une couleur rouge plus foncée fur
la partie inférieure du corps ; la partie
fupérieure étoit noire.
1 2y . Faucon hupé des Indes : fa grandeur
approche de celle de l'autour , la tcte eft
plate &: noire ; il a une double huppe qui
defcend derrière l'occiput ; le cou ell rouge;
la poitrine & le ventre font parfemés de
lignes tranfverfales blanches & noires ,
placées alternativement , & d'une couleur
très- vive , l'iris des yeux eft jaune , & le
bec d'un bleu foncé & prefque noir , fur-
tout à l'extrémité : car la membrane qui
recouvre la bafe , a ime couleur jaune ;
les jambes font garnies de plumes qui tom-
bent jufque fur les pies , dont la couleur
eft jaune ; les pies font très - noirs ; les
petites plumes des ailes ont les bords blan-
châtres ; il y a fur la queue des bandes
noires & cendrées , pofées alternative-
ment. Ray a vu cet oifeau en Angleterre ,
où il avoit été apporté des Indes orienta-
les. Syncop. metli. pag. î j Ù futv. Voye\
Oiseau. (!)
Faucon , f. m. Falco , onis {terme de
Blxfon.) oifeau de proie qui fe trouve en
plufieurs écus.
On dit du faucon , chaperonne' , lorfqu'il
a un chaperon fur la tête ; longe , des liens
ou cordons qu'il a aux jambes ; grille te ,
des grelots ou grillets qui y font attachés ,
lorfque ces choies font d'un autre émail
que l'oifeau.
Perche , fe dit quand i! eft fur un bâton.
Selon les auteurs , le faucon a été ainfi
nommé de ce qu'il a fes ongles courbés &
pointus, & en ce qu'ils imitent, parleurs
curvités & pointes , les faux.
Faicos de la Blanche , en Dauphiné ,
d'a\ur au faucon d'argent.
Claviere de Saint -Roman , de Saint-
Barthelemy - le - Phin , en Vivarais ; de
gueules au dextrochere d'argent , portant
deux faucons , celui à dextre de Jinople ,
celui à feneflre de pourpre , longe's d'azur,
les têtes affrontes. {G. D. L. T.)
FAUCONNEAU , f m. jeune faucon.
Voy. Faucon.
FA U
8«:
Fauconneau ou Faucon ,
{Artillerie. ) eft une pièce d'artillerie , ou
un petit canon qui porte depuis un quart
jufqu'à deux livres , & qui pefe 150 , ioo ,
400 , yoc & même jufqu'à 800 livres ; fa
longueur eft de fept pies. Voyei; Canon.
Lorfque les embrafures font ruinées , on ne
peur plus continuer le fervice du gros canon
dans les fieges ; mais il eft toujours poftible
de fe fervir de petites pièces , comme \cfau~
conneau, qu'on tranfporte aifément d'un lieu
à un autre fur des affûts à rouage ou à rou-
lettes , qu'un ou deux hommes peurent
traîner fur le rempart.
Les coups de ces petites pièces font fort
incertains , parce qu'on n'a pas le loifir
de les difpofer comme l'on veut ; mais ils
donnent toujours de l'inquiétude à l'aftlé-
geant , & ils l'obligent de s'avancer avec
plus de circjufpedion. Charles XII , roi de
Suéde , fut tué au fiege de Frideriskshali
en Norvège , d'un coup de fauconneau.
(Q)
* Fauconneau, f. m. {Charpent.)T^iece
de la machine à élever des fardeaux , appe-
lée l'engin, he fauconneau a deux poulies à
fes extrémités , & c'eft fur ces poulies que
pafte le cable, il eft fixé au bout du poinçon,
affermi par deux liens emmortaifés ddus la
fellette. Il n'y a point dans l'engin de pièce
plus élevée.
FAUCONNERIE , f f. {Ordre encycl
Science , Art , Economie ru/liq. Chajje ,
Fauconn.) c'eft l'art de dreffer & de gou-
verner les oifeaux de proie deftinés à la
chafte. On donne auïïi ce nom à l'équipage,
qui comprend les fauconniers , les chevaux ,
les chiens , &c. La chaffe elle-même porte
plus particulièrement le nom de l'ol , &
c'eft à ce mot que nous parlerons des diffé-
rentes chaft'es qui fe font avec des oifeaux.
Voy. Vol. ,
L'objet naturel de la chafte paroît être
de fe procurer du gibier : dans la faucon~
ne rie on fe propofe la magnificence & le
plaifir plus que l'utilité , fur-tout depuis que
l'ufage du fufil a rendu faciles les moyens
de giboyer.
La fauconnerie eft fort en honneur en
Allemagne , où beaucoup de princes en ont
une confidérable , & fouvent exercée J celle
Tt tt t 2
«84 F A U
qui eft en France , quoique très-brillante ,
n'eft pas d^un ufage auffi journalier.
C'efl l'oifeau appela faucon qui a donné
le nom à la fauconnerie , parce que c'eft
celui qui fert à un plus grand nombre d'ufa-
ges. Il y a le faucon proprement dit ; mais
fouvent on attribue aulïï ce nom à d'autres
oifeaux , en y ajoutant une diftinftion
particulière. On dk faucon-gerfauh , faucon-
lanier y &c.
Entre les flnicons de même efpece , on
remarque des différences qui délignent leur
âge , & le temps auquel on les a pris. On
appelle faucons for s , pjjjligei s ou pèlerins ,
ceux qui , quoiqu'à leur premier pennage ,
ont été pris venant de loin , & dont on
n'a point vu l'aire ou le nid. Le faucon
niais , qu'on nomme aulTi faucon royal ,
eft cehii qui a été pris dans fon aire ou
aux environs. Enfin le faucon appelé
hagard y eft celui qui a déjà mué lorfqu'on le
prend.
Lesauteursquiont écrit delà yauc'o/zHfnV,
font encore un grand nombre de diftinélions,
mais qui ne tiennent point à l'art ; elles ne
font que défigner les pays d'où viennent les
faucons , ou ce ne font que différens termes
de j argon qui expriment à peu près les mêmes
chofes.
Le choix r'.es oifeaux eft une chofe efTen-
tielle en fauconnerie. On doit s'arrêter à
la conformation que nons allons décrire ,
quoique toutes les marques extérieures tîe
bonté puifTent quelquefois tromper. Le
faucon doit avoir la tête ronde , le bec
court & gros , le cou fort long , la poitrine
nerveufe , les mahutes larges , les cuiftes
longues , les jambes courtes , la main large,
les doigts déliés , alongcs , & nerveux
aux articles ; les ongles fermes & recour-
bés , les ailes longues. Les fignes de force
& de courage font les mêmes pour le ger-
fàulc , Sic. &*■ pour le tiercelet , qui eft le
mâle , dans toutes les efpeces d'oifeaux de
proie , & qu'on appelle ainfi parce qu'il eft
d'un tiers plus petit que la femelle. Une
marque de bonté moins équivoque dans un
oifeau , c'eft de chevaucher le vent , c'eft-
à-dire , de fe roidir contre , & fe tenir fer-
me fur le poing lorfqu'on l'y expofe. Le
pennage d'un bon faucon doit être br\m
Ss. tout d'une pièce , c'eft - à - dire j de
F A U
même couleur. La bonne couleur des mains
eft le verd d'eau : ceux dont les mains & le
bec font jaunes , ceux dont le plumage eft
femé de taches , ce qu'on appelle égalé ou
haglé , font moins eftimés que les autres.
On fait des faucons noirs ; mais quel que
foit leur plumage , ce font toujours les plus
forts en courage qui font les meilleurs.
Outre, la conformation , il faut encore
avoir égard à la fanté de l'oifeau. Il faut
voir s'il n'eft point attaqué du chancre ,
qui eft une efpece de tartre qui s'attache
au gofier & à la partie inférieure du bec ;
s'il n'a point fa molette empelotée , c'eft-
à dire , fi la nourriture ne refte point par
pelotons dans fon eftomac ; s'il fe tient fur
!a perche tranquillement & fans vaciller ;
fi la langue n'eft point tremblante ; s il a
les yeux perçans & aftlirés ; fi les émeuts
font blancs & clairs : les émeuts bleus font
un fymptome de mort-
Le choix d'un oifeau ainfi fait , on pafte
aux foins nécefiaires pour le drefter. On
commence par l'armer d'entraves appelées
jets , au bout defquels on met un anneau
fur lequel eft écrit le nom du maître : on
y ajoute des fonnetes , qui fervent à indi-
quer le lieu oïl il eft lorfqu'il s'écarte à la
chafte. On le porte continuellement fur le
poing ; on l'oblige de veiller ; s'il eft mé-
chant & qu'il cherche à fe défendre , on
lui plonge la tête dans l'eau ; enfin on le
contraint par la faim & la lalHtude à fe
lailTer couvrir la tête d'un chaperon qui lui
enveloppe les yeux. Cet exercice dure fou-
vent trois jours & trois nuits de fuite ; il cil
rare qu'au bout de ce temps les befoins qui
le tourmentent , & la privation de la
lumière , ne lui faffent pas perdre toute
idée de liberté. On juge qu'il a oublié fa
fierté naturelle , lorfqu'il fe laiffe aifémenc
couvrir la tête , & que découvert il faifit
le pàt ou la viande qu'on a foin de lui pré-
fenter de temps en temps. La répétition
de ces leçons en afTure peu à peu le fuccès.
Les befoins étant le principe de la dépen-
dance de l'oifeau , on cherche <à les aug-
menter , en lui nettoyant l'eilomnc par des
cures. Ce font de petits pelotons de filafle
qu'on lui fliit avaler , & qui augmentent:
fon appétit ; on le fatisfait après l'avoic
excité , & la reconnoillimce attache Toi-
V A V
feau à celui même qui l'a tourmente. Lorf-
que les premières leçons ont réulTi , & qu'il
montre de la docilité' , on le porte fur le
gazon dans un jardin. Là on le découvre ,
& avec l'aide de la viande on le fait fau-
ter de lui-même fur le poing. Quand il eft
afTuré à cet exercice , on juge qu'il eft
temps de lui donner le vif, &: de lui faire
connoître le leurre.
Ce leurre ell une repre'fentation de
proie, un aflemblage de pic's & d'ailes,
dont les fauconniers fe fervent pour récla-
mer les oifeaux , & fur lequel on attache
leur viande. Cet inftrument étant deftiiié
à rappeler les oifeaux & à les conduire , il
eft important qu'ils y foient non feule-
ment accoutumés , mais affriandés. Quel-
ques fauconniers font dans fufage d'exciter
l'oifeau à plufieurs reprifes dans la même
leçon , lorfqu'ils l'accoutument au leurre.
Dès qu'il a fondu deftiis, & qu'il a feulement
pris une bécade , ils le retirent fous prétexte
d'irriter fa faim j & de l'obliger à y revenir
encore ; mais par cette méthode on court rif-
que de le rebuter : il eft plus fur , lorfqu'il a
fait ce qu'on attendoit de lui , de le paître
tout à fait ; ce doit être la récompcnfe de
fa docilité. Le leurre eft l'appas qui doit
faire revenir l'oifeau lorfqu'il fera élevé
dans les airs ; mais il ne feroit pas fuffifant
fans la voix du fauconnier , qui l'avertit de
fe tourner de ce côté là. Il faut donc que
le mouvement du leurre foit toujours ac-
compagné du fon de la voix & même des
cris du fauconnier , afin que l'un & l'autre
annoncent enfemble à l'oifeau que fes
befoins vont être foulages. Toutes ces
leçons doivent être fouvent répétées , &
par le progrès de chacune , le fauconnier
jugera de celles qui auront befoin de l'être
davantage. Il faut chercher à bien connoî-
tre le caradere de l'oifeau , parler fouvent
à celui qui paroît moins attentif à la voix ,
laiffer jeûner celui qui revient moins avi-
dement au leurre , veiller plus long-temps
celui qui n'eft pas aftez familier, couvrir
fouvent du chaperon celui qui craint ce
genre d'aftujettifremenr. Lorique la doci-
lité & la familiarité d'un oifeau font fuffi-
famment confirmées dans le jardin , on le
porte en pleine campagne , mais tou-
îours attaché à la filière , qui eft une
F A U SSx
' ficelle longue d'une dixaines de toifes : on
le découvre ; & en l'appelant à quelques
pas de diftance , on lui montre le leurre.
Lorfqu'il fond deflus , on le fert de la
viande , & on lui en laifte prendre bonne
gorge , pour continuer de l'aftitrcr. Le len-
demain on le lui montre d'un peu plus
loin j & il parvient enfin à fondre deiius
du bout de la filière : c'eft alors qu'il faut
faire connoître & manier plufieurs fois à
l'oileau le gibier auquel on le deftine : on
en confervede privés pour cet ufage ; cela
s'appelle donner l'efcap. C'eft la dernière
leçon, mais elle doit fe répéter jufqu'à ce
qu'on foit parfaitement allure de 1 oifeau ;
on le mec hors de filière , & on le vole
pour bon,
La manière de leurrer que nous avons
indiquée , ne s'emploie pas à l'égard des
faucons & tiercelets deftinés à voler la pie ,
ou pour champ , c'eft-à-dire , pour le vol
de la perdrix. Lorfque ceux-là font aftii-
rés au jardin , & qu'ils fautent fur le poing ,
on leur fait tuer un pigeon attaché à un
piquet , pour leur faire connoître le vif,.
Après cela on leur donne un pigeon volant ,
au bout d'une fihere ; & lorfqu'onles juge
alfez sûrs pour être mis hors de filière
eux - mêmes , on leur donne un pigeon
volant librement , mais auquel on a fille les
yeux. Ils le prennent , parce qu'il fe dé-
tend mal. Alors , fii l'on compte fur leur
obéilîance , on cherche à les rebuter fur
les pigeons & fur tous les gibiers qu'ils
ne doivent pas voler : pour cela on les jette
après des bandes de pigeons, qui fe défen-
dent trop bien pour être pris , & on ne
les fert de la viande , que quand on leur a
fait prendre le gibier auquel on les deftine.
Le faucon pour corneille fe drefte de la
même manière , mais fans qu'on le ferve
de pigeons : c'eft une corneille qu'on
lui donne à tuer au piquet ; &: après cela
on lui donne plufieurs fois l'efcap au bouc
d'une filière mince & courte , jufqu'à ce
qu'on le juge allez confirmé pour le voler
pour bon.
Les auteurs qui ont écrit fur la faucon^
nerie , donnent encore d'autres métho-
des dont nous ne parlerons point ; foie
parce qu'elles font contenues en fubftance
dans ce que nous avons dit ; foit parce
SS« F A U ^ ^
que l'expérience &; l'ufage d'aujourd'hui
les ont abrégées. Un mois doit fuffire
pour drefler un oifeau. Il y en a qui
îbnc lâches & pareffeux : d'autres font
Il fiers , qu'ils s'irritent contre tous les
moyens qu'on emploie pour les rendre
dociles. Il faut abandonner les uns & les
autres. En général , les niais font les plus
aifés ; les fors le font un peu moins ,
mais plus que les hagards qui, félon le
langage des fauconniers, font fouvent
curieux , c'eft-à-dire , moins difpofés par
leur inquiétude à fe prêter aux leçons.
Le foin des oifeaux de proie , foit en
fanté , foit en maladie , étant une partie
principale de la fauconnerie , nous devons '
en parler ici. En hiver , il faut les
tenir dehors pendant le jour ; mais pen-
dant la nuit , dans des chambres échauf-
fées. On les découvre le foir fur la per-
che ; ils y font attachés de manière qu'ils
ne puifTent pas fe nuire l'un à l'autre.
Le fauconnier doit vifiter & nettoyer
exaâement le chaperon , parce qu'il peut
s'y introduire des ordures qui blefleroient
dangereufement les yeux des oifeaux.
Lorfqu'ils font découvert , on leur laifle
une lumière pendant une heure , pen-
dant laquelle ils fe repaflent ; ce qui eft
très-utile à leur pennage. Pendant l'été qui
efl: le temps ordinaire de la mue , on les
met en lieu frais ; & il faut placer dans
leurs chambres plufieurs gazons , fur lef-
quels ils fe tiennent , & un bacquet d'eau
dans lequel ils fe baignent. On ne peut pas
cependant laifTer ainfi en liberté toutes
fortes d'oifeau. Le gerfault d'Ulande &
celui de NorWege ne peuvent fe fouifrir :
ceux de NorWege font méchans , même
entr'eux ; il faut attacher ceux-là fur le
gazon avec des longes , & les baigner à part
tous les huit jours.
On nourrit les oifeaux avec delà tranche
de bœuf & du gigot de mouton coupés par
morceau , & dont on a ôté avec foin îa
graifl'e & les parties nerveufes. Quelquefois
on faigne des pigeons fur leur viande ;
mais en général , le pigeon fert plus à les
reprendre , qu'à les nourrir. Pendant la
mue , on leur donne deux gorges par jour ,
mais modérées ; c'eil un temps de régime.
Qa ne leur en donne qu'une, mais bonne ,
F A U
dans les autres temps. La veille d'une
chafle on diminue de beaucoup la gorge
qu'on leur donne , & quelquefois on les
cure , comme nous l'avons dit, afin de les
rendre plus ardents. Une bécade de trop
rendroit l'oifeau languiffant , & nuiroit à
la volerie. Vers le mois de mars , qui eft le
temps de l'amour , on fait avaler aux fau-
cons des cailloux de la groffeur d'une noi-
fette , pour faire avorter leurs œufs qui
prennent alorsde l'accroiffement. Quelques
fauconniers en font avaler aux tiercelets ,
& ils prétendent que cela les rafraîchit ;
mais ce remède eft fouvent dangereux , &
il n'en faut ufer que rarement.
A l'égard des maladies des oifeaux, voici
les principales , & les remèdes que l'expé-
rience fait juger les meilleurs.
Les carafteres ou tayes fur les yeux ;
elles viennent fouvent de ce que le cha-
peron n'a pas été nettoyé avec foin ; quel-
quefois elles font naturelles. Le blanc de
l'émeut d'un autour , féché & foufflé en
poudre à plufieurs reprifes , eft le meilleur
remède. On fe fert aufll de la même ma-
nière , d'alun calciné.
Le rhume fe connoît à un écoulement
d'humeur par les nafeaux. Le remède eft
d'acharner l'oifeau fur le tiroir , c'eft-à-
dii-e, de lui faire tirer fur le poing des
parties nerveufes , comme un bout d'aile
de poulet , ou un manche de gigot , qui
l'excitent fans le raflafier. On mêle aulli
dans fa viande de la chair de vieux
pigeon. Cet exercice, d'acharner fur le
tiroir , eft: en général fort falutaire aux
oifeaux.
Le pantais eft un afthme caufé par quel-
que effort i il fe marque par un battejnent
en deux temps de la mulette , au moindre
mouvement que fait l'oifeau. Le crac vient
aufti d'un effort , & il fe marque par un
bruit que l'oifeau fait en volant , & dont
le caradere eft défigné par le nom crac.
On guérit ces deux maladies , en arrofant
la viande d'huile d'olive , & en faifant
avaler à l'oifeau plein un dé de mom-
mie pulvérifée ; mais lorfque l'effort eft
à un certain point, la maladie eft incu-
rable.
Le chancre eft de deux fortes : le jaune ,
& le mouillé. Le jaune s'attache à la par-
F A U
tie inférieure du bec; il fe guérit lorfciu'en
l'extirpant il ne faigne point. On fe
fert pour l'extirper , d'un petit bâton rond
garni de filalfe , & trempé dans du jus de
citron, ou quelque autre corrofifdu mê-
me genre. Le chancre mouillé a fon fiege
dans la gorge ; il fe marque par une moufiè
blanche qui fort du bec. Il eft incurable
& contagieux
Les vers ou filandres s'engendrent dans
la mulette. Le lymptorae de cette maladie
ell un bâillement fréquent On fait avaler
à l'oifeau une goufle d'ail ; on lui donne
aulfi del'abfynthe, hachée très-menu , dans
une cure. La momie , prife intérieure-
ment , eft très-bonne auffi dans ce cas-là.
Les mains enflées par accident , fe gué-
riflent en les trempant dans de l'cau-de-
vie de lavande , mêlée avec du perfil pilé.
La goutte , celle qui vient naturellement,
ne fe guérit point. Celle qui vient de fati-
gue fe guérit quelquefois , en mettant foi-
feau au frais fur un «azon enduit de boule
F A U SS7
a exercé cette charge depuis ce temps
jufqu'en lij^ ; Etienne Grange Lto'it maî-
tre fauconnier du roi en 12.74- Tousfesfuc-
cefleurs ont eu la même qualité , jufqu'à
Euftache de Jaucourt , qui fut établi grand
Jauconnier de France en 1 406.
Le grand fauconnier de France a différen-
tes fortes de gages ; outre les gages ordi-
naires , & ceux pour fon état &: appointe-
mens ; il en a comme chel du vol pour cor-
neille , & l'entretien de ce vol ; pour l'en-
tretien de quatre pages , pour l'achat &: les
fournitures de gibecières , de leurres , de
gants , de chaperons , de fonnettes , de
vervelles & armures d'oifeaux , & pour
l'achat des oifeaux. Il prête ferment de
fidélité entre les mains du roi : il nomme
à toutes les charges de chefs de vol , lorf-
qu'elles vaquent par mort ; à la réierve de
celles des chefs des oifeaux de la chambre
& du cabinet du roi , & de celles de gardes
des aires , des forêts de Compiegne , de
l'Aigle , & autres forêts royales. Le grand
de vache détrempée dans du vinaigre , ou \ fauconnier a feul le droit de commettre qui
fur une éponge arrofée de vin aromatique
Quelquefois on foulage , même la goutte
naturelle , en faifant fous la main des in-
cifions , par lefquelles on en fait fortir de
petits morceaux de craie.
La momie efl le meilleur vulnéraire
intérieur pour tous les efforts de l'oifeau de
proie.
On croiroit qu'il n'y a point de remède
au pennage cafTi. On le rajufie en entant
un bout de plume fur celui qui refte , au
moyen d'une aiguille que l'on introduit
dans les deux bouts pour les rejoindre, & le
vol n'en eft point retardé. La penne calTée
même dans le tuyau , fe rejoint à une autre
en la chevillant de deux côtés oppofés avec
des tuyaux de plume de perdrix. Lorfque
le pennage n'eft que fauffé , on le redreffe
en le mouillant avec de l'eau chaude , ou
par le moyen d'un chou cuit fous la cendre
& fendu , dont la chaleur & la preïïîon re-
mettent les plumes dans leur état naturel.
Cet article efl de M. LE Rov , lieutenant
des chajjes du parc de Verfailles.
FAUCONNIER , f. m. {Hifi: mod.)
maître fauconnier du roi , aujourd'hui ^ran^/
fauconnier de France. L'origine àc faucon-
nier du roi efl de l'an 1150. Jean de Beaune
bon lui femble , pour prendre les oifeaux
de proie en tous lieux , plaines & builFons
du domaine de fa majefté.
Les marchands fauconniers français ou
étrangers , font obligés , à peine de confif-
cation de leurs oifeaux , avant de pouvoir
les expofer en vente , de les venir préfen-
ter an grand fauconnier , qui choifit & re-
tient ceux qu'il eftime nécefTaires , ou qui
manquent auxplaifirsdu roi.
Le grand-maître de Malte fait préfentei'
au roi tous les ans douze oifeaux , par un
chevalier de la nation , à qui le roi fait
préfentde mille écus , quoique le grand-
maître paie à ce même chevalier fon voyage
à la cour de France.
Le roi de Danemarck & le prince de Cur-
lande envoient auiïi au roi des gerfaults, &
autres oifeaux de proie.
Si le roi , étant à la chafle, veut avoir le
plaifir de jeter lui même un oifeau ,les chefs
pourvus par \egrand fauconnier, préfentent
l'oifeau au grand fauconnier , qui le met
enfuite fur le poing de fa majefté. Quand
la proie eft prife , le piqueur en donne la
tête à fon chef, & le chef au grand faucon-
mer , qui la préfente de même au roi. Voy.-
Etat de la France^-
88S F A V
"Le grand fauconnier de France d'aujour-
d'huieft Louis Célar le Blanc de la Baume ,
duc de la Valliere , chevalier des ordres du
roi , 2. février 174-9 , capitaine des ciiaffes
de la vareruie du louvre en mars 174.8 ,
grand fauconnier de France en mai de la
même anne'e.
Fauconnier, {Fauconn.) fe dit de
celui qui feigne & qui inftruic toutes fortes
d^oifeaux de proie.
* FAUDAGE, f. m. [Drap.) Voye^
Pliage. C'efl auffl la marque ou fil de
foie que les corroyeurs des étoffes de laine ,
attachent aux pièces qu'ils appointent. Ce
fil de foie eft d'une couleur & d'une qua-
lité propre à chaque ouvrier. Il fe meta
la pièce au fortir de defïus le courroi ; &
la pièce ettfaude'e , quand elle eft pliée en
double lur fa longueur ; enforte que les
deux lifieres tombent l'une fur l'autre , &
que la marque du faudage y eft appofée.
On entend aufTi quelquefois par fauder ,
mettre Féroffe en plis quarrés.
* F AUDE , f. f. {Econ. ruftiq.) ce mot
efl fynonyme à charbonnière , ou fofi'e à
charbon. Voye^ V article Chakbon.
FAUDET , f. m., terme de Manufacture;
les laincurs ou emplaigneurs appellent ainfl
iineefpece de grand gril de bois, foutenu
de quatre petits pies de bois, qui eft placé fous
la perche à lainer , pour recevoir l'étoffe
à mefure qu'elle le laine. Les tondeurs
de draps fe fervent aufïï d'une efpece de
faudet , pour mettre fous la table à tondre ,
dans lequel ils font tomber l'étoffe lorfque
la tablée eft entièrement tondue. Cq faudet
eft compofé de deux pièces, qui jointes
enfemble par le milieu , refîemblent à une
efpece de manne qui n'auroit point de bor-
dure aux deux bouts. Richclct, Sai'ary, &c.
FAVEUR , f. f. (Morale) Faveur , du \
mot btin favor , fuppofe plutôt un bien-
fait qu'une récompenfe. On brigue fourde-
ment \:i faveur ; on mérite & on demande
hautement des récompenfes. Le dieu Fa-
veur, chez lesmythologiftes romains , étoit
fils de la Beauté & de la Fortune. Toute
faveur porte l'idée de quelque chofe de gra-
tuit; \\n-\A\\\\t\:\faveur de m'introduire ,
de me préfenter , de recommander mon
ami , de corriger mon ouvrage. La faveur
des princes eft l'effet de leur goût , &: de
F A V
la complaifancé afiîdue ; la faveur du peu-
ple fuppofe quelquefois du ni«rite , & plus
fouvent un halard heureux. Faveur diffère
beaucoup de grâce. Cet homme eft en fa-
veur auprès du roi , & cependant il n'en a
point encore obtenu de grâces. On dit ,
il a été refu en grâce. On ne dit point , il a été
reçu en faveur, quoiqu'on ^\{Qêtreenfaveur:
c'efl que la faveur fuppofe un goût habi-
tuel ; & que faire grâce , recevoir en grâce ,
c'eft pardonner , c'eft moins que donner
fa faveur. Obtenir grâce , c'eft l'effet d'un
moment ; obtenir la faveur eft l'effet du
tem.ps. Cependant on dit également , fai-
tes-moi la grâce, faites-moi la /jj'ej/,- de re-
commander mon ami. Des lettres de re-
commandation s'appeloient autrefois des
lettres de faveur. Sévère dit dans la tragé-
die de Polieufle.
Je mourrais mille fols plutôt qued'abufer
Des lettres de faveur que fat pour l'é-
poufer.
On a la faveur, la bienveillance , non la
grâce du prince & du public. On obtient
la faveur de fon auditoire par la modeftie :
mais il ne vous fait pas grâce fi vous êtes
trop long. Les mois des gradués , avril
& odobre , dans lefquels un collateur peut
donner un bénéfice fimple au gradué le
moins ancien , font des mois de faveur &
de grâce.
Cette expreflion faveur fignifiant une
bienveillance gratuite qu'on cherche à
obtenir du prince ou du public , la ga-
lanterie l'a étendue à la complaifancé des
femmes : & quoiqu'on ne dife point , il a
eu des faveurs du roi , on dit , il a eu les
faveurs d'une dame. Voyc:{ l'article fuirant.
L'équivalent de cette expreffion n'eft point
connue en Afie , où les femmes font moins
reines.
On appeloitautrefoisyjrt«r.v, des rubans,
des gants, des boucles, des nœuds d'épée,
donnés par une dame. Le comte d'Efîex por-
roità fon cliapeau un gant de la reine Eli-
fabeth, qu'il appeloit/ Jrcz/r^f la reine.
Enfuite l'ironie fe l'ervit de ce mot pour
fignifier les fuites fàcheufes d'un commerce
hasardé \ faveurs de Vénus, faveurs cuifan-
tes , écc. Article de M. DE Voltaire.
Faveurs , {Morale & Galanterie. )
Faveurs
F A V
Tareiirs de t amour , ceû tout ce que donne
ou accorde l'amour fenfible à l'amour heu-
reux ; ce font même ces riens cliarmansqui
valent tant pour l'objet aimé : c'efl: que tout
ce qui vient de Hi makreire ei\ d'un grand
prix ; la fleur qu'elle a cueillie , le ruban
qu'elle a porté , voilà des tréfors pour celle
qui les donne &: pour celui qui les reçoit.
i^cs fjueurs de r amour, toutes plus pré-
cieufes & plus aimables , fe prêtent des
fecours & des plaifirs égaux ; c'eft qu'elles
ont toutes une valeur bien grande ; c'cll
que toujours plus touchantes à mefure
qu'elles fe multiplient , elles conduifent
enfin à celle qui les couronne & qui les
raflemble- Parlerons-nous de ces myfle-
res , fur lefquels il n'y a que l'amour qui
doit jeter les yeux ; infiant le plus beau de
la vie , où l'on obtient & où l'on goûte
tout ce que peut donner de voluptueux &
de fenfible , la pcfTeffion entière de la
beauté qu'on aime ? Ne difons rien de ces
plaifirs , ils aiment l'ombre & le filence.
Les faveurs mêmes les plus légères , doi-
vent être fecretes ; il ne faut pas plus
avouer le bouquet donné , que le baifer
reçu. Lifette attache une rofe à la hou-
lette de Daphnis : ce berger peut l'offrir
aux yeux de fes rivaux jaloux ; mais aUiTi
difcret qu'il eft heureux , Daphnis content
jouit en fecret de fa vidoire : il n'y a
que lui qui fait que Lifette a donné ; il
n'y a qu'elle d'inflruite de fa reconnoifTance.
Imitons Daphnis. Cet article efi de M. de
Margency.
Faveur , ( Jurifpr. •) eu une préroga-
tive accordée à certaines perfonnes & à
certains ades.
Par exemple , on accorde beaucoup de
fai'eur aux mineurs , & à l'Eglife , qui jouit
des mêmes privilèges.
La faveur des contrats de mariage eft
très-grande. On fait des donations Qi\fa-
j-eur de mariage , c'eft-à-dire , en confi-
dération du mariage.
Les principes les plus connus par rapport
à ce qui e'I de faveur , font que ce qui
« été introduit en faveur de quelqu'un ,
ne peut pas être rétorqué contre lui ; que
les faveurs doivent être étendues & les
chofes odieufes redraintes : favores am-
^liandi , odia rejlnngenda, V.. cod, lii>, /,
.Tome XIIL
F A V 8Sp
tit. ociv y liv. G, &/: Uv. XXVIII, tlt. ij,
l. 19.
On appelle jugement défaveur , celui où
la confidération des perlbnnes auroit eu
plus de part que la juftice.
Il ne doit point y avoir de /ai'ei/r dans
les jugemens ; tout s'y doit régler par le
bon droit & l'équité , fans aucune accep-
tion des perfonnes au préjudice de la juf-
tice : mais il y a quelquefois des queftions
i\ problématiques entre deux contendans
dont le droit paroît égal , que les juges
peuvent fans injun:ice fe déterminer pour
celui qui , par de certaines confidérations ,
mérite plus Ùq faveur que l'autre. i^A)
Faveur , ( mots de ) Jurifpr. Voyez
Mois de faveur.
Faveur , ( Commerce. ) On appelle,
en termes de commerce , jours défaveur ,
les dix jours que 1 ordonnance accorde aux
marchands , banquiers & négocians , après
1 échéance de leurs lettres & billets de
change , pour les faire protefter.
Ces dix jours font appelés de faveur ,
parce que proprement il ne dépend que des
porteurs de lettres de les faire protefter dès
le lendemain de l'échéance ; & que c'eil
une grâce qu'ils font à ceux fur qui elles
font tirées , d'en différer le protêt jufqu'à
la fin de ces dix jours. Voy. Jours de grâce.
Le porteur ne peut néanmoins difFérer
de les faire protefter faute de paiement au
delà du dixième jour , fans courir rifcjue
que la lettre ne demeure pour fon compte
particulier.
Les dix jours Aq faveur fe comptent du
lendemain du jour de l'échéance des let-
tres , à la réferve de celles qui font tirées
fur la ville de Lyon , payables en paiemens,
c'eft-à-dire , qui doivent être proteftées ■
dans les trois jours après le paiement échu ,
ainfi qu'il eft porté par le neuvième article .
du règlement de la place des changes de
Lyon, du 1 juin 1667. )
Les dimanches & fêtes , même les plus
folennelles , font compris dans les dix jours
de faveur.
Le bénéfice des dix jours défaveur n'a
pas lieu pour les lettres payables à vue, qui
doivent être payées 11- tût qu'elles font pré-
fentées , ou fiuite de paiement , être pro-
teftées fyr le cbanip. Voyez Lettre de.
y V v V y
?<?o F A V
Change. Diclionn. de Commerce , de
Tret'. Ù de Chambers. {G)
Faveur fo dit auiTi , dins le com-
merce , lorfqu'une marchandife n'ayant pas
d'abori eu de djbit, ou même ayant été
donnée à perte , fe remet en vogue ou re-
devient de mode. Les taffetas flambés ont
rc-^ïh fui-'ciir. Diclion. de Comm. de Ttév.
Ù Chambers. {G)
Faveur s'entend encore du crédit que
les allions des compagnies de commerce ,
ou leurs billets , prennent dans le public ;
ou , au coritra:re , du difcr jdit dans lequel
ils tombent Diclionn. de Comm. (G)
^' * FAUFILER , ( Gramm. ) au fi -, pie,
c'eîî afTembler lâchement avec du fil des
pièces d'étoffes ou de toi'e , de la manière
dont elles doivent êcre enfuite coufues. La
faufilure eft à ongs points ; on l'enlevé
communément quand l'on vi âge eft fini.
Fanjder eft quelquefois fynonyme à bâtir ;
il y a cependant cette différence , que bâtir
iè dit de tout l'ouvrage , Si faufiler , feule-
ment de fes pièces : ainfi quand toutes les
pièces font faufilées , l'ouvrage eft bâti.
Avant que de finir un ouvrage j on prend
quelquefois la précaution de le faufiler ou
bâtir , pour l'efTayer. On dit au figuré , fe
faufiler , être mal faufile. Se faufiler , c'e'f
s'infinuer adroitement dans une compagnie.
Jltre bien ou mal faufile y c'eft avoir pris
des liaifons avec des hommes eftimés ou
ménrifés dans la fociété.
FAVIENS , f. m. pi. {Hifl. anc. ) nom
qu'on donnoic à Rome à de jeunes gens
qui dans les faciifices offerts au dieu Faune,
couroient par les rues d'une manière in-
décente , & n'ayant qu'une ceinture de
peau. Us étaient d'une inftitution très-an-
cienne > qu on fait remonter jufqu'à Ro-
rauius ik à • Rémus. Dicfionn. de Trcv.
& Chambers.
FAVILA;, roi d'Oviédo &i de Léon ,
( Hifl. d'Efp. ) Reflerrés par les Maures
conqiiératis de l'Efpagne , dans les vallées
(Ineûfes des Afturies , les Efpagnols, échap-
pés au maffacre de leurs compatriotes , &
conduits par l'illuftre Pelage dans cet afyle
inacccfTible , après avoir bravé peadant
plusieurs années les effort, réunis de ces
impitoyables dévaftnteurs , étoient fortis
eniui de leurs retraites , & avoicat à leur
F A V
tour , porté la terreur & la mort parmi
leurs ennemis. Animés par l'exemple de
leur fouverain , excités par le de.'ir de
venger leurs concitoyens , & de rentrer
fur les pofTeffions qui leur avoient été ra-
vies , le fuccès avoit couronné leurs incur-
fii)ns , & déjà ils avoient fondé le royaume
d'Oviédo & ceLîi de Léon , lorfque Iheu-
reux Pelage , couvert de gloire & courbé .
fous le poids des années , s'afTocia , de
l'aveu de la nation , & du confentemenc
de la nobleffe , le prince Fauila fon fils.
Favila fut digne , dit-on , par fa valeur ,
fa profonde fageffe , fes talens & fon ha-
bileté dans l'art de gouverner , du père ref-
pedable qui lui "cédoit une partie de fon
autorité , parce qu'il regaidoit cette aflb-
ciation comme le moyen le plus fur de
conferver , d'ajouter même à la félicité
publique , qu'il avoit fu fixer dans fes états.
Pelage ne furvécut que peu de temps à
cette afTociation ; & , à fa mort , Favila
fut proclamé en 7-57 , roi de Léon &
d Oviédo. Quelques hiftoriens affurent qu'il
profita , avec beaucoup d'intelligence ,
des haines mutuelles qui divifoient les
princes Maures , & qu'il eut dans les com-
bats qu'il leur livra , àes, fuccès éclatans ;
mais c'étoit vraifemblablement pendant la
vie de fon père qu il avoit remporté ces
viftoires , car fon règne fut trop court ,
pour qu'il eût le temps de faire contre
eux des expéditions bien confidérahles :
Mariana , fur la foi de quelques analiftes ,
vraifemblablement mal iniiruits , dit que
ce fouverain ne reffembla en aucune ma-
nière à fon prédécelfeur , c|u'il fi.it indolent
furie tr^ne , & d'une inconléquence extrême-
dans fa conduite. C^ependant il eft afluré
que ce n ême Farz7a s'étoit très-diftingué.
à la tête des armées , pendant les dernières
années du roi Pelage , (S; il n'eft pas vrai-
fcmblable qu'il fe fôit abandonné à l'indo-
lence , précifément loriqu il eut le plus
grand intérêt à montrer de l'adivité , de
la valeur , du zcle , & à donner de lui la
plus haute idée à (es îiijets , ainfi qu'aux
Maures , qui attendoicnt avec impatience
qu'un roi moins aftif que Pelage leur pré-
fentât l'occafion d'achever d opprimer &
de conquérir l'Efpagne. Au refte , l'hif-
tpire ne nous apprend rien de certain ^
F A V
foir fur le caraflere de ce puince , lorfqii'il
pofléda feul la couronne , foit fur les
eVt'nemens qui fe pafferent fous fon règne ;
on fait feulement qu'il ne garda le fccptrc
qu'environ deux ans , & qu il perdit la vie
avec la royauté par une aventure tragique
en 7j9 : un joiir qu'il étoit à la chafi'e ,
éloigné de tous ceux qui l'y avoient accom-
pagné , il fut déchiré & mis à mort par un
ours. Voîlâ tout ce qu'on fait du rcgne de
Fiit'ila ; mais fut-il bon ou méchant roi?
c'efl: ce que l'on ignore. { L. C.)
FAVISSE , f. f. terme cV Aiuiquaire. Fa-
TÏjp.i , fofle , ou plutôt chambre , voûte
fouterraine dans laquelle on garde quelque
chofe de précieux.
Ce mot paroît formé àc forijf.i , dimi-
nutif de fovea , fofîe.
l^cs fdvijje s , fuivant Varron & Aulu-
gelle , étoient la même chofe que ce que les
anciens Grecs & Romains appeloient the-
faurus , & non archwes & tre'for dans nos
e'glifes.
Varron dit que les favijfes , ou plutôt
iQsflai'iJJes , comme on le nommoitd'abord,
étoient des lieux dellinés à renfermer de
l'argent monnoyé : quos thefauros , dit-il ,
grceco nomine appellaremus , Latinos fla-
l'ijjds dixijje , quod in eas non rude ,ts , ar-
gentumque , fed Jlata , Jignataque pecunia
ionderetur. C'étoit donc des dépôts où l'on
confervoit les deniers publics , auffi - bien
que les chofes confàcrées aux dieux.
Il y avoit des Jln'iJ/ès au capitole; c'é-
taient des lieux fouterrains , murés &
voûtés , qui n'avoient d'entrée & de jour
que par un trou qui en étoit en haut , &
que l'on bouchoit d'une grande pierre.
Elles étoient ainfi pratiquées pour y con-
ferver les vieilles ftatues ufées qui tom-
boient , & les autres vieux mcu'oles &
iilîenflles confacres , qui avoient fervi à
l'ufage de ce temple ; tant les Romains
refpeâoient & confervoient religieufemcnt
ce qu'ils croyoient facré. Catnlus voulut
a'oaifî'er le rez-de-chaufTée du capitole ,
mais les fai'ijfes l'en empêchèrent.
Feftus en donne une autre idée , & dit
que c'étoit un lieu proche des temples ,
o?i il y avoit de l'eau. Les Grecs l'appe-
ïoient 'r-<P-^ôi , nombril , parce que c'étoit
ï2n trou rond. Aulugelle décrit cesfapijfes j
F A U 8p t
il les appelle citernes , comme FeHus , mais
apparemm.cnt parce qu'elles en avoient la
hgure. Ces deux notions ne font pas fore
difficiles à concilier : il eft certain que le
tréfor dans les temples des anciens Grecs ,
étoit aufïï une efpece de citerne , de réfer-
voir d'eau , de bain , ou de falle proche
du temple , dans laquelle il y avoit un ré-
fervoir d'eau , oij ceux qui entroient au
temple fe purifioient. Diâionn. de Tiév.
&: Chamhers. (G)
FAULTRAGE ou FAULTRAIGE,
f m. ( Jurifp. ) qu'on appelle dinffi pre'age ,
eft un droit de pacage dans les prés , qui
a lieu au profit du feignent dans la cou-
tume générale de Tours , & dans la cou-
tume des Efclufes , locale de Touraine.
Suivant Vart. loo de la coutume de
Tours , celui qui a droit de JMltrage eu
pre'age , doit le tenir en fa main , fans l'af-
fermer, foit particulièrement ou avec la
totalité de la feigneurie , &: il doit en ufer
comme il s'enfuit ; c'eft à favoir , qu'il eil
tenu de garder ou faire garder les prés
dudïcfaultrage ou pre'age ,• &: quand il met'
tra ou fera mettre les bêtes dudkfauhrage
ou piéage accoutumées y être mifes , il
doit les faire toucher de pré en pré , fans
intervalle : les bêtes qui au commence-
micnt dwdiit fiiultrage ou pie âge y ont été
mifes , ne peuvent être changées ; & fî
ces bêtes font trouvées fans garde , elles
peuvent être menées en prifon. Ceux qui
ont droit de mettre bêtes chevalines èc
vaches avec leurs fuites , n'y peuvent m.et-
fre que le croît & fuite de l'année feule-
ment.
Uarticle fuivant ajoute que fi faute de
garder les bêtes , elles font quelque dom-
mage , le feigneur en répondra ; & que s'il
ufe du faultmge ou pre'age autrement qu'il
eft porté en l'article précédent , il perdra
ce droit à perpétuité.
La coutume locale des Efclufes dit que
le feigneur de ce lieu a droit fei^neirial
de m,ettre ou faire mettre en fa pra.rie
des Efclufes , trois jumens avec leurs pou-
lains, & poudres de l'année ; que les fei-
gneurs des Efclufes ont toujours ou tenu
en leur main ce droit , ainii que bon leur
a femblé : que ni lui ni i^es fermiers ne fonc
tenus toucher ou faire toucher lefdites
V V V V v z
8p2 F A U
jumcns; mais que fon fcrgent praîrier eft
tenu les remuer depuis qu'elles ont été
quinze jours devers la Boyere des haies ,
& les mettre & mener en la prairie , du
cûte' appelé' la Marotte ,• auquel lieu ils font
trois femaines , & puis remifes du côté des
haies : mais que ni lui ni fon fermier ne peu-
vent changer les premières jumens mifes
dans cette prairie. Voye^ Préage. (A)
F AUNA, (ATy^/î.) la même que la bonne-
de'efîe. V. Bonne-déesse. Elle eft repre'-
fente'e fur les médailles comme le dieu Faune,
à l'exception delà barbe , & elle a été mife
par les Romains au nombre de leurs divini-
tés tutélaires.
FAUNALES , f. f. {Lltte'r.) en latin
faunalid , fêtes de campagne que tous les
villages en joie célébroient, dans les prairies,
deux fois l'année en l'honneur du dieu
Faune. Ses autels avoient acquis de la
célébrité , même dès le temps d'Evandre ;
on y brûloir de l'encens , on y répandoit
des libations de vin , on y immoloit ordinai-
rement pour vidimes la brebis & le che-
vreau.
Faune étoit de ces dieux qui païïblent
l'hiver en un lieu , & l'été dans un autre.
Les Romains croyoient qu'il venoit d'Ar-
cadieen Italie au commencement de février,
& en conféquence on le fêtoit le 1 1 , le 19
& le 1 5 de ce mois dans l'iile du Tibre.
Comme on tiroit alors les troupeaux des
étables , où ils avoient été enfermés pen-
dant l'hiver ; on faifoit des facrifices à ce
dieu nouvellement débarqué , pour l'inté-
refler à leur confervation ; & comme on
penfoit qu'il s'en retournoit au j de décem-
bre, ou , fuivant Struvius, le 9 de novem-
bre, on lui répétoit les mêmes facrifices ,
pour obtenir la continuation de fa bien-
veillance. Les troupeaux avoient dans cette
faifon plus befo-n que jamais de la faveur
du dieu , à caufe de l'approche de l'hiver ,
qui efl: toujours fort à craindre pour le
bétail né dans l'automne. D'ailleurs, toutes
les fois qu'un dieu quittoit une terre ,
une ville , une maifon , c'étoit une cou-
tume de le prier de ne point laifTer de
marques de fa colère ou de fa haine dans
les lieux qu'il abandonnoit. Voyez comme
Horace fe prête à toutes ces fotcifçs popu-
laires :
F A U
Faune , nympharumfugîentum àtnator
Per meos fines , & aprica rura
Lenis incedas , abeafque parvis
Ailquus aluinnis.
« Faune , dont la tendrefTe caufe les
» alarmes des timides nymphes , je vous
>3 demande la grâce que vous paffiez par
» mes terres avec un efprit de douceur ,
>3 & que vous ne les quittiez point fans
» répandre vos bienfaits fur mes trou-
>_j peaux >5. C'efl; le commencement de
l'hymne fi connue au dieu Faune , qui
contient les prières du poëte , les bienfaits
du dieu , & les réjouiflances du village.
Rien de plus délicat que cette ode , de
l'aveu des gens de goût ( Ode ri'iij, lli ■. III. )
le deffein en eft bien conduit , l'exprefTion
pure & légère , la verfification coulante, les
penfées naturelles , les images riantes &
champêtres. Article de M. le chevalier DE
Jaucourt.
FAUNE , f. m. Les faunes étoient ,
dans l'ancienne mythologie , des divinités,
des forêts , qui , fuivant l'opinion géné-
rale , ne différent point des Satyres. P^oy.
Satyres.
On a prétendu que les Faunes étoienc
des demi - dieux , connus feulement des
Romains ; mais ils font évidemment les
Fanes des Grecs , comme Saumaife l'a
prouvé après Tiurnebe : ainfi l'on peut dire
que leur culte eft un des plus anciens & des
plus répandus , & il paroît certain qu'il
faut en chercher l'origine dans l'Egypte.
L'incertitude attachée à cette recherche ,
ne doit pas en détourner un philofophe ,
homme de lettres. Si les diverfes opinions
des critiques le réduifent à dire avec Cotta
dans Cicéron , /. /// , c. l'j , de naturu dco-
rum : Faiimis omnino quid fit, nefcio, il trou-
vera du moins un vafte champ de réfîexions
dans les terreurs paniques , les incubes , les
hommes fauvages , Ùc.
M. Pluche , dans fon ht fiai re du ciel,
tom. I , rapporte avec beaucoup de vraifem-
blance le nom des Faunes & des Satyres à
deux mots hébreux qui défignent les maf-
ques dont on fe fervoit dans les fêtes de
Bacchus. Un Faune qui fe joue avec ua
mafque , & qu'on voit dans Beger , thef.
Brundehirg. tom. I,p. I3i^ t. III,p-S.5Zr
F A U
paroit confirmer cette étymologie : peut-
être aiiffi fait- il alliifion aux comédies
fatyriques. Avcnariiis avoit tiré de même
le nom des Satyres de l'hébreu fatar. Le
mot fdtar en arabe, veut dire un houe ,
fuivant la remarque de Bochart , Hiero\oï-
con , p. /, p. m. b's^. On fait que les Satyres
reflembloient aux boucs par la moitié
intérieure du corps. 11 femble qu'on ne peut
contefter cette étymologie ; mais celle
que donne des Pans ou Faunes le même
lîochart, Geog. fcic. p. m. 444, n'eft pas
aufTi heureufe : il dérive leur nom , comme
avoit fait Plantavitius , qu'il ne cite pas ,
de la racine hébraïque pun , il a héfité ,
il a été abattu , ce qu'il explique des frayeurs
paniques. C'clt au culte des boucs qu'on
adoroit en Egypte , que celui des Faunes &
des Satyres femble avoir dû fa naiffance.
Maimonide, àansle More Nepoc/ïim,p. III,
c. xL j , obferve que le culte honteux des
démons éroit , fous la forme des boucs ,
fort étendu du temps de Moyfe ; & que
Dieu le défendit par une loi expreffe {Levit.
XVII, 7, ) aux Ifraélites, qui s'en étoient
fouillés jufqu'alors. Maimonide explique
fort bien au même endroit , pourquoi le
bouc du facrifice ordonné au commence-
ment de chaque mois {Numer. XXVIII ,
25 , ) efl dit offert pour le péché à Jehova ,
Chattath LiJonai ; ce qui n'eft pas fpécifié
des boucs qu'on immoloit dans les autres
principales fêtes. C'eft , dit-il , pour em-
pêcher les Ifraélites de penfer au bouc de
la Néoménie, que les Egyptiens facrifioient
à la lune. Cette explication naturelle efl
bien différente de la fable aufTi impie que
ridicule , imaginée par les rabbins ; ils difent
que Dieu demande un facrifîce d'expiation
pour le péché qu'il a commis lui-même, en
diminuant la grandeur de la lune, primiti-
vement égale à celle du foleil. P^. Lifyndgo-
gue judaïque de Jean Buxtorf , p. m. ^'/6 ,
577, ? 55; & le philologus hehrxo-mixtus
de feufden , p. gi.
R. Kimchi a écrit que les démons fe fai-
foient voir à leurs adorateurs fous la figure
d'un bouc , & c'eft là le çâ-^arf^ya dont
parle Jambliquc. Ces apparitions étoient
d'autant plus effrayantes , que tous les
Orientaux étoient perfuadés qu'on fie pou-
voit voir impunément I4 face des dieux.
F A U S^^
Voyei les notes de Gxoùusfur les verf. %o &
X^ du crente-troijieme chapitre de l'exode.
On peut conjedurer que les terreurs pani-
ques font ainfi dites de panirn {((""t dans
Homère) , forme , figure , parce que des
fantômes fubtilsaffeôoient vivement l'ima-
gination échaufiée qui les avoit produits.
On lit dans Servius, fur le commencement
du premier livre des Géorgiques de Virgile ,
que ce fut au temps de Faunus , roi d Italie,
que les dieux fe dérobèrent à la vue des
mortels. Cette époque eft très-incertaine ,
s'il y a eu deux Faunes , roi des Aborigènes ,
qui aient régné dans des temps très-éloignés
l'un de l'autre , comme l'affurent Manéthon,
Denysd'Haiicarnafl'e , Ùc.
Servius confond ailleurs Faunus avec
Pan , Ephialtes , incab's. S. Auguftin,
de ciritate Dei , hl>. XV, c. xxiij , croit
qu'il faut s'armer d'impudence pour nier
que les Sylvains & les Pans ne foient des
incubes ; ou qu'ils n'aient de l'amour pour
les femm.es , ou qu'ils ne le fatisfafîent avec
violence. Il nous fait conno'itre des démons
que les Gaulois appeloient Dujii, & qui
étoient aufïï libertins. Voye^ l'anule
Incube.
Bochard , Géog.fac. pag. m. ^84 , prétend
que le règne de Faune en Italie eft forgé par
ceux qui n'ont pas connu que Faune & Pan
ne faifoient qu'un. Il cite , pour prouver
que Pan étoit un des capitaines de Bac-
chus , plufieurs auteurs , & Nonnus entr'au-
tres ; il n'a pas pris garde que Nonnus ,
Dionyjiac. lib. XIII, p. m. 370 , dit aufïï
que Faune abandonna l'Italie pour venir
joindre le conquérant des Indes.
II eft parlé des Faunificarii dans la ver-
fion faite par S. Jérôme d'un paflage de
Jéréniie , ch. l. v. ^g , pafTage fufceptible
dans l'hébreu d'un fens fort différent. Bc-
chart explique ceficarii , des fies ou tuber-
cules qu'on voit au vifage des Satyres.
Quelques-uns lifent/r'cj/ù', & l'on peut en-
tendre alors des Faunes incubes ou ftiifo-
quans.
Dans le traité attribué à Heraclite , f^n
a.vl'sm c. xxp , on voit que les Pans & les-
Satyres étoient des hommes fauvages qui-
habitoient les montagnes : ils vivoient fans>
femmes; mais dès qu'ils en voyoient quel--
qu'uree , elle devenoit commune entr'cu.x,-
894 PAU
0 1 leur attribua le poil & les pies de bouc ,
à caufe qu'.Is négligeoienc de fe laver , ce
qui les failoïc fentir mauvais ; & on les re-
gardoit comme compagnons de Bacchus ,
parce qu'ils cultivoient les vignes. Le paf-
fage grec eft corrompu , il femble qu'on
ne s'en elt point apperçu. Le dodeur
Edouard Tyfon , àansV cjfai philologique fur
les Pygmées , les Cynocéphales , les Satyres
& les Sphinx des anciens , qu'il a mis à la
fuite de fon anatomie de V Orang-outang ,
veut que les Satyres ne foient point des
hommes fauvages , mais une efpece de fin-
ges qu'on trouve en Afrique {aigopithecoi.)
11 combat Tulpius & Bontius par des rai-
fons qui paroiflent affez foibles , & il s'ap-
puie beaucoup pour ranger les Satyres dans
la ciafle des iînges , de l'autorité de Phi-
loflorge ; mais c'eft un auteur fabuleux ,
puifquil confirme l'hiftoire du phénix , p.
m. 4CJ4. y de l'édit. de Cambridge , des
hiftoriens eccléfiaftiques. Ce qui cû plus
fuigulier encore , c'eft que Phiioftorge
dilHngue évidemment le Pan ou Faune du
Satyre , contre le fentiment de Tyfon ; &:
que Tyfon reproche à Albert le Grand
de faire une chimère du Satyre , qu'il ap-
pelle/!i/o/u5 , parla defcription qu'il en don-
ne ; defcription néanmoins entièrement
conforme à celle de Philoftorge.
Les premiers conducteurs des chèvres
ont peut-être donné lieu à la fable des
chevrepiés , de même que les plus anciens
cavaliers qu'on ait connus , ont pafTé pour
des centaures ; car je ne penfe pas qu'on
veuille recourir aux pygmées , que Pline
nous dit avoir été m.ontés fur des chèvres
pour combattre les griies.
Munfîer , dans fes notes fur la Genefe ,
II, j? , Ù furie Le'i-'itique y XJflI , 7, a
recueilli fur les démons , ■rfayoij^p(poi Faunes
Satyres, Licubes , des choies curieufes ti-
rées des rabbins. Cette compilation a dé-
plu à Fagius , qui dit fur ce dernier pafta-
ge , qu'il ne rapporte des rabbins que ce
qui efl; utile pour fintelligence du texte ;
ce qu'il avoit annoncé dès la préface de
fon livre. Il peut avoir raifon en cela ; mais
je doute qu'il eût le droit d'attaquer ,
même indiredement , Munfter , qu'il co-
pie mot à mot en un très-grand nombre
4endroits.
F A U
Quelques dodeurs Juifs ayant à leur téf«
Abraham Seba , dans fon tiefor hammor ^
ou fafciculus myrrlux , enfeignent que Dieu
avoit déjà créé les âmes des Faunes , Saty-
res , ùc. mais que prévenu par le jour du
fabbat , il ne put les unira des corps , &
qu'ils refterent ainfi de purs efprits £^ des
créatures imparfaites. Ils craignent le jour
du fabbat , & fe cachent dans les ténèbres
jufqu'à ce qu'il foit paflé ; ils prennent
quelquefoisdes corps pour effrayer les hom.-
mes; ils font fujets à la mort , ils appro-
chent de fi près par leur vol des intelli-
gences qui meuvent les orbes celeftes ,
qu'ils leur dérobent quelques connoi-
fances des événemens futurs , quand ils
ne font pas trop éloignés ; ils changent les
influences dcsaltres , &f. &t. 6v. (g)
M. Tabbé Winckelmann , dans Vhifioire
de Uart che\ les anciens , tome II , obferve
que les Étrufques repréfentoient les Faunes
avec des pies d'homme , ou avec des
piés de cheval : mais il les diftinguoit
alors derrière le dos en y plaçant une
queue de cheval. Dans le fécond volume ,
pag, z6'-j , il ajoute cette obfervation efTen-
tielle : " Le beau idéal de la première
efpece , qui eft le beau viril & naturel , a
fes difFérer.s degrés , & le premier degré
eft celui que les artifles donnèrent aux
Faunes , comme aux dieux les moins puif-
fans. Les plus belles ftatues des Faunes
repréfentent une jeunefTe mûre , dans
un état de perfedion virile; & cette fleur
de jeunefle ne fe diftingue de celle des
jeunes héros que par fon air de fimplicité
& d'innocence. Tout cela étoit conforme
à l'idée commune des Grecs touchant ces
divinités champêtres : quelquefois ils leur
donnoient une mine riante avec des poireaux
barbus pendans fous les mâchoires ,
comme aux chèvres. Telle eft une des
plus belles têtes de l'antiquité ; je dis une
des plus belles par rapport au travail ,
elle a appartenu au célèbre comte de
Marfigli : elle eft à préfcnt dans la ville
d'Albani. Le Faune dormant du palais
Barberini n'eft point un beau idéal , mais
une image vive de la fimpîe nature aban-
donnée à elle-même. Un auteur moderne
qui parle de la peinture en profe & en
vers, a eu tort d'avancer que les artiftos
F A U
Grecs avoient choifi la nature d es Faunes
pour repréfeiiter une proportion lourde
& mal adioite ; il ajoute que l'on recon-
noiiroit ces demi-divinitcs à leurs grofies
têtes, à leurs cous courts , aux épaules trop
^levées à l'eitomac petit , aux cuifTes , &
aux genoux gros , aux pic's plats , épais , é'^r.
eft-il poiïlble d'avoir des idées auffi bafles
& aufli faufîes de l'antiquité? C'cft une
hérélie dans l'art. »
Dans les lettres fur Hercuhne publiées
par M. Seigneux de vJorrevon, 2. vol. in-n,
à Yverdon, com. II , pj.g. zGS , l'auteur
cbferve que les anciens confondoient fou-
vent les Faunes , les Satyres , les filenes ,
& les titres , comme on le voit dans les
Jdiles de Théocrite, & dans les Me'ca-
morphofts d'O/ide Les Satyres éioient
nommésr/'r/7fjc]iczlesDoriens , ils jouoient
d'une efpece de fifre : on donnoic le nom
àe titires àvw bergers qui jouoient de l'inf-
trument dont il s'agit. Pan étoit la divinité
commune , il étoit l'inventeur de l'inftru-
ment de munque appeléyr/?u/a .• Ion don-
noir le nom de panes à ceux qui jouoient
de la flûte de Pan. Les Faunes , ainfi que
les titires , étoient fouvent repréfentés
comme les autres hommes , fans cornes
& fans queue ; ils étoient uniquement: dif-
tingués par le pedum , qui eft le bâton
paftoral recourbé par un bout , & par une
peau qui couvroit une partie de leur corps ;
elle étoit placée en bandoulière. On peut ,
fur les Faunes , confulter les mémoires de
t académie des Infcriptions de Paris , & les
recueils des antiquités égyptiennes, étrufques,
grecques ù romaines , par M. le comte de
Cayliis. Lilius Gyraldus de diis gentium ,
ou plutôt la collection curieufe des mytho-
logues , qui a pour titre : Caii Julii Ilygini
jlugufti Libertifabulxrwn liber : item FaLv-
phati de fabulojis narrationibus : item F.
Fulgentii Placiadis epifcopi mythologiarum
liber : item Phurnuti de natura deorum :
item ^Ibrici de deorum imaginibus , &C.
JBa/ileee , in-fol. ex oficina Heruagiana ,
2570. {V. A. L)
FAVORABLE, {Marine.) vent favo-
rable , c'eft un vent qui porte vers l'en-
^droit où l'on veut aller , ou à la route
qu'on veut faire. Voye\ VenT , AUSB ,
F A U 8g;
FAVORI , FAVORITE , adjeft. m.
& f {Hijh Ù moral.) Voye^ Fav EUR. Ces
mots ont un fciistantJt plus refferré , tan-
tôt plus étendu. Quelquefois /jro/v em-
porte l'idée de puiflance, quelquefois feu-
lement il lignifie un homme qui plaît à fon
Uiaître.
Henri III eut des favoris qui n' étoient
que des mii^nons ; il en eut qui gouver-
nèrent l'état , comme le duc de Joyeufe
& d'Epernon : on peut comparer un favori
à une pièce d'or , qui vaut ce que veut le
prince. Un ancien a dit : qui doit être le fa-
vori d'un roi ? c eft le peuple. On appelle les
bons poètes les favoris des mufcs , comme
les gens heureux les favoris de la foi tune ,
parce qu'on fuppofe que les uns & les au-
tres ont reçu ces dons fans travail. C'eft ainfî
qu'on api;e,le un terrain fertile & bien fitué
le favori de la nature.
La femme qui plaît le plus au fukan
s'appelle parmi nous la fultane favorite ; on
a fait Ihiftoire àcsfavorites , c'eft-i-dire ,
des maîtreffes des plus grands princes. Plu-
fieurs princes en Allemagne ont des mai-
fons de campagne qu'on appelle la favorite.
Favori d'une dame , ne fe trouve plus que
dans les romans & les hiftorietces du fiecle
palîé. F'cy'f^ Faveur. Article de M.i>E
V0LTAIB.E.
FAU-PERDRIEUX , [Vénerie) c'eft-
à-dire , faucon-perdrieux, faucon qui prend
des perdrix. V. Faucon.
FAUSSAIRE, fuh. m. {Jwifprud.) eft
celui qui a commis quelque faulTeté , foit en
fabriquant une pièce fuppofée , foit en al-
térant une pièce qui écoit véritable. Voye\
ci-après FAUX. {A)
FAUSSER LA COUR ou LE JUGEMENT ^
{Jurifpr.) falfare judicium , ainfi que l'on
s'expnmoit dans la bafte & moyenne lati-
nité; c'étoit foutenir qu'un jugement avoit
été rendu méchamment par des juges cor-
rompus ou par haine , que le jugem.enc
étoit faux & déloyal.
Pour bien entendre ce que c'étoit que
cette manière de procéder , il faut obfcr-
ver qu'anciennement en France on ne qua-
lifioit pas d'appel la manière dont on atta-
quoit un jugem.ent ; on appeloit cclafauffer
le jugement ou accufation de fauïïeté de ju-
gement , ce qui fe taifoit par la bataille ou
Se/ F A U
le duel , fuivant le chap. iij , des aflifes de 1
Jériifalem qu'on tient avoir été rédigées
l'an 1099.
Dans les chartes de commune du temps
de Philippe Augufle , fous lequel les baillis
& fénéchaux ctoient répandus dans les pro-
vinces , on ne trouve point qu'il y foit
mention de" la voie d'appel , mais feulement
d'accufation de faiijjeté de jitgemens & de
duel ou gages de bataille pour prouver
cette accufation ; enforte que fi les
baillis s'entremettoient de la juflice en
parcourant les provinces , c'étoit officio
judicis.
Il eft parlé de l'accufation de/aujpte du
jugement dans une ordonnance de S. Louis ,
faite au parlement de la Chandeleur en
1260, & inférée en fes établifFemens , Ih'.
J , chjp. vj , qui porte art. 8 , que fi aucun
xemfauJJ'er le jugement au pays où il appar-
tient , que jugement fou faujje' ( ce pays
étoit fans doute le pays coutumier ) , il
n'y aura point de bataille ; mais que les
clains ou adions , les refpons , c'eft-à-dire ,
les djfenfes & les autres deftrains de pla ,
feront apportés en la cour , que félon les
erremens du plet on fera dépccier le juge-
ment ou tenir , & que celui qui fera trouvé
en fon tort , l'amendera félon la coutume
de la terre.
Selon Beaumanoir , dans le clup. Ixi'ij,
de fes coutumes de Beauraifis , pag. ^J^j ,
à la fin , " il étoit deux manières àejauf-
ferle jugement , dcfquels lieux des appiaux,
c'eji-à-dire , appels , fe dévoient mener
par gages ; c'étoit quand l'on ajoutoit
avec l'appel vilain CAS : l'autre fe devoir
démener par ERREMENS , fur quoi li juge-
ment avoit été fait. Ne pourquant fe len
appeloit de faux jugemens des hommes
qui jugeoient en la cour le compte , & li
appellieres {V appelhnt) ne mectpit en fon
fippcl VILAIN CAS , il étoit au choix de
cheluy contre qui l'on vou\o\tfauJ/er juge-
ment , de taire le jugement par gages
devantle comte & devant fon confeil, &<:.»
On voit par ce que dit cet auteur , que
les jugemens fe faujj'oient , ou par de'jaut
de droit ou déni de juflice , c'eft-à-dire ,
lorfqu'ils n'étoicnt pas rendus juridique-
ment j ou parce qu'ils étoicnt faiillbmcnt
F A U
rendus. Celui qui prcnoit cette dernière voie
devoit , comme dit Pierre de Fontaines en
fon confeil , chap. xxij , art. ig , prendre
le Je igné ur à partie en lui dijant : je faufl'e le
mauvais jugement que l'eus m'ai'ey^fait par
loyer que l'ous en ai'e\ eu ou promejje , &:c.
Beaumanoir dit encore à ce fujet , pag,
^1$ , que les appels qui étoient faits par
dejaut de droit , ne dévoient être déme-
nés par gages de bataille , mais par mon-
trer refons , par quoi le défaute de droit
fût clair , & que cesVaifons convenoient il
avérer par tefmoins loyaux fi elles étoient
niées de celui qui étoit appelé de défaute
de droit : mais -que quand les tefmoins ve- .
noient pour témoigner en tel cas , de quel-
que partie que ils vinflent , ou pour l'ap-
pelant ou pour celui qui étoit appelé ,
celui contre qui ils vouloient témoigner
pouvoit , fi il lui plaifoit , lever le fécond
tefmoin & lui mettre fus que il étoit faux
&: parjure , & qu'ainfi pouvoient bien naî-
tre gages de l'appel qui étoit fait fur défaut
de droit , &c.
L'accufation de faujfctés contre le juge-
ment , étoit une efpece d'appellation inter-
jetée devers le feigneur lorfque le juge-
ment étoit faufil' contre \cs.jugeurs^ & dans
ce cas le feigneur étoit tenu de nommer
d'autres juges : mais (i le feigneur lui-même
étoit pris à partie , alors c'étoit une appel-
lation à la cour fiipérieure.
On ne pouvoit fauj/er le jugement rendu
dans les juftices royales. A l'égard de ceux
qui étoient émanés de jufiices feigneuriales,
il falloir faujjer le jugement le jour même
qu'il avoir été rendu. C'cft fans doute par
une fuite de cet ufage que l'on étoit autre-
fois obligé d'appeler illico.
Celui qui étoit noble devait fauJJer le juge-
ment ou le reconnoître bon ; s'il \e/aijJ/ott
contre le feigneur, il devoit demander à le
combattre & renoncer à fon hommage. S'il
étoit vaincu , il perdoit fon fief: fi au con-
traire il avoir l'avantage , il étoit mis hors
de l'obJiffance de fon feigneur.
Il n'étoit pas permis au roturier de
faujfer le jugement de fon fei^'neur ; s'il le
faujjhit , il payoit l'amende de fi loi ; & lî
le jugement étoit reconnu bon , il payoit en
outre l'amende de 60 fous au feigneur , &_,
une
F A U
une pareille amende à chacun des nobles
ou pofîeireurs des fiefs qui avoient rendu
h jugemeïit.
Les règles qr.e Ton fuivoit dans cette
accuiation, font aind expliquées dans ditiij-
rens chapitres des éta'oliflemens de faint
Louis.
Dcfontaines , c/z. xiij Ù xxiij , dit que fi
aucun eil qui défait faux jugement en coure,
il a perdu rJpons. Voyc^ M. Ducange, fiir
les étj.bUjJ'emens de S. Louis , p. 16 z. (A)
Fausse attaque, cei\, dans la guerre
dt s lièges, une attaque qui n'a pour objet que
de partager les forces de l'ennemi , pour
trouver moins de rJfiflance du côté par où
l'on veut pénétrer.
On fait ordinairement wnz f.iuJJ'e-attaque
dans un fiegeOn en faitauffi dans i'efcalade.
Voy. Attaque & Escalade.
Il arrive quelquefois que \:\ faujfe- attaque
devient la véritable , lorfqu'on éprouve
moins de réfifiance du côté qu'elle fe fait ,
que des autres cùtés.On fait encore de_/à?{//t'j--
attaques , lorfqu'on veut torcer des lignes &
des retranchemens. (Q)
FaUSSE-BR-AYE , c eft , dans la fortifi-
cation , une féconde enceinte au bord du
fofTé ; elle confifte dans une efpace de quatre
ou cinq toifes au niveau de la campagne ,
entre le bord du folié & le cùté extérieur
du rempart , couvert par un parapet conf-
truit de la mémo manière que celui du rem-
part de la place. L'ufage de h faujfe-braye
efi de défendre le foffé par des coups , qui ,
étant tirés d'un lieu moins élevé que le
rempart , peuvent plus facilement être diri-
gés vers toutes les parties du fofTé. Marolois
Fritach , Doten , & plulîeurs autres au-
teurs, dont 'es confîruftions ont été adop-
tées des Hollandois , faifoienr des/:;{/7^5-
brayes à leurs places. On ne s'en lert plus
à préfent ; parce que l'on a obfervé que
lorfque l'ennemi étoic maître du chemin-
couvert, il lui étoit aifé de plonger du haut
du glacis dans les faces de la faufje-braye ,
& de les faire abandonner ; enforte qu'on
ne pouvoit plus occuper que la partie de
cet ouvrage vis-à-vis la courtine. Quand
ie rempart étoit revêtu de maçonnerie ,
les éclats , caufés par le canon , rendoient
auiïi cette partie très - dangereufe : les
bombes y faifoient d'ailleurs des dcfordres ,
Tome XI IL
F A U §p7
auxquels on ne pouvoit remédier. Ajoutez
à ces inconvéniens la facilité que donnoic
hfauj/e-biaye pour prendre les places par
l'cfcalade , lorfque le fofTé étoit fec. Lorf-
qu'il étoit plein d'eau , h faujj'e-braye fe
trou voit également aceeflihle dans les
grandes gelées. Tous ces défavantages onc
afTez généralement engagé les ingénieurs
modernes à ne plus faire àa fauffc-braye , li
ce n'eft vis-à-vis les courtines , où les
tenailles en tieraient lieu. V. TENAILLES.
La citadelle de Tournay , conflruite par
M. de Megrigny , & non point par M. de
Vauban , comme on le dit dans un ouvrage
attribué à un auteur très - célèbre , avoic
cependant une /jv^-_^7\ryf. Mais M. de
Folard prétend que cet ouvrage lui avoir été
ajouté , pour corriger les défauts de la pre-
mière enceinte. .(P)
Fausses-cûtes , {Anat.) on donne ce
nom aux cinq eûtes inférieures de chaque
côté , dont les cartilages , ne s'attachent
point immédiatement au flernum. Le dia-
phragme qui tient à ces cinq côtes par fon
bord circulaire , laifTe dans les cadavres
couchés fur le des , un grand vide qui
répond à ces côtes , & qui renferme l'efio-
mac , le foie , la rate. Comme ces vifceres
font àks naturels, M. ZVlonro croit qu'ils ont
fait appeler les côtes correfpondantes ,
bâtardes ouf.utffes. V.fon anatomie des os ,
troifieme édition , p. 22.?. Il efl plus vrai-
femblable qu'on a confidéré qu'elles étoiene
pluscartilagineufes, moins offeufes, &m.oins
vraies en ce fens , que les fupérieures. J^oy.
Côtes, 'g)
Fausse-couche , f. f. {Phyfiol. Méd.
Droit policiq. ) expulfion du fatus avant
terme.
En efFet , comme une infin'té de caufes
s'oppofent Ibuvent à l'accroiflement du
fœtus , dans l'utérus , & le chi'fTent dir
fein maternel avant le temps ordinaire ;
pour lors la fortie de ce fœtus hors de la
matrice avant le terme prefcrit par la
nature , a été nommée faufj^e - couche ou
ai'ortement.
Je fais que les médecins & les chirurgiens
polis emploient dans le difcours le premier
mot pour les femmes ,.& le dernier pour
les bctes ; mais le phyficien ne fait guère
d'attçntion au choix fcrupukux des ter-i
Xxxxjç
£pS F A U
mes , quand il eft occupa de l'Importance
de la chofe : celle-ci intérefTc tous les
îiommes, puifqu'il s'agit de leur vie dès
le moment de la conception. On ne fauroit
donc trop l'envifager fous diverfes faces ;
& nous ne donnerons point, d'excufe au
ledeur pour l'entretenir plus au long fur
cette matière , qu'on ne l'a fait fous le mot
avortement: il eft quelquefois indifpenfable
de fe conduire ainii pour le bien de cet
ouvrage.
Les lignes préfomptifs à\mc faiijfe-coiicke
prochaine , font la perte fubite de la gorge ,
lévacuation fpontanée d'une liqueur fé-
xeufe , par les mamelons du fein ; l'afFaif-
fement du ventre dans fa partie fupérieure
& dans fes côtes ; la fenfation d'un poids &
d'une pefanteur dans les hanches & dans
les reins , accompagnée ou fuivic de dou-
leurs ; l'averfion pour le mouvement dans
les femmes aftives i des maux de tête,
d'yeux, d'eftomac; le froid , la foiblefle,
une petite fièvre , des friflbns , de légères
convuUions , des mouvemens plus fréquens
& moins forts du fœtus , lorfque la groflefie
eft aflez avancée pour qu'une femme le
puiflefentir. Ces divers fignesplus ou moins
marqués, & fur-tout réunis , font craindre
Viiej'aujji-couclf-e , & quelquefois elle arrive
fans eux. On la préfume encore plus iûre-
ment par les caufes capables de la procurer,
& par les indices du fcetus mort , ou trop
ibible.
Les fignes avant - coureurs immédiats
d'une faujje-couche , font l'accroiffement
& la réunion de ces fymptomes , joints à
la dilatation de l'oriHce de la matrice , aux
envies fréquentes d'uriner , à la formation
des eaux , à leur écoulement , d'abord puru-
lent, puis fanglant ; enfuite à la perte du
fang pur ; enfin à celle du fang grumelé , ou
de quelque excrétion femblable & extraor-
dinaire.
Les caufes propres à produire cet efFet ,
quoique très-nombrculi;s , peuvent com-
modément fe rapporter, i"- à celles qui
concernent le fœtus , fes micmbranes ,
les 1 queurs dans lefquelles il nage , fon
cordon ombilical , & le placenta ; 2.^. à
L'utérus même ; 3*^. à la mère qui eft
enceinte.
Le fœtus trop foiblc , ou, attaqué, de qupl-
F A U
que maladie , eft fouvent expulfé avant le
terme ; accident qu'on tâche de prévenir
par des corrohorans: mais quand le fœtus
eft mort, monftrueux , dans une fituation
contraire à la naturelle , trop gros pour
pouvoir être contenu jufqu'au terme , ou
nourri par la mère ; lorfque fes membranes
font trop foibles , lorfque le cordon eft
trop court , trop long , noué ; il n'eft poiYit
d'art pour fiéveim la fauJJe-couche. 11 eft
encore impollible qu'une femme , ayant
avorté d'un des deux enfans qu'elle a con-
çus, puifte confervcr l'autre iufqu'à tcrmej
car l'utérus s'étant ouvert pour mettre
dehors le premier de ces enfans , ne fe
referme point que l'autre n'en foit chafle.
Le cordon ombilical étant une des voies
communicatives entre la mère & le fœtus ^
toutes les fois que cette communication
manque , la mort du fœtus & l'avortement
s'enfuivent. La même chofe arrive quand
les enveloppes du fœtus fe rompent , parce
qu'elle» donnent lieu à l'écoulement da
liquide dans lequel .1 nageo't.
Le fœtus reçoit principalement fon ac-
croifTement par le placenta , & fa nourri-
ture par la circulation commune entre lui
& la mcrc. Si donc il fe fait une féparatica
du placenta avec l'utérus , le fang s'écoule
tant des artères ombilicales que des artères
utérines., dans la cavité de la matrice; d'où
fuit nécelTairement la m.ort du fœtus, tandis
que la mère elle-même eft en grand danger. Si
l'on peut empêcher les caufes de cette fépara-
tion,on préviendra ravortement;c'eft pour-
quoi les femmes fanguines , plétoriques ,
oifives , & qui vivent d'alimens fucculens ,
ont belbin de faignées réitérées depuis le
fécond mois de leur grofteffe, jufqu'au cinq
ou fixieme , pour éviter une fai/J/e-couche.
Elle- doit encore arriver , fi le placenta
devient skirrheux , ou s'il s'abreuve de fé-
rofités qui ne peuvent convenir à la nourri-
ture du fœtus.
L'utérus devient au/Ti très-fouvent par
lui-même une caufe fréquenrc des futij/és-
couches; i'^. par l'abondance du mucus,»,
qui , couvrant fes parois intérieures , donne-,
une union trop foibleau p'acenta ; 1''. lorf-
que cette partie eft trop délicate ou trop
petite pour contenir le fœtus ; 3'. fi fon
orifice, eft trop relâché , comme dans les.-.
F A U
femmes attaqiK^cs de fleurs blanches ; 4*.
fl un grand nombre d'accouchemens où
d'avorremens ont pre'cédJ ; f^. dans toutes
les malad.es de cette partie , comme l'in-
flammation , riu're'fipcle , l'hydropifie , la
callofité , le skirre , la paflion liyftérique ,
quelque vice de conformation, £fc. 6®. dans
des blefïïires , des contufioas , le refTurre-
ment du bas-ventre , la compreffion de
l'epiploon , & tout autre accident qui peut
charter le fœtus du Tein maternel.
Les difFc'rentes caufes qui , de la part de
la mère, produifent \d/aitJ/è-couche , font
certains remèdes évacuans , propres à ex-
pulfer le fœtus : tels que les cantarides ,
l'armoife , l'aconit , la labine , les emmé-
nagogues , les purgatifs , les vomitifs , les
fumigations, les lavcmens ; toutes les paf-
fions vives , la colère iSc la frayeur en par-
ticulier ; les fréquens vomifFemens , les
fortes toux , les grands cris , les exercices ,
danfes , fauts , & fecouffes violentes ; les
efforts , les faux pas , les chûtes , les trop
ardens & fréquens embrafll-mens, les odeurs
ou vapeurs dcfagréables & nuifibles à la
refpiration , la pléthore ou le manque de
fang , la diète trop févere , le ventre trop
prefTé par des bufques roides , ou par lui-
même trop long-temps rcfierré ; des fai-
gnées & des purgations faites à contre-
temps , la foiblefléde la conftitution ; enfin
toutes les maladies tant aiguës que chroni-
ques, font l'origme d'un grand nombre de
faiijfes-couches.
C'eft pourquoi il faut toujours diriger
les remèdes à la nature Àe la maladie , &
les diverfifier en conféquence des caufes
qu'on tâchera de connoître par leurs fîgnes:
ainfi les faignées réitérées font nécefîhires
dans la pléthore ; la bonne nourriture, dans
les femmes foibles & peu fanguines ; les
corroborans généraux & les topiques , dans
îe relâchement de l'orihce de Tutérus , Ùc.
Enfin fi les caufes qui produifent l'avorte-
ment , ne peuvent être ni prévenues ni
détruites , & qu'il y ait des fignes que le
fœtus eft mort , il faut le tirer hors de l'u-
térus par le fecours de l'art.
Nous manquons d'un ouvrage particulier
fur les fauJfes-coHchfS ; car il faut compter
pour rien celui du fieur Charles de Saint-
Germain , qui parut en j66j in-Z"^. Un
F A IT 8p^
bon traité dema?nderoit un homme égale-
mei\t yerfé dans la théorie & la pratique.
Il fcroit encore à defirer que dans un ou-
vrage de cette nature , on réduisît fous
un certain nombre d'aphorifmes , les vé-
rités inconteftables qui nous font connues
lur le fujet des avortemens. J'en vais
donner quelques exemples pour me faire
entendre.
1". L'avortement eft plus dangereux &
plus pénible au fixicme, fepticme, & hui-
tième mois , que dans les cinq premiers ;
& alors il eft ordinairement accompagné
d'une grande perte de fang.
1°. H eft toujours funefte à l'enfant, ou
dans le temps même de h JjuJJe-couche ,
ou peu de temps après.
3**. Les femmes d'une conftitution lâche
ou dont quelques accidens ont affoibli là
matrice , avortent le plus facilem.ent.
4'. Cet accident arrive beaucoup plus
fouvent dans les deux ou trois premiers
mois de la grofTelIe , que dans tous les
autres.
$". Comme la matrice ne s'ouvre qu'à
proportion de la petitefle du fœtus , l'on
voit aftez fréquemment que l'arriere-faix
dont le volume eft beaucoup plus gros ,
refte arrêté dans l'utérus pendant quelque
temps.
6''. Dansles fauj/ès-couckes au deffousde
cinq ou fix mois, il ne faut pas .beaucoup
fe mettre en peine de réduire en une bonne
figure les fœtus qui fe préfentent mal ; cat
en quelque pofture que foient ces avortons,
la nature les expulfe aiTez facilement à caufe
de leur petitefTe.
7°. La gro fleur des fœtus avortons morts
ne répond pas d'ordinaire au terme de la ■
grofTefle ; car ils n'ont communément ,
quand ils font chaffés de l'utérus , que la
grofteur qu'ils avoient lorfque leur principe
de vie a été détruit.
S''. Quand ils font expulfés vivans, ils
ont rarement de la voix avant le fixieme
mois , peut-être parce que leur poumon
n'a pas encore la force de pouffer l'air
avec affez d'impétuofité pour former au-
cun cri.
9". hes/aujjes-coitches rendent quelque-
fois des femmes fécondes qui ont été long-
Xxxxx 2.
5C0 TAU
remps ftJriles par le défaut des règles , foit
en quantité , foit en qualité.
lo**. Les femmes fujettes à de fréquentes
faujfes-couchtis , produites par leur tempé-
rament , doivent avant que de fe mettre
«n état de concevoir^ fe priver pendant
cjuelques mois des plaifirs de l'amour , &
jilus encore dès qu'elles feront grofles.
1 1°. Si le fœtus eft mort, il faut attendre
l'avortement fans rien faire pour b hâter :
excellente règle de pratique.
1 1°. Les précautions qu'on prend contre
l'avortement pendant la grodelfe , ne réuf-
fifTent pas aulfi foL'.vent que ce'les que l'on
prend entre l'avortement & la grofiefîe
qui fuit.
13^. Les femmes faines ni maigres ni
£rafies , qui font dans la vigueur de leur
âge , qui ont le ventre libre , & l'utérus
luimide , fupportent mieux h/auj/e-couc/ie
& fes fuites , que ne le font d'autres
femmes.
14**. Avec tous les foins & les talens
imaginables , on ne provient pas toujours
\mc faujfe-couche de la clafie de ce'les qui
peuvent être prévues ou prévenues.
15°. L'avortement indiqué prochain,
qu'on n'a plus d'efpétance de prévenir ^ ne
peut ni ne doit être empêché par aucuns
medes , quels qu'ils puiffent être.
1 6°. La femme grofTe qui a la vérole au
point d'en faire cramdre les luites pour elle
& pour fon fruit , doit être traitée de cette
maladie dans les premiers mois de fa grof-
fefle, en fuivant les précautions & hs règles
de l'art.
1 7 ° . Le danger principal' de l'avortement,
vient de l'hémorrhagie qui l'accompagne
ordinairement.
ib°. Celui que les femmes fe procurent
volontairement & par quelque caufe vio-
lente , les met en plus grand péril de la
vie que celui qui leur arrive fans l'exciter.
19°. Il eft d autant plus dangereux , que
la caufe qui le procure cft violente, foit
qu'il vienne par des remèdes aftifs, pris in-
térieurement, ou par quelque blelhire ex-
térieure.
zo°. La coutume des accoucheufes qui
ordonnent à une femme grofié, quand e.lo
s'ell blefféc par une cliûre ou autreincnt ,
tVavaler dans un œuf de la foia cramoiû..
F A U
découpée menu , de la graine d'écarlate ,
de la cochenille, ou autres remèdes de cette
efpece ; cette coutume, dis -je, n'e.1
qu'une pure fuperftition.
21°. C'eft un autre abus de faire garder
le lit pendant 19 jours fi^es aux femmes
qui fe l'ont blefiées , & de les faire faigner
au bout de ce temps -B, au lieud employer
d'abord h Hùgn Je & autres remèdes con-
venables , & de confidérer que le temps
de la garde du ht peut être plus court ou
plus long , fuivant la nature &: la viole.ice
de l'accident.
En un mot , cette manière préfente quan-
tité de faits & de principes , dont les méde-
cins & les chirurgiens peuvent tirer de
grands ufages pour la pratique de leur pro-
teffion ; mais ce fu|et n'efl pas moins digne
de l'a: tention du législateur philofophe ,
que du médecin phylicien.
L'a/ortenient provoqué par des breu-
vages ou autres remèdes de quelqu'eTpece
qu'ils foient, de/ient ine^cufable dans la
perfjnne qui le commet, & dans ceux qui
y participent. Il eft vrai qu'antrefois les
courtifannes en Grèce fe fa.fo ent avorter
fans être blâmées , & fans qu'on trouvât
mauvais que le médecin y concourût ; mais
les autres fënmes & filles qui fe procuroient
des avorremens , entraînées par les mêmes
motifs qu'on voit malheureufement fubfifter
aujourd'hui , les unes pour enpécher le
partage de leurs biens entre plufieurs en-
tans , les autres pour fe conferver la taille
bien faite , pour cacher leur débauche , ou
pour éviter que leur ventre devint ridé ,
comme il arrive à cel'es qui ont eu des en-
fàns , ut carea: rugjrum cri mine venter : de
telles femmes, dis-je, ont été de tout temps
regardées comme criminelles.
\'^oyez la manière dont Ovide s'eïprims
fur leur compte : c'eil un homme dont la
morale n'ed pas févere , & dont le témoi-
gnage ne doit pas être fufped : celle-là ,
dit-il , méritoit de périr par fa méchan-
ccpt:é,qui la première a appris l'art dès avor-
temens.
Qu.r prima injficuit teneros ai'cllcrefœnis^,
M-tlitidfuerat iï:£Çiia perire fitd.
Et il ajoute un peu après ,
HiVC neque inytrrmniis tigres fcccrc latcbrif,,
Perde re nec Jlvnis au/a letina/uos.;.
F A U
At tenere faciunc, fcd non impunè, pitellx;
ScepeJuQS , utero qux necat , ipfa perle.
Eleg. xjy, llb. II, anior.
Il eft cerrain que les violens apcririfs ou
i purgatifs , les huiles diflillées de genièvre ^
e mercure , le fafran des métaux , & fem-
Hables remèdes abortitils , produifc-nt fou-
vent des incommodirJs très-lâchcufes pen-
dant la vie, & quelquefois une mort cruelle.
On peut s'en convaincre parla leûure des
obfervations d' Albrecht , de Bardiolin , de
Zacutus , de Mauriceau ^ f-c autres auteurs.
Hyppocrate , au V ù Vllwredes mjladies
populaires , 'apporte le cas d'une jeune
femme qui mourut en convulfion quatre
jours après avoir pris un breuvage pour
détruire Ion fruit. Tel efl le danger àss
jemedes pharmaceutiques employés pour
procurer l'avortement.
Parlons à préfent d'un écrange moyen
qui a été imaginé depuis Hyppocrate dans
la même vue. Comineils'eft perpétué juf-
qu'à nous , loin de le paflbr fous filence ,
Je dois au contraire en publier les fuites
nalheureufes. Ce moyen fatal le pratique
par une piqûre dans lutérus , avec une el-
pece de llilet fait exprès. Ovide en reproche
l'ufage aux damnes romaines de fon temps,
dans la même élégie que j'ai citée. Pour-
quoi , leur dit-i! , vous peicez-vous les en-
trailles avec de petits traits aigus ? Velîra
quid ejfhditis JubjecJis vlfcera telis ? Mais
Tertullien décrit 1 inflrument même en
Lomm.e qui fait peindre fie parler aux yeux.
A'oicifes paroles: f/?c //a/7.' .vneum fpiculam
quo juguLuio ipfa dirigetur cœco latrocinio;
t'fijîpverçaaiiict appdldiit , utique l'h'entis in-
Jantis pereniptorium. Tertull. de anima-)
cap. XXXV. éd. Rigalt. p. ^i-S.
Qui n'admireroit qu'une odieufe & fu-
nefte invention fe foit tranfmife de fiecle
en fiecle'ju^'^J"''!" '^'^fi'^ > ^ que des décou-
vertes utiles fuient tombées dans l'oubli des
temps? En 1660;' une fage-femme fut
exécutée à Paris pour avoir mis en pratique
le caecum latrocinium dont parle Tertullien.
«J'avoue, dit Guy-Patin , ro/n. J, lett.
I^î , ann. 2 ô'ôb qu'elle a procuré \^ faujje-
couche , en tuant le foetus , par l'efpece de
poinçon qu'elle a conduit à travers le vagin
jufque dans la matrice ;, mais la mère en eil
^ V A'.U 5,01
morte dans un état -miférable : on n'en fera
pas étonné fi l'onconfidere les dangers de
la moindre bleflùre de l'utérus , la délica-
tefle de cette partie , fes vaifleaux , & fes
nerfs.
La raifon & l'expérience ne corrigent
point les hommes ; l'tfpoir fucccde à la
crainte, le temps prefTe , les momens font
cliers f 1 honneur commande & devient la
vidinie d'un affreux combat : voilà pour-
quoi notre fieclè fourn t les mêmes exem-
ples &: les mêmes ma-heurs que les fîecles
paffés. Brendelius ayant ouvert en 1714 ,
une jeune fille morte à Nuremberg de cette
opération , qu'elle avoir tentée fur elle-
même , a trouvé l'utérus diflendu , en-
flammé , corrompu ; les ligamens , les
membranes & les vaifTeaux de ce vifcere
dilacérés &: gangrenés. Ephc'm. acad. nat.
curiof. uhf. 1 67. En un mot , les filles & les
femmes qui languifient , & qui périHent
tous les jours par les inventions d'un art il
funefle , nous inflruifent affez de fon rni-
puiffance & de fes effets. La fin déplorable
d'une fille d'honneur de la reine mère Anne
d'Autriclie, mademoifelJe àc'^''-* qui fe
fervit des talens de la Conflantin , fage-
femnie , confommée dans la icience préten-
due des avortemens , fera le dernier fait
public que je citerai de la cataftrophe des
faujjés-couches, procurées par lesfecoursde
i'indufl.ie : le fameux fonnet de l'avorton
fait par M. Hainaut à ce fujet , & que tout
le monde fait par cœur, pourra fervir à
peindre les agitations & le trouble des
femmes qui fe portent à faire périr leur
fruit.
Concluons trois chofes de tout ce dé-
tail : 1°. que l'avortement forcé eft plus-
périlleux que celui qui vient naturellement:
1°. qu'il eil d autant plus à craindre , qu'il
procède de caufes violentes dont les fuites
font très diMiciles à fixer : 3°. Enfin , que
la femme qui avorte par art , eft en plus
grand danger de fa vie que celle qui
accouché à terme.
Cependant puifciue le nombre des per-
fonnes qui bravent les périls de l'avortement
procuré par art cil extrêmement confidéra-
ble, tienne feroitplusimporcant que de trou-
ver des refrourcesTupérieures à la 11' vérité
des loix, pour épargner les crimes & pouf
5)ot F A U
fauver à la république tant diï fuiets qu'on
lui ôte ; je dis , rien ne feroic plus impor-
tant que de trouver des reflburces fupé-
lieurcs à la levérité des loix , parce que
Texpérience apprend que cette fcve'rité ne
guérit point le mal. La loi d'Henri II, roi
de France , qui condamne à mort la fille
dont l'entant n péri , en cas qu'elle n'ait
,point déclaré la grofliifîè aux magiftrats ,
■n'a point été l'uivie des avantages qu'on
s'étoit flatté qu'elle produlroit , puifqu'elle
n'a point diminué dans le royaume le nom-
bre des avortemens. Il faut puifer les re-
mèdes du mal dans l'homme , dans la na-
ture, dans le bien public. Les états, par
exemple , qxii ont établi des hôpitaux pour
y recevoir & nourrir , fans faire aucune
enquête , tous les enfans trouvés & tous
ceux qu'on y porte , ont véritablement &
fagement détourné un prodigieux nombre
de meurtres.
Ivlais comment parer aux autres avorte-
mens .? c'eft en corrigeant , s'il efi pofTi-
ble , les principes qui y conduifent ; c'eft
en reâifiant les vices intérieurs du pays,
du climat , du gouvernement , dont ils
émanent. Le légîllateur éclairé n'ignore
pas que dans l'efpece humaine les paflions ,
le luxe , l'amour des plaifirs , l'idée de
conferver fa beauté , l'embarras de la grof-
fefle , l'embarras encore plus grand d'une
famille nombreufe , la difficulté de pour-
voir à fon éducation , à fon établiflement
par l'effet des préjugés qui régnent , &c.
que toutes ces chofes , en un mot , trou-
blent la propagation de mille manières , &
font inventer mille moyens pour prévenir
la conception. L'exemple palfe des grands
. aux bourgeois , au pçuple , aux artifans ,
aux laboureurs qui craignent dans certains
pays de perpétuer leur mifere ; car enfin
il cfl confiant , fuivant la réflexion de fau-
teur de l'EJ'prn d^s loix , que les fenrlmcns
naturels f« peuvent détruire par les fenti-
mens natuiels mêmes. Les Amériquaines
fc faifoient avorter, pour que leurs en-
fans n'euffent pas des maîtres aulfi barba-
res que les Efpagnols. La dureté de la ty-
■rannie les a poufTées jufqu'à cette extré-
mité. C'ci'l donc dans la bonté , dans la ù-
geffe , dans les lumières, -les principes , & les
v^ertus du gouvernement , qu'il faut cher-
F A U
cher les remèdes propres au mal dont il s'*^
git; la médecine n'y fait rien, n'y peut
rien.
Séneque qui vivoit au milieu d'un peu-
ple dont les mœurs éroient perdues, re-
garde comme une chofe admirable dans
Helvidia, de n'avoir jamais caché fes grof-
fefîes ni détruit fon fruit pour conferver
fa taille & fa beauté , à l'exemple des au-
tres dames romaines. Nunquam tf , dit-il , à
fa gloire , faccundicatis tuce quifi exprobaret
actatem ,Y>^\à\.\it; nunquam more alienarum^
qidbus omnis commendatio ex forma pen-
tur , tumcfccntem utei um abfcondilii , quaji
indecens onus ; nec inter vifctra tua , con-
ceptas fpes liberorum elififti. Confolat. ai
matrem Helviam , cap. xvj.
On rapporte que les Eskimaux permet-
tent aux femmes , ou plutôt les obligent
fouvent d'avorter par le fecours d'une
plante commune dans leur pays, & qui
n'efl pas inconnue en Europe. La feule
raifon de cette pratique , eft pour dimi-
nuer le pefant fardeau qui opprime une
pauvre femme incapable de nourrir fes en-
fans. Voyage de la baie d'Hudfon , par
Ellys.
On rapporte encore que dans l'iile For-
mofe il eft défendu aux femmes d'accoucher
avant trente ans , quoiqu'il leur foit libre
de fe marier de très-bonne heure. Quand
elles font grofTes avant l'âge dont on vient
de parler, les prétreffes vont jufqu'à leur
fouler le ventre pour les faire avorter ; &
ce feroit non feulement une honte, mais
mém.e un péché , d'avoir un enfant avant
cet âge prefcrit par la loi. J'ai vu de ces
femmes , dit Rechteren , voyage de h com-
pagnie hoîland. tom. V y qui avoient déjà
fait périr leur fruit plufieurs fois avant
qu'il leur fiit permis de mettre un enfant
au monde. Ce feroit bien là l'ufage le
plus monllrucux de l'univers , fi tant ell
cfii'on puilTè s'en rapporter au témoignage
de ce voyageur. Article de M. le cheva-'
Uer DE JaucourT.
Faussf-COUPE, f. f. {Coupe despierres.)
c'eft la dircâion d'un joint de lit oblique
à 1 arc du ceintre , auquel il doit erre per-^
pendiculaire pour être en bonne coup©.
Les joints CD, CD, {figure i?) font en
bonne coupe , parce qu'ils font perpendi-
TAU
culaires à la courbe , & les joints mn , mn,
font en fuujfe-coupe.
Lorfqiie la voûte eft plate comme aux
plates-bandes , ce doit être tout le contrai-
re ; la bonne coupe doit être oblique à
i'interdos , comme font les joints mn, m n,
{fig. 14.) au plat-fond AB , pour que les
claveaux foient faits plus larges par le haut
que par le bas ; car h les joints font per-
pendiculaires à la plate-bande , les claveaux
deviennent d'égale tpaiffeur & font alors
en fauj/è-coupe , & ne peuvent fe foutenir
que par le moyen des barres de fer qu'on
leur donne pour fupport , ou par une bon-
ne coupe cachée fous la face à quelques
pouces d'épaifTeur , comme on en voit aux
portes & aux fenêtres du vieux louvre à
Pai-is^ dont voici la confîruâion. ABCD
(fis^. 25.) repréfente la face d'une plate-
baAde ; CD eft l'intrados ; ABFE eft l'ex-
trados en perfpedive ; mn , mn , eft la
fjujje-coupe apparente ; /z o , « o , eft la bon-
ne coupe qui eft enfoncée dans la plate-
bande de la quantité mr de trois ou quatre
pouces d'épaifleur , & occupe l'efpace rst.
l^^L figure z repréfente la clé, & \a figure
2 un des autres vouftbirs , où l'on voit
une partie concave nrst, propre à rece-
voir la partie convexe nrotràe la clé , &
une partie convexe nro tv {figure 3.^1 pro-
pre à être reçue dans la cavité du vouffoir
prochain. ( D )
Fausse-coupe, f. f en terme d'Orfè-
vre , eft une manière de vafe détaché ,
prné de cifelure , où la coupe d'un calice
paroît être emboîtée & retenue.
FaUSSE-ÉNONCIATION , [Jurifprud.)
eft la même chofe v^we faux énoncé . Voye^
ci-dei'ant FauX-ÉNONCÉ. {A)
Fausse -ÉQUERRE, f f.. {Coupe des
pierres.) on appelle ainfi ordinairement le
compas d'appareilleur , quoiqu'il lignifie
en général récipiangle , c'eft-à-dire , un
inftrument propre à mefurer l'ouverture
d'un angle. Voyez Equerre. {D)
FauSSE-ÉTRAVE , {Marine.) c'eft une
pièce de bois qu'on applique fur l'étrave
en dedans pour la renforcer. (Z)
Fausse-gourmette , {Manège.) Voy.
Gourmette. { e)
Fausse-gourme , ( Maréchallerie. )
maladie plus dangereufe que la gourme
T k V 905
même : elle attaque les chevaux qui n'ont
qu'imparfaitement jeté. Voyez Gourme.
Fausses-lances ou Passe-volans ,
{Marine.) Ce font des canons de bois faits
au tour : on les bronze afin qu'ils reflem-
blent aux canons de fonte verte ; & que de
loin on croie le ViiilTeau plus fort & plus
en état de défenfe : les vaiffeaux marchands
fe fervent quelquefois de cette petite rufe.
Fausse-mesure, voyei Mesure.
FAUSSE-MONNOIE , voyei MONNOIE.
Fausse-neige ou NAGE, terme de Ri-
l'iere ; c'eft une petite bûche aiguifée par
un bout , que l'on met entre les chantiers
pour foutenir la véritable neige.
FaUSSE-PaGE , {Imprimerie) Voye^
Page.
Fausse-plaque , terme d'Horlogerie ,
il fignifie en général une plaque pof^'e fur
la platine des piliers , & fur kquelle eft
fixé le cadran.
Dans les pendules , & même dans les
montres angioifes , cette plaque a de pe-
tits piliers , dont les pivots, entrantdans la.
grande platine , forment entre ces deux
plaques une efpece de cage qui lert à loger
la quadrature, i^oye^ CaGE.
Faufje^plaque fe dit plusparticuliérem.ent
d'une efpece d'anneau qui entoure la qua-
drature d'une montre à répétition ou à
réveil : cet anneau s'appuie fur la platine
des piliers , & porte le cadran , afin que
les pièces de la quadrature fe meuvent libre-
ment entre ces deux parties , & qu'elles
ayent une épaifleur convenable. On donne
à la fauffe-plaque une hauteur fuff faute
qui , dans les répétitions ordinaires , eft
d'environ le tiers de la cage.
On donne encore ce nom à une efpece
de plaque en forme d'anneau peu épaiffe ,
qui , dans les anciennes montres à la fran-
çoife , tenoit par des vis à la platine des
piliers , & fur laquelle pofoit le cadran.
Quoique dans les montres d'aujourd'hui
on l'ait fupprimé , en donnant plus d'épail-
feur à la platine des piliers , & en la
creufant pour loger le cadran ; cependant
le côté de cette platine , qui regarde le
cadran, s'appelle encore \afjujfe-phque.
Voyez Répétition , Platine ,.
Montre ,. Pendule ,. &c. ( T)
Ç04
F A U
Fausse-quarte, {MuM.)^^- Qmne.
Fausse-queue, (A/a/îfgf.) y-, <>f"f-
FaUSSE-QUII.LE , ( Manne. ) c elt une
ou r.liilieurs pièces de bois qu'on applique
à la quille par fon deflbus pour la conltr-
ver. {Z) ^
Fausse-quinte, eft, en Mujique,
une diffonance appelée par les Grecs hemi-
diapente , dont les deux termes lont diltans
de quatre degrés diatoniques , ainli que
ceux de la quinte jufte , mais dont 1 m-
tervalle eft moindi-e d'un lemi-ton ; celui
de la quinte étant de deux tons m.ajeurs ,
d\m ton mineur , &c d'un femi-ton ; &
celui de \afaitjfe-quuue feulement d un ton
maieur , d'un ton mineur , & de deux
femi -tons mai eurs. Si, fur nos claviers
ordinaires , on divife l'odave en deux
parties égales , on aura dun c>.ti n/aiijje-
quime , comme Ji , fa , ^ de l'autre le tri-
ton , comme fa , ji ; nuis ces deux inter-
valles , égaux en ce fens , ne le font , m
quant au nombre des degrcs , puilque le
triton n'en a que trois , m dans la rigueur
des rapports, celui de la/^n//7f-<;i^^/:ie étant
de 4J à 64 , & celui du tmon compole de
deux tons maicurs , & un mineur , oe
^^racccrd de \^ faujfe-qmme eft renverfé
de l'accord dominant , en mettant la note
fenfible au grave. Voyi\ au mot ACCORD,
comme il s'accompagne.
Il faut bien diftinguer la fauje-quinte
difTonance de la quinte-faulfe , réputée
confcnnance , & qui n 'eft altérée que par
accident. Voyez Qiume. [S)
Fausse-relation , en nmjique ,voy.
Relation.
Fausses-rênes , ( Mane-e. ) Voyez
Rênes. 7. r- •
Fausset , f m. eft un terme d iicn-
ture ; il fc dit du bec d'une plume lorfqu il fe
termine à peu près en pointe ; cette forte
de plume eft excellente dans l expédition.
FAUSSETÉ , f . f . ( Morale. ) le con-
traire de la vérité. Ce neft pas propre-
ment le merifonge , dans lequel il entre
toujours du deffein. On dit qu'i y a eu
cent mille hommes écrafés dans le trem-
blement de terre de Lisbonne , ce n'cft
pas un menfonge , c'eft une faujjeic. La
faujTeK^ clt prcfque toujours encore plus
F A U
qu'erreur. La faujjeté tombe pins fur les
faits ; l'erreur fur les opinions. C'eft une
erreur de croire que le foleil tourne au-
tour de la terre ; c'eft une faujjeté d'avancer
que Louis XIV di£la le teftament, de
Charles IL La faujfete d'unaâe eft un crime
plus grand que le llmple menfonge ; elle
délîgne une impofture juridique , un larcin
fait avec la plume.
Un homme a de \a faujjeté dans refprit ,
quand il prend prefque toujours à gauche ;
quand ne confidjrant pas l'objet entier ,
il attribue à un côté de l'objet ce qui ap-
partient à l'autre , & que ce vice de juge-
m.ent cil tourné chez lui en habitude. Il
a de la faujfete dans le cœur , quand il
s'eft accoutumé à flater & à fe parer des
fentimens qu'il n'a pas ; cette faujjeté eft
pire que la dilTimulation , & c'eft ce que
les Latins appeloient Jimulatlo. Il y a
beaucoup de yaujj'eté dans les hiftoriens ,
des erreurs chez les philofophes , des meii-
fonges dans prefque tous les écrits polé-
miques , & encore plus dans les latyriques.
Voyez Critique. Les efprirs /i«x lont in-
fupportables , & les cœws faux font en
horreur. Article de M. DE Voltaire.
* FAUSSURES , f. f. pi. terme de fon-
deur ; c'eft aind qu'on appelle l'endroit
de la furface extérieure oC inférieure d'une
cloche où elle celTe de fuivre la même
convexité. Lesjaujfures d'une cloche ont
ordinairement un corps d'épaifleur , ou
le tiers du bord de la cloche.
On les appelle Jaufun s , parce que c'eft
fur cette circonférence de la cloche que
fe réuniffent les arcs de ditférens cercles
dont la courbure extérieure de la cloche eft
formée ; courbure qui par cette raifon n'eft
pas une ligne homogène &. continue.
FAUTE , ( .Turifpr. ) en droit , eft une
aftion ou omiiTion talte mal à propos, loïc
par ignorance , ou par impéritie , ou par
négligence.
La faute diffère du dol , en ce que celui-
ci elt une aclion commife de mauvaile
foi , au lieu que la faute conlîfte le plus
fouvent dans quelque omiftion & peut être
commife fans dol : il y a cependant des
adions qui font confidérées comme des
Jhuies ; & il y a telle faute qui eft Ir
grollicie
F A U
groïïiere qu'elle approche du dol , comme
on le dira dans un moment.
Il y a des contrats où les parties font
feulement refponfables de leur dol y comme
dans le déport volontaire & dans le pré-
Caire : il y en a d'autres où les contraftans
font aufti refponfables de leurs fautes ,
Comme dans le mandat , dans le com-
modat ou prêt à ufage, dans le prêt appelé
mutuum , la vente , le gage , le louage ,
la dotation , la tutelle y l'adminiftration
des affaires d'autrui.
C'eft une faure de ne pas apporter dans
«ne affaire tout le foin & l:i diligence qu'on
devoit y de faire une chofe qui ne conve-
noit pas , ou de n'en pas faire une qui étoit
néceffaire , ou de ne la pas faire en temps
& lieu ; c'eft pareillement une faine d'igno-
rer ce que tout le monde fait ou que l'on
doit favoir , de forte qu'une ignorance de
cette efpece, & une impéritie caraclérifée ,
eft mife au nombre des fautes.
Mais ce n'eft pas par le bon ou le mauvais
fuccès d'une affaire , que l'on juge s'il y a
faute de la part des contraâans ; & Ton
ne doit pas imputer à faute ce qui n'eft
arrivé que par cas fortuit , pourvu néan-
moins que la faute n'ait pas précédé le cas
fortuit.
On ne peut pareillement taxer de faute ,
celui qui n'a fait que ce que l'on a coutume
de faire , & qui a apporté tout le foin
qu'auroit eu le père de famille le plus di-
ligent.
L'omifllon de ce que l'on pouvoit faire
n'eft pas toujours réputée une faute, mais
feulement l'omifllon de ce que la loi or-
donne de faire , & que l'on a négligé vo-
lontairement ; de forte que fi l'on a été
empêché de faire quelque chofe , foit par
force majeure ou par cas fortuit , on ne
peut être accufé àe faute.
On divife les fautes , en faute groftiere,
légère , & trés-légere , lata , levis , & le-
viffima culpa.
'La faute groftîere , lata culpa , confifte
a ne pas obferver à l'égard d'autrui , ce que
l'homme le moins attentif a coutume d'ob-
ferver dans fes propres affaires , comme
de ne pas prévoir les événemens naturels
qui arrivent communément, de s'embarquer
par un vent contraire , de furcharger un
Tome. XIII.
F A U 9oy
cheval de louage ou de lui faire faire une
courfe forcée , de ferrer ou moiflonner eii
temps non opportun. Cette faute ou né-
gligence groftlere eft comparée au dol ,
parce quelle eft dolo proxi/na , c'eft-à-
dire , qu'elle contient en foi une préfompt-
tion de fraude , parce que celui qui ne fait
pas ce qu'il peut faire, eft réputé agir par
un efprit de dol>
Cependant celui qui com.met une fautr
groftlere n'eft pas toujours de mauvaife
foi ; car il peut agir ainfi par une erreur
de droit croyant bien faire ; c'eft pourquoi
on fait prêter ferment en juftice fur le dol
& non pas fur la faute.
Dans les matières civiles , on applique
communérrKent à la faute groffiere la même
peine qu'au dol ; mais il n'en eft pas de
même en matière criminelle , fur - tout
lorfqu'il s'agit de peine corporelle.
La faute légère qu'on appelle aufTi quel-
quefois faute fimplement , eft l'omifTion
des chofes qu'un père de famille dili-
gent a coutume d'obferver dans fcs af-
faires.
La faute très-légère , eft l'omifllon du foin
le plus exad , tel que l'auroit eu le père de
famille le plus diligent.
Lapeinede la faute légère & de la faute:
très-légère ne confifte qu'en dommages &
intérêts ; encore y a-t-il des cas où ces
fortes de fautes ne font pas punies y par
exemple , dans le prêt à ufage appelé co/tz-
modatum y lorfqu'il n'eft fait que pour faire
plaifir à celui qui prête : on ne les confi-
dere pas non plus dans le précaire , &
dans le gage on n'eft pas tenu de la faute
trés-légere.
On impute néanmoins la faute très-lé-
gère à celui qui a été diligent pour fes
propres affaires , qui pouvoit apporter
le même foin pour celles d'autrui.
En matière de dépôt on diilingue , s'il
a été fait en faveur de celui auquel ap-
partient le dépôt , alors par l'adion de
dépôt appelée contraire , le dépofant eft
tenu de la faute la plus légère ; & fi le dé-
pofitaire s'eft offert volontairement de fe
charger du dépôt , 11 eft pareillement tenu
de la faute la plus légère : mais s'il ne s'eft
pas offert, il eft feulement tenu de la faute
groftlere &; de la faute légère : fi le dépôt
Yyyyy
50(Ç F A U F A U
a été fait en faveur du dépofitaire feuîe-^^o^^ e(l égal , il n'eîl tenu que à<i% fautes
la
aâion
ment , alors le dépofitaire contre lequel
y a aftion direfte eft tenu de la faute
plus le'gere ; s'il n'y a contre lui que
appelée contraire , il efl feulement tenu
de X^. faute groffiere ; fi le dépôt a été fait
en faveur des deux parties , le dépofitaire
n'eft tenu que de h faute légère.
Dans le mandat qui ell fait en faveur
du mandant , lorfqifil s'agit de l'aftion
direde , & que le mandat n'exigeoit au-
cune induflrie , ou du moins fort peu , en
ce cas on n'impute au mandataire que le
dol & la. faute grofTiere , de même qu'au
dépofitaire. Si le mandat demande quel-
qu'induftrie , comme d'acheter ou vendre ,
Îjc. alors le mandataire eft tenu non feule-
ment du dol & de h faute groïïlere, mais
auffi de Xa. faute légère. Enfin fi le mandat
érige le foin le plus diligent , le man-
dataire étant cenfé s'y être engagé eft
tenu de la faute la plus légère , comme
cela s'obferve pour un procureur ad U-
tes ; & par l'adion contraire le man-
dant eft auffi tenu de la faute la plus
légère.
Le tuteur & celui qui fait les affaires
d'autrui , font tenus feulement du dol de
la faute groffiere & légère.
Dans le précaire on diftingue ; celui qui
tient la chofe , n'cft tenu que du dol ài de
la faute groffiere jufqu'à ce qu'il ait été
inis en demeure de rendre la chofe ;
mais depuis qu'il a été mis en demeure
de rendre la chofe , il eft tenu de \a. faute
légère.
Pour ce qui eft des contrats innommés ,
pour lavoir de quelle forte àe faute les par-
ties font tenues , on fe règle , eu égard à
ce qui s'obferve pour les contrats nommés ,
auxquels ces fortes de contrats ont le
de rapport.
En fait d'exécutions des dernières vo-
lontés d'un défunt , fi l'héritier teftamen-
taire retire moins d'avantage du rcftament
que les légataires ou fideiconmiiflaires , en
ce cas il n'eft tenu envers eux que du dol
& de la faute groffiere : fi au contraire il
retire un grand avantage du teftament , &
que les autres en aient peu , il eft tenu
envers eux de \à faute très-légère ; fi l'avan- \
légères.
En matière de revendication , le pof-
fefteur de bonne foi n'eft pas refponfable
de fa négligence , au lieu que le poflefleur
de mauvaife foi en eft- tenu.
Dans l'adion perfonnelle intentée contre
un débiteur qui eft en demeure de rendre
ce qu'il doit , il eft tenu de fa négligence ,
foit par rapport à la chofe ou par rapport
aux fruits. Voyei l. contracl. ff. de reg. jur.
l zi^ , ZZ3 , x%6 , Jf. de verb. fignif.
l. focLUS. ff. pro focLO ; & Gregor. Tolof.
in fyntagm, juris unii\ lib. XXI y cap.
Faute , ( Hydr. ) Les fautes font iné-
vitables foit dans les conduites ou tuyaux
qui amènent les eaux , foit dans les baffins
& pièces d eau , & il n'eft fouvent pas aifé
d'y remédier. Quand les tuyaux conduifenc
des eaux forcées , la faute fe découvre
d'elle-même par la violence de l'eau ; mais
dans les eaux roulantes ou de décharge , il
faut quelquefois découvrir toute une con-
duite pour connoître la faute : on remet
alors de nouveaux tuyaux ; on les fonde ,
on les maftique , fuivant leur nature. Le
moyen de connoître une faute dans un baf-
fin de glaife , eft de mettre fur l'eau une
feuille d'arbre , de la paille, ou du papier ,
& de fuivre le côté où elle fe rend. On y
fait ouvrir le corroi ; on remanie les glaifes ;
& pour les raccorder avec les autres , on
les coupe en marcIies ou par étages , &
jamais en ligne droite , ce qui feroif perdre
l'eau. {K)
FAUTEUIL , f m. chaife à bras avec
un doffiier. Voye-{ l'article ChaisE. Les
Imiples chaifes font beaucoup moins d'ufage
dans les appartemens que les fauteuils. On
a relégué les chaifes dans les jardins , les an-
plus tichambres , les églifes , Êv.
Fauteuil, {droit de) police mil. c'étoic
un droit arbitraire & d'ufage , plus ou moins
fort fuivant les lieux , que les états-majors
des places de guerre en France s'arro-
geoient à titre d'émolumens fur chacun
des régimens ou bataillons qui compofoient
leur garnifon, pour raifon de l'entretierj
des fauteuils dans le corps - de - garde des
officiers : les capitaines de chaque corps y
conmbuoient également , & la fomme s'en
F A U
repartifToit entre tous les officiers de l'état
major , fuivant leurs grades ; mais le roi
ayant jugé ce droit , & plufieurs autres de
même nature , abafif & trop one'reux aux
capitaines , dont il chargeoit les appoin-
temens , en défendit l'exaction par fon or-
donnance du 15 juin -750 , concernant le
fervice des places.
Cette difpofition efTuie le fort de beau-
coup d'autres de la même ordonnance ; on
s'y foumet dans quelques places , on y con-
trevient dans d'autres.
La France eft le pays du monde qui pof-
fede les plus beaux réglemens Se les plus
fages , fur toutes les parties d'adminiftra-
tion ; ils annoncent le zele , l'équité , &
les lumières des miniftres & magiftrats
qui les ont conçus & rédigés ; tous les
cas y font prévus , toutes les difficultés
réfolues : il ne leur manque que l'exé-
cution. Cet article ejî de M. Durip^al
le jeune.
FAUVE , BÊTE-FAUVE, {Vénerie.)
On comprend fous cette détermination le
cerf, le daim , & le chevreuil. Voye\
Vartide GiBIER.
FAUVETTE , f. f. ( Hifl. nat. Ornitho-
log. ) curruca. Cet oifeau eft prefque auffi
gros que la farloufe ou la gorge rouge ;
fon bec eft mince , alongé & noir ; fa
langue eft fourchue , dure , tendineufe &
noire à l'extrémité ; les narrines font oblon-
gues ; l'iris des yeux eft couleur de noi-
fette ; les oreilles font grandes & cou-
vertes : les plumes des épaules & du delfus
du dos font noires dans le milieu autour du
tuyau , & de couleur roufte fur les bords : la
tête & le cou font un peu cendrés avec des
taches au milieu des plumes qui font plus
foncées ; le bas du dos & le croupion font
de couleur jaunâtre avec une teinte de
verd , fans aucune tache noire, les grandes
plumes des ailes font brunes , à l'exception
des bords extérieurs qui font rouffàtres ;
les plumes intérieures du fécond rang , ont
chacune à la pointe deux petites taches de
couleur blanchâtre ; les plus petites plumes
des ailes font de la même couleur que les
plumes du dos ; la première grande plume
eft très-courte ; la queue a environ deux
pouces de longueur ; elle eft entièrement
brune ; le deflbus de l'oifeau eft de couleur
F A U 907
cendrée , cependant le ventre eft un peu
blanchâtre ; & dans quelques individus,
cette couleur eft plus grife , & même plom-
bée ; les jambes & les pattes font de cou-
leur de chair jaunâtre \ les ongles font
bruns ; le doigt de derrière eft le plus gros
& le plus long ; le doigt extérieur tient
au doigt du milieu à faconnoiftance, comme
dans les autres petits oifeaùx. Celui-ci m^àxa
dans les haies; il donne aifément dans toute
forte de pièges. Willugb. Omit.
Fauvette a tête noire, atric.i-
pilla feu ficeduU , Aid. oifeau qui eft trè^-
petit , & qui a le fommet de la tête noir ,
comme fon nom le défigne- Le cou elt
de couleur cendrée , & le dos d'un vert
foncé ; la poitrine a une couleur cendrée
pâle ; le ventre eft d'un blanc jaunâtre ; le
bec noir , & plus mince que celui de la
méfange , les pies font d'une couleur livide.
Ray , /jTzo^. mech. avium ^ pag. j^. Voy.
Oiseau. (,/)
* FAUX, fubft. f. Les anciens en
avoient de toute efpece , les unes s'appe-
loient arborarix , & fervoient à émonder
les arbres ; les autres lumdnœ , & c'étoit
avec celles-ci qu'on farcloit les chardons &
les buiftbns dans les champs ; ou ruflariae ,
avec lefquelles on défrichoit ; ouferpiculcs ,
& c'étoit la ferpette du vigneron ; ou llrj.~
mentarix^ qu'on employoit après lamoifloit
à couper le chaume ; ou vinitorix , avec
lefquelles on taille la vigne , ou l'on déta-
choit du faule & de l'ofier Îqs branches ; ou
murulcs ; &: c'étoit un inftrument de guerre
compofé d'une longue poutre , armée à fon
extrémité d'un crochet de fer qu'on fichoic
au haut des murailles pour les renverfer.
On fe djfendoit de cette machine avec
des cordes dans lefquelles on cherchoit à
embarrafter le crochet , pour les enlever
enfuite à l'ennemi. Il y avoit hs falces
navales ; c'étoient de longues faux qui
avoient pour manches des perches , & donc
on fe fervoit fur les vaifleaux pour couper
les cordages des bâtimens ennemis. Nous
n'employons pour nous d'autre faux que
celle qui nous fert dans la récolte des foins:
ce font les taillandiers qui la fibriquent.
Elle eft alTez longue , un peu recourbée du
côté du tranchant , & emmanchée d'un
bng bâton. Le faucheur la meut horizon-
y y y y y i
po8 F A U
talement , & tranche l'herbe par le pie.
Cet inftriiment d'agriculture ne fe fait pas
autrement que la plupart des autres outils
tranchans ; il faut que l'acier en foit bon ,
& la trempe faine : elle fe commence à la
forge & au marteau , & s'achève à la lime
& à la grande meule. J^oy. ranidefuirant.
* Faux, f. f {Taillanderie & Economie
Tuftique.) infrrunient tranchant qui fert à
couper les foins &: les avoines , mais monté
diffcieiT.ment pour ces deux ouvrages. La
faux à foin efi: montée fur un bâton d'en-
viron cinq pies de long , avec une main
vers le milieu. La faux à avoine a une
armure de bois. On lui a pratiqué quatre
grandes dents de la longueur de la }aux ,
pour recevoir l'avoine fauchée , & empê-
cher qu'elle r^e s'égrène.
Elles font l'une & l'autre arcuées par le
hout , larges du côté du couard , & en bec
de corbin par la pointe.
On diftingue l'arrête ^ qui efl la partie
oppofée au tranchant , qui fert à fortifier
la faux fur toute fa longueur; & le couard,
qui eft la partie la plus large de h faux , où
il fert à la monter fur fon manche , par le
moyen d'iui talon qui empêche le couard
de ibrtir de la douille , où il eft reçu & ar-
rêté par un coin de bois.
Faux , [Anat.) pioceffus de la dure-
mere, qui prend fon origine du cnfta galli
de l'os erhinoïde , fe recourbe en arrière ,
pafTe entre les deux hémifpheres du cer-
veau , & fe termine au torcular Htrophili ,
ou au contour des quatre grands finus de
Li dure-mere. l^oye\ DuRE-MERE , Cer-
veau. Cette faux , ainfi dire à caufe de
la courbure , manque dans plufieurs ani-
maux. Vovei 'R\à\ey dans fon anaLomii: du
i-eri/ean , pag. ,9. {g)
Faux , {Alhonow.) eft nn des phafes
des planètes , qu'on appelle commuriément
crojfanc. Voye^ PHASE ^ CROISSANT, &
Cornes
Les Aftronomes difènt que la lune , ou
toute autre planète , eft en faux , facata ,
quand la partie éclairée paroîc en forme
Âù faucille ou de faux , que les Latins
appeîlei:t Jalx.
La hme eft en cet état depuis la conjonc-
tion jufciu'à la quadrature, ou depuis la nou-
velle luue jufcin'à ce qu'on en voie h uicitié.
F A U
& depuis la quadrature jufqu'à la nouvelle
lune ; avec cette différence , que depuis
la nouvelle lune jufqu'à la quadrature , le
ventre ou le dos de h faux regarde le cou-
chant , & que depuis la quadrature jufqu'à
la nouvelle lune , le ventre regarde le levant.
(O)
Faux , f f. faix, cis. {terme de Blafon.)
meuble d'armoiries qui repréfente une y Jua:
à faucher.
On dit emmanclu du manche de \zfaux y
quand il eft d'un émail différent.
On nomme ranchier le fer d'une faux.
La faux eft le fymbole du temps ; on
en donne une pour attribut à Saturne.
Seyturier de Cornod , de mondidier ,
de Lionnieres , de la Verjonnieres , de
Pelagey en Bourgogne , en BrefTe & en
P'ranche - Comté ; d'azur à deux faux
d'argent e?n;uanchies d'or , Ls fers en haut.
{G.^D. L. T.)
Faux, ad], terme d" Arithmétique Ù J^ Al-
gèbre. Il y a , en arithmétique , une règle
appelée règle defiujjepojition , qui conhfte
à calculer , pour la réfolution d'une quef-
tion , des nombres faux pris à volonté >
comme fi c'étoit des nombres propres à la
réfoudre , & à déterminer enfuite, parles
différences qui en réfuhent , les vrais nom-
bres cherchés.
Les règles de /a;{/7^ pofition , où l'on ne
fait qu'une feule fuppofîtion , font appe-
lées règles defauf/e pujitionfimple , & celles
dans lefquelles on fait i.]euxfauj/es fuppoh-
tions , s'appellent règles def.iujj'e pojitioa
double ou compofée.
Exemple d'une règle de hufTopoftionfmple..
Trouver un nombre dont la moitié , le
tiers, & le quart, faflent 16.
Suivant l'efprit de la règle àefaujje pof-
tion , prenons auhafard un nombrequelcon-
que, tel cependant que l'on puifteen avoir
cxaftement la moitié , le tiers 6r le quart :
par exemple, 12 dont la moitié eft 6 , le
tiers 4 , & lo quart 3 , lefqueUes quantités
addirionnées ne font que 15 fort différent
de x6 ; mais dites par une règle de trois :
Si 1 3 font provcHus de 1 1 , d'où 16 doi-
V ent-iîs provenir ? En f aifant la re^^le , vous
trouverez 24, «^ont cSci^ivementlamoi-
F A U
tié li , le tiers 8 , & le quart d , donnent
26 pour fomme.
Ce problème peut évidemment fe refon-
dre encore par l'algèbre , en t'aifant cette
équation I' + 7 -^ =^^ ( '-'"J'^T Equa_
TION. ).D'où l'on tire —^ =
26 j & -^ = 16 , ou a: =: z4. Mais alors
il n'y a plus àefaujfe pofrdon.^
Pour les règles àc JaiiJJe pojnion compo-
fée ; il efl beaucoup plus fimi le de rclbu-
dre par l'algèbre les problêmes qui s'y
rapportent.
Exemple. Un particulier a pris un ou-
vrier pour trente jours , à condition de lui
donner 50 fous chaque jour qu'il travaille-
roit, & de rabattre fur le gain de fon
travail autant de fois 1 o fous , qu'il feroit
de jours flms travailler. Au bout du mois
l'ouvrier a reçu 2.5 liv. ou ^oo fous. On
demande combien il a travaillé de jours?
Réfolunon. Appelons x le nombre des
jours de travail ,30 — x exprimera le nom-
bre des jours de repos. Ainll, comme l'ou-'
vrier'eft fuppofé gagner 30 fous par jour ;
30 x fera le revenu des jours de fon tra-
vail ; & 50 — :r X 10 ou 300 — 10 x fera
la quantité de fous que doit perdre l'ouvrier
pour les jours où il n'aura pas travaillé ; il
faut donc la retrancher de la quantité de
fous qu'il devroit recevoir pour fes jours
de travail y & cette foullraction doit lui
laifTer zç liv. ou joo fous, fuivant une des
conditions du problême : c'eft donc à dire
qu'il faut ôter 300 — loxde 30 x pour
avoir j co fous ; on a donc cette équation
^o X — 5.0 -H ou a: , ou 40 a: — 300 =
500 ; ainii 40 a: = oco , donc x = 4-50 —
20 : ce qui fignifie que l'ouvrier a travaillé
vingt jours, & qu'il n'a rien fait les dix
autres. En eiFet , vingt jours de travail à
30 fous par jour font 50 liv. defquelles
ôtant V liv. pour les dix jours oîi il n'a point
travaillé , il refte 15 liv'- Les nombres ao
& 10 fatisfont donc aux couditious pro-
pofées ; ainii le problféme eu réfolii. Voy.
Position.
Il y a auiTi , en a'f-c-bre , des racines
fauffes que l'on appelle négatives ; ce font
cdles qui font afFçâtes du ligne. — Voyez
F A U , 5op
NÉGATIF ^Racine , ^Équation.
(^) . .
Faux, adj pris ftibfl.. {Junfpr.) ce
terme pris comme adjeclif , fe dit de quel-
que chofe qui tft contraire à la vérité ;
par exemple, un lait /.wx , imc écriture
j'~iiij]e , ou bien de ce qui cf } contraire à la
loi, comme unyàu:tr poids, une/îzzi'/Td'mefure.
Lorfque ce même terme cfl pris pour
fubflantif, comme quand on dit un faux ,
on entend par-là le crime <lc faux, lequel
pris dans fa fignification la plus étendue ,
comprend toute fuppofition frauduleufe,
qui eft faite pour cacher ou altérer la vé-
rité au préjudice d'autrui.
Le crime àsj.mx fe commet en trois ma-
nières } favoir , par paroles , par des écritu-
res , & par des faits lans paroles ni écritures..
I ". Il fe commet par paroles , par les par-
jures , qui font Acfaux fermens en juftice ,
& autres qui font fciemmentdeyà'i^j- dé-
clarations , tels que les ftellionataires , les
témoins qui dépofent contre la vérité , foie
dans une enquête , information , tefla-
ment, contrat , ou autre ade , & les calom-
niateurs qui expofentyj«:r dans les requêtes
qu'ils repréientent aux juges, ou dans les'
lettres qu'ils obtiennent du prince.
L'expofition qui eft faite fciemment d&
iaits/aux , ou la réticence des faits véri-
tables, eft ce qu'on appelle en ftyle de
chancellerie obreption ^ fubieption ; cette
forte de faujfeté eft mife au nombre de
celles qui fe commettent par paroles ,
quoique les faits foient avancés dans des
requêtes ou dans des lettres du prince ,
qui font des écritures , parce que ces re-
quêtes ou lettres , en elles-mêmes , ne
font pas fauj/es , mais feulement les paroles
qui y font écrites , c'eft pourquoi l'on ne
s'infcrit pas en faux contre un enquête ,
quoiqu'il s'y trouve quelque dépofition qui
contienne des faits contraires à la vérité ,
on s'infcrit feulement en faux contre la-
dépofition , c'eft-à-dire , contre les faits
qu'elle contient. Voy. Affirmation^ j^
Calomniateur , Faux Témoin,
Déposition , Parjure , Ser-
ment , Stsllionatatre , Té~
MOIN.
On doit aufïï bien diftinguer le faux qui
fc commet par paroles d'avec Is faux.
pio F A U
énoncé ; le premier fuppofe qu'il y a maii-
vaife foi & eft un crime punifTable ; au lieu
qu'un Cimp\e/aux énoncé, peut-être com-
mis par erreur & fans mauvaife foi.
2^\ Le crime de /aux fe commet par le
moyen de l'écriture , par ceux qui fabri-
quent de faux jugemens, contrats, tefta-
mens , obligations , promeiles , quittances,
& autres pièces , foit qu'on leur donne
la forme d'ades authentiques , ou qu'elles
foient feulement fous feing-privé , en con-
trefaifant les écritures &: fignatures des
juges ,. greffiers , notaires , & autres per-
fonnes publiques & celle des témoins &
des parties.
Les perfonnes publiques ou privées qui
fuppriment les ades , étant dans un dépôt
public, tels que les jugemens, des con-
trats , teftamens , &c. pour en ôter la con-
noifTancc aux parties intérertees , font cou-
pables du même crime de faux.
Ceux qui altèrent une pièce véritable ,
foit en y ajoutant après coup quelques mots
ou quelques claufes , ou en effaçant quel-
ques mots ou des lignes entières, ou en
faifant quelqu'autre changement , foit dans
le corps de la pièce , foit dans fa date ,
commettent aufli un faux de même efpece.
Enfin ceux qui , en paffant des aftes
véritables , les antidatent au préjudice
d'un tiers , commettent encore un faux
par écrit.
3°. Le crime de faux fe commet par
fait ou adion en plulleurs manières , fans
que la parole ni l'écriture foient employées
à cet effet ; favoir , par ceux qui vendent
ou achètent-^ faux poids ou XfauJ/e mefure
( voyez Poids & Aîi^sures ) ,• ceux
qui altèrent & diminuent la valeur de l'or
&-de l'argent par le mélange d'autres mé-
taux ; ceux qui fabriquent de hfaujfe mon-
noie , ou qui altèrent la véritable ( voyez
Mon noyer) ; ceux qui contrefont les
fceaux du prince , ou quelqu'autre fcel
public & authentique. Voyez Sceau.
Ceux qui par divers contrats vendoient
ime même chofe à différentes perfonnes ,
étaient regardés comme faujfaires , fuivant
la loi 2.1 Jf'. ad. leg. cornel. mais parmi nous
ce crime cft puni comme llellionat , & non
comme un faux proprement dit.
Les femmes &c autres perfonnes qui fup-
F A U
pofent des enfans , & généralement tous
ceux qui fuppofent une perfonne pour une
autre; ceux qui prennent le nom & les
armes d'autrui , des titres , & autres mar-
ques d'honneur qui ne leur appartiennent
point , commettent un faux. Tels furent
chez les anciens un certain Equitinus qui
s'annonçoit comme fils de Graccns , & cet
autre qui chez les Parthes fe faifoit paffer
pour Néron : tels furent auffi certains im-
pofleurs fameux , dont il eft fait mention
dans notre hiftoire , l'un qui fe faifoit paf-
fer pour Frédéric II ; un autre qui fe don-
noit pour Baudouin de Flandre , empereur
Grec ; le nommé la Ramée qui fe difoit
fils naturel de Charles IX , qui avoir été à
Rheims pour fe faire facrer roi ,& qui fut
pendu à Paris en 1596, &£.-.
La fabrication des fauffes clés efl auflî
une efpece à^faux , & même un crime ca-
pital. Voyez Clé & Serrurier.
Quoique toutes ces différentes fortes
de délits foient comprifes fous le terme
de faux , pris dans un fens étendu ,
néanmoins quand on parle àe faux fimple-
ment , ou du crime de faux , on entend
ordinairement que celui qui fe commet
en fabriquant des pièces faujfes , ou en fup-
primant ou altérant des pièces véritables;
dans ces deux cas , le faux fe pourfuit par
la voie de 1 infcription deyJHx , foit prin-
cipal ou incident ( voyez Inscription
DE Faux ) ; pom- ce qui eft de la fup-
prefTion des pièces véritables, la pour-
fuite de ce crime fe fait comme d'un vol
ou larcin.
Il efl: plus aifé de contrefaire des écri-
tures privées , que des écritures authen-
tiques , parce que dans les premières, il
ne s'agit que d'imiter l'écriture d'un feul
homme , & quelquefois la fîgnature feu-
lement ; au lieu que pour les ades authen-
tiques , il faut fouvent contrefaire la Signa-
ture de plufieurs perfonnes , comme celle
des deux notaires , ou d'un notaire &: deux
témoins , & de la partie qui s'oblige :
d'ailleurs il y a ordinairement des minu-
tes de ces fortes d'ades , auxquels on peut
avoir recours.
On peut fabriquer une pièce faujje , fans
contrefaire l'écriture ni la fîgnature de per-
fomie ; en écrivant une proraefle ou une
I
F A U
quittance au defTus d'un blanc fignJ quî
auroit été furpris , ou qui étoit dclHné à
quelqu'autre ufage.
Il y a des faiijjhires qui ont l'art d'enle-
ver l'e'criture fans endommager le papier ,
au moyen de quoi , ne laiflant fubfifter
d'un aâe véritable que les fignatures , ils
écrivent au defTus ce qu'ils jugent à propos ;
ce qui peut arriver pour des aûes authen-
tiques , comme pour des écrits fous feing-
privé.
I^efaux qui fe commet en altérant des
pièces qui font véritables dans leur fubf-
tance , fe fait en avançant ou reculant
frauduleufement la date des ades , ou en
y ajoutant après coup quelque chofe , foit
au bout des lignes , ou par interligne , ou
par apoftille & renvoi , ou defTus des pa-
raphes & fignatures , ou avec des ptiraphes
contrefaits , ou en rayant après coup quel-
que chofe , & furchargeant quelques mots ,
fans que ces changemens aient été ap-
prouvés de ceux qui ont figné l'ade. Voje:^
Apostille, Renvoi , Paraphe , Si-
gnature, Interligne.
La preuve du faux fe fait tant par titres
que par témoins ; & fi c'eft une écriture
ou fignature qui eft arguée àejaujjeté ,
on peut aufli avoir recours à la vérification
par expert, & à la preuve par comparaifon
d'écritures.
Les indices qui fervent à reconnoître
la faujfeté d'une écriture , font lorfqu'il
paroît quelque mot ajouté au bout des
lignes , ou quelque ligne ajoutée entre les
autres ; lorfque les ratures font chargées
de trop d'encre , de manière que l'on ne
peut lire ce que contenoient les mots rayés ;
lorfque les additions font d'encre & de
caradere difFérens du refte de l'aâe ; &
autres circonflances femblables.
La loi Cornelia de falfis , qui fait le fu-
jet d'un titre au digefle , fut publiée à
l'occafion des teflamens : c'efl pourquoi
Cicéron & Ulpien , en quelques endroits
de leurs ouvrages , l'appellent aufTi la loi
teJîamentMre. La première partie de cette
loi concernoit les teflamens de ceux qui
font prifonniers chez les ennemis ; la fé-
conde partie avoir pour objet de mettre
ordre à toutes les faujjete's qui pouvoient
être commifes par rapport aux teftamens ;
F A U J18
foit en les tenant cachés , ou en les fup-
primant ; foit en les altérant par des addi-
tions ou ratures , ou autrement.
Cette même loi s'applique aufli à
toutes les autres fortes de faujfetés qui
peuvent être commifes , foit en fuppri-
mant des pièces véritables ; foit en falfi-
fiant des poids & mefures ; foit dans la
confeélion des aôes publics & privés
dans la fondion de juge , dans celle de
témoin ; foit par la falfification des métaux ,
& finguliércment de la monnoie ; foit enfin
par la fuppofition de noms , furnoms &
armes , & autres titres &: marques ufurpés
induement.
On regardoit aufTi comme une contraven-
tion à cette loi , le crime de ceux qui fur un
même fait rendent deux témoignages con-
traires , ou qui vendent la même chofe à
deux perfonnes différentes ; de ceux qui
reçoivent de l'argent pour intenter un pro-
cès injufle à quelqu'un.
La peine àwfaux , fuivant la loi Cornelia^
étoit la déportation qui étoit une efpece
de bannifîêment , par lequel on afîignoit à
quelqu'un une ifle ou autre lieu pour fa
demeure , avec défenfe d'en fortir à peine
de la vie. On condamnoit même le faufTaire
à mort, fi les circonftances du crime étoient
fi graves , qu'elles parufTent mériter le der-
nier fupplice.
Quelquefois on condamnoit le faufTaire
aux mines , comme on en ufa envers un
certain Archippus.
Ceux qui faififioient les poids & les mefu-
res étoient relégués dans une ifle.
Les efclaves convaincus de faux étoient
condamnés à mort.
En France , fuivant Pédit de François I ,
du mois de mars 1531, tous ceux qui
étoient convaincus d'avoir fabriqué de faux
contrats , ou porté faux témoignage , dé-
voient être punis de mort : mais Louis
XIV, par fon édit du mois de mars 1 680 ,
regifîré au parlement le 2.4 mai fuivant , a
établi une diflinftion entre ceux qui ont
commis un faux dans l'exercice de quelque
fondion publique , & ceux qui n'ont point
de fonflion femblable , ou qui ont commis
le faux hors les fondions de leur office ou
emploi. Les premières doivent être condam-
nés à mort , telle que les juges l'arbitre-
912 F A U
ronc , félon l'exigence des cas. A l'égard
des autres , la peine eft arbitrair'é ; ils peu-
vent néanmoins aufli être condamnés à
mort , félon la qualité du crime. Ceux
qui imitent , contrefont , ou fuppofent
quelqu'un des fceaux de la grande ou
petite chancellerie , doivent être punis de
mort.
Pour la punition du crime àefaujfe mon-
noie , l'oy. MoNNOlE.
Faux incident , eft l'infcription de faux
qui eft formée contre quelque pièce , inci-
demment à une autre conteftation où cette
pièce eft oppofée ; foit que la caufe fe
traite à l'audience , ou que l'affaire foit
appointée.
L'objet du faux incident eft de détruire &
faire déchver fanjjè ou falfifiée une pièce
que la partie adverfe a fait fignifier , com-
muniquée ou produite.
Cette infcription de faux eft appelée
faux incident , pour la diftinguer du faux
principal , qui eft intenté direâement
contre quelqu'un avec qui l'on n'étoit
point encore en procès , pour aucun objet
qui eût rapport à la pièce qui eft arguée de
Jaux.
La pourfuite du faux incident peut être
faite devant toutes fortes de juges , foit
royaux , feigneuriaux , ou d'églife , qui fe
trouvent failis du fond de la conteftation ; &
l'infcription de/à«x doit être inftruite avant
de juger le fond.
L'infcription de faux peut être reçue ,
quand même les pièces auroient déjà été
vérifiées avec le demandeur en faux , &
qu'il feroit intervenu un jugement fur le
fondement de ces pièces , pourvu qu'il ne
fût pas alors queftion du faux principal ou
incident de ces mêmes pièces.
La requête en faux incidentne peut être
reçue , qu'elle ne foit fignée du demandeur ,
ou de Ion fondé de procuration fpéciale.
Il faut auffi attacher à la requête la quit-
tance de l'amende , que le demandeur doit
configner. Cette amende eft de foixante
livres dans les cours &: autres fieges reflbr-
tiftans nuement aux cours, ôidezoliv. dans
les autres fieges.
Quand la requête eft admife , le deman-
<deur doit former fon oppofition de faux au
greffe dans trois jours , & fommej; le défen-
F A U
deur de déclarer s'il entend fe fervir de la
pièce arguée de faux.
Si le défendeur refufe de faire fa déclara-
tion f le demandeur peut fe pourvoir peut
faire rejeter la pièce du procès ; fi au con-
traire le défendeur déclare qu'il entend fe
fervir de la pièce , elle doit être mife au
greffe ; & s'il y en a minute , on peut en or-
donner l'apport ; & trois jours après laremife
des pièces , on dreffe procès verbal de l'état
de ces pièces.
Le rejet de la pièce arguée de faux ^
ne peut être ordonné que l^ir les conclu-
flons du miniftere public ; lorfqu'elle eft
rejetée par le fait du défendeur , le deman-
deur peut prendre la voie du faux princi-
pal , fans néanmoins retarder le jugement
de la conteftation à laquelle le faux étoic
incident.
Les moyens de faux doivent être mis au
greffe trois jours après le procès verbal.
Si les moyens font trouvés pertinens &
admifTibles , le jugement qui intervient porte
qu'il en fera informé tant par titres que par
témoins , comme aufti par experts & par
comparaifon d'écritures & fignatures , félon
que le cas le requiert.
Au cas que le demandeur en faux fuc-
combe , il doit être condamné en une
amende , applicable les deux tiers au roi
ou au feigneur , l'autre tiers à la partie ;
& cette amende , y compris les fommes
confîgriées lors de l'infcription de faux ;
eft de 500 livres dans les cours & aux
requêtes de l'hôtel & du palais; de loo
livres aux fieges qui reftbrtiffent nuemenc
aux cours , & aux autres de 60 livres. Les
juges peuvent aulïï augmenter l'amende ,
lelon les cas.
Lorfque la pièce eft déclarée faujje , l'a-
mende eft rendue au demandeur.
La procédure qui doit être obfervée
dans cette matière , eft expliquée plus
au long dans l'ordonnance de 1737. (-^)
Faux , adjeft. & adv. en Mujique ,
eft oppofé à jujle. On chante faux , ce
qui arrive fou vent à l'opéra , quand on
n'entonne pas les intervalles dans leur juf-
tefte. U en eft de ménie du jeu des inftru-
mens.
II y a des gens qui ont naturellement
l'oreilleyàu^ , ou , fi l'on veut , le gofier ;
dé
F A U
45e forte qu'Us ne fanroient iamais entonner
iufte aucun inrervnlle. Quelquefois aufH on
■chante J\^ux , fi'.ilemenc faute d'habitude ,
■& pour n'avoiv pas roreilie encore foriTiée
à l'harmonie. Pour les inftrumens , quand
les tons en font fvix , c'eft que l'inftru-
ment e!l mal conflruit , les tuyaux mal
proportionnés , on que les cordes font
ja.iLJj'es , ou qu'elles ne (ont pas d'accord ;
que celui qui en joue touche faux , ou
qu'il modifie mal le vent ou les lèvres.
Faux , {Munege.) terme ge'neralement
employé' parmi nous , à l'effet d'exprimer
tout de'fauC de juftefle & de toute aftion
non mefurée , foit du cavalier , foit du
cheval. Voyez JuflejJ'e , Manège. Vos
mouvemens font faux ; ils ne font pas
d'accord avec ceux du cheval , & lui en
fuggerent qui font totalement dJfordonnt's.
Ce cheval , quelque brillant qu'i] paroifTe
aux yeux de fignorant , m^nic faux , fans
pre'cifion ; il efl: hors de toute harmonie.
Malheureufement pour les progrès de notre
art , il n'en eft que trop qui en impofent
à de femblables yeux par la vivacité de
leur adion i & ces yeux font en trop grand
nombre , pour ne pas laifl'er des doutes fur
les réputations les mieux fondées en appa-
rence. Ce cheval eft parti faux , il e&faux;
cçcprefTions plus particulièrement ulitées ,
îorfqu'il s'agit d'un cheviil que l'on part
au galop , ou qui galoppe. il eft ait faux ,
lorfque dans le manège fa jambe gauche
entame à main droite , & fa jambe droite à
main gauche ; ou lorfque , hors du manège
& dans un lieu non fixé & non reflcrré ,
la jambe droite n'entame pas toujours.
Cette dernière maxime n'a eu force de
loi parmi nous , qu'en conféquence de la
confiance aveugle avec laquelle nous re-
cevons comme principes , de faufles opi-
jiions , qui n'ont fans doute régné pen-
<3ant des fiecles entiers , que par l'efpece
lînguliere de vœu qu'il femble que nous
ayons fait de tout croire & de tout adop-
ter fans réflexion , fans examen , & fans
en appeler à notre raifon. Voyez Galop ,
Manège. ( e )
Faux , en termes de Blafon , fe dit des
p.rmoiries qui ont couleur fur couleur , ou
métal fur métal.
Tome XIIL
F A U 9T^
Faux , ( à la Monndc. ) On fe rend
coupable dejaux , en fait des monnoyages ,
en fabriquant des pièces faufjes par ur»
alliage imitant
or , l'argeot , OfU le bil
Ion ; en altérant les efpeces , ou les ré-
pandant au public : ou tout m.onnoyeur
fabriquant dans les hôtels , prend & vend
des cifailles , grenailles , & quelqu'un les
achetant quoique le fâchant ; ou tout di-
refteur de concert avec fes officiers , in-
troduifant des efpeces de bas alloi : tous
ces différens cas font réputés même crime ;
& ceux qui en font convaincus , font puni*
de mort.
* Faux , ( Pêche. ) c'eft un inftrumenc
compofé de trois ou quatre ains ou hame-
çons , qui font joints enfemble par les
branches , & entre lefquels eft un petit
faumon d étain, & de la forme à peu pr(îs
d'un hareng. Quand le pêcheur fe trouve
dans un lieu où les morues abondent , &
qu'il voit qu'elles fe refufent à la boîte ou
à l'appât dont les ains font amorcés , il
fe fert alors de \zfaux. Les poiffons trom-
pés prennent pour un hareng le petit lingoc
d'étain argenté &: brillant , s'empreftent à
le mordre ; le pêcheur agitant continuel-
lement fa faux , attrape les morues par où
le hafard les fait accrocher. L'abus de cette
pêche eft fenfible ; car il eft évident que
pour un poiftbn qu'on prend de cette ma-
nière , on en blefie un grand nombre.
Or on fait que 11 tôt qu'un poiflon eft
bleflé jufqu'au fang , tous les autres le fui-
vent à la pifte , & s'éloignent avec lui. On
doit par ces conlidérations défendre la
pêche à la fouanne & autres femblables ,
le long des eûtes.
Il y a une efpece de cliaufle ou verveux
qu'on appelle faux ; elle eft compofje de
cerceaux aflcmblés & formant une efpece
de demi-ellipfc ; les bouts en foiu con-
tenus par une corde qui fert de traverfe ;
autour de ce cordon eft attaché un fac
de rets , ou une chauffe de huit à dix
pies de long , à la volonté des pécheurs;.
Lorfque la faux eft montée , elle a en-
viron cinq pies de hauteur dans le milieu ,
fur huit , dix , douze pies de longueur. Il
faut être deux pêcheurs : chacun prend un
bout de Xafaux, & en préfente l'ouverture
à la marée montante ou defcendante , au
.. Zz z zz
514
FAQ
courant d'une rivière ; & le^ mouvement
du poifTon , lorfqu' il a touché le filet , les
avertit de le relever.
Faux-Accord , voyez Dlffbnance.
Faux-aveu , eft lorfqu'une partie
pour avoir fon renvoi , s'avoue fujet d'un
autre que de fon feigneur jufticier , ou
lorfque le vafTal avoue un autre feigneur
féodal que celui dont il le relevé. Voyei
la coutume de la Marche , ait. i8 , î<)6
& ic/S ; Auxerre , an'. 6l). {A)
Faux - Bois , ( Jardinage. ) branche
d'arbre qui eft crue dans un endroit où elle
ne devoir pas naître félon les defirs du
jardmier , & qui fouvent devient plus grofle
& plus longue que les autres branches de
l'arbre y dont elle vole une partie de la
nourriture.
Dans l'ordre naturel de la taille , les
branches ne doivent venir que fur celles
qui ont été raccourcies à la dernière taille ;
elles doivent encore être fécondes & pro-
portionnées dans leur jet : ainii toutes
les branches qui croirtent hors de celles qui
ont été taillées Tannée précédente , toutes
les branches qui étant venues , font greffes
où elles dcvroient être minces ; toutes les
branches enfin qui ne donnent aucune niar-
que de fécondité, font des branches àc faux-
bois, i'*. L'ordre naturel des branches eft
que s'il y en a plus d'une , celle de l'extré-
mité foit plus grofle & plus longue que
celle qui eft immédiatement au deftbus ;
cette féconde , plus que la troideme , &
ainfî de fuite. Or toute branche qui ne
fuit pas cet ordre , eft réputée branche de
faux-bois. On conçoir donc qu'il faut dé-
truire toutes les branches de faux-bois , à
moins qu'on n'ait deiTein de raieunir l'ar-
bre , &; d ôter toutes les vieilles branches
pour ne cor.ferver que hfaujj'e ; ce qui eft
un cas fort rare. Voyei l'article BoiS. Ar-
ticle de M. le chevalier de .Tau court.
Faux -Bourdon , eft une mufique
fimple dont les notes font prefque toutes
e'galcs , & dont l'harmonie eft toujours
fyllabique , c'eft-à-dire , note contre note.
C'eft none plainchant , accompagné de
phificurs parties. Voyez Coin, e - Point.
On cntendoit encore pav faux-bourdon j
F A U
1°. Un chant compofé de notes à l'unif-
fon pendant la valeur d'une maxime , en
forte que pendant le temps de la tenue
de la maxime «^ chantoit autant de fyl-
labes qu'il y avoit des notes à l'uniffon ;
& comme la maxime contient huit lemi-
breves , les uns vouloient qu'on ne fît
pafler que huit fyllabes fous la maxime ;
mais d'autres en faifoient pafler davan-
tage.
a**. Une compofition qui n'étoit qu'une
fuite d'accords de fixte , enforte que la
partie mitoyenne fît des tierces contre là
balfe , & des quartes contre le deflus.
Dans ce fens le faux-bourdon & la cata-
chrcfe font une même chofe. On appeloic
cette efpece de chznt faux-bourdon , parce ^
que la véritable bafl'e manque , ou du moins
fe trouve dans le deflus.
3°. Enfin , un contre -point formé au
deflus &; au deflbus d'un fujet donné ,
en forte que le tout fit un chant à trois
parties dont le fujet occupoit le m.ilieu.
( F. D. C. )
FaUXBOURG , f. m. ( Ge'cgr. ) c'eft un
terrain attenant à une vilile , & dont les
habitans ont les mêmes privilèges & la
même jurifdiclion que ceux de la ville.
Faux -Brillant, {An oratoire. }
penfée fubtile, trait d'efprit ou d'imagina-
tion , qui , placé dans un ouvrage , dans
un difcours oratoire , étonne & furprend
d'abord agréablement , niais qui par l'exa-
men fe trouve n'avoir ni juftefle ni folidité^
On ne rencontre que trop de gens dans
le monde aufli amoureux de ce clinquant ,
que le font les enfans de l'oripeau dont on
liabille leurs poupées. Si ces gens - là en
étoient crus , dit la Bruyère , ce l'eroit un
défaut qu'un flyle -châtié , net , & con-
cis ; un tiflli d'énigmes eft une lecture qui
les enlevé ; les comparaifons tirées d'un
fleuve dont le cours , quoique rapide ,
eft égal & uniforme , ou d'un embrafe-
ment qui , poufle par les vents , s'étend au
loin dans une foret où il confumeles chênes
& les pins , ne leur fourniffent aucune
idée de l'éloquence. Montrez -leur un feu
grégeois, un éclair qui lc»s éblouifle , ils.
vous quittent du bon & du beau.
Gardons-nous bien de donner dans ce
F A U
goût bizarre , fous prétexte que TeTprit
d'exadirude & de raitonneinent afFoiblit
les penfJcs , amortit ie feu de l'imagina-
tion , & dcfT-chele difcours ; on ne parle,
ou n'ccrit que pour être entendu , pour ne
rien avancer que de vrai , de jufie , de
conféquent , &: de convenable au fujet
qu'on" traite. Article de M. le chevalier
DE JaUCOURT.
Pour e'viter \qs faux-brillans , il faut fe
fervir avec réferve de l'antithefe , qui
conlille à oppofer des penfe'es les unes
nux aures , pour leur donner plus de jour.
Voye\ l'article Ancichefe , de M. Mar-
MONTEL , vol. IL
Les ancithefes bien ménagées , dit le P.
Bouliours , plaifent infiniment dans les
ouvrages d'efprit ; elles y font à peu près
le même effet que dans la peinture les
ombres & les jours qu'un bon peintre a
l'art de difpenfer à propos , ou dans la
mufique les voix hautes & les voix balfes
qu'un maître habile fait mêler enfemble.
On en rencontre quelquefois dans Cicéron ;
jiar exemple , dans l'oraifon pour Cluen-
tius , l'iat pudorem libido , timorem aiida-
cia y rationem amentia ; &: dans celle pour
Murena , odit popidus romanus privatam
luxuriam , publicam magnifiée mi am dtligit.
Telle eft encore cette penfée d'Augufte
parlant à quelques jeunes féditieux : audite,
juvenesyfenem quem juvenemfenes audiere.
Junon , dans Virgile , refolue de perdre
les Troyens , s'écrie , fleclere Ji nequeofu-
peros acheroina movebo !
Cette figure efl: brillante, mais les grands
orateurs , les grands poètes de l'antiquité
ne Font pas employée fans réferve , ni
femée , pour ainfî dire , à pleines mains ,
comme ont fait Séneque , Pline le jeune ;
& parmi les pères de l'ég'ife , S. Auguffin ,
Salvien & quelques autres. Il s'en trouve,
à la vérité , quelquefois de très-belles dans
Séneque , telle que celle-ci : cunv Uves
loquuntur ingenta flupent : mais pour une
de cette efpece , combien y rencontre-t-on
de miférables pointes & de jeux de mots,
que lui a arrachés l'afïedation de vouloir
iaire régner par-tout des oppofitions de
paroles & de penfées. Perfe frondoit
déjà de fon temps les déclamateurs qui
i'amufoienc à peigner & à ajuller des
F A U 5)îjf
antithefes en traitant les fujets les plus
graves :
Crimina rafis
Librai in antithetis doâus pofiiijfe figuras'.
Parmi nos orateurs , M. Fléchier a fait
de l'antithefe fa figure favorite & fi fré-
quente , qu'elle lui donne par-tout un air
maniéré : il plairoit davantage , s il en
avoitété moins prodigue. Certains critiques
aufteres opinent à la bannir entièrement
du difcours , parce qu'ils la regardent comme
un vernis éblouiffant , à la faveur duquel
on fait palTer des penfées faufles , ou qui
altère celles qui font vraies. Peut-être les
fujets extrêmement férieux ne la compor-
tent-ils pas ; mais pourquoi l'exclure du
llyle orné & du difcours d'appareil , tels
que les complimens académiques , les pa-
négyriques, l'oraifon funèbre, pourvu qu'on
l'y emploie fobrement , & d'ailleurs qu'elle
r.e roule que fur les chofes &: jamais fur les
mots. {G)
Parmi les faux brillans , on doit compter
les jeux de mots : on en peut diftinguer de
deux fortes : ceux dont la fignification ell
différente 6c dont le fon cft prefque le
même. Amantes funt amentes ; *' les aman(S
font des infenfés. » Les autres jeux de -
mots confilîent dans une équivoque ou
alliifion.
L'allufion envifagée fous ce point de
vue , eft plutôt un défaut qu'une beauté.
Les exemples que nous citerons , fuffiront
pour faire voir combien elle efl puérile.
Cet homme eft bienfait & bienfaifant.
^'otre lettre eft toute brillante d'efprit
& toute brûlante de pafTion.
Se lever matin eft bon à la fanté & à
la fainteté.
Coftar , de qui nous avons tiré ces exem-
ples , condamne lui-même les allufions fur
les noms propres , fl c'eût été la coutume
des Romains de jouer de cette manière
fur les mots , les pontifes n'eufîent été
que des faifeurs de ponts , les Brutus , &
les Porcius n'euffent pas eu un jour de
repos.
Nous ne ferons point affez féveres ,
pour interdire les allufions dans les con-
verfations ; l'on n'eft point choqué de la
plaifantçrie du cardinal de Riclielieu j à
TiZZZZ 2
9T(î F A U
M. Godeau ; ce dernier lui avoir de'dij la
tradudion du pfeaume Benedicice domino ,
*' vous m'avez donné le benedicice & je
» vous donne grâce j » mais dans un ftyle
férieux , les allufîons de mors font infup-
portables , & l'on eft révolté contre le
prédicateur qui dit :
Le fils de Dieu fut figuré à Bethléem ,
transfiguré fur leThabor, & défiguré fur
le calvaire.
La Paranomafe eft encore un faux-bril-
lant , qui ne peut être employé fans pré-
caution.
Elle efl une répétition du même mot ,
mais après y avoir fait quelque change-
ment , fuit en ajoutant , foit en retran-
chant. L'exemple fuivant eft une parono-
mafe très belle & très-vive. Elle eft tirée
de l'oraifon de Cice'ron pour Maixellus.
Cet orateur s'adrefte à Ce far.
" Vous avez vaincu , lui dit-il , tous les
autres vainqueurs , par votre équité &
F A U
très fîgtires qui ont du rapport à celîe dont
nous venons de parler : l'une s'appelle fi~
militer cadens ; c'eft quand les difttrens
membres ou incifes d'un période , finiftent
par des cas ou des temps dont la terminai-
fon eft femblable : l'autre s'appelle /zOT^/z'rer
dejinens ; c'eftlorfque les mots quifiniftent
les difFérens membres ou incifes d'une
période , ont la méine terminaifon ; mais
une terminailon qui n'eft pas une définence
de cas , de temps ou de perfonne , comme
quand on dit : Facere foniter , ^ vivere
turpiter. Ces deux dernières figures fonc
proprement la même ; on en trouve un
grand nombre d'exemples dans S. Auguf—
tin. On doit éviter les jeux de m.ots qui
font vides de fens ; mais quand le fens
fubfifte indépendamment du jeu des mots ,
ils ne perdent rien de leur mérite.
On doit , en général , ufer fobrement
de toute efpece de figures , mais princi-
palement des trois dont nous venons de
par votre clémence ; mais vous vous êtes, parler. Les plus belles oraifons de Cice'ron-
aujourd'hui vaincu vous - même , yous: „e font pas celles où il en a fait ufage ; &
■-0 m4,-,-,« d'aillgurs on en trouve très-peu d'exemples.
avez , ce femble , vaincu la vidoii-e même,
en remettant aux vaincus ce qu'elle vous
avoit fait remporter fur eux ; car votre
clémence nous a tous fauves , nous que
vous aviez droit , comme vidorieux , de
faire périr. Vous êtes donc le feul in-
vincible , par qui la vifloirc même , toute
fiere & toute violente qu'elle eft de fa
nature , a été vaincue. »
Le rapport qui fe trouve entre le fon
de deux mots , porte aufti le nom de cette
fi_gure. Amantes funt ameutes , eft une pa-
ronomafé. Z?i amans font des infcnjVs.
On voit que le jeu , qui eft dans le latin ,
ne fe retrouve pas dans le français.
Aux funérailles de Marguerite d^Aii-
triche , qui mourut en couche , on fit une
devjfe dont le corps étoit une aurorç qui
apporte le jour au monde , avec ces pa-
roles : Ditm pario , pereo ; " Je péris ^
v en donnant le jour. »
Pour marquer l'humilité d'un homme de
bien qui fe cache en faifant de bonnes œu-
vres , on peint un ver à foie qui s'enferme
dans fa coque : Tame de cette devife eft
dans fes ouvrages.
On peut encore comprendre fous \x
paronomafe , les jeux de mots, autre efpece
à(2 faux - brillant i nous en citerons quel-
ques exemples.
Un feigneur , après avoir été long-temps,
le favori de fon prince , &: commençant à
perdre de fon crédit, rencontra un jour
fur l'efcalier , comme il fortoit de chez le
roi, fon nouveau concurrent qui montoit.
Celui-ci lui ayant demandé s'il y avoit quel-
que chofe de nouveau : Rien du tout , dit-il,,
Jmon que je defcends ù que vous monte \^
Le motyV defcends eft pris au fimple &: au.
figuré , & c'eft en quoi conlîfte le jeu de
ce mot.
Un fort errant ne conduit qu'à /'erreur.
Il fut vaincu /?ar le plus grand vainqucur.1
Brûlé de plus de feux que je n'en allumai..
Les ;cux de m.ots doivent être bannis de
tout ouvrage férieux. C'eft pourquoi on a
line paronomiife : Operitur ditm operatnr. critiqué le vers de Racine qu'on vient de
j'ybfeçvçrai 5 à ctttç Qçcafion , dcuxau^ citer. Ce qui coni^itua le jeu de mots da
F A U
ce dernier exemple , c'eft qu'on y établit
une refTemblance réelle du fimpleau figuré :
feux fe prend au figuré dans le premier
hémifliche ; & au fimple , dans le fécond.
Ces fortes de jeux ne font permis que dans
les pièces de badinage ou de fociété , telles
que font les lettres familières , les billets ,
les impromptu , les épigrammes , les chan-
fons , fi'c-. On fit l'épitaphe fuivante à
M. de Marca , qui mourut avant d'avoir
pris poffefîion de l'archevêché de Paris ,
auquel le roi l'avoit nommé ;
Cy git monfieur de Marca ,
Que le roif.jgement marqua
Pour le prélat de fort e'glife ;
Mais la mort , qui le remarqua ,
Et qui fe plaît à la fiirprife ,
Sur la lifie le démarqua.
Voilà bien des jeux de mots dans ce peu
de vers. En voici de M. de Fomenelle , qui
valent mieux que ceux-là.
C^ejî ici madame du Tort ;
Çwi la voit fans l'aimer, a tort ^
Qui r entend & qui ne r adore ,
A mille fois plus tort encore :
Pour celui qui fit ces vers-ci ,
// n'eut aucun tort , Dieu merci.
Un homme , accoutumé fans doute aux
jeux de mots , fit , dic-on , celui-ci dans
le plus cruel défefpoir. C'étoit un Italien
amoureux d'une ingrate. Avant de fe
tuer , il ordonna à fon homme de confiance
de faire un fllambeau de fa graifTe , d'aller
trouver fon inhumaine & de lui faire lire ,
à la clarté de ce flambeau , ce billet qu'il
lui écrivoit : " Tu m'as défendu de brûler
» pour toi ; je brûle aduellement dans ta
» rnain , & c'eft à la lueur de ma flamme
»> que tu lis mes derniers adieux. » V^oycT^
Allusion. ^
Faux châssis , f. m. terme d'Opéra;
ce font trois montans de bois quarrés , de
quatre pouces de diamètre , & de vingt-
huir pies de long , joints enfemble en haut
&: en bas par deux pièces de bois du même
F A U
917
calibre , & de la longueu-r de trois pies &
demi. A la hauteur de huit pies , la moitié
àwfaux chafjis eft formée en échelle ; &
l'autre moitié refte vide. Dans la partie
inférieure en defTous , & à fes deux extré-
mités , font deux poulies de cuivre ; & au
deffus , deux anneaux de fer.
Le faux chafjls eft placé fur une plate
forme , à huit pies au deffous du plancher
du théâtre. Sur cette plate forme eft une
rainure ou coulifTe , fur laquelle coule le
faux chaffis ,• il pafTe par la rainure ou
coulifTe qui eft faite au plancher du théâtre,
& l'excède de vingt-un pies de hauteur.
A hauteur du théâtre , à chacun des
portans àw faux chaffis , font , du côté du
parterre , des crochets de fer , fur lefquels
on pofe le chaffis de décoration , & on l'af-
fure par en haut avec une petite corde qui
tient au chaffis , & qui eft accrochée an faux
chajfs.
Sur le côté oppofé , on accroche les
portans de lumière ( Voye\ PoRTANS ) ;
& la partie faite en échelle fert aux ma-
nœuvres pour aller afTurer la décoration >
ik pour moucher les chandelles. Voyer^
Changemens , Châssis , Coulisse.
iB)
Faux comble, en Architecture , c'ed
le petit comble qui eft au defllis du brifé
d'un comble à la manfarde. (P)
Faux côté d'un vaijfeau , {Marine.)
fe dit du côté par lequel il cargue le plus.
Voy. CÔTÉ. (Z)
Faux emploi , ( Jurifp. ) Il y a faux
emploi quand, dans la dépenfe d'un compte,
on a porté une fomme pour des chofes qui
n'ont point été faites. L'ordonnance de
1667 , tit. XX jx, art. 22 , dit que fi dans
un compte il y a des erreurs , omiffions de
recette , ou faux emploi , les parties pour-
ront en former leur demande ou interjeter
appel de la clôture du compte , & plaider
leur prétendus griefs en l'audience.
Le faux emploi eft différent du doubla-
emploi. Voy. Double emploi. {A)
Faux énoncé , (Jurifpr.) c'eft lorl^
que dans un aâe on infère quelque fait qpi
çiS F AU
n'eft pas exaft , foit que cela fe fafle par
erreur , ou gar mauvaile foi. (A)
Faux ÉTAMBOT , f. m. (Marine.) c'eft
une pièce de bois appliquée fur l'écambot
pour le renforcer. Voy. Etambot. (Z)
Faux feux , f. m. [Marine.) ce font
de certains fignaux que l'on fait avec des
amorces de poudre. Voy. Signal. {Z)
Faux FOND , {BraJ/irie.) c'eft une
partie de la cuve matière , ou plufieurs
planches de chêne coupées fuivant le cem-
t re de la cuve , percées de trous coniques
à trois pouces les uns des autres ; de forte
que le trou de deflbus eft beaucoup plus
large que celui de deftus. Les planches de
ce fond font drelTées à plat joint , & ne
tiennent point les unes aux autres ; parce
que lorfqu'on a fini de brafter , on les retire.
Voy. l'article Brajfciie.
Faux frais , [Jurifp.) font des dépen-
fcs que les plaideurs font , fans efpérance de
les reLirer, attendu qu'elles n'entrent point
dans la taxe des dépens. {A)
Faux fuyant, f m. {Vénerie.) c'eft
ce qu'on appelWme fente à pié dans le bois.
Faux germe, f m. ( Phyfiol. ) con-
ception d'un fœtus informe, imparfaite &
entièrement défeftueufe.
L'iiiftoire naturelle de l'homme com-
mençant à fa première or-igine , doit avoir
pour principe l'inftant de fa conception.
On pc-ut croire que l'homme , ainfi que
tous les animaux , naît dans un œuf, qui ,
par les fucs nourriciers , tranfmis de la
matrice dans le cordon ombilical , donne
au germe qu il renferme un commence-
ment'de confiftance au bout de quelques
jours que cet œuf a l'éjourné dans la ma-
trice. Quelque teraps après , la figure de
l'homme eft un peu plus apparence. Enfin
après quatre ou fix femaines de conception
& d'accroifîement perpétué , la figure
huma.ne eft tout à fait déterminée : on y
diftingue une conformation générale ,_ des
membres figurés , t^ des marques fenfibles
du fexe donc il eft.
Si cependant ce bel ouvrage de la
nature plus ou moins avancé , reçoit des
troubles &: des commotions trop fortes dès
;% pjremlers- jours u arrangement i que par
F A Ù
exemple , la fève nourricière manque ou
foit détournée du vrai germe avant qu'il
ait acquis un commencement de iolidité ,
de vrai germe il devient faux germe , fes
premiers Iméamens s'effacent &; fe détrui-
fent par le long féjour qu'il fait encore dans
la matrice avant que d'être expulfé : cette
congélation féminale flottante dans beau-
coup plus d'eau qu'elle n'a de volume , fe
divife d'abord , puis elle fe confond fi bien
dans les parties aqueufes , qu'on ne retrouve
plus que de l'eau un peu louche dans le cen-
tre à\.\faux germe.
C'eft donc dans ce point , que ce petit
œuf régulier dans fa figure , tranfparent à
travers fes membranes, laiftant appercevoir
par fa diaphané/té un petit coup louche
dansle centrede fes eaux, change peu à peu,
prend une figure informe , ùc mérite alors
le nom as faux germe.
La figure informe àufaux germe déter-
minée dès les premiers dérangemens du
vrai germe, devient pins ou moins appa-
rente & monftrueufe , félon le plus ou le
moins de temps qu'il féjourne & qu'il vit,
pour ainfi dire , dans la matrice ; les fucs
nourriciers ne pouvant plus fe tranfmettre
au vrai germe , fe fixent &: s'arrêtent à fes
membranes : leur tranfparence devient opa-
que ; fes pellicules prennent forme de chair
par une fève fur-abondante ; & le trouble
mis dans la diftribution des liqueurs & des
efprits , fait prendre à l'œuf une figure
monftrueufe: il devient corps étranger pour
la nature , & plus il refte dans la matrice ,
plus fon irrégularité & fon volume la tour-
mentent , & plus elle eftliie d'accidens ou
de violences pour s'en débarrafter.
La chute du/ai/ar germe , ou fon expulfion
la plus générale hors de la matrice , eft
depuis fix femaines de conception jufqu'au
terme de trois mois ou environ : je dis la
plus générale, parce que des hafards heureux
pour les gens de l'art , ont expulfé de la
matrice des germes manques fi nouvelle-
ment , que la figure régulière de l'œut n'a-
voit pas eu le temps d'crrc cloangée , qu'on
diftinguoit encore à travers la tranfparence
de fes membranes , lembrion fufpendu en
forme de toifon dans le contre d'une mer
d'ciu proporcionnémeat au petit volume
F A U
de l'embrion. Feu M. Puzos , djrhonftra-
teiir pour les accouchemens à Paris , en â
fait voir de très-naturels dans lese'colesde
S. Cômeàfes écoliers :& comme le temps
détruit bientôt ces petits phc'nomenes ,
quelque précaution qu'on apporte pour les
conferver , il en tait d'artificiels 11 refîèm-
blans à ceux que la nature fembloit avoir
voulu lui donner en préfent , qu'il paroî-
troit afïez difficile de douter , & de la
naifTance de l'homme dans un œuf , de
fon accroiflement gradué dans ce même
oeuf, & de la perverilon de l'œuf, & de
fon vrai germe par les caufes déduites ci-
defliis.
Ce n'eft pas une règle générale dans la
perverfion des vrais germes, qu'on ne trouve
dans ces maffes informes que de l'eau:
c'efl à la vérité la fauflTe couche la plus or-
dinaire, cependant il s'en fait dans lefquel-
les on trouve l'embrion commencé au cen-
tre du faux germe ,* il lui fuffit d'avoir pro-
fité pendant une quinzaine de jours pour
prendre confiltance , & former un petit
corps folide qui ne fe détruit plus. 0;i en
voit du volume d'une mouche à miel , &
ce font les plus petits , de même que les
plus gros qui fe trouvent renfermés dans
\efaux germe, n'excèdent guère le volume
du ver à foie renfermé dans fa coque avant
que d'être en fève.
L'embrion au defliis de cette dernière
groflTeur mérite le nom as f jetas : cinq ou
fix femaines d'accroiiTement lui donnent
forme humaine ; il eft diftingué& reconnu
pour tel dans toutes fes parties & dans
toutes fes dépendances. On le trouve ren-
fermé dans toutes fes membranes , flottant
dans fes eaux , nourri par le cordon om-
bilical, & muni d'un placenta adhérent au
fond de !a matrice ; que fi , par quelque
caufe que ce loit , ce petit fœtus périt , ce
qui l'entoure nQàcVient'çAwsf aux germe , ni
corps informe : il refte dans fes membra-
nes & dans fes eaux jufqu'à ce que la ma-
trice ait acquis des moyens fuffifans pour
l'expulfer ; elle y parvient toujours en plus
ou moins de temps, & ces moyens font
toujours ou douleurs confidérables avec
perte de fang légère , ou perte de fang très-
violente & fort peu de douleurs.
L'expulfion du fœtus bien formé hors de
F A U pfp
la matrice , efî un avortement bien cer-
tain, c'eft un truit bien commencé , lequel
arrêté dans fon accroifibment fe flétrit, fé-
che pour ainfi dire fur pie , & ne demande
qu'à lortir ; pour cet effet , il fournit par fcn
féjour des impoitunités à la matrice , qui à
la fln tournent en douleurs &: en perte de
fang , exigent un travail fort re'iemblanc
à celui d'un enfant vivant & fort avancé ;
& comme il ne réfulte de ce travail qu un
homme manqué dès fa première configu-
ration , on doit donner à ce travail le nom
à^aronement , puifqu'il ne produit qu'ua
fruit avorté fans perdre la refiemblance êc
la figure de ce qu'il devroit être.
Nous appellerions donc volontiers ai'ortc-
ment tout fœtus expuifé hors de la maciice
mort ou vivant , mais toujours dans le cas
de ne pouvoir vivre , quelque foin qu'on
puifTe en prendre dès qu'il efl né : nous
comprendrions par conféquent les termes
des grofl'efTes fulcepcibics d'avortement ,
depuis fix femaines jufqu'à fix moJs ré-
volus ; au feptieme mois révolu de la
grofîeffe , l'enfant venu au monde vivant ,
mais trop tôt , & pouvant s'élever par
des Ibins &: des hafards heureux , forme
un accouchement piém.aturé : prefque
tous les enfans nés à fept mois pénflent ;
peu d'entr'eux échappent au défaut de
forces & de te;nps , au contraire de ceu.<
qui naifTent dans le huitième mois , quf
plus communément vivent , & font plus
en état de pouvoir profiter des alimens
qui leur conviennent : enHn l'accouche-
ment de neuf mois eft celui d'une par-
faite maturité ; c'elï le terme que la na-
ture a pre'crit au féjour de l'enfant dans
la matrice , terme néanmoins fouvent ac-
courci par des caufes naturelles , telles
que la grofTeffe de deux ou trois enfans,
l'hydropifie de la matrice , fa denfité qui
l'empêche de s'étendre autant que l'ac-
croifîbment de l'enfant l'exige , ou la foi-
blefTe de fes refforts qui la font céder trop
tôt au poids des corps contenus : on pour-
roit joindre aux caufes naturelles des accou-
chemens prématurés, des maladies , des
coups , des chiices , & généralement tour
accident capable d'accélérer la iortie d un
enfant avant ion terme.
Qui voudroit traiter cette matière à fond.
p20 F A U
trouveroît de quoi faire un volume aflez
intt-'iedant , s'il étoit entrepris par une
main que l'expe'rience & la théorie con-
duiilfTont ; mais comme il n'eft ici quef-
tion que de donner une idJe générale du
germe manqué dans la conception de
l'homme , nous croyons en avoir aflez
dit , pour porter les curieux à prendre
quelque teinture des connoifTances réfer-
vées d'ordinaire aux gens de Tart. J^oje^
cependant les articles , FAUSSE COUCHE,
Germe , (Euf, Génération , Fcetus,
Mole, Accouchement, Enfante-
ment , AVORTEMENT. Vol. III , & les
obfervations fuivantes fur fes caufes & fes
remèdes.
Vai'ortement peut arriver dans tous les
temps de la grofl'eire ; mais s'il arrive
avant le fécond mois après la conception ,
on l'appelle proprement faujfe conception ou
faux germe. Voy. CONCEPTION.
Il y a des exemples à^avortemens par la
bouche, l'anus , le nombril , &c. V. FCETUS,
Emdrion , &c.
Les caufes ordinaires de Vavortement font
des évacuations immodérées , des mouve-
mens violens , des paiTions foudaines , des
frayeurs , &c. les autres caufes font la
grolîeur & la pefanteur du fœtus , l'irri-
tation de la matrice , le relâchement des
ligamens du placenta , la foihlefle & le
défaut de nourriture du fcctus ; trop
manger , le long jeûne ou de longues
veilles , l'ufage des corps baleinés , les
mauvaifes odeurs, les violens purgatifs ; &
en général tout ce qui tend à provoquer les
règles.
Les fymptomes qui précédent d'ordinaire
Vai'ortement, font une fièvre continue ou
intermittente , une douleur dans les lom-
bes & à la tète , une pefanteur des yeux ,
un atFaiflement & un renerrement du
ventre ; un écoulement de flmg pur ou
aqueux , une diminution des mamelles ,
un lait fércux , 6v. &c. lorfque le moment de
h fdujje-couche ell venu , les douleurs font
à peu près les mêmes que celles de l'accou-
chement.
L'ayortement cft dangereux quand la
groflefle cft fort avancée , & qu'ainfi le
fœtus cft d'une Hroffe")^ coiiTidérable ;
F A U
quand la caufe eft très-violente y que la
malade à de fortes convulfions , que l'ac-
couchement eil précédé ou fuivi d'une
grande hémorrhagie , que le fœtus eft
pourri , Ùc. dans d'autres cas il eft rarement
mortel.
Le traitement doit être conforme aux
fymptomes particuliers & aux circonftan-
ces. 'î>i la malade eft plétorique , il faut
faigner dés que les premiers fymptomes
paroifTent. En cas d'émorrhagie , il faut
avoir recours aux aftringens appropriés ;
& s'il ne réuffiflent pas , aux fomentations, ^
aux injeâions , aux fumigations. S'il y a '■
un ténefme , il faut employer la rhubarbe ;
& s'il y a un relâchement habituel des
vaifteaux de la matrice , on le fervira du
gayac. Voy. GROSSESSE. {N)
Faux-jour , f. m. en drchit:cfure , eft
une fenêtre percée dans une cloifon pour
éclairer un paflage de dégagement , une
garde-robe ou un petit el'calier , qui ne
peut avoir du jour d'ailleurs. 'Les faux-
jours font fur-tout d'un grand fecours
dans la diftribution pour communiquer de
la lumière dans les petites pièces prati-
quées entre les grandes : on a héfité long-
temps à en faire ufage ; cependant l'on
peut dire que c'eft à ces faux-jours que
l'on doit la plus grande partie des commo-
dités qui font le mérite de la diftribution
françoife. La manière dont on décore la
plupart de ces faux-jours du côté des ap-
partemens avec des glaces , des gazes bro-
chées , &<:. eft tout à fait ingcnieufe , &
mérite une attention particulière. Voye\
à Paris l'hôtel de Talmon , de Villars,de
Villeroy , 6v. bâtis fur les deftins de feu
M. Lelion architede du roi. (P)
Faux-jour , {peinture.) On dit qu'un
tableau n'eft pas dans (o\\ jour , ou qu'il
eft dans un faux-jour , lorfque du lieu où
l'on le voit, il paroît dcffus un luifant qui
empêche de bien diftinguer les objets. Les
tableaux encauftiques n'ont point ce dé-
faut. Voy. Encaustiques. Diéfionn. de
Feint. {R)
Faux limon, f m. pi. [charpent.)
font ceux qui fe mettent dans les baies
des croifées ou des portes. Voyei Ll-
MON,
Faux
F A U
Tmix - tnxrqué ou Contre - marqué ,
fiibrt. mafc. ( Maréchall. ) termes fy-
nonymes : le fécond eft plus ufite' que le
premier.
Le cheva! contre-marqué &([ celui dans
la table de la dent duquel on obicrve une
cavité fadice ou artiriclelle , & tei.'e que
l'animal parott marquer : cette fripponnerie
n'eft pas la leule dont les maquignons font
capables. Voyez Muquignon.
Ils commettent celle dont il s'agit , par
le moyen d'un burin d'acier , femblable à
celui que l'on emploie pour travailler
l'ivoire : ils creufent légèrement les dents
mitoyennes , & plus profondément celles
des coins. Pour contrefaire enl'uite le
germe de fève , ils remplifTent la cavité
de poix réfine , ou de poix noire , ou de
foufie , ou bien ils y introduilent un grain
de froment, après quoi ils enfoncent un
fer chaud dans cette cavité, & réitèrent
l'infertion de la poix , du fbufre ou du
grain , jufqu'à ce qu'ils aient parfaitement
imité la nature : d'autres y vident fim-
plement de l'encre très-graffe , mais le
piège eft alors trés-groflier.
L'impreŒon du feu forme toujours un
petit cercle jaunâtre qui environne ces
trous. Il eft donc queftion de dérober &
de fouflraire ce cercle aux yeux des ache-
teurs. Aufti-tôt qu'il s'en préfente, le ma-
quignon glifle le plus adroitement qu'il lui
eft pofïïble dans la bouche de l'animal une
légère quantité de mie de pain très-feche ,
& pilée avec du fel ou quelqu'autre dro-
gue prife & tirée des apophlegmacifans ,
& dont la propriété eft d'exciter une écume
abondante : cette écume couvre & cache
le cercle , mais dès qu'on en nettoie la
dent avec le doigt , il reparoit , & on le
découvre bientôt : d'ailleurs les traits du
burin font trop fenlibles pour n'être pas
aifénient apperçus.
Le but ou l'objet de cette fraude ne peut
être parfaitement dévoilé qu'autant que
nous nous livrerons à quelques réflexions
fur les marques & fur les fignes auxquels on
peut reconnoître l'âge du cheval.
La connoifVance la plus particulière &
la plus fûre qu'on puifte en avoir , fé tire
de la dentition , c'efl-à-dire , du temps
& de l'époque de la poufle des dents , &
Turp.e XIIL
ïï À (J _ _ 921'
de la chute de celles qui doivent tomber
pour faire place à d'autres.
La fituation desjijuarante Jents donc
l'animal eft pourvu , eft telle qu'il en eft
daiis les parties laiéra'es poftérieures en
deià des barres , dans les parties latéra-
les en deçà des barres , & dans les par-
ties antérieures de la bouche , de là leur
divifion en trois clafîes.
La première eft celle des dents , qui ,'
fituées dans les parties latérales pofté-
rieures en delà des barres , font au nom-
bre de vingt-quatre , fix à chaque côté de
chaque mâchoire : elles ne peuvent fervir
en aucune façon pour la connoiffance &
pour la diftijidion de l'âge , d'autant plus
qu'elles ne font point à la portée de nos
regards. On les nomme mdchelieres ou
molaires , mâchelieres du mot mâcher ,
molaires du mot moudre , parce que leur
ufage eft de triturer , de broyer , de
rompre les alimens ou le fourrage , opé-
ration d'autant plus néceffaire , que fans
la maftication il ne peut y avoir de di-
geftion parfaite.
La féconde clafTe comprend les dents ,
qui , placées dans les parties latérales en
deçà des barres , font au nombre de qua-t
tre , une à chaque côté de chaque mâ-
choire. Les anciens les nommoient écail-
lons , nous les appelons crocs ou cro-
chets ,• ce font en quelque façon les dents
canines du cheval. Les jifîiiens en font
communément privées , & n'ont par con-
féquent que trente-fîx dents : il en eft
néanmoins qui en ont quarante, mais leurs
crochets font toujours très-petits , & elles
font dites brechoSnes. Beaucoup de per-
fonnes les regardent comme admirables
pour le fervice , & comme très-impro-
pres pour le haras ; d'autres au contraire
les apprécient pour le haras , & les rejet-
tent pour le fervice. On peut placer ces
idées diiTérentes & ces opinions oppo-
fées , dans le nombre des erreurs , qui , '
jufqu'à préfent , ont inleclé la fcience du
cheval.
La troifieme clafle renferme enfin les
dents qui font fituées antérieurement , &
qui font au nombre de douze, fix à clia-
que mâchoire : leur ufage eft de tirer le
fourrage & de brouter l'herbe, pour enfuite
A a 3 a a a
ç,it F A U
ce fourrage être portd fous les molaires ,
qui , ainfi que je 1 ai dit , le broyent & le
triturent : aulli ces dents antérieures ont-
elles bien moins de force que les autres ,
& font-elles bien plus éloignées du centre
de mouvement.
L'oidre , la difpofîtion des dents dans
l'animal , n'eft pas moins merveil;eufe que
leur arrangement dans l'homme : elles fonc
placées de m.aniere que les deux mâchoi-
res peuvent fe joindre , mais non pas par-
tout en même temps , ai:n que l'adion
de tirer & de brouter , & celle de rompre
& de triturer , foient variées félon les be-
foins & la volonté, lorfque les dents mo-
laires fe joignent , les dents antér.eures de
la mâchoire fapérieure avancent en de-
hors; elles couvrent, elles outre pafTent
çn partie celles de la mâchoii^e intérieure
qui leur répondent ; & quand les extrémi-
tés ou les pointes des dents antérieures
viennent à fe joindre , les molaires dé-
fi eurent écartées.
Les unes & les autres ont , de même que
toutes les parties du corps de l'animal, leur
germe dans la matrice , & celles qui fuc-
cedent à d'auti-es ne font pas nouvelles ,
car elles étoient fermées , quoiqu'elles ne
parufTent point. Sépa.ez les mâchoires du
fœtus '}\\ cheval , vous y trouverez les mo-
laires , les crochets , & les antérieures
encore molles , diilinguées par un interf-
tice ofleux , & dans chacune un follicule
muqueux & tenace, d'où la dent forcira.
Séparez encore ce rang de dents , vous
en ti^ouverez fous les antérieures un le-
cond compofé de celles qui font deftinées
à remplacer celles qui doivent tomber ; je
dis f^us celui des antérieures , car les cro-
chets & les molaires ne changent point.
Les dents font donc molles dans leur
origine ; elles ne paroiffent que comme une
veflîe membrancufe encore tendre & gar-
nie à l'extérieur dune humeur muqueufe:
cette vefTie abonde en vaifTeaux ianguins
& nci-veux; elle le durcit dans la fuite
par le defléchemènt de la matrice plârreufe
qui y aborde fans ceflè , c'eft ce qui fait le
corps de la dent. La fubftance muqueufe ,
que j'ai dit être à l'extérieur , devient en-
core plus compaf^e par fa propre nature, &
&)rme ce que l'on appelle ï émail.
F A U
Les dents antérieures du cheval difFc'*
rent de celles de l'homme, en ce que
cette petite veflie , qui dans nouseft clofe
& fermée en deffiis , eft au contraire ou-
verte dans l'animal , ce qui lait que la ca-
vité de la dent qui ne paroît point dans
l'homme , parce qu'elle eft intérieure ,
paroît au dehors dans le cheval. C'tft cette
même cavité qui s'etface avec l'âge, dans
laquelle on apperçoit , tant que l'animal
eft jeune, une efpece de tache noite que
Ion nomme germe de jeve , & que les
maquignons veulent imiter en contre-mar-
quant l'animal.
L'origine de ce germe de fève ne peut:
erre ignorée : la ca^àté de la dent eft rem-
plie par l'extrémité des vaifleaux qui lui
appartiennent ; or dès que l'air aura pé-
nétré dans cette cavité , il defléchera la
fiîperfîcie de ces mêmes extrémités ; il la
réduira , il la noircira , & delà cette
forte de tache connue fous le nom de
germe de fève.
Prenons à préfent un poulain dès (a
nalftance : il n'a point de dents. Quel-
ques jours après qu'il eft né, il en perce
quatre fur le devait de la mâchoire , deux
deftlis & deux deffous ; peu de temps
enfuite, il en poufte quatre autres fltuées
à chaque côté des premières qui lui font
venues , deux deftus & deux dtffous ;
enfin à trois ou quatre mois , il lui en
pouflb quatre autres lituées à chaque côté
des huit premières , deux deftus & deux
deftous ; de façon qu'alors on apperçoit
douze dents de lait à la partie intérieure
de la bouche du cheval.
On les diftingue des dents du cheval
fait , en ce que celles-ci font larges ,
plates , & rayées fur-tout depuis leur fortie
des alvéoles , c'efl-à-dire , depuis le cou
de la dent jufqu à la table, tandis que
les autres font petites , courtes , & blan-
ches. M. de Soleyfel , & prelque tous
les auteurs , leur ont fiippofé une marque
plus fen(ible & plus diftlnde : ils ont pré-
tendu qu'elles n ont point de cavité : ce
fait eft abfolument faux ; elles en ont:
une comme celle du cheval , îv" cette er-
reur feroit trcs-capaMe d'égarer ceux qui
cherciieront à apprendre la et nnoiftance
de l'âge d'après leur l'yftème , puifqu'U
F A U
s'cnfuivroîc qu'en confidJrant la bouche
d'un poulain , toutes les dents étant cieu-
les , ils i'imagineroient que l'animal au-
rait cinq ans , tandis qu'il n'en auroit pas
trois.
Ces douze dents de lait fubfiftent fans
aucun changement , jufqu'à ce que le pou-
lain ait atteint l'âge de deux ans & demi
ou trois ans. Pendant cet efpace de temps ,
on ne peut donc diftinguer par, la dentition,
le poulain d'un an , d'avec celui qui en
aura deux.
On ne fauroit trop fe récrier fur la né-
gligence que l'on a apporté jufqu à pré-
lent, même à l'égard des chofes qui pou-
voient nous conduire aux connoifTances les
plus triviales & les plus fimples. Celles de
dents ne demandoient que des yeux , des
obfervations de fait , & non une étude
pénible , abftraite & férieufe. On s'cft
cependant contenté d'une infpedion lé-
gère ) d'un examen peu réfléchi ; en forte
que Pon voit très - communément des
fccuycrs qui s'honoient du titre de connoif-
feurs , ne fe rapporter en aucune faCjOn
les uns & les autres fur l'âge de l'animal ,
& qu'il nous eft totalement impoihiile de
difcerner avec cert.tude & avec p.éc.ficn ,
un poulain d'une année , dor.t la conflitu-
tion fera forte & bonne , d'avec un pou-
lain de deux années , dont la conrtitucion
feroit foible & délicate.
Il ell vrai qu'on a eu recours à cet effet
aux pciîs & aux crins , mais ces objets
& ces guides font peu fîus. Le poulain
d'un an , dit-on , a toujours le poil comme
de la bourre ; il efl; frifé comme celui
d'un barbet. Ses crins , fuit de l'enco-
lure , foit de la queue , rc!lemb!ent à de
îa filaife , tandis que les crins & le poil
du poulain de deux ans , ne différent point
de ceux du cheval : or comment s'appuyer
& s'étayer fur cette remarque , qui ne dé-
termine d'ailleurs rien de fixe & de jufte,
fur-tout 11 nous confidérons que les ciins
d'un cheval de cinq , fix , fept , huit an-
nées, plus ou moins, feront tels qu'on
nous les dépeint dans le poulain d'un an ,
fi l'animal travaille continuellemenr à l'ar-
deur du foleil , comme les chevaux de
rivière , & s'il eft mal ibigné , mal nourri ,
fijal penfé , mal pei^jné.
F A U 523
Il i-mporteroit néanmoins beaucoup de
connoître l'âge du poulain depuis fa naif-
(inice jufqu'à deux ans & demi ,^ trois ans ;
la raifon du non-ufage que l'on en faic
dans cet intervalle de temps , ne fauroic
autorifer notre ignorance fur ce point.
Premièrement , on peut vendre un pou-
lain d'une année , qui aura bien profité,
pour un poulain de deux ans. Seconde-
ment , qu'un maquignon de mauvaife foi
arrache à un poulain de cette efpece huic
dents de lait , les dents de cheval , qui
doivent leur fuccéder , fe montreront
bient '.t , & on prendra ce poulain d'un
an & demi , deux ans , pour un poulain
de quatre ans. Si l'on avoit attention au
contraire à la marque des dents de lait ,
celles du coin , fubfiflant toujours, nous
fauveroicnt de l'erreur dans laquelle on veut
nous induire , & du piège que notre im-
péritie occafionne & favorife. On objec-
tera peut-être qu'il n'eft pas polîlble d'y
tomber , & d'acheter un poulain de qua-
tre années, parce que dcs-lors les crochets
dedelfous devroient avoir poufîé ; mais il
fera facile de répondre , en premier lieu ,
s'il s'agit d'une jument, qui ordinairemenc
n a pas de crochets , comment fe garantir
de la fraude ? En fécond lieu , il efi des
chevaux qui n'en ont point: il eft vrai que
le cas. ell rare. En troifieme lieu , les
crochets poullent à trois ans & demi ,
quatre ans, & la dent de quatre ans peut
les devancer. Enfin , ne voit on pas des
marchands de chevaux frapper adroitement
la gencive à l'endroit où le crochet doit
percer; de manieic qu'à la fuite dos petits
coups qu ils ont donnés , il fi.rvient une
dureté qu'ils préientent comme une preuve
que le crochet efl prêt à fortir. Il fau-
droit donc nécelfairement , pour éviter
d'être trompé , fuivre le^ dents de lait
comme nous fuivons cel;es du cheval :
elles font creufes , elles ont le germe de
fevci & parles remarques que l'on fe-
roit, on fe mettroi^ à l'atri de toute
furprife & de tout détour. J avois pué quel-
ques infpedeurs des haras de fe livrer à des
obfervations auTi faciles , je ne fais quel
a été le réfultat de leurs recherches ; on
! ne fauroit trop les inviter à en faire part
au public.
yVaaaaa 2;
Ç24
F A U
an
Quoiqu'il en foit , fi l'on fait attention 1
„.. temps de la chute de ces dents, on verra
cju'à l'âge de deux ans & demi , trois ans ,
celles qui font fuue'es à la partie antér;euie
de la bouche, deux defTus & dcu\ défions,
font pla:e à quaa-eaut:es que l'oa nomme
les puises; ainfi à deux ans & demi,
trois a:is , le poula'n a quatre deuts de
cheval & huit dents de lait.
A trois ans !k demi , quatre ans , les
quatre dents de lait placies à chaque^cûcé
des pinces , deux deilus & deux deïfous ,
tombent, & font place à quatre autres qui
fe nomme,.t Its imtûyennes , parce qu'elles
fonc fituces entre les pinces & les coins ;
de façon qu'à trois ans & demi, quatre ans,
le poulain a huit dents de clieval & quatre
de.ts de lait.
Enfin à quatre ans & demi , cinq ans,
les quatre dencs de lait qui lui reltoient ,
deux deilus & deux deilbus , à chaque
côte' des mitoyennes, tombent encore,
font place à quatre autres que l'on appelle
les coins i en forte qu'à quatre ans &
demi , cinq ans , l'animal a tout mis ,
c'eft-à-dire , les pinces , les mitoyennes ,
& les coins ; & perdant dès-lors le nom de
poul.dn , il prend celui de chei-'-iL Du
refte, je ne rixe point d'époque certaine
& de temps abfolument fixe , je ne m^e
fonde que fur un terme indécis d'iuie année
ou d'une demi-année , parce que ce chan-
gement n'a pas lieu dans un eipace détei'-
mmément limité. Il cft des chevaux qui
mettent les dents plutôt , d'autres plus tard,
les premiers auront eu une nourriture dure,
folide & ferme , telle que la paille , le
foin, &c. les autres en auront eu une molle,
telle que l'herbe : il eft cependant afiliré ,
en général, qu'à deux ans &. demi l'ani-
mal met les junces.
Le:> douze tlents ante'rieures ne font pas
les feules indices de ion âge , les crochets
nous fannoncent auili ; ils ne foiit pré-
cédés d'aucune dent , & ne fuccedent par
conféqucnt à aucune autre. Ceux de la
niâchoire inférieurs percent à trois ans &
demi , quatre ans ; ceux de la mâchoire
fupérieure , à c|uatre ans , quatre ans tSc
demi. D.'s qu'ils percent , ils font aigus ,
ils font tranchants ; & à mefure qu'ils
troillént 5 on apperçoit deux cannelures
F A U
dans la partie qui eft du côt^ du dedans
de la bouche ; cannelure qui s'cfFace dans
la fuite, & qui ne fublifte pas toujours.
11 arrive quelquefois cependant que les
crochets de la mâchoire fupérieure précè-
dent ceux de la mâchoire inférieure. Rien
n'eft au furplus moins certain que la for-
me &: le temps de l'éruption de ces dents.
Qi:oiqu'on prétende qu'une connoiflance
parfaite de la dentition à cet égard fo;t
prCx^que la feule qu'on doive chercher à
acquérir, je peux certifier que j'ai vu nom-
bre de chevaux qui n'étoient âgés que de
cinq ans , & dont néanmoins les crochets
étoient ronds & émouHés.
Nous avons conduit l'airimal jufqu'à l'âge
de quatre ans & demi , cinq ans, cherchons
à étendre nos découvertes ; mais voyons
auparavant fi celles dont les auteurs nous,
ont fait part , ne portent point avec elles
un caraclere d'inceititude , fource de la
diverfité de nos opinions.
Dès que les pinces & les mitoyennes
font déchaufll'es ou hors de leurs alvéoles,,
elles font leur crue en quinze jours; il
n'en eft pas de même dci coins , & c'eft
à cette différence à laquelle on s'eft atta-
ché. On a cru en effet que la dent de coia
& les crochets devoier^t uniquem.ent fixer
nos regards depuis fài^e de quatre ans &
demi , cinq ans , c'eft-à-dirc , dès que le
cheval à tout mis ; & comme les coins font
les dernières dents qui rafent , on s'eft
contenté de s'arrêter à l'examen du plus,
ou moins de progrès que faifoit , s il m'eft
permis de m'exprimer ainfi , le rempliffage
de la dent , pour décider fi le cheval a cinq
ans & demi , fix ou fept ans ; car djs que
la cavité ceffe de paroître , on dit qu'il
a rafé , ce qu'il fait environ à huit années.
Il fullic d'expofer le fyftéme de M. de
Solcyfel fur ce point , fyftéme générale-
ment reçu , pour être convaincu que rien
n'eft plu5 équivoque que ce qui rélulte de
fcs. principes.
Premièrement , il avance que les coins
de defl'us percent avant ceux de dcftbus ;
mais" cette règle n'eft pas invariable ; car
fouvent les coins de la mâchoire inférieure
devancent &z précèdent ceux de la mâchoire
fupérieure. D'ailleurs, comment s'en rappor-
ter férieufementaux obfcrvations liiivantesl
PAU
Dès que la dent de coin paroît , dit-il ,
elle borde feulement la gencive , le de-
dans & le dehors font garnis de chair juf-
qu'à cinq ans ; ainfi la dent de coin dans
cet e'tat fait preTumer que le cheval mange
dans ces cinq ans , & qu'il ne les a pas
encore : à cinq ans faits , la chair que 1 on
apperçoit dans cette dent eft entièrement
retirée : de cinq ans à cinq ans & demi , la
dent demeure creufe : de cinq ans & demi
à fix ans , ce creux qui parcifloit occupe
le milieu de la dent , qui dès-lors cft
égale au dehors & au dedans ; à fept ans
cette cavité' diminue &: Xe rem.plit : à huit
ans elle eft effacée , c'eft-à-dire , que le
cheval a rafc. En un mot, continue-t-il ,
le coin, dès fa nailFance , eft de l'épaifleur
d'un écu ; à cinq ans , cinq ans & demi ,
de l'e'paifl'eur de deux écus ; à lix ans , de
l'épaifleur du petit doigt ; à fept ans , de
répaifîbur du fécond ; à huit ans , de l'é-
paifleur du troiflcme.
II eft fingulier que M. de Scleyfel ait
pu croire que la nature s'afliiietcifloit tou-
jours exadement à ces dimeniïons & à
ces mefures ; fa remarque , jufte par ha-
fard fur la bouche d'un cheval, n'aura pas
lieu , il 1 on fait attention aux coins placés
dans la bouche de cent autres. Ajoutons
que tels chevaux, en qui les coins bor-
dent feulement la gencive , font âgés de
fept ans ; & d'ailleurs feroit-il bien poflible
de juger précifément & fainement du point
de diniiiiUticn de la cavité , pour diftin-
guer parfaitement l'âge de fïx ou fept an-
nées ? J'ofe me flatter que la voie & la
méthode que j indiquerai ^ feront & plus
lïîres & plus faciles.
La mime règle qui a été fuivie dans la
çoufle des dents , fubfifte dans leur chan-
gement & dans leur forme.
Les premières dents qui ont paru font
tomb,'es les premieies , ont fait place aux
pinces : le poulain a eu alors deux ans &
demi , trois ans. Les fécondes font tom-
bées les fécondes , & ont fait place aux
mitoyennes : l'animal a eu dès-lors trois
ans & demi, quatre ans. La chîite des
troiliemes enfin a tuit place aux coins ,
& le poulam eft parvenu à quatre ans &:
demi , cinq ans. Les pinces raferont donc
jbs premieies , 6c leur cavité remplie ,
F A U 5,2^
l'animal aura fix ans : les mitoyennes ra-
ftront enfuite ; l'animal aura fept ans :
enfin les coins étant rafés , le cheval en
aura huit.
Pour connoître & diftingucr fon âge ,
lorfqu'il ne marque plus , on a eu recours
à une obfervation non moins fautive que
les autres. On a penfé que félon que les
crochets font plus ou moins arrondis , &
que les cannelures font effacées , il doic
être déclaré plus ou moins vieux. Il faut
partir d'un principe plus confiant : ayant
égard aux marques des dents antérieures '
de la n-.àchoire fupérieure ; car quoique
les inférieures aient rafé , les fupérieurcs
marquent encore ; & s'attachant au temps
oi!i elles cefTeront de marquer , & où leur
cavité s'cfracera , on pourra finvre iùi-c-
ment l'àge de l'animal , après qu'il aura
atteint celui de huit années. Les pinces
de la mâchoire fupérieure rafent en effet
à huit ans & demi , neuf ans ; les mi-
toyennes , à neuf ai-,s 6c demi , dix ans ;
& les dents de coin , à dix ans & demi ,
onze ans , & quelquefois à douze.
Je ne prétends pas que cette loi ne
fouffre aucune exception, la nature varie
toujours dans fes opérations ; il eft cepen-
dant des points dans lefquels fa marche
eft plus uniforme que dans d'autres. J'a-
vois obfervé, avant l'imprefli on de mes
ik'mcns d' Htppiacrique , ce fait fur plus
de deux cents chevaux, & je n'en avois
trouvé que quatre dont les dents fupé-
rieures dépofent contre fa certitude ; elle:
a été confirmée depuis par l'aveu de tous
ceux qui ont cherché à s'en aflurer , &
je ne penfe pas que quelques preuves très-
rares du contraire fuffifent pour anéantir
cette règle : car il feroit abfolument im-
poflible alors d'en reconnoître une feule
qui fût fixe & invariable. On ne feroit.
pas plus autorifé en effet à la contefter à
la vue de quelques cas qui peuvent la
démentir , que l'on feroit fondé à fou-
tenlr que les chevaux marquent toujours ,.
parce que 1 on en trouve qui ne rafent
point, & dent le germe de fève ne s'efface
jamais.
Ceux-ci font nommés en ge'héral che-
vaux bégns ; les jumens & 'es chevaux:
hongres font plus fujets à l'être que les
92^ F A tr
chevaux entiers ; les polonois , les crava-
tes, les tranfilvains, le funt prefque tous.
J'en diftingue trois efpeces : la première
comprend ceux qui marquent toujours ,
& à toutes les dents : la féconde cft com-
pofJe de ceux qui ne marquent qu'aux mi-
toyennes ■& aux coins : la troifieme enfin
efl formJe par ceux dans lefquels le germe
de fève fubfifte toujours , & je nomme
ces derniers faux-be'gus.
Nous avons déjà dit qu'un cheval a cinq
ans faits , lorfqu'on apperçoit une cavité
.^ans les pinces , les mitoyennes & les
coins. Nous fommes encore convenus que
les coins ne croifl'ent que peu à peu & par
fucceiïicn de temps : or il nous apperce-
vons que la dent de coin efl égale au de-
dans &: au dehors , &: que la cavité que
l'on y remarque foit afTez diminuée pour
que l'animal l'oit parvenu à fa fixieme an-
née , la dent de pince doit avoir rafé ; &
que fi elle n'eft pas entièrement pleine ,
l'anim-al eft bégu. Ajoutez à cet indice
la preuve qui fuit , car dans ce cas la cavité
des dents n'ell pas telle qu'elle doit être ,
puifqu'oîlcs font toutes également creufes.
Or vous favez que lorfquc l'animal appro-
che de cinq ans &: demi , & qu'il a cinq
ans faits , les pinces qui doivent rafer les
premières , ont une moindre cavité que
les mitoyennes ; ainfi dès que cette cavité
fera égaie dans les pinces , dans les m.i-
toyennes & dans les coins , & que celles-
ci ne feront pas plus creufes que les pinces ,
l'animal fera inconrelhblement bégu.
Celui qui ne marque qu'aux mitoyennes
& aux coins, c'eft- à- dire , dans lequel la
dent de pince a rafé , quoiqu'il foit bégu ,
fera facilement reconnu , fi l'on compare ,
ainfi que je viens de l'expliquer , la cavité
des mitoyennes & des coins ; mais l'em-
barras le plus grand efl de difcerner l'ani-
mal bégu d'un cheval de fept ans faits ,
lorfque la dent de coin feulement ne doit
jamais rafer. C'eft alors qu'il fluit avoir re-
cours aux crochets , & à tous les fi.gnes qui
indiquent la vieilleiTe , d'autant plus qu'on
ne peut efpérer de tirer aucune conr.oif-
fancedes dents fupérieures , parce que tout
cheval bégu l'ell: par ces dents comme par
les dents inférieures.
C^uaat aux chevaux que j'ai nommé
F A U
faux-be'gus, c'efî-â-dirc , quant à ceux
dans lefquels le germe de fève ne s'ef-
face jamais , on pourroit les divifer en
deux clafîes , dont la première compren-
droit l'animal dans lequel le germe de
fève fubfifle toujours , & à toutes les dents;
& la fwconde, celui dont le germe de fcve
effacé dans les pinces , ne feroit vifible que
dans les mitoyennes & les coins , ou que
dans les coins feuls : mais comme ce germe
de fève , dès qu'il n'y a plus de cavité dans
la dent , n'ell d'aucun préfage > & que
la cavité efl la feule marque que nous
confiiltions , il importe peu qu'il paroifTe
toujours.
Les fignes carâ5ériftiques de la vieiî-i
lelîe de l'animal font très-nombreux , fi
l'on adopte tous ceux qui ont été décrits
par les auteurs, & auxquels ils fe font at-
tachés pour reconnoitre lâge du cheval ,
les huit années étant expirées.
On peut en décider, i^. félon eux,
par les nœuds de la queue ; ils prétendenc
qu'à dix ou douze ans il defcend un nœud
de plus , & qu'à quatorze ans il en paroïc
un autre : 2°. par les falieres qui font creu-
fes , par les cils qui font blancs , par le
palais décharné , & dont les filions ne font
plus fenlibles , par la lèvre fiipérieure ,
qui étant relevée , fait autant de plis que
le cheval a d'années ; par l'os de la gana-
che , qui efl extrêmement tranchant à qua-
tre doigts au deffus de la barbe ; par la
peau de l'épaule & de la ganache , qui
étant pincée , conferve le pli qui y a été
fait , & ne fe remet point à fa place ; par
la longueur des dents , par leur déchar-
nement , par la crafle jaunâtre qu'on y
apperçoit ; enfin par les crochets «fés ,
par la blancheur du cheval , qui , de gris
qu'il étoit , eft entièrement devenu blanc-
Tous ces prétendus témoignages font
très-équivoques ,• on doit rejeter comme
une ablurdiré des plus grofîieres , celui que
l'on voudroit tirer des nœuds de la queue,
& celui qui réfulte des falieres creufes , &:
de l'animal qui a cillé : car il efl des chevaux
très- vieux dont les falieres font trèi-plei-
ncs , Hc de jeunes chevaux dont les cils
font très-blancs. Il faut encore abandonner
toutes les conféquences que l'on déduit du
décharncmcnc du palais , des plis comptés»
F A U
(îe la lèvre fupcricure, du tranchant de
î os de la ganache , de la peau de l'épaule
de la longueur des dents , puifque les
chevaux bégus les ont très courtes , & de
la cralTe jaunâtre que l'on y apperçoit. Les
fîgnes vraiment dccififs font la fituation
des dents ; fi elles font comme avancées
fur le devant de la bouche , & qu'e!I'-'s
ne portent, pour ainfi dire, plus à plomb
les unes fur les autres , croyez que l'ani-
mal eft très-vieux. D'ailleurs , quoique la
forme des crochets varie queLiuefois , voyez
lî ceux de deîl'ous font ufes , s'ils font ar-
rondis , émoufics ; fi ceux de dcffus ont
perdu toute leur cannelure , s'ils font aufii
ronds en dedans qu'en dehors : de-là vous
l-'ouvez conjeâ:urer plus fûrement que l'ani-
mal n'eft pas jeune.
La raifon pour laquelle la cavité de la
dent ne s'efface jamais dans le cheval
bégu , fe préfente naturellement à l'ef-
prit , lorfqu'on fe rappelé d'où naît le
germe de fève. 11 n'eft formé que par la
liiperficie des vaiileaux , qui , frappés par
l'air , ont été dcfléchés , durcis & noircis ;
or fi l'air les a d abord trop reiTerrés , ou
que la matière qui fert de nourriture à la
dent , ait écj par fa propre nature plus
fufceptibîe de deiïechement , le corps de
la dent fera plutôt compaS ; & les fucs
deflinés à fa végétation ne pouvant pé-
nétrer avec la même aélivité , dès-lors
la cavité fubfiftcra. Une preuve de cette
vérité nous eft fournie par l'expérience ;
qui nous montre & qui nous a appris que
la dent du cheval bégu eft plus dure que
celle de celui qui nel'eftpas.
Le germe de fève fubfifte toitjours dans
le faux-bégu , quoique la cavité s'efface
& fe rempliflt , parce que la partie exté-
rieure de la dent aura végété plutôt que
fa partie intérieure , c eft-à-dire , que l'hu-
meur tenace qui entouroit la veffie mem-
braneufe dont nous avons parlé , avu^a acquis
plutôt un degré de folidité , que cette
veftie renfermée dans la cavité : dès-lors
les -petits vaiffeaux noircis & durcis par
l'ait , ayant été reflérrés & comprimés
par les parois réfuLantes de 1 humeur
muqueufe deftinée dès fon origine à la
formation de l'émail , ils n'auront pu
être poufTés au dehors , & le germ.e de
F A U 527
fève paroîtra toujours , quoique la dent foie
remplie.
C'eft à la foibleffe des fibres de la ju-
ment , qui font fans doute , comme celles
de toutes les femelles des autres animaux ,
comparées à celles des mâles , c'eft-à-dire ,
infiniment lâches , que nous attribuerons le
nombre confidérable des jumens bègues.
Les fibres du cœur étant par conféquenc
plus molles en elles , elles ne poufferont
point avec la même force le fluide né-
ceffaire â la végétation de la dent. La
mcmc caufe peut être appliquée au che-
val hongre , qui , dès qu'il a cefté d'être
entier , perd beaucoup de fon feu & de fa .
vigueur ; ce qui prouve évidemment que
dans lui la circulation eft extrém.err.ent
ralentie.
L'éruption des dents occafionne des dou-
leurs & des maladies , principalement cel-
les des crochets. Ils font plus durs , plus
tranchans & plus aigus que les autres ,
qui font larges & émouftées. D'ailleurs
n'étant précédés d'aucunes dents , comme
les antérieures , leur protrulion ne peut-
être que très-feafible , puifqu'ils dévoient
néceflairement , en fe faifant jour, rom-
pre ) irriter & déchirer les fibres des gen-
cives : delà ce flux de ventre , ces diar-
rhées confidérables , cette efpece de nuage
qui femble obfcurcir la cornée , attendu
les fpafmes qu'excite dans tout le corps
la douleur violente. Les premières voies
en font offenfées, les digeftions ne fau-
roient donc être bonnes ; & lirritation
fufcitant des ébranlemens dans tout le fyf-
têrne nerveux , l'obfcurciffement des yeux
ne préfente rien qui doive furprendre.
11 eft bon de faciliter cette éruption ,
en relâchant la gencive : il faut pour cet
effet frotter fouvent cette partie avec du
miel commun ; & fi en ufant de cette
précaution on fent la pointe du crochet ,
on ne rifque rien de preffer la gencive ,
de manière qu'elle foit percée fur le champ.
On oint de nouveau avec du miel ; & la
douleur paffée , tous les maux qu'elle avoit
fait naître difparoiffent.
Si l'on remonte à la caufe ordinaire
de la carie , on conclura que les dents du
cheval peuvent fe carier ; cependant ce cas
•çft extrêmement rare j attendu l'extrême-
tylS F A U
compafticité qui en garantit la fabflancc
intérieure des impreiïions de l'air. Dès
que la corruption eft telle que l'animal
a une peine extrême à manger , qu'il le
tourmente , & que fon inquiétude annonce
la vivacité de la douleur qu'il reflent , il
faut nccefiairement le délivrer de la partie
qui l'affeâe ; c'eft la voie la plus fi.re ,
& l'on ne rilque point dès-lors les incon-
véniens qui peuvent arriver, comme des
fiftules , la carie de l'un ou de l'autre des
os de la mâchoire. Voje:{ SURDENT.
Il en eft de même des furdents , dents de
loup. Voye\ ibid.
Quant aux poin'es &: aux âpretés des
dents molaires , pointes , âpretés qui vien-
nent à celles de prefque tous les vieux
chevaux , & que quelques auteurs nom-
ment trcs-mal à propos/a/-t/(f/2M , on doit ,
non les abattre avec la gouge , ainfi que
plufieurs maréchaux le pratiquent , mais
faire mâcher une lime à l'animal ; cette
lime détruit les inégalités qui piquent la
langue & les joues, de manière à donner
]ieu à des ulcères , «Se qui de plus empê-
chent l'animal de manger & de broyer
parfaitement les alimens. Il n'en tire que
le fuc ; des pelotons de foin mâché qui
retombent à terre ou dans la mangeoire ,
fe glifTent même entre les joues & les
dents : c'eft ce que nous appelons faire
grenier, faire magajin.
Enfin il eft des dents qui vacillent dans
leurs alvéoles ; en ce cas on recourra à
des topiques allringens , pour les raffer-
mir en refferrant la gencive , comme à
la poudre d'alun , de biilorte , d'écorce de
grenade , de cochîéaria , de myrthe , de
quinte -feuille, defauge, defumac, &c.
Je ne fris fi ces lumières feront fuffifantes
pour guider ceux qui feront -afrez fînceres
pour convenir de bonne foi qu'ils errcntdans
les ténèbres ; mais les détails dans lefqucls
je fuis entréj relativement à la connoifTance
de l'âge, infpireront peut-être une juffe
défiance aux perfonnes qui croient pou-
voir puifcr dans les écrits dont ils font en
pofU'iîion , toutes les inftrudions dont ils
ont bcfoin. Ils éclaireront d'ailleurs celles
qui , féduites par une aveugle crédulité ,
imaginent que l'on a fait tous les pas qui
conduifent à la perfeûion de notre arc j
F A U
puifque notre ignorance fur un point auflî
facile à approfondir , pourra leur faire pré-
fumer qu'à l'égard de ceux qui exigeroicnc
toute la contention de l'efprit , elle tfl
encore plus grande, {e)
Faux-marqué , ( Vénerie. ) il fe
dit d'une tête de cerf quand elle n'a que
fi.< cors d'un côté, & 'qu'elle en a fcpc
de l'autre ; on dit alors , le cerf poite
quatorze faux-marqués , car le plus em-
porte le moins.
Faux-plancher , f. m. en Archi-
tsclure , c'eft au defTous d'un plancher ,
un rang de folives ou de chevrons lam-
brifTés de plâtre ou de menuiferle , fur
lequel on ne marche point , &: qui fe fait
pour diminuer l'exhaufFement d'une pièce
d'appartement. Voy^i Entre-SOL. Ces
faux-planchers fe pratiquent aufli dans un
galetas , pour en cacher le faux-comble.
Ce mot fe dit encore d'un aire de lam-
bourdes & de planches fur le couronne-
ment d'une voûte , dont les reins ne font
pas remplis. (P)
Faux poids, v. poids ù mesures ,
Faux -PONT, {Manne.) c'eft une
efpece de pont que l'on fait à fond-de-
cale , pour la conservation & la commo-
dité de la cargaifon. On place h fïux^
pont entre le fond-de-cale & le premier
pont. On lui donne peu de hauteur. H
fert à coucher des Ibldats & des matelots.
Quelquefois on fiilt étendre les faux-ponts
d'un bout à l'autre du vaifîèau • quelquefois
jufqu'à la moitié feulement. (Z)
Faux poitrail , {iMinege.) Voyc^
Poitrail.
Faux - précipité , ( Chymie. ) On
appelle faux-précipité une matière qui a
l'apparence d'un précipité, mais qui n'a
pas été réellement féparée d'un diflblvanc
par un intermède , & par la précipita-
tion. Tel eft le mercure réduit en pou-
dre rouge fans addition, & par la-fimple
chaleur, qu'on nomme improprement pré~
cipité per fe , c'eft-à-dire , mercure pré-
cipité par lui-même : tel eft aufîî le pté-
cipité rouge qui n'eft autre chofe que du
mercure dilfous d'abord _, à la vérité ,
dans Feiprit de nitrc , mais auquel on a
enlevé la plus grande partie de cet acide ,
par la feule aâion du feu , &. fans le fecours
d'aucun
F A U
d'aucun intermède. L'argent , le plomb ,
le mercure féparés de l'acide nitreux par
les acides ou Icls vitrioîiques & marins ,
font regardés aufli communc'mer't comme
des précipités , & le font en effet , en ce
qu'ils font réellement fcparés d'avec une
fiibflance par l'intermède d'une autre
fuhllance ; mais comme cette féparation
re fe fait qu'autant que le métal précipité
s'unit avec l'acide précipitant , ces fortes
de précipités doivent être diftingués de
ceux qui ne font autre chofe que la ma-
tière précipitée toute feule. ( + )
Faux-principal, {Junfpr.) eft la
pourfuite qui s'intente diredement contre
quelqu'un , pour faire déclarer faujfe une
pièce qu'il a en fa poffefïïon , ou dont il
pourroit fe fervir.
Le faux-principal diffère du faux-inci-
dent , en ce que celui-ci eft propofé inci-
demment à une conteftation oij la pièce
e'toit oppofée au demandeur en faux; au lieu
que le/aux-principal eft une pourfuite for-
mée pour raifon du/a;/x , fans qu'il eût pré-
cédemment aucune contelîation fur ce qui
peut avoir rapporta la pièce arguée de faux.
Les plaintes , dénonciations , & accu-
fcitions de faux-principal , fe font en la
même forme que celles des autres crimes ,
fans confignation d'amende , infcription
en faux , fommation , ni autres procé-
dures , en quoi le faux-principal diffère
encore du faux-incident.
L'accufation de faux peut être admife
encore que les pièces prétendues fauffes
euffent été vérifiées , même avec le plai-
gnant , à d'autres lins que celles d'une
pourfuite ie faux-principal ou incident,
& qu'il fût intervenu un jugement fur le
fondement de ces pièces , comme ft elles
étoient véritables.
Sur la requête ou plainte de la partie
publique ou civile , on permet d'informer
tant par titres que par témoins , comme
auffi par experts &: par comparaifon d'écri-
ture ou fîgnature , félon l'exigence du
cas. Les experts font toujours entendus
féparément par forme de dépofition , &
non par forme de rapport ou vérification.
Si les experts ne s'accordent pas , ou
qu'il y ait du doute , il dépend de la
prudence du juge de nommer de nou-
Tome XIIL
F A U 925
I veaux erperts , pour étreauffi entendus en
informatioii.
Les pièces arguées de yiwx doivent é,rre
rcniifcs au greffe , &c procès-verbal d'iceîles
drefté comme dans le faux-incident.
Voye\ l'ordonnance de 17^7 , ^it- j y
où l'on trouve expliqué fort au long Ja
procédure qui doit être tenue dans cette
matière. {A)
Faux-quartier, {Manège.) Voye^
Quartier.
FauX-RACAGE, {Mirine.) c'eft un
fécond racage qu'on met fur le premier ,
afin qu'il foutienne la vergue en cas que
le premier foit brifé par quelque coup de
canon. (Z)
FauX-RAS, eft,par/7Zifo Tirews-d' Or ,
une plaque de fer percée d'un feul trou ,
doublée d'un morceau de bois également
percé , pour laifter pafter l'or de la filière.
Faux-REMBUCHEMENT, L m. [Vé-
nerie.) il fe dit du mouvem.ent d'une
bête , qui entre dans un fort, y fait dix
ou douze pas , & revient tout court fur
elle pour fe rembucher dans un autre lieu.
FaUX-RINJOT , ( Manne. ) Voye'^
Safran.
Faux-saunage , f m. Commerce de
faux-fel: ce terme n'eft guère ufité qu'en
France , oij non feulement il eft défendu
de faire entrer des fcls étrangers dans le
royaume , mais où il n'eft permis qu'au
feul adjudicataire des gabelles , ou à ks
commis , regratiers , &c'. d'en débiter dans
toute l'étendue de fa ferme.
Le faux-faunage , qui ne s'exerce oi-^
dinairement que fur les frontières des pro-
vinces privilégiées , mais dont on a vu
quelquefois des exemples dans le coeur
du royaume , eft défendu fous des peines
très-rigoureu fes. Les nobles qui s'en mê-
lent , font déciais de nobleffe , privés de
leurs charges, & leurs maifons rafées ,
fi elles ont fervi de retraite aux faux-fau-
niers. Les roturiers qui font attroupés avec
armes, font envoyés aux galères pour neuf
ans ; &c en cas de récidive , pendus. S'ils
font ce trafic fans port-d'armes , ils en-
courent l'amende de 500 livres, & Ja
confifcation de leurs harnois , chevaux ,
charrettes , bateaux , &c. pour la première
fois , & pour la féconde , celle des galères
Bbbbbb
Cjoo
F A U
pendant neuf ans. S'ils ne font que ce qu'on
appelle en termes de faiix-faimjge , de
fimples porte-cols , ils paient d'abord loo
livres d'amende ; & s'ils récidivent , on les
condamne aux galères pour fix ans.
Les femmes àc filles même font fajet-
tes aux peines àv\ faux-faunage , portées
par V article 17 de Fordonnance de 1680 ;
l'avoir , 100 livres pour la première fois ,
300 livres pour la féconde, & au ban-
nilïement perpétuel hors du royaume pour
la troilïeme.
Le commerce des fels étrangers n'efl:
guère moins févérement puni ', quiconque
en fait entrer en France fans permidion
par écrit , encourt la peine des galères.
J)i3. du Corn, de Trù: pC Chamb. (G)
Faux-saunier, celui qui fait le trafic
du faux-fel , qui exerce le faux-faunage.
Voy. Fdux-Jaunage.
Faux-sel , f. f. ( Commerce. ) c'efl
le fel des pays étrangers qui ell: entré en
France fans permilTion , ou celui qui fe
trouvant dans Pétendue de la ferme des
gabelles , n'a pas été pris au grenier à fel
de l'adjudicataire , ou aux regrats. Voy.
JRegrattk Faux-faunage. Die}, de Cornm.
(G)
Faux-soldat , ou plutôt jt7i7//f-ro/j/7f ,
{Art mil.) foldat qu'on fait paîler en re-
vue quoiqu'il ne foit point réellement en-
gagé. Voy. F.igct y Pajfe-i'olam.
" Ceux qui expofent , dit le chevalier de
S) Ville , les palie-volans & les demi-pages
j5 aux montres, s'cxcufent, difant que ce
fi font gens efieélifs , & qu'encore qu'ils
)) ne leur doiineut pas l'argent du roi ,
î> ils ne lai/Tent pas d'être dans la place ;
« qu'au befoin , ils feroient auïïi-bien
»j a la dfcfenfe , comme les foidats qui
»' reçoivent la montre tous les mois ».
Cette raifon n'eft pas fort pertinente ,
parce que les pafîe-volans ne font pas
obligés à demeurer dans la place ni fervir ,
ÊV. De la charge des gouverneurs , par le
chcv-ilier de Ville. (Q)
Faux-Témoin , f. m. eft celui qui
dépofe ou attcire quelque chofe contre la
vérité. yvye:{ TfcMOIN.
FAYAL, {Geog.) ille de l'Océan At^
lanticiue , l'une des Açores , d'environ 1 8
milles de lon;^uQur , appartenance aux
F A Y
Portugais , mais elle a d'abord été décou-
verte & habitée par les Flamands. Voye^
Mandello, voyage des Indes , liv. III, &
Linfchot. Elle eft abondante en bétail ,
en poifTon , & en paftel , qui feul y attire
les Anglois : le principal lieu oi!i l'on
aborde , elt la rade de Villa d'Orta. L'ex-
trémité orientale de cette ille , efl par le
350 degré de longitude , & le milieu fous
le 39 degré 50 de latitude , félon l'ifolaire
duP.Coronelli. (Z). /.)
* FAYENCE ou FAIANCE on
faïence, f/. ( Art mech.) La
fayence ell originaire de Faenza en Italie.
On dit que la première fayence qui fe
foit fabriquée en France , s'eft faite à
Nevers. On raconte qu'un Italien , qui
avoit conduit en France un duc de Niver-
nois , l'ayant accompagné à Nevers
apperçut en s'y promenant , la terre de
l'efpece dont on faifoit \z fayence en Italie ,
qu'il l'examina , & que l'ayant trouvée
bonne , il en ramaffa , la prépara , & fit
conftruire un petit four, dans lequel fut
faite la première fayence que nous avons
eue. On eft allé dans la fuite fort au de-Ià
de ces premiers elfais.
Il y a deux efpeces de fayence. L'une eft
une poterie fine de terre cuite recouverte
d'un enduit.d émail blanc qui lui donne le
coup d'œil &; la propreté de la porcelaine ,
& qui fert aux mêmes ufages , fans pouvoir
aller fur le feu. L'autre eft \me fayence plus
commune fur laquelle on ne met pas un
émail aufti blanc que fur la première , parce
qu'elle eft faite pour aller fur le feu comme
les poteries de terre vernifîées qu'elle peut
remplacer avec avantage , étant inhni-
ment plus propre &; plus agréable au coup
d'œil.
La terre avec laquelle on fait la fayence
eft de 1 argile un peu fableufe. On choilk
ordinairement pour ce travail les argiles
qui font bien liantes & qui contiennent
le moins de parties terrugineufes : les belles
Jayencis fe font même avec des argiles
blanches.
Comme toutes les argiles contiennent:
une certaine quantité de fable grofiîer ,
on le fépare par le lavage de la manière
fiiivante.
On d^.^ai<; l'argile dans une très-grande
F A IJ
quantité d'eau ; on la lait paffer au travers
d'un tamis de crin moyen , & on fait écou-
ler à mefure cette eau chargJe d'argile
dans de grandes fbfTes qu'on a pratiquées
en plein air. Ces fofles ont deux pies
& demi de profondeur , fur une largeur
proportionnée à la force de la manufacture
& à la grandeur des lieux. Les côtes en
font garnis de planches , & les fonds font
pave's de tuiles ou de briques.
Les Fayenciers font dans l'ufage de laif-
fer cette terre dans les foffes pendant une
année ; ils penfent que dans cette efpace
de temps la terre fe pourrit , fe mûrit &:
fe façonne , c'eft-à-dire , que toutes fes
parties fe détrempent mieux & prennent
une liaifon plus parfaite ; d'oi!i il refaite
que l'ouvrage qu'on en fait fe fabrique
mieux & prend à la cuite une meilleure
qualité.
Lorfque la terre a perdu, par l'écoule-
ment & par l'évaporation , une certaine
quantité de fon eau y on l'enîeve avec des
pelles , on en forine des monceaux fans
l'entaiïbr , afin qu'elle préfente plus de fur-
face à l'air , & pour accélérer fa defTica
tion jufqu'à ce qu'elle foit pétrifTable dans
les mains fans s'y attacher. C'eft dans cet
état de foupleffe qu'on l'emploie pour fa-
briquer la fayence , après l'avoir pétrie
avec les pies , afin qu'elle fe trouve d'une
mollefle égale par tout.
La terre étant ainfi préparée, on la
met fur le tour pour en former des pièces.
Nous ne donnerons ici aucun détail fur la
méthode de tourner ces pièces , ni fur
celle de les tournajjer lorfqu'elles font à
demi-feches , ni fur la manière de mouler
les grandes pièces de fayence ; ce travail ,
ainfi que les tours , étant les mêmes que
pour la porcelaine , nous renvoyons le
ledeur à cet article.
Lorfque les pièces font tournées , tonr-
nafsées ou moulées & fuffifamment fichées
( c'eft ce qu'on appelle le cru ) on les cn-
caflre , c'eft-à-dire , qu'on les arrange
dans des étuis ou galettes femblables à
ceux qui fervent à cuire la porcelaine.
On place dans chaque gazette autant de
pièces qu'on en peut mettre les unes fur
les autres fans que le poids des fupérieures
•écrafe les inférieures. Les gazettes étant
F A U 951
remplies , l'enfourneur les place dans le
four , qui eft abfolument le mc.n-e que
ceux dans lefquels on cuit la porcelaine
de France. On peut enfourner auffi en
èchappade ou en chapelle , & pour lors
les pièces ne font point des étuis : elles
font placées à nud , dans le four, fur des
efpeces de tablettes de terre cuite. En
enfournant de cette manière on place pins
de cru dans le four qu'avec les gazettes.
Le four étant plein on le bouche ; mais
on a foin d'y laifler une ouverture afin de
retirer les montres & s'afTurer quand les
marchandifes font cuites. Les montres font
de petits vafes de la mérne matière que
tous les autres qui font dans le four , &
qui fervent à indiquer par leur cuiflbn
celle du refte des pièces enfournées ;
cette opération de la cuite demande de
l'habitude & de l'expérience.
Sous le four , & dans l'endroit le plus
chaud j on place fur une couche de fable
le mélange à fondre qui doit former Vémail
ou la couverte , afin de profiter double-
ment de la chaleur du four ; enfuite on
allume d'abord un petit feu dans le foyer
de la bouche. On fume les marchandifes
en entretenant le feu modéré pendant huit ,
neuf ou dix heures , félon la qualité de la
terre dont la fayence eft faite ; on aug-
mente enfuite le feu peu à peu pendant
deux ou trois heures , & enfin on met fur
la bouche du four toute la quantité de
bois qu'elle peut contenir. On continue
ce grand chauffage jufqu'à ce que les mar-
chandifes foient cuites , obfervant de con-
duire le feu régulièrement. On quitte le
four au bout de trente ou de trente-fix
heures , & après l'avoir laiftx' refroidir on
défourne les pièces qui dans cet état s'ap-
pellent le bifcuit. Après avoir défourne,
on defcend dans la voûte d'en bas , on
en retire le blanc ou l'émail que la grande
chaleur du four a fondu en une mafte
de verre blanc comme du lait & opaque.
On rompt le gâteau avec un marteau , &
on l'épluche, c'eft-à-dire, qu'on ôte le
fable qui s'y eft attaché.
Le blanc ou l'émail qui fait la couverte
de la fayence , eft compofé de plomb ,
d'étain , de fable & d'alkali , fondus &
vitrifiés enfemble. Quand ce blanc a été
Bbbbbbi
j,52 , F A y
vitrifie fous le four , on le broie clans
des moulins femblables à ceux qui fer-
vent: à broyer les matières qui entrent dans
la compofition de la porceJainc. On met
dans ces moulins l'eau néceflaire pour fa-
ciliter le broiement de cet émail , & en
former une efpece de bouillie claire, à
peu près de la connflance de celle dont les
peintres fe fervent pour peindre les mu-
railles en détrempe.
On applique cet émail fur le bifcuit de
la même manière qu'on applique la cou-
verte fur la porcelaine. On iaiffe enfuite
ftcher cet enduit &: on fliit les recherches
convenables pour qu'il s'en trouve égale-
ment couvert : s'il fe rencontre des en-
droits où f émail foit trop épais , on le
gratte avec un couteau ou un canif; fi
au contraire l'émail manque en quelques
endroits , on les en garnit avec un pin-
ceau. Alors on met de nouveau les pièces
dans les gazettes, on les arrange dans le
même four oi!i a été faite la cuite du
bifcuit , & on chauffe de la même manière
pour faire fondre cet enduit d'émail ; c'efl:
ce qui forme la couverte de la fayence
qui eft blanche , laiteufe , opaque , & qui
ne laifiTe rien appercevoir du bifcuit. La
beauté de la fayence dépend en grande
partie de la blancheur de la couverte qui
doit être bien fondue , très-mince , &
d'une épaifleur égale par-tout ; il faut aufïi
que cet émail ne foit pas fujet a fe tre\attr
& à s'écailler , ce qui arrive très-commu-
nénient à la plupart des fayences.
La plus grande partie des fayences font
peintes ; on y applique des couleurs qui
forme.. t différents deffins comme fur la
porcelaine. Quelques-unes de ces couleurs
fe me:tcnt fur la couverte avant que de
la cuire.
La fayence commune n'efl: ordinaire-
ment peinte qu'en bleu , foçon de por-
celaine de la Chine , parce que cette cou-
leur réfille parfaitement bien au feu, &
qu'elle eît à très-bon compte.
La fa) ence qui va fur le feu eft la même
que la premic.e dont nous avons parlj ;
mais , pour lui donner cette propriété ,
les Fayeacicrs ajoutent dans fa compofition
une certaine quantité de terre cuite qui a
t'ttî iéduitc en poudre.
F A Y
L'intérieur de ces pièces de fayence ^
deftinées à aller au feu, efl ordinaire-
ment enduit d'émail blanc, qui eflle mê-
me que celui qu'on met fur la belle fayen-
ce ; mais il ell moins beau , parce qu'il
eft chargé d une plus grande quantité de
verre de plomb. L'extérieur de cette
fayence efl enduit d'une couverte ou émail
brun qui s'applique de même que l'émail de
la belle fayence : il ne diffère de ce dernier,
qu'en ce qu'au lieu de chaux d'étain on fait
entrer l'ochre dans fa compofition.
Parmi les terres qu'on emploie en
France pour la fayence , on n'en trouve
qu'une feule propre à faire de la fayence
fine qui fouftre le feu , &. qui efl afTez rare:
il y en a en Bourgogne dans le marquifat de
Lanocle. Ilfaut cependant avouer que cette
terre ne prend jamais un aufîi beau blanc
que les autres , parce qu'elle efl fort po-
reufe ; & c'eft cette dernière qualité qui
la fait réfifter au feu.
Si la propreté de la fayence invite à
s'en fervir , fa fragilité en rend Tufage
très-difpendieux ; l'art de la rétablir avec
des attaches ne pennet point à un plan
& à une affiette recoufue de paroître fur
une table un peu propre. Pour empêcher
qu'elle n'éclate au premier feu , que lot
chaleur ne lui fàffe perdre la beauté de
fon émail, & qu'elle ne fe cafTe pas aufli
facilement, le Journal économique du mois
de décembre 17 57 enfeigne un moyen
propre à diminuer confidérablement la
fragilité de cette vaifTelle , & préferver
fon émail de toutes gerçures. Pour cet
effet, avant de fe fervir de la fayence,
il la faut mettre dans une chaudière avec
de l'eau qui la furnage , & dilpofer cha-
que pièce de façon qu elle foit un peu pen-
chée fur le côté, & qu'il y ait entre
deux des petits morceaux de bois pour
les empêcher de fe toucher. On jette dans
cette eau beaucoup de cendres , & après
avoir fait bouillir le tout pendant près de
deux heures, on la laiife refroidir. Les
fels des cendres , qui ont été didbus dans
l'eau , s'incruflent par fadion du feu dans
les pores de la fayence , la rendent plus
compade , fortifient la continuité de 1 é-
I
mail , !a préfervent de toute fêlure , & ciori-
ucnt à la fajeace une plus jurande foiidice-
F A Z
Par un arrêt du Confeil de 174 c , la
fayence étrangère paie pour droits d'entrée
jo livres du cent pefant ; celle des pro-
vinces réputées étrangères 3 livres. Les
droits de fortie font réglés à 6 livres du
cent pefant.
Il y a une communauté de Fayenciers
à Paris fous le nom des marchands Ver-
riers-EmailIcurs , maîtres Couvreurs de
flacons & bouteilles en ofier , fayence ,
6>:c. Ce font ces marchands à qui l'on donne
le nom de Fayenciers. V. Poterie.
FAYENCIER ou FAÏENCIER , f. m.
celui qui fait ou qui vend des fayences.
Il y en a une communauté à Paris fous
le nom de marchands Verriers , maîtres
Couvreurs dejlacons Ù bouteilles en ojicr ,
fayence , &.c. Ce font ces marchands à
qui l'on donne communément le nom de
i'^ayenciers. Voyez Verrier.
FAYMI-DROICT , ( Jurifprud. ) dans
la coutume de Solle , tit. ij. art. 8 , tit. x ,
ait. xS^ tit. xi'iij , art. i , iignifîe la bafle-
jufîice foncière & de femi-droit qui ap-
partient aux feigneurs de fief , caviers &
fonciers fur leurs fivatiers & fiijets qui
leur doivent cens , rente , ou autre de-
voir, {a)
* FAZIN ou FASIN, f. m. pi. {Forges.)
c'eft de la cendre mêlée de terre & de
petites branches d'arbre & d'herbe , que
le charbonnier ramaife autour de fon four-
neau , où elle s'eft formée des cuites pré-
cédentes , & dont il fe fert pour faire une
couverture au fourneau qu'il achevé de
conftruire , & auquel il mettra le feu
après qu'il fera couvert. Voyez l'article
Charbon.
F E
FE , FO , FOÉ , ( Hijl. d'Afie. ) Idole
adorée fous difFércns noms par les Chi-
nois idolâtres , les Japonois , & les Tar-
tarc-s. Ce prétendu dieu , le premier de
leurs dieux qui foit defcendu fur la terre ,
reçoit de ces peuples le culte le plus ri-
dicule , & par conféquent le plus fait pour
le peuple.
Cette idolâtrie , née dans les Indes près
de mille ans avant Jefus - Chrlft , a in-
fecté toute l'Afie orientale ; c'ell ce dieu
F E A ^ i)^>
que prêchent les bonzes à la Chine , les
iaklrs au Mogol , les talapoins à Siam ,
les lamas en Tartarie ; c'eil en fon nom
qu'ils promettent une vie éternelle , &
que des milliers de prêtres confacrent leurs
jours à des exercices de pénitence qui ef-
frayent la nature humaine : quelques - uns
pafTent leur vie nuds & enchaînés , d'au-
tres j ortcnt un carreau de ter qui plie
leur corps en deux , & tient leur tête
toujours baiflée jufqu'à terre. Ils font ac-
croiie qu'ils chaflent les dém:ons par la
puilîimce de cette idole ; ils opèrent de
prétendus miracles ; ils vendent au peu-
ple la rémiflion des péchés ; en un mot
leur fanatifme fe fubdivife à l'infini. Cette
lefle féduit quelquefois des mandarins ;
& par une fatalité qui montre que la fu-
perdition eft de tous les pays , quelques
mandarins fe font fait tondre en bonzes
par piété.
Ils prétendent qu'il y a dans la pro-
vince de Fokien , prés la ville de Fun-
chuen , au bord du fleuve Feu , une mon-
tagne qui repréfente leur Dieu Fo , avec
une couronne en tcte , de longs cheveux
pendans fur les épaules , les mains croi-
fées fur la poitrine , & qu'il eft afUs fur fes
pies mis en croix ; mais il fuffiroit de fup-
pofer que cette montagne , comme beau-
coup d'autres , vue de loin & dans un
certain afped , eût quelque chofe de cette
prétendue figure , pour fentir que des ima-
ginations échauffées y doivent trouver une
parfaite refîemblance. On voit ce qu'on
veut dans la lune ; & fi ces peuples ido-
lâtres y avoient fongé , ils y verroienc
tous leur idole. Voyez Superfiition 6c
Fanatifme. Article de M. le chei'alier de
Jaucc)urt.
PÉAGE , f. m. ( .Turifpr. ) dans fa
fîgnification propre , eft un contrat d'in-
féodation , ou plutôt c'eft la tenure en
fief : c'eft pourquoi on dit bailler à fe'age
ou à fe'age r , c'eft - à - dire , inféoder.,
donner en fief. Coutume de Bretagne , arc.
Dans l'ancienne coutume de Bretagne ,
féage eft pris , mais improprement , pour
l'héritage même tenu en fief. Voye\ les
articles 5^ & 60. Mais dans l'article 300
de la même coutume , on lit ces termes j
954 F E A
pur fe'a^e de noble fief ; & il y eft parl^
de celui qui fait le fe'age , ce qui de'nore
que l'on a entendu la tenure en foi , ou
la foi même.
Bien & fe'uge noble , dans la coutume
d'Anjou f art. 31 , & dans celle du Mai-
ne , art. 36 , fignifie un héritage tenu en
fief.{A)
FEAL^adj. (Junfpr.) en lat'm fide-
lis , e^ une e'pithete que le roi donne
ordinairement à fes vafTaux , &: aux prin-
cipaux officiers de fa maifon , & aux offi-
ciers de fes cours. L'e'tymologie de ce
terme vient de la foi que ces vaflaux &
officiers étoient tenus de garder au roi ,
à caufe de leur bénéfice , fief ou office.
Ondiibit en vieux langage celtique, lafe ,
pour la fol, & de fe , on a formé Je al ,
fidel , feaute , fidélité.
Les Leudes qui fous la première & la
féconde race étoient les grands du royau-
me , étoient aiilTi indifféremment qualifies
àe fidèles , d'où eft venu le titre as féaux
que l'on a confervé à tous les grands vaf-
faux 6c officiers de la couronne.
Le titre à'amé eft ordinairement joint
à celui as féal , foit par les ordonnances ,
édits & déclarations , foit dans les autres
lettres de grande ou de petite chancel-
lerie : mais le titre de féal eft beaucoup
plus diftingué que celui à'amé ; le roi
donne celui - ci à tous fes fujets indiffé-
remment ; au lieu qu'il ne donne le titre
de féal qu'aux vaffaux & officiers de la
couronne , & autres officiers diftmgués ,
foit de la robe cu de l'cpée. Touces les
lettres que le roi envoie au parlement ,
contiennent cette adreffe : A nos amés &
féaux les gens tenans notre cour de pai li-
ment. Il en eft de même à l'égird des
autres cours, (yl)
FEARNES , ( Géogr. ) petite ville d'Ir-
lande dans Leinftershire , avec un évèché
fulFragant de Dublin, à dix- huit lieues
S. de ladite ville. Long. ii. 6. Lu. §2.. ^z.
{D.J.)
FEBRICITANT , adj. pris fub. [Méd.)
on fe Icrt de ce mot pour déligner les
malades dans lefquels la fièvre eft la lé-
fi m de fondions dominantes. C'eft princi-
palement dans les hôpitaux que l'on em-
jploie le terme de fébrieitans , pour dif
F E B
itînguer les différentes fortes de malades f
! ainii on dit : la falle des jébncitans , la
'\falle des blcffés , &c. {d)
FEBRIFUGE, adj. pris fubft. {Méd.
Thérapem.) febiifuga , antifebritia ; on
donne en général ces épithetes à tout mé-
dicament employé directement pour taire
cefler la fièvre , ou pour en détruire la
caufe & les effets.
Ainfi on ne qualifie pas de fébrifuges
les purgatifs dont on ufe dans le traitement
des fièvres ; parce qu'ils ne font pas or-
dinairement cenfés agir diredement contre
le vice qui les a produites & les entretient,
mais pour préparer les voies aux autres
fortes des médicamens qui font particuliè-
rement jugés propres à cet effet : tels que
la plupart des amers , & le quinquina prin-
cipalement 3 qui eft regardé comme fpéci-
fique à cet égard.
Ce font donc ces derniers auxquels l'u-
fage foutenu par l'expérience ou le préjugé,
a attribué fpécialement la qualité à<i fébri'
fige y fur- tout pour ce qui regarde les
fièvres iiiLermittentes ; maii bien impro-
prement , puifqu'on peut la trouver dans
tous les moyens , quels qu'ils foient , qui
peuvent être employés efficacement contre
la caufe des léfions de fonâ-ons , en quoi
confifte la fièvre , de quelque nature
qu'elle puifTe être , foit continue , foie
intermittente.
En effet quel eft \q fébrifuge , même le
plis fiir fpécifique en ce genre , qui opère
aulli promptement , pour taire ccllt-r la
fièvre , qu'un émétique , un cathartique ,
placés à propos? Cependant ces lemedes
évacuans ne font jamais compris au nombre
des fébrifuges : on ne cheiciie communé-
ment ceux-ci que dans la clafte des al-
térans.
Or comme le mouvement accéléré ,
foit abfolii , foit refpedif , dans l'exercice
des fondions vitales , qui eft le figne pa-
thognomonique de la fièvre , eft le plus
fouvent le feul inftrument que la nacure
mette en ufage poin- détruire la caufe mor-
bifique , & qui la détruife en effet , fou-
vent même fans qu'il fuive aucune éva-
-cuation , en agiffant comme fimple alté-
rant , ne pourroit-on pas conféqucmmenc
regarder à jufte titre le mouvement ,
F E B
Taflion des folides , des fluides , en un mot
l'agitation fébrile , comme !e premier &
le plus univerfel des je'hnfuges ? Mais on
n'a peut-être pas encore bien géne'rale-
ment des idées jufles à ce fujet ; on con-
fond le plus fouvent les effets de la fièvre ,
c'clt-à-dire , les mouvemens extraordinaires
qui la carade'rifent , avec la caufe même
qui rend ces mouvemens nécellaues. Voy.
Effort ( Economie aiiim. ) On n'a en-
core trop communément en vue que des
manières médicinales , lorfqu'il s'assit de
fébrifuges dans la me'decine pratique.
C'efl par conféquent fous cette reftric-
tion y que pour fe conformer aux idées
les plus reçues , il devroit être ici quefiion
de cette forte de remède , s'il étoit pof-
fible d^en traiter d'une manière métho-
dique : mais ce feroit induire en erreur ,
que de propofer des genres & des ef-
peces de fébrifuges ; ils ne font pas fuf-
ceptibles d'une pareille divifion , à m.oins
que l'on n'en fafTe une qui réponde à
celle des genres & des efpeces de fiè-
vre ; que l'on n'indique ceux qui convien-
nent aux différentes natures de fièvre :
mais alors c'eff tomber dans le cas de faire
Fexpofition de la méthode , de traiter la
fièvre en général & toutes fes différences
en particulier , ce qui n'eîl: pas de ce
article : ainfî il faut recourir au mot
FiEVRE , où fe trouve dans le plus grand
détail dont foit fufcepcible cet ouvrage ,
& d'une manière qui n'y laiffe rien à de-
firer , tout ce qui peut erre dit concer-
nant les différentes curations de toutes
les diverfes affedions qui font comprifes
fous ce mot.
Voye^ auffi tcfutes les généralités con-
cernant les remèdes évacuans , comme
les articles Vomitif, Purgatif ., Sudo-
rifique , Diurétique , &c. concernant les
a'térans , comme les articles Apéritif ,
yljhingent , Anodyn , &:c. En un mot
prefque toutes les clafles , tous les genres
de remèdes tant diététiques , chirurgi-
caux , que pharmaceutiques , & les mio-
raux même , peuvent fournir des fébri-
fuges différons , félon la différence des
caiifes de la fïevre , fclon qu'elle dépend
^u vice des folides ou de celui des
F E B 95,-
fluides , qu'elle cfl fimple ou compli-
quée , qu'elle eft occafîonnée par des af-
fedionsdu corps, ou parcelles de l'ame:
ainfî on peut dire que le rcffort des Je-
brifuges , n'efl guère différent de la théra-
peutique entière ; parce qu'il n'eft prefque
point de caufe morb'fique qui ne puifTe
être ou devenir celle de la fièvre immé-
diatement ou par accident.
Telle eft l'idée que l'on peut donner
des jébrijuges en général.
Quant aux médicamens particuliers aux-
quels on attribue préftrablement à tous
autres la qualité de Jébrifuge y voyez
Amer , ( Mut. méd. ) Ctntaurée , Caf-
carille , &c. mais fur-tout Quinquina ou
Kina , qui efl le fébrifuge par excel-
lence, [d)
FEBRILE , adj. pris fubfl. {Médecine.)
fe dit de ce qui a rapport à la fïevre ,
comme la czuÇe fébrile , c'eft-à-dire , ce
qui produit la fièvre : on appelle aufll
Jebriie , ce qui efl l'effet de la fïevre ,
comme le ïcoià jebriie , la chaleur fébiile ,
le délire /e'Z>n7<f , le vomiflement , la diar-
rhée , Êv. fébriles , c'eft-à-dire , les fymp-
tomes tels & tels produits par la fïevre.
Voyez Fièvre, (d)
^ * FEBRUA OH FEBRUATA , (Myth.)
c'eff le furnom de Junon regardée comme
déefTe des purifications , & ccnmie pré-
fidant à la déhvrance des femmes dans les
douleurs de l'enfantement. Les fébruales
ou februes , fêtes célébrées en février ,
lui étoient confacrées. Voye^ l'article fui-
vaut.
Februa ou Februes , f. f. pi. ( Hifi.
une. ) c'eft-à-dire , purification , efl le
nom d'une fête que les Rom.ains célé-
broient au mois de février , pour les mânes
des morts. Voyez Mânes.
On y faifoit des facrifïces , & on ren>
doit les derniers devoirs aux âmes des dé-
funts , dit Macrobe , Satur. l. I , c. xiij ,
& c'efî de cette fête que le mois de février
prit fon nom. Voyez Février.
On ne fait point au jufte quel étoit le
but de ces facrihccs : Pline dit qu'on les
faifoit pour rendre les dieux infernaux
propices aux morts , plutôt que pour les
appailer ( comme quelques modernes fem-
bL-nt le croire, ) & qu'ils s'oliroicnt à
ç^ë F E C
tes dieux. Ce qui confirme ce fentiment ,
eft que Pluton eft furnomme februus. Ils
duroient douze jours.
Ce mot: ed fore ancien dans la langue
latine , oij dès l'origine de Rome on di-
foit fehnia pour puiijicatlon , & februarc
pour purifier. Varron nous apprend , de
Ung. l. V. qu'il venoit de Fabius. VolFius
& plufieurs autres croient qu'il ctoit forme'
àeferp'eo, j'ai chaud , parce que les pu-
rifications fe faifoient par le teu ou avec
l'eau chaude. Quelques-uns remontent
plus haut , & font defcendre ce mot de
phar ou phavar , qui en fyriaque & en
arabe fignifient la même chofe que ftrbaLt ,
efferbait , Ik peut-être a-t-il eu dans ces
langues le fens de purifier; car ce verbe
phai'ar , fignifie en arabe préparer un
certain mets particulier à une femme en
couche , pour chafiTer l'arriere-faix & autres
impuretés qui relient dans la matrice après
l'enfantement \, de même que les Romains
ont donné le nom à^februa à la divinité ,
qui , félon eux , délivroit les femmes de
ces mêmes impuretés. Ovide , Fafl. l. Il,
V. 4 , dit qu'anciennement februa figni-
fioit de la laine ;, & que ce nom fut donné
aux purifications , parce qu'on s'y fervoit
de laine- Diclion. de Trévoux & Charn-
iers. {G)
FECALE ( Matière ) , Médecine.
Les Médecins donnent ce nom aux excré-
mens du ventre , dont l'évacuation fe fait
par le fondement , au marc des alimens
mêlé avec la partie grolTiere des fucs di-
gefiifs qui n'ont pas été fLifceptiblcs d'en-
trer dans la compofition du chyle. Voyez
Excrément , Déjeclion. Il a été traité au
long de ce qui a rapport à ce lujet , dans
ce dernier article, (di
FECES, f. f. pi. {pharmacie , Chymie.)
On appelle en Chymie & en Pharmacie
fèces , le fédimenc qui le forme fous une
liqueur qui a fermenté comme le vin, la
bière , le cidre , Ùc. c'efi ce que tout le
monde connok fous le nom de lie. Voyez
Lie de Vin. Ce nom donne aulli aux
matières non dificnices qui troublent les
infiifions , les décodions , & qui fe pré-
cipitent ou s'aftiiflent par le repos , ou
qu'on fépare du liquide par la voie de ïa
llltration ou de la clarification avec le
F E C
b!ariC-d'c£uf. Voyez FUtradon ^ Chrifi"
cation.
On appelle aufïï fèces , la partie colo-
rante verte qui trouble les fucs exprimés
des plantes ; cette partie eft encore plus
connue en pharmacie fous le nom particu-
lier àè fécule. Voyez Fécule , Suc.
Fèces ou Lie d'Huile , amurca. Voy.
Lie d'Huile, {b)
FECIAL ou FECIALIEN , fubft. m.
( Hifi. rom. ) fctialis ou fecialis ; nom
d un officier public chez les anciens Ro-
mains , dont le principal minillere étoit
de déclarer la guerre ou de négocier la
paix.
Je glilTe fur l'origine inconnue du mot
fécial , pour rapporter uniquement l'éty-
mologie qu'en donne Feflus , laquelle ,
quoique très-recherchée , eft encore moins
ridicule que celle de Plutarque , de
\''arron & de nos modernes. Feftus la
tire du verbe yèr/o , je frappe , parce que
ferire fxdus , lignifie faire un traité ; de
forte qu'il faut , félon notre grammairien ,
qu'on aic dit par sk^xisfeciaUs -pows: Jerialis,
Paftbns à l'hiftoire.
l^cs Jcciaux furent infritués au nombre
de vingt : on les choilîiroit des meilleures
familles , & ils compofoient un collège
fort confidérabie à Rome. Denys d'Hali-
caruafie ajoute que leur charge , qu'il
nomme facerdoce , ne finifioit qu'avec la
vie ; que leur perfonne étoit facrée comme
celle des autres prêtres ; que c'étoit à
eux à écouter les plaintes des peuples qui
foutenoient avoir reçu quelque injure des
Romains , & qu'ils dévoient , fi les
plaintes étoient réputées juftes , fe faifir
des coupables & les livrer à ceux qui
avoient été léiés ; qu'ils connoilToient du
droit des ambaifadeurs &; des envoyés ;
qu'ils faifoient les traités de paix & d'al-
liance ; & qu'enfin ils veilloient à leur
obfervation.
Ce détail eft très-inftruâif , & de plus
prouve deux choies : la première , qu'il
y avoit quelque rapport entre les fé~
ciaux de Rome & les officiers que les
Grecs appeloient érénophylaques , c'eft-à-
dire , confervateurs de la paix : la fé-
conde , que nos anciens hérauts d'armes
ne répondent point à la dignité donr
jouilToienC
i
F E C
JonifToient hs/à-iaiix. Fo)'f:{ HÉRAUT
d'armes.
L'an de Rome 114-, dit Ticc-Live ,
Rome vit fes fionticres ravagées par les
incurfions des Latins , & Ancus Martius
connut , par fa propre expérience , que le
trône exige encore d'autres vertus que la
piété ; cependant pour foutenir toujours fon
caradere, avant que de prendre les armes ,
il envoya aux ennemis un héraut on officier
qu'on appelait fe'cilialien. Ce héraut tenoit
en main une javeline ferrée pour preuve de
la commifTion.
Armé de cette javeline , il fe tranf-
portoit fur les frontières du peuple dont
les Romains croyoient avoir droit de fe
plaindre. Dès qu'il y éroit arrivé , il
leclamoit à haute voix l'objet que Rome
prétendoit qu'on avoit ufurpé fur elle ,
ou bien il expofoit d autres griefs , & la
latisfadion que Rome demandoit pour les
torts qu'elle avoit reçus : il en prenoit
Jupiter à témoin en ces termes , qui ren-
fermoient une terrible imprécation contre
lui-même : " Grands dieux! lî c'eft contre
l'équité & la juftice que je viens ici au
nom du peuple romain demander fatis-
fadicn , ne foufFrez point que je revoie
jamais ma patrie.» Il répetoit les mêmes
termes à l'entrée de la ville &: dans la place
publique.
Lorfqu'au bout de 5 5 jours Rome ne
recevoit point la fatisfadlion qu'elle avoit
demandée , le fe'cial alloit une féconde
fois vers le peuple , & prononçoit publi-
quement les paroles fuivanres : " Ecou-
tez , Jupiter , & vous Junon ; écoutez ,
Quirinus ; écoutez , dieux du ciel , de la
terre & des enfers : je vous prends à témoin
qu'un tel peuple ' il le nommoit ) refufe à
tort de nous rendre jufrice ; nous délibére-
rons à Rome dans le fénat fur les moyens
de l'obtenir. »
Eii arrivant à Rome il prenoit avec lui
fes collègues , & à la tête de fon corps
il alloît faire fon rapport au fénat. Alors
on mettoit la chofe en délibération , &
fl le plus f rnnd nombre de fuffrages étoit
pour déclarer la guerre , lefécicil retour-
noit une troifieme fois fur les frontières
du même pays , ayant la tête couverte
d'un voile de lin , avec une couronne de
Tome, XI IL
F E G p.7
verve 'le par delTus ; là il prononçoit e;i
préfence au moins de trois témoins , la
formule fuivante de déclaration de guerre.
^' Ecoutez, Jupiter , & vous Junon ; écou'
tez , Quirinus ; écoutez , dieux du cie! , de
la terre & des enfers : comme ce peuple a
outragé le peuple romain , le peuple romain
& moi , du confentement du fénat , lut
déclarons la guerre. » Après ces mots , iî
jetoit fur les terres de l'ennemi un javelot
enfanglanté & brûlé par le bout , qui mar-
quoit que la guerre étoit déclarée ; & cette
cérémonie fe conferva long-temps chez les
Romains.
On voit par cette dernière formule que
nous a confervé Tite-Live , que le roi n'y
cil point nommé , & que tout fe fiifoit au
nom & par l'autorité du peuple, c'eft-à-
dire , de tout le corps de la nation.
Les hiftoriens ne s'accordent point fur
l'infritution àes féciaux ; mais foit qu'on
la donne à Numa , comme le prétendene
Denys d'Halicarnaffe & Plutarque , foie
qu'on aime mieux l'attribuer à Ancus
f<lartius , conformément à l'opinion de
Tite-Live &: d'Aulugelle , il eft toujours
très ~ vraifemblable que l'un ou l'autre de
ces deux princes ont tiré l'idée de cet éta-
blifTement des anciens peuples du Latiuni
ou de ceux d'Ardée ; & l'on ne peut guère
douter qu'il n'ait été porté en Italie par
les Pélafges , dont les armées étoient pré-
cédées par des hommes facrés , quin'avoiene
pour armes qu'un caducée avec des ban-
delettes.
Au relie , '^^arron remarque que de fon
ternps les fondions des feci ait ens étoienc
entièrement abolies , comme celles des
hérauts d armes le font parmi nous.
Celui qui fera curieux de recourir fur ce
fujet aux fources mêmes , peut fe fatisfaire
dans Tite-Live, de'c. i , la: I , c. xxjv ;
Cicéron, liv. II, des loix ; Aulugelle ,
lit'. XVI, ch.jv; Denys d'Halicarnaffe,
/. //,• Plutarque , vie de Numa ; Ammien
Marcellin , ln\ XIX, ch. j ; Diodore de
Sicile , liv. VII, ch. ij ; & parmi les mo-
dernes , Rofinus Ant. Rom. /^^. ///, c.
xxj ,• Struvius Ant. Rom. fynt. ch.-'p. xiij;
Pififci , lexicon , &c. Article de M. b
chtvdUer DE Jaucourt.
FÉCOND , adj. ( Littérature. ) eft le
C ccccc
5>38 r E c ^
iynonyme àQ fertile quand il s agit de la
culture des terres : on peut du-e égale-
jnent un terrain fécond & Jertile ; Jeni-
lifer & féconder un champ. La maxime
qu'il n'y a point de fynonymes , veut
dire feulement qu'on ne peut fe fervir
dans toutes les occafions des mêmes mots.
Voyez Dictionnaire , Encyclopédie , &
Synonyme. Ainfi une femelle de quelque
efpece qu'elle foit n'eft point fertile, elle
ei\ féconde. On féconde des œufs , on ne
hs fertilife pas. La nature n'eft pas fertile ,
elle eft féconde. Ces deux expreflions lont
quelquefois également employées au figure
& au propre. Un efrrit é\jende ou fécond
en grandes idées. Cependant les nuances ,
font fi délicates qu'on dit un orateury^'L-o/Zc/, |
& non pas \m orateur fertile i fécondité ,
& non fertilité de paroles ; cette méthode,
ce principe , ce fujet eft d'une grande.//co/2-
dité, & non pas d'une gvànàe/ertihté.^ La
raifon en efl , qu'un principe, un fu)et ,
une mérho.le , produifent des idces qui
naiffent les unes d;s autres ,^ comme des
êtres fuccefTivement enfantés , ce qui a
rapport à la génération Bienheureux Scu-
deri , do-n la fertile plume ; le mot fer-
tile eft là bien placé , parce que cette
plume s'exercoit , fe répandoit fur toutes
fortes de fuiérs. Le mot fécond convient
plus au ge'nie qu'à la plume. Il y a des
temps féconds en crimes , & non pas
ferti'esen crimes. L'ufage enfeigne toutes
ces petites différences. Article de M. de
Voltaire r. r i -r^
FECONDATION , f f ( Economie
animale. ) on appe'le ainfi la faculté pro-
lifique , la fécondité réduite en ade , le
moment de la conception , celui ou toutes
les conditions requifes de la part de 1 am-
mal mâle & de la femelle , refpeftive-
ment , concourent dans celle-ci , & com-
mencent à y opérer les changemens , les
mouvemens , en un mot , les ettcts
néceflTaires pour la génération. V oye^
Génération.
Ainfi la fécondation regarde propre-
ment l'ammal femelle , dans lequel le fait
la conception , la formation du fœtus ,
du petit animal ordinairement de la même
efpece que cel'e du mâle & de la femelle
qui ont coopéré pour fa génération. Vi>ye\
F E C
Grossesse , pour les femmes , Impré-
gnation , pour les autres animaux.
Voyei auffi FCETUS. {d)
FÉCONDITÉ , f f. {Mytholog. Mé~
daill. Littéral. ) divinité romaine , qui
n'étoit autre que Junon : les femmes l'in-
voquoient pour avoir des enfans , & fe
foumiettoient volontiers pour en obtenir ,
à une pratique également ridicule & olif-
cene. Lorfqu 'elles alloient à ce deflein
dans le temple de la déeffe , les prêtres du
temple les faifoient déshabiller, & lesfrap-
poient fur le ventre avec un fouet qui étoic
fait de lanières de peau de bouc.
Quelquefois on confond la fécondité'
avec la décile Tellus , & alors elle efl
repréfentée nue )ufqu'à la cemture , & à
demi - couchée par terre , s'appuyant du
bras gauche fur un panier plein d'épis &
autres fruits , auprès d'un arbre on cep de
vigne qui l'ombrage , & de fon bras droit
elle embrafTe un globe ceint du zodiaque ,
orné de quelques étoiles ; c'eft ainfi qu'elle
eft repréfentée dans quelques médailles de
Julia Domna ; dans d'autres , c'efi feule-
ment une femme affife , tenant de la main
gauche une corne d'abondance , & ten-
dant la droite à un enfmt qui e^ à fes
genoux ; enfin , dans d'autres médailles
c'eft une femme qui a quatre enfans , deux
entre fes bras & deux debout à fes côtés :
voilà fans doute le vrai fymbole de la
jécondité.
Au refte , Tacite rapporte que les Ro-
mains pouffèrent la flatterie envers Néron
jufqu'à ériger un temple à la fécondité de
Poppée ; mais cet hiftorien nous raconte
lui-même bien d'autres traits de flatterie ;
ceft un vice qui n'a point de bornes
fous les tyrans & les defpotes. Voye^
Flatterie. Article de M. le cheuaUer
DE JaUCOURT.
Fécondité , f. f. {Econom.anim.)
c'eft la faculté pri)lifique , la difpolition
dans Ihomme & dans les animaux ma es
& femelles à fatisfaire à toutes les con-
ditions requifes ( refpedivement au Lxe
de chaque individu ) pour lous^rage de
la génération , pour la production de Ion
femblable. ^ . . ,
Comme il eft ncceffaire en traitant dp
F E C
cette difpofition en tant que Icfe'e , d'ex-
pofer en quoi elle confille dans l'ctat de
perfeâion , il ell juge convenable , pour
eViter la répétition , de renvoyer aux ar-
ticles oia il fera queftion du défaut de
fécondité , ce qu'il y a à dire fur cette
faculté , & les conditions qu'elle exige
pour être réduite en ade : ainfi voye\
Impuissance, pour ce qui regarde le
fexe mafculin ; STÉRILITÉ pour ce qui eft
du féminin. Voye\ fur -tout GÉNÉRA-
TION, {d)
FECULE , f. f ( Pharmacie. ) On ap-
pelle/fc;^/e une poudre blanche aflez feni-
blable à l'amidon, qui le fépare dufuc
exprimé de certaines racines , & fe préci-
pite à la manière des fèces.
Les racines dont on tire communément
les fécules , font la bryone , Viris noj-
tras , & le pié-de-veau. Voye\ ces diffé-
rents articles.
On attribuoit autrefois à ces fécules les
vertus médicinales des racines dont on les
retiroit. Zwelter a le premier combattu
cette erreur : il dit dans fes notes fur la
pharmacopée d'Augsboug , que les fécu-
les ne font rien autre chofe que des pou-
dres fubtiles farincufes , privées du lue
végétal , qui n'ont conféquemment aucune
efficacité , aucune vertu. Dans Ion appen-
dix ad animadi'erfones^ , il appelle _ les
fécules un médicament inutile & épuifé ,
inutile & effetum medicamenti genus. Qui
pourra croire, aioute-t-il , qu'une racuie
que l'on a épuifée de fon fuc par l'expref-
iion , ait encore les vertus qu'elle avoit
auparavant ? or les fécules font dans ce
cas ; elles ne différent point du reftc de la
racine que l'on rejette comme inutile, &
conféquemment on doit les bannir de l'u-
-fage médicinal.
Nous penfons aujourd'hui comme Zwel-
fer : on ne garde plus les fécules dans les
boutiques , & les médecins ne les deman-
dent plus.
On donne auflî quelquefois le nom de
fécules , à ces fèces vertes qui fe fépa-
rent des fucs exprimés de plantes lorfqu'on
les purifie. Voye\ Partie colorante ferte
des plantes , au mot VÉGÉTAL, {b)
FÉCULENDE , f m. ( Médecine. ) Les
médecins fe fervent quelquefois de ce
FEE 959
terme , pour défigner la matière fédi-
menteufe des urines. Voyez Urine , Sé-
diment. ( d)
FEE MORGANE , ( HiJI. naturelle. )
11 eft lingulier qu'aucun auteur de l'an-
tiquité 3 ni Grec , ni Latin , n'a parlé de
l'apparition de \^fée Morgane , ou de quel-
que chofe de femblable. Cependant cette
/é'eadîi fe montrer aux habitans de Rhe-
gium ou de Reggio , dès que la ville de
Reggio fut fondée. Ceux qui féjournent
à l'extrémité de la Calabre , voient de
temps en temps , en fe tournant au nord ,
une lumière blanchâtre paroître quelques
heures après le coucher du foleil , & plus
fréquemment en automne qu'en aucime
autre faifon de l'année : cette lueur eft
comme courbée en arc fur la crête des
montagnes , & on y obferve quelquefois
une efpece de trémoufTement ou d'agita-
tion. Voilà ce qu'on a nommé fée Mor-
gane , vraifemblablement du temps de la
chevalerie ou du temps de la conquête des
Normands ; mais ce n'eft que de nos jours
qu'on eft parvenu à connoitre la caufe de
ce phénomène , qu'on feroit d'abord tenté
d'attribuer aux feux follets qui s'élèvent
delà folfatradans les environs de Pouz^ol,
& qui s'attachent enfuite aux fommets
des montagnes , comme le feu S. Elme
s'attache au haut des mâts dans les navires
qui voguent fur la Méditerranée. Mais
c'eft tout le contraire , la caufe n'en exifte
pas fur la terre ; elle exifte dans le fir-
mament au deftiis de l'athmofphere , au
deftiis de la ré^^ion ordinaire des météo-
res. L'illuftre M. de Mairan , que la ré-
publique des lettres vient de perdre, a
prouvé que ceux qui habitent entre le
trente-cinquième & le quarantième degré
de latitude nord , ne peuvent voir qu'un©
petite partie de l'aurore boréale , & ils
la voient très-peu de l'horizon , telle-
ment que , quand il s'y trouve dans le
lointain des hauteurs ou des rochers, le
fegment de la couronne ou de l'arc bo-
réal leur apparoir comme s'il étoit fixe
immédiatement fur les élévations qui bor-
nent leur vue. Or , la ville de Reggio
eft , par fa fituation , dans le cas de ne
pouvoir jouir du fpedacle de l'aui-ore
boréale , comme nous en jouiffons dans
Cccccc z
tjj^o FÉE
îios climats , &; les montagnes cîe la Ca-
hhie , qu'elle a à fon feptentrion , ne lui
laifTent même appcrcevoir qu'une lueur
foutenue fur une efpece de nuage obfcur.
Si ce font les Normands qui ont donné le
v.omàefee Morgane à cette illufion opti-
c|ue, qu'on peut au fli éprouver en Sicile,
alors on feroic tenté de croire que ce mot
a quelque rapport avec un terme dont les
Allemands fe fervent quelquefois pour ex-
primer la véritable aurore qui précède le
lever du foleil.
L'explication de cette fal le a donné
lieu d'en expliquer une autre qui cft bien
plus célèbre dans la mythologie des an-
ciens , que la Morgane ne Ta jamais' été
dans l'hiftoire des jees. Il s'agit de l'ap-
parition des dieux fur i'Olympe : dès qu'on
a une idée de la fituation de cette mon-
tagne qui enveloppe la Macédoine du côté
du midi , alors en fe perfuade aifément
que c'efi: encore la clarté du pôle arftique
t^ui a occaiionné tous les phénomènes
qu'en a pris pour les décorations de la cour
célefte &pour les rayons mêmes des dieux ,
lorfqu'ils tenoient un confeil , dont les
dieux avoient cependant très-peu befoin.
Les Grecs étoient , par rapport à FOlym-
pe , dans une fituation exaâemcnt fem-
blable à celle des habitans de Reggio ,
par rapport aux montagnes de la Caîabre
& à l'Apennin: c'eft-à-dire, qu'ils la
voyoient en fe tournant au nord , & la
lueur qu'ils y apperçoivent de temps en
temps paroît leur avoir fait imaginer ce
mot même à' Olympe , qu'on a enfuite
appliqué, par une ex:tréme licence du
langage poétique , à tout l'empirée. Parmi
les Opufcules de feu M. de Mairan , im-
primés dans la Collection de Vacademie
des Infcriptions , & féparément au Lou-
vre , en 1770 , on trouve l'empreinte
d'une fardcine du cabinet du roi qui re-
préfente Neptune^ plongé dans l'océan jiif-
qn'à la moitié du corps , & tenant au
defTlis de fa tête une efpece de voile qui
forme un arc fous-courbé j fous lequel Ju-
piter eft aflis avec la foudre en main.
iM. de Mairan a foupçonné que ce voile
figure le fegment obfcur de l'aurore bo-
réale , telle qu'elle a dû apparoitre à ceux
<[ui i'obfervoient du bord de la mer j ce
FEE
qui peut avoir donné occafion à quelques
mythologues de faire fupporter le trône
de Jupiter par i^N'eptune , & quoique cela
foit peu conforme à la doftrine commune
des Grecs , cela \\{\ beaucoup à la doc-
trine des Orientaux , fur-tout à celle des
Indiens qui s'imaginent qu'avant la créa-
tion Dieu fepromenoit toujours fur la face
des eaux qui étoient par conféquent déjà
créées, & ils repréfentent encore aujour-
d'hui Bramah couché fur une feuille de
palmier qui flotte au gré des vagues ,
comme l'on peut le voir dans l'ouvrage
de M. Holwell.
La fardoine du cabinet du roi , dont
nous venons de parler , cfl encore remar-
quable en ce qu'une licorne y accompa-
gne le figne du zodiaqr.e qu'on appelle h
vierge ; bizarrerie qu'on obferve auffi fur
une pierre gravée qui appartient au duc
d'Orléans. On dit que ce font des aflrolo-
gues qui ont fait cet ajouté vers les temps
du règne de Domitien, pour fe conformer
à l'idée des Arabes qui s'imaginoient qu'un
quadrupède aufïï cruel que la licorne, &
qui heureufement n'exille point dans la
nature , ne pouvoir être dompté que
quand on le mettoit dans le fein d'une
vierge. 11 fe peut bien que ce conte foit
en quelque forte moral ou allégorique ,
mais nous doutons que ce foit là l'origine
ou la caufe du changement fait à l'un des
fymboles du zodiaque : car il paroît plutôt
qu'il y eft quellion de l'oryz qu.'Ifis dé-
chire , & que des fculpteurs ou des gra-
veurs Grecs ont pu repréfenter avec une
feule corne , quoiqu'il en ait deux.
Le développement des fables au fujet de
la_/f f Morgane & de l'apparition des dieux
furie mont Olympe, pourra faire décou-
vrir avec le temps de l'explication de plu-
fieurs autres énigmes mythologiques, qu'on
a défefpéré de réfoudre. 11 faut moins
s'attacher aux étymologies , & s'attacher
davantage à la partie phyfique , puifque
l'expérience a prouvé qu'au moyen des
connoillances phyliques, on a plus éclairci
la mythologie que par toutes les autres ten-
tatives imaginables. Non que nous pré-
tendions ici excufer l'audace ou plutôt
1 imprudence de plufieurs alchymiftes
ignorans qui ont voulu dévoiler l'iiilloixe
FEE
clés dieux & des dtefTes de ''antiquité , par
des termes ic des proctdjs de leur arc illu-
foire & menfonger.
Quoique quelques agronomes de nos
jours, & fur-tout ceux qui ont obfervé
dans le nord le paffage de ve'nus fur le
difque du foleil, aient promis de donner
un nouveau fyfléme fur la formation des
aurores boréales y il faut dire ici que tous
les fyllémes à cet égard font indilFérens
par rapport à l'objet que nous venons de
difcurer : car les Grecs & les Calabrois n'ont
point fondé leurs fables fur la caufe du
phénomène , mais fur fon effet. Or l'effet ,
des lueurs polaires a da être toujours le
même , au moins dans notre latitude : car
on efl encore peu inllruit pour pouvoir
parler des aurores auflrales ; on fait feule-
ment qu'il en paroît de temps en temps ,
& qu'elles font vifibles au cap Hoorn , où
l'on a fait la feule obfervation détaillée
ûu'on ait pu recueillir fur cette matière.
Id.p.)
FEES , f f. {Belhs-Letf.) termes qu'on
rencontre fréquemment dans les vieux ro-
mans &;les anciennes traditions; i! hgnilie
ime efpece de génies ou de divinités ima-
ginaires qui habitoient fur la terre , & s'y
dillinguoient par quantité d'adions &: de
fondions merveilleufes , tantôt bonnes ,
tantôt mauvaifes.
Les fées étoient une efpece particulière
de divinités qui n'avoient guère de rapport
avec aucune de celles des anciens Grecs
& Romains , fi ce n'eft avec les larves.
Fqyf;{ Larves. Cependant d'autres pré-
tendent avec raifon qu'on ne doit pas les
mettre au rang des dieux ; mais ils fuppo-
fent qu'elles étoient une efpece d'êtres mi-
toyens qui n'étoient ni dieux ni anges , ni
hommes ni démons.
Leur origine vient d'Orient , & il
femble que les Perfans & les Arabes en
font les inventeurs , leur hiftoire & leur
religion étant remplies d'iiilîoire de fées
& de dragons. Les Perfes les appellent
péri , & les Arabes ginn , parce qu'ils
ont une province particulière qu'ils pré-
tendent habiti^e par hsfées ; ils l'appel-
lent Gimniftan , & nous la nommons
pays des fées. La reine des fées , qui eft
le chef-d'œuvre du poète anglois Spencer ,
FEE 5'4i
efl un poème épique , dont les perfon-
nages & les caradcres font tirés des hif-
toires des fées.
Naudé , dans fon Mafurat , tire l'ori-
gine des contes des/'e.f , des traditions fa-
buleufes fur les parques des anciens , & fup-
pofe que les unes 6: les autres ont été des
députés & des interprètes des volontés des
dieux fur les hommes ; mais enfuice il en-
tend par fées , une efpece de forcieres
qui fe rendirent célèbres en prédifant l'a-
venir , par quelque communication qu'elles
avoient avec les génies. Les idées reli-
gieufes des anciens, obferve-t-il , n'étoient
pas à beaucoup près auffi effrayantes que
les nôtres , & leur enfer & leurs furies
n'avoient rien qui pût être comparé à nos
démons. Selon lui , au lieu de nos forcie-
res & de nos magiciennes , qui ne font
que du mal , 6c qui font employées
aux fondions les plus viles & les plus
baffes , les anciens admettoient une efpece
de déeffes moins malfaifantes , que les au-
teurs la.ins appeloient albas dominas :
rarement elles faifoient du mal, elles fe
plaifoient davantage aux adions utiles &
favorables. Telle étoit leur nymphe Ege-
rie , d'où font forties fans doute les der-
nières reines /èW , Morgane, Alcine , la
fée Manto de l'Ariofte , la Gloriane de
Spencer , & d'autres qu'on trouve dans
les romans anglois & françois ; quelques-
unes prélidoient à la naiffance des jeunes
princes & des cavaliers , pour leur an-
noncer leur deftinée , ainfi que faifoient
autrefois les parques, comme le prétend
Hygin , cli. dxxj. Ù clxxii'.
Quoi qu'en dife Naudé , les anciens ne
manquoient point de forcieres auffi mé-
chantes qu'on fuppofe les nôtres , témoin
la Canidie d'Horace , ode V. & fj-tyre j.
! 5. Les/eVi- ne fuccéderent point aux par-
ques ni aux forcieres des anciens , mais
plutôt aux nymphes; car telle étoit Egerie.
yoyei Nymphes , Parques, ùc.
Les fées de nos romans modernes font
des êtres imaginaires que les auteurs de
1 ces fortes d'ouvrages ont employés pour
1 opérer le merveilleux ou le ridicule qu'ils
; y fement , comme autrefois les poètes fai—
i foient intervenir dans l'épopée , dans k
942 ^ ^ ,^ ,
tragédie , & quelquefois dans la comédie ,
les divinitc'sdu Paganifme: avec ce fecours,
il n'y a point d'idée folle & bizarre qu'on
he puiflTe hafarder. Vajei l'anLcle MER-
VEILLEUX. Dictionnaire de Chambers.
(G)
FÉERIE , f. f. On a introduit la féerie
à l'opéra comme un nouveau moyen de
produire le merveilleux , feul vrai fond
de ce fpeflacle. Voyez Meri'eilleux ,
Opéra.
On s'ell: fervi d'abord de la magie.
Voye-{ Magie. Quinault traça d'un pin-
ceau mâle & vigoureux les grands ta-
bleaux des Medée , des Arcabonne , des
Armide , £v. les Argines , les Zoradies ,
les Phéano , ne font que des copies de ces
bnllans originaux.
Mais ce grand poëte n'introduifit la
féerie dans fes opéra , qu'en fous-ordre.
Urgande dans Amadis , & Logiflille dans
Rolland , ne font que des perfonnes fans
intérêt , & tels qu'on les apperçoit à
peine.
De nos jours le fond de la/e'me, dont
nous nous fommes formés une idée vive ,
légère & riante , a paru propre à produire
une illufion agréable , & des adions aulll
intéreffantes que merveilleules.
On avoir tenté ce genre autrefois ; mais
ïe peu de fuccès de Manto la fée , & de
la Reine des Pens , fembloit l'avoir dé-
crédité. Un auteur moderne , en le ma-
niant d'une manière ingénieufe , a mon-
tré que le malheur de cette première
tentative ne devoit être imputé ni à l'art
ni au genre.
En 1735 > M. de Moncrif mit une en-
trée de féerie dans fon ballet de V empire
de l'amour; & il acheva de faire goûter
ee genre , en donnant Zelindor , roi des
Silphes.
Cet ouvrage qui fut repréfcnté à la
cour , fit partie des fêtes qui y furent don-
nées après !a viâoire de Fontenoy. Voye\
FÊTES DE LA Cour.
MM. Rebel & Francœur qui en ont fait
la mufiquc , ont répandu dans le chant
une expre/Tion aimable , & dans la plu-
part des fymphonies un ton d'cnchantt—
ment qui fait ilhdion : c'efl prefque par-
tout une mufique qui peint , & il n'y a
F E I
que celle-là qui prouve le talent , & qui
mérite des éloges. {B)
FEEZ , f. f. pi. [Jurifp.) dans la cou-
tume d'Anjou, article 5^9 , font les faix;
ou charges féodales & foncières , & toutes
autres charges réelles des héritages. {A)
FEGGOU, {Hijhirede Danem.arck.)
Ce roi de Danemarck afTalTina Hordenwi!
fon frère , & fut alîàffiné par Amelet fon
neveu. Voyei Amelet. ( Nijf. de Dane-
marck. ) ( M. DE Sacy. )
FEILLETTE , FEUILLETTE ou
FILLETTE , f. f. ( Comm. ) forte de ton-
neau deftiné à mettre du vin ; il fignifie
aufli une petite mefure de liqueurs. Voye\
F EU ILLET JE. Dictionnaire de Commerce,
de Tréro'ux , & Chambers. {G)
* FEINDRE , c'eft en général fe fer-
vir , pour tromper les hommes , & leur
en impofer , de toutes les démonftrations
extérieures qui défignent ce qui fe pafle
dans l'ame. On feint des paffions , des
deffeins , &c. Feindre a une acception pro-
pre à la Poélîe. Voye^ l'article FICTION.
Feindre, Boiter, {Manège, Ma-
réchallerie. ) ces deux mots ne font pas
exaâement fynonymes ; le premier n'eli
d'ufage que dans le cas d'une claudication
légère , & en quelque forte imperceptible.
Si nombre de perfonnes ont une peine
extrême à difcerner la partie qui dans
l'animal qui boite eft affectée , quelle dif-
ficulté n'auront-elles pas à le reconnoître
dans l'animal c^ui feint 1 Un cheval voifin
de fa chute , à chaque pas qu'il fait , boite
tout bas. Feindre fe dit encore lorfqu'en
frappant fur le pié de l'animal , ou en
comprimant quelque partie de fon corps,
il nous donne par le mouvement auquel
cette comprelTion ou ce heurt l'engage,
des figues de douleur. On doit d'abord
fonder le pié de tout cheval qui feint ou
qui boite , en frappant avec le brochoir
fur la tête des clous qui maintiennent le
fer. ?^o)f- Ecart. Lorfquele c!ow frappé
occafionne la douleur , & par conféqucnt
l'adion Ae feindre ou de boiter , on obferve
un mouvement trcs-fenfible dans l'avant-
bras , & nous exprimons ce mouveinent
par le terme de feindre pris dans le dernier
fens. (e)
FEINTE, fubft. f. en Mufique , cfl
F E I
l'altération d'une note ou d'un ton , par
diefe ou par bémol. C'eft proprement le
nom générique du diefe ou du bémol même.
Ce mot n'efi plus guère en ufage.
Ceft de-Ià qu'on appeloit auffi feintes
les touches chromatiques du clavier , que
nous appelons aujourd'hui touches blan-
ches y & qu'autrefois on faifoit noires plus
ordinairement. Voye^ CHROMATIQUE &
l'article faisant. (cS)
Feinte coupée des épine ttes Ù des
clavejfins qui ne font pas à ravalement ,
eft la touche du demi-ton àeVut ;V de l'oc-
tave des baifes que l'on coupe en deux ,
en forte que cela forme deux touches que
Ion accorde en b-fa-Ji & en a-mi-la. ,
lorfqu'elles font fuivies d'un g-ré-fol , qui
eft la touche noire qui précède les quatrièmes
odaves.
Feintes, {Efcrime.) c' eft une attaque
qui a l'apparence d'une botte , & qui dé-
termine l'ennemi à parer d'un côté , tandis
qu'on le frappe d'un autre.
Pour bien faire une feinte , il faut ,
1". dégager {l'oyei DÉGAGEMENT
volontaire) , & faire le mouvement de
porter une botte fans avancer b piédi-uit;
2*'. dans l'inftaat que l'ennemi pare cette
faufTe botte , vous évitez le rencontre de
fon épée {yoyei l'article Dégagement
forcé) , & incor.tinent on aloage l'efto-
cade , pour failir le temps que fon bras eft
occupé à parer.
Double feinte ; elle fe fait lorQu'on
attaque l'ennemi par A^vn feintes.
Feinte droite ^ c'eft taire une yè/zz^e fans
dégager.
Feinte , dans l'ufage de Vimprimerie ,
s'entend d'un manque de couleur qui fe
trouve à certa ns endroits d'une feuille
imprimée , par compara. ion au refte de
la feuille. Un ouvrier fa t une feinte ,
pour le peu qu il manque à la iufteffe qu'il
faut avoir pour appuyer éga'ement la balle
fur la forme dans toute l'étendae de fa
furface.
* FE'NTIERS ou ALOSIERES ,
VERGUES, VE' GUEUX ou RETS
VERGUANS , CAHUYAUTIEuS ,
termes de Pêche qui font fynonymes , &
qui défignent une forte de i.L't propre
à prendre des alofes ; ce qui leur a laie
F El
P4?
donner auftî le nom d'alojîeres : en voici la
defcription.
Ce filet , qui eft travaillé , eft fembla-
ble à ceux dont on fait la dreige dans la
mer (royq Dreige ) , & fabriqué de
même , à cette différence près , qu'il coure
3 cordes le long du filet ; celle de la tête ,
que les pêcheurs nomment la corde du
Lege ; celle du milieu , qu'ils nomment
la corde du parmi ; & celle du pié ,
qu'ils appellent la corde du plomb , parce
qu'elle en eft garnie , comme les tramaux
de la dreige : elle fépare la nappe & les
tramaux en deux. La corde du parmi ,
qui ne fe trouve point dans les filets de
mer, fert à mieux foutenir le filet, dont
la nappe eft formée d'un f I très-fin , &
que les alofes , les faumons & autres gros
poifTons creveroient aifément fans cette
précaution.
Pour faire cette pèche on jette le filet
dans l'eau , après avoir mis une bouée au
bout forain, il y a dans chaque bateau
quatre hommes d'équipage , deux qui ra-
ment , un qui gouverne, & un quatrième
qui pare ou tend le filet , dont la pofition
eft en travers de la rivière , pour que le
poifTon qui s'abandonne au courant de
l'eau , puifTe s'y prendre. On pèche de flot
& de jufant.
Cette pèche des alofes dure depuis le
mois de février jufqii'à la fin de mai.
Les a'ofieres ont les mailles des ha-
maux , qui font les deux rets extérieurs
du tramail , de huit pouces en quarré.
i_a toile , nappe ou fine a les mailles de
deux pouces quade lignes en quaivé. Ces
rletsnelont pas chaigés de beaucoup de
plomb par bas ; en L,rte qu'étant consi-
dérés comme une dieige, ils ne caufenc
point fur le fond de la rivière L' même
défordre que la dreigedanslamer, puifqu'ils
ne font piefque que rouler fur le fable.
■ FELAPTOiN , ( Logique) terme
technique où les voye les défignent la
qua'ité des propofitions qui entrent dans
un fyllog.fme particulier ; ainfi la voyelle
E marque que la majeure doit être uni-
verfelle négative ; la voyelle A , la mi-
neure univerfelle affirmative ; la voyelle
O , la conclulion particuhere négaLive»
J^ojfeTi Syllogisme.
P44
F E L
FELD , ( Ge'og. ) Ce mot qui en
allemand figiiifie um phine , _ une cam-
pagne , entre dans la compolltion de plu-
iïeiirs noms géographiques , & fe met
dans quelques-uns au comrnencement ,
& dans quelques autres à la Hn du mot ,
ftlon le caprice de l'ufage. {C D. J.)
FELDKIRCH on VËIDKIRCH ,
Vekunum , ( Géogr.) ville d'Allemagne ,
capitale du comte' de même nom , au
Tirol , fur 1 111 , à deux milles d'Appenzell ,
entre le lac de Confiance au feptentrion ,
& Coire au midi ; elle ell marchande ,
& a de beaux privilèges. Long, aj , x^ ,
lat. 47 , î</.
C'eftà Feldkirchque naquit Bernhardi ,
( Bartht'lemi ) fameux pour avoir éte'^ le
premier miniftre luthtrien qui fe foit
maùé publiquement, & qui ait foutenu
par les e'crits la condamnation du célibat
des prêtres. Son mariage étonna Luther
même , quoiqu'il approuvât fon opinion ;
mais il fcandalifa tellement les Catholi-
ques , qu'ils cherchèrent à s'en venger :
de-là vint que des foldats efpagnols étant
entrés chez lui , le pendirent dans fon ca-
binet ; heureufement fa femme accourut
aflez tôt pour le détacher & lui fauvcr la
vie. 11 mourut naturellement en i f fi ^
iigéde foixante-quatre ans. (C IJ. /■)
* FÊLER , V. aâ. {Grim. & An me du)
Ce terme n'efl: applicable qu'aux ouvra-
ges de terre, de verre, ^c. qu'aux vaif-
feaux de porcelaine , Ùc. Ils font fêk's ,
lorfque la continuité de leurs parties eft
rompue d'une manière apparente ou non
apparente , fans qu'il y ait une féparation ,
totale : Il la féparation étoit entière , alors
le vaiffeau ferolt ou calTé ou brifé. De
fêler on a fait le fubfîantif féline. Un
valet dit de lui-même , dans l'Andrienne,
à propos d'un fecret qu'on lui recom-
mande : Plenus rimarum fum , hac ilLic
perfluo ; ce qu'on rendroic très bien de
cette manière: Comment i'oulf{-i-ous que je
le garde ? je fuis fêlé de tous cotes.
FELICITE, {.{.{Gramm. lù Morale.)
eft l'état permanent , du moins pour quel-
que temps, d'une ame contente, & cet
état ell bien rare. Le bonheur vient du
dehors , c'efl originairement une bonne
heure, \Jn bonheur vient , on a un bon-
F E L
heur ; mais on ne peut dire ," il niejî
venu une félicité , fai eu une fe'licité .•
& quand on dit , cet homme jouit d'une
félicué pa.rj.iue , une alors n'efl pa>
priie numériquement , & fignif e feule-
ment qu'on croit que la félicité efl par-
faite. On peut avoir un bonheur fans
erre heureux. Un homme a eu le bon-
heur d'échapper à un piège , & n'en
eft quelquefois que plus malheureux ; on
ne peut pas dire de lui qu'il a éprouvé
la félicité. 11 y a encore de la différence
entre un boniieiir & le bonheur , diffé-
rence que le mot félicité n'admet point.
Un bonheur eft un événement heureux.
Le bonheur pris indéfinitivement , fignific
une fuite de ces événemens. Le plaifir
eft un fentiment agréable & paffager , le
bonheur confidéré comme fentiment, ell
une fuite de plaifirs , la profpérité une
fuite d heureux événemens , la félicite
une jouiftance intime de fa profpérité.
L'auteur des fynonymes dit que le bon-
heur ejl pour les riches , la félicité pour
les fages f la béatitude pour L'S pauvres
d'efprits; mais le bonheur paroît plutôt
le partage des riches qu'il ne l'eft en effet ,
& la félicité eft un état dont on parle
plus qu'on ne l'éprouve. Ce mot ne fe dit
guère en profe au pluriel , par la raifon
que c'eil un état de l'ame , comme tran-
quillité , fagelTe , repos ; cependant la
poéfie qui s'élève au deffus de la profe ,
permet qu'on dife dans Polieuâe :
Ou leurs félicités doivent être infinies.
Que vos félicités , s'il fe peut ^ [oient
parfaites.
Les mots , en paffant du fubftantif ea
verbe , ont rarement la même lignifica-
tion. Féliciter , qu'on emploie au lieu de
congratuler , ne veut pas dire rendre heu^
reux , il ne dit pas même fe réjouir avec
quelqu'un de fa félicité , il veut dire flm-
plementyJzVf compliment fur un fiiccés ,
fur un événement agréable. Il a pris la place
de congratuler, parce qu'il eft d'une pro-
nonciation plus douce & plus fonore.^mc7a
de M. DE Voltaire.
Félicité , {Mythcl ) c'était une déefTc
chez les Romains , auiîi bien que chea
les Grecs, qui \\xnommo\Qi\iEudomonie ^
F E L
Ei,'3^«(.>i/i«. VofTuis, de Jdolat. lib. VlIL
c. xi'iij. ne la croit point différente de
Ja déel'e de iS alus ; mais il eil prefque le
feiil de fon opinion.
Quoiqu'il en foit, on affure que Lu-
cullus , après avoir eu le bonheur dans
fes premières campagnes de conquérir
l'Arnu-nie , de remporter des vidoircs
fignalées contre Mitliridate , de le chaf-
fer hors de fon royaume , & de finir
par le rendre maître de Sinopc , crut à
fon retour à Rome devoir par rcconnoif-
fance une ftatuc magnifique à la J-T'lL-ùe.
Il fit donc avec le fculpteur Archéfilas le
marché de cette ftatue pour la fomme de
60 mille fcflerccs ; mais i!s moururent
l'un & l'autre avant que la ftatue f'it ache-
vée : c'eft Pline qui rapporte ce fait , lib.
XXXJ^. c. xij.
On conçoit fans peine qu'il ne conve-
snoir pas à Célar d'ériger à la Félicite une
l:mple fiatue, lui qui en avoir une dans
Rome qui niarclioit ;\ côté de la Vidoiie ;
Jl falloir qu'un homme de cat ordre fit
plus que Lucuilus pour la déefle qui l'avoit
^levé au comble de fes vœux : aulli Dion ,
lib. XLIV. raconte que dès que Céfar fe
vit maître de la république , il forma le
projet de bâtir à la Félicité un temple
fuperbe dans la place du palais , appelée
cuvia hoftilia \ mais fa mort prémarurée
fit encore échouer ce defTe^n , & Lépide le
triumvir eut l'honneur de 1 exécuter.
Alors les prêtres, toujours avides de
nouveaux cultes qui augmentoient leurs
richefies & leur crédit , ne manquèrent
pas de vanter la gloire du temple fondé
par Lépide , précédemment leur Ibuve-
rain pontife, & d'exagérer les avantages
qu'auroient ceux qui feroient fumer de
l'encens fur fes autels. On dit à ce fujet
que l'un de ces prêtres , facrificateur de
Cérès , promettant un bonheur éternel à
ceux qui fe feroient initier dans les miyf-
teres de la décfl'e Félicité , quelqu'un lui
répondit afTez plaifammicnt : " Que ne te
?5 laifîe-tu donc mourir, pour aller jouir
»> de ce bonheur que tu promets aux autres
)} avec tant d'afliirance ' »
S. Auguftin , dans fon ouvrage de la
cité de Dieu , lif. II. ch. xxiij, & ///■.
jy, ch. xpiij. parlant de la Félicité , qug
Tome, XIII.
F E L 945
les Romains n'admirent que fort tard dans
leur culte , s'étonne avec raifon que Ro-
mulus qui vouloit fonder le bonheur de
fa ville naifiante , &: que Tatius aufîi-bien
que Numa , entre tant de dieux & de
déeiTes qu'ils avoient établis , enflent ou-
blié la Félicité -, & il ajoute à ce fujet,
que fi Tullus Hoflilius avoit connu la
déefle , i! ne fe feroit pas avifé de s'adref-
fer à la Peiur & à la Pâleur pour en faire
de nouvelles divinités , puifque quand on
a la Félicité pour foi , l'on a tout , &
l'on ne doit plus rien appréhender.
Mais les Payens auroient pu répondre
deux chofes à faint Auguftin fur fa der-
nière remarque : i''. que Tullus n'avoit
bâti des temples à la Peur & à la Pâleur ,
que pour prévenir la terreur panique dans
fon armée, & porter l'épouvante chez
les ennemis ; c'eft pourquoi Héfiode , dans
fa dcfcription du bouclier d'Hercule , y
repréfente Mars accompagné de la Peur
& de la Crainte. 1^. L'on pouvoit ré-
pondre à S. Auguftin , que les Romains
penfoient qu'il étoir abfolument néceflaire
d'imprimer dans l'efprit des médians la
crainte d'être févérement punis , & que
c'étoit par cette raifon qu'ils avoient con-
facré des temples & des autels à la Peur ,
à la Fraude &: â la Difcorde , ù'c.
Au refte , l'hilloire ne nous apprend
point fi la déefTe Félicité avoit beau-
coup de temples à Rome ; mais nous fa-
vons qu'elle le trouve fouvent repréfentée
fur les médailles antiques , quelquefois avec
figure humaine , &: le plus fouvent par des
fymiboles. En figure humaine , c'eft une
femm^e qui tient la corne d'abondance de
la main gauche , & le caducée de la
droite. Les f) mboles ordinaires repréfen-
tent la Félicué fous deux cornes d'abon-
dance qui fe croifent , & un épi qui s'é-
lève entre les deux. Article de M. le Che-
valier DE .Taucourt.
FELIN , C {'. ( Comm. ) petit poids
dont fe fervent les Orfèvres & les Mon-
noyeurs qui pelé fept grains & un cinquième
de grain. Les' deux j clins font la maille.
Le marc eft compofé de fix cents quarante
félins. Voyti Once , Marc , GllAIN,
Poids , 6't'. Diclionn. de Comm. de
Tréy. & Chamb. {G)
Dddddd
$aS F E L
FELIX, FE Lie ISS mus , FE-
LICITAS, {Littérature.) en françois
heureux, très- heureux , &c. titres fré-
qiiens dans les monumens publics des Ro-
mains , adoptés d'abord par Sylla ,^ pro-
digue's cnfiiite aux empereurs , & qu'enfin
les villes , les provinces & les colonies les
plus malheureufes , de'pendantes de l'empi-
re , eurent la bafîefTe de s'appliquer , pour
ne pas déplaire aux fouverains de Rome.
Ajoutons même qu'entre les différens
titres qui fe lifent fur les monumens anti-
ques , celui de felix ou félicitas , eft un
de ceux qui s'y trouvent le plus fouvent.
Sylla, le barbare Sylla, que la fortune
combla de fes faveurs jufqu'à la mort ,
quoique fa cruauté l'en eîit rendu très-in-
digne , fut le premier des Romains qui prit
le nom àefelix , heureux.
Mais à qui ou à quoi dans la fuite ne
prodigua-t-on pas fauffement ce glorieux
titre de felix ou félicitas 1 II fut attribué
au trifte temps préfent , félicitas tempo-
ris , felix temporum reparatio ; au fiecle
infortuné , fœculi félicitas : au fénat
abattu , au peuple romain affervi , féli-
citas populi romani ; à Rome malheureu-
fe , romoe felici i à l'empire concerné
fous Macrin , ce vil gladiateur & cliafleur
de bêtes fauvages , félicitas imperii ; à
toute la terre gémilîante , félicitas orhis ;
nais fur-tout aux plus infâmes empereurs ,
depuis que Commode , prince dérellable
& détefté de tout l'Univers , fe le fut
approprié.
On donna même à fes fuccef^eurs le
titre àe felicij/imus , dans le bas empire,
la mode s'étoit alors introduite de porter
au fuperlatif la plupart des titres , à pro-
portion qu'ils étoiait le moins mérités,
beatiffumis , nohilijfmus, piiffimus.
A l'exemple de l'état romain & des
empereurs , quantité de colonies fe piquè-
rent de fe dire heureufes fur leurs mon-
noies , par adulation pour les princes ré-
gnans dont elles vouloient tâcher de gagner
les bonnes grâces , en fe vantant de jouir
d'une félicité qu'elles étoient bien éloignées
de pofléder. 11 fuffit pour s'en convaincre
de fe rappeler qu'entre les colonies qui
prirent le titre de felix , les médailles
nomment Cardiage & Jérufalem.
F E L
Les provinces , à l'imitation des villes ;
afFederent auffi fur leurs monumens pu-
blics, de fe proclamer heureufes. La Dace
publie qu'elle eft heureule fous Marc-
Jules Philippe : oui, Dacia felix fe trouve
fur les médailles frappées fous le règne de
cet arabe , qui parvint au trône par le
brigandage & le poifon.
Enfin pour abréger, l'on pouffa la baf-
fefie fous Commode, jufqu'à faire graver
fur les médailles de ce monftre dont j'ai
déjà parlé , que le monde était heureux
d'être fous fon empire : K.«^/io^«v /sœc-*-.
C'en eft affez pour qu'on puifTe appré-
cier dans l'occafion les monumens de ce
genre à leur jufte valeur ; car les excès
de la flatterie font & feront toujours en
raifon de la fervitude. Cicéron a bien
connu cette vérité, quand il nous peine
les Afiatiques en ces mots ; diutumâ fer-
vitute ad nimiam afcentationem eruditi.
Article de M. le Chevalier DE Jau~
COURT.
FELENIE , f. f. ( .Tunfp. ) fe difoiç
anciennement pour félonie ou infidélité'.
Voyey^^ Beaumanoir , chap. j. Defontaines,
tit. xif liv. IV. & Ci-après FELONIE.
"^ FELLE , f. f ( Verrerie. ) morceau
de fer en forme de canne , creufée dans
toute fa longueur , qui eft d'environ quatre
pies & demi ; elle eft armée par un bouc
d'une poignée de bois , pour empêcher
l'ouvrier de fe brûler, ayant l'autre bouc
un peu plus gros. La felle fert à cueillir
la matière dans les pots pour en faire le
verre à vitre.
FELON , f. m. ( .Turifprudence. )
fignifie en général traître, cruel, & in-
humain. En matière féodale , il fe dit
du vaftal qui a ofFenfé grièvement fon
feigneur , ou qui a été déloyal envers lui.
Le feigneur peut auffi être félon envers
fon vaftlil, lorfquil commet contre lui
quelque forfait & déloyauté notable. Voy.
ci-après FÉLONIE. {A)
FELONIE , f. f. ( .Turifpritd. ) dans
un fens étendu fe prend pour toute lorte
de crimes, autre que celui de lèfe-ma-
jefté, tels que l'incendie, le rapt, l'ho-
micide , le vol , & autres délies par
F E L
lefqtiels on attente à la peiTonne d'au-
trui.
Mais dans le fcns propre & le plus or-
dinaire , le terme de félonie eft le crime
que commet le vafTal qui offcnfe griève-
ment fon feigneiir.
La diftindion de ce crime d'avec les
autres dJits tire , comme on voit , fon
origine des !oix des fiefs.
Le vafTal fe rend coupable de félonie
lorfqu'il met la main fur fon feigneur pour
l'outrager, lorfqu'il le maltraite en effet
lui , fa femme ou fes enfans , foit de
COUDS ou de paroles injurieufes ; lorfqu'il
a deshonoré la femme ou la fille de fon
feigneur , ou qu'il a attenté à la vie de
fon feigneur , de fa femme ou de fes
enfans.
Boniface , toin. V. lii'. III. tit. j.
ch. xjx. rapporte un arrêt du parlement
de Proveice du mois de décembre 167$ ,
qui condamna un vaflal à une amende ho-
norable , & déclara fes biens confifqués ,
pour avoir dépouillé fon feigneur dans le
cercueil , & lui avoir d jrobé fes habits.
Le roi Henri II déclara en 1^56 ,
coupables de félonie tous les vafTaux des
feigneurs qui lui dévoient apporter la foi &
hommage , & ne le faifoient pas , tels que
les vaflaux de la Franche-Comté , de
Flandres , Artois , Hainaut , Ùc.
Le démenti donné au feigneur efl: auflî
réputé félonie ; il y a deux exemples de
confifcation du fief prononcée dans ce cas
contre le vafTal , par arrêts des 3 1 décem-
bre 1556 & mai 1574, rapportés par
Papon, //;'. XIII. tit. j. n, 11. & par
Bouchel , bibliot. verbo félonie.
Le déiaveu efl: différent de la félonie ,
quoique la commife ait lieu en Tun &
l'autre cas.
Le crime de félonie ne fe peut com-
mettre qu'envers le propriétaire du fief
dominant , & non envers l'ufufruitier ,
Il ce n'efl à l'égard d'un bénéficier, lequel
tient lieu de propriétaire , auquel cas le
fief fervant n'efl pas confifqué au profit
du bénéficier , mais de fon églife.
La peine ordinaire de la félonie efl la
confifcation du fief au profit du feigneur
dominant ; un des plus anciens & des plus
mémorables exemples ds cet ufage , çlt la
F E L P47
confifcation qui fut prononcée pom félonie
commife par le feigneur de Craon contre
le roi de Sicile & de Jérufalem. Par anéc
du parlement de Paris , de l'an 1394, fes
biens furent déclarés acquis & confifqués
à la reine , avec tous les fiefs qu'il teiioic
de ladite dame, tant en fon nom que de
fes enfans ; & comme traître à fon fei-
gneur & roi il fut condamné en 1 00000
ducats & banni hors du royaume ; mais
l'exécution de cet arrêt fut empêchée par
le roi fon oncle & par le duc d'Orléans.
Papon, lii'. XIII. tit. j. n. 11.
. Les bénéficiers coupables de félonie ne
confifquent pas la propriété du fief dépen»
dant de leur bénéfice , mais feulement
leur droit d'ufufruit. Forget, ch. xxiij.
La félonie & rébellion de l'évêquc don-
nent ouverture au droit de régale , ainfi
qu'il fut jugé par un arrêt du parlement
de Paris, du mois d'août 1598. Filieau,
part. IV. quefi. i.
Celui qui tient un héritage à cens , doit
aufTi être privé de ce fonds pour félonie.
Lapeyrere , lett. f. n. 61. 6" 11 4.
Mais la confifcation pour félonie , foit
contre le vafTal ou contre le cenfitaire ,
n'a pas lieu de plein droit ; il faut qu'il
loit intervenu un jugement qui Tordonne
fur les pourfuites du feigneur dominant.
Voyei Andr. Gail. Ub. II. obferv. 51.
Outre la peine de la commife , le vafTal
peut être condamné à la mort naturelle,
ou aux galères , au bannifTement , en l'a-
mende honorable, ou en une fimple amen-
de , félon l'atrocité du délit qui dépend
des circonfîances.
Si le feigneur dominant ne s'efl pas
plaint de fon vivant de \d, félonie co mife
envers lui par fon vafTal , il efl: cenfé lui
avoir remis l'ofFenfe , & ne peut pas inten-
ter d'adion contre fes héritiers , à moins
qu elle n'eût été commencée du vivant du
feigneur dominant & du vafTal qui a com-
mis l'ofFenfe. Voye^ Balde [ur Ix loi
dernière, cod. de revoc. Donat; Myn-
fînger, cent. iij. obfen: 97. Wourmfer ,
tit. Ij. de feud. olfeiT. 36. n. t. Ù 5.
Decianus , rep. 15. /z. ij. roi. I. Wul-
teius , défendis, c. xj. n. 13. Obrecht,
de jure feudor. Ub. IV. cap vii]. p. f 7.
Voyei aufïl le manifefla fait en 1703 ,
Dddddd 2
54S F E L
par le comte Paul Perroni pour le duc de
Maiitoue , cite au ban de l'Empire , qui
forme un traité complet du droit fe'odal
par rapport à la yê'/o/zi'f. {yt)
tYloius du feigneur envers fon vafTal ,
eft lorfque le léigneur commet co;ure lui
quelque forfait & déloyauté' notable.
Ctcte efpece ce félonie fait perdre au
feigneur dominant Fliomn-age & la mou-
vance du fief fervant , qui retourne au fei-
gneur fuzeraiu de celui qui a commis la
félonie, & le vaflal outragé par fon fei-
gneur eft exempt , & fcs fucceiTeurs , pour
toujours , de la jurifdiflion du feigneur do-
minant , & de liii payer aucuns droits
feigneuriaux, ce qui eil fondé fur ce que
les devoirs du feigneur & du vaffal font
réciproques; le vaffal doit honneur & fi-
délité à fon feigneur , & celui-ci doit
proteûion & amitié à fon vaflal.
Le plus ancien & le plus fameux exem-
ple que l'on rapporte de la coniifcation qui
a lieu en ce cas contre le feigneur domi-
nant , eft celui de Clotaire I , lequel , au
rapport de Guaguin , du Haillan , èc quel-
ques autres hiiloriens , fut privé de la
mouvance de la feigneurie d'Yvetot en
Normandie , pour avoir tué dans Téghfc ,
le jour du vendredi faint , Gauthier, fei-
gneur de ce lieu, lequel ayant éré exilé
par ce prince , étoit revenu près de lui mu-
ni de lettres du pape Agabet. On prétend
que Clotaire, pour réparer foncrime, éri-
gea Yvetct en royaume ; mais cette hiî-
toire , dont on n'a parlé pour la première
fois que 900 ans après la mort de ceux
qui y avôient quelque part , eft regar-
dée comme fabuleufe par tous les bons
hiftoriens.
Chopin, fur la coutume d'Anjou, lii'.
JI. pan. m. tit. ;>. cli. ij. n. i. rap-
porte un arrêt du 13 mars 15^1 , par le-
quel un feigneur fut privé de la toi , hom-
ma^.e , & fervice que fon vaffal lui devoir
pour lui avoir donné un foufiiet dans une
chambre du parlement de Paris.
Voye\ les coutumes de Laon, articles
196. & 197. Chalons, art. 197. & i9S.
Rheims, an. 129. & 1^50. Ribemont, an.
31, Saint-Pol , an. 32. &c Blllecop, ir.
des fiefs , ■ lif. XII. di. ij. ji'. & xiij.
F E L
FELOUQUE, f. f. {Marine.) c'eft
un périt bâtiment de la mer Méditerranée ,
en forme de chaloupe , qui va à la voile
& à la rame. Ce bâtiment a cela de pai--
ticulier , qu il peut porter fon gouvernail
à l'avant ou à l'arriére frlon fon befoin ,
à caufe que fon eUMve 6i fon étamhorc
font également garnis de penture pour le
foutenir. Ce bâtiment a d'ordinaire llx ou
fept rameurs, oc va très vite. iZ)
FELOORS, f. m. ( Conim.) monnoie
de cuivre ; c'eft le liard de Maroc ; il en
faut huit pour la blanquette , & la blan-
quette fait fix blancs de notre monnoie.
FELTRI , Filtri.i ; ( Géog. ) ancien-
ne ville d'Italie, dans la Marche Tréviliine ,
capitale d'un petit pays de même nom »
avec un évêque fuffragant d'Aquilée (*)
Les Véniiiens poiTedent le Feltrin , &
Fehri depuis I404. Elle eft fur l'Arona ,
à II lieues N. de Padoiie, 7 -S. O. de
BelJuno, 16 N. O. de Venife. Ceft la
patrie de Victorin , l'un des premiers ref-
taurateurs de l'ancienne latinité. Long. 29.
ié. lat. 46. 3. {D. J.)
FEMELLE , f. f. ( Hi.'}. Nat. \ c'efi
le corrélatif du mâle. Ceft celui qui con-
çoit &: met au monde le petit. Voye\
Sexe.
FEMELLES, f. f. {Marine.) ce font
des anneaux qui portent îe gouvernail :
on appelle mâles , les fers qui entrent
dans ces anneaux, ^'^oyez Ferrure de
GoU?'ERAAII.. {Z)
Femelle. Les Fila(/îers appellent de
ce nom une efpece de chanvre menu &
fin , qui ne produit point de graine , m.ais
dont la filaiie eft beaucoup plus belle que
le mâle , qui n'eft propre qu'à faire des
cordages ou des grofl'es toiles à vil prix.
Voyez CORDERIE.
Femelle CL.^IRE , en terme de Plu-
maffier ^ ce font des plumes d'une au-
truche femelle , blanches & nnircs , mais
où le blanc domine fur le noir.
Femelle obscure, en Plumafferie ^
ce font des plumes d'une ZiWtïwdhc femelle 3
(») Quoique à 4orr'.i!!es de !a mer le terrain s'y
trouve de mûine mnrii ro que d \vi.i celui des lagu-
nes de Venife. On y voir beaucoup de produc-
tions marines iSc àc pitt itic.u'.oi.s.
F E M ^
noires & blanches , mais où il y a plus de
noir que de blanc.
FEMEREN ou FEMERN , {Geog.)
Cimbrici , dont enfuite on a fait Simèria,
eft une petite ijle de Danemarck , dans la
mer Baltique à deux milles du Duché
d'Hoiftein. Elie eft fort fertile en grain &
en pâturages. Voy. Audifrec , Maty , Def-
hayes , voyui:;e de Danemarck y &c. Long.
%S, 50-2.5; A.-'- 54 > 40-4^-
Konholt (Chriltian ( prutefTeur en Théo-
logie à Kiel , né dans l'iUe de Fe'meren en
165^ , mort en 1694, enrichit l'Allemagne
d'un grand nombre de livres , &: laifla des
fils ciui marchèrent fur fes traces. {D. J.)
FEMININ, INE, Aà].{Gramm.) c'eft
lin qualificatif qui marque que l'on joint à
fon fubiîantif une idée accélloire de femel-
le : par exemple , on dit d'un homme , qu'il
a un vifage_/c'/rz//2/,z , une m'mefeminlne ,
une V oi\ f £ m nine , &c. On doit ohfervcr
que ce mot a une terminaifon nialculine
& \xnQ féminine. Si le fubftantif eft du genre
mafculin , alors la grammaire exige que
l'on énonce i'adjeclif avec la terminaifon
mafculine : ainii on dit , un air féminin ,
félon la forme grammaticale de l'elocution ;
ce qui ne fait rien perdre du fens,qui eft
que l'homme dont on parle a une confl-
guration, un teint , un coloris , une voix ,
Ùc. qui reftemblent à l'air & au m.?.nie-
res des femmies , ou qui réveillent une idée
de femme. On dit au contraire , une i-oix
féminine , parce que voix eft du ganvc fé-
minin : ain/i il faut bien diftinguer la form.e
grammaticale , & le fens ou lignification ;
en forte qu'un m.ot peut avoir une forme
grammaticale mafculine , félon l'ufage de
l'élocution , & rév eiller en même temps un
kns féminin.
En poéile on dit , rime féminine y vers
fémi lins , quoique ces rimes & ces vers ne
réveillent par eux-mêmes raicune idée de
femme. 11 a plu aux maîtres de l'art , d'ap-
peler ainfi , par extenfion ou imitation ,
•les vers qui finiftent par un e muet ; ce qui
a donné lieu à cette dénomination , c'eft
que la terminaifon /y77z/7!//2if de nos adjec-
tifs finit toujours par un e muet , bon ,
bonrne ,* un , u-ne ; faint , fain-te ; pur ,
p:i-re ; horloger , horloge- re , &c.
II y a différentes obfervations à faire fur
F E M P49
la rime féminine ; on les trouvera dans les
divers traités que nous avons de la poéfie
françoife. Nous en parlerons au mot
Rime.
Le peuple de Paris fait du gsnre fémi-
nin certains mots que les perfonnes qui
parlent bien font , fans conteftation , maf-
culins ; le peui.le dit : une belle évantaille y
au lieu d'un bel éi-antail; & de même une
belle hôtel , au lieu d'u/i bclhctiL Je crois
que le /qui finit le mot bel &C qui fe joint à
la voyelle qui commence le mot , a donné
lieu à cette méprife. 11 dit enfin , /.z
première âge , la belle âge ,• cependant âge
eft mafculin, l'âge viril, fâge mûr , un
âge avancé. Voje^^G'E'NRE. (F)
FEMME , f. f {Anti opologit .) f-emina ,
yv>i , ifcha en hébreu ; c'eft la femelle de
l'homme. Voy ev^^ioyinz , FEMELLE , &
Sexe.
Je ne parlerai point des difî.'rences du
fquelette de l'homme & de la femme : on
peut confulter là-deftiis M. Daubenton ,
defaiption du cabinet du F.oi , tome III y
hifloire natur. pag. ajj Ù ^o ; Monro , ap'
pendix de fon OJleologie ,■ & Ruyfch qui
a obfervé quelque chofe de particulier fur
la comparaifon des côtes dans les deux
kxcs. Vcyei SQUELETTE.
Je ne ferai point une dcfcription des
organes de la génération ; ce lujet appar-
tient plus diredem.ent à d'autres articles.
Mais il femble qu'il faut rapporter ici un
fyftème ingénieux fur la différence de ces
organes dans 1 homme & dans la femme.
M. Daubenton, tom. III, hifi. nat.pag,
2co,après avoir remarqué la plus grande ana-
logie entre les deux fexes pour la fecrétion
& î'émiffion delà femence, croit que toute
la différence que l'on peut trouver dans la
grandeur & la pofition de certaines par-
ties , dépend de la matrice qui eft de plus
dans làs femmes que dans les hommes , &
que ce vif:ere rendroit les organes de la
génération dans les hommes abfolumenc
femblabks à ceux des femmes , s'il en faifoic
partie. (*)
(*) Les deux fexes ne fe trouvenrpas dans toua
les animaux : la nature paroîc avoir re'fervécette
di(lind:ion pour !e<> animaux confidérables, ca-
pables d'un inouvement local, & d'une efpece de
55» F E M
M. Daubenton appuie ce fyflérae fur la
defcription de quelques fœtus peu avan-
cés , que Ruyfch a feit connoître , ou qui
font au cabinet du roi. Ces fœtus quoique
fociété , dont le principal lien eft dans cette dif-
férence même & dans l'amitié à lacjuelie elle
donne lieu.
Les animaux extrêmement fimplesn'ontaucune
apparence de fexe: telle eft la claîfenombreufe
des polypes, foit qu'ils foient nuds , foit qu'ils
fortent d'un tuyau, ou qu'ils forment enfin une
moè'lieaniméc dans une efpece de plante rameufe.
Des animaux plus compolés commeiicentàpor-
ter le caractère d'un fexe, ils font généralement
femelles: ce nom appartient aux animaux , du
corps defquelb fe produit un autoubienunirdi-
vidude la même efpece, mais qui femblableà fa
mère n'tn eft pas, comme dans laclade des poly-
pes , une branche détachée. Une partie des ani-
maux qui habitent les coquillages font de cette
clafTe. Les pucerons paroill'ent l'être, du moins
dans quelques efpeces d'entr'eux, tous les indi-
vidus donnent-ils nailfance à des animaux for-
més dans leur intérieur. L'ceuf a de plus que
l'animal , des enveloppes tk une humeur qui
environne le fœtus.
D'autres coquillages ont en quelque manière
lesdcux fexes réunis dans le même animal. On
y trouve des œufs, dont fortiront avec le temps
de nouveaux individus de la même efpece, &:des
organes entié. ement différents On appelle ces
organes mâles , parce qu'ils préparent non un
nouvel animal , mais une liqueur nécell'aire pour
faire réulFir les œufs, & fans l'aide de laquelle
ces œufs ne reproduiroient pasl'elpcce.
Un pas de plus rapproche de nous quelques
autres coquillagesquirtunilfent àlavérité Icsor-
"anes des deux fexes, mais qui ne fe futîifent pas
a eux-mêmes; ils ont befoin d'un autre indi-
vidu de leur efpece , dont ils fécondent les œufs
par leur partie mâle , & par lefquels ils font fé-
condés eux-mêmes dans leurs organes femelles.
Les efcargots font de ce genre.
Des dallés d'animaux plus compofés , plus
vifs , plus fociabics , font divifées en deux elpe-
ces d'individus, dont les uns n'ont que les orga-
nes requis pour féparer & pour répandre une I;
qucur fécondante ; ce font les mâles ; & dont
d'autres individus contiennent lesorganes, dans
lefquels fe forment ou des œufs ou de nouveaux
individus feniblables 'a leur mère; ce font les
femelles. Les quadrup-^^des, les oifeaux,les puii-
fons , les ferpens , une bonne partie des inlec-
tes , quelques coquillages même font de cette
grande clallé. L'homme , véritable animal par
fon corps , eft de la même claife.
Dans rhonjme ik dans une grande partie des
F E M
du fexe féminin , paroi fTent mâles au pre-
mier coup d'œil , & Ruyfch en a fait^ une
règle générale pour les fœtus femelles de
quatre mois environ , dans un padage qu'on
quadrupèdes, dans quelques oifeaux même, les
deux fexes femblables en général, différent en
plufieurs caractères, fjns parler des organes par-
ticuliers, par lefquels ils lont ou mâles ou fe-
melles.
Généralement parlant , le mâle eft plus grand
& plus vigoureux : fa fibre ell plus forte , fou
tillu cellulaire plus ferré, fes mufcles plus gros,
fes os plus raboteux, plus anguleux &: plus foli-
des ; Ion aorte même a plus de fermeté. Le mâle
eft plus velu dans l'efpecehumainejdansplulieurs
quadrupèdes il a une crinière &: des cornes, dont
li-s femelles font deftituées, fes dents font plus
gr,jfres,&descrôtesoudcsornemensparticuliers,
défignent fon fexe dans la clafle des volatiles.
La différence de la femelle au mâle doit être
affez générale, du moins pour les quadrupèdes,
elle convient plus elfentiellement encore à la
/emraf.Deftinéequ'elleelt à degrandes variations
dans le volume de fon bas-ventre , dans celui de
l'utérus , de la peau & du fein , elle devoit avoir
les fibres & le tilFu cellulaire plus fouples. Del-
tinée à la vie fédentaire , difpenfée des travaux
les plus rudes , du moins chez toutes les nations
policées , elle n'avoit pas befoin d'autant de
force que l'homme , créé pour cultiver la terre.
Outre cette différence générale, la femme
diffère de l'homme par les proportions. L'hom-
me , dont le bras doit fillonner la terre , a la
poitrine plus large , les épaules plus éloignées,
& la mefure d'une épaule à l'autre plus grande,
en comparaifon de la ligne que l'on tire d'une
hanche à l'autre , fa clavicule elt plus courte ,
par l'eftét de i'attraétion fupérieure du mufde
pe(5toral & du deltoïde.
Le bafTin n'ett fait chez les hommes que pour
placer la vefPie & le dernier inteftin:dans la/èm-
me, la nature y ajoute l'utérus : lebalfin eft donc
plus ample dans la ^mmf, les os des illes plus
évafés èc moins épais , le facrum & le coccyx
moins courbés en devant , la diftancc des deux
ifchions&des deux fémurs plus grande, & fupé-
rieure à celle qui a lieu dans les hommes. Les
Itatuaires de l'antiquité n'ont pas négligé ce ca-
raiiterediftindif: on le trouve bien exprimé dans
l'Hercule Farnefe & dans la Vénus de Médicis.
Une autre différence encore diftingue les deux
fexes. Le genre humain doitrenaître parla^îinmf ,■
c'eftdefon corpsque fort le nouvel êtredeftinéà
remplacer fes parents. Pour en faciliter la lortie,
toujours diiticile , les os pubis font unis par un
cartilage plus large Ik plus lâche: la ligne de leur
réunion eft plus courte , & les deux branchçi
F E M
peut ajouter à ceux que M. Daubenton
a cités , thef. jv. n'^. 4Z. fœtus humanus
quatuor pnvter pwpter menjjum , quam-
l'is prima jronte vif us mafiuUni ruîeatur
fexus , tamen fcqmoris efl , id quod in
omnibus fcetibus hamanis , ftxus fccminini
eâ œtate reperitur.
M. Daubenton s'eft rencontré jufqu'à un
certain point avec Galien , qui dans le fé-
cond livre TEf < ir-sn'ffMTOs , chap. v , ne met
d'autre différence entre les parties génita-
les de l'homme & de la femme , que celle
de la fituation ou du développement. Pour
prouver que ces parties , d'abord ébauchées
dans le fac du péritoine , y refîent renfer-
mées , ou en fortent fuivant les forces ou
rimpei'fedion de l'animal ; il a aufïi re-
cours aux diflcâions de femelles pleines ,
& aux fœtus nés avant terme. On trouve la
même hypothefe dans le traité de Galien ,
de ufu partium , l. XIJ^ , c. rj , & Avi-
cenne l'a entièrement adoptée dans le troi-
fîeme livre de fon canon , fen.zt tract. I ,
cap. ;.
Mais Galien ne croit pas que les hom-
mes manquent de matrice ; il croit qu'en
le renverfant , elle forme le fcrotum , &
renferme les tefticules , qui font extérieurs
à la matrice. Il fait naître la verge d un
prolapfus du vagin , au lieu de la chercher
dans le clitoris.
Piccolhomini & Paré avoient embraffé
l'opinion de Galien ; Dulaurent , Kyper ,
& plufieurs autres anatomiftcs , n'y ont
trouvé qu'un faux air de vraifemblance.
Cette queftion paroît intimement liée avec
celle des hermaphrodites, d'autantplusque
nous n'avons que des exemples fabuleux &
poétiques d'hommes devenus femmes ,■ au
lieu qu'on trouve plufieurs femmes chan-
gées en hommes y dont les métamorphofes
font atteftées férieufement. Cette remarque
fînguliere , avec les preuves dont elle eft
fufceptible , fe trouve dans Frommann , de
ofTeufes qui vont s'unir font avec cette union un
angle beaucoup plus obtus. C'eft par cet angle
que le foetus doit fortir : & le cartilage de l'union
<ies os pubis fe lâche &: prête un peu dans l'ac-
couchement , du moins lorfqu'il t ft difficile.
Ce n'eft donc qu'un badinagede Galien, qu'on
a renouvelé de nos jours, loriqu'on a voulu taire
cnvilager l'homme comme une femme, dont l'u-
>:?!
F E M
fafcinatione niagicd , pag. 8€6. Voye\
Hermaphrodite.
Hippocrate , aphor. 43 , //'/.'. VJT , dit
politivement qu une jcmme ne devient
point ambidextre. Galien le confirme. , &
ajoute que c'eft à caufe de la foibleffe qui
lui ell naturelle ; cependant on voit des
dames de charité qui faigncnt fort bien
avec l'une & l'autre main. Je fais que cet
aphorifme a été expliqué par Sextus Empiri-
cus , p. m. ^80 , des fœtus femelles qui ne
font jamais conçus dans le cûté droit de
la matrice. J. Albers Fabricius a fort bien
remarqué que cette interprétation à été
indiquée par Galien dans fon commentaire ,*
mais il devoir ajouter que Galien la désap-
prouve au même endroit.
Les Anatomiftes ne font pas les feuls
qui aient regardé en quelque manière la
femme comme un homme manqué ; des
philofophes platoniciens ont eu une idée
fcmblable. Marlile Ficin dans fon commen-
taire fur le fécond livre de la troifieme en-
neade de Plotin (qui eft le premier =»"'^'
vfncioii) , ch. xj, afliire que la nature gé-
nératiye dans chaque animal , s'efforce de
produu-e un mâle , comme étant ce qu'il
y a de plus parfait dans fon genre ; mais
que la nature univerfelle veut quelquefois
une femelle , afin que la propagation , due
au concours des deux fexes , perfedionne
l'univers. Voye^ tom. II, des œuvres de
Marfile Ficin , pag. i6g^.
Les divers préjugés fur le rapport d'ex-
cellence de ïhomme d h femme , ont été.
produits par les coutumes des anciens peu-
ples , les fyftémes de politique & les reli-
gions qu'ils ont modifiés à leur tour. J'en
excepte la relig'on chrétienne, qui a éta-
bli j, comme je le dirai plus bas , unefupé-
riorité réelle dans l'homme , en conler-
vant néanmoins à la femme les droits de
l'égalité.
On a fi fort négligé l'éducation des
térus feroit forti du corps par la fupériorité de
fes forces. Ce n'eft pas à l'utérus que répond
l'organe du mâle; il a ion organe analogue dans
le clitoris. L'utérus & le vagin n'ont rien d'ana-
logue dans l'homme , comme .les véficules
féminales & la proftate n'ont rien d'analogue
dans la femme, (Ji, D, G.)
5^2 F E M
femmes chez tous les peuples policés ,
qu'il eft furprenant qu'on c!i compte un
aufTi grand nombre d iiluftres par leur
érudition & leurs ouvrages. M. Chrétien
Wolf a donné un catalogue de femmes
célèbres , à la fuite des fragmens des iiluf-
tres grecs , qui ont écrit en profe. Il a
publié féparément les fragmens de Sapho,
& les éloges qu'elle a reçus. Les Romains ,
les Juifs & tous les peuples de FEtUope ,
qui conroifîent les lettres , ont eu des
femmes favantes.
A. Marie de Schurman a prcpofé ce
problème : l'étude des lettres convient-
olle à une femme chrétienne ? Elle fon-
dent 1 aHu-mative ; elle veut nicme que
îes dames chrét'ennes n'en exceptent au-
cune , & qu'elles embrafient la fcience
iiniverfuUe. Son deuxième argument eft
fondé fur ce que l'étude des lettres éclaire ,
& donne une fa geffe qu'on n'acheté pomt
par les fecours dangereux de l'expénence.
Mais on pourroit douter fi cette prudence
précoce ne coûte point un peu d'innocence.
Ce qu'on peut dire de plus avantageux ,
pour porter à l'étude des Sciences & des
Lettres , c'eft qu'il paroit certain que
cette étude caufe des diftraftions qui affoi-
blifTent les penchans vicieux.
Un proverbe hébreu borne prefque tou-
te 1 habileté des femmes à leur quenouille ,
& Sophocle a dit que le filence étoit leur
plus grand ornement. Par un excès oppofé ,
Flaton veut qu'elles aient les mêmes occu-
pations que les hommes. Voj. le cinquième
dialogue ^o tTuât.
Ce grand philofophe veut au même en-
droit quehs Jemmes & les enfans foient en
commun dans fa république. Ce règlement
paroîc abonde; auiTi a-t-il donné lieu aux
déclamations de Jean de Serres , qui font
fort vives.
Lafeivitudedomefliquedes/<'/7z/72f.î , &:
la polygamie , ont fait méprifer le beau fe>e
en Orient , & f y ont enfin rendu mépril.:-
ble. La répudiation & le divorce ont été
interdits au fexe qui en avoir le plus de bc-
foin & qui en pouvoit le moins abufer. La
loi des Bourguignons condamnoit à erre
étouffée dans la fange , une femme qui au-
roit renvoyé fon légitime époux. On peut
voir fur tous ces fujets rcxcellcnt ouvrage
F E M
ieVEfpruJesloix, lit'. XVI. Tous les po^
tes grecs depuis Orphée, jufqu'à S. Grégoire
de Nazianze , ont dit beaucoup de mal des
femmes. Euripide s'eft acharné à les inful-
ter , & il ne nous refte prefque de Simorude,
qu'une violente inveûive contr'elles. L'on
trouvera un grand nombre de citations de
poètes grecs , injurieufes au\femmes , dans
le commemaire àe Saw.uel C,larke,fur les
vers 426 & 4^ s ,là:XI de r OJyJJe'e. Clarke
a pris ce recueil de la Giiomoli^iiia Homerica.
de Duport , /-Mj. aoS , qu'il n"a point cité.
Le galant Anacréon , en même temps qu'il
attribue aux femmes une beauté qui triom-
phe du fer & de la flamme , dit que la
nature leur a refufé la prudence , çfÔMiux .
qui efi le partage des hommes.
Les poètes latins ne font pas plus favora-
bles au fexe ; & fans parler de la fa.meufe
fj-tyre de Ju vénal, fans compiler des pafTa-
ges d'Ovide , & de pîufieurs autres , je
me contenterai de citer cette fentence de
Publius Syrus : mulier quce fola. cogitât ,
maie cogitât , qu'un de nos poètes a ainlî
rendue : femme qui penfe , à coup fi'ir
penfe mal. Platon dans fon dialogue , Ns^»»,
tom.II ,pag.Qog. E , attribue principale-
ment aux femmes l'origine de la fuperlii-
tion , des vceux , & des facritices. Sti^abon
eit dumémefentiment, //{'. VU-, de fj. géo-
graphie ,• les Juifs qui ne croient pas leurs
cérémonies fuperffitieufes , acculent les
femmes de magie , & difent que plus il y a
àe femmes , plus il y a de Ibrciercs.
Peut-être n'a-t-on attribué auxfemmes ,
des arts d'une vertu occulte , tels que^ la
fuperftition & la magie , que parce qu'on
leur a reconnu plus de reflources dans l'es-
prit qu'on ne vouloir leur en accorder j
c'cit ce qui a fait dire à Tite-Live , que
la femme e(l un anirral impuiflant & in-
domptable. Le principe de la foiblefîe &
de l'infériorité des femmes , leur fcroic
avantageux , fi tout le monde en concluoit
avec Arifîote , que cel\ un plus grand
crime de tuer une femme qu'un homme.
Voye\ les pivblem.es d'Ariflote , /tt7.
i.9, 11.
C'cfl une chofe remarquable, qu on a
cru être fouillé par le commerce légitime
des femmes , & qu'on s'en efl abfïenu la
veille d<is facriHccs chez les Babyloràcns ,
F E M P E M çyi
les Arabes , les Egiptions , les Grecs, & I cîe leur cœur ; mais lorlqn'il n'a pas voulu
les Romains. Les Hébreux penfcnt qu'on que l'homme pût défunir ce que Dieu
perd l'elpritde prophétie par un commer
co même légitime ; ce qui me rappelle la
maxime orgueilleufe d'une an-ien philofo-
phe , qui difoit qu'il ne falloit habiter avec
les femmes , que quand on vouloic deve-
nir pire.
Les rabbins ne croient pas que \?. fem-
me fût créée à l'image de Dieu ; ils alfu-
rent qu'elle fût moins parfaite quel'homme,
parce que Dieu ne l'avoit formée que pour
lui être un aide. Un théologien chrétien
( Lamb îrt Danaeus in antiquitddbus , pag
41. ) a enfeigné que l'image de Dieu écoic
beaucoup plus vive dans l'homme que dan?
\s.femme. On rrouveun pafîîige curieux
dans l'hiftoire des Juifs de M. Bafnnge ,
t'ol. VII. pag. ^01 & 50a. " Dieu ne
» voulut point former la yi'/TZOTf de la tète ,
?) ni des yeux ni Êv. ( de peur qu'elle
7i n'eût les vices attachés à ces parties ) ;
») mais on a beau choifir une partie hon-
« néce & dure de l'hom.me , d'oià il fem-
» l,Ie qu'il ne pouvoir fortir aucun défaut
« (une côte) , !ayf/;7/72e n'a pas laifTéde
» les avoir tous. » C'eft la defcription que
les auteurs Juifs nous en donnent. On la
trouvera peut-être fî jufte . ajoute M. Baf-
nage , qu'on ne voudra point la mettre au
rang de kurs vifions , on s'imaginera qu'ils
ontvouki rcnfermerune vérité connue fous
des ttrmes figurés.
D'autris rabbins ont traduit parcw'Ie
mot hébreux y^e/jc/z , qu'on explique vul-
gairement côte : ils r:îcontent que le pre-
mier homme étoit double &r androgyne ,
& qu'on n'eut beloin que d'un coup de
avoir joint, fes difciples fc font récriés,
& ont trouvé que le mariage dcvenoit
onéreux. Th. Crenius dans fes animad-
l'er/io/ies philologicûe , & hyjloricc-e , pan.
XV. pag. Gi. X. remarque que perfonne
n'a plus maltraité les /f.7?wf.f , &: n'a plus
recommandé de s'en garder , qutSalomon,
qui néamoins s'y eft abandonné ; au lieu
que Jcfus-Chiift a été plus doux à leur
égard , & en a converti un grand nombre;
c'elî pourquoi , dit-il , il en eft qui pen-
fent que JefuiChrift a eu de la prédileàion
pour ce fexe. En effet , il a eu une mère
fur la terre , & n'a point eu de père ;
la première perfonne à qui il s'eft mon-
tré après fa réfurreûion , a écé Marie-
Magdeleine, Ùc.
Lesperfonnesqui renoncent au maria-
ge , fontcenfées approcherdavantagedela
perfeéiion, depuis réiiablifTement de la re-
ligion chrétienne ; les Juifs au contraire ,
regardent le célibat comme un état de
malédidion. Voye\ Pirke Aboth , chap. j.
n°. ^
s. Pierre dans fa première e'pitre , chapl
iij. î'f// 7. ordonne aux maris de traiter
leurs femmes avec honneur , parce qu'elles
font des vafes plus fragiles. Les Juifs difenc
que \i femme eft un vafe imparfait ; que
l'époux , achevé l'hébrtu , a encore plus
de force ; car il peut fignifier que \2l fem-
me , fans le fecours du mari , n'cft qu'un
embryon. Voyei Gcmare fur le titre fan-
hendrin du talmiid. chap ij. fegm. 25.
Petrus Calana , dans un livre rare , in-
titulé , philofophia feniorum fjcerdotia
hache pour féparer les deux corps. On hi]& platonica , pag. zy^jofe dire que Dieu
la même fable dans Platon , de qui les rab
bins l'ont empruntée , s'il faut en croire
M. leCkrc dans fon commentaire fur le
pcntateuque.
Heidegger a obfervé exercitat. 4. de
hiftoria patriarcharum , n° . 30. que Moyfe
cft mâle & femelle en même tem.ps. Go-
dofredus Arno'dus , dans fon livre de fo-
phiâ y a foutenu cetre opinion monf-
trueufe , dérivée du platonifrne ; qui a
aufti donné le jour aux éons , ou divi-
nités hermaphrodites des ^'^alentiniens.
ne parle point de i'ame d'Eve , &: qu'on N. de Beaufobrc hijhire du Minichéif-
doute quelle en eft la raifon. Il eft certain me , tom. II. pag. ^84 , veut que ces éons
que les_/è/7z/77e^étcient à plaindre dans lajfuftént allégoriques ; & il fe fonde fur ce
Joi juive , comme M. le Clerc l'aremar-' que Synefius , évéque chrétien , attribue
que, lib. cit.'^og. col. 2.. Jefus-Chrift lui-l à Dieu les deux fexes quoiqu'il n'igno-
STiême nous a appris que la répudiation fut rât pas que Dieu n'a point d'organes
perm.ife aux Hébreux , à caufe de la dureté' corporels , bieo- loin d'avoir ceux de U
Tome XIIL E e e e e e
954 F E M
génération. Maïs on lit feulement (îans
Synefius , pag. 140 , édition du P. Petau ,
que le corps de la Divinité n'eft point
formé de la lie de la matière ; ce qui n'eft
pas dire que Dieu n'ait aucun organe cor-
porel. D'ailleurs on peut prouver aifément,
& Nicephore Grégoras , dans fon commen-
taire fur Synefius , nous avertie en plu-
fieurs endroits , que Syneftus étoit imita-
teur & feftateur de Platon.
Les Msnichéens penfoient que lorfque
Dieu créa l'homme, il ne le forma ni mâle
ni femelle , mais que la diflinâion des fexes
eft l'ouvrage du diable.
On dit aifez communément que Maho-
met a exclu les femmes du paradis ; le
rerfet 50. de la fiira _jj?. de fon alcoran
infinue le contraire. C'ell pourtant une
tradition fur laquelle deux auteurs muful-
mansont écrit , comme on peut voir dans
la bibliothèque orientale de M. d'Hcr-
belot.
Mahomet condamne à quatre - vingts
coups de fouet ceux qui accuferont les
femmes , fans pouvoir produire quatre té-
moins contr'elles ; & il charge les ca-
lomniateurs de maîédidions en ce monde
& en l'autre. Le tiiari peut , fans avoir
des témoins , accufer fa femme , pourvu
qu'il jure quatre fois qu'il dit vrai , &
qu'il joigne l'imprécation au ferment à
la cinquième fois. La femme peut fe dif-
culper de la même manière. Sara 2.4.
l'erf. 4. & 6. Mahomet recommande la
chafteté aux femmes en des termes très-
peu chalks ( ib. verf. ^z. ) ; mais il n'eft
pas bien clair qu'il promette la miiéri-
corde divine aux femmes qui font for-
cées de fe proftituer, comme l'a prétendu
le favant Louis Maracci dans fa réfuta-
tion de Valcoran.
Le prophète arabe dans \e/ura^. veut
qu'un mâle ait une part d'héritage dou-
ble de ce'ile de la femelle. Il décide for-
mellement {verf. 23- ) la lupériorité des
hommes , auxquels il veut que \cs femmes
obiiflent. Si elles font indociles , il con-
feille aux maris de les faire coucher .i part ,
& même de les battre. lia établi de gran-
de s peines contre les femmes coupab'es
de fornication ou d'adultère ; mais quoi-
r^'jo Maracci l'accufc de ne pas punir les
F E M
hommes coupables de ces crimes , îî efl
certain qu'il les condamne à cent coups
de fouet , comme Selden l'a remarqué ,
uxor ebraica , pag. J52. On verra auiïï
avec plaifir dans ce livre de Selden
( pag. 467 ^ fuiv. ) , l'origine des Huilas
parmi les Mahométans.
Tout le monde a entendu parler d'une
differtation anonyme , où l'on prétend
que les femmes ne font point partie du
genre humain , mulieres homines non sffe.
Dans cet ouvrage , Acidalius explique tous
les textes qui parlent du falut àcs femmes ,
de leur bien - être temporel. Il s'appuie
fur cinquante témoignages tirés de l'Ecri-
ture ; finit par demander amfemm.es leur
ancienne bienveillance pour lui ; qiiodji
noluerint , dit-il , pereant beftix infcccula.
fœculoriim. Il en veut à la manière d'ex-
pliquer l'Ecriture des Anabaptiftes & des
autres hérétiques ; mais fon badinage eft
indécent.
Simon Gediccus , après l'avoir réfuté
aufll maulTadement qu'il foit poftîb'e c'e le
faire , après l'avoir chargé d'i.njures théo-
logiques , lui reproche eniin qu'il eft un
être bâtard , formé de l'accouplement
monftrueux de fatan avec l'efpece hu-
maine , & lui fouhaite la perdition éter.
nelle. { s) , , .
Femme , ( Droit nat. ) en latm uxor ,
femelle de l'homme , confiiérée en tant
qu'elle lui eft unie par les liens du maria-
ge. Voye\ donc MARIAGE & MarI.
L'Etre fupréme ayant jugé qu'il n'étoic
pas bon que l'homme tût feu! , lui a inf-
piréledefir de le joindre en fociété très-
étroite avec une compagne , & cette fo-
ciété fe forme par un accord volontaire
entre les parties. Comme cette fociété a
pour but principal la procréation &: h
confervationdes enfans qui naîtront , elle
exige que le père &: la mère confacrent
tous leurs i'oins à nourrir & à bien élever
ces gages de leur amour , jufqu'à ce qu'ils
foient en état de s'entretenir & de fe con-
duire eux-mêmes.
Mais quoique; le mari & lay>/7?/77f aient
au fond les mêmes intérêts dans leur foci-
été , il eft pourtant eflbntiel que l'auto-
rité du gouvernement appartienne à l'ua
ou à l'autre: or le droit poficif des nation».
F E M
policées, lesloix& les coutumes de l'Euro-
pe donnentcctte autorité unanimement &
déHnitivemen'iau mâle , comme à celui qui
étant doué d'une plus grande forced'efprit
& de corps , contribue davantage au bien
commun , en matière de choies humai-
nes & facrées ; en forte que la jcmwe
doit néceflàirement être fubordonnéeàfon
mari & obéir à l'es ordres dans toutes les
affaires domeftiques. C'efl là le fentiment
des jurifconfultes anciens & modernes , &
la décifion formelle des légillateurs.
AulTi le code Frédéric qui a paru en
1750, & qui Icmble avoir tenté d'intro-
duire un droit certain & univerfel , dé-
clare que le mari cft par la nature même le
maître de la maifon , le chef de la famille ;
& que dès que la femme y entre de fon
bon gré , elle eft en quelque forte fous
la puiflar.ce du mari , d'où découlent di-
verfes prérogatives qui les regardent per-
l'onnellement. Enfin l'Ecriture fainte pref-
crit à \zfemme de lui être foumife comme
à fon maître.
Cependant les raifons qu'on vient d'al-
léguer pour le pouvoir marital , ne font
pas fans réplique , humainement parlant ;
& le caraflere de cet ouvrage nous permet
de le dire hardiment.
Il paroît d'abord 1". qu'il feroit diffi-
cile de démontrer que l'autorité du mari
vienne de la nature ; parce que ce prin-
cipe efl contraire à l'égalité naturelle des
hommes ; & de cela feu! que l'on eiî pro-
pre à commander , il ne s'enfuit pas qu'on
en ait aâuellement le droit : 2". l'homme
n'a pas toujours plus de force de corps ,
de fagefle , d'efprit , & de conduite , que
Xz femme : 5". le précepte de l'Ecriture
étant établi en forme , de peine , indique
allez qu'il n'eft que de droit pofitif On
peut donc foutenir qu'il n'y a point d'au-
tre fubordination dans la fociété conju-
gale , que celle de la loi civile , & par
conféquent rien n'empêche que des con-
ventions particulières ne puilTent chan-
ger la loi civile , dès que la loi natu- 1
relié & la religion ne déterminent rien au
contraire. 1
Nous ne nions pas que dans une fo-^
ciété compofée de deux perfonnes , il ne'
faille néceflairemt'nt que la loi délibéracive -
F E M pj'^
de l'une ou do l'autre l'emporte ; & pnif.
que ordinairement les hommes font p'us
capables que les femmes de bien gouvet-
ner les aftaires particulières , il cft très-
judicieux d'établir pour règle générale ,
que la voix de l'homme l'emportera tant
que les parties n'auront point fait enfemijla
d'accord contraire, parce que la loi générale
découle de l'inllitution humaine, & non
pas du droit naturel. De cette manière ,
une femme qui fait quel eft le précepte
de la loi civile , & qui a contradé fon
mariage purement & fimplement , s'eft
par - là foumife tacitement à cette loi
civile.
Mais fi quelque/(?/7z/;2e , perfuadée qu'elle
a plus de jugement & de conduite, ou fa-
chant qu'elle eft d'une fortune ou d'une
condition plus relevée que cellede l'hom-
me qui fe préfente pour fon épou.x , ftipule
le contraire de ce que porte la loi , &
cela du contentement de cet époux , na
doit-elle pas avoir , en vertu de la loi
naturelle , le même pouvoir qu'a le mari
en vertu de la loi du prince ? Le cas
d'une reine , qui , étant fouveraine do
f^n chef , c'poufe un prince au delTous
de fon rang , ou , lî l'on veut , un de ^qs
fujets , fuffit pour montrer que lautorité
d'une femme fur fon mari , en ma-
tière même de chofes qui concernent le
gouvernement de la famille , n'a rien
d'incompatible avec la nature de la fo-
ciété conjugale.
En effet on a vu chez les nat'ons les
plus civilifées , des mariages qui foumet-
tent le mari à l'empire de hi femme ; on a
vu une princelle, héritière d'un royaume,
conferver elle feule , en fe mariant , la
puifTance fouveraine dans l'état. Perfonne
n'ignore les convi:ntions de mariage qui le
firent entre Philippe II & Marie , reine
d'Angleterre ; celles de Marie , reine d'E-
cofle , & celles de Ferdinand & d'Ifabelle ,
pour gouverner en comm.un le royaume de
Caftille. Le leûeur en peut lire les détails
dans M. de Thou , Uv. XIII. ann, zg^-^ ,
î5'y4. Uv. XX. an. 255g Mariana , /;/_/?.
d' Ef pagne , Ur. XXIV. ch. î'. Guicciar-
din , liv. J^I.pag. 346. Et pour citer quel-
que chofe de plus fort , nous le renvo)ûns
à la curitufe diflertation de Palthénius , de
E e e e e e 2.
P5<5 F E M
Marito Reginx /ïvn'^nméQ à Grîpfwald en
1707, in 4«.
L'exemple de l'Angleterre & delà Mof-
coviefait bien voir que les femmes peu-
vent reufiir (également , & dans le gouver-
nement modéré , & dans le gouvernement
defpotique ; & s'il n'c-ftpas cuncre la rai-
fon & contre la nature qu'elles régiiTent
un empire , il femble qu'il n'eft pas plus
contradidoire qu'elles foicnt maitrel'ies
dans une famille.
Lorfque le mariage des Lacédémoniens
croit prêt à feconlommer, \2l femme çvq-
noit l'habit d'un homme & c'étoit-là le
fymbole du pouvoir égal qu'elle alloic par-
tager avec fon mari. On l'ait à ce iujet
ce que dit Gorgone , femme de Léonidas ,
roi de Sparte , à une femme étrangère
qui e'toic fort furprife de cette égalité :
Ignore^ - vous , répondit la reine , que
nous menons les hommes au monde ? Au-
trefois même en Egypte, les contrats de
mariage entre particuliers , aufli-bien que
ceux du roi &c de la reine , donnoient à la
femme l'autorité fur le mari. Diodore de
Sicile , lit'. I. ch. xxi'ij.
Rien n'empêche au moins ( car il ne s'a-
gît pas ici de fe prévaloir d'exemples uni-
ques& qui prouvent trop) ; rien n'empê-
che, dis- je, que l'autorité <l\me femme
dans le m?.riage ne puilfe avoir lieu en ver-
tu des conventions , entre des pcrfonnes
d'une condition cgsie à moins que le lé-
gillateur ne défende toute exception à
la loi , malgré le libre confentement des
parties.
Le mariage efl: de fa nature un contrat ;
& par conféquent dans tout ce qui n'elt
point défendu par la loi naturelle , les en-
gagemens contraâés entre le mari & la
femme en déterminent les droits récipro-
ques.
Enfin , pourquoi l'ancienne maxime ,
provifio hominis tolUt proi'ijionem legis ,
ne pourroit-elle pas être reçue dans cette
occafion , aind qu'on l'autorife dans les
douaires , dans le partage de biens , & en
plufieurs autres chofes , où la loi ne règne
que quand les parties n'ont pas cru devoir
ftipuler diftéremment de ce quelaloipref
crit ? Article de M, le Clufalier VE
F JE- M
Femme ; ( Morale. ) ce nom feul tou-
che l'ame , mais il ne l'élevé pas toujours ;
il ne fait naître que des idées agréables ,
qui deviennent un moment après de fe--
(ations inquiètes , ou de fencimens ten-
dres ; & le philufophe qui croit contem-
pler , n'eft bientôt qu'un htjra.me qui
délire , ou qu'un am.ant qui rêve.
\Jnefeinme le faifcit peindre ; ce qui lui
maaquoit pour être belle, étoitprécifémenc
ce qui la rendoir jolie. Elle vouloit qu'6ii
ajoutât à fa beauté , fans rien ôcerà fes
grâces ; elle vouloit tout- à-la- fois , &que
le peintre fâc infidèle , & que le portrait
fût reffemblant : voilà ce qu'elles feront:
toutes pour l'écrivain quidoit parler d'elles.
Cette moitié du genre humain, compa-
rée phyfiquement à l'autre, lui eft fupé-
rieure en agrémt;ns , intérieure en force.
La rondeur des formes, la finelfe de traits ,
l'éclat du teint, voilà fe attributs diftinc-
tifs.
Les femmes ne différent pas moins des.
hommes par le cœur & par l'elpr.t , que
par la taille & par la figure ; mais Yéc.n-
cation a modifié' leurs difpontions natu-
relles en tant de manières , la diiîimula—
tion qui femble être pour elles un devoir
d'état , a rendu leur ame fi fecrete , les
exceptions font en li grand nombre , fi con-
fondues avec les généralités , que plus on
fait d'obfervations , moins on trouve de
réfultats.
Il en eft de l'ame des femmes comme
de leur beauté ; il femble qu'elles ne fal-
fent appercevoir que pour laillcr imagi-
ner. Il en eft des caraâeres en générai ,
comme des couleurs ; il y en a de primiti-
ves , il y en a de changeantes ; il y a des
nuances à l'infini , pour palier de l'une
à l'autre. Les femmes n'ont guère que
des caraderes mixtes , intermédiaires ou
variables ; foit que l'éducation altère plus
leur naturel que le nôtre ; foit que la
délicatefl'e de leur organiùtion filfe deleur
ame une glace qui reçoit toui les objets , les
rend vivement, tS: n'en conlerve aucun.
Qui peut définir les femmes ? tout à
la vérité parle en elles , mais un langage
équivoque. Celle qi.i paroît la plus indiffé-
rente eft quelquefois la plus fenlible ; la
,plus indifcrête pafte fouvent pour la plus.
F E M
faufie : toujours prévenus , l'amour ou le
dL'pit dicte les jugemens que nous en por-
tons ; refpnc le plus libre, celui qui les a
le mieux étudi^'es, en croyant réfoudre
des problèmes , ns fait qu'en propofer de
nouveaux. I! y a crois chofes , difoit un
b'-l efprit , que j'ai toujours beaucoup ai-
mées laas jamais y rien comprendre , la
peinture , la mufique & \e'i femmes.
S'il eli vrai q'ue de la foibîelle naît la ti-
midité , de la timidité la finefîe , & de la
fineire la faufleté , il faut conclure que la
vérité eft une vertu bien eftimable dans
les femmes.
Si cette même délicatefTe d'organes qui
rend l'imagination des femmes plus vive ,
rend leur ef|:rit moins capable d'atcen:i(/-n ,
on peut dire qu'elles apperçoivent plus
vite , peuvent voir aufïï bien , regardent
moins long-temps.
Que j'admire les femmes vertueufes ,
(î elles font aulïi iermes dans la vertu que
lesfem.mes vicieufes me paroiflènt intré-
pides dans le vice !
La jeur.eife des femmes eft plus courte &
plus Lrillante que celle des hommes ; leur
viei'ltlle eft plus fàcheufe & plus longue.
"Les femmes font vindicatives. La ven-
geance qui eîl l'acle d'une puifiancc mo-
mentanJe , eft une preuve de foib'.cfte.
Les plus foib!es& les plus timides doivent
être cruelles; c'eft la loi générale de la na-
ture , qui dans tous les êtres fenfîbles pro-
portionne le reftcntiment au danger.
Commciit fcroient-elles difcretes ? elles
font curieufes -, & comment* ne feroient-
elles pas curieufes ? on leur fait myftere
de tout : elles ne for.t appelées ni au con-
feil , ni à l'exécution.
Il y a moins d'union entre \es femmes
qu'entre les hommes , parce qu'elles n'ont
qu'un objet.
Difîingués par des inéga'ités , les deux
fexes ont îles avantages prefque égaux. La
nature a mis d'un côté la force & la ma.
jefté , le courage & la raifon i de l'autre ,
les grrxes & la beauté, la finefte 5c le fen-
timent. Ces avantages ne font pas toujours
incompatibles ; ce font quelquefois des
attributs difFérens qui fe fervent de contre-
poids ; ce font quelquefois les mêmes qua-
lités , m.ais dans un degré différent. Ce qui
F E M
î>i7
efl agrément ou vertu dans unfexe, eft
défaut ou difformité dans l'autre. Les diffé-
rences de la nature devroient en mettre
d;ins l'éducation ; c'tftla main du fîatuairj
qui pouvoit donner tant de prix à un mor-
ceau d'argile.
Pour les hommes qui partagent entre
eux les emplois de la vie civile , Tétat au-
quel ils font deftinés décide l'éducation &
la différencie. Pour les femmes , l'éduca-
tion eft d'autant plus mauvaife qu'elle elè
plus générale , & d'aucaut plus nég'igée
qu'elle eft plus utile. On doit être fur-
pris que des âmes fi incultes puiffent pro-
duire tant de vertus , & qu'il n'y germe
pas plus de vices.
DQsJemmes qui ont renoncé au monde
avant que de le connoître , font cluirgécs
de donner des principes à celles qui doi-
vent y vivre. C'eft de laque fouvent une
fi'le elî menée devant un autel , pour s'mi-
pofer , par ferment des devoirs qu'e'le ne
connoît point , & s'unir pour toujours à
un homme qu'elle n'a jamais vu. Plus fou-
vent elle eft rappelée dans fa famille , pour
y recevoir une féconde éducation qui ren-
verfe toutes ks idées de la première, &
qui portant plus fur les manières que fuL*
les mœurs, échange continuellement des
diamans mal taillés ou mal affortis , con-
tre des pierres de compofition.
C'eft alors , c'eft après avoir paffé les
trois quarts du jour devant un miroir &
devant un claveffm , que Chloé entre avec
fa m.ere dans le labyrinthe du monde :
là fon elprit errant s'égare dans mille dé-
tours , dont on ne peut fortir qu'avec
le fil de l'expérience : là toujours droite
& lilencieufe , fans aucune connoiflance
de ce qui eft d'gne d'cftime ou de mé-
pris , elle ne fait que penfer : elle craint
defentir, elle n'ofe ni voir ni entendre ;
ou plutôt obfervant tout avec autant de
curiofité que d^ignorance , voit fou-
vent plus qu'il n'y en a, entend plus qu'on
ne dit , rougit indécemment , fourit à
contre-fens, & tiire d'être égr>.lement re-
prife de ce qu'elle a paru favoir & de ce
qu'elle ignore , attend avec impatience
dans la contrainte & dans l'ennui , qu'un
changement de nom la mené à l'indépen^
dance &: au plaifir..
5);8 F E M
On ne l'entretient que do fa beauté,
qui ci\ un moyen fimple & naturel de
plaire , quand on n'en eft point occupé ;
& de la parure , qui eft un fyftéme de
moyens artificiels pour augmenter l'effet
du premier , ou pour en tenir lieu , &
qui le plus fouvent ne fait ni l'un ni l'au-
tre. L'éloge du caraâere ou de l'efprit
d'une femme eft prefque toujours une
preuve de laideur ; il femble que le fen-
timent& la laifon ne foient que le fup-
plJment de la beauté. Après avoir formé
Chloé pour l'amour , on a foin de lui en
défendre Tufage.
La nature femble avoir conféré aux
hommes le droit de gouverner. Les fem-
mes ont eu recours à l'art pour s'affran-
chir. Les deux fexes ont abufé récipro-
quement de leurs avantages , de la force
éc de la beauté , ces deux moyens de faire
des ma'heureux. Les hommes ont aug-
menté leur puiflance naturelle par les loix
qu'ils ont difîées ; les femmes ont aug-
menté le prix de leur polfeffion par la
difficulté de l'obtenir. Il ne feroit pas diffi-
cile de dire de quel côté eft aujourd'hui
la feivitude. Quoiqu'il en foit, l'autorité
eft le but où tendent les femmes : l'amour
qu'elles donnent les y conduit ; celui
qu'elles prennent les en éloigne ; tâdier
d'en infpirer, s'efforcer de n'en point fen-
tir , ou de cacher du moins celui qu'elles
fentent : voilà toute leur politique & toute
leur morale.
Cet art de plaire , ce defir de plaire à
to\is , j:ette envie de plaire plus qu'une
autre , ce filence du cœur , ce dérèglement
de l'efprit , ce menlonge continuel appelé
coquetterie , femble être dans les femmes
un car.:dere primitif, qui né de leur con-
dition naturellement fubordonn Je , injuf-
tement fervile , érenda , & forciiîé par
l'éducation , ne peut être affoibli que par
im effort ai raifon , & détruit que par une
grande chaleur defentiment: on a même
comparé ce caraftere au feu facré qui ne
s'éteint jamais.
Voyez entrer Chloé fur la fcene du
monde ; celui qni vient de lui donner le
droit d'aller fcale , trop aimable pour
nimer Ïa femme , ou trop difgracié de la
nature , trop défi^jné par le devoir pour
F E M
en être aimé , femble lui donner encore
le droit d'en aimer un autre. Vaine & lé-
gère , moins emprelfée de voir que de fe
montrer , Chloé vole à tous les fpeâacles ,
à toutes les fêtes : à peine y paroit-elle ,
qu'elle eft entourée de ces hommes, qui
cunfians & dédaigneux , fans vertus & fans
talens 5 féduifent les femmes par des tra-
vers , mettent leur gloire à les déshono-
rer, fe font un plaifir de leurdéfefpoir ,
& qui par les indifcrétions , les infidélités
& les ruptures , femblent augmenter
chaque jour le nombre de leurs bonnes
fortunes; efpece d'oifeleurs qui font crier
les oifeaux qu'ils ont pris pour en appeler
d'autres.
Suivez Chloé nu milieu de cette foule
empreffée ; c'eft la coquette venue de
rille de Crète au temple de Gnide;elle
fourit à l'un , parle à l'oreille à l'autre y
foutient fon bras fur un troifieme, faic
figne à deux autres de la fuivre : l'ut*
d'eux lui parle-t il de fon amour ? c'cft
Armide, elle le quitte en ce moment,
elle le rejoint un moment après , & puis
le quitte encore : font-ils jaloux les uns
des autres ? c'eft la Célimene du Mifan-
trope , elle les raffure tour-à-tour par le
mal qu'elle dit à chacun d'eux de fes
rivaux ; ainfi mêlant artificieufement les
dédains & les préférences , elle reprime la
témérité par un regard févere , elle ra-
nime l'efpérance avec un fouris tendre :
c'eft la femme trompeufe d'Archiloque ,
qui tient l'eau d'une main &c le feu de
l'autre.
Mais plus les femmes ont perfedionné
l'art de faire defirer , efpérer , pourfuivre
ce qu'elles ont réfolu de ne point accor-
der ; plus les hommes ont multiplié les
moyens d'en obtenir la poffellion : l'arc
d'infpirer des defirs qu'cm ne veut point
fatisfaire , a tout-au-plus produit l'arc
de feindre des fentimens qu'on n'a p.is.
Chloé ne veut fe cacher qu'après avoir été
vue. Damis fait l'arrêter en feignant de
ne la point voir : l'un & l'autre , après
avoir parcouru tous les détours de l'art ,
fe retrouvent enfin où la nature les avoic
placés.
Il y a dans tous les cœurs un principe
fecret d'union. Il y a un feu qui , cacl)^:
F E M
plus ou moins long-temps, s'allume ^ notre
infu , s'étend d'autant plus qu'on fait plus
defforts pour l'éteindre , & qui enfuite
s'éteint malgré nous. Il y a un germe on
font renfermés la crainte & l'cfpérance ,
la peine & leplaifir , le myltere & l'iudif-
crétion ; qui contient les querelles & le:
raccommodement , les plaintes ^ les ris ,
les larmes douces & ameres ; répandu par-
tout , il eft plus ou moins prompt à
fe développer , félon les fecours qu'on
lui prête , & les obftacles qu'on lui
oppofe.
Comme un foible enfant qu'elle protè-
ge , Chloé prend l'Amour fur fes genoux ,
badine avec fon arc , fe joue avec les
traits, coupe l'extrémité de fes ailes, lui
lie les mains avec de fleurs ; & déjà prife
elle-même dans des liens qu'elle ne voit
pas , fe croit encore en liberté. Tandis
qu'elle l'approche de fon fein , qu'elle l'é-
coute , qu'elle lui fourit , qu'elle s'amufe
également & de ceux qui s'en plaignent &
de celles qui en ont peur, un charme m-
volontaire la fait tout-à-coup le prefTer
dans fes bras ,& déjà l'amour ef* dans fon
cœur : elle n'ofe encore s'avouer qu'elle
aime , elle commence à penfer qu'il efl
douxd'aimer. Tous ces amans qu'elle trai-
nç en triomphe à fa fuite , elle fent plus
d'envie de les écarter qu'elle n'eut de plai-
fir à les attirer. Il en e[\ un fur qui fc^
yeux fe portent fans celfe , dont ils fe dé-
tournent toujours. On diroit quelquefois
qu'elle s apperçoit à peine de fa préfence ,
mais il n'a rien fait qu'elle n'ait vu. S'il
parle , elle ne paroît point l'écouter ; mais
i! n'a rien dit qu'elle n'ait entendu : lui
parle-t-el!e au contraire ? fa voix devient
plus timide , fes expreflions font plus ani-
mées. Va-t-elle au fpedacle , eft-il moins
en vue.'' il eft pourtant le premier qu'elle
y voit , fon nom eft toujours le dernier,
qu'elle prononce. Si le fentiment de fon
cœur eft encore ignoré , ce n'eft plus que
d'elle feule ; il a été dévoilé par tout ce
qu'elle a fait pour le cacher ; il s'eft irrité
partout ce qu'elle a fait pour l'éteindre :
elle eft trifte , mais fa triftefte eft un des
charmes de l'amour. Elle cefle enlÀn d'ê-
tre coquette \ mefure qu'elle devient fen-
,£ible &;ferable n'avoir tendu perpécus;!-
F E M
559
Icment^ des pièges que pour y tomber
elle-même.
J'ai lu que de toutes les paflïons , l'a-
mour eft celle qui fied le mieux aux feni-
mes ; il eft du moins vrai qu'elles portent
ce fentiment, qui eft le plus tendre carac-
tère de l'humanité , à un degré de dé!i-
cat^fle & de vivacité où il y a bic-n peu
d'hommes qui puill'ent atteindre. Leur
ame femble n'avoir été faite que pour
fentir , elles femblent n'avoir été formées
que pour le doux emploi d'aimer. A cette
palTion qui leur eft fi naturelle, on donne
pour ancagonifte une privation qu'on ap-
pelé Vhonneur\ mais on a clit , & il n'cft
que trop vrai , que Thonneur femble n'a-
voir été imaginé quepout être facrifié.
A peine Chloé a - 1 - elle prononcé le
mot fatal à fa liberté , qu'elle fait de fon
amant l'objet de toutes fes vues , le but de
toutes fesaftions, l'arbitre de fa vie. Elle
ne connoifToit que l'amufement & l'ennui ,
elle ign-jroit la peine & le plaifir. Tous
(es jours font pleins , toutes fes heures font
vivantes , plus d'intervalles languifTans ;
le temps , toujours trop lent ou trop rapide
pour elle , coule cependant A fon infu ;
tous ces noms fi vains , fi chers , ce doux
commerce de regards & de fourires , ce
lilence^ plus éloquent que la parole , mille
fouvenirs , mille projets , mille idées ,
mille fentimens , viennent à tous les inf-
rans renouveller fon ame & étendre for»
exiftence ; mais la dernière preuve de fa
funlibilité eft la première époque de l'in-
conftance de fon amant. Les nœuds de
l'amour ne peuvent - ils donc jr.mais fe
relTerrerd'un côté qu-'ils ne fe relâchent
de l'autre .''
S'il eft parmi les hommes quelques âmes
privilégiées en qui l'amour , loin d'être af-
foibli par les plaifirs , femble emprunter
d'eux de nouvelles forces , pour la plupart
c'eft une faufle jouiirance , qui , précédée
d'un defir incertain , eft immédiatement
ûiivie d'un dégoût marqué , qu'accompagne
encore trop fouvent la haine ou le mé-
pris. On die qu'il croît fur le rivage d'une
mer , des fruits d'une beauté rare , qui ,,
dès qu'on y touche , tombent en pouffie--
re -, c'eft l'image de cet amour éphémère ,.
vaine faillie de l'imagination , fragile ou»'
.o<?o
F E M
vrage des fens , foible tribut qu'on paie
à la beauté. Quand la fource des plaifirs
eft dans le cœur , elle ne tarit point ,
l'amour fondé fur l'eftime eft inaltérable ,
il cfl le charme de la vie & le prix de
la vertu.
Uniquement occupée de fon amant ,
Chloé s'apperçoit d'abord qu'il eft moins
tendre , elle foupçonne bientôt qu'il eft
infidèle ; elle fe plaint , il la rafli)re ; il
continue d'avoir des torts , elle recom-
mence à fe plainde ; les infidélités fe fuc-
cedent d'un côté , les reproches fe multi-
plient de l'autre : les querelles font vives
& fréquences , les brouilleries longues ,
les raccommodemens froids ; les rendez-
vous s'éloignent , les tétes-à-tétes s'abre-
i;ent , toutes les larmes font ameres. Chloé
demande juilice à l'Amour. Qu'eft de-
venue , dit-elîe, la foi des fermens ?
Mais c'en eft fait , Chloé eft quittée ; elle
eft quittée pour une autre , elle eft quittée
avec éclat.
Livrée à la honte & à la douleur , elle
fait autant de fermens de n'aimer jamais ,
qu'elle en avoit fait d'aimer toujours ; mais
quand une fois on a vécu pour l'amour ,
on ne peut plus vivre que pour lui. Qur.nd
il s'établit dans une ame , il y répand je
ne fais quel charme , nui altère la fource
de tous les autres plaifirs; quand il s'en-
vole, il y laillë toure l'horreur du défert,
& de la folitude : c'cft fans doute ce qui;
a fait dire qu'il eft plus facile de trouver
une femme qui n'ait point eu d'engage-
ment , que d'en trouver qui n'en ait eu
qu'un.
Le défefpoir de Chloé fe change in-
fcnfiblement en une langueur qui fait de
tous fes jours un tiffu d'ennuis ; accablée
du poids de fon'exiftencc , elle ne fait
plus que faire de la vie , c'eft un rocher
aride auquel elle eft attachée. Mais dan-
ciens amans rentrent chez ellfs avecl'ef-
pérance , de nouveaux fe déclarent , des
femmes arrangent des foupers ; elle con-
fent à fc difiraire , elle finit par fe con-
loler. Elle a fait un nouveau choix qui ne
fera guère plus heureux que le premier ,
quoique plus volontaire, £; qui bienrôr
fera fuivi d'un autre. Elle .'jppartenoit à
ramouF , la voilà quiapparcjenc au plaifir;
_. F E M
fes fens étoient à l'ufage de fon cœur J
fon efprit eft à l'ufage de fes fens : fart ,
fi facile à diftingusr par-tout ailleurs de
la nature , n'en eft ici féparé que par une
nuance imperceptible: Chloé s'y méprend
quelquefois elle - mém.e ; eh qu'importe
que fon amant y foit trompé, s'il eft heu-
reux ! Il en eft des merfonges de la ga-
lanterie, comme des fictions de théâtre ,
oîija vraifemblance a fouvcnt plus d'at-
traits que la vérité.
Horace fait ainfi la peinture desmccur?
de fon temps , od. vfr l. IH. " A peine
» une fil'c eft-elle fortie des jeux ir.no-
>j cents de la tendre enfance qu'elle Çq
» plaît a étudier desdanfes vo'uptueufes,
» & tous les arts & tous Jes mifteres de
'5 l'amour. A peine une fem.w.e eft - elle
il aftifeà la tab'e de {<^r\ mari, que d'un
») regard inquiet elle y cherche un rmanr;
»j bientôt elle ne choifit plus , effe croie
» que dans l'obfcurité tous les p'aifirs
•>■> font légitimes ». Bientôt aufti Chloé
arrivera à ce dernier période de la ga-
lanterie. Déjà elle fait donner à la vohipté
toutes les apparences du fentimenr , à la
complaifance tous les charmes de la vo-
lupté. Elle fait également & diflimulcr
des defirs & feindre des fentimens , &
compofer des ris & verfer des larmes.
El'e a rarement danr, l'ame ce qu'elle .T
(^ans les yeux ; elle n'a prefnue jamais fur
les lèvres , ni ce qu'elle a dans les yeux ,
ni ce qu'elle a dans l'ame : ce ou'elle a
fait en fccret , elle fe perfuade ne l'avoir
point fait ; ce qu'on lui r, vu faire , elle
fait perfuader qu'on ne l'a point vu ; &
ce que l'artifice des paroles ne peut jufti-
fier , fes larmes le font cxcufcr , fes ca-
reffes le font oublier.
Les femmes galantes ont aufll leur mo-
rale. Chloé c'eft fait un code où elle a
dit qu'il eft malhonnête à une femme ,
quelque g(,ût qu'on ait pour elle , quel-
que paftion qu'on lui témoigne , de pren-
dre l'amant d'une femme de la fociété.
Il y eft dit encore qu'il n'y a point d'a-
mours éternels ; mais qu'on ne diMt jamais
former un engagement , quand on en
prévoit la fin. Elle a ajouré qu'entre une
ruptur" & un nouveau nœud , il faut un
intervalli; de fix mois ; & tout de fuite
elle
F E M
%A\e a établi qu'il ne faut jamais quitter
ivn amant fans lui avoir dcligac un fuc-
cefîeur.
Chloé vient enfin à penfcr qu'il n'y a
tjn'un engagement folide , ou ce qu'elle
appelle une .iffaire fuirie , qui perde une
femme. Elle fe conduit en confJquence ;
elle n'a plus que de ces goûts pallagers
qu'elle appelle fantjLjies , qui peuvent
bien Liifïer former un foupçon , mais qui
ne lui donnent jamais le temps de fe
changer en certitude. Le public porte à
peine la vue fur un objet , qui lui e'chappe ,
déjà remplacé par un autre ; je n'ofe
dire que louvent il s'en préfente plufieurs
tout à la fois. Dans Ics/antai/ies de Chloé,
l'efprir e'I d'abord fiibordonné à la figure ,
bientôt la figure eft fubordonnée à la for-
tune ; elle néijige à la cour ceux qu'elle
a recherchés à la ville , méconnoît à la vjlie
ceux qu'elle a prévenus à la campagne ; &
oublie fi parfaitem.ent la fantaijie du ma-
tin , qu'elle en fait prefque douter celui
qui en a tcé l'objet. Dans fon dépit il fe
croit difpenfé de taire ce qu'on l'a dif-
penfé de mériter , oubliant à fon tour
qu'une femme a toujours le droit de nier
ce qu'un homme n'a jama s le droit de
dire. Il eft bien plus fur de montrer des
defirs à Chloé , que de lui déclarer des
lèntimens : quelquefois elle permet encore
des fermens de confiance & de fidélité;
mais qui la perfuade eft mal-adroit , qui
lui tient parole eft perfide. Le feul moyen
qu'il y auroit de la rendre confiante , fe-
roit peut-être de lui pardonner d'être in-
fidelle ; elle craint plus la jaloufie que
le parjure , l'importunité que l'abandon.
Elle pardonne tout à fes amans , & fe
permet tout à elle-même , excepté l'amour.
Plus que galante , elle croit cependant
n'être que coquette. C'eft dans cette per-
fuafion qu'à. une table de jeu, alternative-
ment attentive & diftraite , elle répond
du genou à l'un , ferre la main à l'autre
en louant fes dentelles, & jette en même
temps quelques mots con/enus à un troi-
fieme. Elle fe dit fans préjugés , parce
qu'elle eft fans principes ; elle s'arroge le
titre à^ honnête homme y parce qu'elle a
renoncé à celui àhonnî'te femme j & ce
qui pourra vous farprendie ^ c'eft que dans
Tome XIH.
F E M ji^i
toute la variété de fes fan ta if es le pLifir
lui ferviroit rarement dexcufe.
Elle a un grand nom , & un mari fa-
cile : tant qu'elle aura de la beauté ou
des grâces , ou du moins les agrémens de
ia jeunefte , les defirs des hommes , la
jaloulie des femmes , lui tiendront lieu
de confidération. Ses travers ne 1 exile-
ront de la fociété , que lorfqu'ils feront
confirmés par le ridicule. 11 arrive enfin
ce ridicule , plus cruel que le déshon-
neur. Chloé cefTe de plaire , & ne veut
point cefter d'aimer : elle veut toujours
paroître , & perfonne ne veut fe montrer
avec elle. Dans cette pofition , fa vie
eft un fommeil inqui,?t & pénible , un
accablement profond , mêlé d agitations ;
elle n'a guère que l'alternative du bel
efprit ou de la dévotion. La véritable
dévotion eft l'afyle le plus honnête pour
les femmes galantes ; mais il en eft peu
qui puifient pafterde l'amour des hommes
à l'amour de Dieu : il en eft peu qui pleu-
rant de regret , fâchent fe perfuader que
c'eft de repentir ; il en eft peu même , qui ,
après avoir affiché le vice , puifient le dé-
terminer à feindre du moins la vertu.
Il en eft beaucoup moins qui puifTenc
pafi'er du temple de l'amour dans le fanc-
tuaire des mufes, & qui gagnent à fe faire
entendre , ce qu'elles perdent à fe laiffer
voir. Quoi qu'il en foit , Chloé qui s'eft
tant de fois égarée > courant toujours après
de vains plaifirs , & s'éloignant toujours
du bonheur , s'égare encore en prenant
une nouvelle route. Après avoir perdu
quinze ou vingt ans à lorgner , à perfif-
fler , à minauder , à faire des nœuds &
des tracaffcries ; apiès avoir rendu quel-
que honnête homme mallieureux , s'erre
livrée à un fat , s'être prêtée à une
foule de fots , cette folle change de rôle ,
paffe d'un théâtre fur un autre ; & ne
pouvant plus ècve Phiyné , croit pouvoir
être Afpalic.
Je fuis fur qu'aucune/fOTOTc' ne fe recon-
noîtra dans le portrait de Chloé ; en effet
il y en a peu dont la vie ait eu fes périodes
aufil marqués.
H eft une femme qui a de l'efprit
pour fe faire aimer , non pour le faire
craindre ; de la vertu pour fe faire efimier ,
F f fff f
p62 F E M
non pour mc-prifer les autres ; affez de
beauté pour donner du prix à fa vertu.
Egalement éloignée de la honte d'aimer
fans retenue , du tourment de n'ofer ai-
mer , & de 1 ennui de vivre fins amour ,
elle a tant d indulgence pour les fbiblefies
de fon fexe , que la femme la plus ga-
lante lui pardonne d'être fidelle ; elle a
tant de refped pour les bienftances , que
la plus prude lui pardonne d'étie tendre.
LaifTant aux fol'es dont elle efl entourée ,
la coquetterie , la frivolité , les caprices ,
les jaloufies , toutes ces petites pafFions ,
toutes ces bagatelles qui rendent leur vie
juille ou coiitentieufe ; au milieu de ces
commerces contagieux , elle confulte tou-
jours fon cœur qui efi pur , & fa raifon
qui eft faine , préférablement à l'opinion ,
cette reine du monde , oui gouverne fi
delpotiquement les infenfés & les fots. Heu-
reufe Iz femme qui polîede ces avantages ^
plus heureux celui qui polfede le cœur
d'une telle femme !
Enfin il en eft une autre plus folide-
ment heureufe encore ; fon bonheur eft
d'ignorer ce que le monde appelle les
pLiifiis , fa gloire eft de vivre ignorée.
Renfermée dans les devoirs de femme &
de mère , elle confacre fes jours à la pra-
tique des vertus obfcures : occupée du
gouvernement de fa famine , elle règne
fur fon mari par la compîaifance , fur fes
enfans par la douceur , fur fes domeftiques
par la bonté : fa maifon eft la demeure
des fentimens religieux , de la piété fi-
liale , de l'amour conjugal , de la ten-
drefte maternelle , de l'ordre , de la
paix intérieure y du doux fommeil , & de
la fanté : économe & fédentaire , elle en
écarte le" paflions & les befoins ; l'indi-
gent qui fe préfente à fa porte, n'en eft
jamais repoufte ; l'homme licencieux ne
s'y préfente point. Elle a un caraftere de
réferve & de dignité qui la fait refpcder ,
d'indulgence & de fenfibiliré qui la fait
aimer , de prudence & de fermeté qui la
fait craindre ; elle répand autour d'elle
une douce chaleur , une lumière pure qui
éclaire & vivifie tout ce qui l'environne.
l',ft-ce la nature qui l'a placée , ou la rai-
ton qui l'a conduite au laugfupréme oîi je la
y<^ ? Ca Mtidc eft di M. Dmsmahjs^
F E M
Femme , ( Jurlfp. ) on comprend ett
général fous ce terme , toutes les per-
fonnes du fexe féminin , foit filles , femmes
mariées ou veuves ; mais à certains égards
les femmes font diftinguées des filles , &
les veuves des jemmes mariées.
Toutes les jemmes & filles font quel-*
quefois compriies fous le terme à' hommes.
L. I & 152, /^" de ve;h. Jignif.
La condition des femmes en général
eft néanmoins différente en plufieurs chofes
de celle des hommes proprement dits.
Les femmes font plutôt nubiles que les
hommes , l'âge de puberté eft fixé pour
elles à douze ans ; leur cfprit eft commu-
ném.ent formé plutôt que celui des hom-
mes , elles Ibnt auffi plutôt hors d'état
d'avoir des enfans : citiits pubefcunt y ci'
lias fenefcunt.
Les hommes , par la prérogative de
leur fexe &: par la force de leur tempéra-
ment , font naturellement capables de
toutes fortes d'emplois & d'engagemens ;
au lieu que les femmes , foit à caufe de la
fragilité de leur fexe & de leur délicatefte
naturelle , font exclufes de plufieurs fonc-
tions , & incapables de certains engage-
mens.
D'abord pour ce qui regarde l'état ecclé-
fiaftique , Iss femmes peuvent être chanoi-
neftes j religieufes , abbtfles d'une abbaye
de filles ; mais elles ne peuvent pofTéder
d'évéché ni d'autres bénéfices , ni être ad—
mifes aux ordres eccléfiaftiques , foit ma-
jeurs ou mineurs. II y avoir néaiim.oins
àes diaconeftes dans la primitive cglife ,
mais cet ufige ne fublifte plus.
Dans certains états monarchiques, comme
en France , les femmes , foit filles , ma-
riées ou veuves , ne fuccedeat point à la:
couronne.
Les femmes ne font pas non plus ad-
mifes aux emplois militaires ni aux ordres
de chevalerie , fi ce n'eft quelques- unes y.
par des confidérations particulières.
Suivant le droit romain , qui eft en ce
point fuivi dans tout le royaume , les
femmes ne font point admifes aux charges,
publiques ; ainfi elles ne peuvent faire
1 office de juge, ni exercer aucune magif-
trature , ni faire la fonflion d'avocat o\\
d« trowuxçm:, L, t^, ff- di re^uL jur^
"F E M
Elles faifoieïit autrefois l'office de pair ,
éc , en cette qualité , fîe'geoient au parle-
ment. Prélente.Tient elles peuvent bien pcf-
fe'der un duchj - fe'melle & en prendre le
titre , mais elles ne font plus l'office de pair.
Voyez Fair&c Paine.
Autrefois en France les femmes pou-
voient être arbitres , elles rendoient même
en perfonne la juftice dans leurs terres ;
mais depuis que les feigneurs ne font plus
admis à rendre la juftice en perfonne , les
femmes ne peuvent plus être juges ni ar-
bitres.
Elles peuvent ne'anmoins faire la fonction
d'experts , en ce qui eft de leur connoif-
fance , dans quelque art ou profefTion qui
eit propre à leur fexe.
On voir dans les anciennes ordonnances,
que c'ctoit autrefois une jcinme qui fai-
/oit la fonflion de bourreau pour les
femmes , comme lorfqu'il s^agic d'en fiif-
tiger quelqu'une. Voyez ci-dei'ant au mot
Exécuteur de l.i Hautc-Jujîice,
On ne les peut nommer tutrices ou cura-
trices que de leurs propres enfans ou petits-
enfans ; il y a ne'anmoins des exemples
qu'une femme a été nommée curatrice de
fon mari prodigue , furieux & interdit.
Les femmes font exemptes de la collede
des tailles & autres impofitions.
Mais elles ne font point exemptes des im-
pofitions , ni des corvées ou autres char-
ges , foit réelles ou perfonnelles. La cor-
vée d'une femme eft évaluée à 6 deniers
par la coutume de Troies , article j<^z , &
celle d'un homme à 1 1 deniers.
Quelques femmes & filles ont été ad-
mifcs dans les académies littéraires ; il y en
a mém.e eu plufieurs qui ont reçu le bon-
net de dofteur dans les univerlités. Hélene-
Lucrece Pifcopia Cornara demanda le
dodorat en théologie dans l'univerfité
de Padoue ; le cardinal Barbarigo , évé^-
que de Padoue , s'y oppofa ; elle fut ré-
duite à fe contenter du dodorat en philo-
fophie , qui lui fut conféré avec l'applau-
<jifiement de tout le monde, le 15 juin
1678 ; Bayle, œuyres , tome I , p. j6i.
La demoifclle Patin y reçut auffi le même
crade ; &: le 10 mai i7_?i , Laure Baftî ,
Dourgeoife de la ville de Boulogne , y reçut
Je doûorat en médecine «n préfence <lu
fénat , du cardinal de Polignac , de deux:
évéques , de la principale noblcfte , & du
corps des doôeurs de l'univerfité. Enfin ,
en 17J0, lafignora Maria- Gaetana Agncfi
fut nommée pour remplir publiquement les
fondions de profefteur de mathématique à
Boulogne en Italie.
On ne peut prendre des femmes pour
témoins dans des teftamens , ni dans des
ades devant notaires ; mais on les peut
entendre en dépofition , tant en matière
civile que criminelle. Voy^^ ledit du i.§
novembie 1^9^ > Joly , aux addit. tome
II y pag. zo ; Fontanon , xxxix , tome j ,
pag. 61 8 ; le Prêtre , cant. III , chap.
On dit vulgairement qu'il faut deux fem-
mes pour faire un témoin : ce n'eft pas
néanmoins que les déportions des femmes
fe comptent dans cette proportion arithmé-
tique , relativement aux dépoli tior.s des
hbmmes , cela eft feulement fondé fur ce
que le témoignage des femmes en général
dl léger & fujet à variation : c'eft pour-
quoi ion y a moins d'égard qu'aux dé-
polirions des hommes : il dépend de la
prudence du juge d'ajouter plus ou moins
de foi aux dépofitions des/t'/^vnfj, ftlon
la qualité de celles qui dépofeiit , & les
autres circonftances.
Il y a des maifons religieufcs , commu-
nautés & hôpitaux pour les femmes &
filles , dont le gouvernement eil confié à
des femmes.
On ne reçoit point de femmes dans les
corps & communautés d'hommes , tels que
les communautés de marchands &: artifans;
car les femmes qui fe mêlent du commerce
& du métier de leur mari , ne font pas
pour cela réputées marchandes publiques :
mais dans plufieurs de ces communautés ,
les filles de maîtres ont le privilège de
communiquer la maîtrife à celui qu'elles
époufent ; & les veuves de maître ont le
droit de continuer le commerce &: métier
de leur mari , tant qu'elles reftent en vi-
duité ; ou 11 c'eft un art qu'une femme ne
puifte exercer , elles peuvent louer leur
privilège , comme font les veuves de clii-
rurgien.
il y a certains commerces & métiers
affeftés aux fem.mes & filles , lefquelles
' forment encr 'elles des corps & commur.auté.î
F f f f f f 1
Ç64 Y E M
qui leur font propres , comme les ma-
trones ou i\\gei.-Jemmes , les marchandes
lingeres, les marchandes de marée, les
marchandes grainieres , les couturières ,
bouquetières , &<.%
Lcsfern/Ties ne font point contraignaWes
par corps pour dettes civiles , li ce n'ell
qu'elles fuient marchandes publiques , ou
pour llellionat procédant de leur fait.
Voyez Contrainte par corps.
On a fait en divers temps des loix pour
réprimer le luxe des femmes , dont la
plus ancienne eft la loi Ofpiu. Voy. Loi
Oppia ù Luxe.
11 y a aufTi quelqu'es réglemens particu-
liers pour la fépukure des femmes ;_ dans
1 abbaye de S. Bertin on n en inliumoit au-
cune. Vcyel la chronologie des foui'crains
d'Artois , dans le commentaire de. Mail-
lat-t , article des propriétaires , n. ^ de
tédit de 1704. {A)
. Femme amoureufe , ell le nom que
l'on donnoic anciennement aux femmes
publiques , comme on le voit dans deux
comptes du receveur du domaine de Pans ,
des années 142. S & 144-6 j rapportés dans
les antiquités de Sauvai : on trouve aufli
dans un ancien flyle du châtelet , im-
primé en gothique , une ordonnance de
l'an 14S3, laquelle défend, art. 3 , au
prévôt de Paris , de prendre pour lui
les ceintures , joyaux , habits , ou autres
paremens défendus aux fillettes & femmes
amoureiifes ou diflTolues. yA)
Femme authentiquée , eil celle qui pour
caufe d'adultère , a été condamnée aux
peines portées par l'authentique/fc/ hoJie ,
an code ad legem Juliam , de adulce-
riis.
Ces peines font , que la femme ^ après
avoir été fouettée , doit être enfermée dans
un monaflere pendant deux ans. Dans cet
efpace de temps il eft permis au mari de la
reprendre ; ce temps écoulé , ou le mari
^rant décédé fans avoir repris (à femme,
elle doit erre rafée & voilée , & demeu-
rer cloîtrée fa vie durant. Si e'iea des en-
fans , on leur accorde les deux tiers du
bien de la niere , & l'autre tiers au monaf-
teie. S'il n'y a point d'enfans , en ce cas
les pcre & mère ont un tiers de la dot ,
&, le, monaftere les dvux autres tiers \ s'il
F E M
n'y a ni enfans , ni père & more , toute
la dot eft appliquée au profit du monaI>-
tere ; mais dans tous les cas on réferve
au mari les cii'oits qu'il avoir fur la doc
{A)
Femme autorife'e , eft celle à laquelle
l'autorifation ou habilitation néceftaire ,
foit pour contraâer ou pour efter en juge-
ment , a été accordée , ioit par fon mari ,
foit par juftice au refus de fon mari. Une
femme qui plaide en féparation , fe fait au-
torifer par juftice à la pouruiite de fes
droits. Voyez Autorif.ition , Femme fépa-
re'e , Séparation. {A)
Femme commune en Biens ou commune
fimplement , eft celle qui , fbit en vertu
de fon contrat de mariage ou en vertu de
la coutume , eft en communaiité de biens
avec fon mari.
Femme non commune , eft celle qui
a été mariée fuivant une coutume ou loi
qui n'admet point la communauté de biens
entre conjoints , ou par le contrat de ma-
riage , de laquelle la communauté a été
exclufe.
Il y a différence entre une femme fé-
paréc de biens & une femme non com-
mune ; la première jouit de fon bien i
part & divis de fon mari , au lieu que le
mari jouit du bien àala femme non com^
mune ; mais il n'y a point de communauté
entr'eux. Voyez Communauté de biens ,
Renonciation à la communauté y Sépara-'
tion de biens. [A )
Femme coni'olant en fécondes noces , eft
celle qui fe remarie. Voyez Maiiag£&cji~
condcS noces. {A )
Femme de corps , eft celle qui eft de
condition ferve. Voye\ la coutume ds
Meaux , art. gz ,• celle de Bar, art. yx ;
& au mot Gens de corps. {A )
Femme cottiere ou coutumiere , c'cft une
femme de condition roturière. yoye\ la
coutume d'Artois , art. 1.
Femme coi.'tumiere. Voyez ci -devant
Femme cottiere.
Femme délaiffée , fe dit en quelques
provinces pour femme leure ,• femme
di Liifjée d'un tel ; en d'autres pays on dit
rLUJlc , guafi diuUcIa, (^ij
[F E M
Femme Jlrorcée , dans la coiiturre de
Hainaut Cigni\\e femme fe'pare'e d'avec fon
mari , ce qui eft conforme au droit cnnon
où le mot dh'oniitm cft fonvcnt empîoyc
pour exprimer la fcparatioJi , foit de corps
& de biens , foit de biens feulement. {^■1)
Femme douairière , eft celle qui jouit
d'un douaire. Voyez Douaire & L'anicle
Juii'ant. {A)
Femme douaire'e , comme il eft dit dans
quelques coutumes , eil celb à laquelle la
coutume ou le contrat de mariage accorde
un douaire , foit coutumier ou prelix ,
au lieu que la femme douairière efi celle
qui jouit aûuellement de fon douaire.
U)
Femme franche , fignifie ordinaire-
ment une femme qui eft de condition
libre & non ferve ; mais dans la coutume
de Cambrai , tit. j , art. 6 , une femme
franche eft celle qui poffedc un fief qu'elle
a acquis avant fon mariage , ou qu'elle a
eu par fuccellîon héréditaire depuis qu'elle
eft mariée , & qui par le moyen de la
franchifo de ce fief, fuccede en tous biens
meubles à fon mari prédécédé fans enfans.
Femme jouiffante de fes droits , eft
celle qui eft féparée de biens d'avec fon
mari , foit par contrat de mariage , foit par
juftice , de manière qu'elle eft maitrefTe
de fes droits , & qu'elle en peut difpofer
fans le confentement & l'autorilation de
fon mari. {A)
Fcmm.e lige , eft celle qui poftede un
fief qui eft chargé du fervice militaire. V^oj.
ci-aprês Fief lige , Homme lige , & Lige.
Femm.e mariée , eft celle qui eft unie
avec un homme par les liens facrés du
mariage.
Pour connoître de quelle manière la
femme doit erre confidérée dans l'état du
mariage , nous n'aurons point recours à ce
que certains critiques ont écrit contre les
femmes; nous confuherons une fource plus
pure , qui eft l'écriture même.
Le Créateur ayrmtdéclaréqu'il n'étoit pas
bon à l'homme d'être feuî , réfolut de lui
donner une compagne & une aide , adjuto-
riumjimilejibi. Adam ayant vu Eve , dit
''L
F E M
quô c'étoit l'os de fes os & la chajr de
cliair , & l'écriture ajoute que l'homme
quittera fonpera & fa mère pour demeurer
avec fa femme , & qu'ils ne feront plus
qu'une même chair.
Adam interrogé par le Créateur , quali-
fioit Eve de fa compagne , millier quam
dedijU mihifocinm. Ditu dit à Eve,, que
pour peine de fon péché elle feroit fous la
puiflance de fon mari qui domineroit fur
el'e : ùfiil^ viri potejhte eris , & ipfe domi-
nabitur tni.
Les autres textes de l'ancien teftament
ont tous fur ce point le même cîpric.
S. Paul s'explique aufîi à peu près d^s
même dans fon épître aux EpliéHens , c!;.
i' ; il veut que \:^ femmes foient foumifes
à leur mari comme à leur feitneur &
maître , parce que , dit-il , le mari eft le chef
de la/f /;//;2(? , de même que J. C. eir le chef
de l'églife , & com.me l'églife eft foumife à
J. C. de même les yt'/7z/«fi- doivent l'être
en toutes chofes à leurs maris : il ordonne
aux mr.ris d'aimer leurs femmes , & aux
femmes de craindre leurs maris.
A in fi , fuivant les loix anciennes & noir-
veîles , h femme mariée elt foumife à fon
mari ; elle eft in facris mariti , c'eft-i-
dire , en la puiiïance , de forte qi-'clle doit
j lui obéir ; &: fi elle manque aux devoirs da
fon état , il ntut la corriger modérément-
Ce droit de corredion étoit déjà bien
reftreint par les loix du code , qui ne
veulent pas qu'un mari puifte frapper fi
femme.
Les anciennes loix des Francs rendoient
les maris beaucoup plus abfoius ; mais les-
femmes obtinrent des privilèges pour
n'être point battues : c'eft ainfi que les ducs
de Bourgogne en ordonnèrent dans leur
pays ; les ftatuts de Ville - Franche en
Beaujolois font la même délénfe Ce battre
les femmes.
Prélentemcnt en France un mari ns
peut guère impunément châtier {di femme ,
vu que les févices & les mauvais traite^
m.ens forment pour la femme un rr.ioyen de:
féparation.
Le principal effet de la puiftance que le-
mari a fur {à femme , eft qu'elle ne peut s'o-
bliger , elle ni fes biens , fans le confents-
5(?(î F E M
ment & l'autorifation de fon mari , û ce
n'eft pour fes biens paraphernaux dont elle
efl maitrefTe.
Elle ne peut aufli efler en jugement en
matière civ.le , ians erre aiitorifcc de fon
mari , ou nar juftice à fon reîlis.
Mais elle peut tefter fans autorifation ,
parce que le teflament ne doit avoir fon
effet que dans un temps où h femme cefle
d'être en la puifTance de fon mari.
L^ femme doit garder fidélité à fon mari;
celle qui commet adultère , encourt les
peines de l'authentique feJ hoj/e. Voyez
Adultère , Authentique , & Femme au-
thentiquée.
Chez les Romains , une femme mirie'e
qui fe liiToit à un efclave , devenoit elle-
même efclave , &: leurs enfans e'toient
réputés affranchis, fuivant un édit de l'em-
pereur Claude ; cette Ici fut renouvelée par
Vefpafïen , & fubfifta long-temps dans ics
Gaules.
Une femme dont le mari efl abfent ,
ne doit pas fe remarier qu'il n'y ait wne nou-
velle certaine de la mort de fon mari. 11 y
a cependant une bulle du pape , pour la
Pologne , qui permet aux femmes de ce
royaume de fe remarier en cas de longue
abfence de leur mari , quoiqu'on n'ait point
de certitude de leur mort , ce qui eft re-
gardé comme un privilège particulier à la
Pologne.
Un homme ne peut avoir à la fois qu'une
(Qi\\efemm.e légitime , le mariage ayant été
ainfi réglé d'inlîitution divine , mafcuhim
^ fœminam creavn eos , à quoi les ioix de
l'églife font conformes.
La pluralité dcR femmes qui étoit autre-
fois tolérée chez les Juifs n'avoit pas lieu
■de la même manière chez les Romains &
dans les Gaules. Un homme pouvoit avoir
à la fois plufieurs concubines , mais il ne
pouvoir avoir ziuur.e femme , ces concubi-
nes étoient cependant différentes des maî-
treffcs , c'éroient desfemmes époufées moins
folennellement.
Quant à la com.munauté des femmes ,
qui avoit lieu à Rome , cette coutume
barbare commença long-temps après Numa:
elle n'étoit pas générale. Caton d'Utique
prêta (d femme Martia à Hortenfius pour
en avoir des enfans ; il gn çut en effet
F E M
d'elle plufieurs ; & après fa mort , Martia 5
qu'il avoit fait fon héritière , retourna avec
Caton qui la reprit pour femme : ce qui
donna occafion à Céfar de reprocher ;1
, Caton qu'il l'avoir donnée pauvre , avec
deffein do la reprendre quand elle feroit
devenue riche.
Parmi nous les femmes marie'es portent
le nom de leurs m.aris ; elles ne perdent
pourtant pas abfo'ument le leur ; il ferc
toujours à les déligner dans tous les aiSes
qu'elles pafTent , en y ajoutant leur qualité
à<i femme d'un tel ; elles lignent leurs noms
de baptême & de famille auxquels elles ajou-
tent ordinairement celui de leur mari.
Lti femme fuit la condition de fon mari ,'
tant pour la qualité que pour le rang & les
honneurs ^privilèges; c'eflcequela loixt^
au code de donat. inter. vir. & ux. exprime
par ces mots , uxor radils marualibus to-
rufcat.
Celle qui étant roturière époufeun noble,
participe au titre &: aux privilèges de noblcf-
fe , non feulement tant que le mariage iub-
fiile , mais même après la mort de fon mari^
tant qu'elle reRe eii viduitc.
Les titrtîs de dignité du mari fe commu-
niquent à \a. femme : on appelle dackeffe ,
marquife , comteffe, \à femme d'un duc, d'un
marquis , d'un comte ; L\ femme d'un mare-
clial de France prend le titre de marcchale i
h femme de chancelier , premier prélidenr,
préHdens , avocats & procureurs généraux,
^ autres principaux officiers de judicature,
prennent de même les titres de chanccliere ,
première ptéjidente , &c.
Au contraire celle qui étant noble épouflî
un roturier , efl déchue des privilèges ds
roblelîe tant que ce mariage fubfifte ; mais
li elle devient veuve , e!ie rentre d.ms fes
privilèges , pourvu qu'elle vive noblement.
"La femme du patron & du fcigneur haut*
jufticier , participe aux droits honorifiques
dont ils jouiflent ; elle elf recommandée aux
prières nominales , & reçoit après eux l'en-
cens , l'eau-bcnite , le pain-béni ; elle fuie
fon mari à la procellion , elle a droit d'être
inhumée au choeur.
Le mari étant le chef de {a femme , &: fa
maître de toutes les aff'ires , c'clf à lui ^
clioifir le domicile : on dit néaamcir.s com-
F E M
imincmcnt que le domicile de Xz femme eft
celui da mari ; ce qui ne fignifie pas que la
femme foit la maitrefTe de choiiir fon domi-
cile, mais que le lieu où h femme demeure,
du confenteme.1t de fon mari , efl réputé le
domicile de l'un &• de l'autre ; ce qui a
lieu principalement lorfque le mari , par
fon écar , n'a pas de réiîdence fixe.
Au refle la femne cfi obligée de fuivre
fon mari par - tout où il juge à propos
d'aller. On trouve dans le code Frédé-
ric, pj.rt. I , lii'. J , lit. l'iij. §. 3 , trois
exceptions à cette re^le : la première eft
pour le cas où l'on auroit ftipulé par con-
trat de mariage , que la femme ne feroit
pas tenue de fuivre fon mari s'il vouloit
s'établir ailleurs ; mais cette exception
n'eft pas de notre ufage : les deux autres
font, lî c'étoit pour criiiic que le mari
fût obligé de changer de domicile , ou qu'il
fût banni du pays.
Chez les Romains , les femmes mariées
a voient trois fortes de biens; favoir , les
biens dotaux , les paraphernaux , & un
troiGeme , genre de bien que l'on appe-
loit rcs reeepùtias ; c'étoientles choies que
la femme avoit apportées dans la maifon
^e fon mari pour fon ufage particulier ;
la femme en tenoit un petit- regiftre fur
lequel le mari reconnoifToit que ù femme ,
outre fa dot , lui avoit apporté tous les
cTets couchés fur ce regiftre , afin que la
femme , après la diffolution du mariage , pût
les reprendre.
La femme avoit droit de reprendre fur les
biens de fon mari pré.'écédé , une donation
à caufe de noces égale à fa dot.
L'ancienne façon des Francs étoit d'a-
cheter leurs femmes , tant veuves que
fil'es ; le prix é.olt pour les parens , &
à leur défaut au roi , fuivant le nt. Ixi'j ,
de 11 loi f.ihque. La même chofe avoit
Icé ordonnée par Licurgue à Lacédémone^
6: par Frothon, roi de Danemarck.
Sous la première & la féconde race de
jios rois , les maris ne recevoient point
tle dot de leurs femmes , elles leur don-
noient feulement quelques armes , mais
ils ne recevoient d'elles ni terres ni argent.
Vi)ye\ ce qui a été dit au mot DoT.
Pixientement on d:ftmgue fuivant quelle
jk?j \.3. femme a été mariée. •
F E M (j(?7
Si c'cfl fuivant la loi des p.i.ys de droit
écrit, \à femme fe conftituc ordinairement
en dot fes biens en tout ou partie , & quel-
quefois elle fe les réferve en paraphernal ,
auffi en tout ou partie.
En pays coutnmier tous les biens d'une
jemme mariée font réputés dotaux ; mais
elle ne les met pas toujours tous en
communauté , elle en ftipule une partie
propre à elle & aux fiens de fon côté &
ligne.
On dit qu'une femme eft mariée fui-
vant la coutume de Paris , ou fuivant
qi'.elqu'autre coutume , lorfque par le con-
t at de mariage les contradans ont adopté
les diljîofitions de cette coutume , par
rapport aux droits apparLenans à gens ma-
riés , ou qu'ils font convenus de s'en rap-
porter à cette coutume , ou s'il n'y a
point de contrat ou ■ qu'on ne s'y foie
pas expliqué fur ce point , c'eft la Loi du
domicile que les conjoinrs avoient au temps
du mariage , fuivant laquelle ils font cenfés
mariés.
Les îoix & les coutumes de chaque
pays font différentes fur les droits qu'elles
accordent aux femmes mariées ; mais
elles s'accordent en ce que la plupart
accordent à la femme quelque avantage
pour la faire fubfiPicr après le décès de fon
mari.
En pays de droit écrit , la femme ,
outre fa dot & fes paraphernaux qu'elle
retire , prend fur les biens de fon mari
un gain de furvie qu'on appelle wi^ynent
de dot ; on lui accorde au;n un droit de
bagues & joyaux , & même en certaines
provinces il a lieu fans ftipuiation.
Le mari de fa part prend fur la dot de
fa femme en cas de prédécès , un droit
de contre-augment ; mais dans la plupart
des pays de droit écrit , ce droit dépend dit
contrat.
Dans d'autres provinces , au lieu d'aug--
me-it &de contre-augment, les futurs con--
joints fe font lun à l'autre une donation de
furvie.
En pays coutumier , la femme , outre fes
propres , fa part de la communauté de
biens , & fon préciput , a un douaire ,.
foit coutumier ou prénx : on ftipule en-
core quelc^uefois pour c-Ucs d'autres avan»-
ç)6S F E M _
cages. Voy. Coiiyendons matrimomahs ,
Ccmmuaimé , Do: , Douaire , Précipin.
Lorfqii'il s'agit de favoir fi la prefcrip-
tion a couru contre unQ fe/nmt iTiaru'i^
& en puiffance de mari , on diftingiie li
l'aciion a dû être dirigée contre le mari
& for (es biens, ou fi cefl contre un
tiers ; au premier cas la profcripcion n'a
pas lieu ; au fécond cas elle court nonobf-
tant le marige fubfiltant , & la crainte
maritale n'eft pas un moyen valable pour fe
<ijfc;idre de la prefcription.
ïl en efl de même des dix ans accordés
par fordonnance de içio , pour "fe pour-
voir contre les ades faits en majorité ;
c<;sdixans courent contre la/t'WOTe inane'c,
de même que contre toute autre perfonne ,
l'ordonnance ne diftingue point. Voyei:
Prefcription. (^A)
Femme en puijfance de mari , efl toute
femme mariée qui n'efl point féparée d'avec
fon mari , foit de corps & de biens , ou
de biens feulement ; pour favoir quel
ell l'effet plus ou moins étendu de ces
diverfes fortes de féparation , voyez
Puijfance maritale & Séparation. {A)
Femme relicle ., fedit en quelques provin-
ces pour veuve d'un tel. [A)
Femme remariée , efl celle qui a
paffé à de fécondes , troifiemes , ou au-
tres noces, hcs femmes remariées n'ont
pas communément les mêmes droits que
celles qui fe marient pour la première fois ,
& elles font fujettes à certaines loix qu'on
appelle peine des fécondes noces. Voy.
Edit des fécondes noces , Peine des fécon-
des noces , & Secondes noces. {A)
Femme répudiée , eft celle avec qui
fon mari a fait divorce. Fbjf^ DIVORCE.
Femme f parée , eft celle qui ne
demeure pas avec fon mari , ou qui eft
maîtrcfîb de fes biens. \]ne femme \ic\\t
être féparée de fon mari en cinq ma-
nières différentes ; favoir , de fait , c'eft-
à-dire , lorfqu'ellc a une demeure à part
de fon mari l'ans y être autorifée par jnf-
tice ; féparée volontairement , lorfque fon
mari y a confenti ; féparée par contrat
de mariage , ce qui ne s'entend que àù
F E M
la féparation de biens ; féparée de corpi
ou d' habitations Ù de biens , ce qui doit
être ordonné par juftice en cas de févices
& mauvais traitemcns ; & enfin elle peut
être fépaiée de hicns feulement, ce qui
a lieu en cas de djfllpation de fon mari ,
& lorfque la dot eit en péril. Voy. Dot Ik
Séparation. (A)
Femme en viduité , eft celle qui
ayant furvccu à fon premier, fécond, ou
autre mari , n'a point pafTé depuis à
d'autres noces. Voy. Année de viduité ,
Deuil , Viduité , & Secondes noces.
{A)
Femme ufinteS^ jouijfante de fes droits y
eft celle qui n'eft point en la puiftance de
Ion mari pour l'adminiftration de fes biens ,
telles que font les femmes en pays de
droit écrit pour les paraphernaux , & les
femmes féparées de biens en oays coutumier.
\A)
Femme adultère , { la ) Théologie
critiq. mots confacrés pour défigner celle
que Jefus-Clirift renvoya fans la con-
damner.
L'b.iftoire de la femme adultère ( j'ai
prelque dit comme les Latins , les Anglois ,
& comme Bayle , de Vad dtérejfe ) que
S. Jean rapporte dans le chapitre viij ,
de fon évangile , eft reconnue pour au-
thentique par l'églife: cependant fon au-
thenticité a été combattue par plufieurs
critiques qui ont travaillé fur fécriture-
fainte; elle fait même le fujet d'un grand
partage dans les avis. '■'■ '•'■■'
Plufieurs de ceux qui doutent de l'au-
thenticité de cette hiftoire , foupçonnent
que c'eft une interpolation du texte faite
par Papias 5 foit qu'il l'ait prife de l'évan-
gile des Nafaréens , dans lequel feul on
la trouvoit du temps dEufebe, foit tout
au plus qu'il l'ait tirée d'une tradition
apoftolique. Les raifons de ce foupçon
font 1°. que cette hiftoire n'étoit point
dans le texte facré d'Eufebe; a', qu'elle
manque encore dans plufieurs anciens ma-
nufcrits grecs , particulièrement dans celui
d'Alexandrie & dans les \er(ions fyriaque
& cophte j quoiqu'on la trouve d..ns les
verfions latine & arabe ; 3°. qu'elle étoic
inconnue à l'ancienne églife grecque , quoi-
c^u'ellij
FEM_
q\i'el!e fut avouée par la latine , Sf qu'on
la iife (Uns S. Irenée; 4". qu'elle eft omife
par les PP. grecs dans leurs commentaires
fur S. Jean, comme par S. Chrylbftome,
S. Cyrille, &c. quoique les PP, latins ,
comme S. Jérôme, S. Auguflin , en par-
lent comme étant authentique; ^^. qu'Eu-
thymiiis efi le feul grec qui en falTe men-
tion , & même avec cette remarque im-
portante , que l'hiftoire dont il s'agit n'exif-
toit point dans les meilleures copies.
Beze femble la rejeter ; Calvin l'a-
dopte; M. Simon en doute ; Grotius la re-
btJte ; le P. Saint-Honoré & autres la
défendent & la (butiennent ; M. Leclerc
infinue qu'elle pourroit bien avoir été
empruntée de l'aventure obfcene de Me-
nedemus , rapportée dans Diogene de
Laërce : infinuation qui a fufcité à notre
critique moderne des reproches très-vifs
& trop féveres. Enfin quelques-uns préten-
dent que c'eft Origcne qui a rayé l'hiftoire
de h femme adultère de plufieurs manuf-
crits ; mîis ils le difent fans preuves.
Quoi qu'il en foit , nous renvoyons le
lefteur à un favant traité , publié fur cette
matière par Schertzer ( Jean Adam ) ,
théologien de Leipfic du xvijfiecle, dont
Bayle a fait l'atticle fans avoir connu l'oii-
Trage dont je veux parler; il ell intitulé,
Jfifloria adultéra: ; Leipfiœ , 1671 j i/2-4°.
Mais comme le fujet eft très-iméreffant ,
il faut que les curieux joignent à la lefturè
du livre de Schertzer , celle des ouvrages
qui hiivent , & qui leur apprendront mille
chofes fur la route.
Ouvrages des Sav. Sept, ann, '1706 ,
p. 404 & feq. Nouv, de la répub. dis
Lett. tom. XV. p, 245. Idem, tom.
XXÏII. p. 176. Id. tom. XLIV.pag.
56. Bibl. anc. & mod. tom. VIT. p.
iOi. Journ, des Sav. tom. XXII. p.
580. Bibl. choif. tom. XVI. p. 294.
Honoré de Sainte-Marie , Réficx. fur
les régi, de crititj, dijf. if. p. iroj.
Mackenz Scot. Writ. tom. II. p. 31-5.
Mém. de Trév. ann. 1710, p. 8oi. Bibl.
univ. tom. XII. p. 436. Dupin, Bibl.
eccléf, tom. XXIX. pag. 318. Id. Dfc.
prélim. liv. II. chap, ij. § 6. Simon y
Notes far U noUv. Teft. tom. II. p. S-\-
Aâa erud. Leipf. ann» 1704 , p. b'i. Id.
Tomi XIII.
FE M 9(^9
àtin. 170^ »/'•')• Leclerc , Not. ai
Hammoni , in toc. La Croze , I^iff.
Infor, p. 156. IJi(l. critiq. de la répiibl.
des Lett. tom. IX. p. 341. Journ. littér.
tom. XII. p. 136. Grotius , in evahg.
Joh. cap. viij. Calmer, Dicl. de là Bi-
ble , tom. I. p. 54.
Je tire cet article de l'Encyclopédie
angloifc ( fupplément ) ; il eft court, pré-
cis , & met en état de connoître les rai-
fons des uns & des autres, en indiquant les
(ources où l'on peut s'en inftruire à fond.
Art. de M. le Chevalier DE Jau cou RT .
Femme en couche, ( Méd.J état
de la femme qui vient d'être délivrée de
fon fruit. Cet état mérite toute notre at-
tention, par humanité , par devoir & par
fentiment. Les mères de nos enfans nous
font revivre dans ces précieux gages de leur
amour. Négligerons-nous de fbulager avec
zèle les prérogatives du genre humain, darfs
le temps critique où elles ont le plus de
befoin des fecours éclairés de la Médecine?
Non fans doute.
Ainfi , d'abord que la femme fera déli-
vrée de fon enfant & de fon arriere-faix ,
il faut commencer par lui mettre au devAn't
de l'entrée de la vulve un linge aflez épais,
doux, maniable & un peu chaud, pour
éviter l'air froid du dehors, & prévenir la
fuppreffion des vuidanges.
Après cela , fi la femme n'a pas été ac-
couchée dans fon lit ordinaire , on ne
manquera pas de l'y porter inceffamment ;
bien entendu qu'il le trouvera tout fait,
tout prêt, chauffé attentivement , & garni
de linges nécefTairès pour l'écoulement des
vuidanges. Mais fi hfem/ne a été accouchée
dans Ion propre lit , pratique qui femble
être la meilleure & la plus sûre, pour parer
l'inconvénient du tranfport , on ôtera de ce
lit les linges & garnitures qu'on y avoir
mifes pour recevoir les eaux , le fang ,
& les aiitrés humeurs qui proviennent dfe
l'accouchement. Enfuite on placera l'ac-
couchée dans la fituation propre à lui pro-
curer le repos & le rétabliirement dont elle
a befoin. Cette fituation demande une po-
fition égale & horizontale fur le milieu du
dos , la tête & le corps néanmoins un
peu élevés , les cuiffes abaifiees , les jam-
bes jointes l'une contre l'autre , ôc par^
GggggS
570 F E M _
tleffous les jarrets un petit oreiller , fur
lequel elles puiiïent être appuyées.
Notre femme étant ainfi couchée , &
un peu remife de l'émotion de l'on tra-
vail précédent , on entourera lâchement
fon ventre d'une large bande de maillot ,
ou d'une longue ferviette pliée en deux
ou trois doubles , de la largeur de dix à
douze pouces; on garantira fon fein du
froid, & on panléra fes parties externes
qui ont fouffert dans la délivrance. Alors
il eft à propos de lui donner quelque rel-
taurant , comme peut être un bon bouil-
lon , & finalement de la laiffer dormir ,
les rideaux de (on lit , les portes, & les
fenêtres de fa chambre fermées , afin
que ne voyant aucune clarté , elle s'affou-
pifle plus aifément.
On garantira foigneufement les nou-
velles accouchées du froid extérieur, parce
que les fueurs qui naiffent de leur foi-
bleffe , & l'écoulement des vuidanges ,
les rendent extrêmement fenfibles à cette
impreflîon , qui pourroit produire de fâ-
cheux accidens ; mais il ne faut pas non
plus tomber dans l'autre extrémité. La
chaleur de la chambre doit être toujours
auffi égale qu'il eft pofllble , & on y
réuflira fans peine par le moyen des ther-
momètres.
Pour prévenir l'inflamination des par-
ties qui ont fouffert une violente diften-
Jion dans l'enfantement , il faut , après
les avoir nettoyées des grumeaux de fang
qui peuvent y être reftés , appliquer à
l'entrée de ces parties un cataplafme mol-
let , anodyn , & médiocrement chaud ;
on renouvellera ce cataplafme de trois en
trois heures. On fe fervira d'une décoélion
d'orge, de graine de lin, & de cerfeuil,
ou autre femblable , pour laver, nettoyer
& étuver deux fois dans la journée les
lèvres de la vulve pendant les fix premiers
jours de la couche. Au bout d'une quin-
zaine on ulera d'ime décodion un peu
plus aftringente , & bientôt après d'une
lotion encore plus propre à tonifier ,
à raffermir , 6c à relferrer les parties re-
lâchées.
A l'égard du bandage dont j'ai parle
cl-deflTus , on le fera trè^-lâche le premier
V EU
que les vuidanges coulent. Il n'eft pas maf
de joindre au bandage une bonne grands
compreffe quarrée fur tout le ventre ; fii
fi cette partie eft douloureufe , on l'oin-
dra de temps en temps avec une huile
adouciffante.
Je penfe qu'au bout des douze premiers
jours de la couche , on doit iérrer plus
fortement & inlenfiblement le bandage ,
pour ramener peu à peu , raffembler , Sc
foutenir les diverfes parties qui ont été
étrangement diftendues durant le cours
de la grofleffe.
Si l'accouchée ne peut , ou , ce qui
n'eft que trop ordinaire, ne veut pas être
nourrice , il faudra bien mettre fur fon
fein 6c contre l'intention de la nature,
des remèdes propres à faire évader le
lait ; mais fi l'accouchée eft affez fage
pour vouloir nourrir fon huit , on fe
contentera de lui tenir la gorge couverte
avec des linges doux 6c mollets : alors la
mère nourrice obiérvera feulement d'at-
tendre quatre ou cinq jours , avant que
de donner le teton à fon enfant. Foye^
Nourrice.
Ajoutons un mot fur le régime de vie
de la femme en couche. Sa boiffon doit
être toujours chaude dans le commence-
ment; &; fa nourriture compolée de pan-
nades, de crème de riz, d'orge de gruau >
de bouillons légers de veau ôc de volaille >
ou autres alimens femblaWes. Au bout du
quatrième jour , 6c quand la fièvre de lait
fera paifée, on lui permettra un régime
moins févere ; mais ici , comme dans plu-
fieurs autres cas, il faut fe prêter au temps,
au pays, à fâge, à la coutume, à h dé-
licatefle, ou à la force de la conftitution
de l'accouchée.
Pour ce qui regarde la conduite qu'elle
doit avoir dans Ion lit, c'cft de s'y tenir
en repos , d'éviter les pafiions tumultueu-
fes , le trop grand jour , le bruit , la con-
verfation , le babillage ; en un mot tout
ce qui pourroit l'émouvoir , l'agiter , ou
lui cauicr du trouble.
Ces préceptes me paroiffent fufTilans
pour le cours ordinaire des chofes ; mais
il faut réunir des vues plus iavantes
pour la cure d'un grand nombre d accl-
jour, 6c fimplemeut contentifj pendant idens, d'indifpofitions |, &t de maladies
FE M
qui n'arrivent que trop fouvent ^wx fem-
mes en couche.
1°. Une des principales maladies dont
le traitement s'offre communément aux
oblervations cliniques , eft la fuppreflion
ou le flux iinmodéré des vuidanges ; fur
quoi je renvoie le lefteur au mot Vui-
danges , me contentant ici d'obferver
feulement qu'il ne faut ni trop augmen-
ter leur écoulement par des remèdes
chauds , ni les fupprimer par un régime
froid,
z". L'hémorragie confidérable qui fur-
vient à l'accouchée , foit parce que le dé-
livre a été détaché avec trop de hâte &
de violence , foit parce qu'il en eft refté
quelque porrion dans l'utérus , foit par
quelque efpece de faux germe , conduit
la malade au tombeau , Ç\ on n'a pas le
t^inps d'y porter du fecours. On fera donc
de prompts effoits pour arrêter la perte
de fang ; & pour la détourner , on pro-
curera par quelque moyen l'expulfion du
feux-germe , de la portion de l'arriere-
faix , ou de> caillots de fang reftés dans
la matrice. La faignée du bras fera pra-
tiquée & répétée , félon les forces de la
malade. Après avoir relâché fes banda-
ges , on la couchera p'us également, plus
fraîchement , & même fur de la paille
fans matelas , fi la perre de fang conti-
nue; on lui mettra le long des lombes ,
des fervietes trempées dans de l'oxicrat
froid : en mcme temps on ranimera la
région du cœur avec des linges chauds aro-
matifés , & on foutiendra fes forces par
des reftaurans.
3°. On voit les nouvelles accouchées
tomber en fyncope , i°. par la perte de
leur fang ; 2". lorfque leur corps demeure
trop long-temps élevé ; 3". lorfque les
hypocondres font trop ferrés : rétabliffez
aiors les efprits par la nourriture , mettez
Je corps dans une pofition horizontale ;
relâchez les hypocondres , & foutenez le
bas-ventre.
■ 4°. Les fièvres inflaminatoires des fem-
mes en couche peuvent être produites par
la retenue d'une partie du délivre , par
ie froid, par de violentes paflTions , lorf-
que les vuidages n'en font pas la caufe :
de telles fièvres deviennent fouvent fata-
F E M 971
les , (î on ignore la manière de les trai-
ter. Il me fembie que la méthode confifte
dans l'ufage de doux alexipharmaques 6c
d'abforbans, joints aux acides & aux pou-
dres tempérées de nitre ; dans de légers
fuppofitoires , des lavemens émolliens , 6c
de fimples eccoprotiques. Ces remèdes fe-
ront précédés de la faignée dans les fem-
mes fanguines & pléthoriques : à la fin de
la cure , on emploiera quelques légères
dofes de rhubarbe.
<^°. La diarrhée fuccede ici quelquefois
à la fuppreflîon des vuidanges, & fait un
fymptome très-dangereux quand elle accom-
pngne une fièvre aiguë pendant quelques
jours ; il faut la traiter avec beaucoup de
précaution par les adoucifians, les pou-
dres teflacées , les extraits ftomachiques 6c
corroborans , tels que ceux de gentiane
donnés de temps à autre ; un peu de rhu-
barbe , & même s'il eft befoin des ano-
dyris adminiftrés prudemment : mais il eft
toujours néceftaire d'ordonner à la malade
des dlluans nitrés & acidulés. On tempé-
rera l'acrimonie des matières qui font dans
les gros boyaux , par des lavemens.
6". En échange , la conftiparion ne doit
pas effrayer durant les deux ou trois pre-
miers jours de la couche , parce que le
principe viral eft alors tellement engagé
dans la fecrétion des vuidanges & du lait,
qu'il eft naturel que les entrailles ne foient
pas ftimulées : mais on pourra dans la
fuite employer des clyfteres & des ali-
mens propres à oindre les inteftins , 6c à
les dégager.
7°. Les vens & les flatuofités font très-
ordinaires aux femmes en couche. On y
portera remède extérieurement par les ban-
dages & l'application des fachets carmina-
tits fur le bas-ventre ; on emploiera inté-
rieurement les abforbans mêlés avec de
la chaux d'antimoine , l'huile d'amandes
douces fraîchement exprimée , de l'efprit
anifé de fel ammoniac, des gouttes de l'ef-
fence d'écorce de citron , &c. Pour les per-
(onnes d'un tempérament chaud, on mêlera
de l'efprit de nitre dulcifié dans leurs boif-
fons carminatives.
8°. Les tranchées font les plaintes les
plus ordinaires des nouvelles accouchées.
Ce nom vulgaire & général de tranchées^
Gggggg i
972 E E M
défigne des doMleurs qu'elles reiïentent
quelquefois yecs les rçins , aus lombes &
aux aines , quelqueto.is d^ns la matrice
feulement, quelquefois vers le noi^bril ôç
par-tqut ^e ventre, foit continuellement,
foit p^r intervalle , foit en un lieu fixe ,
foit vqgi;ement , taiitôt d'un c^té , tantôt
de l'autre. Ces tranchées , ou douleurs de
ventre , procèdent de différentes caufes ;
î°. de réyacuatiora défo.rdQnnée des vui-
danges , ou de leur fuppi^effion fublte ;
a°. de quelque partie dé l'arriére -r faix ,
tîe f^^ng coagulé, ou de quelque autre'corps
étranger refté dans la rnatrice; 3°. du troid,
de l'oinifllon du bandage ap,rés la couche ;
A^. de la grande extei;ijî,oi\ des ligamens
oe la^ matrice , arrivée par ^n rude ^
fâcheux travail ; '{^. enfin dans la conftric-
tipn fpa,(hiodique, ou de la^ fympathie des
nerfs, de 1,'utérus. On pppofera l,es remèdes
aux caufes connues.
Ce mal finira en modérait ou rétablif-
façit; l'évacuation des vuldanges, par les
moyens qu'on indiquera au mot YuiDAN-
«ES. La deuxième caufe des douleurs de
ventre ne (e diiîîpera, que Iprfque les
corps étrangers auront éré expulfés de la
matrice. On diminuera les tranchées par
ti)> baildagç , fi on l'avolt omis ; on tien-
dra le ventre chaudement , on y fera des
cigncmens aromatiques, des frl(flions ner-
v;n,es, & des fomentations de décodions
de romarin , de menthe , de fleurs de caimp-
iriille , et a,utres fembla^bles. pans la dif-
lentipn des ligamens de la n;iatrice, le repos,
le temps & la bonne fituation du corps ,
fuffiront ppur les raffermir. La dernière
caufe des tranchées requiert les remèdes
nervlns , les balfamlques , les anti-hyflé-
îiques , & l^i caïmans,
9**. L'enflure du ventre dans, la femme
tn couche naît fréquemment de l'omifllon
djes bandages, néceflaires après la déli-
vrance : on doit donc recourir à ces ban-
dages, auxquels on peut joindj e les tri<ftions,
l'ufage interne des plantes aromatiques ,
conjointement avec les pilules de Sthal &
d.e Bv'cker , mais feulement pendant quel-
que temps.
10". L'inflammation de la roatriçe fur-
vieri' quelquefois par la fuppreffion des
,vuidanges , par la coir.uption d'un corps
F E M
étranger, par quelque contufion , bief-
fure , chute , ou violente compreflion qu'^
fouffert ce vifcere , foit par le travail ,
foit après Ig travail , par des gens mal-
habiles. \\ en réfulte l'enflure , la dou-
leur de cette partie ,. une pef^nteur au
bas-ventre , une grande tentipn , la dif-
ficulté de refpirer , d'uriner , d'aller 4
la felle , la fièvre , le hoquet , le vo-
miffement , les convu!rion,s , le déUre , la
mort ; il faut y porter de prompts re-
mèdes , tirer les corps étrangers , détour-
ner îk évacuer les humeurs par la faignée
du bras , & entulte du pié , faire des em-
brocations fur le ventre , prefçrire à la
malade un grand repos , une diète hu-
meiftante , adouciffante , $ç légère , de
fimples laveraens anodyns , ôc s'abftenir
de tout purgatif. Si par malheur l'Inflam-
mation fe convertit en apcftème , en ulcère,
en fquii;rhe , il n'eft plus d'autres remè-
des que des palliatlts pour ces triftes,
maladies.
11°. Quand le relâchement, ladefcente,
la chute de la matrice , & du fondement ,
font des fuites de la couche ; la cure de
ces accidens demande deu.x chofes , i",
de réduire les parties dans leur lieu na-
turel ; 1°. de les y contenir ^ fortifier
par des peffaires , ou autres moyens ana-
logues. Foyer MATRICE , PeSSAIB,E ,
&c.
II". Les hénjorrhoïdes, dont hs femmes
font ordinairerTient incommodées dans leurs
couches , requièrent la vapeur de l'eau
chaude , les fomentations de lait tiède »
l'onguent populeum , bafillcum, ou autres
pareils, qui ne peuvent irriter le mal ; mais
fur toutes chofes ,11 s'agit de procurer l'é-
vacuation des vuldanges ; car par ce mpyeii
falutaire , la, douleur des h^inorrhpides ne
manquera pas de cefler.
1 3*^. La tuméfaftion des parties a toujours
heu dans les perfonnes qui ont fbutïert un
accouchement laborieux. Les remèdes pro-
pres au mal feront de fimples oignemens
de fleurs de lurcau, de mauve, de gui-
mauve , de miel rolat & autres femblabies.
Les coudinetb de fleurs de camomille, de
graine de lin , jointe à du camphre bouilli
dans du lait , & douctment exprimé, pour-
ront, encore çtre utiles.
PE M
14", Loriqu'il y a déchirement, écor-
chure , ou contufion aux parties naturelles,
ce qui arrive prefque toujours dans le pre-
jnier accouchement , on ne négligera pas
ces contufions & dilacérations , de peur
qu'elles ne fe convertirent en ulcères ;
c'eft pourquoi nous avons déjà recomman-
dé , en commençant cet article, un cata-
plaiine mollet étendu fur du linge , & chau-
dement appliqué fur tout l'extérieur de la
vulve , pour y refter cinq ou fix heures
après l'accouchement. Enluite on ôtera ce
cataplafme pour mettre fur les grandes
lèvres de petits linges trempés dans l'huile
d'ypéricum ; en renouvellant ces linges
deux ou trois fois par jour , on étuvera les
parties avec de l'eau d'orge miellée pour
Ls nettoyer. Si les écorchures font dou-
loureufes , on oindra les endroits écorchés
d'huile de myrrhe par défaillance : fi la
contufion ôc l'inflammation des lèvres ont
produit un abcès , il faut donner une Iffue
déclive à la matière , déterger l'ulcère &
ie panfer fuivant les règles.
1 5". On adesobfervations d'un accident
bien plus déplorable , caufé par la fortie de
l'enfant dans un travail pénible , je veux
dire , d'une dilacération de la partie infé-
rieure de la fente que les Accoucheurs
nomment la fourchuu; dilacération éten-
due jufqu'au fondement. Ce trifte état de-
mande qu'on pratique deux chofes ; l'une ,
que le chirurgien procure habilement la
réunion néceffaire de la plaie ; l'autre , que
\i femme ne fafle plus d'enfans. Si même
pour avoir négligé ce déchirement, les
grandes lèvres étoient cicatrifées , il fau-
droit renouveller la cicatrice comme au
bec de lièvre, & former la réunion delà
vulve , comme fi elle avoir été nouvelle-
ment déchirée. Ce n'eft point pour la beauté
d'une partie qu'on doit cacher , & qu'on
cache en effet foigneufement à la vue , que
je confeille à aucune femme cette opéra-
tion douloureufe, j'ai des motifs plus fenfés
qui me dé:erminent. Foyei FOURCHETTE,
Lèvres , Vulve.
16°. S'il eft arrivé malheureufement que
le col de la veflie ait été comprimé pen-
dant quelques jours par la tête de l'enfant ,
reftée au paffage , au point qu'il en réùilte
après l'inflammation dudit col de la veflie ,
F E M 973
une fi/tule avec un écoulement d'urine invo-
lontaire, le mal devient incurable quand
la fifiule eft grande -, cependant quand elle
eft petite , il (ë guérit au bout de quel-
ques mois avec qi:e!ques fecours chirurgi-
caux. Si la comprelTion du col de h veflîe
n'a produit que la dyfurie , on la traite
parla méthode ordinaire. Voye:^ DVSURIE,
Strangurie, Ischurie.
17*'. L'enflure des jambes ck des cuifTes
n'eft pas un phénomène rare aux femmes
en couche , & même après des accouche-
mens allez heureux. On voit des femmes
dans cet état qui ont des enflures depuis
l'aine jufqu'au bout du pié , quelquefois
d'un feul côté, & d'autres fois de rous
les deux. Ces accidens procèdent commu-
nément de la fupprefllion des eaux , c]es
vuidanges , de l'urine , ou du reflux de lait ,
&c. On procurera l'écoulement naturel de
toutes les humeurs retenues , on ouvrira
les voies de l'urine & du ventre par des
tifannes apéritives &par les laxatifs; enfuite.
on fonifiera les parties œdémateufes par
des fridions , des fumigations feches , Sides
bandages. On tâchera d'attirer le lait furies
mamelles pour l'évacuer par le teton.
18°. La douleur du fein , fa tumeur &c
fa dureté font encore des maux ordinai-
res aux nouvelles accouchées , quand leurs
mamelles commencent à fe remplir de lait.
On y remédiera par de légères friftions ,
par de douces fomentations , par la fuccion
du teton répétée , par la réfolution , la ■
diflîpation, l'évacuation du lait. De quel-
que caufe que procède fon caillement qui
furvient ici quelquefois, il faut qu'indépen-
damment des embrocations réfolutives, la
femme en couche fe fafl^e teter jiii'qu'à tarir
les mamelles , & qu'elle ne foutfre point
de froid au fein.
19°. Il feroit fuperflu de parler de la
paffion hyftérique, parce que cette maladie
eft également commune aux femmes en
couche , & à celles qui ne le ibnt pas. Les
remèdes font les mêmes, f^oje^ Passion
HYSTÉRIQUE.
Finilîons par une remarque générale.
Quand l'accouchée a eu d'heureulés cou-
ches fans accidens , mais qu'elle eft néan-
moins d'un tempérament foible &c déli-
cat , il eft de la prudence de ne lui pas
974 F E M
permettre de fortir du lit avant les huit ou
dix premiers jours , ni de fon appartement ,
avant le mois écoulé.
Nous venons de parcourir méthodique-
ment les principales maladies des femmes
en couche ; mais elles en éprouvent quel-
quefois d'autres, dont la fingularité ou la
complication demandent les talens des
gens les plus conlbmmés dans la pratique
& la théorie, f^oye^ à ce fujet les beaux
ouvrages des auteurs indiqués au mot En-
fantement.
On dit que dans quelques pays les Ac-
coucheurs fe font emparés du traitement
des maladies des femmes en couche; je
crals qu'on a tort de le foufFrir ; ce trai-
tement appartient de droit aux Médecins;
les Accoucheurs n'y doivent paraître qu'en
fous-ordre , & toujours proportionnelle-
ment à l'étendue de leurs lumières en Mé-
decine ; fi elles font fupérieures en ce genre,
tout parle en leur faveur , tout confpire
à leur rendre hommage dans cette con-
îonifture. Article de M. le Chevalier DE
Javcovrt.
Femme (^SageJ, Accoucheufe ÇMé-
decinej obftetrix. On appelle de ces dif-
férens noms toute femme qui exerce la pro-
feffion des Accoucheurs ; la partie de la
l'cience & de l'art de Chirurgie, qui con-
cerne les fecours néceflaires aux femmes en
travail d'enfant : on fe fervoit auflî autrefois
du nom de matrone , pour défigner une
fage- femme. Foyei ACCOUCHEUSE ,
Accouchement , Douleurs , En-
fantement, &c. fdj
FEMUR, f. m. f^/zar.J eft le nom
latin de l'os de la cuiffe; nom que les Ana-
tomiftes ont confervé. On l'appelle en
grec //.nph.
Cet os eft le plus confidérable & le plus
fort des os cylindriques , il fe porte de
dehors en dedans. Les fémurs très-écartés
fupérieurement fe touchent prefque vers
les genoux. Un des principaux avantages
de cette fituation , eft de donner plus de
vîteffe & de fureté à notre démarche. Si
les fémurs euftent été parallèles , notre
corps auroit été obligé de décrire une
portion de cercle à chaque enjambée ,
& notre centre de gravité auroit été
trop en danger de n'être pas foutenu. Afin
F E M
que les fémurs qui tendent obliquemenf
l'un vers l'autre , puiflTent s'appuyer fur ^cs
jambes , dont la fituation eft perpendicu-
laire , leur extrémité inférieure eft un peu
recourbée en dehors.
La partie inférieure du fémur préfente
une tête grofte & polie , dans laquelle on
obferve un creux fpongieux : dans ce creux
fpongieux eft fixé un ligament appelle im-
proprement ligament rond. Cette partie
plus déliée au defl'ous de la tête , qu'on
appelle le coude Cas fémur ^ a un grand
nombre de trous, dans lefquels pénètrent,
fuivant quelques-uns, des vaififeaux nourri-
ciers , &; félon d'autres , les fibres d'un
ligament fort , annuitaire qui s'attache en-
core à un rebord rude, qu'on trouve à la
racine de ce cou. Ce ligament contient &
afllijettit toute l'articulation , l'obliquité
du cou qui eft prefque horizontal , aug-
mente l'écartement des fémurs , dont nous
avons déjà parlé , & donne une pofition
favorable aux mufcles , qui font par-là
plus éloignés du point fixe , & dont quel-
ques-uns jouent par un levier coudé, le
cou du fémur faifant un angle obtus avec
le refte de l'os qui tend en bas.
La partie fupérieure du fémur a deux
apophyfes , qui ne font ('aufll-bien que la
tétej que des épiphyfes dans un âge tendre;
on appelle ces apophyfes trochanters : l'un
eft grand & externe , l'autre petit &c interne.
Ces deux procefl^us ont reçu le nom de
trochanters , parce qu'ils fervent à l'infer-
tion de ces mufcles, qui font les principaux
inftrumens du mouvement de rotation de
la cuiflTe, ou bien parce que le mouvement
de rotation y eft plus fenfible que dans la
corps du fémur.
L'extrémité inférieure du fémur eft
beaucoup plus grofl^e qu'aucune de fes par-
ties ; elle forme deux tubérofités , qu'on
appelle condyles , féparés par une cavité
confidérable , & s'articule par gynglime
avec le tibia. On y remarque deux cavités;
l'une antérieure , pour le mouvement
libre de la rotule ; l'autre poftérieure , où
les vaifteaux cruraux font enveloppés
dans la graiflfe. On trouve quelquefois des
os félamoïdes fur ces condyles, principa-
lement fur l'extérieur. Nous ne dirons
rien des ligamens 5c des mufcles qui s'atta-
F E N
chent à cette extrémité de l'os fémur ^ ce
qui n'eft qu'une épiphyfe dans la jeu-
neffe.
Ce que le corps de Vos fémur préfente de
plus fingulier, c'eft fa courbure. Il eft con-
vexe extérieurement , & voûté par derrière ;
l'utilité & la caufe de cette courbure font
alTez inconnues. Il femble que deux remar-
ques aient échappé aux auteurs qui en ont
fait la defcription : la première , que le plus
grand angle de cette courbure eft plus
pioche de la partie fupérieure An fémur ,
ce qu'on pourroit attribuer à la réfiftance
de la rotule , contre laquelle cet os arc-
boute ; peut - être la courbure même du
fémur eft - elle produite par le poids du
corps dans les enfans qui s'abaifïent , &
ne peuvent fléchir le genou.
La féconde remarque eft que le corps
du fémur paroît être tors en quelque ma-
nière ; un plan qui pafferoit par les centres
des deux condyles , & par le milieu de
l'os, teroit un angle très-remarquable avec
un autre plan qui pafteroit par ce même
milieu, & par les centres de la tête du/è-
mur & du trochanter-major. (g)
* PENDERIE, f. f. {An. mêch.) ce
terme a deux acceptions ; il fe dit & des
machines deftinées à mettre le fer de forge
en barbes , &c des ufines où font placées
ces machines &- s'exécute ce travail. Il y
a de grandes & petites fenderies. Voye:^
à rartic/e Forges (Grosses ),& l'expli-
cation des machines, & leur uiage.
^ * FENDIS, f. m. ( Ardoifures. ) c'eft
Tardoife brute, ou pouftée au point de
divifion, où il ne lui refte plus, pour être
de fervice , qu'à recevoir fa forme fur le
chaput. Voyei Canicle ARDOISES.
FENDOÏR, f. m. en terme de Cardier ;
c'eft un inftrument d'acier, large & coupé
en bifeau par un bout , allez aigu , mais ians
tranchant ; l'autre bout lui tient lieu de
manche : cet inftrument fert à refendre.
* FendoIR, outil de Vannier & de
Tonmllier; c'eft un morceau de buis ou
de bois dur , de fept ou huit pouces de
long, qui a une efpece de tête partagée
en trois rainures ou gouttières , dont cha-
que féparation eft formée en tranchant.
On fe fert du fendolr pour partager les
brins d'ofier en trois; pour cet effit, on
F E N 975
amorce le gros bout de l'ofier , c'eft-à-
dire , on l'ouvre en trois parties; &: après
y avoir infinué la tête de l'outil , on le
conduit , en lui donnant un mouvement
demi-circulaire , jufqu'à la dernière pointe
de l'ofier.
* Fendoir ou Couperet, outil
dont fe fervent , pour divifer le bois , les
Tourneurs & ceux qui font de la latte ,
du merrin , de l'échalas de quartier., &c.
Pour le faire , le taillandier prend une
barre de fer plate , qu'il plie en deux , de
la longueur qu'il veut donner ^w fendoir ;
entre ces deux fers, il place l'acérure ,
c'eft-à-dire , une bille d'acier , & il cor-
roie le tout enfemble ; lorfqu'il a bien
corroyé la pièce , & que fes parties font
bien foudées , il enlevé le fendoir. Lorfque
le fendoir eft entièrement fini de forger ,
il le faut limer & le tremper.
* FENDRE, v. aft. terme relatif à
la folution de continuité des parties d'un
corps folide ; ce corps eft fendu , lorfque
la continuité en eft rompue en quelque en-
droit , foit avec féparation totale des par-
ties, foit fans cette féparation totale. Les
pierres, les bois, la terre, &c, fe fendent.
Par une efpece de métaphore , le même
mot s'applique à l'eau & à l'air. L'oifeau
ou la flèche qui vole fend l'air : & le poilTon
qui nage, ou le vaifleau qui \og\ie , fend
les eaux. Il s'emploie encore en hyperbole
& en ironie , & l'on dit d'un grand bruit
qu'il fend la tête ^ d'un petit malheur, cela
fend le cczur.
Fendre, en terme de Cometier , s'en-
tend de l'aftion d'ouvrir à la ferpette les
galins bruts pour les ouvriers, yojei Ga-
LiNS & Ouvrier.
Fendre ( Machine a ), Méchanique.
Horlogerie , &c. La machine à fendre eft
un outil à l'aide duquel les Horlogers di-
vifent & fendent les dents des roues des
pendules , montres , &c. en tels nombtes
de parties que l'exigent les inichines aux-
quelles ils emploient ces roues.
Il y a peu de machines à l'ufage des
arts qui foient plus néceffaires, & dont la
juftelie foit auflî elTentielle que celle de
la machine à fendre. C'eft de - là que
dépend la perfe<5i:ion des machinas qui
fervent à mefurer le temps, comme peu-
576 F E N
dules , montres , &c. car quel que Toh la
principe du régulateur , fi les dents des roues
& des pignons font inégales , le mouve-
ment imperceptible des aiguilles ne peut
être uniforme , ni la puiffance de la force
motrice fur le régulateur égale, fi les roues
elles-mêmes ne le font; par conféquent ,,
il eft lui-même accéléré ou retardé fuivant
ces inégalités.
Je ferois très - embarraffé de nommer
l'auteur de cette belle machine ; il nous
eft inconnu , ainfi que l'ont prefque tou-
jours été ceux qui ont fait des décou-
vertes utiles à l'état , tandis que l'on
fait les noms de plufieurs inventeurs
d'inutilités.
Tout ce que j'ai donc pu apprendre ,
c'eft qu'elle vient d'Angleterre, & que le
premier qui en a fait ici, a été M. Tailie-
mard , très - bon macliinifte, mort il y a
environ vingt ans. Telle eft l'idée que m'en
a fournie M. Camus de l'académie des
Sciences.
Le premier moyen dont fe foient fer-
vis les anciens ouvriers qui eurent des
roues à fiiidri , fut de les dlvifer avec le
compas , au nombre de parties dont ils
avoient befoin , 8c de les fendre, enfuite
avec des limes ; il n'y a pas long-temps que
cela fe pratiquoit encore : or quel temps
n'exigeoient pas de telles opérations , &
quelle juftefTe pouvoit-on attendre de ce
moyen ? Mais quelque ouvrier intelligent
ne lalfla pas long-temps cette partie en
cet état ; il vit un meilleur moyen , qui
fut de former fur une grande plaque de
cuivre différents cercles concentriques ,
qu'il divifa en tels nonibres de parties dont
il faifoit ufage dans les machines qu'il
exécutoit;de forte que cela une fois tair,
il n'étoit plus befoin que de faiie convenir
le centre de la roue à dlvifer avec celui
de la plaque qui fervoit de divifeur , &
moyennant une règle ou alidade, ( *) qui
fe mouvoit au centre du divifeur , qu'on
pofoit alternativement fur tous les points
de chvifion d'un même cercle , on traçoit
F E N
fur la roue les mômes divifions; alnfi elle
fe trouvoit par -là divifée exacltmcnt au
même nombre de parties que le cercle du
divifeur , en forte qu'il ne reftoit plus
qu'à former les dents avec des limes con-
venables : enfin il y eut des artiftes qui
furetu profiter du point où fe trouvoit
cette machine fimple , pour la mener à
celui de tailler des dents en même temps
qu'elle les divlfoit ; ce fut de fubftituer ,
à l'effet de fendre les roues avec des
limes , &c à la main , une lime qui fe
mouvoit en ligne droite dans une coulifie
que portoit un chaffis fur lequel fe mou-
voit le divifeur & la roue k fendre : en-
fuite ce fut une lime circulaire ( on l'ap-
pe'le fraife ) qu'on fit tourner par le
moyen d'un archet fur une pièce que por-
toit le chaiïïs ( a^\\\ étoit de bois) : ce
chaflis contenolt en même temps la grande
plaque ou divifeur , qui tournoit dans ce
chaflîs , ainfi que la roue à fendre ; celle-
ci étoit fixée fur l'arbre qui portoit le
divifeur : il n'étoit plus queftion , pour
dlvifer & former les dents , que de fixer
la grande plaque ou divifeur , & de ter-
miner le mouvement qu'il devoit faire y
pour former la diftance d'une dent à l'autre :
c'étolt - là l'effet d'une pièce ( * ) fixée
fur le chaflîs , laquelle portoit une pointe
qui allolt preffer le divifeur dans un des
points de divifion de tel cercle , & em-
pêchoit par ce moyen le divifeur de tour-
ner , tandis qu'avec la fraife , au moyen
de l'archet , on formoit une dent , on
faifoit une fente f enluite Itvaiu la pointe
de l'alidade , qui empcchoit le divifeur
de tourner , & faifant pafler ce divifeur
jufqu'au premier point , on laifloit pofer
la pointe de l'alidade dans le trou de di-
vifion ; &: fixant de nouveau le divifeur ,
on faifoit une féconde /f/z/e à la roue, &C
ainfi de fuite , jufqu'à ce que le divifeur
eût achevé fa révolution, &: que par con-
féquent il y eût autant de dents fendîmes
à la roue , que de points de divifion dans
j le cercle qu'on aurolt pris.
{*) L'on appelle cette pièce alidade; fon effet eft le même que ccJii! <1e la règle dont Je viens 9e parler;
avec ceite dilTéunce que celle-li palVcic altcrrativcment fut cous les po'nrs de divifion du cercle du divifeUr ,
tandis que ce divifeui riftoit immobile ; au lieu que dans l'alidade dont il ell quelHon , le diviTeur COUIDC tC,
pic-r^nie altccnaUvCDitac [guUi ia divùlou du mêffic i:;{clc . & l'^Udidc ou rccle rclte immobile
leùe
F E N
Telle a été l'origine de la machine à
fendre ; on peut voir à peu près ("on me'-
chanifme par l'icltc que je viens de don-
ner. Voyei la dcfcription des Arts & Mé-
tiers , imprimée à Neufchâtel.
De Ij. mxchlne à fendre toutes fortes de
nombres.
Pierre Fardoil horloger à Paris , &
très-bon machinifte , auquel nous fommes
redevables de plulieurs outils compofés ,
lefquels on peut vou- dans le traité d' Hor-
logerie àsM.. Thiout, efl l'auteur de l'ingé-
nieufe machine à fendre tontes fortes de
nombres ; elle peut s'adapter à une machine
a fendre ordinaire dont toutes les pièces
reftent les mêmes , & fervent également à
fendre , à l'exception de l'alidade que l'on
fupprime , & du divifeur qui elî denté
comme une roue , ce qui tient lieu des
points de divifion.
Le divifeur eft fendu à vis fans fin fur
le nombre 4.10 ( il a choifi ce nombre à
caufe des aliquotcs qu'il contient. ) Dans
les dents du divifeur engrené une vis fans
fin fîmple , qui eft attachée par des pièces
quelconques fur le chaffis de la machine
à fendre ordinaire: ainfi en faifant faire
im tour à la vis fans fin , la roue fera
avancée d'une dent. Or fi on fend à cha-
que tour de la vis fans fin une dent de la
roue mife fur le taffeau , comme nous
avons vu ci-devant , il eft évident que l'on
fera une roue qui aura 420 dents ; mais fi
au lieu de faire faire un tour à la vis, on
ne lui en fait faii-e que la moitié , & qu'on
fende une dent, & ainfi de fuite à cha-
que demi-révolution , la roue fera de 840 ;
& fi on ne fait tourner la vis que d'un
quart de tour , & qu'à chaque quart qu'on
fende une dent, Ja roue fera de 1680:
ainfi de fuite , & le nombre deviendra
d'autant plus grand , que la vis fera une
plus petite partie de révolution. Si au
contraire on fait faire deux tours à la
vis pour chaque dent que l'on fendra ,
on fera une roue de 210 dents ; fi on
fait faire quatre roues , la roue fera de
loj, &c.
Tel eft le principe de cette machine ,
de laquelle on peut fe former une idée
par ce que je viens de dire ; mais pour
Tome. XI JI.
P E K 977
voir mieux tout ce rriéchanifme , on peut
recourir au traité de M. Thiout , page
46 j où il eft bien décrit. Cependant pour
en donner ici une idée , je tâcherai de
faire entendre les moyens dont s'eft fer-
vi M. Fardoil pour fendre toutes fortes
de nombres , ou, cequi revient au même,
pour régler les parties de révolution de la
vis fans fin.
Le prolongement de la tige de la vis
fans fin porte quarrément une affiette ,
fur laquelle eft fixé un rochet fort nom-
bre & à volonté. Sur la pièce qui porte
la vis fans fin , eft placé un cliquet & un
reffort qui agiflent fur le rochet en quef-
tion ; ce qui l'empêche de rétrograder ,
ainfi que la vis finis fin. Sur l'aftiette qui
porte ce rochet, eft fixé un autre rochet
( lequel fe change fuivant le nombre des"
roues ) dont le nombre eft relatif à celui
de la roue que l'on veut fendre. Enfin fur
le bout de cette même tige de vis fans
fin , fe meut une manivelle ; elle porte
un reffiart & un cliquet qui agifl'ent fiir
le fécond rochet ; de forte qu'en tournant
la manivelle en arrière , la vis fans fin
refte immobile : ce n'eft qu'en tournant
la manivelle à droite , que la vis fans fin
le meut. C'eft par ce mouvement de rétro-
gradation que l'on détermine la quantité
dont on doit avancer la vis pour cliaque
dent de la voue k fendre, lequel eft réglé
par le nombre des dents du rochet : ce
que l'on verra par l'exemple fuivant. " Soit
donné le nombre 249 qu'il faut fendre
fur cette machine , dont le divifeur eft
ibndu en 420 ; pour trouver le nombre
de dents du rochet , il faut divifer 4x0-
& 249 par trois , qui eft le feul divi-
feur convenable aux deux nombres : les
quotiens feront 2^0 & 83. On prendra
donc un rochet de 85 ; &: à chaque dent
qu'on voudra fendre , on fera avancer
1 40 dents de ce rochet , c'eft - à - dire ,
qu'on fera d'abord faire une révolution
entière qui eft de 83 dents , & qu'on en
fera encore paffer j 9 : ce qui fera les 1 40
dents. Ce qui fe détermine de la façon
fuivante w.
A chaque tour de la manivelle elle ren-
contre une pièce qui arrête Ion mouve-
ment , de forte qu'elle ne peut aller plus
Hhhhhh
578 F E N
loin (ans qu'on levé cette pièce. On fait
rétrograder la manivelle du nombre de
dents du rochet qu'il faut faire pafTer après
avoir fait faire un tour. Dans l'exemple
propofe , c'eft 57 dents du rochet. Pour
empêcher la .manivelle de rétrograder plus
que pour faire tourner jB dents , elle
porte un fécond bras que l'on fixe au point
que l'on veut. Dans cet exemple , il
faut qu'entre les deux bras de la manivelle
il y ait un intervalle de ^7 dents du ro-
chet. Ce bras va appuyer contre cette même
pièce qui empêche d'avancer la mani-
velle , laquelle empêche auili de rétro-
grader plus de f7 dents. On fait pour lors
tourner la manivelle à droite, jufqu'à ce
qu'elle rencontre la pièce qui l'empêche
de tourner. Un fait faire un tour à la mani-
velle , & la fait rétrograder de la quan-
tité fufdite. On fend une féconde dent ,
& ainfl de fuite jufqu'à ce que la roue foit
fendue.
On trouvera avec le plan & la defcrip-
tion de cette machine dans le traité de
M. Thiout , une table des difFérens nom-
bres que l'on peut y fendre , depuis loi
jufqu'à 8co ; les rochecs difFérens dont
on a befoin pour telles roues ; les nom-
bres de tours ou parties de tours qu'il faut
faire, &c.
Or comme il y a une difficulté confi-
dérable dans cette conftrudion , qui efl
des aifFérens rochecs dont il faut fe fer-
vir , il faut chercher à la fupprimer ; car
il n'y a pas moins de dilficulté à fendre
un rochet fur un nombre qu'on n'a pas ,
qu'à fendre une roue fur une autre qui
nous manque.
Mais d'ailleurs ce principe des parties
de mouvement de la vis fans fin , efï très-
bon , & on peut en tirer un meilleur
parti.
On pourra voir dans le traité de
M. Thiout, le plan à'nae mJLjhine à fen-
die toutes fortes de nombres , dont les
rochers font fapprimés ; elle eft de la
compofidon de M. Varinge , qui étoit
hjrloger du dac de Tofca.ie.
Comme à celle de M. Fardoil , c'eft
une vis fans fin qui fait mouvoir le div.-
feur , lequel il a fendu fur le nombre
360. La vis fcuis fin porte uns roue de
F E N
champ de 60 , laquelle engrené dans un
pignon de 10. La tige de ce pignon porte
une aiguille qui fe meut au centre d'un
cadran divifé en 60 : cette aiguille efl d^
deux pièces , dont l'une d'acier , & l'autre
de cuivre ; elles tournent à frotteme.nc
l'une fur l'autre. 11 y a au defTous du ca-
dran , une plaque qui y tourne à frotte-
ment : elle fert à porter un index qui vient
répondre à l'aiguille d'acier ; ce qui fert à
marquer le point d'où on part Iqrfqu'on
Jend. Il y a aufîi derrière la roue de chanp ,
une platine qui peut y tourner à frottement :
elle fért à porter un bouton qui donne un
coup contre un refTort à chaque tour que
fait la roue de champ ; ce qui fert à compter
les tours qu'elle fait.
Si on fait faire un tour à cette roue de
champ ; au moyen de la manivelle qui entre
quarrément fur l'arbre à vis fans fin , &
qu'à chaque tour on fende une dent , on
fera une roue de 360 ; or , dans ce cas, à
chaque tour de la manivelle la roue de
champ aura fait faire fix Coursa l'aiguille
dont j'ai parlé , laquelle auroit parcouru
lix fois 60 degrés du cadran, égale 360
degrés. Pour avoir un nombre au defîbus.
de 360 , il faut , comme dans celle du fieur
Fardoil , que la vis fans fin faffe plus d'un
tour pour chaque dent ; ainfi pour une
roue de 90 , il faut qu'elle falTe 4 tours, £v.
Ec fi on veut avoir un nombre plus
grand que 360, il faut qu'elle fafTe moins
d un tour : c'cfl pour exprimer les parties
de la révolution dans ces deux cas , que
fervent l'aiguille & le cadran ; ainfi on
peut voir une 360e partie de la révolu-
tion de la roue de champ ; de forte que
l'on pourroit fendre par ce moyen une
roue qui auroit 119600 dents, en ne fai-
lant tourner la roue de champ que pour
qu'elle fit faire un degré à l'aiguille pour
chaque dent.
Si on fait faire un tour à l'aiguille à
chaque dent que l'onfendru , on fera une
roue de zi 60 dents , &s.
En fupprimant le rochet de Fardoil ,
M. Varinge n'a pas évité un défaut , qui
efl celui des balotages , d'engrenages ,
d'inégalités , &c. mais c'efi toujours un
pas de fait pour arriver à la perfeJion de
cette niacliinc ; & celle de M. Varinge eft.-
F E N
préférable à celle qui lui en a donné l'idce,
qui efl celle de Fardoil.
Pour remédier aux défauts que l'on ap-
perçoit dans ces deux machines , & pour
les Simplifier encore , voici le moyen que
je veuK faire exécuter.
Je ferai fendre le divifeur de ma ma-
chine à fendre , fur le nombre yZo. Il fera
mû par une vis fans fin fimple , laquelle
tournera au centre d'une grande plaque que
l'on fixera avec deux vis fur le chaiîïs de
la machine. Cette plaque fera divifée en
72.0. La tige de la vis fans fin portera quar-
rément ur.e aiguille £: une manivelle ; ainfi
en tournant la manivelle , on fera tourner
l'aigUille fuivant le nombre de dents fur
lequel on vent fendre une roue. La prciïion
d'une efpece de pince fervira à fixer l'ai-
guille fur les degrés , ce qui empêchera
qu en fendant elle ne puiflé tourner. Je
donnerai une table des nombres qu'on
pourra fendre , &z du nombre de degrés
qu'il faudra faire parcourir à l'aiguille , &
une règle pour les trouver
F E N 97P
cft le divifeur ; c'ell en partie de lui que
dépend lu jultelfe des roues, l! faut qu'il
foit le plus grand pofTible , il n'eft fimple
que dans ce cas ; s'il y a des inégalités , elles
font ou apparentes , alors on les corrige, ou
très-petites, & dans ce cas eles devien-
nent moins ienfibles pour des roues qui fonC
infiniment plus petites.
Par des raifons femblables , ces divifeurs
demandent d'être divifés fur d'autres beau-
coup plus grands. C'efl pour approcher au-
tant qu'il cii poffible du point de perfec-
tion , que M. Hullot a fait un divifeur pour
pointer les plates-formes , lequel a fix
pies de diamètre ; il efi folidement fait ,
divifé avec exadicude : les ajufiemens des
pièces qui fervent à former les points fur
les plates -formes ou divifeurs, font conf-
truits & exécutés avec beaucoup de foin ;
ainfi on doit attendre toute la juftjfTe pofïï-
ble des plates formes piquées fur le divi-
feur : j'en juge par expérience.
Comme cette partie intérefTe également
l'Alhonomie , THorlogerie, &: difil'rens
Dans le cas où le nombre 710, ne infirumens de Mathématique , je crois qu'il
coniiendroit pas afiez d'a'iquots pour tous
les nombres , on peut encore en marquer
d'autres fur la plaque où efi; divifé le 710 3
lefquels feroient divifés fur d'autres cer-
cles concentriques : par ce moyen on
pourra fendre tous les nombres dont on
pourra avoir befoin , & fervira particu-
lièrement pour des machines compofées ,
comme fpheres , planifpheres , inftrii-
mens , &c.
De l'exécution des machines à fendre ,
je me fuis engagé de terminer cet article
par parler des foins qu'exige une machine
à fendre pour être bien exécutée & jufte :
on n'attendra pas de moi que je le fafle
avec toute l'étendue que demanderoit cette
partie ; cet article , déjà trop long , ne per-
met de m'arréter que fur les parties les
plus elFentiellcs. \
Pour avoir l'application de tous les
foins , délicatefies d'opérations , raifonne-
mens , ÊV. il ne faut que voir la michine
ù fendre de M. Hullot ; cet habile artifte
l'a mife au point qu'il ne refte rien à dé-
firer pour la perfection : je ne ferai donc
que le fuivre dans ces opérations. Une des
principales parties d'un outil à fendre ,
ne faut rien négliger pour la porter à fa
perfeûion ; & c'eft en donnant à ceux qui
ont du talent , les moyens de profiter de
ce que l'on a fait , qu'on peut y travai'ler.
Cet article efi de M. Ferdinand BeR"
THOUD.
Fendre, {machine à) Fendre les
roues de montres arbrées. Cette machine
eft faite fur les mêmes principes que celle
dont on a parlé ci-deffus. 'Voyez Machine
à fendre les Roues de rencontre & Mon-
tres,
Fendre, {Jardin.') fe dit d'une terre
gercée dans une plate-bande , dans une
caiffe , &: qui dénote que l'arbre a befoin
d'être arrofé.
FENDU , ( Point ) en terme de Bro-
deur au métier y fe fait de divers points
inégaux, dont le premier commence à
l'extrémité fupérieure du trait de crayon
marquant la nervure [voye^ Nervure) ;
le fécond à côté ; mais en defcendant &
remontant à la pointe du premier , à pro-
portion de ce qu'il eft defcendu , ainfi des
autres. On obferve dans ce point , de
I laifier l'intervalle d'un fil entre deux pour
^ la féconde nuance , dont \es points entreu»
HhhhJiJii
^So F E N ,
plus ou moins dans ceux de la première ;
ce qui proprement fait le point fendu ,
& produit les pafTages ménage's aux nuan-
ces , qui fans cela le couperoient trop ru-
dement , & repréfenteroient des parties de
fleurs différentes coufues l'une à l'autre.
Fendu en Pal, {Blafon.) Il fe dit
d'une croix , & fait entendre qu'elle eft
fendue de haut en bas , & que les parties
font placées à quelque diftance l'une de
l'autre.
FENESTRAGE, f. m. (Jun/prud.)
dans le pays d'Aunis , eft le droit d'avoir
des ouvertures ou efpeces de fenêtres dans
ks bois de haute -futaie. Les bécafTes
paflent le matin & le foir dans ces fe-
nêtres , & fe prennent dans les îilets qu'on
y tend.
A Chartres on appelle feneflrage , le
droit qui fe paie au feigneur pour avoir
boutique ou fenêtre fur la rue, pour y
expofer des marchandifes en vente. Le
livre des cens & coutumes de la ville de
Chartres , qui eft en la chambre des
comtes , fol. 5 j , porte que le feneflrage
eft de 15 fous pour chaque perfonne qui
vend pain à fenêtre en la partie que le
comte a à Châteauneuf. {^A)
FENÊTRE, f. m. {Archltect. voye\
Croisée ) Phyf. On remarque ordinaire-
ment qu'en liiver les fenêtres le couvrent
de glace en dedans , & non pas en dehors.
Voici la raifon ( purement conjedurale )
qu'on peut en donner. L'air du dedans de
la chambre étant plus échauffé que l'air
extérieur , laifîe retomber les vapeurs qu'il
contient: ces vapeurs s'attachent aux vitres;
enfuite pendant la nuit l'air intérieur fe
refroidiftant , ces vapeurs fe gèlent ^fur les
vitres auxquelles elles font attachées. V.
Givre. (O)
FENETRE, ( Antiq. ) Toutes les
fenêtres des maifons découvertes dans
Herculane , font petites , fermées fim-
plement avec des volets en bois ; quel-
ques-unes ont des chaftis garnis de petits
morceaux de talc ou de pierre fpéculaire.
L'on a trouvé dans cette \\\\q\i\\q fenêtre
garnie de gros morceaux de plaques de
verre épaiffes &: brutes: ce qui prouve
que l'art d'étendre le verre fur des tables
F E N
pour en faire des efpeces de vitres , n'étoïc
pas totalement ignoré. L'art de faire des
verres à la canne de fer percée pour les
foufler , étoit connu des anciens ; mais ils
n'avoient pas encore imaginé d'étendre en-
fuite ce verre en plaques minces , pour er»
faire des vitres.
On voit dans les tableaux d'Herculane
quantité de payfages embel.is par de fu-
perbes palais. Les fenêtres des maifons des
particuliers & des temples ne paroifîent
pas toujours d'une forme agréable ; l'on en
voit qui font rondes , d'autres font quar-
rées , d'autres en feuille de trèfle , en ovale,
en figures très- flngulieres ; quelques-unes
font placées près des angles des murs :
elles ne font pas toujours ahgnées & efpa-
cées avec régularité & proportion. En un
mot , l'on y voit , ainll que dans les jar-
dins aftuels de l'empereur de la Chine ,
que les anciens s'amulbient quelquefois à
donner à leurs fenêtres des formes irré-
gulieres. Les Chinois aiment le grand jour:
peut-être que l'ufage des grandes fenêtres-
&: le papier blanc , dont on décore les
appartemens , ont contribué à procurer
à ces peuples des yeux à demi fermés : peut-
être aulli que la forme des yeux des Chi-
nois les néceflite aujourd'hui à faire de très»
vaftes fenêtres ; leurs pays abonde en
aveugles.
La mode exige en France que l'or»
fafî'e dans les maifons , des fenêtres de
quatre pies de large fur huit de hauteur ;
mais le bon fens les prolcrira inceffani'
ment. En général , il eft ridicule dans
des pays froids d'avoir de trop grandes
fenêtres. Il paroît que fi l'on fe bornoic
dans les pays tempérés à donner aux fe^
nêtres deux pies & demi de large fur
cinq pies de hauteur, le jour feroit fiifii-
fant; les mailians feroient plus fûtes &
plus durables , & la vue feroit moins af-
foiblie par le trop grand jour. La police
dcvroit régler cet article dans chaque
pays. Autrefois on élevoit un fronton en
faille fur chaque fenêtre : cet ufage ridi-
cule devient aujourd'hui nécefîaire dans
les maifons où l'on met un comble à la gé-
noifc , parce que la corniche ou le couvert,
ayant trop peu de faillie, la pluie entre
dans la maifon, & il eft défagréabic J*
F E N
ne pouvoir pas aftiiellement ouvrir une
fenêtre , fans être auffi expofe à l'intem-
périe de la faifon que fi on étoit au mi-
lieu de la rue : les combles & les corni-
ches à la génoife ne conviennent donc
que dans les pays où il pleut très- rarement.
Les perfonnes qui étudient, ne doivent
jamais travailler en face de la fenêtre ;
elles doivent faire en forte i° . que la
lumière tombe indiredemeut fur leur li-
vre ,- & 1°. qu'il n'y ait que la petite
quantité de lumière fuffifante pour lire ;
alors elles pourront foutenir le travail plus
long-temps, fans nuire à leur fanté. Les
petfonnes riches emploient des rideaux
verds ou des flores , ou des jaloufies mo-
biles pour affoihlir le jour des cabinets ;
plufieurs religieux en huilant les papiers
de leurs chaflis , délaient ou broient dans
l'huile quelques grains de verd diltillé ,
c'efl-à-dire , cryftaux de venus , pour co-
lorier en verd les papiers de leurs chafîis.
Tous ces ufages ont leur utilité pour con-
ferver la vue & les meubles.
Les fenêtres des cuifines , des potagers ,
des écuries , des braderies , des greniers ,
doivent être très-grandes ; jamais il ne
peut y avoir un trop grand jour. La fo-
Iidité des maifons exigeroit que l'on fit
peu d'ouvertures dans le bas & beaucoup
dans le haut : mais on fait précifément le
contraire ; le rez-de-chauffée , fur-tout
dans les villes , eft coupé par de grands
arcs de boutique , qui néceffitent à fou-
tenir le bâtiment par de fimples pilaflres.
Il feroit à fouhaiter que la police ordon-
nât de faire de limples fen.tres à la place
des vafles arcs de boutique : il feroit
pour lors très-difficile aux voleurs de pil-
ler les magafins des négocians , & l'on
verroit très-rarement écrouler des maifons
dans les villes.
L'on a remarqué dans les pays tempérés
F E N 9S1
toujours être placées au nord , à moins
que l'on ne s'apperçoive que le vent du
nord eft humide , parce qu'il parcourt la
furface des lacs ou des marais ; pour lors ,
on fe borne à faire les ouvertures des
fenêtres à l'occident.
On voit dans plufieurs bâtimens des
anciens Romains , qu'ils donnoient à leurs
fenêtres à peu près la même coupe que
nous leur donnons , c'eft-à-dire , un paral-
lélogramme rcdangle , dont la hauteur
eft le double de la largeur ; ils les for-
moient fimplement en cadre de tableau :
ils coupoient un peu les bords inférieurs
de la pierre qui couvre la fenêtre , pour
procurer plus de jour , & pour donner à
la couverture la forme d'une petite voûte
apparente. En un mot , la forme des fe^
nêtres qui font en ufage aujourd'hui dans
la France , efl la même que celle qui
étoit obfervée dans les bâtimens du temps
de l'empereur Augufte : mais les Romains
les faifoient beaucoup plus petites. L'on
voit, dans les tableaux d'Herculane, que les
anciens connoifToient l'ufage de garnir les
fenêtres en jaloufie , c'efl-à-dire, en pe-
tits treillis de bois ; mais il paroît qu'ils
ignoroient l'art de former des jaloufies
en liteaux mobiles qui donnent par le
moyen de la tringle , ou d'une corde qui
les lie tous , la quantité de lumière que
l'on defire. {V. A. L.)
Fenêtre , ( Anat. ) On appelle ainfî
deux cavités de l'os pierreux , placées
dans le fond de la caiffe du tembour ,
dont l'une eft ovale & fupérieure , l'autre
ronde & inférieure. La première , qui
tend au veftibule , eft fermé par la baie-
de l'étrier. Cette bafe adhère à la fenêtre
ovale par une petite membrane fort fine ,
qui ne l'empêche pas néanmoins d'obéir
au mufcle de l'étrier.
La féconde cavité eft ronde & plus
que les greniers qui ont des ouvertures, petite; elle eft aufïï bouchée par une
„'„aA j;..„ j„. r...,f..,., a.. „/.../ j.. j membrane déliée, qui paroît venir de la
portion molle du nerf auditif. La fenêtre
ronde form.e l'embouchure du canal pof-
rérieur de la coquille. Voy. Oreille y
Labyrinthe , Temporal, (g)
Fenêtre , parmi les Horlogers ,
fignifie une petite ouverture faite dans-
une platine au delfus d'un pignon, poi;£r
c'eft-à-dire , des fenêtres du côté du nord
& du couchant , n'ont prefque jamais de
eharanfons : l'air libre & troid qui circule
fur le grain , empêche la génération de
ces infeôes. L'air fi-oid du nord eft éga-
lement utile pour la confervation des vins ,
des viandes & des tiruits. Les fenêtres des
dépenfes , des caves , des fruiteries doivent
5S2 F E N _ ^ F E N
voir fi fon engrenure a les conditions re-l manque, mêlée de quelque douceur. Sa
quifes. ( T)
tige elt haute de trois ou quatre coudtes ,
FENÈSTRELLES , {Ge'ogr.) petit ; droite , cylindrique , cannele'e, noueufc,
bourg dans la vallée des VauJois fur le lifle , divilée vers le fommet en phifieurs
Clufon , avec une forterefle qui appar- 1 rameaux ; couverte d'une e'corce mince
tient au roi de Sardaigne ; elle eft entre
Sufe & Pignerol. Longit. 14. 45. latù.
44- 5«- (D.f.)
* FENIL , f. m. ( Econom. ruftiq. )
•On appelle de ce nom tous les lieux dcf-
& verte , remplis intérieurement d'une
moelle fongueufe & blanche. Ses feuilles
font amples , découpées en plufieurs laniè-
res , ou en lobes étroits ; d'un verd foncé ,
d'une faveur douce , d'une odeur fuave ;
tinés à ferrer le foin : il faut les conf- chaque lobe efl: cylindrique , & ceux qui
truire de manière que l'aliment des bef-|font à 1 extrémité , font comme des che-
tiaux n'y foit expofé ni à la chaleur ni à | veux. Ces feuilles font portées fur des
l'humidité
FeniL, {Econom. ruftiq.) ed une
grofTe meule' de foin élevée en pyramide
;m milieu de la campagne ou dans une
bafî'e-côur , faute de greniers. On met
ime grande perche dans le milieu , & de
grofTes pierres attachées à des cordes que
foutient le bout de la perche , lefquelles
prefTent toujours le foin contre la perche,
& entretiennent la pyramide dans les
temps d orages. {K)
FENIN , f. m. ( Commerce.) mon-
noie de compte à Naumbourg ; c'efl: auffi
une efpece courante de cuivre : l'une &
l'autre vaut deux deniers & demi de
France. Il en faut douze pour le gros ;
& vingt - quatre gros pour la rixdale ,
comparée à notre écu de foixante fous.
FENOUIL , f. m. fœniculum , ( Hijl
nat. botdn.) genre de plante à fleurs en
rofes difpofécs en ombelles , & compofées
de plufieurs pétales rangées en rond , &
foutenues par un calice qui devient un
fruit dans lequel il y a deux femences
oblongues , épaifTes , convexes & cannel-
lées d'un côté , &: applacies de l'autre.
Ajoutez aux carafteres de ce genre, que
les feuilles font découpées par parties
fort longues &: fort menues , & qu'elles
queues qui embraflent en manière de gai-
nes la tige & les branches. Le fommet
des figes & des rameaux porte des om-
belles ou parafols arrondis dont les fleurs
font en rôle, à cinq pétales jaunes, odo-
rans , appuyées fur un calice qui fe chan-
ge en un fruit compofé de deux graines
oblongues, un peu convexes & cannelées
d'un cûcé , applaties de l'autre , noirâtres ,
d'une faveur acre &: un peu forte. Cette
plante croît parmi les cailloux dans les
pays chauds ; cette graine devient douce
par la culture , & la plante un peu difFé'^
rente : de-là naifTent les variétés de cette
efpece de yf/2yw/7. On le cultive dans nos
jardins.
Le fenouil doux s'appelle fœniculum
dulce , Ofï". Ger. 877. Emac, 10; i. Park.
theat. 864. C. B. P. 147. Raii , 4,-8. Fœ-
niculum dulce , majori & alho femme.
J. B. 5. 4. Tourn. injl. 511. Rapp. yfor.
jen. 124. Fœniculum , Jn'e mjrathrum
i-'ulgatius , dulce. Lob. icon. 77 y.
A peine paroît-il différent du fenouil
commun , fi ce n'eft en ce que fa tige eft
moins haute , plus grêle , & fes feuilles plus
petites ; mais ces graines font plus longues &
plus étroites , cannelées , blanchâtres , plus
douces & moins acres. Si on feme cette
tiennent à une côte. Tournefort , in/l. rci efpece de fenouil , elle dégénère peu à
herb. Voye\ PLANTE. (/)
Il y a pluiieurs efpeces de fenouil.
Le
peu à meiiire qu'on la reieme ; de forte,
que dans l'efpace de deux ans elle devient
fenouil commun , fœniculum mil- un fenouil commun : c'eft pourquoi Ray
rMT r- .. t> — -n iî_..i. p^,n(g qyg cette graine eft apportée des
pays les plus méridionaux , peut-crre de
Syrie , comme Lobel le dit ,• ou des illes
Açores , comme d'autres le prétendent.
Le fenouil d'Italie , fœniculun itahcunt
g^re , Off. Ger. ^77. Emac. 1032. Park
theat. 884. Rail hif. i. 457. &c. cil
ainfi décrit par nos Botaniftes.
Sa racine eft vivace , & dui-e plufieurs
années , elle eft de la grolTcur du doigt ,
& plus droite; blanche, d'une faveur aro- rulgure , L. B. & en Italien ^i'/joccA/o , ne
F E N
difFere du fenouil doux que par rextréme
agrément de fon goût & de fon odeur :
aufTi n'eft-il cultivé que pour être fervi
fur les tables , comme le céleri , en guife
de falade- Voyez Fenouil , ( Jdidi-
nage. ) Article de M. le Chei'dier de
Jaucourt.
Fenouil. ( Jardinage. ) Le fenouil
commun & le fenouil doux font cultives
dans nos jardins , tant pour les tables qu'à
caufe de la graine , employe'e en cuifme &
en pharmacie.
Quelques Apicius de nos jours ordon-
nent d'envelopper le poifTon dans les
feuilles de fenouil , pour le rendre plus
ferme & plus favoureux , foit qu'on veuille
l'apprêter frais , ou le garder dans de la
faumure.
Les fommitJs de fenouil vertes & ten-
dres , mélJes dans nos faladcs, y donnent
de l'agrc-menr. Dans les pays chauds on
fert les jeunes pouïïes du fenouil avec la
partie fupcrieure de la racine , que l'on
ail'aifonne de puivrc , d'huile & de vinai-
gre , comme nous faifons le céleri.
La culture du fenouil commun n'a rien
de particulier. Quand le plan a fix lemai-
nes ou deux mois , on l'éclaircit & on le
farcie. Il demande peu d'eau , à moins
qu'on ne le deftine à être mangé en pie ,
& alors il faut préférer le fenouil doux.
On le repique comme le céleri , & on
refpace à un pié en tout fens. On ûte foi-
gneufement les mauvaifes herbes , on l'ar-
rofe , on le butte ; il groiïït , il blanchit ,
forme un pié plus gros que le céleri , & le
furpaffe même en bonté.
Mais le fenouil d'Italie a bien d'autres
qualités que le nôtre, foie que le climat
de Paris ne lui foit pas favorable , foit plu-
tôt que nous ignorions l'art de le cultiver.
Il eft certain que la faveur , la finelfe &
l'odeur du fenouil en Italie , charment le
goût & l'odorat : aufïï les Italiens en font
un grand ufage. La pointe des jeunes
feuilles ennu dans leurs fournitures de fa-
lade , ils mangent par délices les extré-
mités des jeunes branches avec du fel , ou
fans affaifonnement.
Comme cette forte de (énfualité à paffé
en Angleterre , où elle prend tous les jours
plus de faveur, Miller n'a pas dédaigné
F E N 585
de s'attacher à la culture da fnocchio , &
d'en donner les préceptes dans fon diclion-
naire , j'y renvoie nos jardiniers curieux.
Art. de M. le chevalier nE J AUCOURT.
YEtiOVlL, fœniculum, (Pharmac. Mat.
Medic.) La plante , la racine & la fe-
mence de cette plante font d'un ufage
fréquent dans nos boutiques , ou on em-
ploie indifféremment l'une &: l'autre ef-
pece àejenouil.
La racine eCc une des cinq racines apériti-
ves , & elle entre à ce titre dans beaucoup
de compofitions officinales.
On tire par la diftillation de la plante
verte , une eau qui efl fort aromatique ,
de la graine verte ou féchée , une huile
effentielle , & une eau très chargée de par-
ties huileufes. Voj. HuiLE essentielle.
Eau distillée.
On fait fécher les racines & les fc-
mences de fenouil , & on les conferve
pour s'en fervir au befoin , foit dans les
préparations officinales , foit dans les pré-
parations magiftrales.
Les femences , qui font du nombre des
quatre grandes femences chaudes , entrent
dans beaucoup do préparations , comme
correflif de certains purgatifs. Voye\
C0R.E.ECTIF. Elles font eîlimées bonnes
pour fortifier l'eftomac , aider la digef-
tion ; on les a fur - tout recommandées
pour diffiperles vents, de -là cet adage
de l'e'cole de Salerne.
S emen fœniculi referai fpiracula culi.
On prend cette graine en poudre avec
du fucre dans du vin , depuis un demi-
gros jufqu'à un gros ; on la mêle aufli avec
les remèdes bechiques , & on la regarde
comme contribuant beaucoup à leurs bons
effets , fur-tout dans la toux invétérée &
opiniâtre.
On recommande beaucoup le fenouil
pour les maladies des yeux. Galien dit que
le fuc exprimé de la plante , eft très-
bon dans l'inflammation de cet organe : il
a été recommandé pour le même mal par
beaucoup de médecins , même des plus
modernes , pris intérieurement à la dofe
de quatre onces. Mais c'eft fur-tout l'eau
diftillée de la plante ou de la femence ,
que nous employons dans ce cas ; on Is
9S4 F E N
fait entrer dans prefque tous les collyres ,
ou remèdes deftinés pour les yeux. Ar-
naud de Villeneuve eft un des plus zélés
panégyriftes de la vertu ophthalmique du
fenouil; il recommande la femence ma-
cérée dans du vinaigre , enfuite féchée &
mêlée avec un peu de cannelle & de fu-
cre , pour conferver la vue , ou pour
la rétablir lorfqu'elle efl: affoiblie &: pref-
que perdue dans des vieillards , même de
80 ans.
Cette même eau efl: beaucoup célébrée
prife intérieurement, pour difliper les coli-
ques venteufes , & pour aider la digeftion.
La racine de fenouil , qui , comme
nous l'avons dit , efl une des cinq racines
apéritives , eft recommandée par quelques
auteurs , comme un fpécifique dans les
petites véroles & dans la rougeole ; Etmul-
1er la propofe comme un remède excel-
lent dans les douleurs des reins & la ftran-
gurie , & comme un des meilleurs anti-
néphrétiques. On lui attribue aufli la pro-
priété d'augmenter le lait dans les ma-
melles : on ne le fait guère prendre qu'en
înfufion , & Herman remarque qu'il ne
faut employer de cette racine que l'écorce
extérieure, & rejeter toute la fubftance
intérieure, {h) '
FENTES PERPENDICULAIRES ,
f. f. ( Géogr. phyf. ) Voici ce que dit fur
ces fentes M., de Buffon, i///?. nat. tom.
I,P'^ë-65^^ àfuii'.
*' On trouve de ces fortes de fentes
>i dans toutes les couches de la terre. Ces
T> fentes font fenfibles & aifées à recon-
?) noître , non feulement dans les rochers ,
» dans les carrières de marbre & de pier-
j> re , mais encore dans les argilles , &
*> dans les terres de toute efpece qui
f) n'ont pas été remuées ; & on peut les
»3 obferver dans toutes les coupes un peu
>j profondes des terrains , & dans toutes
» les cavernes & les excavations. Je les
f> appeWc fentes perpendiculaires , parce
» que ce n'eft jamais que par accident
n qu'elles (ont obliques , comme les cou-
t} çhes horizontales ne font inclinées que
« par accident. Woodward & Ray parlent
»5 de ces/emes , mais d'une manière con-
>! fufe ; & ils ne les appellent pas fentes
t) perpendiculiires , parce qu'ils croient
qu'cl
F E N
■lies peuvent être indiffe'remment
obliques ou perpendiculaires , & aucun
auteur n'en a expliqué l'origine. Cepen-
dant il eft vifible que ces fentes ont été
produites par le deftéchement des ma-
tières qui compofent les couches hori-
zontales. De quelque manière que ce
deftéchement foit arrivé , il a dû produire
des fentes perpendiculaires , les matiè-
res qui compofent les couches n'ont pas
dû diminuer de volume , fans fe fendre
de diftance en diftance dans une direc-
tion perpendiculaire à ces mêmes cou-
ches. Je comprendsfous ce nom de fentes
perpendiculaires , toutes les féparations
naturelles des rochers , foit qu'ils fe
trouvent dans leur poluion originaire^ foie
qu ils aient un peu glifl'é fur leur bafe ,
& que par conféquent ils fe foient un
peu éloignés les uns des autres. Lorf-
qu'il eft arrivé quelque mouvement con-
lidérable à des mafles de rochers , ces
fentes fe trouvent quelquefois pofées
obliquement , mais c'eft parce que la
mafle eft elle-même oblique , & avec
un peu d'attention il eft toujours fort
aifé de reconnoître que ces fentes font
en général perpendiculaires aux couches
horizontales , fur-tout dans les carrières
de marbre , de pierre à chaux , & dans
toutes les grandes chaînes de rochers. ,,
Tel eft l'expofé général du fyftême de
M. de Buffon fur hs fentes ; on en peut
voir le détail & les conféquences dans l'en-
droit cité , pag. 55^ , & fuii'. nous nous
contenterons de recueillir ici les principaux
faits qu'il rapporte.
On trouve fouvent entre les lits hori-
zontaux des montagnes , de petites cou-
ches d'une matière moins dure que la
pierre , & les fentes perpendiculaires font
remplies de fables , de cryftaux , de mi-
néraux , &L. Les lits fupérieurs des mon-
tagnes font ordinairement divifés par des
fentes perpendiculaires très - fréquentes ,
qui reffemblent à des gerçures d'une terre
dcftcchée , & qui ne parviennent pas jul-
qu'au pié de la montagne , mais difparoif-
fent pour la plupart à mefure qu'elles def-
cendent. Les fentes perpendiculaires cou-
peiit encore plus à plomb les bancs inférieurs
que les fupérieurs.
Quelquefois
F E N^
Quelquefois entre la première couche de
fenc végétale & cclie de gravier , on en
trouve une de marne ; iiovsXci fentes per-
pendiculaires infc'rieures i'onr remplies de
cette marne , qui s'amol'it & fe gerce à
l'air.
Les fentes perpendiculaires des carrières
& les joints des lits de pierre, fontincruilés
de concrétions tantôt régu!i£ret& tra fpa
rentes , tantôt opaques !k terreufcs. C'eft
par ci^s fente s ç\\\Q l'eau coule dans l'intérieur
des montagnes, dans les grottes & les cavités
des rochers, qu'ondoie regarder comme
les balHiis & les égouts des fentes perpen-
dicuLiires.
O.i trouve les fentes perpendiculaires
dans le roc & dans les lits de caillou en
grande malfe , aufli bien que dans les lits
de marbre & de pierre dure.
On peut obfervcr dans la plupart des
rochers découverts que les \iZTo\sAes fentes
perpendiculaires , foie larges Ibit étroites,
fe correlpondent Huffi exadement que celles
d'un bois fendu. Dans les grandes carrières
de l'Arabie , qui lont prefque toutes de
granit, ces fentes font très-fréquentes,
très-lenfib!es , & quelquefois larges de io
à ço aunes ; cependant la correfpondance
s'y remarque toujours.
AlTez fouvent on trouve dans les fentes
perpendiculaires , des coquilles rompues en
deux , de manière que chaque morceau de-
meure attaché à la pierre dt- chaque côté de
la fente ; ce qui prouve que ces coquilles
croient placées dans le folide de la courbe
horizontale , avant qu'elle Ce fendit.
Les/f/zrcj font fort étroites dans la marne,
dansl'argille , dans la craie; elles font plus
larges dans les pierres dures. Voyez lujî.
nat.p.^^z-sG8.{ O)
Fente , f. t. ( Anatam. ) On donne ce
nom à Ja cav té d'un os , qui elt étroite ,
longue & profonde. (§■)
Fente , ( en Chirurgie ) fe dit aufh
ij'une efptce de fraâure fort étroite , &
quelquefois fi fine qu'on a de la peine à la
dée<:.uvrir : elle fe nomme fente capillaire.
Voyez Fiffure. ( Y )
Fente , ( Hydraul ) fe dit , dans une
gerbe d'eau , de p\u{i<.:ms fentes circulaires
oppofécs l'une à l'autre, que l'on appelle
£Ortio'i'i de couronnes. Cç font fouvent
Tome XII L
F E N J85
des ouvertures en long , formant de petits
parallélogrammes. Voyez Gerbe. ( K)
Fente , ( Greffer en ) Jardinage. Voy.
Grejf'er.
Fente, en terme de Cornetier y {c dit
de l'opération par laquelle on fépareun ergoc
fur u.ie partie de fa fupcrficie , fans le défu-
nir entièrement. Voyez Fendre.
FENUGREC , f. m. fœnum-grœcum ,
( Hi/l. nat. bot. ) genre déplante à fleuc
papillionacée ; il fort du calice un pilli! qui
devient dans la fuite une filique un peu
applatie , faite comme une corne. Elle
renferme des femences qui font pour l'or-
dinaire de forme rhomboïdale, ou de la
forme d'un rein. Ajoutez aux caraderes de
ce genre qu'/l y a trois feuilles fur un feul
pédicule. Tournef infl. rei. lierb. Vovca
Plante. ( / )
Boerhaave compte fept efpeces defe'nw
grec , mais nous ne décrirons que la prin-
cipale. Elle fe nomme dans les auteurs
f'.vmim-gr.vcum , Off. J. B. i. z6]. Rail ,
htftor. g §4. Fœnum - gi cecum fatu'um .
G. B.P.24S. J.R. H. 409.
Sa racine e(l menue ; blanche , fimple ;
iigneufe, & périt tous les ans. Sa tige elt
unique , haute d'une demi - coudée , grêle,
verte, creufe, partagée en des branches
& en des rameaux. Ses feuilles font au,
nombre de trois fur une même queue , fem-
blables à celles du trèfle des prés , plus
petites cependant ; dentelées légèrement
tout au tour , tantôt < blongues , tantôt
plus larges que longues ; vertes en defuis ,
cendrées en deflbus. Ses fleurs naiflenr de
l'aiflelle des feuilles ; elles font légurni-
neufes , blanchâtres , papillionacées , plus
petites que celles du pois. Sv^s fi'iques fonc
longues d'une paLne ou d'une palme &
demie , un peu applaties , courbées , fai-
bles, grêles, étroites, terminées en une
longue peinte , remplies de graines dures,
jaunâcres , à peu près rhomboïdes , avec
une échancrure , fiilonnées , d'une odeur
un peu forte , & qui porte à la tête. Ori
feme cette plante dans les champs en Pro-
vence, en Languedoc , en Italie & autres
pays chauds. Sa graine eft emp'oyée par les
Médecins. Voyez Fenu-grec ., ( Mat.
niéd. ) Article d( M. le Chevalier DE
J AU COURT.
liiiii
pS<i F E 0
FeNU-GrEC , ( Pharm.&Mjt: me'l )
on n'emploie de cette plante que la fe-
mence qui eft connue dans les boutiques
fous le nom de femence de fenu - grec ,
on de fe nu-grec fimplement ; & on ne l'em-
ploie que pour des ufages extérieurs.
Cette femence eft très-mucilagineufe.
Voyei Mucilage. Elle eft recomman-
dée pour amollir les tumeurs , les faire
mûrir , les refoudre & appaifer les dou-
leurs. On la réduit en farine , que l'on
emploie dans les cataplafmcs émoHiens &
réfolutifs , ou bien on extrait de la fe-
mence entière le mucilage , avec lequel
on fait des fomentations. On en prefcrit
utilement la décoction pour des lavemens
émolliens , carminatifs & anodins , con-
tre la colique, le flux de ventre & la
dilfenterie.
On vante beaucoup le mucilage que l'on
retire de cette graine , pour dilîiper la
meurtrilTlire des yeux. Simon Pauli &
Rivière difent que e'eft un excellent re-
mède contre l'ophtalmie.
Le jenu-grec a une odeur très- forte ,
qui n'cft point défagréable , mais qui porte
facilement à la tête.
Cette femence entre dans plufieurs
préparations officinales, par exemple, dans
l'huile de mucilage .l'onguent martiatuni :
fon mucilage eft un des ingrédiens de
l'emplàtrc dyachylon , de l'tmplàtre de
mucilage, & de l'onguent de guimauve
ou alchiva. ( b )
FEODAL , ad;. ( Jurifpr. ) fe dit de tout
ce qui appartient à un fie'.
Bien ou héritage féodal , eft celui qui eft
tenu en fief.
Seigneur féodal , eft le feigneur d'un
fief.
Droit féodal, eft un droit feigneurial
qui appartient d caufe du fief, comme les
cens , lods & ventes , droits de quint , &c.
On entend aufll quelquefois par droit
féodal, le droit des fiefs , c'eft-à-dirc , les
loix féodales.
Retrait féodal , eft le droit que le fei-
gneur a de retenir par puiftance de fief
l'héritage noble , vendu par fon vaftal.
î^oj'e:^ Retrait Féodal.
Saijie féodale , eft la main mifc dont
le feigneur dominant ufe fur le fief de
F E O
fon yafTal par faute d'homme , droits , &
devoirs non faits & non payés. Voyez
Sailie féodale. Voyez ci - après Fief.
FEODALEMENT , adv. ( Junfp. )
fe dit de ce qui eft fait en la manière
qui convient pour les fiefs : ainfi tenir un
héritage féodalement , c'eft le pofteder à
titre de fief ; retirer féodalement , c'eft
évincer l'acquéreur par puiftance de fief;
faijir féodalement , c'eft de la part du
leigneur dominant , mettre en îa main
le fief fervant par faute d'homme , droits ,
& devoirs non faits & non payés.
Voyez Fief , Retrait Féodal , Saijie
Féodale. ( ^ )
FEODALITE , ( Jurifpr. ) c'eft la
qualité de fief , la tenure d'un héritage à
titre de fief Quelquefois le terme de féoda-
lité [s prend pour la foi & hommage , la-
quelle conftitue l'ellence du fief : c'eft en
ce fens qu'on dit, que h féodalité ne fe
prelcrit point , ce qui fignifie que la foi
eft imprefcriptible de la part du vaftal
contre fon feigneur dominant ; aulieu
que les autres droits & devoirs peuvent
être prefcrits. Voyez Cens y Cenjive ,
Fief, Prefcription. {A)
FEODÈR , f. m. ( Comm. ) mefure
des liquides en Allemagne. Le féoder eft
eftimé la charge d'une charrette tirée pac
deux chevaux. Deux /t'Weri & demi font
le roder ; fix âmes, h féoder; vingt fer-
rels , l'ame ; & quatre maftins ou martes ,
le fertel : en lorte que \u féoder contient
480 maftes , Pâme t»o , & le fertel 41.
Quoique le féoder foit comme la mefure
commune d'Allemagne , fes diviiions ou
diminutions ne font pas pourtantles mêmes
par - tout ; & l'on peut prefque dir,3
qu'il n'y a que le nom qui foit fembla-
ble. A Nuremberg , le féoder eft de 1 i
heeniers , & le heemer de 64 maftes ;
ce qui fait 768 maftes au féoder. A
Vienne, \e féoder eft de 31 heemers , le
heemer de 32 achtclings , & l'achtelini;
de 4 feiltens ; l'ame y eft do 80 maftes ,
le fertel , qu'on nomme z\\iÇ\ fchrcre , de
quatre maffos ; ôclc drinclink, mefure qui
eft piopre à cette capitale d'Autriche , da
14 heemers. A Ausbourg , le féoder eft
de 8 jés, & le je de deux muids ou douze:
FER
liX'fons , le befon de 8 mafles '; ce qui
fait 768 malTcs an fc'oder , comme à celui
de Nuremberg. A Heidelbcrg , ie jéoder
eft de 10 âmes, l'ame de 11 vertels ,
levertel de 4 maffes : ainfî \e féoder r\\'à
que de 480 mafles. Dans le Virtemberg ,
\e féoder cft de 6 arnes , l'ame de 16
yunes , l'yune de lo mafFes , & par con-
fcquenc il y a 96c mafles dans le jéoder.
Voyez Roder , Fertel , Mdjfe , Heemer ,
yîchteling, Seilten , Schrene , Driclink ,
Je, Befon, Venel , Yiine , &c. Dic-
tionnaire du Commerce ; de Trévoux èc
Chamh. ( G )
FER , f. m. ( Hijî. nat. Minéral. Mé-
tall. & Chym. ) jerrum , mars. Le fer
eft un me'cal imparfait , d'un gris tirant
fur le noir a l'extérieur, mais d'un gris
clair & brillant à l'intérieur. C'eft le plus
dur, le plus élaffique , mais le moins
duftile des métaux. Il n'y en a point qui
entre aufTi difficilement en fiifion : cela
ne lui arrive qu'après qu'il a rougi pcn-
F E R 587
i*'. Le fer natif. On entend par-là du
fer qui fe trouve tout formé dans la na-
ture , & qui ef^ dégagé de tcu(e matière
étrangère , au point de pouvoir être tra-
vaillé & traité au marteau fans avoir
éprouvé l'aflion du feu. Les minéralcgifïcs
ont été très-partages liir l'exift^nce du fer
natif, que plufieurs d'entre eux ont abfo-
lument niée : mais cette qutftion eft au-
iourd'hui pleinement décidée. En cfïet M.
Rouelle de l'académie royale des Sciences ,
a reçu par la voie de la compagnie des
Indes, des morceaux deyèrnar//, apportés
du Sénégal où il s'en trouve des mafles &
des roches très-confidérables. Ce favant
chymifle les a forgés , & il en a fait au
marteau des barres fans qu'il ait été nécef-
faire de traiter ce/fr par aucun travail pré-
liminaire.
1**. La mine de fer cryflallifée. Elle eft
d'une figure , ou oâahcdre ou cubique ,
ayant la couleur Ae fer même. La fameufe
mine de fer de l'ifle d'Elbe , connue
dant fort long-temps. La principale pro- du temps des Romains , eft de cette
priété à laquelle on le reconnoit , c'eft
d'être attiré par l'aimant. La pefanteur
fpécifique du fer eft à celle de l'eau ,
à peu près comme fept & demi eft à un ;
mais cela doit néceffairement varier à pro-
portion du plus ou du moins de pureté de
ce métal.
"Le fer étant le plus utile des métaux , la
providence l'a fort abondamment répandu
dans toutes les parties de notre globe. Il y
efpece.
3°. Lamine de fer blanche. Elle eft
en rameaux ou elle eft en cryftaux, ou
bien elle rellemble a du fpath rhomboïdal,
érant formée comme le lin , d'un affem,-
blage de feuillets ou de lames étroite-
ment imies les unes aux autres. Celle
d'Alvarc en Dauphiné eft de cette efpece :
au coup d'œil on n'y foupçonneroir poinc
de fer , cependant elle eft très riche
o_ r :- ___ > o_ I! J_ /• _ • 1
en a des mines très-riches en France, en '& fournit 70 à 80 livres dc/^r au quir.tnl
Allemagne , en Angleterre, en NorWege ;
mais il n'y a point de pays en Europe qui
en fourniffe une aufTi grande quantité , de
la meilleure efpece , que la Suéde , foit
par la bonté delà nature de fes mines , foit
par les foins que l'on fe donne pour le tra-
vail de ce métal.
On a été long-temps dans l'idée qu'il n'y
avoit point de mines dey^r en Amérique ;
mais c'eft une erreur dont on eft revenu
depuis long-temps , & des obfervations
plus exaftes nous afTurent que cette partie
du monde ne le cède en rien aux autres
pour fes richeffes en ce genre.
Les mines de fer varient & pour la
figure & pour la couleur. Les principales
font ;
Pour diftinguer la mine de fer tl.inche
du fpath , il n'y a qu'à la faire rougir
dans le feu ; n elle devient noire , ce
fera une marque qui annoncera la préfence
du fer.
4". Lamine de fer noirâtre. Elle eft très-
riche, attirable par l'aim.ant , d'un tiflu
compaft ; ou bien elle eft parfemée de
petits points brillans , ou formée par uti
affemblage de petits grains ou paillette* de
difFérentes figures & grandeurs.
5°. La mine de fer d'un gris de cendre.
Elle eft un peu arfénicale , & n'eft point
attirable par l'aim.ant.
6°. La mine de fer bleue. Elle n'eft
point attirable par l'aimant; fa couleur
eft d'un bleu plus ou moins foncé ;
liiiii z
5)88 FER
elle eft ou en grains , ou en petites
lames , Ùc.
. -j° . La mine de fer fne'culjire. Elle eft
forme'e par un amas d j lames ou de feuillcF
luîfa;ites , d'un gris obfcur , l'aimant
l'attire.
8?. V hématite om fxnguine . Si couleur
eft (,>u rouge , ou jauie , ou pourpre , ou
refTemble à de l'acier pt^li , c'e'u-à-dire ,
ert d'un noir luifanc ; elle varie au'H quant
à la figure , étant ou fphorique , ou demi-
fphJrique , ou pyramidale , ou en ma-
melons. Quand on caife cette mine , on
la trcuve intérieurement ftrice. Quand on
l'ecrafe , elle fe ruduit en une poudre ou
rouge ou jaune. Cette mine fe trouve fou-
vent en petits globules bruns ou jaunes ,
femblables à des pois , des fèves , ou des
noifettes. Il y a des pays où il s'en trouve
des amas immenfes : ce font autant de
petites hcmatites dont on peut tirer de
très- bon yèr.
1)^. U aimant. C'eft une mine de/f/-qui
eO ou d'un tiffu compaû , ou compofée de
petits grains, ou parfemée de points bril-
lants ; la couleur eft ou rougeàcre , ou
bleuâtre , c'eft- à-dire , de la couleur de
l'ardoife ; elle a la propriété d'attirer le/e/-.
Voyez t article Aimant.
lo*. Lamine de ferfablonneiife. I! paroît
que cette mine ne devroit point faire une
cfpecc particulière ; en eftet , elle ne
diffère des autres qui précèdent , que par
la petiteffe dé fes parties , qui font dé-
tachées les unes Aes autres. C'eft ordinai-
rement dans un fable de cette efpece que
fe trouve l'or en paillettes , ou l'or de
lavage.
II**. Lamine de ferlimoneufe , {paliif-
tris. ) Elle eft d'un brun plus ou moins
foncé à l'extérieur , & d'un gris bleuâtre ,
ou d'un gris àeferb. l'intérieur quand on
la brife. C'eft de toutes les mines de
fer la plus ordinaire ; elle n'affefte point
de %ure déterminée ; mais fe trouve par
couches & par lits dans le fein de la
terre , ou au fond de quelques marais
ou lacs.
11*. L'ochre. C'eft une terre, ou plutiôr
du/fr décompofé par la nature; il y en a
de brune , de jaune , & de rouge : c'eft
à, la décompofitioD des pyrites & du
FER
vltriùl , qu'on doit attribuer la formation
'c l'ochre.
Toutes ces mines de/er font dJcrites en
>iécail dans \:i Mniéialogie de Wal!ernis ,
tome I ipage 455 & fuiv. de la traduction
ha.içoife , que I on pourra confu ter , ainfi
c]ue ['Introduction à la Minéralogie de
Henckcl , page i§ï bfuiv. de la première
part.e ûans ia tiad.iction.
Quelques auteurs ont parlé de mines
d'acier ,• mais ces mines ne doivent être
.egardces quec<jmme des min^s de fer qui
donnent de l'acier dès la première fu-
Jon , pai ce qu'elles font très - pures &
dégagées de fubliances étrangères nuifibles
à la perfection du fer. Peut-être auffi que
des voyageurs peu infiruits ont appelé
mines d^ acier, des fubftances qui n'ont
rien de commun avec l'acier qu'une
relfcmblance extérieure fouvent trom-
peufe.
On voit par ce qui vient d'être dit ,
que parmi les mines de fer il y en a
qui font attirables par l'aimaiit , tandis que
d'autres ne le font point ; ce qui prouve
que ce n'elt pas à ce caractère feul qu'on
peut reconnoître la préfence du fer dans
un morceau de mine. On verra même
dans la fuite de cet article , que le fer
peut être allié avec une portion confidé-
rable d'autres fubftances métalliques , fans
perdre pour cela la propriété d'être attiré
par l'aimant. On a lieu de croire que
cette propriété dépend du phlogi.lique,
Voyei la Minéralogie de Wallerius ,
tome I , page 4g ^ Ù fuit-'.
M. Henckel penle que la divifion la
plus commode des mines de^fr, fe faic
en confultant leur couleur. Suivant ce
principe , il les divife en blanches , en
grifes , en noires y en jaunes , en rouges ,
en brunes , Sec. Voye\ F introduction à
la Minéralogie , partie I. Il eil certain
que ia couleur peut fervir beaucoup à
nous faire reconnoître les fubftances
qui contiennent du fer; mais ce figne
feul ne peut toujours fuifire : il eft donc
à propos , pour plus de fureté , d'avoir re-
cours à l'elfai.
La meilleure manière de faire l'eftai
d'une mine dey^r, fuivant M. Henclcel ,.
c'eft de commencer par grilUr & pulvéafer.
FER
1?. mîne , d'en prendre un quintal docï-
maltique, deux quintaux de flux noir ,
lin demi-quintal de verre , de borax ,
de fel ammoniac , & de charbon en pou-
c^re , de chacun un quart de quintal ; on
flic fondre le tout à grand fcu dans un
crcufct. Il ajoute qu'il y a de l'avantage
à y joindie de l'huile de lin. Voje^ Iii-
troduclion à Li Aline'rulogie , partie II. lii'.
IX. cliap. ij. feâ. 7.
Les mines as jer que nous avons décri-
tes , ne font pas les feules fubftances qui
contiennent ce métal ; il efî ii univerfcl-
lement répandu dans la nature , qu'il n'y
a prefque point de terres ou de pierres
dans lefquelles il ne s'en trouve une por-
tion plus ou moins grande , fans que pour
cela on puiflfe l'en retirer avec avantage.
Un grand nombre de pierres précieufes ,
telles que les rubis , les jafpes , l'amétifte ,
la cornaline, Ùc. lui doivent leurs cou-
leurs , finon en tout , du moins en grande
partie. Prefque touces les pierres & terres
colorées font ferruginenfes , & il y en a
très-peu qui foient entièrement exe.Tiptes
de quelque portion de ce métal : mais il
fe trouve fur-tout d'une façon fcnfible ,
faris cepend.inc pou\^oir en être tiré avec
profir , dans l'émeri , la manganefe , les
mines àt j'er arfinicales , que les Alle-
mands nomment Sthirl , IVoljran ,
Eifenra.m ,■ d.ins la calamine , les étitjs
eu pierres d'aigle; dans l'argile des po-
tiers , Ùc. Il en encre une portion plus
ou moins grande dans les différentes py-
rites. C'efl: le fer qui fait la bafe du vi-
triol martial , ou de la couperofe ; il fe
trouve dans un grand nombre d'eaux mi-
nérales , & il eil joint avec prefque toutes
les mines des autres métaux & demi-mé-
taux , au point que l'on peut regarder la
terre martiale comme une matrice de ces
fubftances. Cependant le fer fe trouve uni
par préférence aux mines de cuivre ; il
eli très-rare de le voir joint avec les mi-
nes de pîomb : mais on a obfervé qu il
fe trouve infeparablcment uni avec leb
mines d'or;& i! n'y a point, fuivant les
plus célèbres naturaliftes , de mines de
fer qui ne contiennent un vertige de ce
métal précieux. Fondés fur cette analogie,
guelquw-s-uns ont penfé que le fer pouvoïc
FER
9«9
bien contribuer en quelque chofe à la
formation de l'or ; d'autant plus que Bê-
cher , Kunckei , & quelques autres chy-
mif-ies du premier ordre, ont aliuré qu'on
pouvoir tirer de l'or du fer ■ mais c'eft
dans une quantité fi petite , qu'elle ne
doit point tenter les adeptes qui voudroient
réitérer leurs expériences.
Les mines de fer fe trouvent dans la
teî'.e , ou par filons , ou par lits & en
couches fuivies , ou par fragmens déta-
chés que l'on nomme rognons ; on les
trouve fouvent dès la première couche de
la terre ; il s'en rencontre auffi au fond
de quelques lacs & marais
On ne donnera point ici la defcription
des travaux , parkfquels on fait paflèr les
mines pour en tirer le fer; on en trou-
vera les détails à l'article FoPvGE , qui a
été fourni par un homme intelligent &
expérimenté. On fe contentera dwnc d'ob-
ferver que ce travail n'efl point par-tout
le mê/ne. En effet, quelquefois , iorfque la
mine àcfer a. été tirée de la terre , on
peut , après l'avoir écrafée & lavée pour
en féparer les fubflances étrangères , la
traiter fur le champ dans la forge, tan-
dis qu'il y en a d'autres qu'il faut com-
mencer par griller préalablement avant
que de les laver : la mine de fer blanche
d'Aîvare du numéro 3 eft dans ce cas ; on
la tait griller pour que la pierre fe gerce 5
enfuite on ia laifle expofée à l'air pendant
quelque temps , & plus elle y refte , plus
le^dT qu'on en tire ell doux. On el\ en-
core oblige de griller les mines de fer
argilleufei qui portent des empreintes de
poidbns & de végétaux , comme il s'en
trouve en plufieurs endroits de l'Alle-
magne : mais il faut fur-tout avoir foin
de griller fulfifamment , avant que de
taire fondre les mines de fer qui font
mêlées d'arfenic , parce que l'arfcnic a la
propriété de s'unir fi étroitemjnt avec le
>/■ dans la fuiion , qu'il efl impoffible
enfuicc de l'en féparer , ce qui rend le
/er aigre & callant : on ne fauroit donc
apporter trop d attention à griller les mi-
nés de fer arfénicales. Il en eft de mémç
de celLs qui font chargées de foufre.
On trouvera à la fin de cet article , Is
manière de remédier à ces inconvénienj.
ppo FER
Il y a des mines de fer , qui pour être
traitées dans le fourneau .demandent qu on
leur joigne des additions ou fondans ana-
logues à leur nature , & propres à faci-
liter leur fufion , ce qui exige beaucoup
d'expe'riences & de connoiHances ; & cela
varie félon les différentes mines que l'on
a à traiter , & félon les différentes fubf-
tances qui les accompagnent : d'où l'on
voit qu'il eft impoflible de donner là-
deflus des règles invariables , & qui puif-
fent s'appliquer à tous les cas. Ceux qui
exigeront un plus grand détail , pourront
confulcer Emanuei Swedenborg , déferra,
ouvrage dans lequel l'auteur a compilé
preique toutes les manières de traiter le
fer , qui fe pratiquent dans les différentes
parties de l'Europe.
Le yèr qui vient de la première fonte
de la mine , s'appelle fer de gueufe ; il
eft rarement pur & propre à être traité
au marteau : cependant on peut s'en fer-
vir à différons ufages , comme pour faire
des plaques de cheminées , des chaudières,
ÊV. Mais pour lui donner la dudilité &
la pureté qui conviennent , il faut le faire
fondre à plufieurs reprifes , & le frapper
à grands coups de marteau;